Guerre occidentale contre la Russie

Washington et l’OTAN parlent maintenant d’envoyer des armes à l’armée de Kiev en déroute. C’est le deuxième cliquet vers un affrontement militaire de « l’Occident » (?) avec la Russie :

Cette guerre avec une puissance nucléaire, officiellement personne ne la veut. Mais tout se passe comme si l’engrenage de l’attaque «occidentale » tournait déjà. On sait depuis 1914 comment éclate une guerre mondiale : c’est le mécanisme fatal des alliances et la pression d’intérêts économiques enveloppés d’idéologie. Or:

■ le mécanisme des « alliances » est en place depuis que l’OTAN (au lieu d’être dissoute après la chute de l’URSS et la fin du pacte de Varsovie) fut maintenue et élargie aux dimensions mondiales, devenant ainsi le ban et l’arrière-ban du suzerain washingtonien ;

■ les intérêts économiques sautent aux yeux : ils sont exclusivement américains. Washington n’a jamais admis que la Russie tente de se ressaisir après le dépeçage « eltsinien » de son économie : d’où la mise en place d’une stratégie politico-militaire anti-russe dès 1994, stratégie dont l’OTAN est l’outil… et qui contredit de plein fouet les intérêts européens. On sait que la machinerie de l’UE est indifférente aux intérêts de l’Europe : elle roule pour l’hyper-classe globale, ce qui est autre chose.

■ L’enveloppe idéologique est double, voire schizophrène :

1. à Washington c’est l’impérialisme néoconservateur poursuivi par Obama sous une forme plus sournoise. Cet impérialisme est la vieille ambition de « leadership global », mais qui se crispe au moment où le monde secoue ce leadership : crispation US drapée dans le prétexte de la « lutte contre le terrorisme global »… (Terrorisme dont feraient absurdement partie, par exemple, Poutine et al-Baghdadi en tant que « brutal dictators »).

2. En Europe, l’enveloppe idéologique est encore plus absurde… et non moins dangereuse. Une loi russe « homophobe » ne suffisant tout de même pas à légitimer une guerre (quoique ?), on réactive le fantasme de   « Moscou-voulant-asservir-l’Occident ». D’où l’apparition plus qu’étrange, dans nos médias, d’un vocabulaire datant de 1942 : «combattants européens », « ours russe », « main de Moscou » ; et une non moins étrange complaisance de nos médias envers les bataillons de « volontaires » ostensiblement nationaux-socialistes qui tiennent lieu d’armée à Kiev.

Ces bataillons nazis se font étriller par les rebelles du Donbass. Les appelés ukrainiens de l’armée régulière, démotivés et désemparés, ne sont pas en meilleure posture. Le pouvoir de Kiev, fabrication américaine à peine dissimulée (voyez la composition du gouvernement) est au bord de la déroute militaire, mais aussi de la catastrophe économique puisqu’il s’est coupé de son marché naturel : l’espace russe.

C’est alors que le Pentagone, qui semble avoir pris les commandes dans cette affaire, hausse le ton et franchit un pas vers la guerre. Le général Dempsey, chef d’état-major américain inter-armé, annonce «d’autres options que diplomatiques». Le général Breedlove, « commander-in-chief » de l’OTAN, annonce l’envoi d’armes aux troupes de Kiev (drones et missiles pour un montant de trois milliards de dollars selon le NYT).

La conseillère d’Obama « pour les questions de sécurité », Susan Rice, pousse dans le même sens. Inutile de préciser que les armes américaines sophistiquées qui seront livrées à Kiev seront servies par des spécialistes américains, voire euro-otaniens. Ainsi des Américains et des Européens tireront sur les rebelles du Donbass : l’intention est même de tirer « sur les Russes », puisque l’armée russe est en Ukraine – à en croire l’OTAN. Le premier tir de missile US dans le Donbass visera symboliquement la Russie. On sait comment tournent ces choses.

On vient ainsi de franchir un cliquet dans l’engrenage d’une guerre qui serait effroyable, compte tenu de l’arsenal du pays que l’on veut attaquer.

En ramenant la France dans la vassalité de l’OTAN, M. Sarkozy nous a ré-enfermés dans la position d’agresseur-cible dont le général de Gaulle nous avait sortis. Le plus beau est que les conseillers politico-militaires d’Obama vouent un mépris total à la France : « un tas de merde », avait dit Mme Rice du plan français d’intervention au Mali… Ce plan était ce qu’il était, et ses résultats sont aléatoires puisque les djihadistes sahariens sont solidement basés (et lourdement armés) en Libye grâce à M. Sarkozy ; mais la phrase de Mme Rice exprimait surtout l’indifférence de Washington envers le problème djihadiste*. Comme sa prédécesseur(e) qui se nommait également Rice, Mme Rice bis ne fait pas la guerre aux djihadistes : elle fait la guerre à… la Russie. Vous savez pourquoi.

Soumis à ces intérêts qui ne sont pas les nôtres, enfermés dans une OTAN où nous n’aurions jamais dû revenir, nous voilà dans le convoi d’une guerre qui n’aurait pour nous aucun sens, mais qui en aurait un pour le capitalisme en crise : comme en 1914.

ps – C’est peut-être l’une des explications du « soutien » d’Obama au nouveau gouvernement grec. En menaçant d’empêcher l’UE de suivre Washington contre la Russie, Tsipras gêne Obama. En soutenant Tsipras dans l’affaire de la dette, Obama obtient que la Grèce ne mette pas son veto à des opérations européennes antirusses. Le Premier ministre grec: Ulysse aux Mille Ruses ?

* Sauf dans les cas spécifiques où ce problème menace, ou pourrait menacer, l’Etat d’Israël.

Source:  Patrice de Plunkett : le blog
un bloc-notes de journaliste chrétien 

Soyons circonspects

ٰيٰأَيُّهَا ٱلَّذِينَ آمَنُوۤاْ إِن جَآءَكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَإٍ فَتَبَيَّنُوۤاْ أَن تُصِيبُواْ قَوْمًا بِجَهَالَةٍ فَتُصْبِحُواْ عَلَىٰ مَا فَعَلْتُمْ نَادِمِينَ

{O vous qui êtes devenus croyants, si un perverti vous apporte une nouvelle, soyez circonspects pour que vous ne portiez point atteinte à des gens par ignorance, et que vous ne  regrettiez ce que vous avez fait.} Al Hujurate 6

 

A – La charte universelle

Cette Ayat s’inscrit dans la charte morale, intellectuelle et sociale du Croyant que la sourate al Hujurate énonce :

 1 – O vous qui êtes devenus croyants, ne devancez pas Allah et Son Messager dans le jugement. Prenez-garde à  Allah…

2 – O vous qui êtes devenus croyants, n’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne faites pas retentir la voix en lui parlant…

3 –  O vous qui êtes devenus croyants, si un perverti vous apporte une nouvelle, soyez circonspects…

4 – O vous qui êtes devenus croyants, qu’il n’y ait pas un groupe d’hommes qui  se moque d’un autre groupe…

5 –  O vous qui êtes devenus croyants, Evitez de conjecturer sur autrui : certaines conjectures  sont des péchés. Ne vous espionnez pas ! Ne médisez pas les uns des autres…

6 – O vous qui êtes devenus croyants : Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous fassiez connaissance…

Cette charte est universelle, car elle s’adresse à toutes  les géographies, toutes les époques et tous les hommes. Son appel est trop riche pour être cerné par un article ou un discours. Nous allons tenter de  mettre en exergue certains de ses aspects  pour transcender l’actualité. Cette charte vient à un moment historique déterminant : les musulmans sont harcelés par des guerres incessantes que leur livrent les Arabes qui installent le doute dans le cœur des fragiles et réveillent l’ardeur des hypocrites. Ce sont ces moments les plus propices à la désertion, à la lassitude et même à l’aventurisme guerrier et revanchard.  Il faut un Prophète et une révélation pour voir plus loin et plus haut et y trouver la détermination, l’espoir et la lucidité.

B – Le cadre global :

Ces appels viennent à la suite de la sourate « Al Fatah » qui annonce le triomphe des Musulmans sur leurs ennemis et de la sourate « Mohammed » qui montre que l’ouverture, la victoire, la grandeur et l’établissement de la communauté musulmane passe par l’amour et l’obéissance du Prophète. Il  ne s’agit pas d’une attitude convulsive qui réagit comme un spectacle affligeant et en contradiction avec ce que Mohamed (saws) représente : « Miséricorde pour les univers ». La sourate al Fatah dit les choses sans équivoques :

{Mohammad est le Messager d’Allah, et ceux qui sont avec lui sont durs envers les mécréants, miséricordieux entre eux. Tu les vois inclinés, prosternés, aspirant à une Munificence de la part d’Allah et un agrément. Leurs signes sont sur leurs visages, comme trace de la prosternation. Cela est leur exemple dans la Torah. Et leur exemple dans l’Évangile : comme une semence qui fit sortir ses rameaux, puis les renforce, puis les grossit, puis elle s’égalise sur ses tiges, donnant plaisir aux cultivateurs, afin qu’Il fasse exaspérer ceux qui sont devenus  mécréants. Allah A Promis à ceux qui sont devenus  croyants et ceux d’entre eux qui ont fait les œuvres méritoires, une absolution et une immense rémunération.} Al Fatah 29

Il ne s’agit pas de la violence de l’insenséisme des terroristes ou de l’infantilisme des intégristes, mais de la posture morale, spirituelle et intellectuelle des vertueux qui ne font aucune concession sur les valeurs, les principes et la foi dans leur rapport à Dieu, au Prophète, à leur communauté et  aux communautés humaines avec qui ils vivent en paix et en coopération pour les choses mondaines. La force triomphante de l’Islam est dans son empathie envers les créatures, dans son anagogie (élan spirituel) et dans son argumentation logique. Les apologues du crimes et les aventuriers de l’anarchie ne sont pas concernés par ce discours. Ils ont leur discours qui invente un Dieu et un Prophète à leur image. Ils sont la même face que les oppresseurs et les blasphémateurs. De la même manière que l’habillage libertaire, l’habillage religieux peut servir d’autres intérêts en contradiction avec l’islam et peut manipuler des consciences, des vies et des morts.

Le Prophète (saws) n’avait pas pour mission de combattre tous les mécréants de la planète, mais de se défendre,  préserver sa foi et sécuriser sa communauté en combattant en totalité c’est-à-dire avec les forces et les moyens disponibles, les agresseurs qui ont pris, en bloc soudé, les armes contre le Prophète et ses compagnons. Le Coran ne demande pas de déclarer la guerre aux peuples païens ou agnostiques, mais de résister aux Kouffars (pour leur interdire la parole et le culte. Les ignorants, les esprits vengeurs et les sectaires ne peuvent confisquer le Coran et lui donner le sens de leur médiocrité,  de leur soif de pouvoir ou de leur désir pour l’effusion de sang : {Combattez les Kouffars tous ensemble comme ils vous combattent en totalité et ne transgressez pas} n’est pas la même chose que « combattez tous les mécréants ».

La vocation du musulman est de témoigner :

  {O vous qui êtes devenus croyants, inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Dieu et faites le bien, afin que  vous cultiviez. Et efforcez-vous  pour Allah par l’effort qui doit Lui être dû. Il vous a élus et ne vous a imposé nulle gêne en religion, la confession de votre père Abraham. C’est Lui (Allah) qui vous a nommés musulmans, par le passé et dans ceci (le Coran),   afin que le Messager soit témoin auprès de vous et que vous soyez témoins auprès des hommes. Accomplissez donc la Salàt, acquittez-vous de la Zakàt, attachez-vous à Allah, Il est votre Protecteur. Quel excellent  Protecteur et quel excellent  Secoureur.} Al Hajj 77 – 78

Pour témoigner il faut une présence vertueuse, forte et intelligente. Celui qui connait le potentiel civilisateur et libérateur de l’Islam et qui aime le triomphe du satanisme fera tout ce qui est en son pouvoir pour que la présence musulmane soit insensée, stupide, violente et inefficace. Les imposteurs et les falsificateurs de l’Islam participent  à fabriquer une image caricaturale des musulmans. Celui qui refuse la vocation civilisatrice et libératrice de l’Islam refuse la vocation de témoignage du musulman.

Lorsque le salafiste se croit en devoir de dire que la visibilité de l’Islam dérange et qu’il faut montrer notre attachement au kamis, à la barbe et au jilbab, il n’exprime en réalité que son ignorance des enjeux géopolitique et psycho politiques ainsi que  sa méconnaissance de la vocation de l’Islam. Les mêmes stupidités et les mêmes raccourcis ont fait croire que le Prophète de l’Islam est un maître tailleur, un herboriste ou un exorciseur. Le musulman modernisant courre derrière les mêmes chimères lorsqu’il imagine  ses apparitions médiatiques ou ses prouesses bureaucratiques auprès du Maire, du Préfet ou du Président de je-ne-sais-quoi  une réponse adéquate à la panne intellectuelle ou une solution judicieuse qui peut faire l’impasse sur les conditions sociales, politiques et économiques Si la stupidité des autres est un alibi pour cultiver la nôtre, il ne faut pas espérer l’éveil de la communauté musulmane avant mille ans.

La sourate Al Fatah s’inaugure par une vérité que nos esprits médiocres et simplistes ne peuvent comprendre :

{Nous t’avons ouvert une ouverture divine, évidente, afin qu’Allah t’absolve ce qui a passé de tes péchés et ce qui est à venir, qu’Il parachève sur toi Sa grâce, qu’Il te guide vers un chemin de rectitude, et te faire triompher un triomphe invincible.} Al Fatah 1.

Si nous sommes incapables de comprendre la parole de notre Créateur et par cette incompréhension nous rendons la parole du Messager (saws) un contre sens de la parole divine alors il ne faut pas s’étonner que nous soyons méprisés, humiliés, menacés. La sourate Mohamed ne nous demande pas de vénérer notre Prophète (saws) comme le faisaient les anciennes communautés, mais de comprendre le Message qui lui a été révélé, son combat et sa morale :

 {Ceux qui sont devenus  mécréants et ont rebuté de la Cause d’Allah, Il condamne leurs œuvres au fourvoiement. Et ceux qui sont devenus  croyants et ont fait les œuvres méritoires, et ont eu foi en ce qui a été révélé à Mohamed, et c’est la Vérité de la part de leur Dieu, Il expie leurs mauvaises actions et les tranquillise. Cela, car ceux qui sont devenus  mécréants ont suivi le faux, et ceux qui sont devenus  croyants ont suivi le Vrai venant de la part de leur Dieu. Ainsi Allah Fournit aux hommes leurs exemples.} Mohamed 1

C’est le rapport au faux et aux vrai qui distingue le véridique de l’imposteur, le sincère de l’hypocrite, le vertueux de l’opportuniste et le croyant du mécréant. C’est ce rapport qui édifie la personnalité du musulman et lui donne la dimension de témoin sur le plan spirituel, moral, social, intellectuel, culturel, économique, politique. Il témoigne aux hommes du présent et aux générations à venir. Il étudie et prend modèle le témoignage de ceux qui l’ont précédé dans la foi.

La sourate al Hujurate dévoile le comportement hypocrites qui ont fait de l’islam un culte sans foi, une pratique sociale de conformisme sans amour pour le Prophète (saws), une bigoterie qui fait dire au Prophète ce qu’il n’a pas dit se contenant d’amalgamer quelques hadiths hors de leur contexte, de leur signification et en contradiction avec la lettre et l’esprit du Coran :

{Les bédouins disent : « Nous sommes devenus croyants ». Dis leur : « Vous n’êtes pas devenus pas croyants, mais dites : “Nous sommes devenus musulmans ”, car la foi n’est pas encore entrée en vos cœurs ». Mais si vous obéissez à Allah et à Son Messager, Il ne vous diminuera rien de vos œuvres. Certes, Allah Est Absoluteur, Miséricordieux. Les croyants sont seulement ceux qui croient en Allah et en Son Messager, et après cela ils n’ont point douté, et ont combattu avec leurs biens et par leurs personnes, pour la Cause d’Allah. Ceux-là sont les véridiques. Dis : « Allez-vous apprendre à Allah quelle est votre religion, alors qu’Allah sait ce qui est dans les Cieux et ce qui est en la Terre ? » Allah Est Tout-Scient de toute chose. Ils pensent te faire une faveur d’avoir adopté l’Islam ! Dis : « Vous ne me faites aucune faveur avec votre adoption de l’Islam. Mais c’est Allah qui vous fait une faveur en vous guidant vers la foi, si vous êtes véridiques ». Certes, Allah Sait l’Occulte des Cieux et de la terre. Et Allah Omnivoit ce que vous faites.} Al Hujurate 14 à 18

Chacun de nous est une vocation de témoignage. Témoins, nous rendrons compte, individuellement et collectivement à Dieu,  de la responsabilité envers le temps de vie, l’intelligence, son émotion, la perception, l’action et  acte. Si les élites musulmanes préfèrent discourir sur l’eschatologie au lieu du témoignage c’est parce qu’elles fuient leurs responsabilités et cachent leur incompétence. Elles ne pourront jamais cacher indéfiniment la réponse que vont se poser  les  jeunes générations si elles se mettent  à lire le monde avec des interrogations sur leur mission et leur devenir, et si elles se mettent à lire le Coran pour le méditer, le comprendre, l’interroger. N’est-ce pas qu’Allah est Témoin ! En sa qualité de Créateur nous sommes des créatures, en sa qualité de Témoin (Chahed) nous sommes des témoins envers Lui, entre nous et auprès des autres. C’est ainsi que la fin de la sourate al Fatah se clôture pour annoncer la sourate al Hujurate :

 {C’est Lui qui a envoyé Son Messager avec la Direction infaillible et la Religion du Vrai, pour la faire manifester avec évidence, sur toutes les croyances. Il suffit d’Allah comme Témoin.} Al Fatah  28

 C  – Le contenu.

Lorsque on a compris le devoir de témoignage on comprend alors la portée et le sens de l’énoncé coranique :

  يٰأَيُّهَا ٱلَّذِينَ آمَنُوۤاْ إِن جَآءَكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَإٍ فَتَبَيَّنُوۤاْ أَن تُصِيبُواْ قَوْمًا بِجَهَالَةٍ فَتُصْبِحُواْ عَلَىٰ مَا فَعَلْتُمْ نَادِمِينَ

{O vous qui êtes devenus croyants, si un perverti vous apporte une nouvelle, soyez circonspects pour que vous ne portiez point atteinte à des gens par ignorance, et que vous ne  regrettiez ce que vous avez fait.} Al Hujurate 6

a – Dans d’autres écrits j’ai montré que « ceux qui ont cru » est un passé achevé sur le plan historique et comportementale comme le désiraient les hypocrites et les orientalistes  alors que « vous êtes devenus croyants » est plus conforme à la signification coranique. La foi n’est pas achevée, elle continue dans l’histoire pour façonner les esprits, les mentalités et les sociétés humaines. La foi est un mouvement vers l’absolu, elle ne peut être ni achevée ni finie ni accomplie. Comme l’amour elle est sa propre mesure, incommensurable. Elle n’est pas un état acquis par héritage, mais une conviction qui se forge, qui évolue et se transforme. Elle est un devenir non seulement parce qu’elle est réversible et dynamique, mais surtout parce qu’elle est actancielle modifiant l’être ontologique et sociale changeant son vouloir, son devoir, son pouvoir, son savoir, son croire, sa vertu  et son faire.

b – Par la foi, le sens de témoignage s’inscrit dans la transcendance. On témoigne pas seulement pour bien vivre, pour avoir bonne conscience, par convenance sociale, pour laisser sa trace dans l’histoire à travers un monument, une œuvre, une idée ou un fait, mais pour gagner le double salut, le salut dans l’au-delà pour une vie éternelle et heureuse ainsi que le salut ici-bas pour jouir de la liberté, de la prospérité, de la dignité, de la santé, de la sécurité, de la paix,  de l’intelligence, de la beauté, de la bénédiction divine… en partageant, en offrant son talent, en faisant valoir ses compétences et ses différences.

c – Le témoignage et le devenir de la foi et de la vertu qui l’accompagne ne peuvent se faire dans l’anarchie ou se comprendre comme du romantisme sans vie d’épreuves et de lutte. L’existence est une épreuve pour tous les hommes, elle est plus éprouvante pour les hommes de foi. La communauté appelée à jouer sa vocation de témoin,  à accomplir son destin de « pôle de rayonnement : Oumma wassata  et à disposer des attributs de grandeur « khayra oumma » qui rendent son tamkine (établissement sur terre) possible et durable doit nécessairement construire sa résistance intellectuelle et comportementale pour ne pas être emportée par les luttes idéologiques et les machinations médiatiques et politiques de ses ennemis.

Une communauté appelée à représenter l’Islam, à le défendre et à le diffuser doit donc se démarquer du Fassiq. Le Fassiq est l’individu ou le groupe de personnes qui détourne intentionnellement quelque chose de sa vraie nature ou de son vrai sens.  C’est donc le mal intentionné, l’incitateur au mal, le  corrompu, le débauché, le dépravé, le dévoyé, le perverti, le pervers qui agit avec l’intention de nuire en diffusant de fausses nouvelles, ou qui agit pour le compte d’autrui en colportant leurs mensonges, leurs menaces et leurs intimidations pour effrayer, pousser à un comportement ou à une action…

La conscience d’être témoin exige de traiter l’information, le renseignement, l’observation, l’intention, le comportement ou l’action à destination de la communauté avec circonspection. Le bayane et le tibyane sont le procédé de  mise en évidence de la vérité. Le bayane  (Nom donné au Coran) est la manifestation endogène de la vérité qui s’impose par elle-même par sa propre nature à être évidente quelle que soit la volonté des hommes à la nier ou à l’oublier. Le Coran se nomme aussi le Forqane pour se définir comme le Critère par excellence et par lequel le questeur de vérité distingue le vrai du faux. Le Coran n’est pas seulement l’affirmation de la foi, mais une construction de la personnalité et de la pensée pour faire face aux faux syllogismes et au doute. Le tibyane est l’effort exogène pour que la vérité se cristallise (hasshassa al Haq comme cité dans la sourate Youssef) que chacun accomplit ou se doit d’accomplir pour découvrir la vérité ainsi que l’effort d’enlever tous les obstacles qui se dressent contre la vérité et les écrans qui l’occultent. Le premier acte de foi après la reconnaissance du Dieu unique Créateur, est un acte de témoignage compris comme un devoir de justice, un devoir de vérité envers soi et envers les autres.

La communauté appelée à jouer sa vocation de justice par le témoignage se doit d’être circonspecte. La circonspection, du latin circumspectio « action de regarder autour, inspecter ses alentours… »  consiste à se prononcer sur la fiabilité d’une information ou d’un fait. Aucun projet, aucune étude, aucune science ne se fait sans cette démarche de retenue prudente que l’on doit observer dans ses intentions, ses paroles et ses actions en les pesant et en les combinant pour leur donner justesse, fiabilité, crédibilité, viabilité, pertinence (adéquation avec l’espace) , opportunité (adéquation avec le temps), et cohérence. L’islam n’est pas la religion des charlatans, des improvisateurs, des dissimulateurs  et des insensés. Il n’est pas aussi la religion des comploteurs et des terroristes. Il est la religion de la vigilance de l’esprit et de la responsabilité. L’islam refuse de porter du tort et des préjudices tant aux siens qu’aux autres qui restent sien dans le sens où ils sont les destinataires de son message.  Le Prophète (saws) n’affichait pas l’arrogance des parvenus de la foi de notre temps qui se croient les incarnations de la vérité et de la pureté, mais témoignait de l’amour pour l’humain et souffrait de voir le mécréant dans sa perdition. Il souffrait pour les autres par compassion et ne souffrait pas des autres pour leur manque d’égard envers lui :

{Vas-tu alors te tuer de chagrin, de leur comportement, s’ils ne croient pas en ce discours ? Nous, Nous Avons Fait ce qu’il y a sur la terre pour l’embellir afin de les éprouver : lequel d’entre eux agit au mieux.} Al Kahf 6

La compassion du Prophète (saws) ne lui interdisait pas d’être un pédagogue qui différencie son discours et son style. Elle ne lui interdisait pas de préparer sa communauté à réfléchir et agir avec vigilance, clairvoyance, lucidité, discernement et circonspection. L’Islam est la religion d’Allah, ce n’est pas une affaire personnelle qui permet à chacun de l’imaginer comme il veut ou de la défendre comme il veut par les moyens qu’il veut. L’Islam a discipliné les Arabes, les Perses puis les Mongols et les Tartares lorsqu’il était représenté par des croyants refusant l’anarchie et la paresse. Lorsque les musulmans n’ont plus de projet de civilisation et de conscience de témoignage, ils parviennent à perdre la vigilance au profit de  l’arrogance, le savoir au profit de l’ignorance.

Le Coran ne se limite pas à souligner le devoir de vigilance et de circonspection en toute chose, il donne l’explication du manquement à ce devoir : l’ignorance. Il aurait pu dire inadvertance, oubli, erreur ou faute, mais il cible l’ignorance. Quel est le mystère ?

La pédagogie coranique met l’accent sur l’ignorance pour nous dire deux choses. La première est que notre défaut d’attention (dans notre vigilance) et notre manque d’application (dans notre devoir envers les autres ou dans ce que l’on fait) peut porter du tort aux autres qui peuvent ne pas savoir que nous agissons par insouciance et cela est grave car les conséquences peuvent être dramatiques pour tous. La seconde chose est qu’agir d’une manière inconsidérée,  penser d’une manière insensée, traiter l’information d’une manière superflue et non fiable relève de la pire des fautes qui est l’ignorance des devoirs et des règles de l’art imputables au métier que l’on exerce, à la fonction que l’on occupe et à la charge dont nous sommes investis. Moralement c’est une trahison, politiquement c’est une faillite. La jahiliya, l’obscurantisme, et le Jahl, l’insouciance,  sont des tares incompatibles avec la lumière de l’Islam et les enseignements du Prophète, car ils font rétrograder la communauté non seulement à un niveau inférieur de celui de l’islamité, mais inférieur à celui de l’humanité. C’est l’insouciance des Arabes avant l’Islam qui a façonné leur inconsistance et leur insenséisme. L’ignorance au sens coranique n’est pas l’absence de savoir, mais l’acquisition et la promotion de faux savoirs, de fausses représentations sur la réalité. Cette ignorance ne sied pas à l’être humain :

{… ils ont des cœurs avec lesquels ils ne comprennent pas, ils ont des yeux avec lesquels ils ne voient pas, et ils ont des oreilles avec lesquelles ils n’entendent pas. Ceux-là sont comme le bétail, ils sont même plus fourvoyés. Ceux-là sont les inattentifs.} Al Aâraf 179

{Certes, les pires des bêtes, pour Allah, sont les sourds, les muets, qui ne raisonnent point.} Al Anfal 22

L’insouciance, l’indifférence, est une atteinte à l’intelligence, une sape contre le devoir de témoigner. Lorsqu’une communauté est insouciante, elle devient insensible à la voix de la raison lui préférant les discours qui anesthésient sa responsabilité et cultivent sa paresse. Le Coran n’a pas blâmé les poètes, car ils faisaient des vers, mais parce qu’ ils produisaient des paroles fascinantes pour détourner les hommes de la vérité et les aliéner à leurs désirs immédiats et futiles. Voilà plus de cinq siècles que le monde produit en excès ses poètes  bonimenteurs  :

{Est-ce que je vous annonce sur qui les démons descendent ? ils descendent sur chaque forgeur de mensonges, grand-pécheur. Ils prêtent l’oreille, mais la plupart d’entre eux sont des menteurs. Et les poètes sont suivis par les égarés.} As Chouâra 222

Bien entendu, les charlatans ont fait croire que la poésie et les arts c’est haram pour conserver le monopole de l’envoûtement des peuples musulmans déjà abrutis par la sédimentation de l’oppression et de l’ignorance.

Dans cet ordre d’idées, non seulement il y a mise en garde contre l’insouciance  ou le cas échéant blâme contre les insouciants, mais il y a annonce d’un châtiment durable :

{… et que vous ne  regrettiez ce que vous avez fait.} Al Hujurate 6

L’expression arabe coranique utilise le futur pour désigner une action qui dure et qui se répète inlassablement signifiant par-là que les conséquences sont graves par leur dimension sociale, religieuse et politique ou militaire, mais par leur portée dans le temps et la géographie. Une communauté dont les élites manquent de circonspection et de sens des responsabilités historiques finit par subir son insenséisme et  sa précipitation. L’Algérie, à titre d’exemple a subit la bleuite la peur de l’infiltration française dans les rangs de l’ALN et du FLN qu’elle a sacrifié un grand nombre d’intellectuels dans ses maquis et ses réseaux de résistance. C’est ce sacrifice inhumain et inutile qui a décimé la révolution algérienne et a permis aux incompétents de prendre en otage la libération. C’est la même incompétence qui a permis à la décennie noire de vider l’Algérie de ses cadres et de ses ressources. Partout, on assiste au même phénomène qui dure et perdure.

Le Coran nous dit que l’insouciance n’est pas une tare spontanée, elle est structurelle et de ce fait elle est récurrente. Les grandes catastrophes dans le monde musulman sont récurrentes et relèvent de l’insouciance. Les musulmans fabriquent leurs propres malheurs et de la même manière récurrente ils en imputent la responsabilité à autrui. La spirale de l’humiliation ne prend pas fin en désignant un responsable, mais en faisant l’effort de lucidité pour voir le devenir que nous avons mis en panne et que nous continuons de saboter. Encore une fois, les autres ne sont que les amplificateurs de nos malheurs et les réducteurs de nos possibilités. Ils ne peuvent être tenus pour les uniques et principaux agents de notre décadence.

{Certes, Allah ne Modifie rien en un peuple jusqu’à ce qu’ils changent ce qui est en eux-mêmes. Et si Allah veut quelque mal à un peuple, rien ne peut le repousser et ils n’ont, à l’exclusion de Lui, aucun protecteur.} Ar Raâd 11

d ) Le Coran utilise le terme nàdimine (pluriel de nàdim) qu’on traduit abusivement par avoir le remord ou le regret alors que le terme désigne aussi la persistance coutumière qui devient rituelle et dogmatique, la démarche mécaniste qui refait inlassablement les mêmes gestes, prononce les mêmes paroles et obéit aux mêmes injonctions sans leur opposer résistance ni leur apporter un changement. Le nadim, dans la poésie arabe, est l’échanson c’est à dire celui qui avait la charge de présenter rituellement la coupe royale dans les cérémonies officielles et de gouter aux boissons pour éviter que le roi ou la reine ne soit empoisonné. C’est aussi le serviteur assidu servant du vin dans les banquets.

La conclusion de l’insouciance ne serait pas seulement le regret  »   et que vous ne  regrettiez ce que vous avez fait. » mais l’émergence d’une culture et d’une mentalité structurelle enracinées dans la confusion et l’insenséisme par manque d’esprit vigilant, par servilité et par manque d’enseignement des expériences. C’est l’un des pires châtiments qui puisse arriver à une communauté ou à une nation dans cette existence.

{… et que vous ne  persistiez  dans ce ce que vous avez fait.} Al Hujurate 6.

Lorsque le musulman fait de l’attachement aux apparences son credo au lieu de faire de la vérité sa quête il se prive des moyens de sa libération et de son émancipation. Lorsque le musulman n’utilise pas son intelligence et sa compétence de raisonner il devient otage du  mimétisme servile, de la casuistique religieuse et de la reproduction des mêmes schémas mentaux et des mêmes fausses représentations que rien ne vient corriger ni redresser. C’est ainsi qu’il faudrait sans doute traduire les conséquences du manquement à l’appel divin à faire usage de son humanité et de son islamité comme il convient :

{… et que vous ne  persistiez  dans ce ce que vous avez fait.} Al Hujurate 6.

  D – Quelques dangers et impasses de fausse lecture immédiate :

  • La première impasse est de croire que la communauté juive est la communauté ennemie des musulmans. Les Juifs ont été persécutés par les européens et dans ce contentieux historique nous n’avons ni part de responsabilité ni culpabilité. Nous compatissons à leurs souffrances et aux souffrances de tous les persécutés et de tous les opprimés. Nous refusons que ces souffrances soient instrumentalisées pour des exacerbations sociales, politiques, idéologiques et religieuses.  Nous refusons que la souffrance soit le monopole des uns contre les autres. Le Prophète de l’Islam, Mohamed (saws), avait eu un contentieux historique et politique avec les Juifs de Médine qui ont pris l’initiative de le persécuter en faisant alliance avec les Arabes païens. Le Coran et la Sunna du Prophète sont  sans ambiguïté sur ce sujet.
  • La seconde impasse est d’identifier la communauté juive à Israël ou au sionisme et de ne pas tenir compte des faits et des idées qui ont façonné les hommes et les territoires.  La question palestinienne n’est un conflit religieux ou ethnique. Si les « représentants » de la communauté juive disent le contraire il ne faut pas s’en offenser, les représentants officiels et officieux ainsi que les impostateurs des communautés musulmanes disent eux aussi des choses insensées et inacceptables.
  • La troisième impasse est de croire que toute la communauté laïque est islamophobe. La laïcité et son intégrisme laïciste doivent être revus dans leur contexte historique et politique. Qu’ils se se permettent de dire ou de faire ce qu’ils veulent à notre égard est leur problème. Nous devons leur opposer des réponses efficaces, mais nous ne pouvons cependant occulter les dimensions géographiques, sociales, culturelles, historiques, économiques et religieuses qui ont façonné les mentalités collectives. Notre vocation n’est pas de juger, mais de comprendre pour être une force de proposition dans la voie prophétique :

{Je ne veux que la réforme, autant que je peux. Ma réussite ne dépend que d’Allah. Je me fie entièrement à Lui, et c’est à Lui que je reviens.}  Houd 88.

  • La quatrième impasse est celle de la Hijra, l’exil en sens inverse. Le malaise social conjugué au désordre mondial pousse les communautés juives, chrétiennes et musulmanes à chercher explication dans l’eschatologie. Ceci n’est pas nouveau. A côté du catastrophisme, on cultive l’eldorado du retour, de la Hijra vers les terres d’Islam. Je n’ai ni vocation à parler de halal et de haram, ni mission de parler au nom des gens, mais responsabilité d’éveiller. Tout projet est intéressant y compris celui du retour au pays de ses ancêtres tant que ce projet réponde à une démarche intelligente comme celle exigée par tout autre projet : viabilité, faisabilité et finalité. Chacun sera seul dans son choix et il devra se poser beaucoup de questions  particulièrement  celles sur ses motivations profondes, ses attendus, ses moyens, sa perception de la terre d’islam et enfin de sa responsabilité de témoin auprès des autres. Bien entendu l’islamophobie, le sionisme et le populisme chauvin seraient satisfaits de voir les musulmans partir. Ceux qui pensent que là-bas ils vont rejoindre l’armée de Mohamed pour combattre les mécréants d’ici ont certainement une lecture imparfaite de la réalité d’ici et de là-bas.

Sur le plan conceptuel et méthodologique, faire valoir un hadith déboîté de son contexte d’énonciation ou se référer à des mots tels que Dar al Harb et Dar Al Islam qui n’ont plus de cadre historique  et géographique c’est aller contre le projet fédérateur de l’humanité plurielle qui fait partie intégrale et indissociable  de la sourate al Hujurate qui doit mobiliser notre attention en ces moments de Fitna (troubles et désordres) :

{O vous qui êtes devenus croyants : Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous fassiez connaissance…} Al Hujurate 6

Pour le capitalisme, dans sa version contemporaine, le consommateur et le marché n’ont ni territoire ni  religion. La meilleure preuve c’est avec ses produits que les musulmans pratiquent l’effusion de sang de leurs semblables en terres d’islam pour le compte de l’islamophobie impériale. Pour les gouvernants français et les intellectuels de France c’est aussi le moyen de se ressaisir et de tisser les ponts pour une longue coexistence pacifique et mutuellement bénéfique avec les Musulmans sur un contenu clair et engageant.

  •  La cinquième impasse est l’imposture.  Les imposteurs qui parlent au nom de l’islam cherchent souvent une place au soleil, une reconnaissance mondaine au lieu de l’agrément d’Allah. Les uns égorgent les musulmans et les innocents, les autres font allégeance aux médias pour se démarquer ou pour offrir leurs services d’auxiliaires de polices ou d’idiots utiles. S’ils avaient un peu de coeur et d’esprit ils auraient compris que la reconnaissance ne viendrait ni d’une communauté amorphe ni d’un système aliénant ni de l’effusion de sang. Lorsque le musulman proclame « Kafa bi Allah chahid : Allah me suffit comme Témoin » il se libère de toute quête de reconnaissance, de salaire, de soumission. Il accomplit son devoir sans rien attendre. Il agit par amour pour son Prophète et par respect de  son message et non en réponse à un  intérêt ou à une  injonction C’est cet amour qu’exprime le comportement de celui pour qui Allah lui suffit comme Témoin, comme Guide, comme récompense. C’est cette trajectoire qui fait que le musulman est toujours insatisfait, en devenir car il cherche l’absolu. Rien ne peut le satisfaire ni les titres, ni les honneurs ni le prestige ni l’argent, ni la jouissance. Il est libre, rien ne peut le prendre en otage ni aliéner sa liberté et sa lucidité. Ce sont les critères coraniques qui ont éduqué Mohamed (saws)

{Nous t’envoyons aux hommes comme Messager. Allah suffit comme Témoin.} An Nissa 79

{Allah Témoigne de ce qu’Il te révèle. Il le révèle en toute connaissance, et les Anges en témoignent. Allah suffit comme Témoin.} An Nissa 166

Les justifications, les réponses empressés aux exigences d’allégeance inconditionnelle, les démonstrations de sa bonne foi qui se font d’une manière conjoncturelle et spectaculaire ne participent pas à l’émancipation de la liberté ni à la lucidité de la pensée ni à la promotion de la citoyenneté. L’ingénierie sociale et politique sous l’angle islamique exige de ses acteurs la circonspection et l’anticipation pour chercher les dénominateurs communs à partager avec le reste de l’humanité sur le plan de la liberté, de la justice, des savoirs, des arts et de la culture sans se démettre de ses valeurs ni céder au chantage, à l’intimidation et à la rumeur.

Conclusion :

C’est un ensemble d’idées, de concepts, de comportements et de valeurs que nous livrent la lecture de la sourate al Hujurate et  ses annonces contextuelles : Mohamed (saws) et l’ouverture (la fin de crise et le triomphe des humbles sur les arrogants). Le tibyane coranique, la circonspection du croyant  n’est pas la réserve prudente de l’attentiste, le calcul de l’opportuniste, l’indolence du fataliste, ou les convulsions de l’anarchiste. C’est la posture intellectuelle de l’homme civilisé qui veut accomplir sa vocation de civilisateur en s’ouvrant aux possibilités du monde et en faisant don de ses possibilités sans jamais ignorer les conditions réelles – sociales, psychologiques, historiques, économiques et culturelles –  du déploiement ou de restriction de ces possibilités, de leur libération ou de leur oppression. Le musulman qui tue ou qui offre sa vassalité a perdu la lucidité et ainsi il a perdu la compétence de témoigner ne laissant derrière lui que l’horreur et la stupidité de son acte qui viendra témoigner contre lui le jour du témoignage ultime. Le tibyane coranique, la démarcation  du croyant, consiste à fixer les limites de l’expansion des autres sur son territoire  et elle consiste aussi à se libérer de l’emprise des autres, de leurs préjugés et de leurs injonctions. C’est une prophylaxie sociale, une écologie intellectuelle, une épuration morale qui exige la présence de repères solides, identifiables, invariants et d’un curseur mobile qui s’adapte pour montrer l’urgence, la priorité, la vérité et ne pas demeurer sans cap ni boussole dans la tempête.  Le meurtrier et le vassal seront, dans cette vie, conduit vers l’accoutumance à  la confusion, car la lucidité qui leur permet d’y mettre fin est absente et le devoir de témoigner est anéanti par un acte ou un comportement insensé, sans limite, sans curseur.

 

 

Je suis une image

 

L’efficacité et la beauté participent souvent à l’élaboration de slogans fallacieux, car l’esprit envoûté par le beau a tendance à le confondre avec le vrai et à s’identifier avec la belle image. L’effet d’identification joue plus facilement dans les périodes de troubles, d’ignorance et de solitude où chacun s’accroche à la première vérité qui s’impose à lui. Les techniques de manipulation et de fabrication du consentement sont connues. Noam Chomsky, défenseur de la liberté et de la démocratie, les dénonce dans ses conférences, car elles privent l’humain de sa compétence à réfléchir pour ne sublimer en lui que la bête et le troupeau.

S’il est vrai que le progressisme français a  introduit l’exploration visuelle dès la maternelle pour donner au futur adulte les moyens de se repérer dans un monde surpeuplé d’images, il est vrai aussi que cet adulte reste infantile dans son  traitement de l’image. Tisseron, le  psychiatre français, a montré comment les images de la « vache folle » étaient identifiées dans la mentalité collective comme les bûchers du Moyen-âge avec leur lot d’angoisse voulant sans doute nous dire que le déluge d’informations  désinforme et produit des effets pervers. Rien ne nous interdit de penser que les effets pervers de l’image et des mots sont planifiés comme un objectif de guerre médiatique et de lutte idéologique dont les conséquences seront  catastrophiques pour tous si les honnêtes gens ne viennent pas dire « ne parlez pas en notre nom » et ne travestissez pas la vérité.

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C’est cette image qui a été utilisée pour tenter une  révolution colorée en Iran et faire tomber Ahmadi Najad.

« Une civilisation démocratique ne pourra se sauver que si elle fait du langage de l’image un stimulant pour la réflexion critique, pas une invitation à l’hypnose ». Umberto Eco

Ecrire par le texte, l’image, le son ou le geste, sur le plan intellectuel et artistique, ne consiste pas à défendre une position idéologique ou à prendre une posture politique sur les polémiques ou sur problèmes brûlants de l’actualité mouvante et orientée. Ecrire c’est élaborer une grille de lecture qui fasse sens tout en rendant cette grille subtilement cachée pour inviter à la réflexion. Livrer en vrac et avec force ses « vérités » sans donner à la Vérité le temps de se dévoiler et de s’imposer à l’esprit est de la propagande. La propagande peut convaincre les esprits mesquins en quête de bouc émissaire et de solutions à l’emporte pièce, mais elle finit par lasser, y compris dans son propre camp, lorsqu’elle se transforme en  unanimisme ou en sectarisme tous les deux contraires à l’idée même de liberté d’expression. Lorsqu’on se revendique de la liberté on se doit d’avoir une pédagogie de la libération.

La pédagogie, selon le philosophe et pédagogue français Antoine de la Garanderie, est la prise en charge intelligente et responsable de la grande diversité des fonctionnements cognitifs, à partir de l’analyse des habitudes mentales des individus en principe différents dans leur manière d’appréhender, de comprendre et de se fixer projet d’application ou de transfert de ce qu’ils ont acquis par l’expérience ou par l’apprentissage.En pédagogie, éducative ou politique comme dans les arts et la littérature, les mots et l’image se doivent d’avoir un pouvoir évocateur, ils doivent être significatifs, suggestifs, symboliques dans le contexte de leur évocation. Plus personne ne conteste aujourd’hui le rôle fondamental de l’évocation comme outil de la pensée. L’évocation ne consiste pas seulement à tenter de ressusciter les absents ou les disparus ou de donner libre cours à ses fantasmes, mais de tenir compte de l’impact des mots et des images sur l’environnement social, intellectuel ou écologique de la communication si la responsabilité et la visée de la pensée et de la parole ne consistent pas à provoquer, à stigmatiser, à manipuler. En effet, dans le champ social, pédagogique, politique et culturel, il n’y a pas une évocation, mais des évocations, des projets élaborés comme des constructions mentales à partir des objets de perception. Plus que la perception, le ressenti est chose intérieure, intime. Le pédagogue dans sa classe ne travaille pas sur des anonymes, mais sur des personnalités qui ont une histoire, un parcours, des projets, des imaginations, des désirs, mais aussi de fausses représentations. C’est avec eux et non contre eux qu’il  réalise sa vocation. Le journaliste, l’homme de religion, le médecin, l’agent social, le chef d’Etat sont des pédagogues au service de l’humain. S’ils oublient leur vocation et transgressent les règles de l’art de leur métier, ils finissent par se présenter vils et haïssables, même si les médias les font apparaître autrement.

L’humain est sacré. Toucher à sa vie, à sa dignité, à sa sécurité ou à sa croyance c’est provoquer la colère des Cieux et de la Terre.

S’il est donc irresponsable de jouer sur les sensibilités culturelles et religieuses, il est criminel de le faire en période de crise et d’exacerbations sociales ou politiques. Il ne suffit de pas proclamer sa « vérité », il faut être à l’écoute du comment elle devient ensemble d’évocations personnelles, intérieures à un individu, à une communauté. Il ne peut y avoir évocation, du latin evocare « appeler à soi, faire venir » que si l’esprit est mobile et ouvert.

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La mobilité et l’ouverture sont certainement les compétences de l’imagination lorsqu’elle est libérée des peurs, des stéréotypes, de la fascination, de l’hypnose et du vagabondage paresseux ou insouciant. Si l’évocation est un processus de libération par l’acquisition de la compétence d’éveil de la mémoire et de l’anticipation de la pensée focalisée sur la réalité qu’elle veut transformer ou comprendre, alors que l’hypnose est un processus négateur de la liberté car il vise à tenir quelqu’un sous son empire, sous sa domination, sous son influence. L’évocation n’est pas l’ensemble des réminiscences du vécu antérieur, mais le projet d’être, de penser et de faire, suscité par des informations visuelles et auditives. La liberté consiste à reconnaître à autrui le pouvoir d’évocation et par conséquent elle impose au producteur d’image et de paroles de respecter le processus mental et affectif par lequel le destinataire reçoit le message visuel et auditif. Occulter ce processus et le devoir de responsabilité qui lui est attaché c’est obligatoirement travailler pour le compte de la fascination, de l’anarchie et des atteintes à la liberté.

Si la réflexion critique est une activité d’éveil et de conscientisation, l’hypnose est un état de passivité, semblable à celui du sommeil, chez un sujet en partie conscient, mais devenu un objet manipulable par des manœuvres de suggestion ou par l’absorption de produits narcotiques. La personne hypnotisée est dans un état de passivité pendant lequel il subit le pouvoir de fascination qu’exerce sur elle un être, une idée, une image ou une chose. Fasciner, du latin fascinare « faire des charmes, des enchantements » est un déni de la réalité, une quête d’irréel. L’évocation est un projet de libération où l’être est le sujet agit pour son émancipation ou celle de son peuple. C’est par exemple Moïse. La fascination est une aliénation de fait ou un artifice contre le projet de libération. C’est le cas des magiciens de Pharaon. La fascination exige un pouvoir qui ne tient que par le mensonge et la dérive démiurge, elle exige la maîtrise de l’art et des techniques de fascination par les agents de fascination, elle exige aussi une disposition à être fascinable par l’éducation, la médiocrité de l’esprit, la paresse, l’intérêt…

Une civilisation qui se réclame de Jésus, mais qui s’autorise à le présenter, au nom de la liberté d’expression, sur le slip d’une pute (l’affiche du  film  la passion du Christ) peut montrer Mohammed sous une apparence plus monstrueuse. Accuser le metteur en scène ou le journaliste est une facilité qui masque les conditions socio politiques et idéologiques de la production marchande dans le domaine informationnel, artistique ou littéraire.  A ce niveau, le système doit être conséquent  avec ses principes et ses règles : mettre fin à tous les tabous et les assumer sans complexe. Chacun devrait avoir sa liberté totale et aucune limite ne serait tolérée. Malraux avait prédit la fin de cette civilisation pour qui « les dieux sont morts, mais les diables sont vivants » dans le sang, la drogue et le chaos c’est à dire à ce qui provoque l’ivresse et la fascination pour jeter l’humanité dans le néant. Cette civilisation n’a plus de pouvoir d’évocation, car elle n’a plus de projet. Elle se contente de se contempler dans son orgiasme (contraction post moderne de l’orgasme et de l’orgie) d’une foule invitée à la fête. Le moment festif ou l’existentiel d’un instant est non seulement présenté comme spirituel, mais réinitialisé par la reproduction et la rediffusion des images et du son jusqu’à apparaître comme une étendue et une durée de civilisation triomphante, d’une morale incontestable et irreversible. Comme il n’ y a pas de dialectique, de contradiction, pour évoluer vers plus de sens et davantage d’innovation afin de dépasser l’inachevé de la condition actuelle alors l’achevé, l’enfermé et  l’incontestable ne parviennent plus à cacher ni les déboires, ni la volonté de fabriquer des fantasmes qu’un rien viendrait pourtant ébranler :

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n’entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire

On peut rire des Prophètes

On peut rire des Prophètes, ils n’ont pas vocation à tuer ou à se venger. Il y a des lois sociologiques et historiques qui ont brisé  des civilisations plus fortes. Si la Providence devait anéantir tous Les atomes d’insouciance, de blasphème et

d’inconsistance la terre aurait été vidée de puis longtemps.Contrairement à ce qu’on croit, l’histoire humaine ne se réalise pas à coup de cataclysme comme elle ne se réalise pas selon le vouloir des hommes les plus puissants ou les plus bruyants. Elle a ses mécanismes et ses voies.  On peut se raconter inlassablement des histoires et dessiner des images, mais la question reste posée : pour quel projet, libérer par l’évocation ou fasciner par  l’aliénation. Le sens donné aux mots et aux image est déterminant pour le projet individuel ou social même si le statut et la verve du narrateur peuvent faire écran quelque temps. L’évocation est aussi rattachée au latin advocatio et ses déclinaisons : convoquer, appeler à soi, faire venir, Rassembler, donner délai, accorder répit, secourir, consoler… Il suffit de vouloir donner les moyens de penser, de lire, d’écrire et de vivre librement et dans la dignité pour  que chaque humain devienne l’advocatus (l’avocat) de la libération des opprimés qui donne vocation à la liberté d’expression. Lorsqu’on a compris le sens des mots et leurs implications on suit la voie pédagogique des Prophètes : appeler  à l’éveil de la conscience pour un choix libre et responsable. Les insensés peuvent se cacher derrière la religion, pour la dénigrer ou pour l’instrumentaliser, mais la question ontologique reste posée pour tous : qu’allons nous faire de nos intelligences, de nos savoirs, de nos talents, de nos vies dans un monde de plus en plus confus, incertain, entropique, indifférencié…

Moïse, Jésus et Mohammed ne doivent pas être vus uniquement sur le plan de la religion et de la foi, mais sur le plan global de la lutte de l’intelligence évocatrice du bien et du beau contre le système fondé sur l’aliénation. Devant une image, un discours, une idée, un phénomène il ne s’agit pas de prendre position d’adhésion ou de réfutation en se laissant influencer par l’affectif ou par la communication, mais de chercher la grille de construction et de se prononcer sur le pouvoir évocateur ou sur la capacité de fascination. L’esprit lucide et l’oeil vigilant parviennent à distinguer l’un de l’autre même si de prime abord ils semblent se confondre. Ils ne peuvent se confondre car ils sont antinomiques. Il faut oser déconstruire l’image et le discours et voir les liens qu’ils entretiennent avec l’idéologie, la géographie, l’économie, l’histoire, la politique, la mentalité collective et la succession des faits. Le cerveau humain dispose de toutes les ressources pour comprendre la globalité si on fait l’effort de lui restituer sa compétence à évoquer, à tisser des liens, à organiser. La fascination consiste justement à provoquer un éblouissement pour imposer « sa vérité ». La psychologie cognitive et la psychologie sociale au service des médias, des idéologies et des politiques permettent de jouer sur les registres mentaux, perceptifs et affectifs pour vendre de l’audience et de la marchandise en captivant l’attention, en cultivant les désirs, en suscitant les peurs, en mettant en scène les contrastes.

 Pygmalion

Pygmalion_and_Galatea_(Goya)

La fascination est symboliquement représentée par le mythe de Pygmalion, roi de Chypre, célibataire misogyne, qui sculpta une statue dont il tomba amoureux. Il la nomme Galatée, l’habille et la pare richement. Follement épris de sa créature il demanda à la déesse Aphrodite de lui donner apparence humaine et une vie. Pygmalion finit par épouser sa statue incarnée et vivre sa passion. L’aspect édificateur du mythe est la mise en relief de l’inversion des rôles et du pouvoir séducteur et fascinant du regard de l’autre sur nous que nous-mêmes en retour du regard que nous lui portons. C’est un vieux mythe qui trouve une place de choix dans la modernité et la post modernité. Sublimé ou diabolisé, le regard d’empathie narcissique peut faire d’un vulgaire tronc d’arbre une femme belle et désirable alors que le regard du haineux peut transformer des fragments d’humanités blessés et humiliés en symboles de provocation, de diabolisation pour appeler le mépris et l’exclusion. La psychologie cognitive et la psychologie sociale peuvent produire l’effet Pygmalion pour magnifier ou son effet inversé pour stigmatiser. La psychologie sociale au service de la lutte idéologique fabrique par le procédé pygmalion ce que Malek Bennabi appelle « l’interlocuteur valide » et les « indigènes » médiocres et asservis ».

Tout les rapports de domination soumission sont construits sur l’ effet  et son inversion avec le paroxysme de la perversion : chacun se voit au travers de l’autre et chacun informe l’autre de ce qu’il veut entendre. Les peuples ne sont pas représentés selon leur caractère spécifique, mais selon les élites occidentalisées qui répondent aux désirs de l’Occident en salissant l’image de leur peuple, de leur religion, de leur histoire. L’Occident finit par prendre pour argent comptant les débilités de ses agents et ces derniers se mettent à copier les sources occidentales pour informer les occidentaux. Le serpent  se mord la queue, mais ce sont les peuples qui reçoivent le venin. Lorsque la tête est le colonisateur et la queue le colonisé le spectacle est cynique, mais il devient kafkaïen lorsque dans une extrémité il y a le pouvoir du système et dans l’autre les médias du système. Traditionnellement les médias avaient pour vocation d’informer le public sur les décisions du pouvoir, maintenant elles informent le pouvoir et lui dictent la règle à conduire alors que le pouvoir flirt avec ses médias pour leur suggérer des pistes, des audiences, des sondages, des opinions. C’est le grand désordre, comme dans les mafias, il y a partage de territoires, de zones d’influence, d’imposition de silence; comme dans les fins d’empire plus personne ne sait qui gouverne, ni  dans quelle direction, ni pourquoi la persistance impavide au suicide…

Les narratives ne peuvent compenser l’absence de cap, de boussole et de gouvernail. Les narrateurs peuvent montrer sur leurs cartes les points chauds du globe terrestre, mais ils ne peuvent pas envisager un instant de se poser la question la plus simple et la plus logique sur l’image que la France est en train de se construire dans le monde musulman. Un jour où l’autres les misérables qui gouvernent le monde musulman finiront par partir et la France contrainte de se trouver d’autres interlocuteurs. Et si on posait une petite question aux fabricants d’images et de narratives et à leurs pygmalions : Où est passé la grandeur de la France, son indépendance, son industrie, ses arts et sa culture ainsi que sa résistance à l‘occupation? N’est-ce pas que ceux qui président aujourd’hui à la gestion de ses Affaires étrangères, de son Commerce extérieur, de sa langue nationale et de son patrimoine culturel ont été les artisans directs de la liquidation de son industrie, des ses universités. Au moment où le démantèlement de la puissance de la France avait commencé, les musulmans qui semblent poser problème aujourd’hui n’étaient pas encore nés alors que leurs parents étaient esclaves sur les  routes,  les chantiers et les forges. Français réveillez-vous, ne soyez pas les otages des pygmalions.

En jouant sur le mental et l’affectif des autres pour fasciner, les  showbiz et les peoples, médiatique et politiques, se trouvent, inévitablement, amenés à s’auto-fasciner par leur propre montage et à vouloir jouer le rôle mythologique de Pygmalions comme acteur principal sans rival ni concurrent. Le système qui façonne les idiots utiles, les auxiliaires et les magiciens a pour règle de mettre en concurrence les pygmalions pour demeurer le seul et l’éternel Pygmalion. Dans cette spirale infernale de la fascination narcissique chacun, à tous les niveaux, se veut être le seul c’est à dire le seul regard narcissique qui fascine les autres. Il est donc obligé de dénigrer les apprentis, les maîtres et les pairs de la corporation des pygmalions. Chacun à son corps défendant se trouvera dans la posture de Midas le roi au bonnet d’âne ou dans celle de Pygmalion déchu

La tragédie grecque, experte en narrative,   montre le destin implacable et les jeux pervers des divinités de l’Olympe : Les deux filles née de l’union de Pygmalion avec son adorable sculpture Galatée eurent un comportement rebelle envers la déesse Aphrodite qui les châtia en allumant dans leur cœur le feu de l’impudicité. Après s’être assurée que les dégâts moraux et sociaux de la progéniture d’un amour hors norme leur ont fait perdre toute crédibilité et toute audience, Aphrodite transforma alors leurs corps en rochers inertes. Ils verraient alors leur propres mythe fondateur dans toute son étendue symbolique : La punition exemplaire et impitoyable des dieux cruels et vengeurs contre ceux qui cherchent à aimer ce qu’ils ont façonné de leurs mains ou de leurs regards. Chacun est libre de choisir son destin, celui de  pygmalion de circonstance ou celui d’homme libre sinon en voie de libération, s’il ne veut pas devenir otage du regard des autres. S’il prend la décision de se libérer, il va construire nécessairement les instruments de sa lucidité. S’il fait l’effort d’être lucide sans esprit partisan il finit par acquérir les réflexes de la libération : refuser la fascination et accepter l’effort d’évoquer autre chose que ce qu’on lui donne à voir à partir de sa propre perception visuelle et auditive de la réalité qu’il consent à observer vue sous plusieurs angles, par rapport à d’autres référentiels et dans d’autres dynamiques mentales. Il verrait la culture des faux syllogismes, comme Eugène Ionesco dans le pièce de théâtre Rhinocéros, il verrait les pathologies de « rhinocérite » intellectuelle, politique et médiatique.

Rhinocéros

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La rhinocérite est une maladie imaginaire contagieuse pour effrayer une société imaginaire. Cette maladie, symbole de l’absurde,  finit par atteindre tout le monde et  transformer chaque personne atteinte en rhinocéros. Elle  cause une apathie intellectuelle et rend les gens insensibles à autrui. Le malade se « prend la tête » et « perd la tête » dans les syllogismes fallacieux du totalitarisme qui l’a rendu inapte à lire et à raisonner. Prenant tout au  premier degré et au niveau le plus infantile, mais le moins innocent, il refuse l’entendement et le dialogue. Les esprits les plus instruits et les plus vigilant  y succombent :

« Le Logicien, au Vieux Monsieur.

Je vais vous expliquer le syllogisme.
Le Vieux Monsieur
Ah ! oui, le syllogisme !
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Le syllogisme comprend la proposition principale, la secondaire et la conclusion.
Le Vieux Monsieur
Quelle conclusion ?
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats.
Le Vieux Monsieur, au Logicien.
Mon chien aussi a quatre pattes.
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Alors, c’est un chat.
Le Vieux Monsieur, au Logicien après avoir longuement réfléchi.
Donc, logiquement, mon chien serait un chat.
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
Le Vieux Monsieur, au Logicien.
C’est très beau, la logique.
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
A condition de ne pas en abuser…
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
Le Vieux Monsieur
Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.
Le Logicien
Vous voyez…
Le Vieux Monsieur, au Logicien.
Socrate était donc un chat !
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
La logique vient de nous le révéler. »

 

La perte du sens par le galvaudage des mots

« Une civilisation démocratique ne pourra se sauver que si elle fait du langage de l’image un stimulant pour la réflexion critique, pas une invitation à l’hypnose ». Cette citation est celle de l’italien Umberto Eco,  professeur à l’Université de Bologne, président du centre international de sémiologie et d’études cognitives. Son expertise symbolique a été révélé par son best-seller mondial « Le Nom de la rose » où il est question d’enquête (du latin in quester : partir en quête du dedans qui forge le terme inquisition médiévale) sur une multitude de crimes dans un cadre et une démarche hautement symbolique. Umberto Eco explique le choix du titre par « la rose est une figure symbolique  tellement chargée de significations qu’elle finit par n’en avoir plus aucune ou presque ».

Les mots et les images sont fascinants, il faut s’en libérer pour leur redonner leur pouvoir évocateur et leur compétence de symboliser en tissant du lien subtil. Les mots liberté, démocratie et terrorisme devraient être redéfinis pour qu’ils aient un sens. Il ne peut y avoir de sens si l’évocation de l’humain est absente. Évoquer l’humain c’est  prendre garde à son sacré, inviolable. La liberté n’a aucun sens si sa finalité est de transgresser le sacré profane ou religieux. Le sacré n’a plus de caractère humain s’il s’impose contre la liberté. Pour résoudre le paradoxe de la hiérarchie et de la coexistence des valeurs il faut le respect. Par le respect on peut inviter autrui a partager, à connaitre et à échanger, mais en lui imposant  une « vérité » on manque de respect  à sa dignité inviolable. Ce ne sont pas ni des mots ni des images, mais des valeurs.

Ceci n’est pas une pipe

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Le pouvoir fascinant ou évocateur des mots et des images est bien illustré par le tableau du suréaliste Magritte « Ceci n’est pas une pipe » ou « trahison de l’image« . Nous sommes pris par le pouvoir des images que nous parvenons à confondre la réalité avec la représentation (imagée) de cette même réalité. Dire que que cette représentation n’est pas la réalité semble évident, mais en réalité ce n’est pas évident par l’imposition de cette image dans notre champ de perception. Au contraire, souligner cette évidence devient subversif. Michel de Foucault a saisi la force de la trahison de l’image et l’aspect subversif du texte qui la nie comme réalité puisque, pour lui, au moment où le texte vient souligner la négation de l’image, cette image a déja disparu du champ (visuel, sémantique…), mais lorsque on retrouve cette image, le texte a disparu ainsi que la réalité par qui l’image est représentée. La représentation visuelle ou textuelle ne peuvent cohabiter avec la réalité de ce qu’ils représentent. Ce ne sont que des abstractions réductrices ou négatrices de la réalité si jamais cette réalité venait à se manifester dans sa totalité à notre perception. Nous sommes en permanence en train d’interpréter ce qui se donne à voir. Selon le moment, la perspective, l’imaginaire ( le capital d’images mentales) et l’émotion du sujet, son imagination ( sa capacité de traiter et d’explorer l’imaginaire) à saisir la réalité n’est ni objective, ni globale, ni pérenne. Cette compétence d’appréhender la réalité et sa représentation est totalement subjective voire fallacieuse lorsqu’elle se fait en différé et par intermédiation qui amplifie ou réduit le sens qu’elle veut communiquer et non selon la réalité vraie. Michel de Foucault pressentait les dérives totalitaires qui pouvaient instrumentaliser la liberté d’expression en soulignant sa démarcation : « Je voudrais être un agitateur pour les réguliers, et parvenir à ce qu’on laissât s’exprimer les irréguliers.»

Margritte en faisant cohabiter l’image et le texte qui la récuse a sans doute exprimé les ambiguïtés de son époque et ses peurs sur la notre. Comme tout les surréalistes il était non seulement hostile à la guerre et au capitalisme, mais ouvert à la culture libertaire qui prône la rupture avec les conformismes, les idéologies, les morales et les religion. Il savait sans doute intuitivement que le capitalisme allait faire de l’image une machine de propagande et un instrument de guerre psychologique et qu’il allait instrumentaliser les idées nouvelles, somme toute des représentations du monde, pour réaliser davantage de profit, mener d’autres guerres, brimer la liberté et ravaler la création au rang de marchandise ou de publicité. Magritte ne nous a pas livré une fascination mise en tableau, mais une approche du réel qui ne se contente pas de déclarer ou de déclamer , mais d’en voir les constructions et les perspectives dans une démarche surréaliste qui consiste à  » bannir de l’esprit le « déjà vu » et rechercher le pas encore vu ». Cette démarche permet d’innover et d’inventer non seulement l’art, mais la liberté comme concept, comme praxis : « La liberté, c’est la possibilité d’être et non l’obligation d’être. »

Une société qui se veut démocratique doit donc rompre avec la fascination des images et le pouvoir magique de la narration. La liberté n’est pas d’imposer une lecture ou une adhésion , mais de défendre la vocation citoyenne et républicaine pour tous, celle qui permet à chacun de conserver son autonomie de penser et son droit d’interpréter sans mettre en péril la vie, l’intelligence, les croyances et de dignité d’autrui. La liberté et la démocratie c’est justement cette possibilité donnée à tous d’être différents et d’acquérir les compétences de leur virtualisation par laquelle l’humain devient artisan de son devenir, ferment de son émancipation, détenteur des ressources de son expression créative, semence de tous les devenirs possibles. Aucune limite à ce devenir sinon par le travail, le talent et le libre choix. Pour un intellectuel comme pour un artiste la question ne se pose pas en termes de devoirs et d’imposition, mais en termes de créativité et de possibilité c’est à dire en termes d’ouverture sur l’avenir, sur l’humanité plurielle, sur la différenciation des vouloirs et des compétences sans limitations à un moment, à un lieu ou à une mentalité.

Ouverture et mouvement

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L’image, la narration, comme toute oeuvre d’art, doit rester ouverte c’est à dire apte à produire de l’interprétation libre, de la construction de nouveaux sens sans perdre son caractère originel et original qui fait sa singularité et sa richesse. Il en est de même des communautés. La création et l’interprétation artistique comme la vie la plus banale ne peuvent s’accomplir en niant la loi de l’harmonie :  » la diversité dans l’unité et l’unité dans les variation  » qui exige le respect d’un commun dessein et le respect des perspectives multiples dans ce dessein si ce dessein à vocation à l’universel c’est à dire à être compris et partagé par tous les hommes. Au niveau humain, l’universel n’a de sens que s’il admet les limites de sa dimension limitée et l’inachevé de son oeuvre car c’est la limite et l’inachevé qui impulsent la quête de partager, d’échanger et de faire fructifier ses différences, sa singularité, ses idées, ses valeurs. C’est l’inachevé qui impose l’« ouverture » c’est à la dire la collaboration culturelle, sociale, intellectuelle, économique et politique de tous. C’est l’ouverture qui crée le mouvement et vice versa. La fonction du symbole est de de réunir dans un mouvement et par un mouvement des choses séparées et pouvant ou devant se réunir. L’intelligence du mouvement et de l’ouverture commande de s’interroger sur la séparation, la distance et les circonstances pour les réparer et faire les soudures et ainsi prendre un nouvel élan, une nouvelle ouverture où chacun serait un nouveau centre et un nouveau rayon le plus conforme à ses possibilités et à ses aspirations. Fermer, s’enfermer, s’immobiliser c’est provoquer d’autres césures, d’autres déchirements.

Umberto Eco a parfaitement bien situé l’équation symbolique de l’ « ouverture » dans ses travaux sur la beauté et la perception esthétique en musique, en littérature ou en peinture. Il a souligné que l’ utilisation du symbole est l’expression la plus contemporaine de l’indéfini parce qu’étant ouverte à des réactions et à des interprétations toujours nouvelles. C’est la compétence de symboliser qui virtualise la créativité car elle n’épuisent aucune partie des possibilités d’une oeuvre, d’un homme, d’une idée, d’une communauté. Tout est sujet à réflexion. La créativité exige de se soumettre à l’analyse critique, c’est à dire de s’ouvrir à une perpétuelle remise en question de ses valeurs et de ses certitudes. L’achevé et le fini sont bornés par leurs certitudes et la répétition de leurs fausses représentations. Souvent c’est la panne en matière de projet et de renouvellement qui se manifeste lorsqu’on répète inlassablement ses dogmes et ses récits. Voir au delà de son clocher ou de sa porte exige un changement de perspective, de paradigme, de posture. C’est le début du mouvement.

Marcher en foule pour se défouler est une catharsis sociale, sympathique, respectable si elle accompagne ou annonce une remise en cause de ses habitudes, de ses peurs, de sa finitude, de son achèvement et de son agonie dans les vieux clichés. C’est dans la tête qu’il faut marcher, c’est l’histoire qu’il faut explorer, c’est la vérité qu’il faut chercher. Pour cela il faut arrêter de gesticuler pour trouver le temps et les idées de donner du sens aux gens et  mettre de l’ordre dans la Cité. On peut donner l’impression d’un ordre symbolique en confondant l’emblème de propagande avec le symbole d’unité, mais le regard avisé voit dans l’image qui s’offre à lui le désordre. Comment ne verrait-il pas le désordre alors que cette image recèle en elle plusieurs focales qui vont rendre impossible la lecture et l’adhésion plus grand nombre. Comment créer l’ordre alors que la terrorisation médiatique et politique créé le désordre psychologique et invite les communautés à se déchirer. Comment créer de l’ordre alors que les Français qui se sont habitués à l’image d’un pays effacé après des siècles de gloire et qui refait surface à travers une image tragique, mais rendue  fascinante et totalisante, vont se trouver impliqués dans des guerres qui ne leur apporteront ni la paix, ni la sécurité ni la prospérité ni l’unité. L’ordre dans la cité ou l’ordre citoyen est semblable à l’ordre de l’image du modernisme : désordre sur désordre pour saper les intelligences et la vertu et instaurer les règles du jeu satanique : avilir l’humain et bannir de sa conscience l’idée du beau et le sens du juste. Le désordre non seulement nie le sacré, mais il veut être le sacré qui fixe les normes, les valeurs, le goût, l’opinion, l’émotion, l’appartenance, l’identité…

Tout est en devenir. Seuls l’inerte, l’immobile, le fini et le médiocre sont achevés. Non seulement ils sont achevés, mais ils sont « infinis » dans le sens où plus rien ne peut les contenir et ils ne peuvent être des contenant pour ce qui est en expansion, en devenir, en mouvement, en expression de difference. Quel est l’espace ou la surface qui va contenir le néant. Quelle est la terre qui va porter le disparu. L’équation du vivant et la pensée pour le vivant restent inachevées et toujours d’actualité quelque soit le lieu, le temps et les conditions sociales. Lorsque l’homme, individu ou communauté, gouvernant ou gouverné, religieux ou athée, savants ou ignorant, se croit qu’il est infini, parfait, universel, norme, alors il révèle toute sa vulnérabilité et toute son impuissance ou son narcissisme et sa perversion. La post modernité tente de mettre fin à l’univocité et à l’irreversibilité qui ont marqué la modernité par l’introduction de la culture de la différence et du pluralisme, de nomadisme des identités, de fédération des communautés sur des intérêts partiels, de plasticité du temps informatique, de la vitesse de commutativité des connexions, de la mise en réseau des connaissances et des ressources, de l’immatérialité des supports, mais les élites politiques et médiatiques vivent encore à l’époque des deux guerres qui a coïncidé avec l’émergence de l’hyperpuissance américaine et son arsenal de consentement idéologique. Alors que l’universel post moderne était rendu possible par la technologie et les connaissances, l’ethnocentrisme occidental avec son exclusivisme et ses exclusions refait surface. Ses élites ont du mal à comprendre le sens de la liberté en dehors de leur vision limitée à la subordination et à la soumission. Le caractère différentiel du monde et la différenciation des êtres et des choses de la post modernité ne peuvent être assimilés par des esprits formatés par l’indifférenciation à l’égard du reste du monde.

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L’esprit occidental a inventé les outils techniques et les procédés technologiques de la post modernité qui a capitalisé tous les savoirs d’ailleurs et d’antérieur, mais il demeure sur le plan idéologique réfractaire à la grande ouverture symbolique vers l’universel, car il entretient une confusion entre lui-même et l’universel tout en refusant, par confort et conformisme, de s’inscrire dans le mouvement et l’ouverture. Il s’enferme et ferme la porte aux autres avec tous les dangers psycho sociaux et psycho politiques de l’enfermement médiatique et du sectarisme idéologique. Ils peuvent prendre les apparences verbales et iconiques de la subversion post moderne intellectuelle et artiste, mais ils ne peuvent revendiquer l’idée de René Magritte :

« La valeur réelle de l’art est en fonction de son pouvoir de révélation libératrice. »

Ni celle d’Umberto Eco :

« Une civilisation démocratique ne pourra se sauver que si elle fait du langage de l’image un stimulant pour la réflexion critique, pas une invitation à l’hypnose »;

Comment va-t-elle se sauver alors qu’elle pratique la trahison de la parole, de l’image, des valeurs… Pour s’en convaincre il suffit de lire, de voir et d’écouter, dans les médias et les politiques, ce qui fascine le lecteur, captive l’auteur et mobilise l’audience : lamentable, ridicule et offensant.

Trahison des images et mystère

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Magritte continue de nous dire qu’il ne s’agit  ni de pipe au singulier ou au pluriel, ni de leur couleur, ni de leur dimension, ni de leur rapport à l’espace, mais de notre regard. C’est notre regard intérieur qu’il faut éduquer et qu’il faut aiguiser au lieu de se focaliser sur l’extérieur à soi. Si

Le lecteur attentif aura compris que toute référence à l’actualité n’est que fiction et fortuité. Il aura surtout compris que le choix des auteurs et des oeuvres cités est une volonté de montrer l’ambiance de guerre, d’avant guerre et d’après guerre qui a fait émerger le questionnement et la créativité géniteurs. Nous sommes dans une ambiance guerrière qu’il faut dénoncer. Tous ces auteurs et leurs oeuvres expriment aussi l’angoisse et les rêves du monde occidental. Apollinaire à cheval entre le surréalisme et le symbolisme pressentait avec joie le potentiel de l’art que permettait le progrès technique, mais il ressentait l’inquiétude qu’il en devienne otage :

C’est aux poètes à décider s’ils ne veulent point entrer résolument dans l’esprit nouveau, hors duquel il ne reste d’ouvertes que trois portes: celle des pastiches, celle de la satire et celle de la lamentation, si sublime soit-elle.

Les merveilles nous imposent le devoir de ne pas laisser l’imagination et la subtilité poétique derrière celle des artisans qui améliorent une machine.

L’on peut prévoir le jour où, le phonographe et le cinéma étant devenus les seules formes d’impression en usage, les poètes auront une liberté inconnue jusqu’à présent. 

Apollinaire le chantre de la modernité ne pouvait imaginer la puissance des deux outils de la post modernité : la socialité et la viralité. Il s’agit de disposer des connexions inter réseaux sociaux pour diffuser des messages, des slogans, des rumeurs, des publicités, des rendez-vous à l’échelle planétaire. Derrière la spontanéité apparente se cache un mécanisme des plus sournois et des plus efficace: l’industrialisation de la fédération des communautés qui n’ont pour valeur que de partager l’instant d’être ensemble avec pour conséquence bien entendu de consommer la même chose, de penser à l’identique. L’industrialisation repose sur des architectes fédérateurs qu’on appelle les leaders d’opinion qui ont pour vocation de captiver, de mettre en réseaux, de saisir les opportunités, de faire prendre la sauce. L’usager croit utiliser sa liberté d’informer et son devoir de savoir alors qu’il est devenu informateur, délateur, amplificateur de ce qui aliène sa liberté et celle des autres. Pour comprendre comment une image simple a pu faire le tour de la planète et susciter tant d’émotions et de si grand rassemblement il faut accepter l’idée qu’il y a du talent, mais ce talent serait un pipi de chat s’il n’y avait pas le trust des agences de communication détenues par les magnats de la Finance à New York, Paris, Tokyo, Londre et Milan.

Ce sont les mêmes qui détiennent la publicité, la mode, le cosmétique, les magazines, le cinéma et Internet en plus du pétrole, des banques et de l’armement. Leurs états-majors sont mobilisés comme des équipes de guerre autour de compétences de communication, de sémiologie, de psychologie et de finances qui façonnent l’air du temps sinon ils s’en inspirent bien avant que celui-ci ne s’impose dans la réalité mondaine. Les rigolos qui viennent nous distraire sur les plateaux de télévision sont les bonimenteurs du capitalisme. Celui-ci est une machine qui gagne des  sous en  fourguant de la fausse monnaie culturelle et intellectuelle à côté des armes de destruction.  Si la technologie permet de dupliquer, de cloner, de diffuser sans limite de temps et d’espace, c’est la communication, la psychologie et la sociologie qui modélisent les comportements. La bataille du futur se joue déjà à ce niveau c’est à dire quel potentiel d’imagination développer et pour quel usage. Le leurre serait de croire que la technique suffit. Eugène Ionesco nous a montré comment la casuistique pseudo intellectualiste ouvre la porte au fascisme,  à l’intégrisme et à la guerre.

L’intelligence, la justice, la liberté peuvent et doivent apporter les réponses sensées pour que les insensés ne transforment pas le malheur de quelques uns en enfer pour tous. Ils doivent mettre tous les éléments du puzzle ensemble pour saisir la globalité du mystère et ne pas tomber dans le piège de la trahison. C’est sans doute ce à quoi Magritte nous invite dans sa composition « mystère » sur la représentation du  réel et de son modèle d’inspiration.

Observer une oeuvre d’art, lire un livre, écouter un discours est le même processus si on fait abstraction de l’émotion. En regardant « Mystère » le projet d’évocation à partir d’images simples se met en brouillon : Où est la vérité ? Où est la réalité ? Qui est l’inspirateur ? Qui représente quoi ? Que signifie cela ? Cela nous pousse donc à relire le tableau « trahison de l’image » et à nous poser de nouveau la question sur « ceci n’est pas une pipe », s’agit-il de la réfutation que la représentation du réel puisse être le réel ou que chacun est libre de représenter ce qu’il veut s’il se libère du réel que lui livre la figuration immédiate pour s’investir dans un projet d’évocation. Le projet d’évocation n’est pas seulement intellectuel, il est aussi affectif et imaginatif en fonction des référents culturels, religieux, idéologiques et sociaux, mais aussi de ses désirs et de ses frustrations, de ses préoccupations, de sa propre quête… Ainsi l’un s’attachera aux courbes de la pipe, l’autre à son usage, l’autre à ses effets, l’autre à sa couleur, l’autre aux métiers qui s’y rattachent… Il est impossible de trouver des projets d’évocation similaires. L’image lorsqu’elle a vocation pédagogique elle est éducatrice, formatrice, libératrice par sa compétence d’évocation. Lorsqu’elle devient fascination, elle se transforme en corruption, en inquisition, en imposition.

Le mouvement qui se proclame avant-gardiste, en faisant la jonction avec l’atlantisme et  le sionisme, est devenu corrupteur faisant de la liberté, de la démocratie, de la culture son cheval de Troie pour saper ce qui lui résiste ou lui apporte la contradiction. Le modernisme a rompu avec l’esprit moderne des créatifs hostiles à la guerre, à l’idéologie et au capitalisme pour devenir une machine de guerre contre ce qui donne finalité, sens et beauté à la vie. Ce courant n’a jamais admis l’esprit de résistance du Général De Gaule et de son ouverture au monde arabe.

Si la vérité pour la justice est une chose elle est tout autrement pour les mathématique et la physique chimie. Cette vérité est encore plus complexe pour l’artiste et le philosophe, car il ne peut l’enfermer dans des lois, des jugements, des axiomes. Sa vocation est  de produire du sens en donnant à autrui la liberté  d’interpréter sans restreindre ses possibilités de lecture, tout au plus il peut aider le regard à se déplacer ou à le solliciter. Les intellectuels et artistes trahissent  lorsqu’ils  substituent au mystère de l’art une vérité imposée par les marchands. Magritte nous montre bien que lorsqu’une représentation s’impose comme « je suis » alors qu’elle n’est pas, elle devient un dogme, une doxa idéologique d’exclusion, une  religion d’inquisition.

 

 

Le Charlisme : piètre réponse au terrorisme.

Titre original :

Le poids de l’innocence

Le choc et l’effroi, technique théorisée et appliquée dans les guerres préventives menées par les Us(a) depuis l’arrivée au pouvoir des néo-conservateurs, et étendue maintenant à la contre-insurrection et la lutte contre l’ennemi intérieur, est bien opérant.

Pour éviter de se laisser ensevelir sous l’émotion provoquée par les tueries de la semaine dernière, il faut tenter de s’en tenir fermement aux éléments divulgués par le détenteur de la violence légale qui délivre ses éléments de discours.

François Asselineau, trop peu cité dans la presse, avait souligné dans un communiqué l’impérieuse nécessité que soient saisis vivants les coupables afin que toute la lumière puisse être faite sur les commanditaires de la tuerie et que justice soit rendue comme il se doit dans un État de droit.

La France est l’un des pays belligérants en Syrie. Elle assure le transfert, le financement et la formation de mercenaires pour en combattre le gouvernement et y créer le chaos. Fabius, l’inventeur de l’Irresponsabilité en politique, ‘responsable mais pas coupable’, apprécie la contribution du front Al Nosra qui fait du « bon boulot » ! Un choc en retour de cette ingérence contraire aux lois du respect des souverainetés nationales n’est alors plus une éventualité loufoque mais bien une hypothèse de travail sérieuse pour un État de l’envergure de la sixième puissance économique du monde.

L’exécution d’un tel projet n’aurait pas dû échapper à un appareil de surveillance aussi hypertrophié qu’est devenue la machinerie répressive sous Sarközy puis Valls augmenté de la surface réalisée par l’immense marché confié aux entreprises privées de sécurité.

Les auteurs des crimes du 7 janvier 2015 étaient connus des Services de Renseignement. Qu’ils aient été répertoriés impliquent qu’ils ont été surveillés selon la doctrine sécuritaire mille fois annoncée par les différents Ministres de l’Intérieur qui se sont succédés depuis au moins 2002, en France.

La seule fonction régalienne encore exercée par les gouvernements nationaux est celle de l’exercice de la répression policière et son pendant, la surveillance des citoyens. On excepte la latitude qui lui est laissée pour légiférer à son aise en faveur du mariage entre personnes du même sexe. L’interdiction faite aux musulmanes de recouvrir leurs cheveux dans les lieux publics a été une manière d’occuper l’espace médiatique en désignant le « barbare », le « non intégrable », le « dangereux », le rebelle potentiel » « l’empêcheur de réaliser la société parfaite, harmonieuse et sans conflit ».

Ce thème de l’Islamisme qui ‘nous’ a déclaré une guerre mondiale est venu dans les années 80, diffusé depuis de nombreux relais de la gauche libérale anti-communiste pour redoubler celui du danger de l’immigration développé dans les milieux d’extrême droite au cours de la décennie précédente.

Le colleur d’affiche à la faculté de Tolbiac en 1980 étudiant en histoire, Manuel Valls, a été chargé pour le compte de la section rocardienne du PS d’affaiblir l’extrême gauche dans les universités. Dès 1987, il gagne un poste au comité directeur du PS et entre dans la franc-maçonnerie en 1988. Il s’est toujours intéressé avec son ami de longue date Alain Bauer, rencontré à Tolbiac, aux problèmes liés à la sécurité en tant que source de profits pour un futur capitalisme construit autour de la peur. Bauer, nommé par Rocard chargé de mission en 1988 auprès du chef de son cabinet, est recruté peu après par le SAIC (Science Application International Corporation), émanation secrète du Pentagone et de la CIA. Il obtient la vice-présidence de SAIC-France et commence à appliquer les méthodes répressives de ses maîtres, fichage de la population et centralisation des instituts de sécurité et de défense. Alain Bauer a été le conseiller en « sécurité » de Sarközy au ministère de l’Intérieur. Il a été l’artisan majeur de l’unification des polices politiques (RG) et des services de renseignements militaires et de contre-espionnage au sein de la DCRI en 2008, renommée DGRI en 2014 tout en en conservant le même directeur général. Pour une plus grande efficacité contre le terrorisme.

L’essai de Manuel Valls publié en 2011 a été une sorte de candidature spontanée pour le poste qu’il convoitait si Sarközy ne se faisait pas réélire. Son titre : ‘Sécurité, la gauche peut tout changer’ et son contenu constituent une publicité mensongère. La continuité est parfaite entre les deux administrations en matière de gestion de la police.

Dés 2012, le Ministre de l’Intérieur déclarait vouloir accroître la chasse aux réseaux islamistes « implantés » dans les cités. Cette notion de « terrorisme implanté » a été récemment introduite dans l’arsenal discursif des marchands privés de la sécurité et parmi eux, un certain Yves Roucaute (1), ancien communiste ayant rejoint les cénacles atlantistes dans les années 80 où il y a été accueilli et pris comme filleul par Norman Podhoretz. L’idéologue de la bande à Bauer développe une doctrine de guerre préventive à l’intérieur, quotidienne et permanente, locale et globale.

Un peu plus tard, Manuel Valls estimait que « nous faisons face à un ennemi extérieur au Mali mais aussi à un ennemi intérieur qui est le fruit d’un processus de radicalisation » . Il a appelé à combattre le « fascisme islamiste » qui monte un peu partout. En d’autres termes, le Mali est une terre française à l’extérieur, ses gisements ne doivent pas lui échapper, la protection des minerais d’uranium dans le Niger contigu est un impératif absolu. Le désordre dans toute la région sahélienne suscité par l’intervention militaire en Libye ordonnée par l’OTAN, le reflux des travailleurs maliens, la dissémination des armes doivent être corrigés par une nouvelle guerre « contre l’ennemi extérieur ».

L’imprégnation d’une société par une idéologie pour conduire au consentement se fait selon deux vecteurs, d’après Gramsci.

La répétition des éléments du dogme doit se faire inlassablement. La meilleure méthode didactique reste encore le rabâchage. Leur expression doit être très simple, leur forme peut varier.

Une partie des clercs qui prêcheront cette idéologie proviendra de la masse à convertir et à maintenir dans la bonne croyance. Ainsi, elle semblera émaner naturellement du terreau commun.

Yves Roucaute a justement été directeur de l’Institut Gramsci dans sa jeunesse.

L’assimilation des Musulmans à des terroristes s’est faite ces vingt dernières années à une échelle transnationale. Le responsable de la rédaction du supplément littéraire du journal d’extrême droite Jillands Posten, Rose Flemmeing, avait pris conseil auprès de Daniel Pipes, néoconservateur défenseur de la théorie du choc des civilisations avant d’entamer l’aventure de ses caricatures. Le dessin principal figurait un personnage censé représenter le Prophète Mohammed, il portait une bombe sur la tête. Il ne visait pas une religion mais des peuples dominés et spoliés dans le contexte de la guerre contre la Palestine, l’Afghanistan et l’Irak, et ses millions de morts et de blessés.

Une fois ces dessins commis, il a fallu beaucoup d’efforts pour le faire savoir au reste du monde que l’on voulait humilier.

Il en est des instruments de la propagation de ce qu’il est convenu d’appeler islamophobie –pour laquelle il faudra trouver décidément un autre nom – comme des familles régnantes en Europe. Leurs réseaux se croisent et s’entrelacent à la jonction du sionisme, du capitalisme ultra-libéral et sans règles et des fomenteurs de guerres.

Une nouvelle fonctionnalité prônée par les idéologues sécuritaires français mais aussi praticiens car dirigeants des firmes de conseils privées est celle du « décèlement précoce dans une dynamique pro-active et préventive.

Exactement celle mise en œuvre par la police départementale de New York qui a fiché systématiquement et surveillé tous les citoyens des grandes villes du New Jersey ayant fréquenté une mosquée ou seulement demandé un repas sans porc dans une cantine.

Mieux, à défaut d’avoir sous la main de vrais terroristes, le FBI s’ingénie à en inciter.

Toutes les stratégies lourdement révisées du monde occidental destinées à lutter contre le terrorisme international ont été donc mises en échec avec une aisance déconcertante ce 7 janvier 2015.

Trois anciens détenus de droit commun sans envergure ont réalisé un exploit. En exécutant dix sept personnes de sang froid avec un professionnalisme méthodique, ils ont obtenu que quatre millions de Français flanqués de quatre-vingt chefs d’États et de gouvernements aillent manifester dans la rue.

Ce Système est-il donc si vulnérable et si fragile ?

Tous les Charlie qui ont obstrué les alentours de la place de la République ne faisaient pas le contresens de réclamer la protection de la libre expression qui ne peut être menacée par une censure pratiquée par l’État. À deux occasions, l’État l’a pratiquée récemment. En convoquant le Conseil Constitutionnel qui a interdit que ne se produise un humoriste et une deuxième fois en prohibant des manifestations de soutien au peuple de Palestine enfermé à Gaza et essuyant le feu de l’occupant. L’autre forme de censure, la plus sournoise et la plus efficace s’exerce quasi-naturellement par l’attribution ou non d’enveloppes financières à partir des deniers publics.

On peut douter que les Charlie aient subitement développé une telle empathie pour leurs semblables assassinés, eux qui sont incapables de secourir une femme en train de se faire violer sous leurs yeux dans un couloir de RER.

Ces Charlie sont plus sûrement allés réclamer plus de sécurité et plus de police, eux qui n’ont pas bougé quand l’aviation de leur pays pilonnait la Libye et faisait 100 000 morts. Les 577 députés de l’Assemblée Nationale ont voté unanimement pour exécuter Kadhafi comme ils sont unanimes aujourd’hui pour poursuivre des ‘frappes’ en Irak et relancer des attaques aériennes en Libye.

La politique est globale et planétarisée. Les tortionnaires et assassins comme Netanyahu et Porochenko sont venus l’affirmer à Paris lors de cette messe clôturée en apothéose par sa séquence finale dans une synagogue, où les rapports de force et de servilité s’expriment.

Ainsi, un apartheid plus étanche isolera les classes dangereuses, les confinera dans des zones de plus en plus grises où parmi la masse des laissés pour compte surgiront inévitablement quelques fous qui s’empareront d’un discours préparé à leur intention. Les officines qui distribueront les rôles aux candidats terroristes sont déjà actives, elles reçoivent des fonds d’origines les plus diverses, privées et étatiques. Leur public ira en s’élargissant, la crise économique aidant.

La Charlisme est certes une piètre réponse au terrorisme.

Dans quelques cas d’anémie hémolytique, les globules rouges se font détruire car ils portent passivement sur leur membrane une petite molécule reconnue comme étrangère par le système immunitaire. La cible est innocente. Un Cabu, un Wolinski, un Charb et les autres victimes ont été des cibles innocentes.

Paix aux âmes des défunts.

Allons-nous demeurer après cela des innocents ?

 

Badia Benjelloun

 

Note

(1) Yves Roucaute, juriste, a été un dirigeant de l’Institut Gramsci. Grâce à ses amitiés avec Norman Podhoretz, éminent néo-conservateur sioniste, conseiller de l’Hudson Institute fondé grâce aux deniers de la Rand Corporation, Roucaute devient membre de l’Institut Turgot, réplique de l’Hudson Institute en France pour consolider l’atlantisme en Europe et contre l’islamisation. Devenu un proche de Sarközy dès les années 90, il crée sa propre revue en 2006, « Éclair Mag » où il dénonce l’antiaméricanisme, l’insécurité, les menaces intégristes contre la laïcité, l’islamisme qui ‘nous’ a déclaré une guerre mondiale, l’antisémitisme mondain de la gauche intellectuelle déguisée derrière l’antisionisme, les racisme anti-blanc, les quartiers mis en coupe par la racaille, les impôts, les charges sociales.

Schlomo Sand : « Je ne suis pas Charlie »

Shlomo Sand est historien israélien, vivant actuellement en France. 
Rien ne peut justifier un assassinat, a fortiori le meurtre de masse commis de sang-froid. Ce qui s’est passé à Paris, en ce début du mois de janvier constitue un crime absolument inexcusable. Dire cela n’a rien d’original : des millions de personnes pensent et le ressentent ainsi, à juste titre. Cependant, au vu de cette épouvantable tragédie, l’une des premières questions qui m’est venue à l’esprit est la suivante : le profond dégoût éprouvé face au meurtre doit-il obligatoirement conduire à s’identifier avec l’action des victimes ? Dois-je être Charlie parce que les victimes étaient l’incarnation suprême de la liberté d’expression, comme l’a déclaré le Président de la République ? Suis-je Charlie, non seulement parce que je suis un laïc athée, mais aussi du fait de mon antipathie fondamentale envers les bases oppressives des trois grandes religions monothéistes occidentales ?
Certaines caricatures publiées dans Charlie Hebdo, que j’avais vues bien antérieurement, m’étaient apparues de mauvais goût ; seule une minorité d’entre elles me faisaient rire. Mais, là n’est pas le problème ! Dans la majorité des caricatures sur l’islam publiées par l’hebdomadaire, au cours de la dernière décennie, j’ai relevé une haine manipulatrice destinée à séduire davantage de lecteurs, évidemment non-musulmans. La reproduction par Charlie des caricatures publiées dans le journal danois m’a semblé abominable. Déjà, en 2006, j’avais perçu comme une pure provocation, le dessin de Mahomet coiffé d’un turban flanqué d’une grenade. Ce n’était pas tant une caricature contre les islamistes qu’une assimilation stupide de l’islam à la terreur ; c’est comme si l’on identifiait le judaïsme avec l’argent !
On fait valoir que Charlie s’en prend, indistinctement, à toutes les religions, mais c’est un mensonge. Certes, il s’est moqué des chrétiens, et, parfois, des juifs ; toutefois, ni le journal danois, ni Charlie ne se seraient permis, et c’est heureux, de publier une caricature présentant le prophète Moïse, avec une kippa et des franges rituelles, sous la forme d’un usurier à l’air roublard, installé au coin d’une rue. Il est bon, en effet, que dans la civilisation appelée, de nos jours, « judéo-chrétienne », il ne soit plus possible de diffuser publiquement la haine antijuive, comme ce fut le cas dans un passé pas très éloigné. Je suis pour la liberté d’expression, tout en étant opposé à l’incitation raciste. Je reconnais m’accommoder, bien volontiers, de l’interdiction faite à Dieudonné d’exprimer trop publiquement, sa « critique » et ses « plaisanteries » à l’encontre des juifs. Je suis, en revanche, formellement opposé à ce qu’il lui soit physiquement porté atteinte, et si, d’aventure, je ne sais quel idiot l’agressait, j’en serais très choqué… mais je n’irais pas jusqu’à brandir une pancarte avec l’inscription : « je suis Dieudonné ».
En 1886, fut publiée à Paris La France juive d’Edouard Drumont, et en 2014, le jour des attentats commis par les trois idiots criminels, est parue, sous le titre : Soumission, « La France musulmane »de Michel Houellebecq. La France juive fut un véritable « bestseller » de la fin du 19ème siècle ; avant même sa parution en librairie, Soumission était déjà un bestseller ! Ces deux livres, chacun en son temps, ont bénéficié d’une large et chaleureuse réception journalistique. Quelle différence y a t’il entre eux ? Houellebecq sait qu’au début du 21ème siècle, il est interdit d’agiter une menace juive, mais qu’il est bien admis de vendre des livres faisant état de la menace musulmane. Alain Soral, moins futé, n’a pas encore compris cela, et de ce fait, il s’est marginalisé dans les médias… et c’est tant mieux ! Houellebecq, en revanche, a été invité, avec tous les honneurs, au journal de 20 heures sur la chaine de télévision du service public, à la veille de la sortie de son livre qui participe à la diffusion de la haine et de la peur, tout autant que les écrits pervers de Soral.
Un vent mauvais, un vent fétide de racisme dangereux, flotte sur l’Europe : il existe une différence fondamentale entre le fait de s’en prendre à une religion ou à une croyance dominante dans une société, et celui d’attenter ou d’inciter contre la religion d’une minorité dominée. Si, du sein de la civilisation judéo-musulmane : en Arabie saoudite, dans les Emirats du Golfe s’élevaient aujourd’hui des protestations et des mises en gardes contre la religion dominante qui opprime des travailleurs par milliers, et des millions de femmes, nous aurions le devoir de soutenir les protestataires persécutés. Or, comme l’on sait, les dirigeants occidentaux, loin d’encourager les « voltairiens et les rousseauistes » au Moyen-Orient, apportent tout leur soutien aux régimes religieux les plus répressifs.
En revanche, en France ou au Danemark, en Allemagne ou en Espagne où vivent des millions de travailleurs musulmans, le plus souvent affectés aux tâches les plus pénibles, au bas de l’échelle sociale, il faut faire preuve de la plus grande prudence avant de critiquer l’islam, et surtout ne pas le ridiculiser grossièrement. Aujourd’hui, et tout particulièrement après ce terrible massacre, ma sympathie va aux musulmans qui vivent dans les ghettos adjacents aux métropoles, qui risquent fort de devenir les secondes victimes des meurtres perpétrés à Charlie Hebdo et dans le supermarché Hyper casher. Je continue de prendre pour modèle de référence le « Charlie » originel : le grand Charlie Chaplin qui ne s’est jamais moqué des pauvres et des non instruits.
De plus, et sachant que tout texte s’inscrit dans un contexte, comment ne pas s’interroger sur le fait que, depuis plus d’un an, tant de soldats français sont présents en Afrique pour « combattre contre les djihadistes », alors même qu’aucun débat public sérieux n’a eu lieu en France sur l’utilité où les dommages de ces interventions militaires ? Le gendarme colonialiste d’hier, qui porte une responsabilité incontestable dans l’héritage chaotique des frontières et des régimes, est aujourd’hui « rappelé » pour réinstaurer le « droit » à l’aide de sa force de gendarmerie néocoloniale. Avec le gendarme américain, responsable de l’énorme destruction en Irak, sans en avoir jamais émis le moindre regret, il participe aux bombardements des bases de « daesch ». Allié aux dirigeants saoudiens « éclairés », et à d’autres chauds partisans de la « liberté d’expression » au Moyen-Orient, il préserve les frontières du partage illogique qu’il a imposées, il y a un siècle, selon ses intérêts impérialistes. Il est appelé pour bombarder ceux qui menacent les précieux puits de pétrole dont il consomme le produit, sans comprendre que, ce faisant, il invite le risque de la terreur au sein de la métropole.
Mais au fond, il se peut qu’il ait bien compris ! L’Occident éclairé n’est peut-être pas la victime si naïve et innocente en laquelle il aime se présenter ! Bien sûr, il faut être un assassin cruel et pervers pour tuer de sang-froid des personnes innocentes et désarmées, mais il faut être hypocrite ou stupide pour fermer les yeux sur les données dans lesquelles s’inscrit cette tragédie.
C’est aussi faire preuve d’aveuglement que de ne pas comprendre que cette situation conflictuelle ira en s’aggravant si l’on ne s’emploie pas ensemble, athées et croyants, à œuvrer à de véritables perspectives du vivre ensemble sans la haine de l’autre.
Shlomo Sand
Traduit de l’hébreu par Michel Bilis, publié par l’UJFP
source :  http://www.npa2009.org/idees/schlomo-sand-je-ne-suis-pas-charlie

De Charlie Hebdo à l’islamophobie d’Etat

Comité Action Palestine (janvier 2015)

« La dictature n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise ». Bertolt Brecht

Le Comité Action Palestine condamne fermement l’assassinat comme mode d’action politique et défend la liberté d’expression. Charlie Hebdo avait le droit d’exprimer son opinion même si elle était nauséabonde et d’une vulgarité sans nom. Mais cette liberté d’expression ne peut être à géométrie variable, elle est un principe. C’est ce principe que le Comité Action Palestine a toujours défendu dans le cadre de son action, et c’est au nom de ce principe qu’il avait dénoncé les interdictions des spectacles de l’humoriste Dieudonné. Or on  constate que l’Etat français la défend dans le cas de Charlie Hebdo alors qu’ il n’a pas hésité à censurer Dieudonné et interdire les manifestations dénonçant les massacres sionistes à Gaza en juillet 2014. Devons-nous en conclure que la liberté d’expression s’arrête là où commence l’Etat d’Israël ? La présence à la manifestation parisienne du dimanche 11 janvier 2015 de plusieurs dirigeants de l’entité sioniste répond sans ambiguïté  à cette question.

Mais au-delà de cette clarification sur les principes, Il faut prendre la mesure des événements actuels. Suite aux « attentats de Charlie Hebdo », on assiste à une manœuvre politique d’une ampleur inégalée qui prend la forme d’une mobilisation de masse et d’une propagande médiatique à grande échelle. Les objectifs de cette manœuvre commencent à apparaitre clairement. Dans une situation de crise économique extrême, il s’agit de décomplexer l’islamophobie qui a été instillée dans la société française depuis des années ; de créer la division et un état de tension permanent entre la minorité musulmane et le reste de la population ; de préparer la répression de cette minorité musulmane notamment à travers un arsenal juridique ; de créer une identification entre la situation d’Israël et celle de la France et justifier la répression de l’antisionisme. Le but est clairement d’empêcher toute contestation sociale et politique et expression de solidarité avec le peuple palestinien. Pour la minorité musulmane, les options qui lui restent à l’avenir ne sont pas nombreuses : se soumettre, émigrer ou s’organiser.

Le Comité Action Palestine appelle à la vigilance et invite urgemment les musulmans à s’organiser et à résister à la répression qui s’annonce.

 

source : http://www.comiteactionpalestine.org/word/de-charlie-hebdo-a-lislamophobie-detat/

 

Pourquoi je ne suis pas Charlie

Peter Dale Scott

En tant que Canadien, je crois en la liberté d’expression, mais pas comme étant une liberté absolue. Je la conçois plutôt comme une valeur sociale qui doit être réconciliée avec d’autres normes essentielles dans la vie en société, telles que la tolérance et le respect.

En Occident, d’influents politiciens et faiseurs d’opinion, suivis par un nombre sans cesse croissant de citoyens, exigent des musulmans qu’ils nous tolèrent et nous respectent. Néanmoins, en tant qu’occidentaux, nous devons collectivement apprendre à les tolérer et à les respecter nous-même – un apprentissage qui, visiblement, prendra beaucoup de temps.

D’un autre côté, je me suis totalement engagé – depuis maintenant cinq décennies – dans la promotion de la non-violence en tant que vecteur de changement social. Ainsi, il va sans dire que je regrette profondément et que je condamne totalement les attentats inhumains perpétrés à Charlie Hebdo – ainsi qu’à Montrouge puis à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Cependant, je ne clamerai pas que «je suis Charlie». Au contraire, et je l’affirme catégoriquement, je ne suis pas Charlie !

Bien entendu, nous ne pouvons pas mettre au même niveau ces attentats atroces et les caricatures irresponsables de ce journal, que le Président Chirac avait d’ailleurs critiquées en 2006 comme étant des « provocations manifestes ». Publiées dans le contexte de l’après-11-Septembre et du « choc des civilisations », la surenchère médiatique qu’elles ont alimentée ne peut que favoriser la radicalisation – comme bien d’autres scandales inutiles et récurrents autour de l’Islam –, alors que l’on a cruellement besoin d’apaisement. D’autant plus que l’Occident, et pas seulement Charlie Hebdo, a beaucoup à se faire pardonner envers les populations musulmanes : massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, coup d’État de la CIA en Iran, guerre d’Algérie, massacre du 17 octobre 1961 à Paris, soutien des dictatures égyptiennes, pakistanaises, qataries, saoudiennes (etc.), guerres d’Irak, d’Afghanistan et de Libye, déstabilisation de la Syrie, guerre économique contre l’Iran, islamophobie surmédiatisée depuis le 11-Septembre, tortures de masse dans les prisons secrètes de l’US Navy, de la CIA et de certains pays alliés, kidnappings illégaux et détentions arbitraires, profanations du Coran par des extrémistes…

C’est pourquoi je ne peux que regretter ce ralliement hâtif et irréfléchi au phénomène « Je suis Charlie », sachant que le genre de mentalité irrespectueuse promue par ce journal a provoqué la mort de tant d’innocents – comme nous le rappelle notamment l’exemple des Versets sataniques de Salman Rushdie. Il ne s’agit pas de céder aux exigences des intégristes, mais de considérer que certains abus récurrents de la liberté d’expression peuvent exacerber un climat de tension conduisant à l’instabilité, à la haine, voire à la guerre civile. Si nous ne combattons pas sans relâche le péril islamophobe, les conséquences de son développement risquent d’écourter bien d’autres vies. Il en va de même pour la lutte contre l’antisémitisme, un fléau qui perdure et qui – dans les années 1930 – s’est progressivement banalisé jusqu’à engendrer le meurtre de millions d’innocents. Ne l’oublions jamais  !

J’aime énormément la France, et j’ai visité avec bonheur la plupart de ses départements. Néanmoins, je suis conscient que cette nation, depuis avant même la Révolution française, a été profondément divisée sur le plan culturel – ce qui a conduit à de nombreux excès, tels que la France de Vichy dans les années 1940. Selon moi, et en particulier dans notre monde post-11-Septembre, Charlie Hebdo est l’un des symptômes d’un autre excès collectif, enraciné dans des comportements sociaux irresponsables de provocation permanente envers les populations arabo-musulmanes – pour ne pas dire de haine pure et simple.

Au lendemain de ces attentats, je me réjouis des manifestations historiques du 11-Janvier, et de ces millions de citoyens marchant pacifiquement contre le terrorisme et pour la Liberté. Néanmoins, dans un contexte de tensions exacerbées, je vous encourage à vous mobiliser également en faveur des populations menacées par une islamophobie insidieuse et médiatiquement omniprésente, qui se généralise dangereusement depuis un funeste matin de septembre 2001. Ne tombons pas dans le piège mortifère du «choc des civilisations».

*  Peter Dale Scott

Universitaire, poète, docteur en Sciences politiques, activiste antiguerre, ancien diplomate canadien et auteur de La Route vers le nouveau désordre mondial et de La Machine de guerre américaine. Expert dans les domaines des opérations secrètes et du trafic de drogue international, Peter Dale Scott est l’un des principaux auteurs/chercheurs en matière de « Parapolitique »8 (ayant écrit une dizaine d’ouvrages dans ce domaine depuis 19729) ou de ce qu’il appelle la « Politique profonde » — qu’il définit comme étant « l’ensemble des pratiques et des dispositions politiques, intentionnelles ou non, qui sont habituellement critiquées ou passées sous silence dans le discours public plus qu’elles ne sont reconnues »10. Roger Morris, ancien membre du Conseil de sécurité nationale des États-Unis sous les présidences de Lyndon Johnson et de Richard Nixon, a dit de Peter Dale Scott qu’il est « […] l’un des écrivains politiques et historiques les plus brillants, créatifs et intellectuellement stimulants du dernier demi-siècle. Son dernier ouvrage La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, réaffirme la singularité de cet auteur visionnaire et défenseur de la vérité. »

Article coécrit avec son traducteur français Maxime Chaix.

Maxime Chaix /

Chercheur indépendant, diplômé de Masters en Langues étrangères, en Sciences politiques et en Droit international.

 

Source : http://www.dedefensa.org/article-pourquoi_je_ne_suis_pas_charlie_15_01_2015.html

La reconnaissance d’un Etat palestinien : un marché de dupes !

Plusieurs Etats européens s’apprêtent à reconnaître symboliquement un Etat palestinien. On peut se demander quelle motivation anime aujourd’hui ces Etats alors qu’aucun d’entre eux n’a eu le moindre geste symbolique pour dénoncer les massacres commis par les sionistes à Gaza au cours de l’été 2014.

 

Dans les médias occidentaux, on nous présente cette initiative partie de Suède comme un enjeu majeur vers le règlement du conflit. Pourtant un Etat palestinien est déjà reconnu par l’immense majorité des pays du monde, sans que cela ne change absolument rien sur le terrain. Il semble alors nécessaire de s’interroger sur la signification d’une telle démarche de la part de quelques ex-puissances coloniales, qui soutiennent de manière fervente le sionisme et l’Etat d’Israël. Il faut aussi se demander pourquoi maintenant et quelles peuvent en être les conséquences.

 

Mais d’abord de quel Etat parle-t-on ? L’ « Etat palestinien » que s’apprêtent à reconnaître quelques Etats européens est un territoire aux frontières non définies englobant une portion minime du territoire de Palestine, sans aucune souveraineté, sous occupation militaire et truffé de colonies toujours plus nombreuses où sont installés près de 600 000 colons juifs. C’est un territoire administré par des dirigeants illégitimes et corrompus, non élus et non mandatés par le peuple palestinien pour négocier sur ce point sans tenir compte des revendications nationales. Il s’agit de donner le statut d’Etat à des portions de territoire sous administration de l’Autorité Palestinienne, donnant ainsi l’illusion que le processus d’Oslo a eu quelques effets bénéfiques. Mais quid d’al-Quds comme capitale, chaque jour plus isolée du reste de la Cisjordanie en raison de la colonisation galopante. Quid du retour des réfugiés, du démantèlement des colonies, de la libération des prisonniers politiques, lors de la reconnaissance de cet Etat fantôche? Nul ne le sait.

 

Par cette démarche, l’Europe croit encore pouvoir ressusciter un « processus de  paix » mort depuis longtemps et sauver l’Etat sioniste avant qu’il ne soit trop tard. Cette entité est la base avancée de l’impérialisme dans la région et tout doit être mis en œuvre pour protéger son existence. Les déclarations des dirigeants politiques, notamment en France, sont claires. Ils agissent pour la « sécurité d’Israël ». Cette reconnaissance vise aussi à apporter un soutien à Mahmoud Abbas et à ses acolytes collaborationnistes de l’Autorité Palestinienne qui se trouvent dans une posture particulièrement défavorable après la victoire de la résistance armée à Gaza.

 

Effectivement il n’est pas anodin que cette reconnaissance (ou non) apparaisse actuellement comme une priorité dans l’agenda politique des Etats européens alors que cette question n’avait pas engendré de réaction majeure de leur part lorsqu’ elle avait été soumise à l’ONU en 2011. Il faut dire que la situation sur le terrain a bien changé. Depuis cette date, l’entité sioniste s’est particulièrement affaiblie. Elle a multiplié les échecs militaires face à la résistance palestinienne qui a quant à elle, intensifié sa force de frappe, comme elle a pu le montrer au cours de l’été 2014. Jamais auparavant, l’entité sioniste n’avait été déstabilisée à ce point par la résistance. Il semble par ailleurs que la volonté d’unité palestinienne n’ait jamais été aussi forte que maintenant. Le peuple est unanimement aux côtés de la résistance armée et la coordination des organisations de la résistance a montré son efficacité sur le plan militaire, même si cela a du mal à se traduire pour l’instant en acquis politiques. En réponse à la poursuite de la colonisation sioniste en Cisjordanie, à la judéisation galopante d’al-Quds et aux menaces sur la mosquée al-Aqsa, la jeunesse palestinienne n’a plus rien à perdre face à l’occupant. Elle est déterminée à résister à la dépossession par tous les moyens à sa disposition. De plus, les puissances occidentales n’ont pas réussi à venir à bout des pays qui leur résistent comme l’Iran et la Syrie, ou des mouvements de résistance comme le Hezbollah libanais. La vitalité actuelle de la résistance palestinienne à Gaza, mais aussi l’éventualité d’une nouvelle Intifada en Cisjordanie et à al-Quds, représentent une menace centrale pour le camp impérialiste dans la région. Tout doit être mis en oeuvre pour empêcher la résistance de se structurer et d’agir.

 

Mais les considérations de politiques étrangères n’expliquent pas à elles seules la démarche. Au cours de l’été 2014, les Etats européens ont pu mesurer une nouvelle fois le fossé entre leur soutien indéfectible à l’entité sioniste et l’immense solidarité populaire envers la résistance palestinienne, exprimée notamment par les populations arabo-musulmanes. Ce fut particulièrement le cas en France où le gouvernement socialiste a interdit plusieurs manifestations de soutien et continue à menacer des militants de la cause palestinienne. La reconnaissance de l’Etat palestinien portée à l’Assemblée nationale par quelques députés de gauche ne semble être qu’une manœuvre politicienne pour tenter de séduire l’électorat populaire qu’elle a perdu cet été.

 

Il ne fait aucun doute que cette reconnaissance ne traduit en rien une soudaine prise de conscience de la justesse de la cause palestinienne pour les Etats européens. Qui plus est, la création d’un Etat palestinien fictif constituerait un véritable piège pour les Palestiniens. La création de cet « Etat » figerait une situation coloniale en violant le droit à l’autodétermination et au retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers. On peut parier que les Etats européens agissent en toute connaissance de cause au profit de l’entité sioniste car ils savent parfaitement que la création d’un Etat palestinien, même dans les frontières de 67, est impossible. Impossible car la puissance occupante n’en veut pas, et les faits sur le terrain révèlent ses véritables intentions. D’un côté, la colonisation se poursuit inexorablement et de l’autre, le parlement sioniste vote des lois définissant officiellement l’entité sioniste comme l’ « Etat-nation de tous les juifs du Monde ». L’objectif est clair : finir ce qui été commencé en 1948 !

 

Le mouvement de solidarité a la responsabilité de ne pas se laisser berner par ce marché de dupes et par des concepts vides imposés par les puissances occidentales. Toute autre posture relève de la naïveté ou de l’immaturité politique. Il faut se concentrer sur les strictes revendications nationales du peuple palestinien que sont le droit à l’autodétermination et le droit au retour des réfugiés. Il faut soutenir inconditionnellement la résistance pour la libération totale de la terre arabe de Palestine. La volonté palestinienne est là, et nulle part ailleurs !

sourceComité Action Palestine

(Décembre 2014)

http://www.comiteactionpalestine.org/word/la-reconnaissance-dun-etat-palestinien-un-marche-de-dupes/
COMITE ACTION PALESTINE

BP 30053

33015 BORDEAUX

06 74 60 02 36

Hérésie syntaxique des daeshistes ou agencement islamophobique ?

Je reprends ci-dessous intégralement l’article de  Léon KÉMAL en rappelant que  :

1 – l’islamophobie consiste à créer de la défiance entre les musulmans et de la méfiance envers les musulmans pour combattre idéologiquement, médiatiquement et militairement  l’éveil islamique. L’islamophobie est l’art de manipuler les ignares, les imposteurs, les opprimés et les oppresseurs et d’instrumentaliser leur religion (qu’il ne faut pas confondre avec le Dine d’Allah) pour cultiver leur violence et la diriger contre les musulmans eux-mêmes sous n’importe quel prétexte pourvu que que la gouvernance des insensés perdurent et que la prédation des ressources se prolongent. Les Daesh et consorts servent admirablement bien la géopolitique de l’hyperpuissance et les appétits de puissance de ses vassaux.

2 – L’emblème  du Prophète (saws) que  la lutte mondiale antiterroriste veut criminaliser et combattre sous prétexte qu’il fait l’apologie du terrorisme est graphiquement faux. Cette fausseté a fait un buzz dans la communauté musulmane francophone suite à l’article de Léon Kamel alors que cette même communauté semble ne pas s’émouvoir de l’effusion de sang des innocents. Je ne parviens pas à comprendre la logique de celui qui voit la faute graphique et en parle sans la montrer aux autres. Quel est le secret de cette  occultation ? Ne pouvant sonder les cœurs et les intentions il faut se contenter de montrer la version « normale de l’Emblème » :

Flag_correct

 

3 – Quel est la motivation et le but de l’inversion graphique ? contaminer l’Islam et le Prophète par  l’ignorance et la délinquance des fanatiques imposteurs confiscatoires de l’Islam. Depuis déjà trop longtemps les imposteurs de l’Islam et leurs contradicteurs « pseudo laïcs » ont formé un couple démoniaque contre les peuples musulmans en cultivant l’inversion des sens, des symboles, des valeurs. Les extrémistes islamistes et les islamophobes sont parvenus à faire croire que l’Islamité est antinomique avec la liberté, l’humanité, la paix, le savoir et la culture. Le Prophète (saws) avait annoncé la venue des ‘awaribda » les sectes des insensés qui agissent et parlent au  nom de l’Islam pour le saper par intention ou par ignorance. Ces sectes ne sont pas des générations spontanées, mais le fruit de l’oppression et de l’incurie des gouvernants et des gouvernés.

Le pseudo étendard du Prophète au mains des imposteurs est mal calligraphié alors que leurs revendications mondaines et leur soif de pouvoir sont bien lisibles sur le plan idéologique, politique et scriptural comme le montre cette affiche à l’angle  d’une rue :

WILAYA

4 – Que penser et quoi dire au sujet d’un ignare assoiffé de vengeance et de pouvoir qui trouve dans la dérive sectaire et le fanatisme religieux ce qui alimente son narcissisme et sa perversion lorsque le musulman qui se prétend intellectuel parce que , issu de la Sorbonne, raconte des inepties sur les symboles de l’Islam et les sens du Coran ?

5 – Que penser et quoi dire au sujet des paniques médiatiques sur l’Islam et les musulmans lorsque la réalité nous montre au delà des narratives sur l’actualité que les scénarios de destruction du monde arabo musulman ont eu un effet destructeur sur les populations arabes et musulmanes au delà des limites gérables. Dans ce chaos il ne reste à l’Hyperpuissance et à ses vassaux qu’à provoquer davantage de chaos par les hordes mises en place et qui vont fatalement exporter leur savoir faire en matière de chaos lors des opérations d’infiltrations et d’exfiltration d’agents de subversion et de diversion dans les laboratoires- bourbiers idéologiques et militaires des anciennes colonies françaises et britanniques.

6 –  C’est sans doute l’annonce de la fin d’une époque, de ses charlatans et de ses puissants. Elle sera tragiquement ridicule et insensée sur une longue période….

Islamisme radical : Des ignares, on vous dit!

Publié le 

Leur drapeau comporte une faute de syntaxe induisant une innommable hérésie

Par Léon KÉMAL

Le drapeau noir, tout en écriture, des islamistes radicaux suscite quelques graves questions. Il comporte, au niveau du texte, une incroyable faute syntaxique, dont on se demande comment elle a pu s’y glisser, au nez et à la barbe de soi-disant champions de l’arabité et de l’islam.

Trois mots écrits en noir figurent sur disque blanc au centre du drapeau de l’islamisme radical mondial, l’un au-dessus de l’autre. Ce sont, en commençant naturellement par le haut : Allah – Messager – Mohamed. Ainsi lus en français, ces trois mots ne poseraient apparemment aucun souci. Encore que, moyennant deux sous de jugeote, on se demanderait à quoi rime un tel alignement de mots…

En arabe, c’est autre chose. Ça donne, ni plus ni moins, ceci : « Allah est le Messager de Mohamed » (الله رسول محمد)*. Une aberration d’autant plus inouïe et invraisemblable qu’elle est le signe de ralliement de supposés exaltés de la foi…

Il est certain que le responsable de cette bourde, concepteur en communication s’il en est, ne peut pas être quelqu’un maîtrisant un tant soit peu la langue arabe… Pour le reste, on ne peut que conjecturer. Et la première idée qui vient à l’esprit est celle-ci : comme ce zig-là doit savoir, comme tout le monde, que l’arabe s’écrit de droite à gauche, il a peut-être pensé aussi qu’il n’y avait pas de raison que la lecture ne se fasse pas également de bas en haut. Ce qui donnerait,certes, une phrase juste (محمد رسول الله), et même artistiquement fondée vu l’état sens dessus-dessous dans lequel se trouve aujourd’hui le monde dit arabo-musulman… Sauf que, manque de chance pour lui, ça ne passerait pas non plus…

Plus sérieusement, cette espèce de bannière est brandie, en quantité impressionnante, exactement à l’identique, par des égarés de toutes sortes passant pour des fous de Dieu, dans des contrées aussi éloignées les unes des autres que l’Afrique de l’Ouest et le Cham. Que ce soit, à l’évidence, une boîte internationale qui est derrière (même non-arabe, comme c’est probablement le cas ici), il n’y a rien de plus normal. Que les sponsors d’une telle commande s’en tapent, au final, du contenu même de leur soi-disant message comme de l’an mil, c’est une autre affaire. Cela signifie rien moins qu’en fait de leaders fanatiques, on a plutôt affaire à des escrocs de haut vol, capables tout au plus d’ânonner le Coran, peut-être intégralement et sur le bout des doigts, mais ignorant, non seulement l’histoire de leur religion, mais aussi le b.a.-ba de leur grammaire.

Votre serviteur s’est amusé, des journées entières, à relire la phrase en question, en variant, autant que possible, rythme et intonation, histoire de voir – sait-on jamais ! – s’il est une déclamation particulière pouvant induire un sens autre que celui signalé ici. Rien à faire : il n’en est pas d’autre, à part, du point de vue de n’importe quel croyant honnête, l’abominable hérésie. Des millions d’Arabes et de musulmans arabisants ont dû lire aussi, des dizaines de fois sur leurs petits écrans, cette énormité. Et cependant, aucune voix ne s’est élevée jusqu’à l’heure actuelle pour s’en émouvoir. Il faut dire que pour une énormité, c’est une énormité : elle crève tellement les yeux…

En réalité, il n’y a rien d’étonnant à cela. L’absence de réactivité salutaire, censée venir des esprits les plus éclairées de la société, serait, au fond, la cause originelle de cette espèce de décomposition funeste du monde dit arabo-musulman à laquelle on assiste aujourd’hui. Une décomposition, dont des guignols autoproclamés califes et leurs hordes de misérables divers et variés se repaissent avec une délectation nauséeuse comme des vers et autres charognards sur un cadavre…

L.K.

Le verbe « être » n’existant pas en arabe, c’est la juxtaposition immédiate du sujet et de la qualité (attribut), qui induit le rapport entre les deux, de sorte que « Allah Messager » = « Allah est le Messager ». Il en est de même du rapport d’appartenance, qui s’établit en français au moyen de la préposition « de », dont l’équivalent n’existe pas en arabe, d’où : « Messager Mohamed » = « Messager de Mohamed ».