Cas d’école du débat politique en Algérie en 2012.

[V]oici, ci-dessous une vidéo  qui montre un débat sur Ennahar.tv entre  deux partis politiques : Jil Jadid et TAJ.  C’est un cas d’école sur la communication politique dans un pays où le peuple est très politisé, mais où la politique reste encore  la grande absente.

Nous voyons  trois postures qui illustrent parfaitement  les contradictions politiques en Algérie.

La première posture est celle de l’animateur qui représente symboliquement « l’ouverture démocratique » du système fermé et sclérosé. Nous le voyons  bafouiller,  ne pas maitriser le thème du débat, ne pas respecter le temps de parole, et chose plus grave il veut  embarquer les débatteurs et le public sur l’immédiat et sur le positionnement à adopter sur le premier ministre  Sellal comme si ce monsieur était la référence unique pour l’Algérie, et comme si la liberté démocratique est la dénonciation ou l’adhésion, la polémique ou l’alignement. Je ne porte pas atteinte à l’image de marque du premier ministre algérien à qui je souhaite succès dans sa tache titanesque dans le cas où il aurait la volonté d’œuvrer pour le bien de l’Algérie, ce que je souhaite bien entendu. Le débat sur l’Algérie doit s’inscrire dans le long terme, sur l’institutionnel et en dehors de nos sentiments favorables ou défavorables sur les personnes. Notre opinion serait subjective dans un cas comme dans l’autre. Il nous faut demeurer objectif et servir notre pays en restant dans l’analyse des processus.

La seconde posture est celle du parti TAJ qui ne veut pas débattre des idées et se complait dans l’alignement de circonstances au nom du refus de ne pas s’aligner. Il représente un peu l’opposition oppositionelle consentante qui veut encore croire qu’on peut faire du neuf avec de l’usé, que le système est récupérable, et que le problème est un problème d’homme et non un problème de structure et de politique. L’attente messianique de l’homme providence mélangée à du pragmatisme « bon enfant » caractérise l’ère FLN post indépendance qui a marqué de son empreinte de « pensée unique » ou de « changement dans la continuité » la classe politique algérienne.

La  troisième  posture est celle de  Jil Jadid. Il y a un véritable effort de construction sur le moyen et long terme ce qui dénote une bonne compréhension de la tragédie algérienne et de la complexité de la réponse qui exige du travail, de l’investissement en termes générationnel. L’approche est politique sans être partisane. Elle se veut  rupture pacifique avec le passé,  définition d’une perspective et objectivité sur les contraintes réelles incontournables.

Abstraction faite du désir des uns de se mettre sur le terrain partisan et du désir des autres de dénigrer l’objectivité sous le terme de pessimisme il y a un énorme problème de débat d’idées en Algérie. Sans le débat d’idées il n’y aura jamais d’alternative crédible qui émerge du lot de la médiocrité et du consensus politicien. En effet pour qu’il y ait débat fructueux pour présenter à l’auditeur algérien un choix de perspectives de sortie de crise il y a deux attitudes contradictoires dans ce débat malgré la bonne prestation et la probité de Jil Jadid.

Cela est lié à la nature de la crise et de l’impasse politique, économique, culturelle et sociale en Algérie. Les deux intervenants n’ont apparemment ni la même grille de lecture ni le même vécu de l’expérience algérienne. Pour qu’il y ait débat fructueux et différencié sur l’avenir il faudrait d’abord qu’il y ait débat entre des visions similaires sur l’origine de la crise et sur l’impasse du présent. Ce n’est pas le cas. Il faudrait être sur la même autoroute pour tester les performances de deux véhicules différents comme il faudrait utiliser la même carte pour débattre du schéma ou du chemin le plus judicieux pour se rendre plus vite, plus efficacement et mieux en sécurité du point de départ au point d’arrivée.

Lorsque les hypothèses de départ sont différentes il devient difficile voire impossible de comparer les conséquences des solutions et des théorèmes utilisés. Jil Jadid s’inscrit dans une lecture globale et cohérente qui doit s’affiner et s’affirmer davantage face à des débatteurs dans des débats qui portent d’abord sur l’explication du passé ou dans des débats qui portent sur l’avenir avec des partenaires qui partagent la même lecture du passé.

La question de fond reste posée : est ce qu’un nouveau gouvernement avec ou sans les figures anciennes constituent en soi un événement politique ou est-ce l’événement politique qui produit un débat, une implication du public ?

Le parti TAJ nous rappelle les débats de 1989 et la pléthore de partis qu’il dénonce comme si les moyens qu’il revendique sont les garants de la démocratie et non l’enracinement de la « biarchie » en vigueur en Occident. Il serait temps que les nouvelles générations se mettent à réfléchir à de nouvelles formes d’organisations politiques et sociales qui font une rupture avec les schémas qui sont en train de montrer leur faillite ailleurs. Notre malheur c’est d’importer  « clé en main » ce qui est déjà obsolète en Occident. Jil Jadid est un potentiel qui doit se libérer du Qadim s’il veut  marquer de son empreinte l’histoire nouvelle de l’Algérie en attente de  renouvellement. Le nouveau à entreprendre est difficile dans les conditions actuelles, mais c’est la voie réelle du changement : la mobilisation non partisane dans des Assemblées citoyennes autour de cinq objectifs fondamentaux :

  • La préservation et l’activation de nos valeurs dans le champ politique, social et économique.
  • Transcender les clivages idéologiques secondaires et mettre l’Algérie au dessus de toute considération partisane. Cela exige de l’ANP une affirmation de défendre la souveraineté nationale, la souveraineté du peuple sur les ressources nationales, la défense de la Constitution…
  • La défense de la souveraineté nationale face à la prédation néo-coloniale.
  • La réconciliation nationale par la justice, la solidarité nationale, la prise de conscience du devoir de vérité  et le sentiment patriotique qui dit « plus jamais les tragédies du passé »
  • L’édification nationale et la promotion de l’Algérie dans son position géostratégique.

Il y a encore une envie de faire de la politique au sens d’effort public en faveur du peuple et d’activité pacifiée pacifique. Cette envie est encore minoritaire dans un paysage politique qui cherche la facilité, et qui se contente de déclarations d’intentions sans donner une grille de lecture ni proposer une alternative crédible et dynamique.

A vous de jouer ! J’attends vos analyses, vos préconisations pour relancer le débat politique et de dire conformément à notre morale islamique, bien à celui a bien agit, et mal à celui qui a mal agi.