Ombres et lumières

« On voit ceux qui sont dans la lumière et on ne voit pas ceux qui sont dans l’ombre » disait Bertolt Brecht. Il expliquait l’art de la scénographie qui ne peut se résumer ni au présentiel visible ni au discours dicible, mais à l’atmosphère qui dissimule, montre selon les intentions de l’auteur et le déroulement du scénario…

Il semble curieux que j’évoque Bertolt Brecht alors que je ne suis ni marxiste ni socialiste ni homme de théâtre. Je conserve sans doute quelques réminiscences de Kateb Yacine, mais surtout je suis horrifié par la tragédie bouffe des bouffons qui ne voient pas que derrière leur simulacre et leur inconstance il y a le drame des innocents qui n’ont pas demandé à naitre et à qui on offre un avenir sans paix ni gloire et peut être un devenir sans pain.  Je suis né bien avant le déclenchement de la guerre de libération nationale, avec le prix du sang, des larmes et de la sueur que ma famille a versé à flot pour la libération et l’édification de l’Algérie. Je pensais qu’avec une bonne éducation patriotique et un bon parcours scolaire et professionnel j’allais pouvoir servir la patrie de Ben M’hidi, de Benboulaid (pour ne citer que ceux que je vénérais alors que j’étais tout petit) et du peuple algérien qui a soutenu l’ALN et le FLN et leurs héros en donnant des martyrs, des internés, des réfugiés sans compter. Les rentiers, les insensés et les traîtres en ont décidé autrement. C’est comme dans les  lois de la physique et de la chimie, il faut la réunion de plusieurs conditions et la conjugaison de plusieurs facteurs pour qu’un processus se réalise. Il n’y a pas de prévalence entre la rente, l’insenséisme et la félonie. L’un engendre les autres. Mais une fois installés comme système, il faut les éradiquer tous en même temps et rapidement, sinon tout changement, tout effort est mené vers l’entropie par la régénération et la reproduction élargie de ces trois fléaux.

Lorsqu’on vit avec la conviction que Dieu est témoin par connaissance et par présence, il importe peu pour sa petite personne périssable qu’elle soit anonyme ou illustre, en réussite ou en échec, reconnue ou bannie, utile ou gaspillée… C’est la situation de Diogène le cynique lorsqu’il fut appelé pour sauver la Grèce avec sa phrase célèbre « ôtez-vous de mon soleil ». C’est la situation de la génération d’après-guerre qui n’avait pas le profil de l’idiot de service, du rentier, du salopard. Cette situation est vécue par de nombreux algériens civils et militaires, laïcs et islamistes, berbères et arabes, modernes et archaïques… N’étaient épargnés que les insouciants qui avaient des yeux, des oreilles et des cerveaux, mais ils n’avaient ni l’entendement ni le sens des responsabilités et encore moins la morale (religieuse ou révolutionnaire) … Et pourtant le théâtre d’ombres et de lumières pour dissimuler les acteurs du massacre de l’Algérie, livrer en pâture quelques bouc-émissaires (souvent innocents) ou mettre en valeur quelques comparses ou quelques imposteurs…

C’est ainsi que Feu Caïd Ahmed, ancien secrétaire général du FLN, a été désigné à la vindicte estudiantine pour lui faire porter toutes les tares de l’Algérie. On a SALI son nom, sa réputation et son militantisme pour dissimuler le système qui l’utilise à ses dépens. On a ainsi masqué le système qui a détruit l’homme algérien, qui pourtant a résisté glorieusement au colonialisme et qui a pris en charge honorablement l’auto gestion des fermes et des entreprises, biens vacants, pour continuer de produire sans détourner les biens publics et sans importer de l’étranger. Ceux-là mêmes qui ont produit l’assistanat social, la bureaucratie, le capitalisme d’État rentier et corrupteur ont été encensés et couverts de gloire. Ce sont les mêmes qui ont donné un pouvoir aux DAF et mis au ban les Moudjahidines de l’ALN et les militants de la cause nationale. Ce sont les mêmes qui ont confisqué l’histoire, la religion, le patriotisme, la langue, les ressources nationales et les ont transformés en rentes et en privilèges pour enfin dilapider la plus grande ressource de l’Algérie qui n’est pas le sous-sol riche en hydrocarbures, mais l’image de l’Algérie qui a triomphé sur le colonialisme et le pacte de l’OTAN. Ces mêmes saltimbanques veulent livrer l’ALN pour qu’elle soit auxiliaire militaire des colonies françaises et américaines et pour que l’Algérie soit un comptoir colonial.

Ce sont toujours les mêmes stratégies de dissimulation et de diversion qui veulent non seulement montrer que tous les officiers algériens sont des corrompus et que tous les généraux sont coupables de crime de guerre et responsables de la Gabegie nationale.  Pourquoi se focaliser sur l’armée et ses fonctionnaires alors que le pouvoir réel n’appartient pas à l’armée. Pourquoi présenter tous les gradés de l’armée comme des voyous sans morale alors que d’une part des civils en nombre plus important (ministres, préfets, haut-fonctionnaires, juges, entrepreneurs, commerçants, intellectuels) ont main mise sur les rentes, et d’autre part cela n’échappe à personne : des caporaux, des adjudants et de petits fonctionnaires de l’armée, de la police et des douanes – par leurs fonctions et leur immoralité –  ont amassé des biens mal-acquis et ruiné le patrimoine public.

Pourquoi mettre la lumière sur des gens alors que le système qui a produit les corrompus et les corrupteurs et qui n’a ni protégé ni promu les fonctionnaires intègres n’a jamais été dénoncé dans ses mécanismes et ses allégeances mafieuses intérieures et extérieures.

L’incurie politique du FIS et l’ivresse du pouvoir de ses chefs leur a fait présenter Chadli Bendjedid (Allah yarhmou) comme le clou à arracher alors qu’il a été coopté par le système par son grade le plus élevé et le plus ancien. C’est un choix simpliste pour un pays qui a de grandes aspirations, mais Chadli ne peut être le diable et endosser à lui seul les malheurs de l’Algérie. Il reste à mes yeux un homme brave et miséricordieux qui a tenté de servir l’Algérie selon ses moyens modestes sans méchanceté. Manipulé par les experts en subversion, ils ont fait le jeu de ceux qui voulaient anéantir l’Algérie. Aujourd’hui les rescapés du FIS ne tirent pas de leçons pour engager leur responsabilité politique et morale dans la tragédie et donner leur version objective des faits et les acteurs connus de la manipulation. Ils ont négligé les avantages pour l’Algérie d’une négociation avec les forces vives et compétentes comme Mehri du FLN, Aït Ahmed du FFS sans se bloquer sur le processus électorale vicié au départ. Ils continuent de vivre leur syndrome victimaire sans s’adapter sérieusement et aller au-delà de la critique maladive des généraux. Les élites, militaires et civils, qui avaient suffisamment de culture géostratégique portent une responsabilité morale et historique, car elles avaient les moyens intellectuels et la position sociale pour ne pas aller à l’effusion de sang qui arrangeait les partisans de l’éradication idéologique et du démantèlement de l’appareil industriel pour assouvir leurs appétits d’apprentis capitalistes. La pensée collective a fait défaut, l’intérêt national a été absent dans le jeu politicien. Même avec de grands diplômes, de grands postes et de grandes ambitions, on peut voir un pays comme une épicerie ou un souk el fellah. Le commis de l’État n’existe pas encore dans la culture algérienne. Lorsqu’on fait de grandes études, on le fait ni pour servir l’Algérie ni pour faire avancer la science, mais pour la reconnaissance sociale, le pain. Nous avons hérité de la culture bobo du socialisme français ou du gangster américain, mais pas de la culture de nos aïeux algériens qui même vaincus ne se soumettaient pas.

On a glosé sur le président Bouteflika, bien ou pas bien, calife du Prophète ou désintégrateur des généraux ou allié objectif du Makhzen marocain, mais on refuse de voir le système qui s’est servi de lui pour se donner une légitimité historique et internationale alors que ce système est en effondrement sur le plan moral, social, politique, diplomatique et économique même si on peut se vanter des réalisations immobilières et des infrastructures. Puisque on est dans le théâtre j’aime bien Bertolucci qui parle du nationalisme des canailles.

L’Algérie est remplie d’acteurs cyniques et de pièces de théâtre vaudevillesques. Il y a tellement de gâchis qu’on a envie de ricaner « jaunâtrement » jusqu’à attraper une hépatite. La question se pose toujours sur le metteur en scène. Un homme de théâtre a bien résumé ce qu’il faut chercher dans un scénario : « Dans toute idée, il faut chercher à qui elle va et de qui elle vient ; alors seulement on comprend son efficacité. »

En matière de trouvaille d’idées anciennes et de marionnettes qui n’amusent que les enfants et les gens d’esprit comme le dit George Sand, ils ont trouvé depuis la maladie du Président et la vacance du pouvoir incarné dans un Zaïm l’arbre qui cache la forêt, un symbole en l’occurrence de Saïd Bouteflika, le frère du président. Ainsi on dédouane le président de ses responsabilités, on masque le pouvoir occulte, on cristallise la crise sur un homme et ses acolytes (réels ou fictifs) du « pouvoir » économique. On aurait pu se focaliser sur Djéha ou sur Pinocchio, cela n’enlève rien à l’amère réalité et aux jours difficiles à venir.

Oui nous vivons des temps difficiles comme ceux vécus par la génération de Bertold Brecht qui anciens attendant la révolution internationale pour libérer les peuples alors que leurs élites les ont conduites au nazisme et aux guerres mondiales. Ces temps, Brecht les a dépeint ainsi « les temps se sont obscurcis autant qu’éclaircis, clarté et obscurité sont entremêlées au point que l’on ne peut les distinguer. » Il voyait avec lucidité l’ombre et ne s’aveuglait par la lumière des projecteurs, c’est un homme de théâtre, un artiste, un visionnaire. Les Frères musulmans algériens n’ont ni la compétence de vision ni la vocation d’éclairer. Ils sont dans ce que Malek Bennabi appelle l’idole de foire qui a pour mission d’humilier l’idée. Ils n’ont rien à voir avec la miséricorde du Prophète, ni avec sa lucidité ni avec l’enseignement du Coran. Ils sont à fond dans les affaires, les arrangements d’appareils et les acrobaties politiciennes. Comme tous les aveugles politiques, non seulement ils accréditent la thèse fallacieuse de Saïd Bouteflika, mais ils lui donnent une consistance politique jouant une fois de plus le rôle qui leur est dévolu, celui d’idiot de service ou d’interlocuteur valide. Ils n’ont tiré aucune leçon des drames récents et refusent de voir les drames à venir.  Les arrangements avec le général Tewfik leur a permis de protéger leurs cadres de l’éradication, mais qu’est-ce qu’ils ont fait de leur potentiel pour servir l’Algérie ? Qu’est-ce qu’ils ont fait de leurs postures dans les institutions algériennes pour promouvoir une dynamique de changement ou au moins inviter à un débat d’idées ?

L’ancien directeur général de l’Institut de stratégie globale, Si M’hamed Yazid ancien ministre de l’information du FLN, malgré la différence d’âge et de statut, qui nous sépare m’avait convié à un entretien individuel et confidentiel faisant confiance à mon jugement et à ma proximité des événements sans être partisan pour lui donner mon opinion sur l’issue des élections législatives de décembre 1991. Ses services lui ont donné le parti HAMAS vainqueur à 10%. Cette estimation reposait à mes yeux sur trois estimations que je considérais comme fausses. La première était la prise en considération du charisme de Mahfoud Nahnah et la culture algérienne du zaïmisme qui allait faire préférer le modéré Nahnah au fougueux Ali Benhadj. La réalité du mécontentement social et de l’envie de changer radicalement le système n’était même pas prise comme une hypothèse de travail et cette erreur est monumentale. La seconde c’était la culture du zèle des élites vassalisées qui ne disent pas la réalité, mais celle que leurs chefs veulent voir. La troisième était sans doute le choix étranger qui tolérait une représentation islamique du type frériste si elle demeure contenue dans son expression et son action politique, économique, sociale et idéologique, car on ne touche pas au mondialisme. On a faussé le curseur idéologique pour masquer les enjeux véritables. Le problème n’est pas entre croyants ou athées, progressistes ou religieux, il est de la même nature qu’avant le déclenchement de la révolution algérienne : Pour l’indépendance ou pour l’assimilation. Chaque camp a ses éradicateurs, ses insensés, mais aussi ses militants de la cause nationale, même si chacun s’approprie le premier novembre selon ses œillères idéologiques.

Ce sont les mêmes insenséismes des incompétents et les mêmes appétits occultes des fourbes qui ont conduit la commission nationale de restructuration industrielle en 1983, composée de militaires et de civils, à stopper l’investissent industriel et à mettre en place les IVPE (investissements de valorisation du patrimoine existant) qui devenaient inefficaces par la restructuration administrative des entreprises nationales. Ces entreprises publiques avaient besoin de retrouver leur vocation, celle d’entreprendre et de manager selon des stratégies métiers et selon la loi du marché. On se devait de maintenir l’effort industriel, d’investir selon les besoins, de créer de l’ingénierie nationale, de compter sur les bureaux d’études nationaux, de créer la concurrence en mettant fin aux monopoles, de trouver une solution radicale aux pénuries et à l’administration bureaucratique des entreprises. Les années 80 ont préparé la décennie noire puis celle des années 2000 à ce jour mettant l’Algérie en situation de dépendance alimentaire sans infrastructure de know-how produit ou de know-how production, faisant d’elle un satellite de consommation et un îlot de gaspillage, un isolat de désertification morale et économique : un parfait comme le néant. Chadli n’a pas les compétences pour voir le désastre en préparation, les islamistes étaient préoccupés par la sahwa religieuse et l’usage de la liberté vestimentaire… Les cadres qui avaient la « compétence » de dire et de faire et qui avaient en charge l’appareil industriel, financier, économique et institutionnel n’ont tiré aucune sonnette d’alarme. Ils ont vanté le libéralisme économique et chacun se voyait conduire une holding comme Marie et son pot au lait…

A propos de lait, il me vient à l’esprit la traite illégale des  vaches à lait. Il me vient à l’esprit le détournement de la vocation des offices algériens tels que l’ONAB, l’ONALAIT, l’OFLA, l’OAIC, l’ONSP… Ces offices avait pour mission le développement de la production nationale, l’organisation des secteurs et des branches, la recherche développement,  la promotion de l’effort national et l’accroissement des rendements et de l’efficacité du travail. Les budgets alloués et les hommes affectés ont été orientés d’abord, par la pratique bureaucratique, vers la facilité des importations tout azimut ensuite par la nuisance systématique vers la gestion de la pénurie et des rentes qui ont permis l’émergence de l’économie informelle et des grandes fortunes parasitaires. Depuis la décennie noire à ce jour le système bancaire et le crédit, après le démantèlement du secteur public, n’ont fait que financer les privilégiés et les détourneurs de la vocation des offices pour leurs profits personnels. Il est permis de faire un parallèle de situation et de proximité temporelle avec le démantèlement de l’appareil productif français depuis l’émergence de Laurent Fabius comme ministre de l’Economie puis Premier ministre avec en arrière-plan les Attali et consorts. Il y a une ligne de convergence idéologique et d’intérêts économiques à suivre… Les militaires algériens ne peuvent être tenus pour responsables directs de ce détournement même s’il profite à quelques militaires véreux. Les agents des douanes, du Fisc, du commerce, de l’Assemblée nationale, des Finances et des banques étaient occupés à quoi et étaient au service de qui?   On peut poser la question aux organes de sécurité et aux brigades économiques de la Police : pourquoi s’occuper des étudiants, des imams des mosquées, des journalistes et des bavards algériens et ne pas fouiner dans la gestion des biens publics. Incompétence, corruption, détournement de la mission, zèle des fonctionnaires, trahison ? Il appartient aux historiens, aux juges, aux journalistes, aux hommes politiques d’apporter les réponses lorsque l’Etat de droit sera instauré et la souveraineté de l’Algérie restaurée….

Pour l’instant, nous sommes dans des intentions de rupture. Je ne me prononcerais sur la faisabilité et la viabilité de rupture  lorsque le candidat bien intentionné annoncerait comment il compte mettre fin à l’opacité de la nomination des hauts cadres, comment mettre en compétition les compétences désireuses de servir L’État pour ne prendre que les meilleurs, quels mécanismes pour les identifier, les recruter et leur donner la garantie de travailler dans de bonnes conditions sans passer par le système de cooptation et de clientélisme. Le diable est dans les détails…

Pour rester dans le langage théâtral et « comique », leur solution islamique est comme les boniments des forains et des ensorceleurs du verbe comme le dit si bien Devos « Parce qu’il y a des magiciens qui vous promettent la lune… Moi, je vous promets le soleil ! »

Pour achever le tableau si peu reluisant des promesses électorales, des lièvres, des falsifications, je vous invite à lire mon texte sur le roi de Midas que j’ai arrangé pour le faire coller à la réalité algérienne. Si vous n’avez pas le temps de lires les âneries de la mythologie revisitée par la modernité algérienne alors « Fermer les yeux afin de pouvoir voir ». Berthold Brecht a fait l’expérience avant nous et à travers ses yeux, même s’il est athée, nous pouvons voir : « C’est la continuité qui engendre la destruction. Les caves ne sont pas encore vidées, et au-dessus d’elles on construit déjà des maisons ».

Peut-être que l’idée d’effondrement ultime nous donnera, faute de conscience politique, le désir de procéder à une véritable psychanalyse sociale et idéologique et deviner les raisons inconscientes de notre arrogance, de notre suffisance et de notre impossibilité à construire un État. Le désir est le mouvement volontaire vers ce qu’on aime ou ce qu’on imagine c’est-à-dire ce qui qui est construit par nos souvenirs et qui part à l’extérieur de soi pour partager, communiquer….

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Omar Mazri

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
  • Aimer : la voie coranique
  • Les dix commandements US et le dilemme Arabe
  • Béni soit-il ?
  • Dine ou religion ?
  • Révolution arabe : mythe ou mystique ?
  • Gaza : La bataille du Forqane
  • Islamophobie : Deus Machina
  • Coûts de production : méthodologie d’analyse
  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
  • Economie et post-Modernité
  • Didacticiel mathématiques : niveau brevet et CAP
  • Didacticiel anatomie dynamique du vivant

Publications numériques :

  • 250 articles sur le site libération des opprimés
  • 160 articles sur le site Justice et Vérité (site fermé)

En cours d’édition :

  • Abel et Caïn :  mobile du crime et psychologie de l’assassin.
  • Territoire de civilisation ou Etat islamique ?

 

L’appel du général

Quel sens donner à l’appel du  général Abdel Fattah al-Sissi :

« J’appelle tous les égyptiens honnêtes à descendre dans la rue vendredi pour me donner mandat pour en finir avec la violence et le terrorisme »

Appel à l’aide d’un homme en proie au doute ou appel à la violence institutionnelle dans un climat de tension politique?

Celui qui a réalisé le coup d’Etat contre un président démocratiquement élu et qui a installé sous  la « légitimité » de la rue des figures et des organes de transition censés masquer le coup d’Etat et qui bénéficie du soutien des milliards des bédouins, des éradicateurs et des salafistes, a-t-il besoin du soutien du peuple civilisé pour lutter contre le peuple terroriste? Il y a des fausses donnes qui semblent fausser les pronostics. Sinon comment expliquer que le général s’exprime en faisant de la surenchère sur le président désigné et en appelant le peuple non à soutenir le gouvernement, mais à le soutenir personnellement.

Les évènements semblent indiquer que :

–          1 – Le général Sissi – plus influencé par le général Boulanger que par la Révolution française –  se trouve confronté à une grogne au sein des officiers de l’armée qui désapprouve le coup d’Etat et qui redoute ses conséquences. Le général  appelle le peuple à venir trancher dans l’arbitrage qui oppose  les « faucons »  éradicateurs  et les « colombes » réconciliatrices au sein de l’armée.

–          2 – Les  officiers ainsi qu’une partie des nationalistes viennent de prendre  conscience des risques réels de guerre civile et ont réévalué la situation nationale et internationale qui demeure défavorable pour un coup d’Etat. Il ne s’agit pas comme on pourrait le croire de la crainte de la suspension de l’aide américaine ou du désir européen de voir revenir l’Egypte à la légitimité des urnes. Il s’agit de quatre grands facteurs.

  • Le premier facteur c’est que le retour aux urnes promis par l’armée  pourrait s’avérer une véritable boite de pandore  maintenant que la contestation dans la rue  est devenu le « recours révolutionnaire » et le moyen d’imposer ou de déposer un gouvernant. La victoire n’est garantie pour aucun prétendant et elle demeure soumise au refus qui peut entrainer l’embrasement. Il est impossible que la crise sociale et politique ne soit jugulée avant la tenue des élections annoncées.
  • Le second facteur est la réalité politique des opposants aux Frères musulmans. Ils ne sont pas un gage de soutien ni un facteur de stabilité ni une force de gouvernance. Ils sont hétéroclites et ils ne sont parvenus à un consensus sur les figures de la transition que par le jeu opportuniste des salafistes qui restent une force imprévisible et sans cap politique pouvant donner lieu à des alliances durables.  La redistribution des aides et le partage du fardeau de la crise sociale et économique peuvent faire voler en éclat les forces unifiées dans leur refus des Frères musulmans.
  • Le troisième facteur réside  paradoxalement dans l’aide financière octroyée par les bédouins.  Le nationalisme égyptien exacerbé et utilisé à la fois comme rente sociale et refuge idéologique ne peut tolérer de se voir confié aux vassaux de l’Amérique. Une fois consommées la rhétorique et la propagande sur les collusions d’intérêts entre l’Amérique et les Frères musulmans, l’éveil est humiliant pour les partisans nombreux et irrationnels de Misr wa bess ou de Misr oum edounya.
  • Le quatrième facteur est dans la conséquence du risque de l’alignement  de l’Egypte sur l’Arabie saoudite et ses voisins satellites. Tout le monde connait la rivalité idéologique, politique et culturelle entre l’Egypte et l’Arabie saoudite depuis Djamel Abdel Nasser. Les nationalistes, dans l’armée et dans le civil, attachés à Nasser et au nationalisme arabe et habitués à si tuer dans la lutte entre le bloc Ouest et le bloc Est ne peuvent ne peuvent tolérer se voir des figurants dans les luttes rivales entre monarchies bédouines. Ni le Qatar ni l’Arabie saoudite ni leurs voisins ne peuvent jouer un rôle stabilisateur pour l’Egypte. Ils sont perçus pour ce qu’ils sont : des facteurs de régression, de désordre et de conflit.  Leur histoire moderne, la nature de leur pouvoir et leurs interventions dans la région témoignent de leur vassalité aux USA qu’ils ne sont pas capables de bien réaliser faute de culture politique. Leur intervention en Syrie est catastrophique. Leur intervention en Egypte sera pire. Ils peuvent apporter la manne financière, mais ils ne peuvent apporter ce qu’ils n’ont pas : la vision du monde et un plan de développement. Les 12 MD $ ne peuvent empêcher les échéances difficiles avec le FMI et le règlement de la crise politique, sociale et morale. Dans les conditions actuelles, la manne devient un fardeau dont il faut se débarrasser si on veut éviter le naufrage du navire égyptien dans la tourmente de ses politiciens et de ses militaires.

–          3 –  Le choix du vendredi vise à rassembler les salafistes contre les Frères musulmans surfant sur l’esprit partisan et sectaire dominant dans les mouvements islamiques qui obéissent à des logiques d’identité formaliste et non à des logiques religieuses, géostratégiques ou politiques. Si ce choix venait à se confirmer, alors la rumeur faisant état de la rencontre entre les corrompus de  l’armée égyptienne et les corrupteurs des pays du Golfe, tous ennemis des Frères musulmans, va devenir réalité. Personne n’ignore que l’apolitisme et l’individualisme du salafisme exporté par l’Arabie saoudite a une capacité de déstructuration des imaginaires et des consciences dans le monde arabe. Personne n’ignore aussi que les salafistes, par leur infantilisme simplificateur et par leur inertie face au changement, sont les alliés des régimes despotiques comme le sont d’ailleurs les prétendus démocrates et progressistes laïcs qui refusent le changement tant  par peur de perdre leur rente politique que par mépris pour la religion du peuple.

Ce vendredi sera décisif tant pour les ambitions politiques du général que pour  le devenir de l’Egypte. Ce sera une confrontation et l’approfondissement de la déstructuration entamée de l’Egypte ou bien un réveil et l’obligation pour tous de trouver un terrain pour la réconciliation nationale. La réconciliation est difficile car elle exige un désir de se réconcilier et le recours à la justice et à l’équité.

Ce vendredi sera décisif car il pose en filigrane la question du rapport des forces politiques à l’armée ainsi que du positionnement du clivage idéologique dans le monde musulman et arabe qui n’est pas entre islamistes et non islamistes, mais entre conscience universel s’opposant au chaos mondial et inconscience sombrant dans le chaos au nom de la religion, de la démocratie, de la souveraineté nationale et d’autres termes galvaudés ou instrumentalisés.

Les Frères musulmans confinés dans leur esprit partisan et engagés dans leur lutte contre le régime syrien n’avaient ni l’envergure ni le recul pour lire la carte du monde et se hisser au niveau de l’universel de l’Islam dont ils se réclament. Toutes les critiques contre les Frères musulmans sont objectives si elles ne font pas l’impasse sur les errances de l’ensemble de la classe politique dans le monde arabe et en Egypte. Il s’agit de chercher à comprendre et d’apprendre à anticiper pour ne pas rester éternellement otage des autres et victimes de notre propre inconséquence.

Le destin est ironique, tragiquement ironique pour ceux qui ne lisent pas correctement l’histoire et le mouvement du monde. En effet dans une semaine les Iraniens installent leur nouveau président démocratiquement élu et continuent d’avancer sans perdre leur cap dans un monde de contradictions et de déchirements, alors que les Égyptiens, les uns se croyant les tombeurs d’Israël, les autres de Bachar Al Assad, sont renvoyés dos à dos à leurs contradictions internes et à leurs faux clivages.

4 – Le général a choisi la confrontation. Le peuple sera-t-il son allié,  son instrument, ou son désaveu public ? Sera t-il isolé ou aura-t-il les moyens de « mater » les Frères musulmans et d’imposer son « agenda » ? Personne n’a de réponse et même si demain et les jours à venir nous donnent une réponse, elle sera incertaine car les actants, prisonniers de leur ego, n’ont aucune prise sur les événements et ne sont pas à l’abri de retournements bouleversants comme l’a si bien dit le grand poète arabe Al Moutannabi :

« Tajri ar riyah bi ma la tachtahi as soufoun : les vents ne soufflent pas toujours au gré  des voiliers« 

Ce qui est par contre sur et certain c’est la double volonté du général Sissi et de  son clan éradicateur de :

– criminaliser et diaboliser les Frères Musulmans sinon les pousser à l’épreuve de force en faveur des militaires partisans de l’éradication de l’Islam politique et social. Depuis le premier jour du coup d’Etat la feuille de route contre Morsi était tracé : l’envoyer devant une juridiction pour légaliser le coup d’Etat. La même feuille de route prévoyait la décapitation « juridique », médiatique et sécuritaire de l’encadrement des Frères musulmans. Ces derniers disposent d’une expérience de près d’un siècle de lutte et de clandestinité. Est-ce que la « transparence » démocratique à  donné au pouvoir réel la cartographie de leurs réseaux ou non est la question de fond qui vient s’ajouter à celle sur les mesures de précaution que les Frères musulmans ont pris ou non face au traditionnel retournement des militaires contre eux ( Nasser et  Sadate). Ces questions posent la question sur l’urgence et la gravité de l’appel du général : est-ce que les Frères se sont constitués des réseaux au sein de l’armée ? Est-ce que Sissi annonce une chasse aux sorcières pour épurer l’armée fort d’un soutien populaire et politique ?

– criminaliser le HAMAS en l’impliquant dans un pseudo complot de Morsi contre la souveraineté de l’Egypte et ainsi offrir à l’entité sioniste et à l’administration américaine la garantie de la poursuite des accords de Camp David. Le retournement tactique et opportuniste des Frères Musulmans vis-à-vis de l’administration américaine et leur mauvaise gestion de l’affaire syrienne ne font pas oublier leur lutte en faveur de la Palestine.

Le général Sissi gère ce dossier, tambour battant, comme les magiciens de Pharaon faisant illusion pour s’attirer les bonnes grâces de l’Empire alors que dans la famille de Pharaon des voix silencieuse sortent de leur mutisme s’élèvent pour défendre Moïse et se reconnaître dans son message.

Conclusion : La confusion et le chaos servent les intérêts et les ambitions de l’Empire, du sionisme et des cercles d’affaires. Il faut continuer à explorer les pistes et à valider le sensé et  invalider l’insensé au delà de l’actualité.

 

PS : Je ne suis pas partisan des Frères musulmans car je ne crois pas en l’efficacité de leur méthode ni dans le recours à l’esprit partisan. Je suis conscient de leurs erreurs monumentales. Je me dois de comprendre autant que rejeter le coup d’Etat car non seulement il n’apporte rien de bien, mais il empêche l’enracinement de l’alternance politique par des voies pacifiques et le dialogue. L’armée comme les politiques doivent être une force de proposition pour défendre la patrie et les citoyens s’ils n’ont pas la compétence de défendre la religion de leur peuple. Ils ne doivent pas être moralement et politiquement le problème et l’obstacle. l’appel du général « pour en finir avec la violence et le terrorisme » aurait trouvé crédit et efficacité s’il s’inscrivait dans une démarche citoyenne qui construit l’Etat de droit et de prospérité. Tous les indicateurs annoncent l’Etat d’exception…

Analyse de la destitution de Morsi par Mohamed Habib

Au moment où les éradicateurs se félicitent de l’échec ou de la fin de « l’Islam politique, Mohamed Habib – ancien conseiller du précédent Morchid (guide) des Frères musulmans donne sa version sur le coup d’Etat militaire contre la gouvernance partisane sous l’angle de  « Leçons à tirer et enseignement à méditer ». Il écrit en mettant noir sur blanc les mots qu’il faut aux maux que nous méritons et que nous accumulons :

Nous avons plaisir à attribuer nos échecs et  notre incompétence à un complot extérieur ou à la faute d’autrui.Peu d’entre nous ont suffisamment de courage  et de lucidité pour aborder les véritables raisons qui les conduisent à l’échec, et très  très peu   ont l’audace admettre l’échec et de s’en excuser publiquement. Personne, dans le monde arabe et musulman, et tout particulièrement dans cette époque,  n’envisage l’autocritique pour  se redresser, améliorer ses processus et rationaliser ses démarches. Cela exige une  grande force mentale. Il semble que nous allons passer encore un long moment avant de faire émerger cette culture – la culture de rendre des comptes – qui exige au préalable de grands efforts d’éducation, de  socialisation et de transparence avant de devenir une démarche normale  selon les termes «  Certes, la science est par  l’effort constant vers le savoir, et l’intelligence endurante par l’effort constant vers la compréhension des phénomènes «إنما العلم بالتعلم والحلم بالتحلم» » (hadith)

Je ne nie pas les nombreux obstacles et difficultés rencontrés par le Dr Morsi et les Frères musulmans depuis le premier instant de la gestion des affaires du pays, ni qu’il y avait des intentions pour faire avorter cette expérience, ni que la succession était un fardeau énorme et lourd dépassant de beaucoup la capacité des Frères musulmans ..

Ce qui est important ici est de faire la lumière sur l’ensemble des facteurs internes qui ont conduit à l’échec du Dr Morsi à gouverner et à se trouver confronté à la sortie dans la rue de dizaines de millions d’Égyptiens exigeant son départ.
Je peux résumer ces facteurs comme suit:

1 – La perte  (ou l’absence) de la vision stratégique dans la gestion de l’Etat eu égard au poids et à la dimension de l’Egypte.

2 – L’absence d’expertise et le manque d’expérience.

3 – L’erreur de faire reposer la gouvernance complexe du pays sur l’homme au lieu des institutions et en particulier de limiter le choix des hommes aux seules capacités et compétences des membres de la confrérie des Frères Musulmans.

4 – Le non recours aux personnes ayant les connaissances, l’expérience et l’efficacité et se limiter au cercle restrint et limité de la confrérie.

5 – Ne pas répondre ni prêter attention aux conseils et aux critiques.

6 – L’absence de réelle compréhension des problèmes et des crises que connaît le pays, comme si les gouverants vivaient sur une autre planète.

7 – Perte de la capacité de communiquer avec le groupe national (société civile et partis politiques).

8 – Ne pas fermer la porte à l’état de division et de fragmentation du pays, à la guerre civile et à la violence inter communautaire, ainsi que le silence devant les atteintes aux droits de l’homme et aux crimes et délits en hausse. Il est suffisant de dire que le nombre de morts dans l’ère du Dr Morsi a atteint le chiffre de 154 morts dont la majorité sont issus du camp politique adversaire au Frères musulmans.

9 – L’omission de prendre des mesures urgentes et efficaces en faveur de la justice sociale, et une préférence marquée pour l’alignement aux riches au détriment des pauvres, qui représentent la grande majorité de la population de l’Egypte.

10 – Fermer complètement les yeux sur l’application stricte de la justice envers les abus et les délits (avant et pendant la « révolution ») dans cette période transitionnelle, malgré les engagements pris par le Dr Morsi. Aucune mesure prise en faveur des martyrs de la révolution.

11 – Accentuation de l’ampleur de la crise sociale et économique. Il est étrange qu’aucune réponse ne soit apportée à rupture des approvisionnements de gaz, d’essence et de diesel.

12 – Ni réforme ni retructuration du Ministère de l’Intérieur.

13 – Le manque de clarté et de transparence. Il suffit juste de constater que beaucoup de ses collaborateurs et conseillers l’aient quitté.

En plus de ce qui précède, ce qui souligne d’une manière plus significative la mauvaise gouvernance du Dr Morsi est la remise des clés de l’Etat à quelques personnes ayant une influence néfaste sur le bureau d’orientation de la confrérie des Frères musulmans. L’homme n’a pas joué son rôle de président, il a accepté d’être gouverné derrière un rideau, provoquant ainsi réticence, agitation et confusion.

Nous avons attiré l’attention sur ces problèmes et leur répercussions sur l’avenir du pays et sur le devenir des Frères musulmans, mais il n’y a pas eu d’écoute et encore moins de réponse. Nul ne peut faire entendre un mort et nul ne peut donner la vie à celui qui joue le mort.

J’ai étudié la déclaration constitutionnelle de novembre 2012, qui comprenait des décisions dictature par excellence, et il faut avouer qu’elle est la mère des catastrophes .. Ce fut le point de départ, le début de la descente vers l’abîme. Cependant, il était encore possible de sauver l’homme lui-même, sa confrérie et la nation, s’il avait eu la lucidité de répondre aux demandes de l’opposition. Il avait eu de nombreuses occasions, mais malheureusement, il les a ratées. Il y avait une ultime chance de redressement lorsque le commandement général des forces armées accorda au Dr Morsi, aux Frères musulmans et à toutes les forces politiques nationales deux délais pour trouver une issue. Le premier délai d’une semaine et l’autre de deux jours, offrait l’espoir l’espoir de sauver le pays de sombrer dans la guerre civile. La fin de la première date limite était le 30 Juin, mais le Dr Morsi n’a pas réagi et a sous-estimé la capacité des foules à se rassembler et à sortir dans la rue pour exiger son départ, alors que la campagne «rébellion -Tamarrod» a recueilli plus de 22 millions de signatures signifiant qu’une grande masse lui a retiré la confiance et qu’il fallait aller vers l’organisation d’élections présidentielles anticipées. Ratant toutes les occasions il s’est enfoncé dans un discours qui montrait pourtant combien il était distrait, errant, déconcerté, et rempli de tension, de colère et d’émotion. Le discours était des mots sans conséquence, et fatalement la fin de toute chance de sympathie avec lui .. En bref, le discours était une déclaration de la fin de la véritable issue tant attendue…

Nous rappelons ici les raisons de la chute, pas pour se réjouir ou prendre sa revanche, mais pour témoigner à l’histoire. Nous devons disposer de moyens d’étude et tenir compte des indices si nous ne voulons pas tomber une fois dans le même piège et dans les mêmes erreurs. L’Egypte vaut davantage et pour cette raison nous ne voulons pas la voir se déchirer par procuration pour le compte de l’administration américaine et de l’ennemi sioniste. Il est urgent, avant d’appeler les gens à manifester et à revendiquer le retour à la légitimité de :
– rester loin de la sédition et la division,
– revoir l’historique des erreurs et faire le bilan
– refuser l’exclusion
– maintenir la porte grande ouverte pour recommencer l’expérience après avoir tiré leçons et médité les enseignements.

Je ne suis pas partisan des pleurs et des lamentations, ni favorable à la démarche visant à s’installer dans le rôle de la victime, ce qui n’aide pas. Nous voulons et nous devons voulons reconstruire sur les fondations d’un environnement propre et sain, exempt de blessures et d’esprit de revanche. Je sais combien est lourd et douloureux le poids des traumatismes et de la colère, le déni, la tristesse, mais j’espère que les Frères musulmans se guérissent de leurs blessures rapidement et qu’ils rassemblent de nouveau, avec détermination et efficacité leurs forces et leur énergie avant qu’il ne soit trop tard, car il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé.

Voici l’article original paru sur le site elwatannews.com/news/details/225472

يحلو لنا أن نعلق فشلنا وعجزنا على شماعة المؤامرة، أو على غيرنا.. القليل منا هو من تكون لديه الشجاعة للاقتراب من الأسباب الحقيقية التى أدت إلى الفشل، وأقل القليل منا من يمتلك جسارة الاعتراف بالفشل والاعتذار عنه علنا أمام الجميع، حتى يبدأ تصويب خطواته وترشيد مساره.. هذا بالفعل يتطلب قوة نفسية كبيرة، من الصعب أن تتوافر فى مجتمعاتنا العربية والإسلامية، خاصة فى هذا الزمان.. ويبدو أننا سوف نقضى وقتا طويلا حتى نتحلى بتلك الثقافة -ثقافة الاعتذار- الأمر الذى يستلزم التنشئة والتدريب عليها ومحاولة اكتسابها حتى تصير طبعا أصيلا، من منطلق «إنما العلم بالتعلم والحلم بالتحلم».

لا أنفى أنه كانت هناك عوائق وصعوبات كثيرة تعترض الدكتور مرسى والإخوان منذ اللحظة الأولى لإدارة شئون البلاد، وأن هناك من كان يسعى لتفشيله، فضلا عن أن التركة كانت ضخمة والعبء ثقيل.. أثقل بكثير من قدرات الإخوان.. ما يهمنا هنا هو إلقاء الضوء على مجموعة العوامل الداخلية التى أدت إلى فشل الدكتور مرسى خلال فترة العام التى حكم فيها والتى تسببت فى خروج عشرات الملايين فى ميادين وساحات مصر تطالب برحيله.. أستطيع أن أوجز هذه العوامل فيما يلى:

١- فقدان الرؤية الاستراتيجية لإدارة دولة فى وزن وحجم مصر.

٢- انعدام الخبرة والتجربة.

٣- محاولة اعتماد الرجل على قدرات وكفاءات أفراد الجماعة فقط فى المجالات المختلفة، بالرغم من قلتها كماً، ومحدوديتها كيفاً.

٤- الفشل فى الاستعانة بموظفى الدولة من ذوى العلم والخبرة والكفاءة من غير الإخوان.

٥- عدم الاستجابة أو الالتفات لأى نصح أو نقد.

٦- غياب الإدراك الحقيقى للمشكلات والأزمات التى تمر بها البلاد، وكأنه يعيش فى كوكب آخر.

٧- فقدان القدرة على التواصل مع الجماعة الوطنية.

٨- الوصول بالبلاد إلى حالة من الانقسام والتشرذم، والاحتراب الأهلى، والعنف المجتمعى، فضلا عن القتل والخطف وانتهاكات حقوق الإنسان، ويكفى إن يقال أن عدد القتلى فى عهد الدكتور مرسى وصل إلى ١٥٤ قتيلا، أغلبهم من المعارضين.

٩- الفشل فى اتخاذ أى خطوة نحو العدالة الاجتماعية، وتفضيل الانحياز للأثرياء على حساب الفقراء الذين يمثلون الغالبية العظمى لشعب مصر.

١٠- غض الطرف تماما عن تطبيق العدالة الانتقالية، رغم تعهد الدكتور مرسى بالقصاص للشهداء.

١١- ازدياد حجم الأزمة الاقتصادية بشكل مخيف، ناهينا عن أزمة البوتاجاز والبنزين والسولار.

١٢- عدم اتخاذ أى خطوة نحو هيكلة وزارة الداخلية.

١٣- عدم الوضوح والشفافية، ويكفى أن كثيرا من معاونيه ومستشاريه هجروه.

إضافة إلى ما سبق، نسوق قضية على درجة كبيرة من الأهمية وهى أن الدكتور مرسى أسلم رئاسة مصر لقيادات نافذة فى مكتب إرشاد الجماعة.. لم يكن الرجل هو الرئيس الفعلى.. كان هناك من يحكم من وراء ستار، وهو ما سبب ترددا واضطرابا وارتباكا.. وقد نبهنا إلى ذلك مرارا وتكرارا، بل حذرنا منه ومن مغبته وآثاره وتداعياته، لكن كما يقولون: قد أسمعت إذ ناديت حيا.. ولكن لا حياة لمن تنادى..

لقد كان الإعلان الدستورى الذى أصدره الدكتور مرسى فى ٢١ نوفمبر ٢٠١٢، والذى تضمن قرارات ديكتاتورية بامتياز، هو كارثة الكوارث.. كانت هذه نقطة البداية، بداية الصعود نحو الهاوية.. ومع ذلك كان من الممكن أن ينقذ الرجل نفسه والجماعة والوطن لو أنه استجاب لطلبات المعارضة.. كانت أمامه فرص كثيرة، لكنه للأسف، أهدرها.. لقد أعطت القيادة العامة للقوات المسلحة للدكتور مرسى وللإخوان ولكافة القوى السياسية والوطنية مهلتين؛ إحداهما لمدة أسبوع والأخرى لمدة يومين، على أمل إنقاذ البلاد من الوقوع فى حرب أهلية.. كانت نهاية المهلة الأولى فى ٣٠ يونيو، لكن الدكتور مرسى لم يتجاوب واستخف بقدرة الجماهير على الخروج، بالرغم من أن حملة «تمرد» جمعت أكثر من ٢٢ مليون استمارة من المواطنين لسحب الثقة منه وإجراء انتخابات رئاسية مبكرة.. وفى يوم ٣٠ يونيو، خرج عشرات الملايين من المصريين فى مشهد مهيب ومذهل وغير مسبوق فى تاريخ البشرية ليقولوا كلمتهم: «ارحل.. ارحل».. حتى الفرصة الأخيرة التى لاحت له مساء الثلاثاء ٢ يوليو، فشل فى استغلالها.. وخرج خطابه مهلهلا، مشتتا، تائها، حائرا، ومشحونا بقدر كبير من الغضب والتوتر والانفعال، فضلا عن أنه لم يقل شيئا ذا بال، ولم يدع لأحد فرصة التعاطف معه.. باختصار، كان الخطاب إعلانا للنهاية..

نحن نذكر هنا أسباب السقوط، لا للشماتة أو التشفى، لكن للتاريخ.. للدرس والعظة والاعتبار.. لا نريد أن نقع فى الشرك مرة أخرى، فيكفى ما فات.. فمصر تستحق ما هو أعظم وأروع.. لا نريد أن نقوم بتمزيق الوطن بالوكالة عن الإدارة الأمريكية والعدو الصهيونى.. لذا، أرجو أن يتوقف الإخوان عن تظاهرات «الشرعية» التى سقطت، ربما من قبل أن يخرج عشرات الملايين فى ٣٠ يونيو، وأن يبتعدوا عن التحريض على الفتنة والفرقة، وأن يراجعوا أخطاءهم ويعيدوا حساباتهم.. لا نريد إقصاء لأحد، والباب مفتوح على مصراعيه للبدء من جديد.. لست مع البكاء والنواح والعويل، ومحاولة استعادة دور الضحية الذى لا يفيد.. لكننا نريد البناء على أسس نظيفة وسليمة، خالية من الجروح والتقيحات.. أعلم هول الصدمة وما يعقبها من غضب وإنكار وحزن، لكن أرجو أن يلملم الإخوان شتاتهم ويضمدوا جراحهم سريعا وقبل فوات الأوان، إذ لا فائدة من البكاء على اللبن المسكوب.

Ce que le hold-up confrérique ne peut voler aux Palestiniens

Le gain politique et les buts immédiats ne sont pas à inscrire à l’ordre du jour de la résistance palestinienne lorsque nous lisons le contenu de l’accord auquel l’Egypte est parvenu. Nous avons montré le hold-up que les Américains et les Frères Musulmans ont réalisé en mettant en avant le rôle de conciliateur et d’intermédiaire de l’Egypte alors qu’idéologiquement, religieusement et géo-stratégiquement  sa place était à côté de la résistance palestinienne.

Lorsque nous disons à côté de la résistance palestinienne cela ne veut pas dire l’aventurisme d’entrer dans une confrontation militaire classique avec une armée égyptienne privée de doctrine de guerre et ployant sous l’aide logistique, technique et financière américaine. Etre à côté de la résistance c’est fournir la profondeur stratégique à la résistance palestinienne dans sa continuité militaire en lui apportant la logistique militaire et dans sa continuité populaire en lui apportant le soutien populaire. A l’unité peuple-résistance armée du côté palestinien qui avait  fait face à l’agression nous espérions retrouver la même unité peuple et soutien logistique.

Le pragmatisme politique a remporté une victoire médiatique sur le  réalisme  de la cohésion et de l’harmonie peuple-résistance. Le pragmatisme est dangereux car il installe le statut quo qui peut générer de la lassitude, et  donner de la voix à la subversion idéologique et à la diversion politique pour distiller insidieusement  la question cynique sur les apports de la résistance en termes de gains militaires, politiques et sociaux.

N’est-ce pas le retour à l’immobilisme et aux contradictions des points de passage sous le contrôle des autorités sionistes et des autorités égyptiennes ? N’est-ce pas l’Amérique qui dicte ses conditions sur ce qui devrait relève de la souveraineté égyptienne sur son territoire ? N‘est-ce pas que la résistance a marqué  plus de points qu’en 2009 pour n’en obtenir que moindre ?

N’est-ce pas que nous allons voir de nouveau le déchirement entre Gaza et la Cisjordanie facilitant l’idée de la solution du  transfert des populations par une forme nouvelle : le transfert administratif des territoires entre l’Egypte, la Jordanie et l’extension-intensification de la colonisation et de la judaïsation de la Palestine.

Le pragmatisme va tenter de faire de la question palestinienne un dossier parmi tant d’autres de  l’agenda freriste de la Dawla islamiya qui compose avec le capitalisme et l’Empire. Le réalisme américain et le cynisme sionisme vont faire de ce pragmatisme  un mode opératoire pour tiédir et diluer la question palestinienne qui recule dans la conscience humaine pour devenir un feu d’artifice et un holocauste de commémoration sans perspective sur la libération.

Dans les semaines à venir le hold-up qui a remis en scène le Qatar et la Turquie, artisans du démembrement contemporain du monde arabe, l’Amérique  va tenter d’appliquer le même scénario qu’à Ramallah. A Ramallah la résistance est bâillonnée par un semblant de mieux être socio-économique qui vient faire oublier la répression qui s’abat sur les  figures et les idées de la résistance. A Ramallah règne en maitre le général américain Dayton sur le plan sécuritaire et l’ancien premier ministre britannique Tony Blair sur le plan idéologique, économique et politique.  L’idée est d’isoler les deux entités palestiniennes l’une de l’autre et chacune du territoire palestinien historique.

L’Amérique dispose de ce qu’elle n’avait pas en 2009 : l’Egypte et la Turquie. Le Qatar est toujours présent dans le rôle inchangeable d’émissaire américain et d’agent financier. L’Egypte sort de cette guerre avec le statut renforcé qu’elle avait déjà par les Accords de Camp David : le centre de gravité de la normalisation avec Israël. La Turquie consolide sa position mais perd le rôle de locomotive. Elle aura à jouer un rôle face à la Syrie et à l’Iran. Pour Gaza je la vois dans trois rôles : assistant de l’Egypte sur le plan sécuritaire et politique, opérateur économique dans Gaza avec le Qatar et peut être un rôle inédit : elle serait le seul pays à amarrer à Gaza pour donner l’illusion de la fin du blocus.

 Les Arabes politiques, médias et peuples sont, pour l’instant et dans les semaines à venir, dans l’euphorie de la victoire,  le gaspillage de temps  entre réjouissance et festivités pour commémorer leur victoire faisant l’impasse sur le hold-up, et la perte d’intelligence et de vigilance dans leur spéculation sur la défaite politique de Netanyahu.

Poser  la question de l’avenir politique de Netanyahu et débattre des clivages et des oppositions au sein de l’entité sioniste c’est faire de la diversion. Aucun homme sensé n’ignore ces trois constantes : Israël et le monde occidental perdant ou victorieux ont la culture de l’évaluation et de l’auto critique, leur système et leur culture  politique ne leur permettent pas le nombrilisme partisan. Le changement tactique  dans la continuité stratégique est leur essence. Quels que soient la couleur politique du gouvernant et la tonalité de son discours médiatique la politique menée envers la Palestine est invariante. Par ailleurs le Coran nous a appris que « leurs cœurs sont dispersés » : cela fait partie de leur comportement normal.

L’anormal dans l’affaire est notre comportement qui fait de leur normalité une fascination, une dérision, une diversion… Alors que chacun de leurs mots, de leurs idées, de leurs actes envers notre capacité de résistance est une subversion dans nos mentalités et notre unité, une dislocation dans notre tissu, dans notre géographie, dans notre histoire, dans notre devenir…

L’anormal c’est d’aller vers un comportement festif et euphorique qui ne sied pas à celui qui se réclame de Mohamed (saws) qui s’est toujours montré humble et recueilli y compris dans les plus grandes victoires comme celle de Badr ou de Mekkah. L’indécent c’est de se montrer bruyant alors que l’odeur du sang des martyrs, des blessés, des disparus et des ruines fumantes impose le recueillement. Dans ce lieu béni par le Ciel qu’est la Palestine nous ne pouvons manquer de faire le rappel entre le désir de vivre et de triompher des incrédules et des agresseurs avec ces deux qualificatifs par lesquels Allah a qualifié Son Prophète Yahya (le vivant)  dans la sourate Mariam :

{Récit de la Miséricorde de ton Dieu envers Son Dévoué Zacharie. Lorsqu’il a appelé  son Dieu en L’invoquant intimement pour lui dire  : « Mon Dieu, mes os se sont affaiblis, la tête flamboie  de cheveux blancs, et je ne fus jamais malheureux en t’invoquant ; et moi je redoute les proches, après moi, ma femme étant stérile. Accorde-moi donc, venant  de Toi, un successeur, qui hérite de moi et qui hérite de la famille Jacob. Et fais, mon Dieu, qu’il soit agréé ». O Zacharie, Nous t’annonçons la bonne nouvelle d’un garçon qui s’appelle Yahia auquel Nous n’avons pas donné d’homonyme auparavant. Il dit : « Mon Dieu, comment aurai-je un enfant alors que ma femme est stérile et que j’ai atteint l’extrême vieillesse ? » Il dit : « Au sujet de tout cela, ton Dieu a dit : “Pour Moi c’est chose facile, n’est-ce pas que je t’ai  déjà créé auparavant alors que  tu n’étais rien.” » Il dit : « Mon Dieu, désigne-moi un Signe. » Il dit : « Ton signe : tu ne pourras parler aux hommes pendant trois nuits, quoique en bonne santé. » Alors il sortit du mihrâb vers ses gens et leur fit signe : « Exaltez Dieu à l’aube et au soir ». } Mariam 2 à 11

Sans entrer dans tous les détails et le sens des Signes (Ayat) nous allons retenir quelques éléments qui clarifient notre lecture du présent focalisé sur la Palestine. C’est la première fois que le nom Yahya apparait dans l’histoire des nominations. C’est la première fois qu’un verbe « il vivra » est utilisé pour désigner un nom ou un prénom. La nomination devient Signe car le signe a pour vocation d’annoncer un autre signe ou un sens plus subtile et plus important que ce qu’il représente en sonorité ou en image mentale : l’annonce du Messie le fils de Marie, le Verbe d’Allah.

Ces signes et ce récit sont évoqués symboliquement par ce qui se passe actuellement dans le monde arabe : jamais le retour du Messie n’est ressenti aussi proche que maintenant, jamais la lutte entre le Messie fils de Marie et le faux Messie le Dajjal n’est ressentie voire souhaitée devant tant d’injustice, de mensonge, de confusion. Jamais la résistance palestinienne n’a porté autant de vitalité, de potentiel de vie, d’annonce comme ces dernières années. Si nous nous confinons à la seule analyse géo politique nous devenons pessimistes et cyniques. Le Coran est le printemps de notre vie, la guérison de notre esprit, la miséricorde pour notre fragilité, la perspective de l’avenir qui nous est promis lorsque tous les chemins semblent mener à des impasses.

La clé n’est pas dans la démonstration festive ni dans la diversion ni dans l’espoir ou le désespoir que peuvent amener les Frères Musulmans ou d’autres idéologies. La solution est le retour à l’Islam  c’est-à-dire se remettre en totale confiance au Décret d’Allah et attendre de Lui la victoire et l’issue heureuse.  

La clé est la  fidélité aux principes :

{Exaltez Dieu à l’aube et au soir}  Mariam 11

La clé n’est pas dans le pragmatisme et l’attente messianique d’une solution qui viendrait des Frères Musulmans, de l’Egypte, de Turquie ou du Qatar.  Le Hold-up n’est pas une clé c’est un détournement,  une effraction !

La clé est dans la sourate Mariam qui vient compléter l’énoncé qui  annonce la vie, l’immortalité, la remise totale en Allah :

{O Yahia, prends le Livre avec force} Mariam 12

 O Allah notre Dieu et le Dieu de tous les Univers quelle est la signification de cette force ? Elle est dans le Livre d’Allah qui dicte la manière de se comporter face aux agresseurs. Il ne peut y avoir triomphe pour les gens bruyants et dissipés ou arrogants ou calculateurs. La force au sens coranique demande l’engagement total du croyant et l’éthique du Coran que Zacharie a incarné :

{Il a appelé son Dieu en L’invoquant intimement}

Elle dénote l’intimité du cœur qui vit dans la proximité de Dieu, le recueillement de l’être qui s’adresse humblement au Maitre Souverain, le mutisme devant  l’indicible audible par la seule oreille qui a compris le sens de la Grandeur de Dieu et de son Omnipotence, le comportement secret et furtif de l’indigent qui mendie sa subsistance, son devenir auprès du Riche, le  Donateur et le Propriétaire exclusif. S’il y a du bruit c’est que le cœur est absent,  l’esprit est détourné ou les sens perturbés par les apparences trompeuses.

Yahia –  le verbe « vivre » qui témoigne d’Allah le Vivant et qui annonce le Messie que les Juifs,  l’Empire et l’idolâtrie ne peuvent tuer ou crucifier – est l’incarnation de cette force tranquille qui donne victoire au faible et au vieux Zacharie et perpétue son sang, sa foi et les nobles traditions de la famille de Prophètes (saws) :

{Et Nous lui avons octroyé la maitrise de soi alors qu’il n’était encore qu’un enfant, ainsi qu’une tendresse et une épuration par effet de Notre grâce. Il était pieux, affectueusement dévoué envers ses père et mère, et il n’était point un oppresseur rebelle.} Mariam 12 à 14

 La clé pour la Palestine n’est pas dans le positionnement idéologique ou partisan des uns et des autres, mais dans l’affirmation des constantes. Le réalisme consiste à donner de la faisabilité, de la viabilité, de la cohérence, de l’efficacité à ces constantes. Aux constantes traditionnelles qui sont la fin de l’occupation et le retour des réfugiés il y a une nouvelle constante qui vient s’imprimer dans la conscience et le sol : l’unité peuple résistance armée, l’unité de la résistance palestinienne comme facteur décisif dans l’axe de la résistance contre l’Empire et le sionisme.

Ni Zacharie, ni Yahia, ni Marie, ni le Messie fils de Marie n’ont fait des concessions sur les principes ou n’ont été partisan d’une faction ou d’un groupe combien nombreux ils étaient dans la société juive à cette époque. La société juive était partagée entre les hellénisants, les instrumentalisant la religion à des fins mondaines….

Le Coran a montré la rupture qui doit s’opérer :

{Elle (Marie) dit : « Moi, j’ai recours au Miséricordeur contre toi, si tu es pieux ».} Mariam 18

{Il dit : « Je suis le serviteur d’Allah, Il m’A Donné le Livre, et Il m’A Fait Prophète, et Il m’a rendu  béni où que je sois, et Il m’a ordonné la prière et la Zakàt tant que je serai vivant, et d’être affectueusement dévoué envers ma mère. Il ne m’a  point rendu  un oppresseur malheureux. Que  la paix soit avec moi : le jour où je suis né, le jour où je mourrai et le Jour où je serai ressuscité vivant. » Tel est Jésus fils de Marie. Parole de Vérité sur laquelle ils divergent.} Mariam 30 à 34

 De fil en aiguille ces énoncés se sont imposés à moi non comme des ornements décoratifs comme le feraient des citations, mais comme des repères religieux et historiques montrant que le conflit dans lequel nous sommes une partie prenante dépasse la géographie et le temps du présent. Il est enraciné dans la conscience humaine, dans la conscience musulmane, dans la confrontation entre le mensonge et la vérité. La question palestinienne, indépendamment des calculs politiciens des uns et des craintes légitimes des autres, est préservée  par sa présence dans l’intérieur de toute existence passée, présente et à venir.

Si nous ne doutons pas de la vérité et de l’efficacité de ces énoncés coraniques ainsi que de leur portée sur ce qui se passe et va se passer en Palestine, nous ne pouvons aussi douter que dans le camp palestinien il y a des réalistes fidèles aux principes qui ne se laisseront pas bercer par autre chose que la réponse à la force ne peut être que la force comme dans le camp sioniste il y une constance intrinsèquement lié à la nature de l’Etat sioniste : l’arrogance, l’agression et l’impunité qui vont pousser à une autre agression.

La question reste posée pour les Palestiniens, les Egyptiens et le reste du monde : comment reconstituer les stocks d’armes et de munitions pour la prochaine confrontation et comment aider les Palestiniens à ne pas subir les pressions politiques et économiques qui leur feront concéder des concessions inacceptables eu égard à leurs sacrifices.

Cette fois-ci nous attendons de voir une nouvelle génération de missiles sol air qui brise la suprématie aérienne de l’armée sioniste.

 

 

 

 

 

Malek Bennabi et les Frères Musulmans

Titre originale « L’étude des Frères Musulmans par Malek Bennabi » par Youssef Girard paru le 19 mai 2010 sur ISM Palestine

http://www.ism-france.org/analyses/L-etude-des-Freres-Musulmans-par-Malek-Bennabi-article-13833

Les Frères Musulmans : un espoir…

Après la guerre 1939-1945, Malek Bennabi qui fut l’un des premiers intellectuels algériens à étudier les Frères Musulmans, publia ses premières analyses sur ce mouvement dans Le Jeune Musulman, organe francophone de l’association des Ouléma, et dans La République Algérienne, journal de l’Union Démocratique pour le Manifeste Algérien (UDMA) de Ferhat Abbas. Ces articles étaient issus de Vocation de l’Islam qui parut en septembre 1954 aux éditions du Seuil, mais que Bennabi avait rédigé en 1950. Ayant dû attendre quatre ans avant de pouvoir publier son ouvrage, l’intellectuel algérien qui craignait de ne pas pouvoir le rendre public, choisit d’en publier certaines parties sous forme d’articles dans la presse algérienne.

Dans ses mémoires, Malek Bennabi attribue une partie de ses démêlés avec les autorités coloniales françaises à ses articles dans lesquels il faisait connaître le nom d’Hassan al-Banna au peuple algérien colonisé. Alors qu’il se lança dans un projet de fuir l’Algérie pour échapper à l’administration coloniale en mai 1951, Bennabi décrivait le problème qu’il pensait être pour les autorités françaises : « l’homme qui s’était toujours tenu en marge de la mascarade électorale, qui ridiculisait dans ses écrits le « patriotisme » indigène [5] et la « civilisation » chrétienne, qui vulgarisait des noms dangereux, comme celui de Hassan al-Banna, qui humiliait la « supériorité » du « spécialiste des questions musulmanes », qui indiquait dans un chapitre de « Vocation de l’Islam » les « Voies nouvelles », que doit suivre la génération nouvelle, et qui n’avait pas voulu faire de l’anti-communisme malgré tous les « prétextes » [6] les « communistes » eux-mêmes lui fournissaient, cet homme-là, il fallait coûte que coûte en venir à bout par tous les moyens puisque l’argent, les honneurs, la situation n’ont pas de prise sur lui » [7]. La pression que l’administration coloniale faisait peser sur lui, était, selon Bennabi, directement liée à l’intérêt qu’il portait à Hassan al-Banna et aux Frères Musulmans.

Toutefois, cet intérêt pour al-Banna et les Frères Musulmans s’inscrivait dans une perspective propre à Malek Bennabi qu’il s’efforçait de développer dans son action et dans ses écrits : son refus de la « politique politicienne », la « boutilique », et la compromission avec les autorités coloniales. Ce refus de la « boulitique » qui fut l’une des constantes de la pensée et de l’action de Bennabi, détermina largement le regard que l’intellectuel algérien portait sur l’association des Frères Musulmans.

Dans Vocation de l’Islam, l’intellectuel algérien analysa la dynamique impulsée par les Frères Musulmans en Egypte et dans le reste du Machreq bien qu’il reconnaissait manquer de renseignements sur l’action et les idées de l’association fondée par Hassan al-Banna [8]. Insistant particulièrement sur la « fraternité islamique » comprise dans le nom de l’association qui ne devait pas être une simple idée mais un acte concret, Malek Bennabi écrivait : « le mouvement le plus récent qui affirme la nouvelle tendance est incontestablement celui des « Frères Musulmans » en Egypte, qui compte aussi de nombreux adeptes en Syrie. Nous ne possédons malheureusement pas assez de documents sur ce mouvement, dont la caractéristique essentielle est l’acte de fraternisation qu’implique son titre même. La première communauté islamique ne s’était pas fondée sur un simple sentiment, mais sur un acte fondamental de « fraternisation » entre les Ançars et les Muhadjirins. C’est aujourd’hui le même pacte qui unit les « frères musulmans » modernes, dans une sorte de communauté d’idées et de biens. Le chef du mouvement, Haçan El-Banna, n’est ni un philosophe, ni un théologien : il s’est contenté de revivre un Islam dégagé de tous ses revêtements historiques. Sa doctrine n’est rien d’autre que le Coran lui-même, mais un Coran en prise avec la vie » [9].

Mettant en avant l’idée d’une foi qui ne serait pas enfermée dans la sphère des idées ou d’une spiritualité désincarnée mais qui aurait un impact direct sur son environnement social, l’intellectuel algérien poursuivait son analyse de l’action d’Hassan al-Banna : « Avec le mouvement des « frères musulmans », c’est d’abord la valeur coranique elle-même qui se renouvelle, qui devient essentiellement une valeur active, un moyen technique de transformer l’homme. Des lettrés de culture islamique qui ont eu l’occasion d’approcher Haçan El-Banna lui reconnaissent unanimement un pouvoir singulier : par son intermédiaire, le verset coranique devient un impératif vivant qui dicte à l’individu un comportement nouveau et l’entraîne irrésistiblement à l’action. La notion coranique agit comme si elle s’était soudain renouvelée sur les lèvres du chef des « Frères Musulmans » » [10].

Cette analyse, amenait Malek Bennabi à comparer les « islahistes classiques » à l’action des Frères Musulmans. Pour lui, la différence était essentiellement dans la concrétisation pratique des idées portées jusqu’alors au niveau théorique par le mouvement de renouveau islamique : « d’un côté, par exemple, la « solidarité islamique » est fondée sur la notion de fraternité, qui n’est qu’un sentiment, tandis qu’elle devient, chez Haçan El-Banna, la « fraternisation » – acte fondamental par lequel on se fait « Frère Musulman ». Cet acte si simple est en réalité une transformation de l’homme, qui passe du stade post-almohadien au stade de la renaissance, comme il passait jadis par le même acte de la société djahilienne à la communauté islamique. Pour opérer cette transformation de l’individu, le chef des « Frères Musulmans » n’utilise que le verset coranique, mais il l’utilise dans les conditions psychologiques mêmes où l’utilisaient jadis le prophète et ses compagnons. Tout le « mystère » est là : se servir du verset comme d’une notion révélée et non comme d’une notion écrite. […]

Ce n’est pas le Dieu théologal et rationnel qu’il manifeste, mais le Dieu agissant, immanent, celui dont les premiers musulmans sentaient physiquement la présence et le souffle à Bedr et à Honain. La vérité coranique se vérifie ici directement par son effet direct sur la conscience, par son travail sur les hommes et sur les choses. La « notion » plus ou moins abstraite fait place à une « valeur » concrète, actualisée, – synthèse active de la pensée et de l’action, lesquelles se fondent réciproquement dans l’évolution d’une société qui pense son action et agit sa pensée. L’enseignement d’Haçan El-Banna est une expérience personnelle qui ne s’inspire pas d’un document, la lettre du Coran, mais puise à la source même de sa révélation » [11].

Pour Malek Bennabi, malgré le manque de renseignements qu’il possédait sur eux, les Frères Musulmans faisaient partie, de par leur action visant à redonner une efficacité sociale à la foi musulmane, des « Voies nouvelles » dont il avait cherché à tracer quelques grandes lignes dans Vocation de l’Islam. Cependant, la révolution du 23 juillet 1952 menée par les Officiers Libres, et les oppositions politiques qu’elle entraîna en Egypte, devaient remettre en question le regard élogieux que Malek Bennabi portait sur les Frères Musulmans.

… finalement déçu

Favorable à la révolution du 23 juillet, Malek Bennabi fit état, dans ses documents privés, d’une certaine incompréhension quant aux oppositions existants entre les Frères Musulmans et les Officiers Libres. N’ayant pas encore trouvé de clé pouvant les expliquer, Bennabi restait dubitatif face à ces oppositions qu’il ne comprenait pas. Dans ses carnets, une note datée du 15 janvier 1954 expliquait : « j’apprends que le gouvernement égyptien avait dissous la veille l’Association des « Frères Musulmans ». La presse occidentale annonce la chose comme un simple fait divers… Quant à moi, j’en suis atterré tant la chose me paraissait impensable. Je comprends parfaitement que Farouk ait fait assassiner Hassan al-Banna. Je comprends parfaitement que le Shah de Perse ait limogé Mossadegh. C’est dans l’ordre des choses que la pourriture réagisse contre tout ce qui tend à la propreté. Mais quand c’est un honnête homme qui lutte contre un honnête homme, je comprends moins. Or, c’est le cas aujourd’hui de Néguib et de Houdeïbi » [12].

Malek Bennabi voyait derrière cette dissolution la pression que les puissances occidentales faisaient peser sur le monde arabo-musulman. Dans une note du 2 février 1954, il écrivait : « Il y a trois ou quatre jours, la presse annonçait qu’un mouvement de sédition avait pris au Djebel Druz contre le gouvernement de Chichakly. Cette nouvelle, et celle de la dissolution des « Frères Musulmans » il y a une dizaine de jours, prouvent que les Etats arabes les mieux organisés, les plus « forts », subissent en ce moment une forte pression de la part des Occidentaux qui veulent apparemment décapiter les grands mouvements démocratiques musulmans comme ils l’ont fait en Iran en renversant Mossadegh. Et cette politique semble coïncider avec le souci de faire reconnaître l’Etat d’Israël par les pays arabes » [13].

Quelques mois plus tard, Malek Bennabi se rendit au Caire. Arrivé en Egypte à la fin du mois de juin 1954, il assista en juillet au défilé militaire célébrant le deuxième anniversaire de la Révolution égyptienne. A cette occasion, il rencontra le Général Mohammed Néguib et Gamal Abdel-Nasser. Après cette escale au Caire, Bennabi se rendit à la Mecque où, pour la première fois, il effectua son pèlerinage. Cette prise de contact directe avec le Machreq, et plus particulièrement son séjour en Egypte, lui permit de se faire une idée plus précise des oppositions politiques à l’œuvre dans la vallée du Nil. Cela l’amena à remettre en cause une partie des idées qu’il avait développées par le passé.

Malgré la présentation élogieuse qu’il en faisait dans ses écrits datant de 1950, dès 1954, Malek Bennabi prenait ses distances avec les Frères Musulmans. Dans une note de bas de page ajoutée au texte original de Vocation de l’Islam, il écrivait : « les diverses considérations qu’on vient de lire demeurent valables quant à l’expérience personnelle du fondateur Haçan El-Banna. Néanmoins, à la suite d’un tout récent voyage en Orient, l’auteur se croit tenu de modifier son jugement sur le mouvement lui-même, qui semble – sous la direction de ses nouveaux leaders – être devenu plutôt un instrument politique, dépouillé du caractère civilisateur qu’on aurait voulu tout d’abord voir en lui. Dans cette nouvelle phase, le mouvement paraît même n’utiliser la religion que pour parvenir à des fins pratiques immédiates » [14].

En 1956, Malek Bennabi précisa ses critiques vis-à-vis des Frères Musulmans dans L’Afro-asiatisme – ouvrage voulant donner une structuration théorique au congrès de Bandung et qui fut publié au Caire par le gouvernement égyptien. Dans cet ouvrage, Bennabi critiquait le fait que le monde musulman se détourne « des problèmes organiques et des problèmes d’orientations » fondamentaux pour se consacrer à des questions de stratégies politiques immédiates qui ne sont que des symptômes des problèmes fondamentaux. Selon lui, cette fixation sur ces questions de politique immédiates était « une méthode de freinage » utilisée par les puissances impérialistes visant à « créer l’abcès de fixation pour stopper » [15] l’évolution du monde musulman dans la résolution de ses problèmes spécifiques. Le sionisme était, pour Bennabi, un de ces points de fixation créés par l’Occident impérialiste.

Aux yeux de Malek Bennabi, la révolution égyptienne avait réussi à sortir de cette logique dans laquelle l’Occident impérialiste voulait enfermer le monde musulman. « Sur le plan « national », écrivait-il, la révolution égyptienne a marqué un pas décisif dans l’évolution du monde musulman. […] l’évènement a une signification capitale par rapport aux problèmes organiques de la société musulmane où la priorité revient désormais au « devoir » sur le « droit ». C’est une révolution politique, sans doute mais aussi et surtout psychologique qui bouleverse les mœurs de la vie publique » [16]. De même, il saluait la volonté de Gamal Abdel-Nasser de traduire ses idées dans « une forme doctrinale systématique » dans son ouvrage intitulé Philosophie de la révolution, ce qui était « une première tentative, dans le monde musulman moderne », pour un chef d’Etat[17].

En revanche, selon Malek Bennabi, les Frères Musulmans n’avaient pas réussi à sortir de « l’abcès de fixation » créé par l’Occident impérialiste ce qui les empêchait de poser les « problèmes organiques » et les « problèmes d’orientation » du monde musulman pris entre la « colonisabilité » et le colonialisme. Critiquant ce manque d’autonomie vis-à-vis de questions qui lui semblaient être imposées de l’extérieur, Bennabi y voyait un symptôme de la situation dans laquelle était placé le monde musulman : « Mais la conscience musulmane ne semble pas avoir tout à fait secoué sa torpeur et son envoûtement s’il faut en juger par le Congrès des Frères Musulmans qui s’est tenu, il y a 17 mois à la Mecque, exclusivement consacré à la question de la Palestine, comme problème essentiel du monde musulman » [18].

Les critiques de Malek Bennabi à l’égard des Frères Musulmans ne portaient pas uniquement sur des questions d’orientations générales ou de positionnements politiques. Dans L’Afro-asiatisme, Bennabi fit des critiques d’ordre méthodologie sur la manière d’aborder les questions théoriques. L’intellectuel algérien critiquait la posture qu’il nommait « apologétique », dont l’un des plus illustres représentants était, selon lui, Sayyed Qotb [19], théoricien important des Frères Musulmans.

Le problème de la posture apologétique et la controverse avec Sayyed Qotb

Dans L’Afro-asiatisme, Malek Bennabi fit une critique sans concession des inhibitions qui s’emparaient de l’intellectuel musulman lorsqu’il abordait les aspects négatifs de la vie des peuples musulmans. Se sentant acculé par la domination occidentale, l’intellectuel musulman, selon Bennabi, par une sorte de réaction mécanique se plaçait dans une posture apologétique, magnifiant la société musulmane, ce qui l’empêchait de poser les problèmes structurels auxquels sa société était confrontée. Pour Bennabi, il était nécessaire de distinguer le spirituel du social afin de « parler de ces insuffisances sans l’épouvantable « trac » qui s’empare du musulman dès qu’il veut aborder les problèmes du monde musulman sous leur aspect pathologique… Souvent sa raison succombe à ce trac et il se trouve emporté par l’élan apologétique loin de ces problèmes et de leur contenu réel. Il se croit obligé – partageant en cela le défaut de tous les croyants de toutes les confessions – d’idéaliser ce contenu, de l’embellir par des données subjectives, de composer en somme dans son esprit un portrait flatteur de sa religion, comme si l’Islam avait besoin qu’on lui fit une « beauté », comme si les laideurs humaines pouvaient ternir son visage, et rendre nécessaire un maquillage. Dans son essence psychologique, la tendance apologétique, trahit une lâcheté de la foi » [20].

Analysant cette posture apologétique, Bennabi ajoutait : « d’une manière générale c’est le symptôme de la maladie d’un milieu qui n’a plus le moyen et le souci de surmonter ses faiblesses, un milieu où les forces de mouvement et de progrès se sont effondrées. L’apologie c’est la substitution de l’ersatz verbal au fait tangible, la substitution d’une réalité subjective à la réalité objective de ce milieu : c’est la tentative de justification de l’effondrement de ses forces morales et sociales. Et cette justification qui s’opère de deux manières – soit par substitution du subjectif à l’objectif soit par substitution d’un passé prestigieux à un présent déshérité – rend impossible une thérapeutique sociale » [21].

Evoquant ce problème qu’entraînait la posture apologétique incapable de poser les problèmes réels de la société musulmane, sans cité nommément Sayyed Qotb, Malek Bennabi critiquait directement le théoricien des Frères Musulmans : « ce cas est particulièrement préjudiciable quand il s’agit du spécialiste de ces questions dont l’œuvre peut avoir une influence sur l’orientation de son époque. Un de ces penseurs avait voulu tracer le plan d’un travail, dont il avait sans doute à juste raison choisi pour titre : « vers une société musulmane civilisée ». Mais réflexion faite, l’homme rectifia son titre et l’écrivait : « vers une société musulmane ». Dans ce cas, on voit que la liaison intervient sous forme d’inhibition intellectuelle imposant la rectification en question. Je ne crois pas que l’éminent penseur se soit rendu compte que le mot retranché de son titre a précisément dénaturé le problème dans son esprit, l’escamotant ou l’assoupissant en quelque sorte dans sa conscience. L’opération qui se passe sur le plan psychologique a pour conséquence sur le plan intellectuel de tronquer en effet le problème initial de son élément essentiel : la recherche des conditions d’une civilisation » [22].

S’attachant à comprendre cette problématique sous un angle civilisationnel, ce qui est l’une des spécificités de la pensée de Bennabi, l’intellectuel algérien ajoutait : « en voulant croire et nous faire croire qu’une société musulmane est, par définition, « civilisée », l’homme éminent a éludé le problème crucial, du monde musulman. Nous le voyons entraîné malgré lui par un état affectif à une attitude apologétique stérile » [23]. Cette posture, dont Sayyed Qotb n’était qu’un des plus illustres représentants aux yeux de Bennabi, empêchait, selon l’auteur de L’Afro-asiatisme, les intellectuelles musulmans de poser les problèmes fondamentaux qui étaient avant tout internes aux sociétés musulmanes. La posture apologétique devenait une sorte de voile mystifiant et inhibant l’empêchant de voire le problème fondamental pour ces sociétés qui était, selon Bennabi, celui de la civilisation.

Contre la posture apologétique, Malek Bennabi mettait en avant la nécessité de porter un regard « objectif », ou critique, comme moyen salutaire pour trouver des réponses aux problèmes que traversaient les sociétés musulmanes : « Pourtant combien il eût mieux servi l’intérêt supérieur du monde musulman s’il avait adopté une attitude objective jusqu’au bout en considérant qu’il y a « une société musulmane » mais qu’elle se trouve dans un état de « précivilisation », qu’il convient, en conséquence, de poser le problème de sa « civilisation » » [24].

La posture des deux auteurs était résolument différente voire même opposée. Sayyed Qotb répondit aux critiques de Malek Bennabi dans Jalons sur la route de l’islam. Le théoricien des Frères Musulmans considérait que : 1) la « société musulmane » était un idéal à atteindre et non un fait existant car les sociétés du monde musulman n’étaient pas véritablement « musulmanes » car non entièrement régies selon les règles de l’islam ; 2) que la « société musulmane » régit pas les règles de l’islam, telle que la pensait et souhaitait Qotb, était la seule société civilisée car elle reposait sur des fondements divins contrairement aux « sociétés idolâtres » qui reposaient sur des législations humaines. Pour Sayyed Qotb, la position de Malek Bennabi marquait une certaine forme d’aliénation par rapport à des idées étrangères à l’islam qui étaient dominantes [25].

Les deux hommes se plaçaient dans deux perspectives divergentes qui rendaient leur dialogue pratiquement impossible. Sayyed Qotb se situait dans une perspective théologico-politique où il voulait faire prévaloir le concept de « souveraineté exclusive de Dieu », hakimiyya lillah, alors que Malek Bennabi réfléchissait en sociologue aux problèmes de la société musulmane.

Même s’il ne partageait pas les idées de Sayyed Qotb et qu’il ne s’inscrivait pas dans la même démarche intellectuelle, Bennabi gardait un profond respect pour l’intégrité intellectuelle d’un homme défendant ses idées malgré la répression qui s’abattait sur lui. Nonobstant le débat qui les avait opposés, dans ses carnets, Malek Bennabi rendit hommage à Qotb après sa pendaison le 29 août 1966. Dans une note datée du 10 septembre 1966, évoquant l’exécution de Sayyed Qotb et prévoyant que la violence allait se retourner contre ceux qui l’avaient initié, Bennabi écrivait : « cette belle figure du mouvement des « Frères Musulmans » n’est plus. Les bourreaux qui l’ont exécuté ne se doutent pas qu’ils ont libéré ainsi le souffle qui deviendra bientôt une tempête au-dessus de leur tête : la tempête qui les emportera ». Quelques jours plus tard, le 18 septembre, rendant hommage à Sayyed Qotb, Malek Bennabi ajoutait : « dans le monde musulman, les intellectuels fuient la responsabilité. C’est ce qui souligne davantage l’héroïsme de Sayyed Qotb qui ne baisse pas pavillon devant la tempête et préfère mourir en martyr plutôt qu’en traître » [26].

Malgré cet hommage rendu à l’intégrité intellectuelle d’un homme qui refusait de renoncer à ses idées, Malek Bennabi continua d’insister sur les différences méthodologiques existant entre Sayyed Qotb et lui. Rapportant une discussion faisant suite à une conférence organisée par l’« Union des Etudiants Musulmans d’Allemagne » qui se déroula à Francfort, le 27 décembre 1967, Malek Bennabi affirmait n’avoir pas répondu à une proposition d’« unifier le mouvement islamique sur la base des écrits de Sayyed Qotb, Mawdudi [27] » et de lui-même. L’intellectuel algérien notait dans ses carnets : « l’idée parait logique mais je crois qu’elle peut engendrer plus de confusion que d’unité » [28].

Malek Bennabi ne partageait pas les idées de Sayyed Qotb et d’Abu al’Ala al-Mawdudi qui qualifiait les sociétés du monde musulman contemporain de « jahilite », en référence à la société antéislamique de la péninsule arabique qualifiée dans la tradition musulmane d’époque de la jahiliyya (ignorance), car elles ne répondaient pas au critère de « souveraineté exclusive de Dieu » qu’ils avaient forgé. L’intellectuel algérien se situait dans une perspective sociologique et non dans celle d’une élaboration d’une théologie politique comme l’étaient Qotb et al-Mawdudi. Refusant que ses idées soient synthétisées avec celles d’auteurs dont il ne partageait pas les idées, Bennabi finit par exposer publiquement les critiques qu’il voulait formuler contre eux. En 1971, selon Sadek Sellam, Malek Bennabi publia une lettre, dans « le bimestriel de l’AEIF, Le Musulman », dénonçant « l’intégrisme » qui « amenait les deux frères Syed et Mohammed Qotb à « excommunier de la communauté », au nom d’une interprétation erronée de la Djahilia (état d’ignorance des Arabes avant l’islam) appliquée à l’islam contemporain » [29].

Les critiques formulées par Bennabi contre l’utilisation de l’islam comme instrument politique par les Frères Musulmans dans Vocation de l’Islam, celles d’ordre méthodologique contre la posture « apologétique » de Sayyed Qotb, eurent des répercussions directes sur les relations existant entre l’intellectuel algérien et l’association fondée par Hassan al-Banna.

Une critique sans concession

Les Frères Musulmans menèrent une campagne pour faire barrage aux idées de Malek Bennabi à qui ils reprochaient, entre autre, ses relations avec le gouvernement égyptien. Le fait que le gouvernement égyptien ait fait publier L’Afro-asiatisme au moment où il réprimait les Frères Musulmans ou qu’un Officier Libre comme Kamal-Eddin Hussein, qui avait commenté pendant plusieurs semaines l’œuvre de l’intellectuel algérien à la radio égyptienne au début de l’année 1961, se réclame des idées de Bennabi, ne faisait qu’accentuer l’antagonisme existant entre l’auteur de Vocation de l’Islam et l’association fondée par Hassan al-Banna.

Mais cette campagne menée par les Frères Musulmans, amena Bennabi à pousser plus loin sa critique et à voire dans une telle entreprise la main malfaisante de l’impérialisme états-unien. Il est vrai que leurs affrontements avec Gamal Abdel-Nasser, leur hostilité au nationalisme arabe et leur anti-communisme poussèrent les Frères Musulmans à s’allier durablement avec les régimes arabes conservateurs, l’Arabie Saoudite notamment, et avec les Etats-Unis [30]. Radicalement opposé à ce type d’alliances, Bennabi faisait une critique sans concession des Frères Musulmans qu’il percevait comme l’un des rouages d’un système impérialiste visant à dominer le monde musulman. Dans une note datée du 1er septembre 1969, Malek Bennabi écrivait : « la campagne bat son plein en Allemagne occidentale dans le milieu étudiant musulman contre mes idées. Visiblement, tout l’appareil « Frère Musulman » est devenu un puissant levier entre les mains de la CIA et du sionisme dans le domaine de la lutte idéologique… » [31].

Si la campagne menée en Allemagne attira l’attention de l’intellectuel algérien, l’opposition des Frères Musulmans à la diffusion des idées de Malek Bennabi ne se cantonnait pas au pays de Goethe mais avait un caractère international. Cette opposition eut des répercussions en France. Selon Sedek Sellam, après une rencontre entre Malek Bennabi et Bichr Djabiri, cadre d’origine syrienne de l’Association des Etudiants Islamiques en France, en juillet 1970, « l’AEIF manifesta dès lors son intérêt pour les écrits de ce dernier, ce qui montre qu’elle n’était pas sensible aux mises en garde des idéologues des Frères Musulmans qui reprochaient durement à Bennabi sa fréquentation des islamo-nassériens, comme le cheikh Baqouri et Kameleddine Husséin » [32]. Toutefois, l’influence des Frères Musulmans se fit sentir plus nettement quelques années plus tard. Alors que l’AEIF avait pour ambition initiale de rééditer Vocation de l’Islam, en 1974, elle fit finalement rééditer Le phénomène coranique. D’après Sadek Sellam, cet ouvrage fut « préféré pour son apologétique du Coran à Vocation, dont les critiques du verbalisme, du littéralisme, et du pharisaïsme des courants de l’islam contemporain indisposaient tous ceux qui refusaient les remises en cause et concevaient la lecture du Coran comme une évasion permettant d’« oublier » les crises du monde musulman » [33].

Face à la campagne menée contre ses idées par les Frères Musulmans, et en raison des positions qu’ils avaient prises, Malek Bennabi exposa publiquement ses critiques dans la préface qu’il rédigea à la faveur de la réédition de Vocation de l’islam. Dans cette préface, datée de 1970, Malek Bennabi émettait un jugement extrêmement critique à l’égard des Frères Musulmans bien qu’il gardait une opinion favorable d’Hassan al-Banna. Il critiquait l’évolution des Frères Musulmans qui avaient sombrés, selon lui, dans la politique politicienne, la « boulitique », ce qui avait créé un clivage « irrémédiable » au sein de l’organisation entre une base, dévouée à un idéal, et une direction, compromise dans des alliances injustifiables.

Dans sa préface, Malek Bennabi écrivait : « parmi les mouvements qui tentèrent, au cours des dernières décennies de remonter la pente fatale, le plus conséquent fut incontestablement celui de Hassan el-Banna, s’il avait su doctrinalement empêcher ses successeurs d’un enlisement « boulitique ». Aujourd’hui c’est chose faite. Et le résultat apparaît sous forme de clivage social et moral au sein du mouvement. Il y a d’une part une masse porteuse de toutes ses promesses originelles, prête à tous les sacrifices pour réaliser son idéal, et une intelligentsia compradore entretenue dans les somptueux palaces des capitales cosmopolites pour servir d’instrument de viol des consciences, comme en ces sortes de mondanités où l’on parle d’Islam et de « Révolution » sur les bords du Lac Léman [34] » [35].

Analysant l’opposition interne à l’association des Frères Musulmans, Malek Bennabi condamnait les deux tendances émergentes qui, à ses yeux, ne pouvaient que finir par trahir les idéaux qu’ils proclamaient pour se « vautrer » dans la « collaboration » : « aujourd’hui, aux deux bouts de cette décomposition de « l’élite », une aile « progressiste » couvre d’injures l’aile des « conservateurs », et ceux-ci répondent par l’anathème. Et comme, tout excès épuise la conscience, il est clair que tous ces courants risquent un jour ou l’autre d’être captés dans les canaux qui conduisent aux turbines du trotskisme et aux moulins de l’impérialisme » [36].

Cette critique sans concession du « dernier » Bennabi était celle d’un homme qui écrivait depuis plus de vingt ans sur le mouvement de renouveau islamique en général et sur les Frères Musulmans en particulier ; un homme qui avait côtoyé et débattu tant avec les Frères qu’avec leurs opposants. Si la critique de Malek Bennabi était sans concession, elle doit être remise dans le cadre de l’expérience personnelle d’un penseur à l’exigence souvent implacable.

Pluralisme et sens critique

Le regard critique que portait Malek Bennabi sur les Frères Musulmans, est une illustration des débats et des oppositions existants au sein du mouvement de renouveau islamique contemporain qui est loin d’être un bloc monolithique. Mettre en avant ces débats, ces divergences et ces oppositions, participe de la réfutation d’une vision « unitariste » de ce mouvement de renouveau. Cette vision est le résultat d’une convergence « improbable » entre d’un côté certains acteurs musulmans qui cherchent à faire taire les divergences et qui tendent à refuser le débat interne à l’Islam au nom de la nécessaire unité de la communauté musulmane et de l’autre certains annalistes occidentaux qui présentent le mouvement de renouveau islamique comme un bloc monolithique sens comprendre les courants qui le parcourent avec leurs débats et leurs divergences. La pluralité du mouvement de renouveau islamique est une réalité pouvant fournir bien des sources de réflexion.

Au sein du mouvement de renouveau islamique, malgré l’opposition de Malek Bennabi à opérer une synthèse entre sa pensée et celle de Sayyed Qotb et d’Abu al-‘Ala al-Mawdudi, nombre d’intellectuels et de mouvements ont puisé dans les écrits de ces différents auteurs pour construire leur réflexion [37]. Ces dernières années, certains acteurs des Frères Musulmans ou certaines organisations qui leurs sont rattachées, se sont mêmes réclamés de l’intellectuel algérien nonobstant les critiques qu’il avait formulé contre leur mouvement. Toutefois, dans un pays comme l’Algérie l’opposition entre « bennabistes » et Frères Musulmans, au sens organique du terme, reste souvent assez forte bien qu’elle soit aussi déterminée par des prises de positions postérieures à la mort de l’auteur de Vocation de l’Islam.

Enfin, Malek Bennabi n’a pas analysé les Frères Musulmans en tant que chercheur spécialisé dans l’étude de cette organisation, mais comme un intellectuel musulman réfléchissant sur la société musulmane et sur le monde dans lequel il vivait. Il se voulait lui-même un « témoin du siècle » au sens le plus fort et le plus profond que ce terme peut recouvrir dans l’univers musulman [38]. Les analyses de Bennabi sur les Frères Musulmans doivent donc être replacées dans les analyses globales que proposait l’intellectuel algérien. De fait, Malek Bennabi n’a pas étudié en détail la structure de l’organisation, son évolution historique, les différents courants qui la composaient – nonobstant les remarques allant dans ce sens dans la préface à la réédition de Vocation de l’Islam -, les déclinaisons nationales de l’association correspondant à des contextes spécifiques (en Syrie [39], en Jordanie par exemple) ou la base sociale sur laquelle elle s’appuyait [40]. Ces analyses peuvent permettre d’approfondir le regard critique proposé par Bennabi tout en ouvrant d’autres pistes d’analyse.

Youssef Girard

Notes de lecture :

[1] Carré Olivier et Seurat Michel, Les Frères Musulmans (1928-1982), L’Harmattan, Paris, 2001, page 21

[2] L’analyse de cet attentat est encore sujette à discussion et à controverse quant à l’effectivité réelle ou supposée de l’implication des Frères Musulmans et à son utilisation par Gamal Abdel-Nasser pour justifier la dissolution puis la répression contre l’association.

[3] Sur l’histoire des Frères Musulmans, cf. Carré Olivier et Seurat Michel, Les Frères Musulmans (1928-1982), op. cit. – Pour une vision « interne » à l’univers des Frères Musulmans Cf. Ramadan Tariq, Aux sources du renouveau musulman, D’al-Afghani à Hassan al-Banna, un siècle de réformisme islamique, Bayard Editions, Paris, 1998

[4] Abdel-Malek Anouar, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, Ed. du Seuil, Paris, 1965, page 196

[5] Par cette formule il ne condamne pas le nationalisme des peuples colonisés puisque lui-même se déclare « nationaliste » dans ses mémoires : « c’était un sentiment nouveau, le sentiment qui n’allait plus me quitter toute ma vie et qui servira d’aiguillon dans mon existence. J’étais nationaliste… ». Cf. Bennabi Malek, Mémoires d’un témoin du siècle, Ed. Samar, Alger, 2006, page 75.

[6] Bennabi fait allusion aux attaques de la presse liée au PCA, le quotidien Alger Républicain et l’hebdomadaire Liberté, contre sa personne au moment de la parution de son ouvrage Les conditions de la renaissance paru aux éditions En-Nahdha en 1949. Liberté avait ajouté en manchette de l’article consacré à l’ouvrage de Bennabi, « Un livre qui plaira à Naegelen » en référence au gouverneur général en poste à Alger.

[7] Bennabi Malek, Mémoires d’un témoin du siècle, op. cit., page 295

[8] Dans un article Malek Bennabi écrivait : « Je ne connais pas la biographie du fondateur des « Frères Musulmans » […]. Je n’ai lu aucun écrit de Hassan El Banna qui n’a peut-être jamais écrit ». in. « A la veille d’une civilisation humaine ? (2) », La République Algérienne, n° 263, 13 avril 1951, in. Bennabi Malek, Mondialisme, Dar el hadhara, Alger, 2004, page 57

[9] Bennabi Malek, Vocation de l’Islam, Ed. du Seuil, Paris, 1954, pages 140-141

[10] Ibid., page 142

[11] Ibid., pages 142-143

[12] Bennabi Malek, Mémoires d’un témoin du siècle, op. cit., page 312 – Bennabi parle d’Hassan al-Houdaybi qui succéda à Hassan al-Banna à la tête de l’association des Frères Musulmans après l’assassinat de ce dernier le 12 février 1949.

[13] Ibid., page 315

[14] Bennabi Malek, Vocation de l’Islam, op. cit., page 144.

[15] Bennabi Malek, L’Afro-asiatisme, SEC, Alger, 1992, page 84

[16] Ibid., page 83

[17] Ibid., page 187

[18] Ibid., page 84 – Cette affirmation de Malek Bennabi, si elle peut être recevable sur le plan théorique (la question des priorités qui devraient être déterminées en fonction de ses problématiques internes déterminées de manière autonome et non imposées de l’extérieur), nous semble devoir être relativisée sur le plan de l’histoire du mouvement des Frères Musulmans. Selon Walid Charara et Frédéric Dumont, « le conflit avec Israël, enjeu central de ces deux peuples [palestinien et libanais], ne figurait pas parmi les priorités de la Confrérie qui privilégiait l’action sociale, culturelle et éducative pour islamiser la société ». Après une participation active à la guerre de 1948, la Confrérie, au début des années cinquante, a révisé ses priorités ce qui incita des hommes comme Yasser Arafat ou Khalil al-Wazir (Abou Jihad) à quitter ses rangs et à fonder le Fatah. De fait, au moment où écrivait Malek Bennabi, loin de se concentrer sur « l’abcès de fixation » que pouvait être la question palestinienne, les Frères Musulmans étaient en train de s’en désengager et d’en faire une question d’ordre secondaire. Cf. Charara Walird, Dumont Frédéric, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste, Ed. Fayard, 2004, Paris, pages 102-104

[19] Sayyed Qotb (1906-1966) fut l’un des principaux théoriciens des Frères Musulmans. Proche du cercle d’écrivains nationalistes du Wafd, il commença sa carrière comme critique littéraire. Après un séjour pour des raisons professionnelles aux Etats-Unis, il se rapprocha des Frères Musulmans qu’il finit par intégrer en 1953. Après l’attentat d’Alexandrie du 26 octobre 1954, Sayyed Qotb est condamné à 15 ans d’emprisonnement. Il est libéré en mai 1964. Le 30 août 1965, Gamal Abdel-Nasser dénonça un complot fomenté par les Frères Musulmans. A à la suite de cela, Sayyed Qotb est arrêté et condamné à mort. Le 29 août 1966, Sayyed Qotb est pendu. Durant les années de prison, il rédige un commentaire du Coran, Fi Zilal al-Qoran (Sous l’ombre du Coran), et son livre le plus célèbre, qui est encore l’objet de nombreuses polémiques, Ma’alim fi at-Tarîq (Jalons sur la route). Sur Sayyed Qotb Cf. Carré Olivier, Mystique et politique. Le Coran des islamistes Lecture du Coran par Sayyid Qutb, Frère musulman radical (1906-1966), Éditions du Cerf, Paris, 2004.

[20] Bennabi Malek, L’Afro-asiatisme, op. cit., page 177

[21] Ibid., page 178

[22] Bennabi Malek, L’Afro-asiatisme, op. cit., pages 194-195

[23] Ibid., page 195

[24] Ibid.

[25] Critiquant Bennabi, sans le citer nommément, Sayyed Qotb écrivait : « cette modification [le changement de titre de son ouvrage] a attiré l’attention d’un écrivain algérien (il écrit en français) qui prétendit que les mobiles de cette modification proviennent d’une réaction auto-défense de l’Islam. Il regrette que cette réaction – inconsciente – m’empêche d’affronter le problème sous sa forme exacte ! Je ne fais pas de reproches à cet écrivain. Auparavant j’étais comme lui. Je pensais de la même façon qu’il pense aujourd’hui lorsque pour la première fois j’ai eu l’idée d’écrire à ce sujet… Le problème de la qualification de la civilisation. Je ne me suis pas libéré alors de la pression des séquelles culturelles qui étreignaient mon esprit et mon âme. C’étaient des séquelles provenant de sources étrangères qui n’ont aucun lien avec mon tempérament islamique. Et malgré ma tendance islamique bien claire à cette époque, ces séquelles brouillaient ma conception de la civilisation –comme celle de l’esprit européen – brouillait ma propre conception et m’empêchait de voir claire. Ensuite la situation s’est éclaircie et j’ai pu distinguer que la société musulmane est la vraie société civilisée ; alors le mot civilisé s’avéra nul et ne peut rien ajouter de neuf ». Cf. Kotb Said, Jalons sur la route de l’islam, Ed. Ar-Rissala, Bruxelles, pages 160-161

[26] Bennabi Malek, Mémoires d’un témoin du siècle, op. cit., page 442

[27] Abu al’Ala al-Mawdudi (1903-1979) fondateur et théoricien du mouvement islamique indo-pakistanais Jamaat-e Islami. Avant Sayyed Qotb, al-Mawdudi a théorisé le concept de « souveraineté exclusive de Dieu », hakimiyya lillah, et a qualifié la « jahilite » – par référence à la société arabe antéislamique nommée période de la jahiliyya – les sociétés du monde musulman contemporain. Abu al’Ala al-Mawdudi a écrit de nombreux ouvrages dont un commentaire du Coran en ourdou intitulé Tafhim ul-Quran.

[28] Bennabi Malek, Mémoires d’un témoin du siècle, op. cit., page 456

[29] Sellam Sadek, La France et ses musulmans, Un siècle de politique musulmane 1895-2005, Casbah Editions, Alger, 2007, page 119

[30] Walid Charara et Frédéric Dumont notent que cette alliance n’était pas sans lien avec l’interprétation théologique de l’ordre international faite par les Frères Musulmans. Cette interprétation ne reposant pas sur l’analyse des rapports de force et de dominations économiques politiques et militaires, reposait essentiellement sur la volonté de lutter contre « l’athéisme communiste » qui servait de justification à une alliance avec les « gens du Livre » c’est-à-dire les puissances capitalistes occidentales. Cf. Charara Walird, Dumont Frédéric, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste, op. cit., page 104

[31] Bennabi Malek, Mémoires d’un témoin du siècle, op. cit., page 481

[32] Sellam Sadek, La France et ses musulmans, Un siècle de politique musulmane 1895-2005, op. cit., page 119

[33] Ibid., pages 119-120

[34] Par cette formule elliptique, Malek Bennabi vise Saïd Ramadan, cadre égyptien des Frères Musulmans réfugié en Suisse depuis 1958. Saïd Ramadan avait créé et dirigeait le Centre Islamique de Genève. Saïd Ramadan est l’auteur notamment de La shrari’a, Le droit islamique son envergure et équité, Ed. Al Qalam, Paris, 1997.

[35] Bennabi Malek, Vocation de l’Islam, Ed. Al-Bouraq, Beyrouth, 2006, pages 58-59

[36] Ibid., page 59

[37] Par exemple, l’interview d’Anouar Abu Taha, cadre du Mouvement du Jihad Islamique en Palestine, qui affirme que son organisation se réclame, entre autre, de Malek Bennabi, d’Hassan al-Banna et de Sayyed Qotb. Cf. « Palestine: le Jihad Islamique, entre islamisme et nationalisme – Entretien avec Anouar Abu Taha ».

[38] Le Coran affirme : « Nous avons fait de vous communauté du « juste milieu » pour que vous soyez témoins contre les hommes » (2 : 143). Dans cette perceptive de témoigner, Malek Bennabi intitula son autobiographie Mémoires d’un témoin du siècle.

[39] Sur l’histoire des Frères Musulmans en Syrie Cf. Carré Olivier et Seurat Michel, Les Frères Musulmans (1928-1982), op. cit., pages 125-203

(40) L’Egyptien Hussam Tamam a porté une attention particulière à cette base sociale mobilisée pour expliquer le positionnement politique et social des Frères Musulmans. Cf. Tamam Hussam, « Les Frères Musulmans et la lutte des classes en Egypte », – Tamam Hussam, Heanni Patrick, « Etude: les Frères musulmans égyptiens face à la question sociale », Institut Religioscope. Pour analyse de l’histoire de l’organisation Frères Musulmans en Egypte Cf. Carré Olivier et Seurat Michel, Les Frères Musulmans (1928-1982), op. cit., pages 11-122.

La Syrie et la rhétorique fallacieuse des imposteurs

On rapporte que Farouk Tayfour, vice-président du CNS et responsable de la confrérie des Frères Musulmans, a sommé, à partir de la Turquie où il réside, les brigades internationales « révolutionnaires » de frapper les quartiers habités par les minorités syriennes « nassirites (Nossayriyine – Alawiyines) ». On lui attribue ces propos en ce moment où la violence en Syrie semble ne plus connaitre de fin ni de limites faisant fi de toutes les analyses et de toute rationalité :

« Les jours et les semaines suivants connaitront de bains de sang sans précédent, via des voitures piégées en gros, et des attaques aux obus contre les quartiers résidentiels et les liquidations ».

Je ne connais pas le Ghayb d’Allah, mais je peux me permettre quelques remarques sur l’avenir :

La première : le pari impossible d’éradiquer une minorité même au prix de massacres et de génocides. Les Ottomans ont tenté de mater,  d’éradiquer,  de convertir au sunnisme cette faction musulmane « égarée » ou « innovatrice », mais ils ne sont pas parvenus à leurs fins. Nous avons l’expérience actuelle des Bosniaques musulmans que les Européens auraient aimé ne pas voir en Europe. Ils sont toujours là aussi dynamiques. Comme tous les rescapés des massacres en Afrique et ailleurs ils semblent donner raison à cette sentence de Ali Ibn Abi Taleb (ra) : « Les rescapés des massacres deviennent plus nombreux et plus prospères »

La seconde : depuis quand l’Islam et les Musulmans, au nom d’Allah et de l’Islam, pratiquent-ils le massacre systématique ? De telles déclarations et de telles pratiques non seulement sont contraires à l’Islam, mais elles sont désavouées par le(s) Prophète(s) (saws). N’est-ce pas que les soldats, les policiers et les fonctionnaires de l’État syrien sont des musulmans ou des chrétiens citoyens syriens. N’est-ce pas que le Kofr al Bawàh est tellement évident qu’il ne demande pas d’être explicité. La population syrienne, les forces armées et la communauté de savant ne sont pas d’avis unanime  qu’il y ait une mécréance flagrante de leurs dirigeants. Si tel est le cas allons-nous considérer toute la population, tous les fonctionnaires et tout les religieux de Syrie comme des mécréants sur qui il faut imposer par la force un État islamique ? Quel serait la viabilité et la faisabilité d’un État islamique fondé sur la terreur?  Si les gouvernants et les fonctionnaires syriens sont apostats ou renégats il faudrait alors déclarer la guerre à toute la planète y compris au milliard et demi de musulmans ! Il faut déclarer la guerre aux Frères Musulmans en Algérie qui ont collaboré avec le régime impie et déclarer la guerre à leurs occurences en Egyptye et en Tunisie qui n’appliquent toujours pas la Charia et ne parviennent pas à gouverner d’une manière sensée ni a mettre en application la justice sociale de l’Islam.  Commanderont-nous aux autre la bonne foi sans nous l’imposer à nous mêmes. Un peu de sérieux et de cohérence !

La troisième : Si nous tolérons le massacre des Nassirites syriens au nom du sunnisme nous devons nous préparer à un avenir sanguinaire et diabolique, car nous allons permettre l’assassinat et l’éradication de toute différence confessionnelle et doctrinaire. Qui va empêcher les assoiffés de sang, de pouvoir,  et de purification d’introduire dans l’Islam la pratique médiévale de l’inquisition et, en son nom, « persécuter » les Chiites, les Ismaélites, les Soufies, les Ibadites… Cette logique macabre et insensée ne va-t-elle pas donner des idées plus morbide et plus absurdes dans les têtes d’abrutis que le monde musulman produit par sa misère morale et intellectuelle et qui vont au nom des hanbalites ou des chaffites déclarer les malékites hérétiques et désacraliser leur sang et leur bien. Toute dérive qui commence faisant croire à l’individu qu’il est la vérité absolue et que tous les autres ont tort le conduit à mettre l’existence des autres en péril.

La quatrième : si nous tolérons que les Nassirites syriens soient exposés à la vindicte des groupes terroristes au nom de l’Islam il faudrait que nous acceptions que l’instinct de survie et la solidarité des minorités se mettent de concert pour opposer une résistance non seulement farouche, mais sanguinaire. Le sang appelle le sang et les ruines appellent les ruines. La question n’est pas de mourir, mais pourquoi et pour qui mourir ou donner la mort ? Pour l’indépendance, la liberté, l’Islam, la dignité ? Jamais au grand jamais ces notions ne deviendront une réalité dans une société ou dans un territoire où le sang a coulé et où la haine et l’esprit de vengeance sont devenus culture nationale.

La cinquième : Si la divergence doctrinale et confessionnelle dans l’Islam est une innovation hérétique qui peut trouver explication dans l’histoire houleuse et confuse à un moment historique alors l’effusion de sang du musulman en dehors de ce que Allah a permis, car relevant de la Justice est un blasphème, un sacrilège, une malédiction. La question doit être posée à l’orthodoxie sunnite qui semble ne pas voir ses propres contradictions : combien de Firqa et de sectes le sunnisme comporte-t-il ? Allez-vous faire le jeu de Brezinski et de Bernard Levy en occupant les Musulmans à s’entretuer au profit du sionisme et de l’Empire ? Allez-vous éliminer tout ce que votre cerveau malade et votre religion corrompue  ce qui n’est pas « Frère Musulman » ?

La sixième : l’esprit maraboutique qui pratique le Chirk par le culte de la personnalité rend les Frères musulmans otages du chef sans possibilités d’analyse. L’esprit maraboutique même s’il se réclame de la modernité, de la démocratie et de la science, en réalité est un esprit fossile. Nous avons vu comment un vieux sénile est en train de conduire le monde musulman vers l’implosion et vers l’émergence d’un Vatican musulman sans que personne n’ose lui dire : ça suffit !

La septième : Si nous devons poser la question de la légitimité religieuse et politique des Frères Musulmans et de ceux qui se réclament du Sunnisme et qui aggravent les disparités entre Musulmans au lieu d’unifier et de serrer les rangs dans ces moments difficiles : apportez votre preuve si vous êtes dans le vrai, est-ce que l’Islam demande ou est-ce qu’il tolère les comportements et les idéologies partisanes, sectaires et tout ce qui provoque à terme la fragmentation de la communauté et mène à la haine et à l’effusion de sang.

La huitième : L’esprit partisan et sectaire vous a autorisé, contre le bon sens et la vision stratégique, confisquer des « révolutions ». L’état des lieux aurait dû vous montrer les difficultés qui vous attendent en matière de gouvernance dans un monde où vous n’avez aucun levier entre les mains. La priorité n’est ni la Libye ni la Syrie et en soutenant ou en réalisant la Fitna dans ces pays vous avez déjà perdu toute crédibilité et toute prise sur l’avenir qui vous annonce sa désapprobation et l’impasse dans laquelle vous vous êtes enfermés par votre aveuglement et votre ignorance que l’éloquence de vos discours n’a pas pu cacher. Comme un vernis, vous êtes transparents et craquelés de partout.

La neuvième : comme les neuf plaies d’Égypte, la dernière est mortelle. Qaradhawi et les Frères Musulmans ont donné à l’Empire et au sionisme ce qu’ils n’avaient jamais espéré voir :

–      Les Musulmans s’entretuent évacuant de leur champ de préoccupation la question palestinienne et l’occupation étrangère des pays musulmans.

–      S’inscrire comme facteur de déstabilisation pour justifier l’intervention étrangère qui n’attend que l’appel au secours des Chrétiens d’Orient pour récupérer l’Église d’Orient dans l’Église d’Occident et continuer à dépecer le monde musulman l’empêchant de construire son unité politique, économique, culturelle et géographique hors de l’emprise de l’Empire et du sionisme.

–      Manipuler l’élite musulmane. L’association des vieux séniles irresponsables et les Frères partisans de la Fitna sont inscrits dans la liste du terrorisme international. Les États-Unis et Israël ne manqueront jamais, au moment où l’exigent leurs intérêts stratégiques, de faire de ces « illuminés » ce qu’ils ont fait à Ben Laden et à El Qaeda : déclaration de guerre après les avoir instrumentalisés.

Je ne reviens pas sur la question de l’argumentation religieuse cautionnant l’effusion de sang. Nous sommes nombreux et de plus en plus nombreux à exiger que ceux qui parlent au nom de l’Islam et en notre nom de Musulmans qu’ils apportent leurs références religieuses : Coran et Sunna sur la licitée de l’effusion de sang. Nous avons montré dans d’autres articles le sacrilège de porter atteinte à la vie humaine. La religion, la politique, le bon sens, la géopolitique se conjuguent pour discréditer la pensée et les actes des Frères musulmans qui se sont avérés les véritables imposteurs de l’Islam.

Je me suis toujours posé la question :  pourquoi Malek Bennabi n’avait aucune sympathie pour les Frères Musulmans à l’exception de Hassan al Banna qu’il voyait comme un homme d’exception. L’expérience avec Nasser, l’expérience en Algérie avant et après le processus électoral, et leurs comportements insensés et dangereux sur la scène internationale, ces derniers mois, confirment la clairvoyance de Malek Bennabi et répondent à toutes mes interrogations.

Les salafistes infantiles et monarchistes ont été le leurre pour masquer l’avancée sournoise des dirigeants des Frères Musulmans qui ont exploité l’engagement et les souffrances de leurs militants qui ont confiance en eux. Ils viennent réclamer, aujourd’hui, au nom de leur exil et de leur séjour en prison, que nous leur accordions crédit et confiance aveugle comme si l’exil, la prison, la torture et la mort n’ont pas touché d’autres personnes croyant eux aussi avec conviction en leur cause et se dévouant jusqu’à la mort pour elle.

L’islamophobie est justement cette compétence à créer de la diversion et de la méfiance\défiance  pour engager une action militaire ou une action subversive. Elle est parvenue à discréditer, pour longtemps, les islamistes, en gandoura ou en costume cravate, car si leur rhétorique est plaisante ils restent sur le plan religieux, mental et politique  des  usurpateurs, des imposteurs qui répondent parfaitement à l’image donnée par le Prophète sur ces  » religieux » qui font plus de dégâts dans leur communauté que ne le ferait des loups affamés dans une bergerie.

Pragmatisme des Frères musulmans et du HAMAS

Sobhane Allah comme le monde est devenu petit et le temps raccourci. J’avais dans une de mes analyses sur les « révolutions arabes » vu le danger des prises de position partisane sur la résistance palestinienne et sur l’association des savants musulmans dans leur devenir et leur orientation idéologique.  J’avais montré la carte perdante que les Frères musulmans et le HAMAS allaient jouer au sommet d’Istanbul où il a été question d’envisager plus de pragmatisme politique compris comme rapprochement du Chaytan al Akbar comme l’avais désigné Cheikh Bachir al Ibrahimi. La Turquie, Qaradhawi et les Frères sont le cheval de Troie qui va bouffer ce qui reste de nationaliste dans les pays musulmans et les pousser à l’alignement consumériste et affairiste.

Je ne connais pas et je n’ai pas à connaitre les intentions ni les visées du cœur des acteurs politiques. Il m’intéresse de suivre un processus dans la durée et de marquer les jalons qui permettent de voir la tendance. Pour le HAMAS à qui j’ai consacré un livre   » Gaza : la bataille du Forqane » et ensuite j’ai suivi la suite. Voici quelques  balises de lecture :

  • Refus d’Oslo, mais implication du HAMAS dans le processus « démocratique ». Il forme un gouvernement sous occupation (?) avec, tenez-vous bien, 24 ministres dont un charé du tourisme (?)
  • Arafat en voie de liquidation, mais le HAMAS ne se propose pas de lui apporter un soutien.
  • HAMAS liquide FATAH par le recours aux armes et le chasse  de Gaza…
  • Qaradhawi ne prend pas des positions « wassatiya », mais se montre partisan penchant d’une manière trop flagrante envers le HAMAS, alors que l’intelligence est de ne pas tomber dans les jeux de la discorde et de la scission entre le FATAH et le HAMAS.
  • L’opération plomb durci a liquidé les deux cadres intransigeants sur la résistance armée : le stratège Said Seyam et le prédicateur Nizar Rayan
  • Istanbul 2010 : Mohammed Nezzal se fait apostropher par le Stratège Kowétien Nafissi sur l’insignifiance de la lutte armée
  • Les allées et venues des délégations du HAMAS au Qatar
  • Le congrès du HAMAS met hors du bureau politique Mohammed Nezzal
  • Lors du soulèvement des Thouars en Libye et en Syrie le HAMAS a manifesté son appui aux « révolutionnaires » niant l’aide officielle libyenne et syrienne
  • Le HAMAS annonce une trêve unilatérale avec l’entité sioniste
  • Mahmoud al-Zahar est reçu à Téhéran alors que les cadres du HAMAS sont en Turquie
  • Le front démocratique de Jibril et le Jihad islamique annoncent leur alignement à la Syrie officielle et la mise à sa disposition de leurs moyens militaires.
  • Le guide iranien Khamenei reçoit le Djihad islamique sans la présence du HAMAS
  • Le ministre des affaires étrangères du HAMAS, Mahmoud al-Zahar semble largué dans un processus qui lui échappe et où il ne semble pas jouer un rôle décisif
  • La direction du HAMAS est favorable à ce que la direction du HAMAS revienne à un membre de l’intérieur (intérieur de quoi?)
  • Les Arabes réitèrent la proposition de Mahmoud Abbas de la proclamation d’un état palestinien (sans territoire, sans souveraineté) reconnu par l’ONU lui faisant perdre son statut de mouvement de libération nationale
  • Les fuites du journal londonien « el arab » sur l’installation de Mechaal au qatar pour remplacer Youssef Qaradhawi qui prendrait sa retraite. La bataille se joue entre Ghénouchi le tunisien et al ‘Aouda qui ne sont pas reconnus comme savant par la communauté de savant qui ne fait pas partie de l’Association des Savants Musulmans
  • – Le Hamas ne rouspète pas sur les tunnels détruits par l’armée égyptienne ni sur la fermeture du poste fronytalier de Rafah (?)
  •  Clinton met dehors le maréchal Tantaoui et ses adjoints pour faire de l’Egypte une seconde Turquie
  •  Morsi honore la mémoire de Sadate (?) comme si c’était la priorité des égyptiens (!)

La Palestine est à la fois le point de chute des contradictions ou des cristallisations du monde arabe et l’incubateur qui fait bouger le monde arabe. Tout indique un processus de normalisation qui se prépare avec l’abandon des revendications territoriales, du retour des réfugiés et de la souveraineté palestinienne. Il faut espérer que l’axe de résistance tienne bon et longtemps.

Voici ce que dit la télévision syrienne d’un homme que la Syrie a hébergé et choyé et qui finalement se montre ingrat.  comme étant un changement de stratégie et non un retournement opportuniste et partisan.  Les sionistes ont encore de bons jours à vivre dominants sur nos terres : la maladie est en nous. Les sionistes sont le châtiment qu’Allah nous a envoyé  :

 

Damas a attaqué le chef du bureau politique du mouvement Hamas Khaled Mechaal, le qualifiant de traitre et d’ingrat, et d’avoir « vendu » la résistance pour arriver au pouvoir.

Dans son bulletin du soir, la télévision officielle syrienne a dit : « Mechaal a renoncé à la résistance pour le compte d’Israël et des Etats-Unis. Toutefois, la Syrie ne regrette pas de l’avoir aidé, parce qu’elle ne s’est jamais attendue à des faveurs en échange de ses obligations nationales et patriotiques envers un combattant vagabond auquel elle a fourni tout le soutien pour poursuivre sa lutte ».
« La Syrie est heureuse de voir partir celui qui a échangé la résistance en contrepartie du pouvoir. C’est votre choix de résistance qui vous a donné ce statut chez le peuple palestinien, non pas votre appartenance aux Frères musulmans », a poursuivi la télévision syrienne, condamnant ses propos tenus aux côtés du Premier ministre turc Recep Tayib Erdogan.

Et d’ajouter à l’adresse du chef du bureau politique du Hamas : « Rappelle-toi de ton vagabondage dans le monde avant que Damas ne t’assurât sa protection ».

Lors du congrès annuel du Parti de justice et développement turc, Mechaal a salué la révolution du peuple syrien, en quête de la liberté et de la dignité, considérant que la liberté, la démocratie et les réformes ne s’opposent pas à la résistance contre l’occupation.

« Comment acceptes-tu la poursuite du blocus sur Gaza du côté égyptien alors que tes frères ont accédé au pouvoir ? Comment participes-tu à la destruction des tunnels de la liberté et de la vie comme tu les appelais ?, s’est interrogée la TV syrienne, demandant si les promesses américaines de le nommer président alternatif au pouvoir sont derrière ce changement de position.