Érysichthon de Thessalie en terres arabes

Érysichthon, prince de Thessalie fils de Triopas roi de Thessalie, ordonne à ses courtisans d’abattre le peuplier sacré destiné au culte de Déméter, la déesse grecque de l’agriculture. Tous les hommes qui s’opposèrent au sacrilège furent décapités, exilés ou emprisonnés. Déméter ordonne alors à la prêtresse Nicippé d’aller raisonner Érysichthon, mais en vain. Déo, une des dryades (nymphes déesses mineures présidant au culte des arbres)  qui vivait dans l’arbre le prévient qu’il sera châtié, mais il persiste à abattre l’arbre sacré. Il persiste et abat l’arbre.  Déméter, pour le punir,  l’affecte alors d’une faim insatiable.  Tourmenté par sa faim dévorante il vend tout ce qu’il possédait pour assouvir son appétit sans fin. En quelques jours il a mangé autant de provisions que la population d’une grande cité. Très vite, tout son or et ses biens sont engloutis dans l’achat de nourriture. Il ne lui reste alors qu’à vendre comme esclave sa jeune et jolie fille Mestra. Mestra, ne voulant pas devenir esclave demande à Poséidon de lui accorder le don de se métamorphoser à volonté, en humain ou en animal. Elle peut ainsi pourvoir à la subsistance de son père qui parvient à la revendre grâce à sa capacité d’échapper aux acheteurs en changeant de forme. La fille lassée d’être traitée en esclave par son père, se métamorphose et échappe à son regard et à son emprise. La spirale infernale de manger, manger et encore manger ne peut être rassasié par vendre et revendre l’unique et dernier bien qui a fini par se volatiliser. Le roi Triopas ruiné et honteux par la conduite du prince Érysichthon décide de répudier  son fils Érysichthon dépensier insatiable.  Érysichthon privé de filiation et de biens va passer les derniers jours de sa  vie à mendier et fouiller les ordures. Rien ne pouvait freiner sa faim dévorante : il n’avait le choix qu’entre deux résignations cruelles : mourir de faim ou se dévorer les mains. La faim est plus forte : il meurt en se dévorant lui-même.

Erysichthonisme n’a rien à voir avec l’analgésie où celui qui en est atteint peut se mordre les doigts et la chair jusqu’à l’os. Sans L’analgésie congénitale, cette maladie qui empêche de ressentir toute douleur physique est une forme grave, mais rare. Elle est grave, car elle provoque des handicaps lourds faute de précautions devant l’absence de signaux d’alarme. Elle est rare, car c’est une mutation génétique qui ne concerne que quelques personnes dans le monde et qui montre  dans leur cas que ce qui semble être un avantage (ne pas souffrir) est en réalité un inconvénient majeur. Le mythe d’Érysichthon ou le syndrome « bouffe jusqu’à bouffer le monde, bouffe jusqu’à te bouffer » est plus grave, car il met en danger les peuples et les ressources d’une nation voire la paix dans le monde. Par contre, il n’est pas rare, lorsqu’on observe le système de rente et le mode de gouvernement,  d’appropriation des biens et de consommation tant matérielle qu’immatérielle. Il est l’aboutissement logique des systèmes pervers narcissiques : l’enfantement des monstres.

Ce mythe montre la fin violente et tragique de ceux qui pratiquent la prédation avec voracité et qui commettent des actes sacrilèges.  Combien de rois, de princes, de présidents, de gouvernants, d’administrateurs, dans les contrées arabes et musulmanes vivent sans dévorer les biens de la nation? Quelle funeste destinée les attend? On peut se consoler en se disant que les Européens et les Américains cultivent le même mythe avec une façade démocratique et une narrative médiatique qui font illusion de bonne gouvernance. C’est partout kifkif, sauf que les uns y mettent la brutalité du « non-civilisé » et d’autres le raffinement du « civilisé ». Regardez ce qu’ils ont fait en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen, et ce qu’ils comptent faire de nouveau en Syrie, en Libye, au Liban, en Algérie et en Égypte. La liste n’est pas exhaustive. Jamais l’urgence et la priorité n’ont été aussi fortes que maintenant pour fédérer les honnêtes gens contre le massacre préparé contre les peuples, la confiscation de leurs ressources, la spoliation  de leurs  territoire et le démantèlement de ce qui leur reste valide comme principe et mémoire. Changer de régime ne doit pas se faire sur les décombres d’un pays et l’effusion du sang de ses habitants.

Les « bouffeurs » dévorants et insatiables sont des fauteurs de troubles, mais dialectiquement ils sont aussi le symptôme de la fin d’un système qui ne peut plus se régénérer par l’effort, l’intelligence et l’innovation. Il est otage de ses « sacrilèges », de son impunité,  de sa force, de ses appétits  et de ses clients : il court inévitablement et inexorablement  à sa perte comme les héros tragiques des mythes grecs.

Le mythe n’est ni un conte pour enfant ni une affabulation pour sénile, mais mémoire horrifiée qui se fabrique une catharsis sociale afin d’évacuer les drames légués par l’histoire et continuer à survivre.  Dans un siècle la mémoire arabe aura fabriqué une narrative pour raconter comment deux irresponsables, un monarque  sénile et son fils, ministre de la défense,  fou démoniaque, ont dévoré le monde arabe. Pour les naïfs et les sectaires on va leur rappeler quelques vérités occultées par ceux qui cherchent à déchirer le Liban et qui mobilisent les insensés contre le Hezbollah libanais sous prétexte qu’il est hezb as chaytan, l’agent de l’Iran, le collabo d’Israël, le bâtard et autres vulgarités pour le faire dévorer par le sionisme et son maître l’Empire. La force sociale, politique et militaire du Hezbollah est consacrée, en partie,  par l’accord (traité inter-libanais) de Taëf (Arabie saoudite) signé le 22 octobre 1989 pour mettre fin à la guerre civile de 1975.  Cet accord, sous couvert d’une commission tripartite (Algérie, Maroc, Arabie saoudite) parrainé par l’Arabie saoudite reconnaissait de facto le caractère politico confessionnel du Liban, la tutelle de la Syrie et la souveraineté du Liban. En toile de fond, l’accord, sur demande américaine :

1 – Il éliminait la seule et véritable force politique et militaire sunnite opposée à Israël : Les palestiniens.

2 – Il préparait les accords d’Oslo et la reconnaissance d’Israël.

3 – Il préconisait la reconstruction de Beyrouth dont les concepteurs et les réalisateurs étaient la Banque mondiale et le bureau saoudien « Dar al Handassa ». Il s’agissait pour un coût de 1000 milliards  de dollars de changer radicalement (occidentaliser) l’architecture, l’urbain et la mentalité pour que le Liban perde son arabité, sa médiation entre l’Orient et l’Occident et se confine dans le nouveau rôle de porte d’entrée de l’Occident en terres arabes.

4 – Il fomentait une guerre fratricide entre les musulmans appelés à se déchirer sur les questions ethniques, confessionnelles, idéologiques et territoriales. Bernard Levy et Bresinsky le disaient ouvertement dans leurs livres.

Mais, les Palestiniens et les Libanais ont réussi à déjouer ce complot et continuent de résister.

La voracité des « Bédouins » et la prédation de l’Empire vont durer encore longtemps jusqu’à ce que la monstruosité de leur entreprise ne trouve plus de naïfs et de sectaires pour se nourrir et finir par s’auto phagocyter. Pour l’instant, en arrêtant de financer l’armée libanaise non seulement l’Arabie saoudite montre qu’elle est en train de se dévorer médiatiquement et diplomatiquement, mais qu’elle le fait d’une façon maladroite et odieuse juste avant qu’elle ne soit épinglée par le parlement européen qui demande un embargo  sur les livraisons d’armes des pays de l’Union européenne à l’Arabie saoudite.

Si les mythes  sont vrais et ont la vie dure, les miteux vont être dévorés sinon ils vont se dévorer selon la loi implacable :

Comme tu fais il te sera fait

[bctt tweet= »Érysichthon de Thessalie en terres arabes »]

Omar MAZRI, auteur et écrivain

Source : Érysichthon de Thessalie en terres arabes

 

Adieu Mohammed Hassanein Haykal

Le monde arabe et musulman vient de perdre une pensée lucide, une plume bénie, une intelligence vive et perspicace, un engagement politique, une personnalité brillante et hors pair, une mine d’or informationnelle et documentaire. Qu’Allah accorde à Mohammed Hassanein Haykal ( محمد حسنين هيكل ) Sa Miséricorde et le Paradis et qu’Il nous donne d’autres hommes de sa valeur et de sa trempe.

 

Syllogismes fallacieux saoudiens et guerre en Syrie.

Si le déni de réalité fausse les énoncés de vérité,  l’absence de vérité ne permet ni  de construire une réalité objective autre que perception ou  représentation mentale ni de trouver un consensus sur la réalité pour qu’elle devienne vivable dans le sens où se construit un sens commun, des valeurs communes, des intérêts partagés et un vouloir-vivre ensemble. Sur le plan ontologique, social, politique, idéologique, historique ou religieux, le pervers narcissique est le cas pathologique le plus tragique. Il est symbolisé par le drame de Caïn tuant Abel, le drame de toute pathologie qui se croit détentrice de la vérité et possédante de la réalité telles qu’elle se les représente dans le mental, l’affectif et  le comportement provoquant des dérives criminogènes sur sa victime.

Le pervers narcissique établit ses rapports sur la domination par la force, la séduction, la fascination et l’exclusion voire l’élimination tant de ce qui lui résiste que de ce qui se soumet à lui. Vivant dans un déni de réalité et de vérité il construit un système de représentations et de valeurs qui le sublime et qui dévalorise tout ce qui n’est pas lui au point de nier à autrui les droits fondamentaux de la différence voire même de l’existence. Sur le plan de la religion et de la patrie, le pervers narcissique parvient à confondre les nobles principes avec les valeurs qu’il se représente de ses principes. Un principe coranique, politique, moral, intellectuel objectif par son caractère universel est transféré dans le domaine de la valeur subjective construite par une coutume, un intérêt, un désir, une idéologie, un vécu, une erreur d’interprétation, une dérive pathologique…

C’est exactement ce que l’Arabie saoudite, Daesh et consorts ont réalisé et c’est ainsi qu’ils ont construit leur existence et leur durée. Ils ont détourné la vérité du Coran et ils ont défiguré la réalité de l’Islam :

La perversion est définie par « l’action de détourner quelque chose de sa vraie nature ».

Le narcissisme est défini comme l’installation durable de « l’ intérêt excessif pour (l’image de) soi provoquant une survalorisation de soi et une dévalorisation d’autrui ».

C’est par ces deux déviations que le pervers narcissique désacralise la vie humaine et rend, « légitime et légaux », les crimes les plus odieux, l’effusion de sang à grande échelle sans droit ni justice, la tyrannie et la guerre contre les musulmans :

{وَمِنَ ٱلنَّاسِ مَن يُعْجِبُكَ قَوْلُهُۥ فِى ٱلْحَيَوٰةِ ٱلدُّنْيَا وَيُشْهِدُ ٱللَّـهَ عَلَىٰ مَا فِى قَلْبِهِۦ وَهُوَ أَلَدُّ ٱلْخِصَامِ}

{وَإِذَا تَوَلَّىٰ سَعَىٰ فِى ٱلْأَرْضِ لِيُفْسِدَ فِيهَا وَيُهْلِكَ ٱلْحَرْثَ وَٱلنَّسْلَ ۗ وَٱللَّـهُ لَا يُحِبُّ ٱلْفَسَادَ }

{وَإِذَا قِيلَ لَهُ ٱتَّقِ ٱللَّـهَ أَخَذَتْهُ ٱلْعِزَّةُ بِٱلْإِثْمِ ۚ فَحَسْبُهُۥ جَهَنَّمُ ۚ وَلَبِئْسَ ٱلْمِهَادُ}

{Parmi les hommes, il y a celui dont le discours te plait lorsqu’il parle de la vie de ce monde. Il prend Allah à témoin de ce que contient son cœur ; mais c’est le plus acharné des querelleurs. Dès qu’il tourne le dos, il s’en va par la terre pour y semer la corruption et détruire les récoltes et le bétail ; alors que Allah n’aime pas le désordre. Lorsqu’on lui dit :  » Prends-garde à Allah ! « , la superbe s’empare de lui et le pousse au péché. Son partage sera la Géhenne : quel détestable lit de repos !} Al Baqarah 204 -206

Mes propos ne sont ni exagérés ni mal orientés. Pour preuve : l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, le Yémen et la Syrie. L’argent, les territoires, le temps et les hommes sacrifiés pour entretenir la mégalomanie et l’incompétence des gouvernants arabes ne sont plus à citer ou à démontrer. Toutes ces destructions ne semblent pas réveiller les esprits indolents, toutes ces dislocations ne semblent pas heurter les consciences. Les Saoudiens et leurs vassaux poussent le monde arabe et musulman à se payer le luxe d’une guerre longue et meurtrière en Syrie alors que les solutions préconisées et appliquées en Libye et en Syrie ne sont pas une faillite, mais une catastrophe sauf pour l’Empire, le sionisme et les marchands de canons.

La nouvelle guerre (terrestre), après cinq ans de subversion, en Syrie n’est pas seulement une fuite en avant devant les échecs des Américains et des Saoudiens à faire tomber le régime syrien et à rendre rédhibitoire l’assistance des Russes, des Iraniens et du Hezbollah. Elle n’est pas aussi une panique lorsqu’on voit la défaite stratégique des Saoudiens au Yémen et que la logique militaire et politique commande d’arrêter ou du moins de ne pas livrer bataille sur plusieurs fronts. Elle est, sur le plan dialectique, un processus implacable qui va faire changer les données du monde radicalement lorsque l’on sait que :

a- L’Arabie saoudite est en train de mettre en jeu sa propre existence : ou bien la guerre en Syrie s’arrête au profit du régime syrien qui est en train de renverser l’équilibre des forces militaires en sa faveur alors qu’elle va perdre milliards, alliés et investissements politiques et idéologiques ; ou bien c’est une guerre totale sur plusieurs fronts et contre plusieurs adversaires que l’Arabie saoudite ne peut remporter ni par son armée ni par ses mercenaires.

b – L’autre pervers narcissique, le sultan néo ottoman, est en train de pousser sa logique jusqu’à son épuisement, car il va se trouver devant des équations impossibles à gérer sur le plan national et international.

c – L’Empire est en train de s’effondrer : beaucoup de discours narratifs et de communication, mais peu d’action. Il est en train de subir les contrecoups du pervers narcissique : se détruire faute de détruire les autres ou l’essoufflement et l’isolement faute de pouvoir détruire les autres. Pour l’instant les autres sont les Russes qui font preuve de sang-froid, de planification et d’efficacité mettant en impuissance les Américains et l’OTAN.

Les cartes semblent compliquées et la fin du monde proche, mais si on fait abstraction des détails, des tons et des nuances on finit par ne voir que le clan des pervers-narcissiques avec leurs victimes et le reste ceux qui leur résistent. On finit par voir le pessimisme, l’infantilisme et l’inefficacité des pervers-narcissiques en devenir plus flagrant, plus fragile et enfin plus décisif pour leur fin de règne dans l’histoire. On commence à voir l’optimisme, la force, la détermination et la fédération des résistants aux syllogismes fallacieux des pervers-narcissiques.

En ce qui concerne le régime saoudien, ses vassaux et ses chantres, les mythes qui font office de syllogisme fallacieux sont au nombre de six :

  1. Le wahhabisme est la doctrine vraie, authentique et pure, la seule à représenter l’Islam. Il faut donc éradiquer les différences.
  2. L’Arabie saoudite est l’arabité vraie, authentique et pure, car elle est la terre natale du Prophète (saws). Il faut donc mettre le monde arabe sous tutelle saoudienne.
  3. Le pétrole est une manne céleste octroyée aux rois et princes bédouins comme l’a été le territoire. Ils appartiennent à Dieu qui a donné mandat à la monarchie seule souveraine en termes de propriété, d’usage et d’abus, de gouvernance. L’absolutisme monarchique français serait progressiste et moderne comparé aux monarchies du Golfe.
  4. Les « religieux » officiels saoudiens sont l’élite intellectuelle, morale et spirituelle du monde musulman : ils ne sont pas seulement le clergé « pseudo-institué » par le Prophète en leur qualité de légataire de la science, de la mémoire et du territoire, ils sont la Parole d’Allah infaillible et irréfragable.
  5. La dynastie saoudienne est « le Serviteur des deux lieux saints de l’Islam »
  6. L’Amérique est l’allié fidèle et indéfectible des Arabes et des musulmans.

Comme le chiffre 6, l’Arabie saoudite et ceux qui partagent et véhiculent son idéologie sont le symbole de la perfection et de l’ordre. À ce titre ils ont la certitude d’être dans le vrai et d’avoir la victoire contre les Syriens, les Iraniens et les Russes comme ils ont la certitude d’avoir écrasé la résistance yéménite. Les rentes religieuses, financières, idéologiques et le soutien des Américains et des Européens leur facilitent le montage des « rebelles », des mercenaires et des dévoués pour mener les guerres que leur armée ne peut pas mener faute de doctrine, de technicité et de bravoure.

C’est avec ces six fables que le monde arabo-musulman et ses élites politico-religieuses ont  construit leur pensée moderne. C’est ainsi que le monde arabe et musulman va entrer dans une nouvelle guerre (guerre terrestre) où cette fois les illusions seront balayées faute d’illusionnés pour les porter. Peut-être que les insensés survivants reviendront à la raison qui leur dira que la Palestine occupée est sunnite arabe.

Aucun syllogisme et aucun discours ne peuvent tenir devant le hadith qui dit que le croyant n’est véritablement croyant que si les gens sont à l’abri de sa main (qui frappe, qui tue, qui vole) et de sa langue (qui insulte, qui humilie, qui ordonne le mal).

La vérité et la réalité nous imposent de dire que si les Arabes et les Musulmans ont donné la caution morale et religieuse à l’OTAN pour détruire la Libye et assassiner son président en exercice, l’histoire ne va pas se répéter : Bachar Al Assad et la Syrie vont imposer une nouvelle réalité et faire émerger la vérité sur l’imposture et la trahison de ceux qui parlent au nom de l’Islam. Encore une fois, il ne s’agit pas d’espoirs ou de désirs, mais de réalité objective c’est-à-dire de rapport de forces, dans ce cas les rapports sont mondiaux, ils concernent les Russes, les Chinois et les Américains. Les Arabes ne jouent que le rôle de figurants.

Lorsque Poutine et Medvedev disent à l’OTAN que toute présence étrangère sur le sol syrien est une déclaration de guerre  à la Russie et que celle-ci peut conduire à une troisième guerre mondiale, il ne s’agit pas de l’infantilisme des princes ou de la sénilité des rois du monde arabe. Les Arabes piètres et serviles ont répondu fidèlement à l’appel américain de former une armée arabe otanesque, mais les Américains ne sont pas insensés pour s’engager dans une confrontation planétaire dont ils ne maitrisent pas tous les tenants et aboutissants à moins que leur stratégie soit de se débarrasser de la Turquie et de l’Arabie pour faire des affaires avec les Iraniens et se partager le monde avec les Russes. Les semaines à venir vont montrer la tendance.

Pour les Arabes pervers-narcissiques il ne peut y avoir de changement politique, stratégique ou tactique ou opérationnel, ils sont dans leur délire. Ce délire a pris des proportions infernales lorsque le Yémen a résisté, la Syrie a reconquis des territoires et l’Iran a repris sa place dans le concert des nations. Ce délire pervers et narcissique n’émerge pas du néant il est construit par la conjugaison des facteurs suivants :

  • une décadence civilisationnelle qu’on croyait surmontée par le puritanisme religieux et le discours moralisateur,
  • une instrumentalisation de la religion à des fins politiciennes et idéologiques pour asseoir une dynastie instaurée par la force des armes et l’effusion de sang des musulmans,
  • une doxa intellectuelle entretenue par la rente religieuse,
  • une rente religieuse construite sur l’immobilisme et la compilation des anciens savoirs,
  •  une manipulation de l’histoire par l’impérialisme anglo-saxon qui a placé ses liges pour saper tout effort d’ indépendance et pour faire diversion sur tout projet de renaissance de l’Islam libérateur et civilisateur,
  • l’islamophobie comme machine de guerre médiatique, psychologique et militaire pour donner aux musulmans une image hideuse qui ne mérite ni respect ni pitié, et pour entrainer les musulmans dans des guerres fratricides sectaires, ethniques…

Tous ces facteurs ont cultivé la déraison dans la pensée musulmane et ont introduit la démesure dans les politiques suivies y compris dans celles de mener la guerre contre les peuples  et de livrer leurs territoires à la prédation et à la destruction. C’est cette démesure qui produit la pensée mortifère et morbide qui croit que le salut est dans l’Apocalypse ou dans la venue du Sauveur, et qui exige que les peuples arabes et musulmans  se soumettent avec fatalité à la folie destructrice des pervers-narcissiques, ceux-là mêmes qui la gouvernent et ceux-là même qui produisent sa mentalité religieuse et nationale.

Nous sommes dans un monde où il n’y a pas de place à l’insensé et  à l’impuissant. L’insensé et l’impuissant ne sont là que parce que les intérêts en jeu exigent leur présence dans un rôle à jouer. Les intérêts ne peuvent occulter indéfiniment la vérité et la réalité de l’Islam et des musulmans : Le Coran est la Parole d’Allah et l’Islam Sa Religion signifiant par là que les géo-codes et les socio-codes peuvent donner une interprétation temporelle et spatiale à l’Islam, à sa culture, à sa philosophie et à sa sociologie, mais ils ne peuvent s’imposer comme la norme et encore moins lorsqu’ils sont mal représentés ou proposés comme caricature et repoussoir à un monde inondé d’informations et de « vérités ».

Omar MAZRI

Source : Syllogismes fallacieux saoudiens et guerre en Syrie.

DU VERBIAGE SUR LA CONSTITUTION SANS LA RÉALITÉ OBJECTIVE DE L’ALGÉRIE

Chacun se trompe ici-bas.

On voit courir après l’ombre

Tant de fous, qu’on n’en sait pas

La plupart du temps le nombre.

Au Chien dont parle Esope il faut les renvoyer.

Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,

La quitta pour l’image, et pensa se noyer ;

La rivière devint tout d’un coup agitée.

A toute peine il regagna les bords,

Et n’eut ni l’ombre ni le corps.

La Fontaine, dans « le chien qui lâche sa proie pour l’ombre », montre le nombre important d’insensés et de cupides qui abandonnent la réalité et la vérité pour quelques fictions et quelques mensonges ainsi que les naïfs qui s’acharnent à vouloir redresser l’ombre la confondant avec l’objet tordu sur lequel ils n’ont pourtant pas de prise.

Lorsque la vérité de situation et la réalité du terrain nous échappent, nous pensons, nous parlons et nous agissons comme des sujets en proie aux hallucinations et aux illusions. Philippe Grasset décrivant les maquillages médiatiques dit :

« il nous importe d’affirmer que, entre les multiples “réalités” créées par notre univers de communication et de manipulation de la communication dans tous les sens, et d’autre part la difficulté de distinguer celle des “réalités” qui l’est vraiment (réelle), apparaît dans des cas précis et significatifs quelque chose qu’on pourrait qualifier de “réalité objective”, suscitée par une situation telle qu’on peut avoir l’intuition de la fixer, qui donne une indication indubitable de la vérité de notre temps. Cette “vérité de la situation” est, disons, une ouverture rapide et momentanée, mais significative et lumineuse, sur la réalité objective ; elle permet de déduire la “vérité de notre temps”, qui doit nous servir de référence. »

Ce n’est qu’une fois la vérité de situation ou la réalité objective saisie que l’on puisse alors se prononcer avec discernement et prendre parti comme le faisait notre Prophète (saws) :

« Allah mon Dieu faites-moi voir Al Haqq (vérité-réalité) comme haqq (vrai-réel) puis accordez-moi la faculté de m’y conformer ; fais-moi voir Al Batil (mensonge-faux) comme Batil (mensonger-fallacieux) puis accordes-moi la faculté de m’en détourner »

Discerner n’est pas un banal exercice intellectuel et prendre parti n’est pas devenir partisan, mais engagement pour servir la vérité et transformer la réalité sinon endurer avec courage et constance l’adversité sans se compromettre ni se renier :

« Allah mon Dieu! Accordez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en discerner la différence »

Les têtes bien pensantes bien au confort dans l’ordre actuel des choses ne sont pas concernées par le changement nécessaire au salut de l’Algérie et les attentes des Algériens. Leurs réalités et leurs vérités ne vont pas plus loin que les ambitions personnelles et les intérêts immédiats. Toute la critique du nouveau texte constitutionnel se résume à leur regret de ne pas voir quelques « conseils » s’institutionnaliser, de ne pas faire du Tamazigh langue officielle des documents administratifs, de faire peu de cas des binationaux, de donner trop de pouvoir au président… Pour ne pas trop se compromettre, certaines intelligences concèdent que la perfection appartient à Dieu et qu’une constitution aussi parfaite soit elle, n’est qu’une étape oubliant de nous préciser la nature, les modalités et l’échéance de cette étape dans un processus qui peut nous conduire au néant puisque personne ne sait où va l’Algérie.

Le régime très habile et bien assis grâce surtout à l’insenséïsme des uns et à la naïveté des autres fabrique des leurres, de faux combats, de fausses préoccupations et de fausses priorités dont le vacarme « médiatique » vise à fabriquer de nouvelles réalités et de nouvelles vérités pour faire oublier l’imposture et l’incompétence des faillitaires qui n’existent que sur le plan de la communication et du gaspillage des ressources. L’Algérie n’est pas un chantier où les compétences rivalisent d’ingéniosité et d’effort, mais un casino où les assistés attendent le nouveau messie et ses miracles.

L’instrumentalisation idéologique du berbère et de l’amazighité ne tient pas devant la raison, l’histoire et l’archéologie. Il y a des problèmes sociologiques et culturels qui ne peuvent être réglés que par le développement social et l’émancipation dans une Algérie libérée des mythes et des tabous. Une, deux ou trois langues nationales ou officielles ne changeront rien à notre faillite politique et économique comme il ne changera rien à notre indigence culturelle et morale : nous sommes des analphabètes trilingues incapables de lire la vérité de situation et d’écrire le changement de notre réalité.

Après les disparités linguistiques, ethniques, régionales, politiques l’Algérie entre dans la postmodernité en reculant et avec une nouvelle disparité : national/binational ou Algérien de souche/franco-algérien.

Il s’agit de la manœuvre communicationnelle autour de l’article 51 de la révision de la Constitution de la République Algérienne Démocratique et Populaire qui fait couler beaucoup d’encre en ces moments propices à l’insulte, à la diversion et aux confusions sur le devenir fatal du pays qui semble ne plus trouver de voie de salut ni de voix de raison. Le vacarme entretenu par les clients, les oppositions asservies, les prétendants à la rente et les réseaux corporatistes – pour donner illusion de vie et leurre démocratique – n’intéresse personne. Le patriotisme des canailles et l’arrogance des proxénètes qui abusent de l’Algérie et la livrent comme une prostituée à la rapine seront balayés par le vent de l’histoire lorsque le peuple algérien deviendra plus mature et plus responsable et changera l’hymne national « one two three viva l’Algérie » par « one two free où va l’Algérie » ou lorsque tout simplement et avec véracité il donnera réalité au serment de novembre 54 et à la vérité révolutionnaire :

Nous jurons par les tempêtes dévastatrices abattues sur nous

Par le sang pur généreusement versé

Par les éclatants étendards flottant au vent

Sur les cimes altières de nos fières montagnes

Que nous nous sommes dressés pour la vie ou la mort

[…]

Nous sommes des combattants pour le triomphe du droit

Pour notre indépendance, nous sommes entrés en guerre

[…]

Le verdict, Notre révolution le rendra

Car nous avons décidé que l’Algérie vivra

Soyez-en témoins ! Soyez-en témoins ! Soyez-en témoins !

Il ne s’agira plus de chercher à n’importe quel prix sa part de la rente ou son insertion dans le système de cooptation pour se servir, mais bien de reconfigurer l’Algérie pour que les Algériens puissent vivre citoyens prenant part aux changements du monde et au progrès de l’humanité sans rien ne devoir à personne.

Tout Algérien qui a – lui ou sa famille – donné sa part de sang, de larmes et de sueur, par amour et par devoir, ne peut attendre moins que la gloire de l’Algérie par la liberté, la justice et le progrès eu égard aux sacrifices des Algériens, à la position géographique de l’Algérie et à ses ressources. Toute réussite mondaine sociale, politique ou économique, toute référence à l’Islam ou au nationalisme, tout appel à la modernité et à la citoyenneté, toute attente générationnelle ou corporatiste, et toute ambition personnelle en deçà de la gloire de l’Algérie sont mesquineries et tartufferies même si elles peuvent paraitre « légitimité » et « légalité » au regard des pratiques et du droit en vigueur.

Il ne s’agit pas de jeter des anathèmes sur les gouvernants, les partisans, les corporatistes et les pseudo opposants qui entretiennent le leurre d’une gouvernance ou d’une démocratie, ou du changement, alors que l’Algérien Lambda sait que le système est mort et décomposé depuis longtemps, car il est sans idées sur le devenir et sans possibilités de se reformer. Il ne s’agit pas d’appeler à un énième rassemblement partisan ou multi partisans et se présenter comme alternative, substitut ou auxiliaire du pouvoir en place. Il s’agit de s’offusquer contre la laideur de notre manière de penser au devenir de l’Algérie et de notre mode de lui exprimer un amour vulgaire, accaparant et exclusif comme si elle était chose à posséder et non idéal à servir.

Lorsque le binational (franco-algérien) crie au scandale, car on lui a fermé une possibilité de promotion politique dans l’appareil d’État il ne fait qu’exprimer ou bien son ignorance du fonctionnement de l’État algérien ou bien son appartenance au jeu de communication qui consiste à donner vitalité à un système agonisant qui croit et qui veut continuer de faire croire qu’il est la vérité implacable et la réalité incontournable sans lesquelles il n’y aurait point de salut.

Et pourtant :

1- Tous les agents économiques, sociaux, culturels et politiques marginalisés du fait de leur probité morale et intellectuelle et de leur compétence savent que si en France la tendance est pour la préférence nationale, en Algérie la tendance est au contraire pour la préférence étrangère d’une manière générale et française d’une manière particulière. Le mononational et le binational sont logés à la même enseigne : ou bien ils appartiennent à la pépinière de la cooptation et de la préférence étrangère qui les destine à la promotion ou bien ils appartiennent à la plèbe exclue et méprisée. Les Constitutions algériennes (anciennes, présentes et futures) même si elles sont admirablement bien « écrites » ne demeurent dans la réalité objective que des exercices de style pour les scribes du pouvoir lequel se complait à faire un étalage triomphaliste de ses prouesses alors que la vérité indique l’imposition de la rente et la vassalisation comme idéologie dominante.

2 – Les services de sécurité respectant à la lettre le principe de « l’algérianité » se sont opposés à la nomination d’Algériens jugés « douteux » à des fonctions supérieures, mais le système de cooptation les a maintenus à leur poste alors que le réseau d’affaires leur a permis des privilèges de la fonction et profiter des largesses de la rente puis de faire profiter leurs clients et leurs donneurs d’ordres.

Nous pouvions comprendre qu’un système né de la guerre de l’Indépendance puisse se focaliser sur l’ennemi extérieur pour assoir son emprise sécuritaire sur le pays ou qu’il cultive des mythes pour distribuer des rentes historiques, religieuses, sociales et politiques ou qu’il crée de fausses dualités entre les Algériens (Arabes/Kabyles, nationaux/binationaux, islamistes/laïcs, etc.), nous ne parvenions pas à comprendre l’absence de transparence dans la promotion ou de l’exclusion des Algériens ainsi que le mépris des règles élémentaires qui protègent l’État de la trahison et de la corruption que ce même État a édicté. Il semble que le projet de destruction de l’Algérie et la vengeance contre la guerre de libération nationale ont été menés avec une main de diable sous couvert du nationalisme excessif et du culte du secret et de l’interdit. 54 ans après l’indépendance, la vérité et la réalité de notre pays continuent de nous échapper, les principes d’édification sont bafoués, les valeurs nationales sont gommées, les ressources sont dilapidées…

Dans un pays de droit le problème ne se pose pas en termes de nationalité, mais en termes de critères de compétence et d’efficacité lorsque ceux-ci sont transparents et régis par le fonctionnement démocratique et la légalité. Bien entendu, chaque pays est libre de définir ses critères d’accès et de promotion aux hautes fonctions, de les élargir ou de les restreindre, lorsque cela est conforme à son histoire et aux exigences politiques de son présent et aux attentes de son devenir. Mais chez nous le problème se pose en termes d’arbitraire. Chez nous le problème se pose en termes d’absence de transparence : quelle est la vocation de la nouvelle Constitution et quelles sont les garanties de la souveraineté nationale dans ces moments de changement planétaire ? Est-ce qu’on confectionne une Constitution pour un président invalide, pour un futur vice-président, pour un cabinet de l’ombre ou juste pour donner l’illusion de la vitalité.

Ceux qui sont attachés à la réalité objective et à la vérité savent que chacun a le droit à l’erreur et à la faute, car elles font partie de l’effort d’apprentissage, d’expérimentation et de connaissance. Ils savent que l’illusion est pire que l’erreur, elle est irrattrapable par son entropie, ses déchirements, ses déceptions, ses abus. Il faut vivre la réalité des microbus, des hôpitaux et des administrations qui font office de service public pour voir la vérité transparaitre dans le faciès des Algériens. Le peuple algérien est docile, corvéable, naïf, supportant toutes les humiliations et toutes les colonisations, mais lorsqu’il se révolte il devient dur, impitoyable et imprévisible. Pour l’instant, comme un chameau, il rumine ses illusions, sa détresse et sa soif. Il peut se mettre à mordre lorsqu’il saura qu’il a été abusé et qu’on lui a vendu de la fausse monnaie, de fausses représentations du réel, de fallacieuses significations du vrai.

3 – En début d’année 2016, l’émission la plus populaire de la TV algérienne « Alhane wa chababe » qui vend l’illusion de devenir riche et célèbre par la chanson sans passer par l’apprentissage du chant et de la musique (c’est à dire par l’effort assidu et le respect des règles d’harmonie) a exposé parmi les dix lauréats de son concours 2015 une jeune fille de 18 ans en foulard chantant en français :

Douce France

Cher pays de mon enfance

Bercée de tendre insouciance

Je t’ai gardée dans mon cœur!

Oui, je t’aime

Et je te donne ce poème

Oui, je t’aime

Dans la joie ou la douleur.

Douce France

Elle est libre d’aimer la France en Algérie comme les Algériens sont libres d’aimer l’Algérie en France à condition que l’inspiration de Charles Trenet l’auteur-compositeur transparaisse dans l’émission algérienne et dans l’esprit de son jury et de ses apprentis chansonniers :

Il revient à ma mémoire

Des souvenirs familiers

Je revois ma blouse noire

Lorsque j’étais écolier

Sur le chemin de l’école

Je chantais à pleine voix

Des romances sans paroles

Vieilles chansons d’autrefois.

Que signifie chanter l’amour d’un pays lorsque le président du jury proclame le devoir de « assala » (authenticité) confondant lui-même l’authentique et le folklorique et ne se pose sans doute ni la question sur sa légitimité et sa compétence ni sur celle de la chanteuse qui vient déclarer son amour maternel à la France. Pour le jeune candidat Harrague à l’exil pour jouir de la bi-nationalité ou de la bi-clandestinité les priorités ne sont ni celles du président du jury ni celles du chœur. Il ne va pas attendre les promesses socioéconomiques et les attendus juridiques pour se faire une idée de ce qui l’attend ici ou une illusion de ce qui l’attend ailleurs. Lorsqu’on voit les réalités des mondes parallèles en se posant la question sur la vérité on se trouve plongé dans le désarroi total pire que la schizophrénie et ses délires.

Que signifie chanter un poème lorsque l’école et l’environnement qui l’ont inspiré sont absents aussi bien dans le répertoire culturel et intellectuel du jury que dans l’imagination et l’imaginaire de la chanteuse? Quelle est notre priorité : restaurer la vocation de l’école et promouvoir la pensée et les arts ou cultiver le narcissisme des gouvernants. Quelle est notre priorité : chanter à la gloire de Bouteflika et de sa Constitution ou mettre fin aux agissements malfaisants de ceux qui ont détruit l’école algérienne et sapé le devenir des écoliers algériens dans les illusions et les antagonismes idéologiques sur la langue arabe et l’Islam ?

Que signifient l’algérianité, la francité, la binationalité et leur débat dans la nouvelle Constitution lorsque l’école est sinistrée, lorsque la langue qui fait l’identité d’un peuple et le canevas de ses idées et de son expression n’est pas pratiquée. L’incohérence linguistique et son corollaire l’incohérence idéique est totale avec ou sans la nouvelle Constitution, avec une deux ou trois langues nationales, avec ou sans les binationaux. Faute de cohérence on s’invente des sujets et des personnages de diversion et de polémique.

Il est temps de reprendre les choses par leur commencement : se réapproprier la compétence adamique de nommer c’est-à-dire de produire des concepts et du sens pour désigner dans des expressions intelligibles et le vrai et le réel pour se libérer des illusions de la perception et du diktat des choses. Sinon va s’appliquer contre nous en tant qu’être ontologique, territoire et temps d’existence la suprématie du faux et de la fiction. Le philosophe Hobbes disait :

« Le vrai et le faux sont des attributs du langage, non des choses. Et là où il n’y a pas de langage, il n’y a ni vérité ni fausseté ».

Il faut voir l’univers des Algériens : entassement de choses dans un monde où tout est devenu chose y compris la religion. Les petites gens avec de petits esprits, mais avec un grand appétit de choses sont convaincus avec fierté que Bouteflika a réalisé de grandes choses.

Lorsque l’école, le personnel politique et la société s’approprieront les attributs du langage qui façonnent le civilisé alors les fondements constitutionnels que sont la liberté, la justice, la vérité et la réalité, une fois bien ancrés dans l’esprit et la praxis, permettraient de débattre sereinement et efficacement de chaque volet et de chaque article de la Constitution. Pour l’instant nous commençons à entendre sourdement le récit de la fable de Midas et son bonnet d’âne malgré les narratives sur nos Ulysse et les travaux d’Hercule.

Encore une fois, dire la vérité sur la réalité n’est ni un exercice de style ni une diversion philosophique, mais une invitation à réfléchir au problème de fond. Pour illustrer davantage ce problème, il faut se pencher sur la manie des gouvernants et des opposants de revendiquer l’État de droit (Dawlat al Qanoun) sachant qu’il y a une confusion sémantique et praxitique entre deux notions diamétralement opposées : l’État de lois et l’État de justice (dawlat al ‘adl) ainsi que deux conceptions de souveraineté et de gouvernance : La République et la Démocratie. La République (res publica signifiant chose publique) est la situation où l’État appartient aux citoyens selon le principe de la justice qui arbitre entre eux et de la liberté qui leur confère le droit de se constituer en sociétés et en État et de se fédérer avec d’autres peuples. La Démocratie est la situation où le pouvoir issu des urnes ou de la révolution gouverne au nom du peuple selon le principe des lois (légalité et légitimité révolutionnaire, constitutionnelle, etc.). Dans la République le principe fondateur et fédérateur est la liberté, cette liberté soit elle-même résulte d’une revendication de justice soit elle a pour conséquence l’exigence de justice et d’équité. La démocratie peut par contre s’accommoder de lois injustes et de dictature au nom du peuple ou au nom de la majorité.

Emmanuel Kant dans « Projet de paix perpétuelle » énonce les principes d’une manière simple et concise :

« La constitution fondée premièrement sur les principes de liberté des membres d’une société (en tant qu’hommes), deuxièmement sur les principes de dépendance de tous envers une législation unique commune (en tant que sujets), et troisièmement sur la loi de leur égalité (en tant que citoyens), seule constitution qui dérive de l’idée d’un contrat originaire sur lequel doit être fondée toute législation de droit d’un peuple, c’est la constitution républicaine…

Afin de ne pas confondre (comme cela arrive communément) la constitution républicaine avec la constitution démocratique, il faut faire la remarque suivante. On peut diviser les formes d’un État (civitas) soit selon la différence des personnes qui détiennent le pouvoir suprême, soit selon la manière, quelle qu’elle soit, dont le chef gouverne le peuple. La première s’appelle proprement la forme de souveraineté (forma impreii) et il n’y en a que trois possibles : ou bien en effet un seul, ou bien quelques-uns unis entre eux, ou bien tous les citoyens ensemble, détiennent le pouvoir souverain (autocratie, aristocratie et démocratie); pouvoir du prince, pouvoir de la noblesse, et pouvoir du peuple; la deuxième est la forme de gouvernement (forma regiminis) et concerne la manière, fondée sur la constitution (l’acte de la volonté universelle qui fait de la foule un peuple) dont l’État use de sa pleine puissance. A cet égard elle est soit républicaine, soit despotique. Le républicanisme est le principe politique de la séparation du pouvoir exécutif (le gouvernement) et du pouvoir législatif ; le despotisme est le principe selon lequel l’État met à exécution de sa propre autorité des lois qu’il a lui-même faites ; c’est donc la volonté publique maniée par le chef d’État comme sa volonté privée…

Toute forme de gouvernement qui n’est pas représentative est proprement une non forme parce que le législateur ne peut-être, en une seule et même personne, également l’exécuteur de sa volonté…

Il est incontestable que la manière de gouverner importe plus au peuple que la forme de l’État… Le problème de la formation de l’État, aussi difficile qu’il paraisse, n’est pas insoluble, même pour un peuple de démons (pourvu qu’ils aient de l’entendement), et il se formule ainsi : « organiser une foule d’êtres raisonnables, qui tous ensemble réclament pour leur conservation des lois universelles… »

Le fait politique et historique en Occident a occulté la philosophie politique et par mimétisme et paresse nous nous trouvons dans la confusion entre les deux notions tout particulièrement en France. En Algérie, nous commençons notre histoire moderne là où finit celle des autres à laquelle nous y ajoutons l’aliénation idéologique des laïcistes algériens aux Français, l’immaturité politique des islamistes et la dictature du pouvoir en place. Les raccourcis historiques et les mauvais curseurs idéologiques n’ont donc jamais permis l’émergence d’un débat politique et intellectuel sur les conditions et les processus d’instauration de la République et de la Démocratie les plus conformes à nos désirs, à nos valeurs et au devenir de l’Algérie dans le destin des autres nations. Non seulement nous avons reconduit l’administration coloniale, mais nous l’avons confié à des « énarques » et à des cooptés au moment où nous avions plus besoin de politique, de philosophes et d’artistes pour innover, libérer et développer le pays.

Il faut bien admettre que l’idéal universel de vivre libre, en paix, bénéficiant de la justice, et jouissant d’une identité nationale s’est exprimé durant la guerre de libération nationale. La déclaration du 1er novembre 54 est pour nous l’équivalent de la déclaration d’indépendance des États-Unis ou de la Déclaration des droits de l’Homme en France. C’est cet esprit de novembre 54 avec les aspirations populaires de liberté, de justice, de progrès qu’il nous faut restaurer, promouvoir et traduire en pensées, en comportement et en actes. Le reste c’est de la diversion. La liberté n’a aucun sens si elle s’énonce sans la justice et le droit :

Allah (swt) nous demande de gouverner selon le principe suivant :

{Ô David ! Nous faisons de toi un successeur sur Terre. Juge entre les hommes avec le Haqq } Sad 23

Le Haqq coranique renvoie aux principes d’équité, de justice, de vérité, de droit et de connaissance de la réalité. Ce sont des principes fondateurs et fédérateurs qui garantissent la paix et le progrès dans ce monde ainsi que le salut ultime dans l’autre monde. Galvaudés par notre pratique bigote ou par notre reniement idéologique nous ne voyons pas les vraies conséquences et leur réalité dans ce monde tangible ou dans l’autre monde :

{et garde-toi de suivre tes penchants, si tu veux rester dans la Voie du Seigneur, car ceux qui dévient de la Voie du Seigneur subiront de terribles châtiments pour avoir oublié le Jour du Jugement} Sad 23

La réussite de l’Occident et sa suprématie résident dans l’efficacité de leur mode de gouvernance et le respect de leurs principes de justice et de droit. Les nouvelles bureaucraties, les finances et les médias sont en train de saper les derniers bastions républicains ou démocratiques.

4 – Que la Constitution donne des droits et des devoirs aux binationaux ou qu’elle les retire cela n’a pas de signification stratégique dans la forme actuelle de l’État. Si cela avait une signification dans l’édification du pays et son progrès alors l’armée des frontières qui a pris le pouvoir au détriment des Moujahiddines aurait un sens, il en serait de même de la suprématie du militaire sur le politique, il en serait de même sur la nature et le sens du pouvoir réel et actuel. Comment arriver au pouvoir et l’exercer, pourquoi, pour qui et comment ? Ce sont ces questions essentielles qui sont sans réponses et il ne peut y avoir de réponses dans un complexe d’incohérences.

C’est le même système d’incohérences qui cherche à se justifier sur les conséquences et inconséquences de l’arrêt du processus électoral sans jamais apporter de réponses politiques, judiciaires, transparentes, cohérentes, justes et crédibles sur le « qui tue qui? ». Les élites algériennes (il n’y a pas encore une élite) personnifient l’incohérence de ceux qui prétendent défendre la vérité alors qu’elles sont ignorantes de la réalité et qu’elles s’accommodent des vérités qui les réconfortent dans leur représentation idéologique de ce qui est le mieux pour l’Algérie faisant fi des Algériens et de ce qui leur ferait du bien ou du mal. Ils sont prêts à servir n’importe qui s’ils y trouvent des gains mondains autant qu’ils sont prêts à mettre l’Algérie à feu et à sang si cela consolide leurs positions idéologiques.

L’incohérence aime le règne de la suspicion, de l’insécurité, des dérogations et des passe-droits. L’incohérence permet la juxtaposition, la confusion et l’opposition factice des centres de décision pour masquer les véritables centres de décision : l’étranger prédateur, les barons de l’économie informelle, les barons de la phagocytation de l’industrie, de l’agriculture, du commerce et du foncier étatique, les bureaucrates, les rentiers du bigotisme, les brocanteurs du nationalisme de pacotille, les véreux parmi les militaires et les policiers. Est-ce que le nettoyage des écuries d’Augias passe par un juridisme constitutionnel ou par un sursaut de conscience citoyenne? Est-ce qu’il passe par les mises en scène vaudevillesques dans ce qu’on appelle l’Assemblée nationale et ses gladiateurs grassement payés ou par l’émergence de ce que Malek Bennabi appelle le sentiment démocratique et la société du devoir.

Seule la société de devoirs peut garantir au national, au binational, à l’investisseur étranger l’espace qui permet à chacun d’exercer ses compétences et d’investir dans un marché concurrentiel sans monopole, sans bureaucratie et sans corruption. Peut-on se faire l’illusion d’avoir des espaces politiques, culturels et idéologiques pour changer l’Algérie ou la gouverner du seul fait de l’édition et de la publication d’une nouvelle Constitution. La réalité de l’investissement étranger comme celle de la micro entreprise est désespérante. La réalité de la fiscalité est horrifiante. La vérité qui ne peut être masquée par des promesses, des codes, des Conseils, des Constitutions ou des discours est celle du registre de commerce. La priorité et la facilité sont dans la délivrance facilitée et expresse du registre du commerce aux jeunes avec des mesures de soutien en matière de formation professionnelle et d’ingénierie de création d’entreprises. L’urgence est dans la lutte contre l’inflation, la dévaluation et la protection de la monnaie nationale. Les urgences ne manquent pas, mais comme l’a bien souligné Malek Bennabi à propos de la mentalité de l’indigène colonisé, il est plus facile pour nous de créer les conditions qui rendent impossible l’action, rédhibitoire son prix et inutile ses conséquences. Nous créons des chantiers pharaoniques et nous nous investissons de la personnalité de Zarathoustra pour faire accoucher une montagne d’une souris. L’art de perdre du temps et de produire de l’entropie en tentant vainement de donner existence à ce qui n’a pas de réalité, à faire apparaitre pour vrai ce qui est illusoire et factice est une stratégie d’évitement pour ne pas affronter la vérité, pour ne pas se confronter à la réalité, et pour ne pas assumer ses responsabilités.

5 – Les auxiliaires zélés et les aspirants à la gouvernance future confondent les révisions constitutionnelles dans les démocraties occidentales avec les fascinations médiatiques des « magiciens de Pharaon » en vigueur dans nos contrées en voie de sur sous-développement par inertie. Pour les démocraties occidentales, y compris les monarchies, la Constitution est façonnée par l’histoire politique, sociale, économique et culturelle dans le rapport des forces et la confrontation des intérêts. Ces pays évoluent : leurs États ainsi que leurs mentalités collectives et leurs intérêts individuels ou corporatistes deviennent plus diversifiés, plus exigeants et plus innovants, faisant évoluer, par leur dynamisme, leur poids et leur force, les institutions et les lois.

En Occident, les changements et les révisions viennent soit comme initiateurs, accompagnateurs ou conformateurs des changements sociaux, politiques, économiques et idéologiques. L’édifice est complexe et mouvant : il exige des spécialisations notamment en matière de droit constitutionnel. Cette spécialisation n’est pas à l’abri de fonctionnement bureaucratique ou de dérives autoritaires d’autant plus que l’idéal démocratique et l’idéal de justice s’effacent de plus en plus au profit des finances pour ne devenir qu’un banal acte médiatique. L’acte médiatique parvient pour l’instant à ne pas gommer les droits fondamentaux et à garantir quelques espaces de liberté et de justice pour éviter la violence et les excès.

Chez nous, il y a une inflation de lois et de constitution sans contrepartie sociale, politique, économique et culturelle. On fait une révision constitutionnelle sans qu’il y ait un processus qui l’exige ou une dynamique qui en résulte. D’un côté, il y a le délire de l’agonisant et de l’autre le silence du moribond. Nous ne produisons ni nos idées ni notre nourriture ni nos vêtements ni nos armes ni nos rêves, dans ces conditions nous ne pouvons que produire des cache-misère pour masquer notre indigence intellectuelle, notre paresse politique et notre arrogance qui n’a d’égale que notre insenséisme. La fascination, la séduction et la corruption sont les principaux outils pour imposer les syllogismes fallacieux qui font office de vérité ainsi que les narratives qui font fi de la réalité.

Nicolas Machiavel fin connaisseur des mentalités et des us de l’Italie déchirée par les complots, les alliances extérieures et les luttes de pouvoir conseillait aux Princes :

« Il n’y a point d’entreprise plus difficile, plus douteuse, ni plus dangereuse que celle de vouloir introduire de nouvelles lois. Parce que l’auteur a pour ennemis tous ceux qui se trouvent bien des anciennes, et pour tièdes défenseurs ceux mêmes à qui les nouvelles tourneraient à profit. Et cette tiédeur vient en partie de la peur qu’ils ont de leurs adversaires, c’est à dire de ceux qui sont contents des anciennes ; et en partie de l’incrédulité des hommes, qui n’ont jamais bonne opinion des nouveaux établissements qu’après en avoir fait une longue expérience ».

Les énarques et les boulitiques algériens, nationaux et binationaux, s’ils sont plus fourbes que Machiavel, ils ne sont pas dans sa disposition d’esprit ni dans sa disponibilité de temps et d’effort pour unifier l’Italie sous la bannière de la Maison des Médicis. Bien entendu la mégalomanie des Algériens est telle que Ben flen min Dar Felten ignorant et ennemi de la patrie, des arts, de la politique et des sciences serait présenté comme un illustre personnage si la réussite sociale lui est favorable.

Quelle force va vaincre l’inertie immobile où les seules forces qui bougent sont les appétits insatiables et voraces des profiteurs ainsi que les illusions les plus délirantes.

Sous quelle bannière sera administrée l’Algérie dans quelques mois ? Qui sera l’homme fort ? Sera-t-il visible ou tapi dans l’ombre ? Comment va-t-il distribuer la rente alors que les ressources de l’Algérie ont fondu, mais les prétendants et les ayant-droits plus nombreux et plus exigeants? Comment arbitrer entre les seconds couteaux et les jeunes loups ? Comment sauver la patrie qui est conduite vers la faillite totale pour se livrer comme base coloniale et comptoir commercial sans autre vocation ?

Ces cinq points sont suffisants pour illustrer le mode d’entretien du leurre à travers l’innovation constitutionnelle. Ils sont une invitation aux plus sensés et aux plus compétents d’entre nous de refuser d’entrer dans les surenchères stériles voulues par le pouvoir et ses sphères et d’apporter de la pédagogie aux générations montantes :

« Le devoir d’un honnête homme est d’enseigner aux autres le bien que les iniquités du temps et la malignité des circonstances ont empêché d’accomplir, dans l’espoir que d’autres, mieux pourvus et placés dans des circonstances plus favorables, seront assez heureux pour le faire ». Nicolas Machiavel.

Que signifie le bien que chacun doit accomplir pour sa dignité, pour ses voisins, pour son pays, pour sa communauté humaine qu’il soit gouvernant ou gouverné, administrateur ou administré, national ou binational, indigène ou allogène ? La réponse individuelle ou collective peut être réelle ou illusoire, vraie ou fausse. Allah(swt) connait nos intentions et chacun connait le fond de son cœur pour donner sa réponse la plus sincère et la plus conforme à sa réalité. Chaque cité, chaque pays, chaque peuple, chaque récit témoignent par les faits, les gestes, et les intentions son regard ainsi que sa pratique du bien et du mal.

Allah (swt) dans le Coran fait « du bien œuvrer et œuvrer pour le bien » l’obligation qui donne sens à la foi. Sans le bien ‘amal salah notre foi serait superficielle nulle et non avenue comme celle du bigotisme. Ce même Dieu et dans le même Coran a montré que le Qawm (ethnie) se conçoit par rapport à l’unité linguistique indépendamment de la foi et de morale, le Chaâb ou Qabila (peuple ou tribu) se conçoit par rapport à des rapports socio-économiques tissés dans un territoire et une période, la Oumma (communauté ou nation) se conçoit par rapport à une unité de valeurs et à une unité d’orientation. Ce sont des cercles d’appartenance et d’implication qui peuvent être disjoint, conjoints ou en intersection. Chaque catégorie est appelée à coopérer avec l’autre sur les liens du sang, du sol, des intérêts ou des valeurs partagées qui sont les plus sacrés en un moment historique sans confusion ni exclusion. Le point commun est le respect de la liberté, le maintien de la paix, l’instauration de la justice et la réalisation solidaire du bien. Dans la cité des Croyants (majoritaires ou minoritaires) la règle est la commanderie du bien et la prohibition du mal sans exclusive pour un clan ou une confession. On fait le bien pour lui-même, pour sa valeur intrinsèque, pour l’amour qu’il procure, pour la paix qu’il préserve, pour la justice qu’il réalise, pour la spiritualité qu’il déploie, pour le respect qui est dû à soi et aux autres créatures. Le bien n’est pas lié au statut social, à la fonction, à la richesse. Le niveau des responsabilités par contre dépend des moyens, des positions et des relations. Ontologiquement, on devrait se préparer à faire le bien, mais socialement, politiquement et judiciairement on devrait répondre de nos actes et justifier de nos responsabilités. C’est ainsi que se conçoit une société de devoirs dont l’accomplissement finit en droits acquittés et en mérites récompensés. Comment formuler ce principe de surplus du bien en termes constitutionnels lorsque la conscience est absente ?

Le problème ne devrait donc pas se poser en termes de nationalité, mais en termes de contribution au bien et au respect des exigences de la liberté, de la paix et de la justice. Chacun devrait pouvoir évoluer et s’exprimer dans une ou plusieurs sphères d’appartenance à condition qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts ou que l’intéressé ne prenne pas part au conflit. Le seul critère est la compétence comprise comme reconnaissance sociale de la capacité à produire du bien dans sa sphère d’activité et son niveau de responsabilité que ce bien soit moral ou matériel.

Allah (swt) dans l’alternance des civilisations nous fait voir que des civilisations ont duré des siècles, car leur contribution au bien de l’humanité était supérieure à leurs effets de nuisance. Allah garantit la durée au plus efficace et au plus utile. La foi, le nationalisme, les intentions affichées sont sans valeur et sans perspective de devenir ou de témoignage historique si l’œuvre de bien n’est pas fondatrice et fédératrice. Les Romains avaient dominé le monde bien qu’ils fussent païens et colonisateurs. Leurs possibilités de faire le bien en développant l’agriculture, l’architecture, les arts et techniques ainsi que l’administration et le droit apportant du progrès social et technique a l’humanité sont incontestables.

Dans la logique historique, les Romains ne devaient s’éclipser qu’une fois leur vocation achevée devant l’émergence d’une communauté monothéiste plus civilisatrice. Les musulmans se sont éclipsés lorsque leur nuisance est devenue supérieure à leur bien. Constitution, Dawla islamiya ou autre slogan n’a aucune valeur s’il n’y a pas de forces sociales et politiques en mouvement intellectuel, scientifique, moral, technique et économique. La Constitution n’est pas un livret juridique ou une recette de cuisine, mais l’idée, la feuille de route et le désir d’une communauté de se constituer en nation civilisée et civilisatrice de la même manière que des associés se constituent en société pour produire, commercer et gagner ensemble selon des règles convenues et des moyens partagés. La Constitution (les statuts juridiques) est le document fondateur qui concrétise le désir d’être ensemble, les objectifs, les droits et devoirs des participants. C’est un acte de liberté, c’est un acte de conscience, c’est un projet délibéré dont l’énonciation et la réalisation exigent l’existence et la collaboration d’un maitre d’usage, d’un maitre d’œuvre, d’un maitre d’ouvrage, d’un maitre d’exécution et d’un maitre d’homologation pour témoigner d’une présence et montrer le bien que l’on est capable de produire dans une période de temps, dans une étendue de territoire et dans des conditions culturelles, sociales et économiques. C’est ainsi que se réalise le destin des hommes, que prospère leur compétence à faire le bien et que s’inscrivent leurs témoignages dans le temps et dans l’espace :

{Nous vous avons avantagé les uns par rapport aux autres afin que vous soyez mutuellement les uns au service des autres} Coran

Le processus de constitution est un processus foncièrement libertarien même si la liberté reste tributaire des contingences du temps et de l’espace. Les tribus, les ethnies, les peuples, les nations et les civilisations se sont constitués à la fois par leur volonté libre et par les exigences du lieu et du moment dans la quête de la nourriture, de l’abri, des outils, de la socialité et de la sécurité. En s’associant avec les voisins ou en se mobilisant contre les envahisseurs. En évoluant et en se civilisant, les membres constitués raffinent la manière dont ils seront gouvernés, taxés et jugés. Il est impensable de parler de Constitution alors que la Liberté qui la constitue est absente ou que les préoccupations de nourriture, de sécurité, de territoire, de justice, d’alliance qui concernent l’ensemble des membres ne se fassent pas ou se fassent dans la clandestinité, l’exclusion et l’exclusive.

Les élites algériennes au pouvoir ou dans l’opposition n’ont pour référence que les États-majors de la Révolution française ou le schéma contemporain des institutions françaises. Le pourquoi, le comment et le devenir de ce qu’ils ont plagié ne les intéresse pas puisqu’ils ne cherchent que l’alibi et la forme qui fait illusion.

Les maffias et les organisations terroristes sont une autre forme de constitution fondée sur l’usurpation, la violence et le partage de territoire ou de butin. Le chef organise la rapine et arbitre lorsqu’il faut coopter un nouveau membre ou éliminer un ancien. L’arbitre-chef de la Maffia peut concentrer en apparence tous les pouvoirs, mais dans la réalité il décide selon le consensus des petits chefs qui l’ont désigné auparavant.

J’ai cité Machiavel pour illustrer mes propos, car il illustre la pensée de la Renaissance et de l’émergence de l’État nation (État moderne) porté par le développement des sciences, des arts et de la philosophie. Le discours (du bigotisme ou du laïcisme) veut faire croire que les Européens se sont civilisés une fois qu’ils avaient abandonné leur religion alors qu’en vérité ils avaient rompu avec l’oppression sous toutes ses formes et qu’ils avaient consenti le prix pour cette rupture salutaire. Il illustre aussi l’idée de l’émergence de la civilisation occidentale au détriment de la civilisation musulmane. Cette dernière – ayant sombré dans le juridisme stérile des clergés, et des rentiers de la religion et de la politique – ne pouvait plus produire de la pensée innovatrice ou s’occuper des problèmes de la cité des hommes. Au moment où le monde musulman sombrait dans le fatalisme, le piétisme, l’oppression et l’ignorance l’Occident s’éveillait au débat philosophique sur la Souveraineté, la République, la Démocratie. Ils se construisaient des concepts pour lire la réalité et la changer. Nous continuons à ne pas lire objectivement leurs concepts et à vouloir importer ou à refuser leur réalité comme si notre mental binaire ne pouvait que penser en terme d’importation des choses ou d’autarcie. Les uns ne voient pas la réflexion et la démarche historique pour construire la liberté et la justice qui manquent dans nos cités et se contentent d’importer des parlements, des constitutions, des élections comme on importe des pommes de terre. Les autres refusent de voir l’expérience des autres et se contentent de traduire l’Islam en une série d’interdits et de tabous figeant la pensée dans un rituel de comportements et de mentalités anachroniques et inefficaces. Que nous nous déclarions partisans de l’Occident ou ses ennemis jurés c’est toujours notre façon de penser et nos confusions sur les réalités et nos incohérences sur la vérité qui ont véritablement produit notre décadence puis notre colonisation par les Occidentaux. C’est notre mentalité qui continue de nous imposer les schémas mentaux du colonisé dont l’unique promotion est d’être l’axillaire du bureau arabe dans l’administration coloniale ou porteur de fardeaux dans le comptoir commercial. Nous refusons de produire notre résistance et notre développement.

Je ne vais pas finir ce sujet sans poser une autre question : est-ce que le bien est accessible à tous ? Oui par notre nature primordiale nous avons la disposition de nous émouvoir devant le bien et le mal comme de nous émouvoir devant le beau et le laid ainsi que devant le juste et l’injuste. Mais la routine insensée et la quête des intérêts contaminent notre nature et la rendent insensible à la vérité et à la réalité. Allah (swt) dit :

{Celui-ci est Allah, votre Seigneur Al Haqq. Au-delà du haqq qu’y a-t-il donc sinon l’égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ? »}

Les subtilités du langage vont nous donner des interprétations et des traductions dont le sens profond est à chaque fois différent :

{Tel est Dieu votre vrai Seigneur. Au-delà de la vérité qu’y a-t-il donc sinon l’égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ? »}

{Tel est Dieu, votre Seigneur véritable. Au-delà de la vérité qu’y a-t-il donc sinon l’égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ?}

{Tel est Dieu, votre Seigneur véridique. Au-delà de la vérité qu’y a-t-il donc sinon l’égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ?}

Toutes ces traductions ont manqué de vérité et de réalité en oubliant que les termes « vrai », « véritable » et « véridique » ne sont pas synonymes même s’ils sont proches. Le plus grave c’est que le terme Al Haqq n’est pas un attribut ou une épithète qualifiant Allah, mais un Nom parmi les saints noms d’Allah (swt). Il faudrait plutôt lire l’Aya comme ceci :

{Celui-ci est Allah, votre Dieu (qui est) la Vérité-Réalité. Au-delà du vrai et du réel qu’y a-t-il donc sinon l’égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ?}

En se détournant du réel et du vrai il est impossible d’accéder à Dieu comme Vérité et Réalité tant dans son existence, que dans Ses Actes et Paroles pour se trouver dans la situation d’inventeur d’idoles et de mythes. En se détournant de Dieu, l’homme faillible ne peut accéder à la réalité objective ni à la vérité absolue dans ce monde et il sera privé de la rencontre de Dieu dans l’au-delà. Cette Aya n’est pas seulement une déclaration d’identité sur Dieu, mais un concept de déconstruction des fausses croyances, une mise à l’épreuve de l’esprit devant les légendes, les narrations, les idoles et les illusions. C’est l’invitation spirituelle et philosophique la plus complexe qui soit donnée à l’humanité pourvue de raison, de logique et de quête de sens. Le rapport entre la vérité et la réalité et ses incidences sur la liberté, la justice, l’art et l’épistémologie scientifique est sans doute le débat le plus étendu et le plus complexe de l’Antiquité à nos jours. C’est sur ce terrain que se construisent la certitude et la connaissance y compris en matière de foi.

Je reviendrai une prochaine fois, inchaallah, en détail sur quelques sens spirituels et philosophiques de cette Aya coranique. Pour l’instant, elle va nous guider à poser les dernières questions sur le leurre et le mensonge entretenus par la médiocratie et son réseau de clientèles :

Celui qui ne dispose pas de la vérité (sémantique du texte, concepts philosophiques, grands principes moraux, amour désintéressé, acuité intellectuelle, méditation sur l’histoire, quête sur le sens des phénomènes, vigilance de discernement) peut-il s’émanciper de la perception, des représentations et des modèles donnés à voir ou à imiter pour se libérer et enfin voir et comprendre la réalité objective puis la transformer? Celui qui est ignorant de la réalité objective des choses peut-il accéder à la vérité c’est-à-dire trouver le sens logique et gnoséologique qui lui permet de penser, d’agir et témoigner avec connaissance et certitude, et non par suggestion ou impulsion, fascination ou manipulation, leurre et fiction, peur ou cupidité ?

Comment la réalité et la vérité participent-elles ensemble à l’élaboration de la pensée et de la certitude? Est-ce que la pensée peut se passer de vérité et de réalité ? Est-ce que l’action peut se passer de pensée ? La vérité statique et la réalité figée du moment ou du passé ne sont-elles pas un frein à la réalité du devenir et au devenir de la vérité au point de mutiler l’esprit et la société? Est-ce que la liberté et la justice sont des accessoires ou des composants essentiels dans l’acquisition et la formulation de la vérité et de la réalité ? Est-ce que le bien, le concevoir et le faire, peut-il se passer de la vérité, de la réalité, de la justice et de la liberté? Est-ce que la quête de vérité et l’observation de la réalité peuvent guérir l’homme de l’incohérence ontologique et de l’illusion de la représentation qui lui fait superposer ou coexister plusieurs « réels » et plusieurs « vrais » ?

Les énarques algériens qui n’ont jamais mis les pieds dans un atelier de fabrication ou de réparation et qui n’ont aucune disposition pour réparer ni Algérie ni vélo vous diront que l’Algérie n’a besoin ni de philosophie ni d’art ni de Coran, mais de technique alors qu’ils ont démantelé tout l’appareil industriel et technique acquis en clé en main et en produit en main.

Si les Algériens, nationaux et binationaux, gouvernants et gouvernés, mono ou biculturels continuent de croire qu’ils peuvent se dispenser de penser et qu’il leur suffit d’importer leurs modèles d’administration et de gouvernance alors tous les ans nous aurons une nouvelle Constitution pour cacher les dislocations de ce qui fait une civilisation : le territoire, la langue, la mentalité collective, l’histoire et l’économie. C’est par la pratique pensée de la réalité, de la vérité, de la justice et de la liberté dans ce qui fait ou défait la civilisation que l’homme prend toute la mesure de sa faillibilité et de son drame ainsi que de sa grandeur et de sa dignité.

À travers ces exemples nous pouvons déduire que nous mettons toujours la charrue devant les bœufs et que nous occultons la priorité en l’occurrence revendiquer le droit du sens et le retour aux fondamentaux qui sont les véritables garanties de notre devenir ainsi que de nos ambitions légitimes à la promotion intellectuelle, sociale et politique. Je fais le choix, ici, de rester proche de la vision kantienne, car elle me semble la plus proche de l’idée coranique et revendiquer l’État qui n’a pour vocation que d’être l’unique garant de la liberté collective et individuelle, de défendre la justice qui doit demeurer équitable, indépendante et impartiale. Quiconque occupe ou cherche à occuper des fonctions étatiques supérieures ou subalternes doit :

« Entrer dans un État juridique est un devoir, un impératif catégorique juridique. Dès lors, chacun doit se considérer comme contractant, comme membre de la volonté unifiée d’un peuple ».

Pour le reste, c’est à la société de se prendre en charge sous les formes organisées les plus adéquates à son dynamisme social, culturel, économique et intellectuel. En tout lieu et en tout moment, il devrait y avoir un contrat librement négocié, une adhésion librement consentie et des règles communes à respecter.

Les grands principes universels de droit et d’éthique de la gestion de la cité et de la relation entre les citoyens sont les suivants :

{… ce qui est auprès d’Allah est meilleur et plus durable pour ceux qui sont devenus croyants, qui s’en remettent à Dieu, qui évitent les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, qui pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Salat, se consultent (librement) entre eux à propos de leurs affaires, dépensent (au profit des pauvres et des faibles) de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une peine identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Allah. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, …ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux ; il n’y a de peine que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus sur terre, contrairement au droit, alors ceux-là auront un châtiment douloureux. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires.} As Choura 36 à 43

Il ne s’agit que de droit, de justice et de liberté. Ce sont leurs valeurs, leurs principes, leurs règles et leurs pratiques qui effaceront les disparités fabriquées, les leurres entretenus, les discriminations subies. Encore une fois si est libre de rêver de son Algérie et de voir la réalité algérienne comme il la perçoit, mais lorsqu’il s’agit du destin d’un peuple et de ses sacrifices alors les attentes changent selon les niveaux d’exigence morale, intellectuelle et patriotique que l’on s’est fixé ou que l’on s’est forgé dans sa vie.

Le Yémen : 28 days after

28 jours ou 28 décennies ne peuvent venir à bout de la résistance d’un peuple déterminé à refuser l’agression et la vassalisation. La Sunna d’Allah se manifeste dans sa splendeur  et sa justice : l’arrogant le plus redoutable ne peut triompher de l’opprimé le plus humble et le plus démuni. C’est ainsi et pas autrement. La Somalie en est l’exemple le plus frappant.

Je ne connais pas le Ghayb qui ne relève que d’Allah, mais je peux déjà comprendre pour anticiper rationnellement sur la fin de l’idole saoudite. Ce royaume est en train de subir sa troisième défaite historique au Yémen.  Cette défaite semble la plus décisive car le royaume ne se relèvera pas : il tombera comme une idole hideuse et honteuse. Ce royaume a falsifié la compréhension de l’Islam et a instrumentalisé la Sunna et les lieux saints de l’Islam pour servir les intérêts des ennemis de l’Islam et de l’arabité. Il finira déchiré entre clans et appétits mondains en récompense des déchirements qu’il a occasionné dans les territoires musulmans, dans leurs économies et dans leurs mentalités. Comme Pharaon il ne trouvera personne pour le pleurer ou le regretter. Pour l’instant l’OTAN arabe ou l’OTAN islamique est en train de sombrer.

Comment pleurer ou regretter des séniles juvéniles et des juvéniles séniles qui gaspillent les richesses qu’Allah leur a donné. Comment avoir de la considération pour des vaincus arrogants et méprisables qui n’ont réalisé aucun de leurs objectifs militaires et politiques et qui manifestent leur  triomphalisme  narcissique. Ils ont créé les conditions pour une guerre de mille ans entre les sunnites et les chiites sans tirer un quelconque profit géostratégique ou tactique sur l’Iran. Ils ont été désavoués par les Pakistanais sans que leur argent corrupteur ne puisse leur donner l’autorité qu’ils revendiquent. Ils ont trouvé des réticences dans la classe politique et le commandement militaire en Egypte. Il n’y a que les officiels français qui continuent de miser sur scénario saoudien  en faillite. Avec le trio Hollande, Fabius et Valls on a la garantie du choix le plus insensé dans l’histoire de la République, mais aussi le repère le plus fiable pour prédire ce qui va se passer en Syrie, en Libye, en Ukraine, en Iran et en France. L’argent saoudien et qatari rend stupide  et  met en retard.

Les Saoudiens sont contents, les Français plus contents. Ils sont contents car le royaume le plus attardé du monde vient de perdre son prestige « islamique » en ne réalisant aucun de ses objectifs politiques et militaires. Peu importe si les munitions sont épuisées ou si les cibles sont épuisées puisque la victoire militaire et politique ne peut être proclamé que par une occupation terrestre et durable et par une capitulation de l’ennemi qui se soumet au traité de paix imposé par le vainqueur lequel place ses hommes et dicte sa politique. Rien de tout cela après 28 jours de barbarie et rien ne peut venir de l’offensive terrestre qui reste possible, mais suicidaire. Les Yéménites ont réalisé l’exploit de vaincre sans affronter les Saoudiens. Ils ont été fin stratèges en s’occupant du terrain : ils ont axé leurs efforts sur la victoire militaire contre les partisans de l’Arabie saoudite et ils ont conquis Aden et ses environs rendant  impossible ou périlleuse toute expédition militaire terrestre saoudienne (seule ou coalisée). Aden était le fief du président déchu, en fuite et vassal de l’Arabie saoudite. Aden est le passage obligé pour mener des opérations d’envergure technique, spatiale et temporelle (militaire et logistique) contre la « rébellion » yéménite qui a la maîtrise de son territoire et de ses ressources humaines. Aden est le passage obligé pour contenir les « rebelles » dans le désert et les montagnes. Les Yéménites ont  réalisé une victoire psychologique en laissant l’Arabie saoudite apparaître sous son visage d’agresseur et de destructeur  : la fée bienfaitrice se montre sous le visage de Satan, un Satan sénile et juvénile sans artifices ni malices diaboliques. La plus grande victoire des Houtistes est d’avoir su fédérer les forces nationalistes islamiques, laïques, panarabes contre l’agression saoudienne avec l’engagement de construire un Etat fort et souverain sans exclusive ni exclusion. Cette idée qui exclue les partisans de l’Occident et de l’Arabie va sceller le pacte de sang et de sacrifice entre les Yéménites et ce pacte fera mal à l’Arabie saoudite. Faire mal signifie plusieurs nuisances : l’influence iranienne plus grande, une recomposition idéologique du monde sunnite qui doit construire ses instruments de pensée et d’action libérés des influences sectaires néfastes des wahabistes et des Fréristes.

Après l’échec de la campagne aérienne il ne reste à l’Arabie que deux scénarios : engager une offensive terrestre sans compétence réelle de commandement et sans chair à canon pakistanaise et égyptienne ou aller vers une solution sous l’égide de l’ONU. Dans un cas comme dans l’autre, la Sunna d’Allah est invariable, la détermination des Yéménites n’est plus à prouver. Cette fois-ci les Yéménites et tout ceux qui ont un compte à régler (politique, religieux ou idéologique) vont se mobiliser pour faire endosser la responsabilité totale et entière de l’agression au régime saoudien avec les conséquences financières et politiques que cela entraîne. Les anglos-saxons, connus pour leur pragmatisme se rallieront en fonction de leurs intérêts égoïstes. Leur tradition est d’utiliser les cartes dont ils disposent puis les changer ou les jeter lorsqu’ils ne peuvent plus changer les règles de jeu.

Comme  pour la Libye et la Syrie, je déplore le silence complice ou lâche des « élites » du mouvement se disant islamique. Ils viennent de prouver une fois de plus qu’ils sont otages de « quelque chose » qui les empêchent de  fonctionner  librement et sainement. S’ils veulent peser intellectuellement et moralement sur les événements à venir ils doivent se remettre en cause et construire leurs curseurs d’analyse sur le monde. Lorsqu’on se libère de tout esprit partisan et lorsqu’on « voit » Allah par le cœur du Croyant et non par le regard des calculs politiciens ou par la « science » des imposteurs alors l’opprimé quelque soit sa religion, sa langue et sa nationalité devient un humain sacré qu’il faut défendre ne serait-ce que par un mot de compassion si les conditions ne permettent pas de dire non à l’oppresseur.

L’idole des experts en anathèmes et en imprécations est en train de  s’effondrer. Nul ne peut se croire impunément Dieu ou son représentant sur terre pour décider qui est musulman ou qui ne l’est pas ou décider qui mérite la vie ou qui ne la mérite pas. Ils ont vidé l’Islamité de son humanité  pour produire au monde des caricatures hideuses et  haineuses. Jamais Allah ne laissera ces insensés  travestir  sa religion ou  caricaturer son Prophète.  Jamais Allah ne laissera ces fous représenter exclusivement la communauté des Croyants. Ils ont instrumentalisé les Hadiths du Prophète (ou attribués à lui) sur Damas, le Khorassan et le Yémen pour cultiver la Fitna et mobiliser des ignorants et des assoiffés de sangs, mais leurs fantasmes sont en train de s’écrouler. L’histoire a d’autres lois qui échappent aux endoctrinés et aux opportunistes.

Je désapprouve la politique algérienne et son sérail, mais la prise de position algérienne mérite d’être soulignée pour sa sagesse et son courage. La décision pakistanaise mérite toute notre attention, car elle redonne du crédit à l’expérience démocratique dans le monde musulman. Toute démarche qui refuse l’ingérence étrangère nous la soutenons. Il appartient donc aux Yéménites de régler leurs différents entre eux. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’une bonne guerre. Un « mauvais » musulman qui vit en harmonie avec les autres et partage un dénominateur commun national, culturel, social ou économique avec un non musulman est plus proche de l’Islam qu’un « bon » musulman » qui se croit le rédempteur ou le justicier du seul fait de son bon préjugé sur sa bonne  foi. Les alliances politiques et idéologiques doivent se faire sur des bases politiques et morales et pour des objectifs politiques, économiques et sociaux mesurables et vérifiables. La foi est une affaire de salut ultime, elle ne peut se manifester comme critère objectif  tant qu’elle reste subjective (affective) sans lecture du réel.  L’expérience montre que Dieu donne la victoire à l’opprimé sur l’oppresseur si  l’opprimé refuse l’oppression et s’il refuse de tomber dans l’immoralité de l’opprresseur. Il ne la donne pas nécessairement au Musulman qui croit que l’affiche islamique lui donne les droits de ne pas faire l’effort méritoire ou le privilège de se montrer insensé ou irrationnel. La tragédie yéménite montre donc le triomphe de la raison du pauvre sur la stupidité du riche. C’est une logique élémentaire qui échappe à l’indolence de l’esprit partisan et à l’extrémisme de l’esprit sectaire.

 

L’Accord avec l’Iran

Analyse magistrale et lucide de DeDefensa sur les suites de l’accord.

L’optimisme est de plus en plus en vogue à Genève, où se succèdent les “derniers jours, les “dernières heures” avant un accord possible sur la question nucléaire iranienne, entre l’Iran et le bloc BAO + la Russie et la Chine (soit les P5+1). Les Russes, particulièrement, sont optimistes, et Lavrov le montre d’une façon ostensible, – et Lavrov n’a pas l’habitude de se montrer irresponsable dans cette sorte de matière, son optimisme est donc une indication très sérieuse. (Voir RT, le 1er avril 2015.) Cela nous autorise à envisager d’ores et déjà la situation si un tel accord est signé, essentiellement pour ce qui importe, savoir les relations de l’Iran avec les uns et les autres dans le nouveau cadre relationnel qui serait ainsi établi ; c’est-à-dire les nouvelles relations avec le bloc BAO, mais essentiellement avec les USA, d’une part ; les nouvelles relations avec la Russie et la Chine (deux des membres du groupe P5+1) d’autre part.

On sait que, pour Obama, un accord avec l’Iran serait un triomphe de politique extérieure ; c’est-à-dire son seul succès de politique étrangère significatif au milieu d’un champ de catastrophe, et alors prestement transformé en triomphe pour faire bon poids, et cela par la grâce du système de la communication. Cette sorte de montage nous invite à écarter les hyperboles courantes, pour mieux tenter de préciser ce que serait la nouvelle vérité de situation ainsi créée ; cela, d’autant plus que l’opposition républicaine à l’accord ne désarme absolument pas, comme le montre la dernière sortie de John McCain, dans une intervention au Sénat, où il a plaidé indirectement, tout de même à mots couverts, pour l’idée qu’Israël devrait se conduire en rogue state (État-voyou) pour saboter l’accord, c’est-à-dire, si l’on comprend bien sa pensée, jusqu’à monter une attaque contre l’Iran qui bouleverserait toutes les données et ferait dérailler l’accord, même après sa signature. (Voir Sputnik.News le 31 mars 2015 : “Les Israéliens devraient suivre leur propre politique de résistance [à l’accord]… Ils devraient ‘se conduire en voyou’. Espérons que leurs avertissements [de riposte brutale en cas d’accord] ne sont pas du bluff…”).

Tout cela implique qu’en cas d’accord, les relations entre les USA et l’Iran ne seront pas fondamentalement modifiées. Les conditions même de l’accord, les pressions exercées par l’administration Obama pour faire passer l’idée d’un accord, etc., militent dans ce sens. Cela conduit les époux Leverett, spécialistes des questions iraniennes, à considérer qu’un accord avec l’Iran ne résoudrait rien de fondamental dans les relations des USA avec l’Iran, qu’il serait en un sens le contraire de ce véritable triomphe de politique extérieure que fut le voyage de Nixon à Pékin en 1972, qui constitua un formidable changement dans les relations internationales. Ce ne serait en rien un “formidable changement“ dans les relations USA-Iran, mais plutôt la poursuite de la chute sans fin de la puissance US … On peut lire la chronique des Leverett sur leur site GoingToTeheran.com, le 28 mars 2015

«Stakes in the nuclear talks between Iran and the P5+1 couldn’t be higher for the countries involved—especially for the United States. After nearly a decade and a half of disastrously self-damaging wars, “counter-terrorism campaigns,” and military occupations in the Middle East, the dysfunction and incoherence of U.S. policy is now on full display, from Iraq to Libya, Syria, and now Yemen. To recover, Washington must accept on-the-ground realities: U.S. efforts to dominate the region have failed and the Islamic Republic of Iran is now a rising power with which America must come to terms.

»But President Obama has yet to explain why the United States—for its own interests, not as a favor to Iran, or simply because Americans are war-weary—needs rapprochement with the Islamic Republic. Absent such advocacy, his administration may still reach a nuclear deal with Iran. But it will lose the political fight at home over a new Iran policy, squandering the chance for a broader strategic opening with Tehran and locking the United States into increasingly steep strategic decline in the Middle East and globally. […]

»…This restricted focus opens U.S. diplomacy up to three major problems. First, it conditions U.S. demands on Tehran with no grounding in the Nuclear Non-Proliferation Treaty or other aspects of international law. This may seem useful to show constituencies in the United States and allied countries that the Obama administration is putting Iran’s nuclear capabilities in a very tight “box”—e.g., by requiring the dismantling of an arbitrarily large number of Iranian centrifuges or refusing to lift UN Security Council sanctions on Iran for years into the implementation of an agreement. But it also makes clear that America is not prepared to deal with the Islamic Republic as the legitimate representative of legitimate Iranian interests—the only basis for real rapprochement.

»Second, a narrowly technical approach is vulnerable to criticism that it does not actually accomplish the goals its advocates set (criticism epitomized in Israeli Prime Minister Netanyahu’s charge that diplomacy “doesn’t block Iran’s path to the bomb; it paves Iran’s path to the bomb”). In the 1970s, the Carter administration insisted that the SALT II agreements it had negotiated with the Soviet Union put meaningful limits on the growth of Moscow’s strategic arsenal. But this technical argument was trumped by more politically resonant claims that SALT II left an unreconstructed Soviet adversary with too much nuclear capability; ultimately, congressional opposition killed SALT II. If Obama does not make the case for a nuclear deal as a catalyst for broader (and strategically imperative) rapprochement with Tehran, he will face mounting political pushback against meeting U.S. commitments essential to implementing a deal.

»Third, Obama’s posture makes it increasingly probable that the geopolitical benefits of diplomatically resolving the nuclear issue will accrue primarily not to the United States, but to China and Russia. It seems all too likely that the Obama administration will continue to resist packaging a nuclear deal as part of comprehensive, “Nixon to China” rapprochement with Tehran. It seems virtually certain that, under a deal, the administration will only commit to “waive” America’s Iran-related sanctions, for six months at a time, through the balance of Obama’s presidency. Indeed, senior administration officials told Congress last week that current sanctions legislation should stay on the books until a deal’s end, years from now, so that Washington can continue leveraging Tehran’s actions.

»By contrast, even before a nuclear deal is concluded, Beijing and Moscow are laying the ground to deepen their already significant economic and strategic cooperation with Iran. (Both Chinese President Xi and Russian President Putin will visit Tehran this spring.) The Obama administration’s technically reductionist approach to Iran relations raises the risks that what should be the greatest triumph of American diplomacy since the U.S. opening to China in the 1970s will end up exacerbating America’s ongoing marginalization in the Middle East.»

Cette logique étrange mais qui est pourtant si illustrative de notre temps, ou bien qui est étrange parce que si bien de notre temps, est finalement qu’un accord avec l’Iran, tant voulu par les Washington (ou plutôt Obama) depuis près de deux ans, et qui devait impliquer la “0 »récupération” triomphale de l’Iran par le bloc BAO (le retour de l’Iran dans la “communauté internationale”), aurait toutes les chances, si cet accord est finalement signé, de nous donner exactement le contraire. Dans son Weekly Comment du 6 mars 2015, Alastair Crooke, président de Conflict Forum et certainement l’un des experts britanniques les plus lucides et hors du circuit-Système sur les questions du Moyen-Orient, développait déjà cette perspective qui, finalement, donnerait deux vainqueurs assurés, – la Russie et la Chine, – avec l’Iran effectivement quitte des pressions du bloc BAO mais d’ores et déjà tourné, pour son développement international, vers les diverses structures de facto antiSystème qui vont de la filière Chine-Russie à l’OCS (dont il sera sans doute intronisé membre cet été), aux BRICS, etc.

«… But will the US objectives be achieved through a framework agreement – should such a thing transpire? In fact, the very blueprint of America’s approach to the talks paradoxically may lead, not to a ‘tipping’ of Iran towards the West, but to the East. If sanctions are not to be lifted, but merely suspended every six months by Executive Order, for a period of several years, which western energy major will care to invest long-term against such a short-term risk window of six months – and with a sword of Damocles too, hanging poised for re-imposition, for more than a decade? In fact, we already can see that the Chinese, who were temporarily pushed back (to provide some space for a mooted European return), have now begun to flood back into Iran. A decade long western ‘freeze’ will almost certainly ‘cook’ Iran – including the new generation – into its Eurasia orientation, both economically and culturally.

»What is even more doubtful, however, is the entire notion that the Middle East – in its present condition – can be ‘played’ as a balance of power, rubic cube. The concept worked in Europe in the nineteenth century in part because there were well-defined nation states, a modicum of stability, a certain commonality of world view, and a degree of consensus about the rules of the game. None of this holds true for the Middle East today. None of the four powers pays particular deference to the US; none are particularly atuned to western interests; and some of the key actors are not nation states. But mainly there is no stability; rather we see the eroding of it everywhere. How would a balance of powers matrix help resolve Libya, for example?

»It is fair to ask what else could America do? But to that perhaps, there is no answer. It seems more likely that these regional states will seek to make their own balance of power, irrespective of US designs.

»So what are Iran’s options? It is cut off from the western global financial system, excluded from the so-called international community, and under sanction? Well, Iran is not so isolated, far from it. Russia and China are keen to establish a strategic relationship with Iran, and much of the non-West is open to forging closer trade and political relations. Iran’s strategic situation in the region is solid, and growing stronger (in Iraq, Syria and Yemen). Domestically, Iran has emerged as a more cohesive society from the turmoil of 2009. Iran has applied for membership of the SCO, and its application may be accepted this summer.

»Of course sanctions and the drop in the oil price have had their effect, but exports (non-oil and oil) are rising well. More significantly, strategic geo-economic shifts are changing the Iranian calculus (China’s proposed Eurasian economic corridor through to Turkey offers the region a different pole of economic activity to that of Europe), and trade and commercial opportunities are being fundamentally altered by the Russo-Chinese initiative to set-up an analogue financial and trading and clearing system outside of the dollar-based sphere. Iran has already dropped the dollar as a means of trading. And as the non-dollar economic system expands with a SWIFT financial clearing system alternative already launched, with Central Bank non-dollar currency swaps in place and a putative ‘non-dollar jurisdiction’ banking system under construction by China and Russia, Iranians are now more plainly seeing the alternative (and getting fed up with hanging on the eternal ‘will they/won’t they’ lift sanctions hiatus).

»So, as Iran sees it, there is an alternative. But Iran may yet agree to a ‘political’ agreement, and one which does not resolve its conflict with the US. Why? Because Iran understands that the US (at least for now) is not seeking escalation with Iran, but rather the reverse: America needs Iran in order to help smooth its exit from Afghanistan; it needs Iran’s parallel contribution to the containing or defeating of ISIS; to finding a solution in Syria, Lebanon and Yemen. In short, America will be discreetly needing Iran in many areas (and thereby anyway indirectly confirming Iran’s pivotal regional status). In brief, facts on the ground are already demonstrating the new balance of power on the Middle East ground, and a political agreement would somehow reflect this shift, and perhaps also lower the political tensions with America – even if the situation in terms of US sanctions remains largely unchanged.

»And if America takes a different turn with the Presidential election campaign promising to bid up the rhetoric of interventionism, or if Congress retaliates with more punitive sanctions, Iran will likely ‘up’ its enrichment programme, and re-commence 20% enrichment.»

Décidément, l’on ne peut qu’en revenir à l’un des fondamentaux, l’un des plus fondamentaux parmi les fondamentaux de notre époque, qui est le caractère d’impuissance-paralysie du pouvoir washingtonien, ainsi devenu absolument stérile, puis contre-productif et destructeur, voire déstructurant et dissolvant de lui-même ; l’on ne peut donc sortir d’une victoire que serait un accord avec l’Iran, rien qu’une perspective contre-productive qui affaiblirait encore plus la position de ce pouvoir (washingtonien) au Moyen-Orient. La déclaration de John McCain plus haut, complètement surréaliste sinon tout simplement démente puisqu’elle plaide in fine pour une attaque israélienne dont il estime qu’elle serait un bon moyen de bloquer l’accord avec l’Iran, même signé, nous donne une bonne référence de ce qu’est ce blocage washingtonien, en nous indiquant de quel maux souffre ce pouvoir au travers de la sorte d’oppositions extrêmes qui le divisent.

McCain ne parle pas “sous influence”, dans tous les cas “sous influence humaine”. Paradoxalement, même s’il est normalement subventionné comme le sont l’extrême majorité des parlementaires US qui vivent dans un quasi-automatisme de corruption baptisé du beau nom de lobbying, McCain n’est certainement pas la cible privilégiée ni la marionnette des entreprises habituelles de l’AIPAC et des relais israéliens. McCain est réellement indépendant dans ses engagements politiques, bien plus que la plupart de ses collègues. Il va bien au-delà de ce que lui demanderait un AIPAC si l’AIPAC avait barre sur lui, et même il va parfois, sinon de plus en plus souvent, bien trop au-delà. C’est lui qui, derrière le Speaker de la Chambre John Boehner, a suggéré à l’ambassadeur israélien à Washington l’opération ayant abouti au discours de Netanyahou du 3 mars, lequel a été jugé désastreux par nombre de pro-israéliens, y compris par l’AIPAC, à cause de son impact catastrophique sur les relations entre Netanyahou et Obama. La seule chose qui intéressait McCain, c’est l’impact négatif que ce discours pouvait avoir sur les Iraniens et les négociations qu’ils menaient avec les USA.

McCain est moins pro-Netanyahou et pro-Israël qu’anti-Iran (ou anti-Libye, anti-Syrie, etc.) ; de même est-il moins pro-Kiev, ou pro-Pologne qu’anti-Russie, ou moins pro-tout-ce-qu’on veut qu’antiterroriste et anti-ISIS, etc. Ce qui l’anime et le motive au-delà de tout, et l’essentiel de sa carrière parlementaire étant évidemment assuré par des subventions courantes qui ne marque aucunement une corruption extraordinaire, c’est la figure de l’Ennemi qu’il importe de détruire, et il est incapable de distinguer qu’une telle attitude conduit à multiplier les contradictions et les impasses surréalistes et irréalistes à la fois, beaucoup plus que les antagonismes, et par conséquent qu’il en résulte une paralysie générale. On pourrait aussi bien en déduire que McCain, qui n’a jamais été pris en défaut de faiblesse dans cette ligne qui est à l’extrême des plus extrêmes (une sorte d’extrême droite des neocons), constitue le réceptacle d’une influence qui dépasse les capacités d’organisation et de pression humaines, et qui relève directe du Système lui-même, avec sa dimension maléfique qui renvoie aux affrontements métahistoriques. McCain n’est pas “sous influence” (humaine), il est “habité”, “inspiré” par quelque chose de différent qui relève de forces que la raison politique, y compris son double pervers de la corruption, n’a pas l’habitude de fréquenter si seulement elle accepte d’en envisager l’existence ; McCain passe donc comme une lettre à la poste, puisque personne n’y comprend rien et n’y veut rien comprendre, et il s’en déduit chez lui la production d’une politique absolument dévastatrice, dissolvante, nihiliste jusqu’à simplisme décisif de l’entropisation si cela était possible.

Qui plus est, et d’ailleurs assez logiquement si l’on considère ses influences, McCain est de facto, hors de toute position institutionnelle, une référence, un point de ralliement, c’est-à-dire un inspirateur, ou plutôt le “passeur” et le “messager” d’un état d’esprit qui infecte absolument la représentation parlementaire au Congrès (la quasi-majorité des républicains, une partie importante des démocrates). C’est dire que les positions extrémistes qu’il montre à propos de l’Iran, comme hier à propos de la Russie, sont la règle générale et l’inspiratrice de l’attitude du Congrès vis-à-vis de l’Iran, – et elles le seront plus encore si un accord est signé à Genève. Ce qu’écrivent les Everett et Alastair Crooke a donc toutes les chances de se réaliser, sinon d’être une perspective quasiment acquise. L’accord éventuel de Genève va libérer l’Iran de certaines contraintes pour pouvoir mieux se tourner vers la Chine, la Russie et le reste. La pression constante du Congrès constituera une pression constante pour que l’Iran raffermisse très vite ses liens stratégiques, – politiques, militaires, commerciaux, – avec la ligne Moscou-Pékin et tous les relais annexes.

source : http://www.dedefensa.org/article-accord_avec_l_iran_l_impuissance_us_veille_01_04_2015.html

Gouvernance insensée et laboratoire des rats arabes.

Comme il était prévu depuis trois ans « l’armée arabe unie » vient d’être adoptée par les gouvernants arabes désunis. Nous passons du statut de comptoir commercial à celui de base coloniale. Nous progressons. Il est peut-être temps pour nous les Algériens de revenir à notre amazighité et de se mettre en tête que l’arabité que nous réclamons doit se réduire à celle du Coran et de l’Islam lorsqu’on les comprend dans leur dimension spirituelle, culturelle et civilisationnelle dans cette existence et dans le salut ultime pour l’autre monde. C’est peut-être l’occasion pour tous les patriotes de dépasser les clivages idéologiques et  de construire un front national de résistance contre l’ingérence étrangère. Il est temps de construire notre pays et ses institutions si ni voulons éviter l’implosion. Nous devons aider l’ANP à demeurer nationale et veiller à ce que notre notre diplomatie continue de  respecter le principe de la non ingérence et du droit des peuples à disposer librement de leur destin.

L’ampleur des raids aériens contre le Yémen et la décision stratégique de création de la « légion romaine » punitive contre les « terroristes » montrent que ce qui se passe est une expérimentation à grande échelle du désordre mondial provoqué par l’Empire essoufflé et confus. Le président Poutine a parfaitement compris le jeu de la Ligue arabe et lui demande dans un  message de refuser la guerre et d’aller vers un règlement politique de la crise syrienne, libyenne et yéménite.

Les Arabes et les Musulmans viennent de franchir le Rubicon : ils deviennent une association de malfaiteurs qui se met sous les ordres du chef de la Maffia anglo-saxonne. Pire que cela ils consentent à devenir les cobayes sur lesquels l’Empire va tester  ses stratégies et ses tactiques d’agression contre ceux qu’il a désignés comme « terroristes ». La légion étrangère arabe financée par les Arabes ne sera pas au service de la sécurité et de la prospérité des Arabes. La légion arabe, petit exécutant, mis dans un labyrinthe géopolitique ne suivra que les consignes de son maitre et les appâts déposés par les auxiliaires du maitre sans disposer de cartes de lecture ou de grille d’analyse.

Qui est terroriste, que signifie le terrorisme, quelles sont les garanties judiciaires et morales pour préserver le « citoyen » arabe de la lutte anti-terroriste, quels sont les moyens éducatifs, juridiques, économiques, sociaux et idéologiques pour se prémunir contre le terrorisme, qui commandite le terrorisme ? Le rat de laboratoire lobotomisé ou non lobotomisé ne se pose pas de question ? Comme le néant il est un gaz parfait. Pour ceux qui ont souvenir de leur cours de chimie : « Un gaz est parfait lorsque ses molécules n’interagissent pas entre elles, en dehors des chocs survenant lorsqu’elles se rencontrent » Un imbécile est parfait car les atomes de sa pensée n’entrent pas en choc avec d’autres pensées (les siennes ou celles des autres) : il est parfait dans son immobilisme, il répond parfaitement aux protocoles de l’expérimentation, il est le modèle d’excellence à suivre lorsqu’on veut introduire de l’entropie sociale ou de l’anesthésie morale. Sur le plan ontologique, politique et géopolitique, le parfait ne peut imaginer ses imperfections pour les corriger ni voir un modèle meilleur que lui pour focaliser ses ambitions et dynamiser ses objectifs.

En vérité comparer les insensés arabes à des rats est un insulte pour ce que de la Fontaine nomme dans ses fables « la gent trote-menu » ces diversités de Rattus. Le rat est sans doute l’animal le plus opportuniste, le plus stratège, le plus  rusé, le plus adaptable, le plus social et le plus doué à communiquer pour éviter les pièges. Si les chinois et les Hindous, très philosophes, considèrent le rat comme le symbole de l’intelligence, de l’ambition et de la chance, les occidentaux, très matérialistes et très individualistes, le considèrent comme le symbole du nuisible. Le prophète Youssef avait protégé l’Egypte de la famine en concevant des silos enfouis sous terre selon le modèle de conservation des épis de grain par les rats. Le maréchal Sissi conduit l’Egypte vers l’inconnu appâté par les pétrodollars et l’occasion de disposer d’une armée arabe qui viendrait à son secours lorsque le peuple égyptien viendrait à réaliser l’ampleur de la corruption, de la pauvreté et de l’incurie. Le peuple égyptien et le peuple arabe finiront par comprendre qu’ils sont « gueux comme un » et qu’ils vivent dans   » un nid à rats » car leurs gouvernants et leurs élites ont « des rats dans la tête ».

Le jeu de mots permet de tourner en dérision le jeu de maux qui nous accable.

Les monarchies du golfe vont financer la logistique de cette légion étrangère. L’Egypte, le Soudan et le Pakistan vont fournir les chairs à canon de cette armée. L’armement sera américain. Les cibles seront choisies par les Américains. La doctrine de guerre sera enseignée dans les écoles militaires anglo-saxonnes. La stratégie sera américaine. Le renseignement sera américain. Le profit sera américain. Que va gagner le peuple arabe ? Rien, il va perdre davantage. Il va applaudir des guerres par procuration. Les Ambassadeurs américains auront statut de proconsuls romains qui vont superviser les troupes d’élites romaines et les cavaleries et fantassins numides pour bruler Carthage et renverser Hannibal. Le Ratus animal s’il avait vécu ce type d’expérience  humaine il l’aurait intégré dans son logiciel de gouvernance, mais les gouvernants ratus arabus pseudo res publica et ratus arabicus reges monarchia fossilisés dans leur incompétence ne peuvent disposer d’un logiciel autonome pour gouverner, décider et édifier leur nation.

S’ils avaient le niveau social, moral et intellectuel des rats ils auraient mobilisé leurs argent, leurs idées et leur temps de travail à démocratiser leurs sociétés, à libérer leur territoires de l’emprise étrangère, à promouvoir les intelligences et les valeurs, à édifier une industrie et une recherche scientifique, à produire leur nourriture et leurs moyens de défense, à promouvoir l’échange arabe en créant des marchés communs, des liberté de circulations aux idées, aux hommes et aux capitaux, à lutter contre la corruption. Jamais un rat ne consentirait de son plein gré à jouer au pitre et à détruire sa communauté dans un laboratoire humain. Les Arabes ont besoin de gouvernance sensée. Ils sont épuisés de ses siècles de décadence caractérisés par l’instrumentalisation de la religion, de la nation, de l’histoire, de l’ethnie. Les Arabes ont besoin de se mettre au travail sérieusement au lieu de vivre comme des rentiers qui livrent leurs territoires et leurs ressources aux cupidités et aux convoitises des prédateurs nationaux et internationaux.

Lorsque la religion reprend ses droits et sa vocation morale, spirituelle, intellectuelle et sociale elle se libère de la politique partisane et de l’instrumentalisation politicienne. Libéré des dérives religieuses le musulman peut s’occuper à édifier son pays en sa qualité de Khalife de Dieu sur terre. Le Khalife a la vocation et le devoir de déployer son intelligence, son émotion, sa sensibilité, sa foi, son imagination, sa parole, son effort pour préserver la vie,  profiter de l’existence et en faire bénéficier les autres sans monopole ni exclusive ni exclusion. C’est ce contexte ontologique et social qui protège l’homme, musulman et non musulman, du terrorisme islamiste ou non islamiste. Il le protège surtout du colonialisme étranger et du despotisme intérieur qui sont la véritable source du terrorisme.

Cette armée arabe n’est pas une armée destinée à lutter contre le terrorisme car les dirigeants politiques et idéologiques de cette armée sont les fabricants du terrorisme et de son terreau social, culturel et économique. Cette armée n’a pas vocation de protéger le peuple arabe, mais de protéger les gouvernants en place qui vivent avec la hantise de se voir renversés par leur peuple. Ils ont peur de leur peuple. Ils ont peur aussi des dirigeants occidentaux qui ont les moyens médiatiques, politiques, économiques, diplomatiques, juridiques et militaires pour les déstabiliser et les renverser lorsqu’ils ne se comportement pas en vassaux dociles.

Cette armée a pour vocation de préserver le pouvoir en place et de jouer le rôle de gendarme. Les Etats-Unis ont d’autres préoccupations : la Russie, la Chine et la montée en puissance de l’Inde et de l’Amérique latine. Ils confient à leurs larbins arabes l’administration du pénitencier  arabe et africain.

Après la Libye, la Syrie et le Yémen, l’Empire dispose de suffisamment de données pour faire de la légion étrangère arabe non seulement des gardes pénitenciers mais des troupes de combats qui vont relancer l’économie de défense américaine. L’objectif ultime est laissé pour la fin :

Attaque de la Syrie pour réaliser ce que les groupes terroristes n’ont pu accomplir.

Mettre la Russie dans une position plus inconfortable : les Arabes qui s’allient aux Européens pour défendre les intérêts américains et détruire la Russie. Il s’agit de détruire la Russie. Contre l’Eurasie il faut pousser les « fous de Dieu » du Caucase et les arabes afghans et autres insensés à saper la Russie. L’Arabie saoudite et la Turquie peuvent coopérer sur ce terrain.

Placer les Arabes en force d’interposition entre le Hezbollah et Israël, entre la résistance palestinienne à Gaza et Israël.

Faire intervenir les Arabes contre le Hezbollah, le HAMAS et le Jihad islamique désignés comme terroristes

Soutenir tout démantèlement dans le monde musulman et arabe par l’envoi d’une force arabe mercenaire.

Livrer bataille contre l’Iran

Entrainer le monde musulman dans une guerre de mille ans entre Chiites et Sunnites et entre ethnies et entre entités géographiques partitionnés en Etats fantoches.

Ce scénario diabolique est vraisemblable. Il va rencontrer les problèmes suivants :

Les Arabes ont la ruse et la cruauté, mais ils n’ont pas les compétences intellectuelles et organiques pour mener à bien et à terme ce projet.

Les Arabes ont un problème  de légitimité et rien ne dit que la population arabe restera toujours à l’écart et rien ne dit comment les opposants les plus structurés et les radicaux vont intervenir en cours de processus pour changer la donne.

Ce scénario est basé sur l’effondrement de la « révolution » yéménite. Pour l’instant les infrastructures civiles et militaires du Yémen sont détruites, mais rien ne dit que le peuple yéménite guerrier par sa nature et son histoire va se soumettre. Rien ne dit que l’axe de résistance à l’Empire et au sionisme ne va rester spectateur devant ce qui se trame. Le conflit n’est qu’à ses débuts la fin sera sans doute plus dramatique. L’ancien ambassadeur du Yémen, sur CNN, a ouvertement critiqué l’incompétence d’Obama et a refusé que les intérêts stratégiques de l’Amérique puissent être  confiés aux seconds couteaux. Il a préconisé l’intervention armée directe de l’Amérique ou le ralliement à une solution politique négociée. Il y a des fissures qui s’annoncent. Si l’Arabie et son armée de coalisés échouent et ils vont échouer les Etats-Unis peuvent changer facilement de partenaires comme ils l’ont fait au Qatar.

La nature belliqueuse et agressive d’Israël avec la stupidité légendaire de Netanyahu peut conduire à une guerre à Gaza, au Liban, en Syrie ou en Iran ajoutant de la confusion à une situation déjà confuse.

L’Amérique hyperpuissance hégémonique ne traite pas avec des alliés, mais avec des serviteurs serviles et disciplinés. Le chaos du monde montre que si l’Amérique est chaotique ses serviteurs agissent de plus en plus autonomes avec prise de risques dont ils n’ont ni la compétence ni la culture de gérer et d’assumer.

L’Amérique ne traite pas avec des entités dispersées mais avec des chefs de files régionaux qui commandent les autres serviteurs et qui agissent en émissaires de l’Amérique. Qui va avoir le leadership sur cette armée arabe et  sur la région du Moyen-Orient : la Turquie, l’Egypte  ou l’Arabie saoudite ? Les disparités dans les mentalités et dans les ambitions sont telles que l’effritement de la coalition est prévisible à court terme à moins que les événements s’accélèrent et font que chacun des acteurs devienne incapable d’afficher sa différence. Dans un cas comme dans l’autre les conséquences sont dramatiques pour les peuples arabes.

C’est tout ça que j’ai tenté d’expliquer dans mon livre et mes conférences sur l’islamophobie, mais le discours victimaire sur les banlieues françaises a faussé le débat et a confondu la xénophobie française avec l’œuvre destructrice de l’Empire qui fait du musulman  à la fois l’incendiaire et le bois du bûcher qui ravage les espoirs d’avenir, les héritages et du passé et les possibilités du présent dans le monde arabe.

Le jour où on comprendra il sera trop tard de sauver quoi que ce soit. Hélas les opportunistes continueront à déserter après avoir dévoré comme des rentiers. C’est le comportement des rats dans un bateau en perdition. Si le président Yéménite avait de l’honneur et de la compétence il aurait compris que la légitimité politique ne consiste pas à fuir, mais à l’assumer. Lorsqu’un homme ou un régime n’est plus capable d’exercer son pouvoir il perd la légitimité. Ou bien il meurt comme le président chilien Allende ou bien il s’enfuit comme le président ukrainien Ianoukovitch. C’est ainsi : la légitimité vient des urnes ou d’un coup de force.

La charia islamique que les hommes ont modelée selon leurs convenances idéologiques et politiques donne légitimité politique à celui qui a été désigné ou à celui qui s’est imposé par la force. Les savants ont occulté le fait démocratique et le fait révolutionnaire.  Que Qaradhawi, le Mufti de l’OTAN et des Frères musulmans, ne vienne pas nous dire autre chose. La responsabilité morale, sociale  et religieuse dans toutes les religions et dans toutes les politiques consiste à éviter l’effusion de sang et à tout faire pour que la crise ne perdure ni dans le temps ni dans l’espace ni dans les interactions sociales et économiques d’un pays. La légitimité est d’abord morale ensuite institutionnelle. Il est admis qu’après un coup d’Etat ou une révolution si le peuple approuve le fait accompli c’est l’approbation de ce fait qui donne légitimité. L’approbation se fait démocratiquement ou par l’absence de révolte contre le nouveau pouvoir. Qu’il y ait une nouvelle légitimité incontestée ou qu’il y ait contestation de l’ancienne ou de la nouvelle légitimité politique cela relève de la souveraineté nationale et de la prérogative du peuple et des élites. L’intervention étrangère armée pour imposer un pouvoir ou imposer un dialogue conditionnel qui favorise un antagoniste est une agression. L’intervention étrangère, sur le plan du droit international  ou sur le plan du droit dans les pays arabes « républicains », n’a de légalité que si elle répond aux sollicitations d’un Etat souverain agressé par un autre Etat qu’il y ait ou non un traité de défense commune.

En agressant la Libye, la Syrie et le Yémen, l’OTAN et les Arabes ont bafoué les principes du droit. Se taire sur ces principes au nom de n’importe quel argument fallacieux religieux, doctrinal ou ethnique est une faute monumentale.  Musulmans nous devons avoir des principes et des valeurs par lesquels nous évaluons et nous prenons position. L’opportunisme le plus abject consiste à transformer les intérêts du moment et les erreurs de l’instant en principes et valeurs. Si on admet le faux comme vérité et l’illégalité comme légitime alors nous ouvrons la porte à des désastres moraux et politiques sans limites. La planète serait une jungle où le plus fort ferait sa loi comme ont tenté les Etats-Unis de le faire au Vietnam et en Irak.

Quel gaspillage et quelle stupidité ! Le rat le plus stupide n’irait pas à gaspiller ses ressources ou à nuire à sa communauté. Les Arabes gouvernants et opposant le font en dépit de la raison et de l’histoire.

 

 

Norman Finkelstein : Charlie Hebdo est sadique

Norman Finkelstein, Juif américain, Professeur de science politique de renommée mondiale  dit ce que le musulman n’a pas le courage de dire et ce que le Français ne sait pas et ne veut pas savoir au sujet de Charlie Hebdo.

 

NEW YORK

Dans l’Allemagne nazie, il y avait un journal hebdomadaire antisémite appelé Der Stürmer.

Dirigé par Julius Streicher, il était réputé comme l’un des défenseurs les plus virulents de la persécution des Juifs pendant les années 1930.

Tout le monde se souvient des caricatures morbides de Der Stürmer sur les Juifs, le peuple qui était alors confronté à une discrimination et à une persécution généralisées.

Ses représentations validaient tous les stéréotypes communs sur les Juifs – nez crochu, avarice, avidité.

« Imaginons qu’au milieu de toute cette mort et de toute cette destruction, deux jeunes juifs aient fait irruption dans le siège de la rédaction de Der Stürmer, et qu’ils aient tué tout le personnel qui les avait humiliés, dégradés, avilis, insultés », se demande Norman Finkelstein, un professeur de sciences politiques et auteur de nombreux ouvrages dont « L’industrie de l’Holocauste. Réflexions sur l’exploitation de la souffrance des Juifs  » et « Méthode et démence  » [consacré aux agressions israéliennes contre Gaza].

« Comment réagirais-je à cela ? » se demanda Finkelstein, qui est le fils de survivants de l’Holocauste.

Finkelstein dressait ainsi une analogie entre une attaque hypothétique contre le journal allemand et l’attaque mortelle du 7 janvier au siège parisien du magazine satirique Charlie Hebdo qui a causé la mort de 12 personnes, dont son éditeur et ses principaux dessinateurs. L’hebdomadaire est réputé pour sa publication de contenus controversés, y compris des caricatures dégradantes sur le Prophète Muhammad [Mahomet] en 2006 et en 2012.

L’attaque a déclenché un énorme tollé mondial, avec des millions de personnes en France et dans le monde qui ont défilé dans les rues pour soutenir la liberté de la presse derrière le cri de ralliement « Je suis Charlie » ou « I am Charlie ».

Ce que les caricatures du Prophète Muhammad [Mahomet] par Charlie Hebdo ont réalisé « n’est pas de la satire », et ce qu’ils ont soulevé n’était pas des « idées », a soutenu Finkelstein.

La satire authentique est exercée soit contre nous-mêmes, afin d’amener notre communauté à réfléchir à deux fois à ses actes et à ses paroles, soit contre des personnes qui ont du pouvoir et des privilèges, a-t-il affirmé.

« Mais lorsque des gens sont misérables et abattus, désespérés, sans ressources, et que vous vous moquez d’eux, lorsque vous vous moquez d’une personne sans-abri, ce n’est pas de la satire », a affirmé Finkelstein.

« Ce n’est rien d’autre que du sadisme. Il y a une très grande différence entre la satire et le sadisme. Charlie Hebdo, c’est du sadisme. Ce n’est pas de la satire. »

La « communauté désespérée et méprisée » d’aujourd’hui, ce sont les musulmans, a-t-il déclaré, évoquant le grand nombre de pays musulmans en proie à la mort et à la destruction, comme c’est le cas en Syrie, en Irak, à Gaza, au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen.

« Donc deux jeunes hommes désespérés expriment leur désespoir contre cette pornographie politique qui n’est guère différente de celle de Der Stürmer, qui, au milieu de toute cette mort et de toute cette destruction, a décrété qu’il était en quelque sorte noble de dégrader, d’avilir, d’humilier et d’insulter les membres de cette communauté. Je suis désolé, c’est peut-être très politiquement incorrect de dire cela, mais je n’ai aucune sympathie pour [le personnel de Charlie Hebdo]. Est-ce qu’il fallait les tuer ? Bien sûr que non. Mais bien sûr, Streicher n’aurait pas dû être pendu. Je ne l’ai pas entendu dire par beaucoup de personnes », a déclaré Finkelstein.

Streicher fut l’un de ceux qui furent accusés et jugés au procès de Nuremberg, après la Seconde Guerre mondiale. Il a été pendu pour ses caricatures.

Finkelstein a également fait référence au fait que certaines personnes soutiendront qu’elles ont le droit de se moquer de tout le monde, même des gens désespérés et démunis, et elles ont probablement ce droit, a-t-il concédé. « Mais vous avez aussi le droit de dire : ‘Je ne veux pas publier ça dans mon journal…’ Lorsque vous le publiez, vous en prenez la responsabilité. »

Finkelstein a comparé les caricatures controversées de Charlie Hebdo à la doctrine des « propos incendiaires », une catégorie de propos passibles de poursuites dans la jurisprudence américaine.

Cette doctrine se réfère à certains propos qui entraîneraient probablement la personne contre qui ils sont dirigés à commettre un acte de violence. C’est une catégorie de propos qui n’est pas protégée par le Premier Amendement.

« Vous n’avez pas le droit de prononcer des propos incendiaires, parce qu’ils sont l’équivalent d’une gifle sur le visage, et ça revient à chercher des ennuis », a déclaré Finkelstein.

« Eh bien, est-ce que les caricatures de Charlie Hebdo sont l’équivalent des propos incendiaires ? Ils appellent cela de la satire. Ce n’est pas de la satire. Ce ne sont que des épithètes, il n’y a rien de drôle là-dedans. Si vous trouvez ça drôle, alors représenter des Juifs avec des grosses lèvres et un nez crochu est également drôle. »

Finkelstein a souligné les contradictions dans la perception occidentale de la liberté de la presse en donnant l’exemple du magazine pornographique Hustler, dont l’éditeur, Larry Flynt, a été abattu et laissé paralysé en 1978 par un tueur en série suprématiste blanc, car il avait publié des illustrations de sexe interracial.

« Je n’ai pas le souvenir que tout le monde l’ait glorifié par le slogan « Nous sommes Larry Flynt » ou « Nous sommes Hustler », a-t-il souligné. Est-ce qu’il méritait d’être attaqué ? Bien sûr que non. Mais personne n’a soudainement transformé cet événement en un quelconque principe politique. »

L’adhésion occidentale aux caricatures de Charlie Hebdo est due au fait que les dessins visaient et ridiculisaient les musulmans, a-t-il affirmé.

Le fait que les Français décrivent les musulmans comme des barbares est hypocrite au regard des meurtres de milliers de personnes durant l’occupation coloniale française de l’Algérie, et de la réaction de l’opinion publique française à la guerre d’Algérie de 1954 à 1962, selon Finkelstein.

La première manifestation de masse à Paris contre la guerre « n’a eu lieu qu’en 1960, deux ans avant la fin de la guerre », a-t-il rappelé. « Tout le monde soutenait la guerre française annihilatrice en Algérie. »

Il rappela que l’appartement du philosophe français Jean Paul Sartre a été bombardé à deux reprises, en 1961 et en 1962, ainsi que les bureaux de son magazine, Les Temps Modernes, après qu’il se soit déclaré absolument opposé à la guerre.

Finkelstein, qui a été décrit comme un « Radical Américain », a déclaré que les prétentions occidentales sur le code vestimentaire musulman révèlent une contradiction remarquable lorsqu’on les compare à l’attitude de l’Occident envers les indigènes sur les terres qu’ils occupaient durant la période coloniale.

« Lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, ce qu’ils ont déclaré à propos des Amérindiens, c’est qu’ils étaient vraiment barbares, parce qu’ils marchaient tout nus. Les femmes européennes portaient alors trois couches de vêtements. Puis ils sont venus en Amérique du Nord, et ont décrété que les Amérindiens étaient arriérés parce qu’ils marchaient tous nus. Et maintenant, nous marchons tout nus, et nous proclamons que les musulmans sont arriérés parce qu’ils portent tant de vêtements », a-t-il affirmé.

« Pouvez-vous imaginer quelque chose de plus barbare que cela ? Exclure les femmes qui portent le voile ? », a-t-il demandé, faisant référence à l’interdiction du voile dans les emplois de service public français promulguée en 2004.

Les travaux de Finkelstein, accusant les Juifs d’exploiter la mémoire de l’Holocauste à des fins politiques et dénonçant Israël pour son oppression des Palestiniens, ont fait de lui une figure controversée même au sein de la communauté juive.

Sa nomination en tant que Professeur à l’Université De Paul en 2007 a été annulée après une querelle très médiatisée avec son collègue académique Alan Dershowitz, un ardent défenseur d’Israël. Dershowitz aurait fait pression sur l’administration de De Paul, une université catholique de Chicago, afin d’empêcher sa nomination. Finkelstein, qui enseigne actuellement à l’Université de Sakarya en Turquie, affirme que cette décision fut fondée sur des « motifs politiques transparents. »

Par Mustafa Caglayan, pour Anadolu Agency 

Article original : http://normanfinkelstein.com/2015/01/19/norman-finkelstein-charlie-hebdo-is-sadism-not-satire/

L’agression arabe du Yémen.

Alors qu’il est interdit de verser le sang sans droit et sans justice l’Arabie et ses alliés agressent le Yémen. Les Saoudiens ont bombardé la capitale Sanaa qui demeure l’unique ville arabe qu’aucun envahisseur arabe, britannique, portugais, ottoman n’a pu occuper par le passé.  Il y a là un signe des temps qui ne trompe pas. Bien entendu l’esprit non partisan et indépendant ne peut rester indifférent devant l’armada bédouine mobilisée contre un peuple arabe alors que le peuple arabe palestinien n’a jamais bénéficié d’un soutien réel et conséquent de la part de ses bédouins. Pourquoi ?

En réalité j’ai apporté ma réponse en expliquant depuis plusieurs années que ce qu’on appelle la décolonisation est un processus de désengagement militaire et policier trop coûteux en faveur de la transformation des anciennes colonies en comptoirs commerciaux selon le principe de l’inégalité des termes de l’échange. Ce processus, avec l’hégémonie américaine sur l’Europe, arrive à son terme et se fait remplacer par un autre : les armées arabes deviennent des armées coloniales agissant pour le compte de l’Empire. C’est le même souci d’économie, d’efficacité et de prédation avec une nouvelle doctrine militaire qui fait du champ de bataille le social, la culture, la technologie et l’économie, du système d’arme la communication et la médiatisation, de l’action militaire une supervision stratégique. La tactique est confiée aux vassaux européens. L’exécution aux sbires arabes et africains. Le Yémen, après la Libye, du fait de l’absence d’un Etat fort, est un champ d’apprentissage et d’expérimentation de la nouvelle doctrine.

Dans mon analyse assidue des « révolutions arabes » de l’absence de curseur idéologique, de la faiblesse de l’encadrement politique, de la démagogie du discours j’ai vu avec lucidité la chute tragique de l’élan populaire et la récupération du sang versé par les opportunistes avides de pouvoir. Dans mon analyse je voyais la Syrie, la Libye, l’Egypte et le Yémen sombrer dans le pire. J’ai vu l’échec flagrant de ceux qui se réclament de l’islamisme comme ceux se réclamant du progressisme ou du libéralisme. Froidement et sans parti pris j’ai vu deux horizons. Le premier c’est la guerre fratricide sunnite chiite et Arabes Perses. Le second c’est le renouveau de la « Révolution » sous d’autres couleurs et d’autres encadrements, car l’idée du changement est dans l’air, car l’échec des premiers sera capitalisé. Quand et où ? Je ne pouvais deviner. J’avais l’intuition que cela devait se produire comme étant logique, nécessaire historiquement. J’ai pensé que ce serait en Egypte une fois que les nationalistes, les frères musulmans, les salafistes, les azharites et les miliaires auraient épuisé leurs peu d’argument. Cela s’est passé au Bahreïn et cela se passe maintenant au Yémen. L’histoire a son aspect mystique lorsqu’on la débarrasse des mythes. La porte est ouverte, grande ouverte partout pour tous les scénarios.

Il y a bien entendu d’autres raisons que nous allons passer en revue brièvement.

Il faut être aveugle et ignorant pour ne pas savoir que l’Arabie des Saoud et les territoires des roitelets bédouins sont une création de l’Empire britannique et  un instrument de l’Empire américain. Que les auxiliaires de l’empire et du sionisme soutiennent l’agresseur et se réjouissent de l’agression ne doit pas nous étonner. L’argent de la corruption, l’instrumentalisation de la religion et les  commandements US expliquent l’impensable.

L’impensable est une guerre fratricide entre musulmans pour le compte de l’Empire et au profit du capital militaro industriel, financier et pétrolier. Cette guerre n’est pas née du néant. Elle a commencé avec la manipulation de Sadam Hussein amené à entrer en guerre avec l’Iran après la révolution iranienne. Elle continue de faire son chemin dévastateur après la « révolution arabe ». Dans ce long chemin, très court sur le plan historique, nous avons assisté à trois phénomènes majeurs :

–          La destruction des territoires arabes grands par leur histoire, leurs  ressources et leurs géographies : Algérie, Soudan, Irak, Syrie, Libye. Dans cette destruction massive et durable du monde arabe, l’Arabie saoudite a été l’argent, le cerveau et l’inspiration religieuse pour transformer une jeunesse avide de changement politiques et d’édification nationale après la décolonisation en une masse informe, inerte, bigote, intégriste, imprécatrice jetant l’anathème sur les musulmans. La culture saoudienne a instauré dans nos pays le seul islam qui soit toléré par l’Occident : un islam bigot sans vocation civilisatrice, un islam servile et consumériste qui sert les intérêts de l’Empire et du capital étranger. A proximité de cette masse inerte et soumise les saoudiens et leurs réseaux arabes ont favorisé l’émergence de noyaux extrémistes versés dans la violence pour donner crédit à leur machine de guerre médiatique, politique, militaire et idéologique : l’islamophobie pour imposer l’Occident et l’Arabie saoudite après avoir mis en défiance les musulmans les uns contre les autres et mis les non musulmans en méfiance contre les musulmans.

–          La résistance iranienne. Les Iraniens sont parvenus à se fédérer,  à se démocratiser, à s’industrialiser et à instaurer leur présence comme force stratégique dans la région selon le principe simple et efficace qui énonce que « la nature a horreur du vide ». Ce sont les Arabes qui ont créé le vide et qui ont vendu le vide à leurs peuples et à leurs alliés pour ne récolter que le chaos, la vassalisation et le terrorisme.

–          La résistance palestinienne qui se trouve otage des divergences politiques arabes et palestiniennes et des pressions financières et diplomatiques arabes et internationales. Nous avons vu comment le HAMAS s’est trouvé impliqué dans la crise syrienne et dans le conflit fabriqué entre sunnites et chiites au détriment de la cause palestinienne rejoignant les errements de l’OLP et de ce qu’on appelle l’Autorité palestinienne qui n’est rien d’autre  qu’instrument anglo-saxon d’administration de l’occupation sioniste de la Palestine.

Les bédouins, par leur nature vassale et irresponsable,  ne peuvent donc qu’alimenter nuisiblement ces trois phénomènes. L’aura prestigieuse et usurpée de « Serviteur des deux lieux saints » de l’Islam ne peut cacher la trahison envers Al Qods (Jérusalem), le démantèlement de ce qui reste de cohérent et d’homogène dans le monde arabe, la diffusion de la mentalité rétrograde et contraire à l’Islam, le soutien du terrorisme intégriste. Derrière ce qui semble incohérent il y a une politique satanique. Ne pas voir cette politique satanique c’est ne pas comprendre les multiples insenséismes géopolitiques et religieux dont à titre d’illustration :

–          Créer l’organisation des pays islamiques pour contrecarrer les nationalismes arabes qui investissaient dans l’enseignement publique et  l’industrialisation nationale

– Organiser un Jihad international dès 1978, contre la révolution de Saur en Afghanistan qui installa un gouvernement d’inspiration socialiste proche de Moscou ennemi de Washington. Lorsque le sunnite afghan kalbu Eddine hakmatiyar etait prêt d’importer la bataille décisive et que Moscou a engagé des négociations pour un retrait qui préserve les vies humaines et sauve les relations à long terme entre les deux pays, l’Arabie saoudite, la France et les Etats-Unis ont choisi Messaoud pour torpiller le processus de paix et instaurer la guerre civile.

–          Accepter l’alliance avec les « mécréants » dans un pacte pétrole contre sécurité des régimes tout en exportant le désaveu et la guerre contre les « mécréants » dans les autres pays musulmans.

–          Etre l’allié du Shah laïc et ennemi du clergé iranien.

–          Désavouer le FIS sunnite algérien, les Frères musulmans égyptiens et les Houttistes chiites yéménites au nom de la légitimité du pouvoir en place, mais encadrer militairement et financièrement les destructeurs de l’Etat en Libye et en  Syrie.

–          Implanter le Wahabisme dans le monde arabe, mais collaborer avec la Turquie « frériste » et ottomane pour détruire la Syrie et l’Irak.

–          Dévoyer le Soudan pour le partitionner en zone utile et zone de conflit puis faire de ses gouvernants avides de pouvoir et corrompus jusqu’à la moelle épinière non seulement les fossoyeurs du projet islamique au  nom duquel ils ont mené une politique absurde, mais les vassaux dociles de l’Empire. Pour l’anecdote si le Soudan était bien gouverné et si l’argent arabe était bien dépensé tous les musulmans auraient mangé à satiété des ressources soudanaises. Les Yéménites, les Soudanais, les Egyptiens, les Afghans et les Bengalis seraient « prospères » alors que le FMI et la Banque mondiale seraient en faillite.

Derrière ces paradoxes il y a un cynisme qui veut détruire le monde arabe et l’Iran pour imposer la continuité de Sykes Picot à la sauce américaine. Lorsqu’on parle de sauce américaine on parle de plusieurs choses :

–           géopolitique du pétrole,

–          relance de la machine économique par l’industrie militaire,

–          interdiction aux Arabes et aux musulmans d’avoir un projet d’éveil ou de renaissance civilisationnelle qui viendrait comme alternative au matérialisme capitalisme,

–          empêchement des Russes et des Chrétiens d’Orient de faire jonction avec les autres peuples et les autres religions sur un projet aussi ambitieux que l’Eurasie.  L’Eurasie est économiquement, financièrement  et politiquement la mise à mort de l’Empire anglo-saxon. Le monde arabe et musulman est au cœur des enjeux planétaires, mais les musulmans sont prisonniers de leur ignorance et de leur bigotisme.

Le Yémen aurait pu connaitre la paix et la prospérité et devenir l’équivalent de Singapour si les Bédouins avaient eu la morale humaine et la vision politique d’investir dans l’éducation, l’industrie et l’agriculture au lieu de provoquer les déchirements du Yémen dont les pires moment remontaient à la guerre froide et à l’insenséisme des Arabes qui divergeaient entre progressistes alliés de Moscou et monarchistes alliés de Washington. Dans un cas comme dans l’autre le « peuple » ou la « nation » et « Dieu » étaient de la rhétorique comme le sont aujourd’hui islamisme et libéralisme ou démocratie et patriotisme. Les canailles font de chaque valeur un refuge et parviennent à y rassembler d’autres canailles plus stupides. Nasser plus populaire que Sissi avait conduit l’Egypte à perdre des milliers de ses fils au Yémen au début des années 60. Où va aller Sissi avec une Egypte meurtrie, endettée et corrompue. Le sang des Egyptiens qu’il a sur la conscience ne peut être lavé par le sang des Yéménites.

Pourquoi agresser le Yémen dans cette période ? Les mêmes, gouvernants, les mêmes « savants » musulmans et  les mêmes imposteurs et usurpateurs de l’Islam se rangent derrière les Bédouins comme ils l’ont fait lorsque l’OTAN détruisait la Libye et les terroristes détruisaient la Syrie. Ils n’ont aucune justification morale ni religieuse. Le sang qui coule vient s’ajouter à leurs forfaitures. Chacun répondra devant Dieu pour ses paroles et ses actes. Chaque goutte de sang versée sans droit viendra demander justice. Les bigots,  les politiciens  et les opportunistes qui approuvent l’effusion de sang par leur consentement ou par leur silence auront à répondre le Jour de la Rétribution.

Pourquoi agresser le Yémen dans cette période ? Lorsqu’on sait que les Etats-Unis assassinaient avec l’aide de l’armée yéménite les présumés dirigeants d’Al Qaïda et qu’ils ont relativement encouragé les Houttistes à prendre le pouvoir et à lutter contre les Takfiris on reste dubitatifs sur l’intervention saoudienne. Est-ce que les Etats-Unis sacrifient le Yémen pour faire oublier leur échec en Syrie et en Ukraine ou est-ce que leur satanisme dépasse toute imagination.

Pourquoi agresser le Yémen dans cette période ? Est-ce que les Perses et les Chiites sont un danger pour le monde arabe et l’Islam ? Est-ce qu’ils n’ont pas le droit de revendiquer et d’avoir du pouvoir parce qu’ils n’appartiennent pas à la  doctrine de l’orthodoxie sunnite ? Où sont et qui sont les Sunnites ? Quelles sont les divergences doctrinales entre sunnites et sont-elles moins ou plus graves que celles avec les chiites et les ibadites ? Est-ce que nous sommes conscients de la gravité de la situation ? Qu’allons-nous dire à Dieu ?

Pourquoi agresser le Yémen dans cette période alors la raison humaine et la géopolitique appellent le musulman et l’Arabe à s’interroger sur :

–          Presque 5 ans de guerre civile en Syrie sans perspective de règlement autre que l’huile jetée sur le feu par les Bédouins.

–          La fragmentation de la Libye qui touche la Tunisie et qui va toucher l’Algérie.

–          La Jordanie qui livre la mer noire à Israël au détriment de son écologie et de ses voisins arabes.

–          L’Egypte paupérisée et sans projet de démocratisation et de développement sérieux qui se trouve entrainé par un maréchal ambitieux à intervenir pour le compte de tiers en Libye et au Yémen.  Sur plusieurs fronts, internes et externes, comment l’Egypte va-t-elle résister à l’Ethiopie lorsqu’il faut régler le contentieux hydraulique et surtout comment envisager un instant qu’Israël n’a pas le projet de se débarrasser  à jamais de la plus grande armée arabe à ses frontières.

–          L’armée irakienne et la défense populaire (peu importe qu’elle soit sunnite, chiite ou sans religion) qui s’organise (avec l’aide de l’Iran) pour contrer DAESH (soutenu par l’Arabie saoudite, ses donneurs d’ordre et ses alliés).

–          Quel crédit donner aux dirigeants arabes et à leurs « savants » lorsque l’Amérique et la France soutiennent et armes les bédouins contre les Arabes ?

–          Que représentent politiquement, intellectuellement, économiquement  et socialement dans les masses arabes les bigots salafistes qui ont fait de l’Arabie saoudienne leur Qibla ?

Il est impensable que les « Arabes » ne se soient pas posé ces questions et qu’ils entrent dans une guerre.

Si la majorité des naïfs croient que c’est ainsi qu’il faut mettre fin à l’expansionnisme iranien et chiite cela prouvent qu’ils n’ont aucun sens des réalités.

La première réalité est celle des lois de la thermodynamique. Il y a trop d’énergie gaspillé dans le monde arabe sans que cela puisse continuer à être supporté. Personne ne sait quand, où ni comment et avec quelles forces les énergies vont se libérer. Elles peuvent être créatrices ou chaotiques. Dans un cas comme dans l’autre elles ne seront pas favorables aux systèmes en place. Il est impossible que la crise puisse durer éternellement. Les élites en place seront plus touchés que les peuples qui n’ont plus rien à attendre à moins d’être chair à canon pour des causes qui ne concernent ni leur religion i leur nation ni le devenir de leurs enfants.

La seconde réalité est celle de l’Iran. L’Iran, qu’on soit d’accord ou opposé à sa politique, a construit une compétence de compter sur ses forces, une industrialisation, une capacité de mobilisation silencieuse et efficace. Il a surtout construit des alliés stratégiques organisés et disciplinés qui peuvent livrer bataille idéologique, politique et militaire dans les pays arabes. Cela signifie qu’à moyen terme ce sont les Arabes qui vont s’auto détruire au pire des cas sinon ce sont les iraniens qui vont gagner au meilleur des cas. Les iraniens non seulement ne sont pas stupides pour intervenir directement et ouvertement, mais ils ont les capacités de superviser le combat où se dessine leur avenir et celui des monarchies arabes.

Pour l’instant l’Empire et le sionisme ont une capacité de nuisance redoutable, mais force est de constater qu’elle perd de plus son efficacité, son hégémonie voire son contrôle sur les événements pour sombrer dans le chaos.

Troisième réalité. On peut donc dire qu’à quelque chose malheur est bon puisque la crise va s’aggraver et les contradictions s’aiguiser et favoriser ainsi l’effondrement prévisible et visible du système dominant. La nature et la direction de ce changement va dépendre des Arabes, des Musulmans et bien entendu du rôle des Russes et des Chinois. L’histoire est en train d’impliquer la Russie dans un destin planétaire.  Après la Syrie et l’Ukraine, le Yémen directement ou l’Iran indirectement est une autre voie de manœuvre pour les Russes.

La quatrième réalité est celle du pétrole. L’Arabie saoudite a brisé les revenus de la Russie, de l’Algérie, de l’Iran, du Venezuela sans que cela n’apporte un gain aux peuples ni une réalité des prix. Ce sont toujours les compagnies américaines qui exploitent, prospectent et consomment selon leurs propres stratégies. Les Arabes bédouins continuent de dépenser plus que ce qu’ils produisent, la guerre va détruire leurs ressources, mais elle ne va pas enrayer leur culture du gaspillage.

La cinquième réalité est celle de l’accord probable entre les Etats-Unis et Iran sur le nucléaire iranien. Cet accord est plus important pour le président Obama qui aurait ainsi à son actif un fait historique. La guerre durcit la position iranienne et fragilise Obama qui finalement se retrouve président sans pouvoir et sans destin. Cela signifie que la crise est grave, elle ne concerne pas les Arabes et leur folie, mais l’Amérique,  ses institutions et ses centres de décision. La France, pour l’instant, est sans destin, sans cap ni capitaine. L’alignement du président Hollande sur l’Arabie et ses couacs en Syrie et en Ukraine ne fait que reconduire les catastrophes de Sarkozy en Libye.

La sixième réalité est celle de la réalité politico religieuse au Yémen. La propagande veut nous présenter ce qui se passe au Yémen comme un coup d’Etat chiite contre un président sunnite. Le président est un président sortant qui a échoué dans son mandat. Les « Ançars Allah » sont certes chiites, mais leur principal allié est l’ancien président Ali Abdallah Salah qui est sunnite et qui jouit d’une grande estime dans la population malgré qu’il fût renversé par la « révolution arabe ». Salah a toujours la confiance de l’armée et le soutien d’une partie des savants sunnites du Yémen. C’est cette armée qui a permis aux Houttistes de renverser l’ancien régime.

La septième réalité est celle de l’expérience égyptienne : Le président Morsi était élu démocratiquement et il était sunnite pourquoi n’a-t-il pas été soutenu et défendu ? Est-ce que le Pakistan a une compétence religieuse, humaniste, légale sur le plan du droit international pour intervenir dans une coalition « islamique » contre un pays arabe souverain alors qu’il n’est capable ni de pacifier son propre peuple ni d’aider les Afghans à se libérer de l’occupation étrangère ?

La huitième réalité est celle du terrain. Toutes les doctrines militaires savent qu’il ne suffit pas de pilonner l’ennemi par l’aviation et l’artillerie pour le vaincre, il faut occuper le terrain, le pacifier et le nettoyer de tout embryon de résistance qui pourrait prendre les armes ou la parole qui mobilise contre le vainqueur. Les Palestiniens de Gaza ont résisté glorieusement à trois agressions sionistes. Les terroristes de DAESH en Irak et en Syrie résistent depuis des mois au pilonnage de la coalition internationale. Les membres présumés d’Al Qaida au Yémen sont toujours actifs malgré les drones et les missiles américains provenant de la mer, de l’air et de la terre ?   Est-ce que les Houttistes, soutenus par l’Iran et une partie de la population arabe, vont s’effondrer ? N’ont-ils pas remportés la première manche contre l’Arabie saoudite en 2009 ?

Nous ne sommes donc pas encore dans un scénario où l’Arabie et la coalition des bédouins vont gagner la bataille. Mais dans l’hypothèse improbable d’une défaite cuisante des Houttistes il n’y a que deux scénarios probables sachant que celui de la paix est définitivement éliminé :

–          guerre civile dans un pays qui vit dans une situation de conflit presque éternelle avec cette fois-ci exportation à l’intérieure des frontières des monarchies menaçant leur sécurité nationale,

–          fédération des yéménites arabes dépassant le clivage sunnite chiite sur le principe de résistance à l’agresseur.

Dans un cas comme dans l’autre le conflit va durer et va réveiller les conflits de clans et de tribus dans des territoires qui ne connaissent ni la mentalité républicaine ni l’appartenance à l’Etat moderne. Il est logique de voir prochainement le rapport de forces militaires en faveur de l’aviation saoudienne se changer en faveur d’une force de frappes par les missiles que l’Iran et la Russie livreraient à la résistance yéménite. Les territoires yéménites occupés par l’Arabie saoudite comme Najrane seraient revendiquées militairement, socialement  et politiquement.  A titre de rappel, l’Empire américain avec sa logistique, ses armées et sa technologie n’a pu l’emporter sur l’Irak ni sur l’Afghanistan ni sur la Somalie. Il a généré des entropies acceptables au regard de son éloignement géographique. L’Arabie est trop proche pour ne pas être touché par les conséquences de son aventure vouée à l’échec.

Ces bédouins n’ont rien à voir avec les  Omeyades, les Abbassides ou les Ottomans.  Ils n’ont ni ancrage historique ni profondeur civilisationnelle. Ils seront donc effacés de l’histoire de la même manière qu’ils y sont entrés par effraction. Si les Américains ont le culte du pragmatisme, les Bédouins n’ont pas de culture politique à moins que nous sommes déjà dans une bataille contre l’Iran. Cette guerre est repoussée depuis trop longtemps. La confusion ne peut durer encore longtemps. Les informations font état d’une mobilisation massive de la flotte militaire américaine près des côtes iraniennes et arabes, mais ils oublient que les Arabes chiites représentent au Moyen-Orient entre 10 à 40 % de la population locale. Les armes les plus sophistiques aux mains des appareils les plus organisés dans la répression n’ont aucune garantie de maitriser la situation. Le Yémen en fait déjà la démonstration depuis quelques semaines.  Les milliers de milliards de dollars d’investissements et de chiffres d’affaires réalisés par les riches arabes peuvent disparaitre en un clin d’œil du fait de la guerre. Est-ce que le sectarisme ethno religieux sera plus fort que le sens des affaires ? Dans quelques jours on aura la réponse ! En attendant nous félicitons l’Algérie et Oman pour leur neutralité.

Neuvième réalité, la plus amère. Les gouvernants arabes et les mouvements islamiques – en particulier les Frères musulmans et les Salafistes – n’ont pas de curseur idéologique ni de carte politique. L’aveuglement les conduit à devenir des marionnettes que l’Empire manipule selon son agenda. N’est-ce pas étrange que les FM soient décapités en Egypte, mais actifs en Syrie et au Yémen ?  N’est-ce pas étrange que le tout petit Qatar refuse à Sissi le droit d’intervenir en Libye? N’est-ce pas étrange que le Qatar promu à être avalé par l’Arabie saoudite se trouve pièce maîtresse dans le dispositif d’agression contre le Yémen à coté des néo-ottomans? Ce qui réuni tous ses gens malgré leurs divergences psychologiques et doctrinales est leur crapulerie mise au service de l’Empire. Là où vous voyez un musulman trahir les valeurs de l’Islam et contribuer à l’effusion du sang vous trouverez la pire des crapuleries et la pire des soumissions. Je me rappelle l’interview du  défunt Erbakan où il décrivait Erdogan comme l’ambitieux le plus dangereux pour la cause musulmane et pour la nation turque. L’argent versé par les Arabes à l’Egypte depuis un mois prouve qu’il y a préméditation d’agression contre le Yémen et d’autres pays.

Enfin il faut poser ou reposer la question fondamentale et décisive de la légitimité du pouvoir : qui a compétence à légitimer ou à délégitimer un gouvernant ou un aspirant à gouverner ?  Qui est le mieux placé pour juger et décider souverainement : le peuple musulman ou les gouvernants étrangers « islamiques » ou mécréants ?  L’Arabie saoudite n’a aucune compétence pour s’ingérer dans les affaires nationales d’un autre pays. Qui est plus concerné pour décider de son sort : un peuple qui vote démocratiquement pour élire ses représentants ou qui se rebelle contre la dictature qui lui confisque ce droit ou bien un savant musulman qui instrumentalise la religion et qui intervient dans l’histoire, la sociologie et la politique d’un pays sans connaitre les tenants et aboutissement de ses conflits et de ses antagonistes. L’Arabie saoudite et les « savants » musulmans  peuvent se permettre toutes les folies car ils sont moralement des fous irresponsables et intellectuelles des gens conscients que face à eux il n’y a que des brigands et des corrompus. Il n’y a rien à attendre de ces paniers à crabes. Ces paniers à crabes savent que le pouvoir américain est divisé, confus en perte d’intelligence sur le monde et en profitent pour jouer en solo des rôles dont ils n’ont ni l’étoffe ni les moyens. Cela donne un désordre dont ils n’ont pas conscience qui ressemble à  la réalisation de cette loi divine :

{Nous les emmenons graduellement vers leur perte sans qu’ils ne s’en rendent compte}

Dans quelques jours ou dans quelques semaines nous verront sans aucun doute la fragilité, la défaite et  la honte de l’Arabie saoudite et de sa coalition corrompue et irresponsable. L’équation est simple où le Yémen sera le tombeau des monarchies où ces monarchies vont lever une armée plus grande pour agresser la Syrie et le Hezbollah. Ce qui va se passer est décisif. Chaque fois que les Palestiniens sont agressés des événement décisifs se réalisent dans le monde arabe malgré lui. Il y a une mystique de l’Histoire.

 

 

 

Les indigents de la République, l’Islam et le terrorisme

Les indigents de la République étalent leur ignorance, leur arrogance et leur mépris à longueur de journée sur les colonnes des journaux et dans les studios. Ils se prennent pour le nombril du monde qui connait l’Islam et les musulmans mieux que Dieu lui même au point de les interpréter selon leur courte vue et leur imbécillité qui n’ont de mesure que leur narcissisme. Voilà des siècles que les orientalistes, les islamologues de service, les assimilationnistes et les intégrationnistes tentent en vain de réduire l’Islam à leur crasse ignorante et les musulmans à leur ethnocentrisme impudique. Ils n’ont même pas la décence d’interroger l’histoire sur les sources de leurs rapports pervers avec les musulmans ni comment ils ont fini lamentablement en rupture. Aujourd’hui il ne s’agit plus de rupture avec la colonisation et le colonialisme, mais avec la relative paix sociale. Ils cultivent l’amalgame, la haine et le mépris sans se rendre compte qu’ils touchent aux sensibilités des uns et aux exacerbations des autres et cela va finir par instaurer les ferments d’une guerre civile. Personne dans ce pays ne veut assumer ses responsabilités et dire ça suffit. Tous délirent atteint de la charlite. Même les gouvernants et les parlementaires de plus en plus charlot qui ne font pas rire règlent leur contentieux et étalent leur déboire à coup de Charlie par ci Charlie par ça.

L’amalgame avec les musulmans et les terroristes et la confusion de la France avec « Charlie » non seulement n’expliquent pas la vraie crise, mais ils la cachent tout en l’entretenant. Ces voyous qui veulent jouer aux philosophes et aux cultivés savent que le terrorisme qui a détruit la Syrie et la Libye et qui se manifeste d’une manière infantile sur le sol européen est l’oeuvre de la politique insensée et criminelle de l’Occident à l’égard des musulmans. DAESH et consort sont une inspiration occidentale dont les premiers, les plus nombreux et les plus sévèrement touchés sont les musulmans. Si ces mêmes occidentaux et leurs interlocuteurs valides et leurs saltimbanques se réclamant de l’Islam ou de la communauté musulmane avaient réellement éprouvé de la compassion pour les musulmans et de l’intérêt pour les Coptes d’Egypte et les Chrétiens du Moyen-Orient, ils auraient cherché la paix et la coopération entre les peuples. L’intégrisme laïciste et l’implacable justice impériale savent raconter des histoires pour peuples abrutis par le crédit, le sexe et l’oisiveté ou peuples dépossédés de leur devoir par l’ignorance insouciante. Dans ces histoires les experts de la fabrication du consentement idéologique et de la fascination médiatique inventent des mythes, des totems et des fétiches pour cacher la fin de l’histoire, celle de leur monde en décomposition écologique, économique  et politique.

Les indigents et les indigènes de la République s’accordent pour dénoncer l’islamophobie après avoir pris la précaution de la vider de son contenu et de sa portée de machine de guerre médiatique, politique, idéologique et militaire au service de l’Empire qui tente de remodeler le monde alors que ce monde lui échappe de plus en plus le laissant dans la confusion et laissant les peuples qui subissent cette confusion dans l’horreur.

L’islamophobie n’est pas la xénophobie. Historiquement et anthropologiquement la xénophobie est une sorte de catharsis sociale et idéologique qu’une société en crise s’invente pour se guérir de ses peurs, de ses doutes, de ses malheurs. La société, ses idéologues et ses gouvernants refusent de voir la réalité qui a présidé au funeste destin pour se contenter d’un bouc-emissaire qui en général est l’étranger, cet autre qui est à la fois soi même qui fait peur car on lui retrouve les mêmes impulsions et les mêmes convulsions et l’autres différent de soi par sa religion, son ethnie, sa sociologie, sa langue et sa culture. Cet étranger n’est pas obligatoirement celui qui vient d’une autre contrée, il est souvent la minorité faible ou celle qui est montrée du doigt pour conjurer le mauvais sort. C’est le comportement infantile et irresponsable de toutes les sociétés en décomposition, en fabulation et en quête d’identité dans un malheur qu’elle refuse de comprendre ou d’assumer.

Les indigents et les indigènes de la République qui veulent confiner l’Islamophobie aux banlieues françaises et réemployer  les termes de « visibilité musulmane » que la France a utilisé pour monter des notables musulmans contre  l’Islah  badissien des Oulémas se trompent de lisibilité du monde. La France n’est plus la puissance coloniale. La banlieue ne produit pas encore sa visibilité car elle ne produit pas encore ses idées, son argent et son élite ou son projet. La communauté souffre davantage de xénophobie structurelle alimentée par le racisme, les stigmates de la venue  des travailleurs algériens et africains dans des conditions d’esclaves, l’inégalité des chances et l’assistanat social qui a produit le non citoyen soucieux de la rente et méconnaissant ses droits et devoirs, le déni de culture et la mise au ban. Tous ces ingrédients sont exponentialisés  par l’échec de l’intégration menée bureaucratiquement et par le mépris, les crispations sociales  de la crise économique, l’affectivité exacerbée de ceux qui pensent que leurs parents ont été exploités sans rien en contrepartie et que la France a été ingrate envers eux. Nous sommes au cœur du processus de xénophobie. Nous sommes au cœur du drame de la désintégration des populations par marginalisation, acculturation et déculturation, culture de l’échec scolaire et de l’exclusion. L’inégalité des moyens, des possibilités et des chances dans un monde de tarissement des ressources et des idées provoquent de la colère, du ressentiment, de la méfiance, de la violence, de la provocation sans plus. Le plus est dans l’abandon et la victimisation puis la criminalisation des plus fragiles. Dans ce tableau sombre l’identité revendiquée arabe, africaine ou musulmane des parents est dénigrée, culpabilisée, méprisée car la France est raciste, la France est contre la différenciation, elle est pour l’indifférenciation qui uniformise au nom de l’égalité des droits. La xénophobie est une donnée locale nationale  avec son rapport à l’histoire et la sociologie française ses solutions sont locales ou nationales : liberté, éducation, égalité de chances et respect de la différence. Les communautés ne sont pas imperméables à la doxa islamiste ni à l’islamophobie elles les vivent comme l’air du temps, comme la drogue, la réussite ou l’échec scolaire : des faits, des informations.

L’islamophobie c’est un autre registre, un autre objectif, une guerre de religion, une guerre de civilisation qui met le monde musulman avec ses juifs, ses chrétiens et ses musulmans face à la menace de dissolution ou d’agression par l’Empire qui vise leur position géopolitique, leurs ressources économiques et leur potentiel d’éveil civilisationnel pour les maintenir en marge du monde dans des guerres qui leur sont imposées par l’Empire et ses vassaux. Par l’islamophobie, les nostalgiques de l’Algérie française, des comptoires commerciaux de  la colonisation, de l’école franco musulmane sont appelés à contribution idéologique, mais ils n’en sont ni les concepteurs, ni les décideurs ni les agents. Ces derniers sont préoccupés par le réveil du monde musulman et sa jonction avec la Russie pour la construction du monde nouveau protégé de l’hégémonie anglo saxonne  et de leurs vassaux européens et arabes.

L’islamophobie et la russophobie intrumentalisent la xénophobie, mais ce sont des objectifs psycho-géopolitiques pour un Empire et ses vassaux en perte de puissance et qui veulent maintenir l’immobilisme mondiale et leur hégémonie en faisant la guerre hors de leurs frontières, en continuant la prédation des autres territoires, en aiguisant les paradoxes qui alimantent les peurs, les méfiances, les défiances, le recours à l’arbitrage ou à la domination du puissant du moment. Les politiques, les médias et leurs larbins participent au montage de la narrative dans un jeu de rôle de pervers narcissiques qui s’inspirent mutuellement pour entretenir la confusion. Dans la confusion et l’ignorance instrumentalisée, bien entendu on ne se chagrine pas pour l’Irak et la Syrie. Avant le gouvernorat américain l’Irak était un pays relativement paisible sans drogue ni terrorisme. Si le monde arabe et musulman était gouverné par des gens sensés jamais les insensés n’auraient eu l’idée de revendiquer un kalifat islamique au nom duquel et au nom du dieu qu’ils ont inventé dans leur délire il y aurait eu attentat à la vie humaine dans des conditions horribles. sans l’expédition punitive des français pour le compte des américains jamais la Libye ne serait devenu un sanctuaire du crime. Les imposteurs et les falsificateurs de l’Islam qui ont encouragé les folies occidentales ou qui ne les ont pas dénoncé sont pire que Charlie et ceux qui s’en réclament. Ces derniers peuvent toujours se réclamer d’être les produits d’une civilisation qui a perdu le sens de la mesure et de la morale. On peut les désaprouver, mais on ne peut manquer de reconnaitre leur cohérence et leur engagement pour ce qui leur a semblé être vérité.

Pour l’instant ce sont les insensés de tous bords et le sionisme qui tirent profit de la confusion en reprenant des positions perdues depuis des années.

Pour le moment le terrorisme subit par les Palestiniens n’émeut personne. L’idée de présenter les résistants palestiniens comme des terroristes islamistes est une idée vieille qui a besoin de criminaliser davantage l’Islam et les musulmans. La même idée vise également à contraindre les Chrétiens arabes à se désolidariser des causes arabes et tout particulièrement de la cause palestinienne. Les intelligents de l’Occident ont européanisé Jésus de Nazareth le fis de Marie, ils ne peuvent concevoir une autre idée du christianisme lors qu’enfin ils parviennent à « tolérer » le fait religieux après l’avoir vidé de sa transcendance et de son sacré pour une historicité profane qu’ils dessinent selon le centre et le rayon de leur propre compas idéologique. S’ils avaient conservé leurs repères chrétiens ils auraient vu la profanation de Jérusalem et la terrorisation des populations. On peut donc s’interroger sur la crédibilité et la sincérité de celui qui vogue sans repères ou qui œuvrent pour la suprématie des repères d’autrui au détriment de son propre pays.

Mieux qu’un discours, la fable « Les Animaux malades de la peste » de Jean de la Fontaine peut encore eclairer les membres du temple la République s’ils faisaient l’effort d’assiduité écolière :

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Si on devait se montrer plus intelligents, plus lucides et plus percutant on irait chercher la solution foudroyante : faire élire Martine au premier tour. Si les musulmans s’étaient organisés et avaient pris en main leur destin social et politique au lieu de se laisser conduire comme des veaux de France ils auraient la possibilité de provoquer le changement en faisant sauter le système en place. Le système en place instrumentalise les anciens clivages, les fausses peurs et la rente pour durer dans l’alternance de l’immobilisme. Un peu de courage et de sens de responsabilité ainsi qu’une alliance stratégique sur la famille, la morale, le travail, la lutte contre le capitalisme, les intérêts nationaux, la justice équitable, la liberté de culte et tant de valeurs humaines peuvent rapprocher des points de vues qui semblent paradoxaux.

La charia n’est pas cette caricature véhiculée par les infantiles et les handicapés de l’Islam ou par ses détracteurs et ses ennemis, mais la circonspection de l’intelligence du croyant pour s’assurer le salut dans l’au-delà ainsi que dans ce monde dans ses contradictions et ses épreuves. La charia nous ordonne, après la foi, de peser sur notre destin en témoignant avec justice et en agissant avec justesse pour notre bien et celui des autres. Elle nous ordonne de peser sur les événements en identifiant les priorités. Le pacte de Médine est un pacte citoyen par excellence. Même si nous n’avons ni les conditions ni les possibilités de le reconduire nous pouvons nous en inspirer pour définir ce qui serait le mieux pour nous et pour les autres sur le long terme et dans le  pire des cas. Le pire devient de plus en plus probable et il n’existe aucun lieu sur terre où l’homme peut prétendre  à la solitude ou à l’isolement. Demeurer insouciant et immobile, se contenter de dénoncer les autres ou de faire l’apologie de l’Islam sans contexte territorial et social c’est porter atteinte à la Charia. La Charia n’est pas la compilation des peines pénales et civiles du droit musulman, mais l’écologie morale, spirituelle, sociale pour bien vivre, pour vivre dans la dignité et la prospérité. La Charia c’est ma liberté et celle des autres sans transgression des droits des uns par la violence des autres. La violence n’est pas que policière ou militaire elle est aussi idéologique et médiatique. Extirper les membres de la communauté musulmane pour en faire des larbins de la gauche ou de la droite ou des auxiliaires de travail est une violence subie par les musulmans. Elle doit cesser par un nouveau positionnement et une prise de responsabilité. Ce serait encore de l’irresponsabilité suicidaire que d’aller fonder un parti se réclamant d’une singularité religieuse ou communautaire ou de se proposer comme candidat idiot utile. Il faut oser jouer la carte du changement radical, il faut la jouer politiquement et socialement, mais  non individuellement. Il est difficile d’être politique sans être partisan ou politicien et pourtant c’est que nous devons tenter si nous prenons le temps de méditer ce qui s’est préparé depuis le 11 septembre et ce qui se prépare est sans doute plus grave. Devant la gravité nous ne pouvons pas laisser les insensés parler en notre nom ni  les indigents agir contre nous.

Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait où aller...