Manifeste judéophile et islamophobe ou pure diversion ?

Le caractère manifestement islamophobe et judéophile des termes, des intentions et des figures des personnalités politico-médiatiques dénonçant «une épuration ethnique à bas bruit» pratiquée par les « islamistes radicaux » contre les bons citoyens juifs soulèvent quelques questions.

Les questions que nous soulevons ne cachent pas le caractère odieux de l’assassinat ou de la torture de onze juifs français par quelques musulmans français ou résidents en France. Elles ne se dressent pas contre la liberté, la légalité voire la légitimité de manifester ses opinions vraies ou fausses, de déclarer ses sentiments ou ses préjugés, d’afficher ses appartenances idéologiques ou religieuses. Les questions que nous soulevons manifestent notre liberté de pensée et notre devoir de clarification pour que ce qui ressemble à une vaste opération de communication ne soit pas vécue par la communauté la plus fragile de France comme une énième stigmatisation, une énième provocation, un énième amalgame, une sempiternelle diversion…

Les questions et les réponses à un problème factuel ou narratif ne doivent pas être prisonnier d’une imagination délirante et narcissique mise en scène et livrée à la consommation de masse pour fasciner, hypnotiser, leurrer, détourner, séduire, masquer.

Le problème, ses questions et ses réponses doivent répondre à :

  • La réalité (situation objective),
  • La vérité (se référer aux positions principielles les plus universelles ou aux affirmations catégoriques et explicites d’un texte sacré religieux ou profane fondateur d’une pensée ou d’une civilisation et non à des valeurs c’est-à-dire à des jugements, des interprétations et des opinions à portée limitée en termes de durée de temps, d’étendue d’espace)
  • Le contexte dans lequel se manifestent la réalité et la vérité pour s’imprimer dans la conscience humaine ou pour s’exprimer aux autres consciences.

Le contexte international :

L’échec en Syrie et la mise en évidence de plus en plus visible et de plus en plus crédible de l’implication occidentale dans la formation, le soutien et la manipulation des groupes terroristes nommés pour la « bonne cause » « islamistes » ou « djihadistes » impose de faire diversion.

L’impossibilité de cacher les manifestations des Palestiniens revendiquant toujours leur droit au retour avec détermination et conviction et la riposte sanglante et démesurée des forces d’occupation sioniste de la Palestine. A chaque agression sioniste et à chaque effort de résistance palestinienne le monde politico-médiatique vient apporter son soutien à l’entité sioniste et il n’échappe à personne la bataille qui veut confondre l’anti sionisme et le soutien à la résistance avec l’anti sémitisme. Le ridicule de qualifier un arabe d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient pourtant sémite que le juif d’Amérique, de France ou de Russie ne tue plus personne. Cette dérive « sémantique » porte préjudice aux Juifs eux-mêmes, mais eux aussi ils sont victimes des médias et du sionisme.

La réalité :

J’ai froid au dos et j’ai les limbes qui se transforment en morve lorsque je lis ce que les notables politico médiatiques français énoncent comme vérité sacrée :

«Les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans»,

«Dix pour cent des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République»,

«Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau.»

Le crime et le criminel comme objet de préoccupation intellectuelle n’est pas un fait nouveau, ce qui est nouveau et absurde c’est de l’imputer médiatiquement à une race, à une religion, à une communauté sans apporter de preuves scientifiques et de témoignages vérifiables et incontestables. Le crime et le criminel sont des choses graves et sérieuses, ils relèvent de la compétence des criminologistes, des juristes, des psychologues, des psychiatres. Dans le passé il y a eu des dérives racistes ou des incompétences intellectuelles pour imputer le crime à une race. Aujourd’hui la théorie dominante veut que le crime relève de déviance de la personnalité individuelle ou de troubles pathologiques que les conditions sociales, politiques, économiques et psychologiques aiguisent ou atténuent. On a montré également que l’ignorance des lois et l’irresponsabilité sociale favorisent la délinquance et le crime.

Il est du droit des personnalités ayant signé le manifeste d’exprimer leur peur ou de manifester leur sympathie pour les Juifs et leur antipathie pour les musulmans, mais il est de leur responsabilité morale et citoyenne de ne pas s’embarquer sur un terrain aussi complexe que la sociologie et la psychologie du crime. En France il y a un homme extrêmement compétent en matière de criminologie, en l’occurrence Alain Bauer, professeur de criminologie appliquée au Conservatoire national des arts et métiers, consultant national et international en sécurité, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages sur la criminalité et le terrorisme, descendant de parents juifs. Il serait intéressant, même s’il ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique, d’écouter son avis sur les assertions infondées et floues du dit manifeste. Il serait intéressant, même si certains lui reprochent sa « proximité avec l’extrême droite » ou  sa « haine des musulmans » de voir comment il explique les connexions du crime organisé et les solutions à apporter à la criminalité au lieu de juger et de punir des communautés sans argument scientifiques, sans volonté d’apaiser et de « civiliser ». Il pourrait nous expliquer pourquoi les « islamistes radicaux » ont droit d’expression sur l’Internet pourtant surveillée, pourquoi ils parviennent à passer à l’acte alors qu’ils sont fichés et surveillés et surtout pourquoi la majorité des ces « radicaux islamisés » proviennent de la délinquance ou du crime organisé ?

La réalité que les forces de l’ordre connaissent est bien celle du nombre d’arabes, d’africains et d’étrangers assassinés en France. Objectivement aller sur ce terrain et établir des ratios est dangereux, car la plupart des crimes et des agressions ne peuvent être attribués au racisme ou à l’islamophobie. Par ailleurs les ratios ne peuvent rien signifier lorsque l’on sait que les effectifs des communautés sont incomparables, les conditions sociales des communautés sont incomparables.

A titre d’illustration de la lutte idéologique et médiatique du manifeste et de ses affirmations fallacieuses comme celle-ci :  «Dix pour cent des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République». Tous les gens sensés des HLM, de la sociologie, de l’administration régionale et communale, de la démographie, de la géographie savent qu’il y a un processus d’infiltration et d’exfiltration communautaire dans les cités, les écoles, les lieux de travail par l’écrémage et la ségrégation du fait des conditions sociales, du communautarisme passif (celui mené par les politiques sociales et économiques en échec d’intégration et en confusion  sur le droit à la différence qui créé de la diversité et l’obligation d’indifférenciation qui multiplie les variétés dans les mêmes moules sociaux, politiques et médiatiques cultivant le même unanimisme et le même immobilisme). Il n’y a pas que les seuls Juifs qui ont déserté les « quartiers et les écoles de quartiers », mais tous les « européens » qui ont les moyens de partir et une minorité d’arabes et d’africains qui sont parvenus à une « intégration sociale » par le revenu.

L’autre réalité qui n’échappe à personne est le nombre de musulmans et d’arabes tués par le terrorisme « islamique ». Il ne s’agit pas de « onze » personnes, mais de millions de personnes en Irak, en Syrie, en Afghanistan depuis peu. Si nous devons comptabiliser les tués par la cupidité et la voracité des prédateurs occidentaux dans le monde il s’agit de centaines de millions. On s’interroge donc sur les mobiles des signataires du Manifeste contre l’antisémitisme lorsque l’un des signataires les plus influents et les plus prestigieux a mis à feu et à sang la Libye pour spolier ses richesses, punir les peuples qui résistent à l’ordre impérial et sioniste.

L’horreur de la réalité du Manifeste est exprimée par le journaliste Claude Askolovitch, qui dans les colonnes du site Slate, dit qu’il s’agit d’ «Une mise en accusation des musulmans de ce pays, réputés étrangers à une véritable identité française, sauf à renoncer à leur dignité». Il conteste la quintessence du message qui : «fait de la lutte pour les juifs une composante du combat identitaire français, et cette identité exclut.» Il en déduit que ce texte induit que «la défense du juif implique le refus de l’islam ».

Le politico-médiatique français n’a toujours pas compris que l’échec de l’esprit français en Algérie et son idéologie colonisatrice est dû principalement à sa stupide stratégie de monter le Juif contre le Musulman, le Berbère contre l’Arabe, l’assimilé contre l’indigène…

L’autre réalité est celle de la fiction d’un Islam français à opposer à l’Islam pour civiliser le monde. Les Américains veulent une OTAN arabe qui combat les arabes, les africains et les asiatiques pour le compte de l’empire au nom d’une certaine idée (fausse) de l’Islam. Ils fondent leur fiction sur la vassalité, la terreur ou la corruption des gouvernants arabes.  Les Français, forts de leur culture et de leur intelligence, veulent mieux faire : fabriquer un Islam français puis l’exporter comme on exporte une voiture ou des pommes de terre. Les uns et les autres se croient les dépositaires légaux de l’humanité et de l’universel.

«… que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par [le concile] Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime».

«Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie»

L’Islam au service des appétits impérialistes et de l’hégémonie culturelle de l’Occident athée et matérialiste nous l’avons vu en œuvre en terres d’Islam et nous avons vu ses bouffons en France. Il faut d’abord tenter de judaïser les Juifs et de christianiser les Chrétiens que vous connaissez mieux que les musulmans que vous voulez islamiser à la mode de Vatican II. Le manifeste pro sioniste et pro Netanyhou dans son contexte est dans sa réalité intrinsèque une référence à Vatican II pour une raison stratégique : la lutte idéologique.

Le Concile Vatican II (1962-1965) est une référence majeure sur le plan géopolitique : il déclare la guerre contre l’Islam jugé unique et solide rempart culturel, moral et spirituel à l’évangélisation de la planète. Pour s’attaquer à ce rempart Vatican II va réhabiliter les Juifs du meurtre de Jésus, ouvrir les passerelles vers l’Église orthodoxe d’Orient et de Russie, unifier les slaves contre l’union soviétique, considérer les musulmans comme sans Dieu, sans Livre et sans Prophète, considérer l’Islam comme une religion asiatique à l’image du bouddhisme, une spiritualité en retrait du monde… Contre la dialectique de l’existence qui refuse le monopole et le pouvoir unique Vatican II est en harmonie avec l’hégémonie impériale qui ne reconnait pas la diversité et la multipolarité. Le Vatican II est en harmonie avec le matérialisme impérialiste : l’Évangile, parole de Jésus d’inspiration divine est reconnu comme écriture humaine. Le Vatican II correspond à l’esprit de la post modernité : ni Dieu, ni centre, mais pouvoir temporel absolu et sans partage aux mains des communicants ( du nouvel ordre mondial). Le Vatican II est l’instrument de lutte idéologique le plus redoutable : il enlève à l’Islam son caractère divin et ferme la porte à un des messages les plus forts du Coran : les falsifications des écritures saintes et les crimes contre l’homme par les élites intellectuelles et politiques des Juifs et des Chrétiens qui instrumentalisaient la religion à des fins mondaines. Il évangélise les Chrétiens dans le sens où il les fait entrer massivement dans le giron de l’Église et enfin il leur demande de se désolidariser de la Palestine léguée aux Juifs qui ont le droit de la vider de ses occupants arabes et musulmans. Les Églises orthodoxes de Palestine, de Syrie, d’Irak et du Liban ont refusé cette reconnaissance. J’ai traduit et publié des textes sur l’arabité des chrétiens et leur attachement à la cause palestinienne. J’ai écrit sur le pape Benoit XVI, sur la visite d’Obama au Caire, sur les croisades : on trouve la même stratégie et la même communication : enlever aux indigènes leur droit à la patrie et former une élite musulmane médiocre et méprisable au service de l’envahisseur. La colonisation, l’évangélisation et l’Empire ne sont pas encore liquidés. Il y aura toujours des voix et des voies pour leur expression et leur désir de conquête et de vassalisation.

Le contexte national : La crise sociale, la crise civilisationnelle, la crise économique, les retombées de l’agression contre la Libye mettent à mal la cohésion politique et médiatique ainsi que sa crédibilité. La diversion et le spectacle sont des armes de manipulation de l’opinion et de désinformation.

Dans ce contexte international et national d’exaspération et de crise tout crime relevant du droit commun et inacceptable sur le plan de l’éthique et de la morale est instrumentalisé à des fins idéologiques et politico militaires. On confisque à la Justice, à la Police et à la conscience humaine leur devoir de questeur de vérité et de réalité. Lorsque le Manifeste dit «Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard, avant que la France ne soit plus la France» nous disons que ce n’est pas ainsi que l’idéal républicain et démocratique sera restauré ou promu. On ne peut ni promouvoir ni partager ce qui est confisqué ou pris en otage.

« Une civilisation démocratique ne pourra se sauver que si elle fait du langage de l’image un stimulant pour la réflexion critique, pas une invitation à l’hypnose ». Umberto Eco

J’ai largement abordé ce thème dans l’article : Je suis une image ( https://liberation-opprimes.net/je-suis-une-image/ ). Je suis heureux de constater que malgré la désinformation il y a toujours des honnêtes gens qui osent dire “ne parlez pas en notre nom” et ne travestissez pas la vérité. Voir l’article «Mise en accusation des musulmans» ? Des voix dénoncent la tribune contre le «nouvel antisémitisme» ( https://francais.rt.com/france/50093-voix-denoncent-tribune-contre-nouvel-antisemitisme )

La vérité : La négation de l’Islam et la stigmatisation des musulmans s’imaginent occulter la vérité en déclarant :

« que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques »

Il ne s’agit pas de vérité mais de syllogisme fallacieux :

1 – Sur un plan procédurier il n’appartient pas à l’accusé d’un délit ou d’un crime de défendre mon innocence, mais il appartient à ses accusateurs d’apporter leurs preuves et leurs arguments sur sa criminalité et les incitations aux crimes de sa religion, de son idéologie.

2 – Pour l’instant ils ne produisent qu’une doxa politico médiatique qui se veut casuistique docte. La casuistique se fonde sur le principe général pour juger du particulier alors qu’ici on émet une opinion infondée et ignare pour donner l’illusion de juger le principe général (le Coran) à partir du singulier (le musulman déviant et agressif). On ne peut raisonnablement imputer au Coran et aux musulmans qui peuplent la planète les malheurs qui s’abattent sur les Juifs et les Chrétiens et se taire sur les agissements d’une secte ou d’une monarchie incitant à la haine et au crime. Il est facile de se taire sur les agissements du corrupteur et de pourfendre le faible et le sans voix.

3 – Sur le plan logique, abstraction de la réalité et de la véracité, on ne peut demander à une autorité religieuse de frapper de caducité une partie ou l’ensemble de sa référence religieuse ou doctrinale à moins qu’elle ne soit déjà dans un processus de remise en cause de ses fondamentaux ou qu’elle ne soit dans une position de vassalisation telle que le reniement identitaire et religieux ne peut être évité. Les seules autorités religieuses qui sont capables de ce reniement sont celles de l’Arabie saoudite, car elles sont inféodées à la rente et au pouvoir du sultan. Les seules autorités religieuses qui sont capables de ce reniement sont celles sur qui pèsent l’accusation de terrorisme ou d’incitation au terrorisme et qui ont contribué à l’effort de guerre occidental contre la Libye et la Syrie par leurs moratoires criminels. Les renversements idéologiques et culturels en Arabie saoudite annoncent le néo wahhabisme ouvertement sionisant ou une guerre civile entre les libéraux et les archaïques.

4 – Les Occidentaux les plus éclairés et les plus honnêtes se laissent piéger par la doxa des savants et prédicateurs musulmans ou par celle des orientalistes. Les trois grands empires musulmans, les Omeyades, les Abbassides et les Ottomans ont légué aux musulmans et aux occidentaux une culture d’empire avec ses moratoires religieux pour justifier les colonisations ou pour contrer les envahisseurs étrangers dans une époque de confrontation politique et militaire. Le religieux a été instrumentalisé à des fins politiques et historiques. On peut leur trouver une justification ou une explication comme on peut les réfuter et les critiquer cela fait partie de la pensée humaine sur la politique, les relations internationales, l’histoire, l’économique, la géographie et la sociologie. L’immobilisme et la décadence musulmane ont érigé, à tort, le patrimoine historique et le fait coutumier d’une époque singulière ou d’une géographie  particulière en dogmes religieux inviolables. La conjugaison de la tyrannie politique dans le monde musulman, de sa paresse intellectuelle et du son mimétisme religieux des Juifs et des Chrétiens a gommé le sens coranique et son caractère universel. La colonisation a accentué ce gommage en aiguisant le refus du colonisateur non seulement en sa qualité idéologique et militaire mais en sa qualité humaine et dans ses valeurs morales et sociales.

Aussi les musulmans conscients et responsables doivent prendre leurs legs religieux avec esprit critique en puisant directement dans la source du Coran et dans le comportement du Prophète (saws) pour témoigner de la vérité et vivre dans leur réalité. Ils ne doivent pas continuer à vivre en marge du monde comme des reclus ou des bannis ou des accusés qui réagissent sans peser sur leur destin et celui des autres humains. Ils doivent mettre fin au mythe du musulman parfait car l’Islam est parfait qui les rend incapables de se prendre en charge dans un monde en mouvement et dont le mouvement est alimenté par la dialectique des crises. Pour ne plus être objet de manipulation nous devons agir comme acteur avec nos moyens et nos ressources pour nous libérer de l’oppression et de l’humiliation dans ce monde et dans l’autre.

Plusieurs voies s’offrent à nous, pour ma part j’en voie quatre  :

  1. Régler le sens de l’allégeance et de l’appartenance. Pour l’homme cultivé et intelligent, conscient et responsable de sa vie sur terre, les sphères, registres et niveaux d’allégeance et d’appartenance sont relatifs, non exclusifs. Nous pouvons les concevoir et les vivre sans contradiction, sans schizophrénie et sans anarchie si nous parvenons à les définir, à les délimiter et à les agencer dans des priorités. Sur ce terrain les Juifs ont réglé leurs problèmes. Athées ou croyants, communs ou élite, ils parviennent à vivre en harmonie et à faire front en bloc à l’adversité sans bruits et avec efficacité. Toutes les communautés humaines en minorité, par la loi de l’adaptation et du changement parviennent à trouver leurs marques et à vivre au sein des autres respectés et respectueux.
  2. Comprendre le rapport des forces. Nous vivons dans un pays où la charité répond à des impératifs politiques et idéologiques, mais où aussi le respect accordé et la voix permise sont fonction du poids électoral, social, politique, médiatique, culturel et économique. Pour des raisons historiques nous sommes absents sur ces terrains et nous ne pesons rien dans le rapport des forces. Le minimum requis, même si la démocratie est dévoyée par les médias, est de participer efficacement et massivement. Il ne s’agit pas d’un vote communautariste, mais d’un vote citoyen donc utile pour la vie sociale et économique du citoyen, utile pour les libertés fondamentales, utile pour la justice, utile pour la paix. Le Halal et le Haram ont été définis d’une manière explicite par le Coran, il serait vain d’en faire des masques pour cacher notre indigence et notre paresse. On peut décider de s’abstenir de voter par acte politique et c’est un choix respectable. Le faire par motif religieux est une ignorance de la religion et une inféodation à une secte ou une allégeance à un pays étranger.
  3. S’approprier le savoir et la connaissance. En qualité de musulman je me dois de connaitre un minimum du Coran pour vivre apaisé, libre et responsable. En qualité de citoyen ou de résident je me dois de connaitre un minimum de la culture, de la géographie et de l’histoire du peuple ou de la communauté avec qui je partage le temps et le lieu de vie.
  4. Réclamer pour nous et pour les autres la liberté et le droit à la différence. Il ne s’agit pas dans nos rapports avec les autres, musulmans ou non musulmans, de nous focaliser sur les questions d’exégèse ou de rite, mais de liberté, de responsabilité, de savoir, de dignité humaine. Nous ne pouvons inviter à la foi que par notre pratique quotidienne de la vertu. Nous devons penser, dire et agir en termes de liberté et de responsabilité. Tous les énoncés coraniques où il est question de châtiment divin ou de Jihad (lutte ou plus précisément effort sur soi) ont pour vocation la défense de la liberté et de l’expression plurielle. Seul Dieu est Un, Immuable, Absolu et Parfait avec pour corollaire tout ce qui n’est pas Dieu est divers et varié, changeant, relatif et imparfait. Nos réponses et nos positions en matière de liberté et de droit à la différence ne peuvent être tactiques, conjoncturelles ou superficielles : elles découlent du credo de notre foi monothéiste.
    Tous les Prophètes autorisés à prendre les armes et tous les châtiments venant du ciel répondent au seul impératif de défendre la liberté et de refuser le monopole y compris en matière de conscience et de pensée. L’ordre coranique de tuer les Juifs n’est pas un ordre arbitraire, inique et raciste que donnerait un tyran judéophobe contre tous les juifs pour leur race ou leur religion, mais la suite logique et historique qui a été réservée à une tribu juive qui a trahi le pacte de non-agression établi avec le Messager Mohamed (saws), qui a comploté avec les Arabes oppresseurs et qui a tué les émissaires de paix envoyé vers eux par le Prophète. Contre les traitres et les transgresseurs ce ne fut pas la loi coranique qui a été appliquée, mais la loi mosaïque dure et impitoyable. Le peuple de Sodome et Gomorrhe (peuple de Loth) n’a pas été exterminé, comme le disent la Bible et certains imitateurs musulmans pour ses méfaits moraux (homosexualité), mais pour son refus de la différence de Loth qui ne pratiquait pas l’homosexualité et qui risquait l’expulsion de la cité. Il en fut de même pour le peuple de Salah dont les élites ont confisqué les terres et l’eau pour le profit exclusif des nantis. Il en fut de même pour le peuple de Choaib dont le peuple a été exterminé pour le monopole du commerce et l’usage frauduleux des instruments de pesage et de mesure. David a combattu les envahisseurs tyranniques (jabbarines). Résister à un ordre inique et lutter pour sa liberté et celle des autres y compris pour la préservation de leurs lieux de culte et de leurs temples est un principe coranique universel que pratiquent tous les hommes épris de liberté et de justice. C’est ce que nous voyons en Palestine et ailleurs dans le monde. Le châtiment divin frappe aussi tous les hommes et tous les pouvoirs qui ont une dérive démiurge comme Pharaon.

Au lieu de verser dans des formulations infondées et tendancieuses, les signataires du Manifeste auraient trouvé plus d’écho et meilleur écoute s’il n’avait pas reproduit une fois de plus le monopole de la souffrance du peuple juif comme si les autres peuples n’ont pas de souffrance, comme si les Juifs de France ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes que les autres français. Le moment et les propos du manifeste du nouvel antisémitisme mettent l’accent sur les clivages et les haines et à ce titre ils ne servent ni les intérêts de la République ni ceux de la Démocratie ni ceux de la Liberté ni ceux de l’impartialité et de la neutralité de la Justice.

Les défenseurs laïcistes de la République et les pourfendeurs islamistes de la République tombent dans le même travers psittaciste qui consiste à répéter inlassablement, comme des perroquets savants, le même discours alors que la réalité, la vérité et le contexte les contredisent. Selon l’expression de Malek Benabi le côté pile et le côté face de la même fausse monnaie intellectuelle peuvent représenter deux figures différentes, mais représenter le même symbole de l’échange ou de l’accord. Ces termes de l’échange ou de l’accord nous les avons vu et nous les continuons de les voir dans les agissements des terroristes pseudo islamistes qui terrorisent les populations musulmanes, mais qui ne mènent aucune attaque verbale ou physique contre l’occupant sioniste. Les uns et les autres pratiquent l’art de la diversion dans leur propre camp et avec leurs propres rhétoriques. En France les élites musulmanes participent au même psittacisme : bavarder et se disputer des rentes de positions sociales ou intellectuelles alors qu’aucune action sérieuse de pédagogie ou d’édification civilisationnelle (fondations caritatives, institut de formation, magazine, édition …) n’a été entreprise.

Conclusion :

La loi coranique suprême stipule que

« Quiconque attente, sans droit, à la vie d’un homme c’est comme s’il avait attenté sur l’humanité entière« .

Cette loi est universelle. L’unique dérogation est le droit de défendre la vie ou la liberté lorsqu’elles sont menacées ou bafouées. Le seul droit est celui de la légitime défense, celui de la résistance contre n envahisseur, celui de la lutte contre un oppresseur usant de violence ou celui d’un acte de justice rendu par un tribunal légal et constitué qui accorde au justiciable toutes les garanties pour se défendre ou d’être défendu. En matière de justice, le Coran autorise la peine de mort comme hadd c’est à dire limite supérieure qu’il ne faut pas transgresser et il recommande le pardon et la remise de peine s’il y a repentir. Le fanatique qui tue au nom de Dieu ou de la religion est un criminel qui doit répondre de ses actes devant un tribunal et nul autre que lui ne doit porter le fardeau de son crime. Le fanatique qui impute à quelqu’un la responsabilité du crime commis par un autre est criminel lui aussi car son faux témoignage peut conduire au meurtre et à l’iniquité envers un homme ou une communauté d’hommes. Celui qui parvient à me prouver que le Coran dit le contraire je m’engage à échanger ma foi contre la sienne et à faire du sionisme l’amour de ma vie.

Gilbert Meynier : France Algérie: 1830 -1962

Introduction

L’histoire de l’Algérie de 1830 à 1962 est celle d’un conflit algéro-­français. La conquête du pays maghrébin fut sanglante. Elle ne se termina pas avec la reddition de l’émir et chef militaire Abd el-­Kader en 1847 ; pas davantage avec la soumission de la Kabylie dix ans plus tard. Périodiquement, ici, des révoltes, pouvant s’étendre en insurrections, là, l’insécurité endémique dans certaines régions, secouèrent la quiétude toujours aux aguets des conquérants. Tout cela traduisait le désespoir et la haine des bas-fonds ruraux, des paysans chassés de leur terre et matraqués. Le florilège des injures à l’égard du rûmi, du gawrî (le chrétien, l’infidèle), le rêve millénariste de la venue du mûl al-sa’a (le maître de l’heure), rejoignant l’espérance en un débarquement ottoman salvateur en 1914, tout indique une constante : la résistance à l’oppression vécue, l’espoir d’une émancipation.

La guerre d’Algérie n’a donc pas commencé en 1954. La pax gallica fut largement vécue comme une attente patiente de la libération : il y eut, dans l’Aurès (nord-est) insurgé en 1916, de jeunes maquisards pour se révolter en 1926, puis en 1945 et reprendre du service en 1954 la cinquantaine passée… Ceux qui assumèrent principalement la violence conquérante professionnelle impersonnelle furent naturellement les militaires français. Mais ce fut, aussi, le même milieu armé qui manifesta le plus de scrupules et de mauvaise conscience à l’égard des Algériens vaincus et dominés.

Les militaires ménagèrent, d’une main, à l’égard des vaincus un système de compensations exorcisant les agissements de son autre main. Le pouvoir guerrier paternaliste marqua de son empreinte toute une tradition polyvalente de l’administration des « indigènes », des Bureaux arabes aux Sections administratives spécialisées (des années 1950 (1). Curiosité et sympathie, étude de l’islam, apprentissage de l’arabe, connaissance approfondie du « terrain indigène », dévouement aux œuvres sociales, firent de bien des officiers les plus lucides des Français en Algérie. Le maréchal Thomas-Robert ­Bugeaud (1784-1849) lui-­même l’avait quittée en 1847 sur l’avertissement adressé aux colons qu’ils auraient un jour à payer leurs arrogances et leurs mépris. Napoléon III comprit cette situation et tenta d’y remédier par la politique du « royaume arabe » qu’il demanda aux militaires d’appliquer (2).

La victoire des républicains


Ce fut l’hostilité des civils « républicains » contre le « régime du sabre » impérial, répercutée à Paris, qui vint à bout de la tentative de « royaume arabe » conçu par l’empereur sur les conseils d’un apôtre de l’« indigénophilie », le journaliste ­Ismayl Urbain (1812-1884), et appliqué par des officiers des Bureaux arabes comme le général Ferdinand-­Auguste ­Lapasset (1817-1875). Significativement, le dernier gouverneur de l’Algérie à n’avoir pas ignoré la langue arabe fut un général, ­Alfred ­Chanzy (1823-1883), qui administra la colonie entre 1873 et 1879. Il fut rappelé de son poste au moment même du triomphe définitif de la République (3). Cette victoire fut en Algérie celle des civils. Ceux-ci étaient déterminés à régner sans partage sur la masse algérienne vaincue et appauvrie. Ils y trouvaient leur intérêt, l’assouvissement de désirs de pouvoir de ci-devant marginaux (les révoltés de 1848, ceux de 1871), la solution fantasmatique à leurs angoisses latentes de dominateurs minoritaires menacés de submersion par une masse hostile.

Pourtant, ces civils (4) formaient une communauté obligée de cohabiter avec la société dominée. Davantage que des administrateurs professionnels, ils étaient tenus à lancer au quotidien des passerelles avec les Algériens. Il y eut des colons « de gauche », des journaux « indigénophiles » à tonalité jacobine, socialisante ou libertaire, dont les démêlés avec l’autorité coloniale furent incessants. La situation de nombre de petits colons fut souvent misérable. L’un d’eux, ­Victor ­Spielmann (1866-1938), Alsacien de France après la guerre de 1870, fut dans la première moitié du XXe siècle, un infatigable militant de l’émancipation des « indigènes ». Il fut le directeur des éditions Trait d’union et du quotidien du même nom, le fervent conseiller de l’émir ­Khaled (1875-1936) et l’ami de ­Ferhat ­Abbas (1899-1985), deux hommes considérés comme les « pères » de l’indépendance algérienne.

À la même époque, quels que fussent les discours officiels, le Parti communiste français fut, à l’échelle des passerelles intercommunautaires, longtemps la seule vraie école de militantisme unitaire. Le mouvement ouvrier fut, en France comme en Algérie, modèle d’organisation et creuset de solidarités. L’aventure du journal Alger républicain, auquel collaborèrent ­Albert ­Camus, ­Henri Alleg, ­Abdelhamid ­Benzine et tant d’autres, en témoigna hautement. Toutefois, si le premier mouvement patriotique indépendantiste, l’Étoile nord-africaine, fondé en 1926, émergea du communisme français, il rompit avec lui dès 1928 : la solidarité de classe entre Algériens et Européens prolétaires fut historiquement moins productive que les solidarités communautaires respectives. Dans le contexte colonial de discrimination, la revendication sociale était destinée à se confondre avec la revendication nationale et à la nourrir.

Le rôle de l’école et de l’armée

Une des plages de rencontre fut ce que le discours officiel français nomma la « conquête morale des indigènes ». À l’école française, les séductions entre maîtres et élèves furent jusqu’à un certain point réciproques. Mais jamais cette école ne fut un creuset ; elle offrit un modèle à assimiler. Jamais elle ne suscita d’allers et retours culturels. Un peuple en dominait un autre ; une culture en dominait une autre. Encore aujourd’hui, aucun historien français de l’Algérie contemporaine n’a une connaissance sérieuse de la langue arabe.

Les instituteurs républicains, bien souvent admirables, eurent certes leur grandeur. Mais ils firent à leur corps défendant, aussi, courir à un peuple entier le risque de mettre en doute des valeurs universelles qu’ils enseignaient, mais qui ne pouvaient pas ne pas être en permanence truquées par le système de domination. L’école française, chichement dispensée (5% d’enfants algériens scolarisés en 1914, 15 % en 1954), suscita marginalement des espérances sociales et culturelles que le système colonial était incapable d’assumer ; mieux : qui en était la contradiction. Les élites algériennes anciennes avaient été infériorisées par les Français. Les nouvelles, pourtant formées par leur système d’éducation, furent suspectées et infériorisées par les mêmes Français comme autant d’agents de subversion potentiels. Ainsi, même les ponts jetés en Algérie coloniale pouvaient être autant de vecteurs de fractures. L’école française ne concerna par ailleurs qu’une minorité de gens. Les relations entre la masse et les élites existèrent bien sur le plan social, mais la première était trop hostile à la France colonisatrice pour prêter attention aux sirènes assimilationnistes que les autorités firent un temps retentir.

Le mythe de la « bonne France » fut pourtant opérant. Il s’installa en Algérie, notamment après l’institution en 1912 du principe de la conscription obligatoire, par le canal de l’armée de la Première Guerre mondiale, dans laquelle combattirent 173.000 Algériens, puis de la Seconde (134.000 combattants). L’ordre militaire parut moins répressif et discriminatoire que le colonial dans le contexte de la boucherie des tranchées. On avait promis aux hommes l’apanage de l’impôt du sang : les droits du citoyen.

Par un paternalisme actif, l’armée française se donna aux Algériens comme une Algérie idéale où le chef colonel commandait efficacement, où la solidarité de corps transposés renvoyait à celle rêvée de la culture tribale ancestrale, mais aussi à une préfiguration de la solidarité nationale accomplie. Finalement, le mythe de la « bonne France » eut son côté face : l’acculturation à la française spécifique du milieu militaire catalysa dialectiquement des réflexes de solidarité patriotiques algériens et aida à tracer des itinéraires de libération vers cette solidarité généralisée supra-tribale qu’on nomme vulgairement le « nationalisme ».

La « bonne France » fut aussi édifiée par les « indigénophiles », de ­Jules ­Ferry (1832-1893) au diplomate et gouverneur général d’Algérie entre 1944 et 1948 Yves Chataigneau (1891-1969), en passant par le député et membre de la Ligue des droits de l’homme ­Maurice ­Viollette (1870-1960). Une volonté de politique coloniale libérale exista bel et bien, au nom de la même République française qui, à la fois, codifiait en Algérie la discrimination et l’inégalité et mettait sur pied un embryon de système scolaire à substrats théoriques égalitaires.

Or furent formés par l’école française des êtres hybrides, biculturels, jamais aussi complètement francisés qu’ils le voulurent eux-mêmes parfois dire. Ils ne purent jamais pleinement réaliser, en situation coloniale, ni leurs espérances de carrière à la française ni leur simple désir d’être les égaux des Français. Même l’apparent prototype de notable et politicien français que fut ­Ferhat ­Abbas n’accepta jamais de renier son statut personnel musulman en échange de la naturalisation française (5).

Les obstacles à l’assimilation

L’assimilation des « indigènes » à la cité française se heurtait toujours, du côté français, à la barrière coloniale intangible, laquelle signifiait et codifiait sur le terrain la domination. Encourager l’assimilation fut toujours ressenti comme le risque de l’affaiblir. Du côté algérien, la volonté parfois proclamée par les assimilables potentiels de devenir pleinement français, mais dans la différence comportant le maintien du statut personnel musulman, fut prioritairement revendication d’égalité.

Une volonté – une lâcheté ? – française symétrique maintint une discrimination interdisant aux talents algériens de s’épanouir. Ainsi, jamais un budget scolaire ridiculement disproportionné par rapport aux besoins des Algériens ne fut, après son vote par des Assemblées algériennes dominées par les colons, refusé par un Parlement français dont l’approbation était obligatoire pour qu’il eût force de loi. Il n’y eut jamais de volontarisme parisien assimilateur décisif. Et cela malgré la petite cohorte des libéraux actifs, et de France, et d’Algérie.

Les « retrouvailles » de 1919 et de 1920, en Oranie citadine surtout, qui prirent alors la forme d’un front intercommunautaire, organisateur d’un mouvement de grève combatif et solidaire (on vit des dockers musulmans mobilisés pour le vin moins cher de leurs camarades européens), se produisirent au lendemain de la loi ­Jonnart (6) à quoi se réduisirent les promesses de citoyenneté faites avant 1914. La famine de 1921 généra l’insécurité menaçante des ruraux désespérés, pratiquement tous « indigènes ». La répression contre le front transcommunautaire fit le reste.

Le moment d’euphorie de 1936, avec la victoire du Front populaire, fit vite long feu : le « projet ­Viollette », qui comportait la naturalisation dans le statut musulman d’une vingtaine de milliers de personnes auxquelles on reconnaissait les « services rendus » à la France, ne fut jamais présenté à l’Assemblée nationale. Le gouvernement de Léon Blum céda finalement au lobby colonial, à la consternation des deux députés socialistes d’Algérie, ­Marcel ­Régis et ­Marius ­Dubois. Les socialistes au pouvoir ne voulurent rien changer qui ne reçût l’approbation des ennemis les plus acharnés de toute marche vers l’égalité. La déception s’était déjà installée que le Front populaire faisait dissoudre l’Étoile nord-­africaine en janvier 1937.

Un cheminement somme toute analogue se reproduisit après le vote du statut de 1947 qui sembla offrir un ultime espoir. Ce dernier offrait pour la première fois le droit de vote aux Algériens, mais ceux-ci étaient rangés dans un « second collège » quand les Européens l’étaient dans un « premier collège », chacun des deux élisant soixante représentants. Or il y avait huit millions d’électeurs algériens et un million d’Européens… Ce statut fut déconsidéré par les pratiques d’une administration coloniale décidée à le traiter comme on traitait les « indigènes » : par le mépris. Les élections truquées du gouverneur général socialiste Marcel-­Edmond ­Naegelen figurèrent bien ce mépris (7). On connaît la suite : la guerre d’Algérie.

Après les manifestations et le mouvement – souvent dénommé putsch – du 13 mai 1958 dont le forum d’Alger fut le théâtre, les Européens, avec l’appui des chefs de l’armée, furent les artisans du retour du général de ­Gaulle au pouvoir et de la fin corollaire de la IVe République.

Toutes ces initiatives constituaient-elles des occasions manquées par la France, qui auraient pu prévenir la tragédie finale ? Occasion manquée, le « royaume arabe » ? Occasion manquée, la grande promesse non tenue de donner les droits politiques aux Algériens enrôlés dans l’armée française entre 1914 et 1918 ? Occasion manquée, le « projet ­Viollette » ? Occasion manquée, le statut de 1947 ? Occasion manquée, l’école ? Occasions manquées, toutes les passerelles qui existèrent bel et bien entre Algériens et Européens, en Algérie, et qui purent fugitivement donner l’impression que tout n’était pas joué, que la décision de l’histoire pouvait cheminer d’autre façon ?

L’obsession de conserver l’empire

Séculairement, la barrière coloniale s’était toujours structurellement confondue avec le pouvoir français en Algérie. L’emporta donc une logique surdéterminante : garder à l’Empire français menacé son fleuron d’outre-­Méditerranée. Il était sa seule colonie de peuplement. Il comportait une charge émotionnelle particulière.

L’Algérie fut aussi, après la défaite de 1940 et le gouvernement de Vichy, après la bataille de Diên Biên Phu de 1954, en Indochine, l’ultime investissement d’un nationalisme français déconsidéré et défait. Ce fut le réflexe des officiers de carrière, celui des poujadistes et de Jean-­Marie Le Pen d’un côté, des SAS, des députés socialistes ­Robert ­Lacoste (ministre de l’Algérie en 1957-1958) et Max ­Lejeune, du général de ­Gaulle de l’autre. Ces derniers tentèrent de faire prévaloir in extremis, par des mesures d’égalisation, une assimilation à la France à contretemps quand l’aboutissement violent d’une sédimentation séculaire d’injustices et d’humiliations en avait d’ores et déjà décidé autrement.

Le conflit national franco-algérien dure encore : l’historien René ­Gallissot, spécialiste du Maghreb colonial, a fait remarquer le contraste entre l’immigration portugaise « invisible » et l’immigration algérienne, objet de tant de fantasmes récurrents : c’est qu’il n’y a jamais eu de contentieux national entre la France et le Portugal ; jamais de sentiment inconscient d’une défaite nationale vis-à-vis de Lisbonne (8).

Pour qu’il y eût « occasions manquées », il aurait fallu qu’il y eût « occasions tentées ». Et rien de ce qui fut essayé ne fut jamais poursuivi par cet ensemble de projets mûris, portés par un volontarisme efficace que l’on nomme une politique. La seule jamais faite, par défaut signifiant, fut celle du statu quo.

Les « occasions manquées » jouèrent un rôle du fait de leur échec programmé. Les débats sur l’Algérie, pendant longtemps, jusqu’au choc final, ne firent jamais recette au Parlement. Il y eut un enchaînement logique de l’échec des réformes. Ces dernières qui, au mieux, suivirent la pente d’une dérivée dérisoire de la courbe exponentielle des attentes et des revendications des Algériens. ­Maurice ­Viollette le pressentait bien lorsqu’il écrivait, dès 1931, L’Algérie vivra-t-elle ? (9).

(*) Cet article a été publié dans Moyen-Orient sous le titre « France-Algérie (1830-1962) : occasions et mariages manqués »

(**) Gilbert Meynier, historien et ancien maître de conférences à l’Université de Constantine, est professeur émérite de l’Université Nancy II. Il est spécialiste de l’histoire de l’Algérie sous la domination française.

Notes

(1) Créés en 1844, les Bureaux arabes étaient destinés à apporter des informations aux autorités françaises sur les modes de vie et les systèmes politiques des Algériens. Sur le terrain, les membres de ces bureaux considèrent avoir une mission « civilisatrice » et défendirent l’émancipation des locaux. Progressivement abandonnés dans les années 1870, ils réapparurent sous le nom de Sections administratives spécialisées en 1955.

(2) Napoléon III avait avancé le projet d’un « royaume arabe » associé à la France et dont il aurait été le souverain. Face à l’opposition des colons, l’initiative ne vit pas le jour.

(3) Candidat à l’élection présidentielle du 30 janvier 1879, Alfred Chanzy dut s’incliner face au républicain Jules Grévy, qui remporta 84,03 % des voix.

(4) Estimés à 100.000 en 1846, les Européens d’Algérie sont passés à 245.000 en 1872, 833.000 en 1927 ; ils (dont les Juifs algériens nationalisés après le décret Crémieux de 1870) étaient 1.052.400 au recensement de 1954.

(5) Nationaliste algérien, Ferhat Abbas fut membre du FLN durant la guerre et président du Gouvernement provisoire de la République algérienne de 1958 à 1961. En désaccord avec la politique prosoviétique de la nouvelle Algérie indépendante, il se retira de la vie politique en 1963.

(6) Votée en 1919, la loi Jonnart stipule que « les sujets français de confession musulmane peuvent accéder à la citoyenneté pleine et entière au moment de leur choix » à la condition qu’ils acceptent « de se soumettre comme la totalité des citoyens français à la seule et unique juridiction civile française ».

(7) En avril 1948, les Européens truquèrent les élections des délégués de l’Assemblée algérienne pour affaiblir les nationalistes. Par exemple, Messali Hadj remporta officiellement 15 % des voix, alors qu’il en aurait recueilli 80 %.

(8) René Gallissot, Maghreb-Algérie, classe et nation, deux volumes, Arcantère, Paris, 1987.

(9) Maurice Viollette, L’Algérie vivra-t-elle ? Notes d’un ancien gouverneur général, Félix Alcan, Paris, 1931.

la voie de libération de Jérusalem (suite 2/2)

Jérusalem est un symbole

La marche épique de Salah Eddine vers la libération de Jérusalem, a commencé par des événements sanglants à l’issue desquels Jérusalem est tombé injustement aux mains de la horde des croisades au cours de la dernière année du dixième siècle de notre ère.

Jérusalem est un symbole pour les Croisades : le royaume de Jérusalem ou le royaume latin d’Orient.

Salah Eddine est un symbole de la résistance contre les croisades et du Djihad islamique contre l’agression. Il a consacré sa vie à la libération de Jérusalem, comme nous le verrons dans la Partie II de la présente étude qui va tenter d’approfondir le récit sur d’édification de la stratégie de bataille contre les croisés jusqu’à la récupération de Jérusalem et des territoires arabes occupés.

Le début des manœuvres militaires des deux côtés, se déroula comme un jeu d’échecs où chacune des parties essaye de deviner la stratégie de l’adversaire tout en déployant la sienne par l’occupation tactique du terrain et par l’utilisation des ressources disponibles de la meilleure façon possible, avec audace et intelligence.

Dans le camp des Croisés les choses semblent un peu plus compliqués car il était difficile de trouver un compromis entre la prudence du comte de Tripoli, Raymond III, et la fougue belliqueuse des Templiers .

Dans le camp des musulmans, le génie militaire de Salah Eddine va se manifester comme prolongement des manœuvres militaires et des méthodes de guerre utilisés dans la bataille de Hattin et les batailles connexes qui ont suivi cette bataille et qui toutes ont été menées dans une seule visée : récupérer Jérusalem et la libération de la mosquée Al-Aqsa.

Dans la période antérieure à la bataille de Hattin, Salah Eddine a consacré environ treize mois dans la lutte contre les croisés par des combats intermittents, alors qu’il a passé trente-trois mois, depuis l’automne de l’an 570 AH / 1174, dans des combats sporadiques contre les arabes, afin de construire un front uni arabe. Ce n’est qu’en 581 AH / 1186, qu’il parvint à un traité avec l’émir de Mossoul qui parachève la souveraineté totale de Salah Eddine sur le monde arabe et lui donne les forces militaires manquantes pour envisager sérieusement une bataille décisive contre les Croisés (36).

On peut d’ores et déjà sortir avec la conclusion que le Sultan était pleinement conscient que la construction d’un Front uni est très importante dans son dispositif de combat contre les Croisés. Dès qu’il a réalisé l’unité de front arabe il s’est aussitôt déployé sur la seconde phase de sa stratégie à long terme murement réfléchie, patiemment et intelligemment mise en place pour la libération de Jérusalem.

David Jackson a écrit : … Je crois que l’analyse des motivations religieuses et de sa dévotion mérite d’être évaluée avec soin pour voir qu’en dépit de tout, son attachement à son idéal religieux a été irréversible, en dépit de l’existence des différents points de vue des autres. Je reste persuadé que la motivation première qui a guidé toute la vie et toute l’ouvre de Salah Eddine était le Jihad jusqu’à la libération totale de Jérusalem qui passe aux yeux de Salah Eddine nécessairement par la destruction de la puissance militaire du Royaume des croisades. Le Jihad était pour lui la condition nécessaire pour atteindre l’objectif de libérer Jérusalem.

On a essayé de montrer la lutte de Salah Eddine contre les princes rivaux comme une lutte d’intérêts et de pouvoir pour son clan et sa famille mais cela ne tient pas à l’analyse de ses biographies. J’ai l’intime conviction que sa vie a été consacrée à l’objectif qu’il avait choisi, la libération de Jérusalem, et toutes ses luttes internes se focalisaient sur la réalisation de cet objectif (37).

Face à Salah Eddine on peut dire que la stratégie des Croisés a constaté essentiellement à éviter l’affrontement avec les musulmans autant que possible en se focalisant sur une planification de guerre purement défensive (38). Depuis la création du royaume des Croisés, les Franques ont toujours consacré leurs efforts à la fragmentation des arabes et à l’évitement d’une confrontation qui pouvait donner une rapide victoire aux armées musulmanes.

Raymond III était persuadé que si l’armée des Croisés livrait bataille dans la chaleur de l’été elle n’aurait pas la haute main dans la lutte, et a tenté de persuader le roi croisé, Guy de Lusignan, de ne pas prendre l’initiative de livrer bataille et de sa cantonner à la défensive. Mais le chef des chevaliers Renaud de Châtillon accuse Raymond de lâcheté et convainc les Croisés de lancer assaut contre les musulmans et battre l’armée de Saladin.

Comme le Roi des Croisés n’avait pas l’envergure d’un chef il a finit par se ranger à l’avis de Renaud de Châtillon. Dans leur sortie à la rencontre des musulmans les Croisés ont campé dans la région de Sophoria verdoyante avec arbres et cours d’eau et Raymond insistât pour y rester sans aller plus loin dans la rencontre des musulmans préconisant une fois de plus qu’il n’était pas sage de chercher à livrer combat contre les musulmans.

 

À propos de Galilée

Salah Eddine n’a pas hésité à recourir à une diversion militaire pour forcer les Croisés à sortir de leur campement de Sophoria qui leur assurait la sécurité et les ressources. Au début du printemps de l’année 583 AH / 1187, il a lancé une forte attaque sur la forteresse de la Galilée où résidait la femme du comte Raymond III. Soumettant le château a des assauts qui allaient le faire tomber, Salah Eddine parvient à pousser la femme du comte, retranchée dans le château assiégé, à solliciter l’aide du roi des Croisés pour mettre fin au siège de Salah Eddine (39). La manœuvre militaire de Salah Eddine réussit : contre l’avis de RAYMOND III qui était conscient des risques de l’affrontement meurtrier avec l’armée des musulmans d’une part, et qui pensait qu’il valait mieux laisser tomber le château et payer la rançon pour libérer sa femme d’autre part, le chef de l’Ordre des Chevaliers, s’introduisit auprès du roi des Croisés et le convaincu d’aller à la rencontre de Salah Eddine pour l’empêcher de s’emparer de la Galilée.

Vendredi, 24 rabiâ 583 Hijri / 3 Juillet 1187, en pleine chaleur, l’armée des croisades quitta les jardins couverts de Sophoria pour prendre le chemin des collines nues à destination de Tibériade (40). Comme à l’habitué les forces de renseignement et de reconnaissance de l’armée de Saladin démontrèrent leur intelligence et leur compétence dans le suivi et les prévisions des manœuvres des armées des croisés. Salah Eddine était mis au courant du déplacement des armées ennemies et de l’état de leurs forces.

Et Salah Eddine redéploya son armée en lui faisant faire marche du camp de « Kfar Sabbat » au village de Hattin, qui était été riche en pâturages et en eau abondante. A hattin son armée fit jonction avec les troupes musulmanes qui revenaient de Galilée mettant fin à leur siège. La situation logistique a changé : c’est maintenant les troupes musulmanes qui sont à l’aise et au repos tandis que les troupes croisées sont en marche exposées à la chaleur et au soleil de plomb.

Dans cette situation de combat les troupes musulmanes harcelaient les flancs et les arrières des armées par des coups de main et des embuscades en s’appuyant sur la cavalerie légère. On assiste à de nouvelles techniques de combat auxquelles les armées des croisées n’étaient pas préparées : harcèlement et attaques surprises éclair.

Il était difficile voire impossible pour les armées croisées de modifier leur dispositif de combat et de déplacement pour s’adapter aux nouvelles techniques de guerre éclair utilisée par les musulmans. Maintenant leur dispositif traditionnel de blocs compacts et de rangs serrés les croisés ont péniblement souffert du harcèlement type guérilla. Devant les pertes subies et la désorganisation de leurs dispositifs, les Croisés ont été contraint d’arrêter leur déplacement et d’organiser un camp de stationnement pour tenter de repousser les attaques poursuivies tout au long d’une longue et pénible journée qui a vu des attaques violentes perpétrées par des musulmans sur les flancs et le dos de leur armée et entamant la résistance morale et physique des troupes(41).

Les Croisés ont installé leur campement sur une colline surplombant le lac de Galilée. Mais ils ne sont pas en mesure d’atteindre l’eau car des détachements musulmans leur font obstruction en s’interposant entre eux et les berges du lac.

Et pour le malheur des croisées, la soif du jour se conjugua à la fumée émise par les feux que les soldats de Salah Eddine, infiltrés dans les avants postes, allumaient dans les broussailles sèches autour du campement. Les croisés étaient en plus démoralisés par les prières et les Allah Akbar prononcés par les musulmans. Le matin, à l’aube dès l’appel à la prière des musulmans, les croisés avec un moral fortement perturbé, firent le constat qu’ils étaient encerclés de tous les côtés. Il ne leur restait que la tentative d’ouvrir une brèche par l’infanterie à destination des points d’eau mais ce fut pour eux la plus grande débâcle de l’histoire des croisades. Après d’âpres combats une partie des troupes croisées fut dispersée et une autre partie fut tuée ou capturée.

Le samedi, rabiâ 25 583 Hijri / Juillet 4, 1187, l’Armée islamique réalisa la plus grande victoire contre l’existence du royaume des croisades. Toute l’armée conduite par les Chevaliers fut décimée. Ne survécut à cette défaite que Raymond III, le comte de Tripoli, qui avaient fui pendant la bataille, avec un certain nombre d’amis. Salah Eddine a réussi à décimer une partie de l’élite des Croisés (42). Jérusalem devenait de plus en plus un objectif proche et réalisable dans la stratégie patiente et savante de Salah Eddine.

A la suite de ce combat qui fut une destruction catastrophique des forces principales des Croisés qui ont perdu des hommes et du matériel ne restaient comme résistance principale sur la route vers Jérusalem que de petites garnisons retranchées dans les forteresses, les châteaux et les villes occupées qui tombèrent les unes après les autres au main des musulmans peu de temps après la bataille de Hattin.

 

Plus qu’une défaite, une série de défaites

Certes, il est vrai qu’avant la bataille de Hattin les Croisés ont connu des catastrophes militaires, il est vrai aussi qu’un certain nombre de leurs dirigeants ont été tués ou faits prisonnier par les combattants musulmans, mais la bataille de Hattin est plus qu’une défaite ou une catastrophe militaire c’est l’effondrement du système idéologique, militaire, politique et psychologique des croisades.

Le plus important dans cette bataille décisive est que Salah Eddine est réconforté dans sa vision de libération de Jérusalem qui dictait de rendre les croisés vulnérables détruisant le mythe de leur invincibilité militaire et de la puissance de leur royaume. Il a été en mesure, à la tête de son armée, de détruire la plus grande armée des Croisés, et il est maintenant convaincu plus que jamais que la défaite totale des Croisés est faisable et que c’est leur défaite militaire qui mettra fin au royaume latin en Orient et réalisera la libération définitive des territoires arabes de la domination étrangère.

Il est vrai que la bataille de Hattin n’a pas mis de fait fin aux Croisades et s’il y a eu une durée plus grande à l’existence des Croisades et plus tard à la présence coloniale cela est imputable à la faiblesse politique des successeurs de Salah Eddine qui ont laissé ressurgir les anciennes rivalités politiques et s’installer de nouveau l’esprit tribal avec ses convoitises et sa vision étroite et à court terme.

Il faut souligner aussi que les Croisés ont perdu par la suite de leur vitalité et n’ont tien réalisé de grand ou de spectaculaire se contentant de gérer leur royaume que Salah Eddine a laminé et fortement réduit.

Le plus grand fait, du côté musulman, de la bataille de Hattin, est la participation, pour la première fois depuis des siècles, au combat ensemble, sur un même front et contre un seul et même ennemi, l’ensemble des forces officielles arabes venant de Syrie, d’Irak, d’Egypte et même des bénévoles venant du Maghreb. Elle donne à l’histoire le repère véritable et la stratégie authentique de libération des terres occupées : un front uni dans l’action politique et militaire. Ce front n’était pas le résultat d’une improvisation ou d’un accident de l’histoire mais l’effort inlassable, permanent et continu d’Imad Eddin Zinced, de Noor Eddin Mahmud et puis de Salah Eddine Ayouby. La victoire de Hattin contre le colonialisme des Croisades est le point culminant et logique des efforts de la construction du Front uni de résistance politique et militaire.

De ces considérations découle l’importance historique de la bataille de Hattin. Elle reste une épine au gout amer et cruel dans toute l’histoire des Croisades et de l’Europe catholique …

Lorsque le temps d’apaisa et la poussière de la bataille se dispersa, le roi des croisés Guy de Lusignan accompagné de Renaud de Chatillon et de hauts dirigeants furent amenés captifs dans la tente où les attendaient Salah Eddine. Le chroniqueur musulman Îmad al-Esfahani raconte comment le Sultan Salah gronda Renaud de Chatillon et lui reprocha ses actions belliqueuses et son odieux manque de respect pour les pactes et les conventions. Jusqu’à la fin Renaud de Chatillon se montra arrogant, menteur et perfide allant jusqu’à affirmer que la faute incombait aux rois des Croisés. Salah Eddine a tué le prince transgresseur comme accomplissement d’un vœu qu’il avait fait à lui-même lorsqu’il a pris conscience des horreurs commises contre les musulmans à cause des agissements et des intrigues de Renaud de Chatillon.

A la vue de la décapitation du prince Renaud de Chatillon le Roi des Croisés fut pris d’une crise d’épilepsie qui ne s’arrêta que lorsque Salah Eddine le réconforta et lui donna le serment qu’il était sous sa protection. Il donna l’ordre de décapiter tous les Templiers considérés comme responsables des massacres commises contre les populations musulmanes, à l’exception de leur commandant en chef à qui il accorda la vie (43).

Après la victoire de la bataille de Hattin les forces de Saladin avancent en douceur sans précipitation faisant tomber les uns après les autres cinquante-deux villes, châteaux et forteresses des Croisés.

Les places fortes des croisés tombaient facilement car d’une part elles étaient dans un rapport de force défavorable et d’autre part ses occupants avaient la garantie de la vie sauve et de la sécurité s’ils se rendaient sans opposer résistance. Salah Eddine avaient la réputation de ne jamais manquer à ses promesses ni à ses engagements.

Les armées de Saladin sont parvenus jusqu’à Acre (Akka en Palestine), qui était le plus important port des Croisés sur la Méditerranée. C’est un port militaire bien protégé avec des forteresse presque invulnérables et qui s’est préparé à l’arrivée des armés musulmanes qui l’ont attaqué le premier jeudi du mois de Joumada I AH 583 / 1187. La population croisée d’Acre, en quête de sécurité, a demandé de négocier avec Salah Eddine qui leur a donné le choix de rester ou de partir loin de la zone de combat. Ayant fait le choix de partir il s’engagea à leur laisser la vie sauve et à leur laisser leurs richesses qu’ils pouvaient transporter avec eux comme serment de Salah Eddine inviolable et sacré.

Comme ils s’imaginaient qu’après la prise de la ville ils allaient tous être tués ainsi que leurs femmes et leurs enfants il décidèrent pour la plupart d’abandonner la ville à son sort…( 45). L’attaque contre la ville permis la libération des prisonniers musulmans à Acre (Akka) dont le nombre dépassait quatre mille(46). Acre remis les clés de la ville à Salah Eddine au cours du mois de Joumada I 583 AH / 10 Juillet 1187. A partir d’Acre Salah Eddine récupéra en quelques mois Jaffa, Nazareth, Sforep, kissaria, Naplouse, et Tibnine, Sidon, Beyrouth, Byblos, Ashkelon, Gaza, Toron, Aldarom (à proximité du territoire égyptien). Le but était d’empêcher le débarquement de renforts venus d’Europe. Il pouvait maintenant se mettre en marche sur Jérusalem à la fin de Joumada II 583 AH / Septembre 1187 (47).

 

Récupération d’Ashkelon

Ashkelon est la plus importante des forteresses que Salah Eddine a fixé comme objectif à reconquérir avant de se diriger sur Jérusalem. Ashkelon a été un grand enjeu militaire et stratégique tant pour les croisés que pour les musulmans : c’est une base à la fois navale et terrestre dont la maîtrise permettait de lancer des expéditions redoutables tant navales que terrestres le sol peuvent être avancées pour ceux qui possédaient eux pour lancer des attaques efficaces contre l’ennemi au sol ou sur mer. Cette base est resté 35 ans sous la domination des croisés avant d’être libérée par Salah Eddine qui a ordonné la destruction de ses murailles et de ses forteresses pour qu’elle ne puisse plus servir de base ennemi dans le cas où elle serait reprise par l’ennemi dans le futur.

Le Sultan met son armée, victorieuse, en marche sur Jérusalem pour la faire tomber par l’épée (48). Sans doute il eut l’idée et le désir de venger le sang des musulmans massacrés par les croisés lors de la Première Croisade en Juillet 1099.

A ce moment là, dans la marche sur Jérusalem, Al-Nasser Salah Eddine Yusuf Ayouby, avait sous son commandement toutes les armées arabes qui avaient combattu sur tous les fronts et toutes les villes et forteresses le long de la côte syrienne et palestinienne où se trouvait la forte présence des coalisés. Il imposa l’embargo totale contre la ville sainte, le dimanche, le 15 Rajab, 583 AH / Septembre 1187 ….

Le dernier et court chapitre de l’histoire de la libération de Jérusalem, doit toujours être vu comme l’aboutissement d’un long processus historique et le résultat d’une complexe maturation politique et militaire et non un simple fait d’armes épique. Le siège de la sainte ville a duré seulement vingt jours, mais le conflit a été l’histoire de longs et pénibles chapitres qui s’est étalée sur quatre-vingt-huit ans de luttes sur plusieurs générations depuis que la ville tomba aux mains des Franques Croisés la dernière année du dixième siècle jusqu’à sa libération par les musulmans le 27 du mois de Rajab de l’année 583 AH / II d’Octobre 1187.

La scène finale a été, comme une ironie du sort, plein de contrastes, plein de panoramas impressionnants. Elle demeure comme contradiction générale avec la scène brutale et cruelle qui a eu lieu quatre-vingt-huit ans auparavant. Elle demeure un rapport de confrontation entre le fanatisme agresseur et la culture d’une civilisation qui défend son existence et ses valeurs, entre l’arrogance impitoyable du colonisateur et l’éthique de la résistance et entre la barbarie du dominateur et la fierté et la noblesse du triomphe de la libération.

Enfin l’assaut final contre la sainte ville fut donné et les catapultes des armées musulmanes ciblèrent les murailles et les tours fortes par un pilonnage intensif de lourdes pierres et de boulets de feu. Bien protégés derrière les murailles les croisés opposèrent une résistance farouche et obstinée sous le commandement du Prince croisé Balian de Laplaine. La résistance de la ville conjugué à la chaleur du jour contraint le Sultan Salah Eddine à déplacer son camp et à changer de site de bataille. Il se dirigea alors le 25 Rajab vers la partie nord de la ville.

Les croisés pensaient que l’Armée islamique a dû lever le siège de la ville, mais ils ont déchanté de leur optimisme lorsqu’ils vu apparaitre les forces de l’Islam sur le Mont des Oliviers, qui surplombe Jérusalem du côté de la Vallée de l’Enfer (49).

 

Etranges rituels

À l’intérieur de la ville, la reine Isabella Sybila prend la défense de la ville avec le concours du patriarche catholique Héraclius et du Prince Balian. Les femmes de l’aristocratie des Croisés, sous la direction d’Isabella, eurent recours à une étrange procession, un rituel inédit, dans l’espoir que le sort soit plus clément en faveurs des Croisés qui ne se faisaient plus d’illusion sur l’issue de la bataille. Les dames de l’aristocratie se sont mises à tondre les cheveux de leurs filles, puis à les déshabiller les laissant nues prendre un bain en public et en plein air sur une colline de Jérusalem (50).

Mais la ville assiégée n’est pas dans le besoin de ces rituels frivoles, mais dans des combattants, des armes et une volonté de combattre qui font défaut… Et le prince Balian proposa de remettre les clés de la ville en échange d’un pacte de paix qui garantit leur vie et leur sécurité. Mais le sultan Salah Eddine, refusa l’offre car il voulait une victoire totale par les armes pour achever définitivement la présence étrangère sur les territoires arabes et clore un chapitre de l’histoire du monde arabe : la ville devrait être libérée de la même façon qu’elle a été prise.

Sur ce sujet le chroniqueur musulman Imad al-Din al-Asfahani raconte : » Le Prince des croisés a dit que si le Sultan n’acceptait pas l’offre d’échanger la ville contre leur sécurité, il allait donner l’ordre aux croisés de détruire la ville, y compris la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher, et abattre toutes les femmes et les enfants vivant dans la ville « … Votre intérêt n’est pas dans notre défaite mais dans un traité de paix, vous perdrez tout si vous obtenez totale victoire. La déception vous est venue par la porte de l’espérance, le moins pire pour vous se trouve dans le traité de paix même s’il contrarie votre victoire … ». La décision finale fut prise par un conseil de guerre qui accepta la capitulation des croisés et l’arrêts des combats par les troupes musulmanes (51).

Ils devaient être heureux ce jour là les défenseurs Croisés dirigés par le Prince Balian de Laplaine. Ils étaient heureux parce qu’ils sont à la merci d’un vainqueur qui jouit de hautes qualités morales et des attributs de miséricorde et de compassion. Personne n’ignorait la vertu de la parole et des actes de Nasser Salah Eddine. Sa miséricorde et sa sagesse ainsi que celle de son conseil de guerre ont évité une effusion de sang inutile et ont confirmé une fois de plus l’humilité des musulmans dans la victoire et le primat de la raison sur le désir de vengeance. L’histoire des Croisades ne retient ni contre Salah Eddine ni contre les musulmans les atrocités qui étaient courantes dans le monde à cette époque … »(52).

En effet le Sultan était connu de ses contemporains, par son comportement humain, loyal, fidèle à ses promesses. Quand le prince Balian a proposé ses conditions de reddition Salah Eddine n’a pas hésité longtemps avant d’aller à la solution la plus charitable et la plus économie en vie humaine. Il a vaincu la rage portée dans le cœur quand les yeux voient la sainte ville à la portée de ses armes et que le souvenir est hanté par le massacre des s musulmans lors de la prise de la ville par les croisés et par les longues et cruelles souffrances des peuples arabes plongés sous le joug du colonialisme des croisés qui a duré quatre-vingt-huit ans .

Les musulmans ont accepté que soit versée une rançon pour chaque homme de dix dinars, chaque femme de cinq dinars, et chaque enfant de deux dinars (53).

 

Entrée victorieuse à Jérusalem

Les Musulmans entrent à Jérusalem le vingt-septième jour du mois de Rajab en 583 AH / II de Octobre 1187. Ne sont restés dans la ville que les autochtones, les arabes musulmans et les arabes chrétiens de l’Eglise orientale. Tous les croisés ont quitté sains et saufs la ville, ceux qui pouvaient payer leur rançon et ceux que Salah Eddine a accordé dérogation de ne pas payer leur rançon pour une raison ou une autre.

Le patriarche Héraclès est parti sain, sauf et libre d’emmener avec lui les reliques religieuses, l’argent et tous les objets en or et en argent ainsi que les coffres remplis d’objets précieux qui étaient dans l’église de la Résurrection, sous les yeux et la protection des soldats musulmans, sans être exposé à un vol ou une vexation de la part de la population arabe. Un pacte est sacré, inviolable, quelques soient les blessures et les humiliations subies par le passé.

Le dernier à partir fut le princpe Balian qui avait déployé toute son énergie pour maintenir la ville sous domination des croisés et qui avait fait tout son possible pour négocier la livraison de la ville contre la vie sauve de ses défendeurs croisés chevaliers, soldats et civils. Il est parti libre accompagné de son épouse et des princes et chevaliers qui étaient avec lui à Jérusalem. Ils sont partis empruntant une route sécurisée pour eux et leurs biens conformément aux garanties données par le Sultan Nasser Salah Eddine Youssouf al Ayoubi.

Pour l’époque, la reconquête de Jérusalem, reste, sur le plan humanitaire, une image singulière. La libération de Jérusalem a provoqué un rayonnement de bonheur , de liesse populaire et de ferveur religieuse dans l’ensemble du monde musulman. La nouvelle de la libération de Jérusalem attira des foules innombrables du monde musulman pour la visite de la ville sainte et la mosquée Al Aqsa (54).

L’oraison et le sermon du vendredi ont été restaurés à la mosquée Al-Aqsa, après une longue pause de presque un siècle, le quatrième vendredi du mois de Sha’ban en 583 AH. La chaire du sermon de (al minabar) qui a été réalisée depuis longtemps, depuis Nur al-Din Mahmoud, a pris sa place lors de cette célébration historique de l’oraison du premier vendredi de la libération.

L’historien Ibn Athir raconte : Salah Eddine ordonna la construction de la tribune (minabar) pour l’offrir à la mosquée Al-Aqsa le jour de la libération de Jérusalem à laquelle il se préparait et y croyait. Lorsqu’on lui dit que Nur al-Din Mahmoud avait déjà donné des instructions à des artisans d’Alep de fabriquer le Minbar en mettant toute leur ingéniosité artistique pour qu’il soit la plus belle tribune jamais réalisée dans le monde islamique. Les menuisiers syriens ont mis des années pour réaliser ce chef d’œuvre d’ébénisterie. Salah Eddine ordonna que cette chaire soit ramenée à Jérusalem pour l’inauguration de la prière du vendredi dans Jérusalem qui allait être libérée. C’est donc cette chaire qui pris sa place dans la mosquée al Aqsa.

L’imam qui a présidé à la prière était le juge Mohieddin Ibn Zaky. Il portait la tunique noire emblème de la dynastie des Abbassides et prononça des éloquents sermons et des discours plein de ferveur religieuse à cette occasion historique (56).

 

L’oraison et le sermon du vendredi dans Jérusalem libérée

Il s’agissait ce jour là, dans la prière, dans le sermon, dans la chaire et dans la foule des orants, des images symboliques du processus du jihad qui a duré plusieurs générations, afin de libérer Jérusalem des Croisés (57).

Salah Eddine s’est donné suffisamment de temps pour évacuer la ville de tous les Croisés, pour remettre la ville en état de fonctionner normalement sur le plan administratif, social et économique. Il a autorisé l’entrée de la ville aux populations juives. Les juifs ont été expulsées des abords de la ville par les Croisés et n’étaient pas autorisés à pénétrer dans la ville sainte durant les longues années d’occupation croisée sous le prétexte qu’ils étaient responsables des souffrances de Jésus-Christ. Pour l’histoire il faut souligner que les juifs en Palestine étaient peu nombreux par rapport aux autres villes d’Orient et que la majorité de la minorité juive en Palestine, vivaient traditionnellement en dehors de la ville de Jérusalem comme en témoignent le Benjamin Alttili et d’autres nombreuses sources historiques. Salah Eddine leur a accordé le privilège de résider dans la ville comme tous les autochtones de la région arabe.

Le Sultan ordonna la restauration du Mihrab de Omar devenu vétuste et son revêtement en marbre. Il ordonna le retrait des icônes et des images placées par les Templiers et les Chevaliers dans les maisons qu’ils avaient spoliés et dans les bâtiments et cours de la mosquée Al-Aqsa.

Le Dôme du Rocher est lavé avec de grandes quantités d’eau de rose, puis son air purifié par les meilleurs encens. Il supervisa le recrutement du personnel responsable du service de la mosquée Al-Aqsa. L’église de la Résurrection a été fermée pendant plusieurs jours, puis elle a rouvert ses portes aux fidèles chrétiens. Autorisation fut donnée aux princes des croisés de la visiter et d’y venir faire leurs prières et leur pèlerinage.

Ce bref aperçu sur le rôle historique de Saladin et sur sa stratégie pour la libération de Jérusalem, révèle une biographie d’un homme qui mérite une noble appréciation et une grande vénération à la lumière de sa réussite dans la libération de Jérusalem. Toute sa biographie témoigne qu’il a dirigé son attention tout au long de sa vie pour atteindre cet objectif, et qu’il a estimé, sans faillir un jour ou douter un instant, que le jihad est la seule façon, au niveau politique et militaire, pour parvenir à la libération des territoires occupés.

Il faut retenir que Salah Eddine a construit le projet de libération de Jérusalem sur la base préalable de la reconstruction de l’unité morale, politique et religieuse du monde musulman sous la bannière du djihad contre les Croisés. Sa biographie révèle qu’il a consacré la plus grande partie de sa vie dans ses efforts pour former l’unité politique et mettre fin aux luttes entre les factions dans la région arabe. Les combats contre les Croisés n’ont occupé qu’un tiers du temps consacré à l’action militaire contre les princes Al zenkyines et autres brigands et voyous arabes.

Il faut garder conscience vigilante que la fragmentation confessionnelle et doctrinaire, l’égoïsme des intérêts mesquins, le sectarisme ethnique et la division politique des dirigeants et le silence des populations musulmanes de l’époque, était la raison de la réussite de l’arrivée et de l’implantation des Croisades au cœur du monde arabe. Il ne faut pas perdre de vue que la présence continue et trop longue des croisés sur le sol arabe n’est pas la résultat de leur supériorité mais la conséquence dépend objective de la dégradation continue ,morale et politique, de la personnalité arabe qui est devenu, de ce fait, otage des convoitises et faille vulnérable face aux appétits colonialistes. Le monde arabe otage de la gouvernance insensée des dirigeants arabes et de leurs divergences politiques scandaleuses se transforme inévitablement en proie facile pour les prédateurs colonisateurs comme les croisés.

Salah Eddine ne doit pas être vue dans une vision messianique. Il est à la fois le produit et le continuateur d’un long processus libératoire qui a commencé par imad Eddine zinqi et Noor Mahmoud qui avaient en tête le projet révolutionnaire de libération de Jérusalemen, de la Palestine et du monde arabe. Les prédécesseurs de Salah Eddine engagé sur la voie de la libération l leur manquait les deux conditions de réussite : l’unité des rangs politiques et l’unité de commandement militaires qui permettaient de réaliser cet objectif de grande envergure. Aucune ambition légitime et noble ne peut se concrétiser dans des conditions de déliquescence morale et politique et sans planification qui met en place la stratégie, les moyens et les programmes d’actions.

Salah Eddine avait l’avantage d’avoir la vision lucide et la conscience religieuse et politique de cette situation anormale, politiquement et moralement. Il avait aussi la compétence d’agir avec savoir, intelligence et prudence trouver l’opportunité et la pertinence pour surmonter les obstacles, les affronter ou les contourner sans perdre de vue l’effort stratégique des efforts tactiques, les visées lointaines des visées à court et moyen terme. Il a montré que la planification intelligente conjugué à a la volonté permettent de se renforcer progressivement contre l’occupant et de rendre faisable la libération dont la concrétisation est rendue de plus en plus proche et de plus en plus évidente tant pour lui que pour ses proches et les populations musulmanes.

Salah Eddine en écrivant au Calife abbasside al Moustandi billah :  » Si les affaires de la guerre trouvaient solution dans la pluralité des participations on n’aurait pas manqué sans doute la gloire qui nous fait défaut au vu de l’importance du nombre de prétendants autonomes chacun réclamant pour lui l’autorité. On n’aurait pas été amené à subir des préjudices s’il était naturel que le monde supporte la coexistence de plusieurs autorités contradictoires. Mais la vérité que nous ne pouvons ni occulter ni fuir sans préjudices et dommages et que les affaires de la guerre exigent une longue préparation et une excellente planification qui ne peuvent se passer de l’unité de commandement militaire et de l’unité de décision politique. Si la question du commandement est réglée et la planification politique tranchée il ne reste alors que la mise en place des organes consultatifs sur les questions de mobilisation des moyens pour mener les combats victorieux … »( 58).

Ces quelques mots résument la doctrine de Salah Eddine sur l’Etat moderne et sur la guerre de libération. Ils sont le meilleur témoignage sur la stratégie victorieuse de Nasser Salah Eddine Youssef al Ayoubi dans la reconquête de Jérusalem.

 

Auteur : l’écrivain et historien égyptien Qassem Abdou Qassem

Traduction Omar Mazri

Notes du traducteur :

Celui qui veut faire un travail comparatif qu’il lise par exemple les Croisades sur Wikipédia. Vous aurez plus de détails mais une vision de l’histoire du côté occidental. Ici c’est une lecture non apologétique mais du côté arabe et musulman. Le francophone peut trouver dans cette traduction, malgré ses fautes, une autre source d’information et une autre lecture de la libération de Jérusalem. L’auteur égyptien, Qassem Abdou Qassem, historien et écrivain, est allé à l’essentiel : montrer les causes de la défaite et de la victoire qui sont exactement les mêmes au Xème ou au  XXIsiècle.

J’aimerais ajouter trois  élément d’appréciation qui font partie de la culture islamique et que l’auteur n’a pas soulevé dans son excellent article.

Le premier est l’espérance que doit garder le croyant, même dans les situations les plus tragiques, car l’espérance fait partie intégrante de la foi. Le rapport de force politique et militaire est important dans l’issue d’une bataille mais il n’est pas déterminant. La foi et la vertu du combattant et de son environnement social sont l’autre élément décisif dans la victoire ou la défaite. C’est la loi de Dieu qui s’est appliquée et qui s’appliquera car Il est créateur de l’homme, de ses actes et des conséquences de ses actes et elle s’applique selon la loi de la causalité et du mérite et selon d’autres lois qui échappent à notre entendement :

{Ô vous qui croyez ! Si certains d’entre vous renient leur foi, Dieu fera surgir d’autres hommes qu’Il aimera et qui L’aimeront. Humbles avec les croyants, durs envers les négateurs, ils combattront au service de Dieu, sans la crainte d’aucun reproche.} Al-Maidah 54.

Le second élément est l’aspect épique ou charismatique qu’on attribue au commandant victorieux ou au dirigeant  qui s’est particulièrement illustre dans   une situation politique ou géopolitique oubliant le rôle de tous ses anonymes dont on ignore le sacrifice, les souffrances et le rôle déterminant dans la préparation et l’exécution du destin et de l’histoire. Nous devons nous libérer du culte du chef et de l’attente messianique car le destin c’est vous, moi, nous tous si nous agissons avec sincérité, intelligence et de concert sans chercher la fausse gloire. Mohamed (saws) a fait éloge des exilés. On lui a demandé qui étaient les éxilés (al Ghouraba) il a expliqué que ce sont des gens dont le comportement est si humble et si effacé qu’ils paraissent des étrangers insignifiants parmi les leurs mais dont l’action n’est connue efficace et méritoire n’est connue que de Dieu. Leur récompense auprès de Dieu n’aura d’égale que leur anonymat dans ce monde:  » les exilés sont ces gens quand ils sont parmi vous vous ne faites pas cas de leur présence et quand ils sont loin de vous vous ne remarquez pas leur absence mais dont les oeuvres auprès de Dieu sont considérables »

Le troisième est aux  amateurs de berbérité, d’arabité ou de kurdité, de chiisme et de sunnisme :  il faut juste rappeler que la civilisation musulmane même dans sa décadence a toujours posé le problème de l’arabité en terme de culture et non en terme d’ethnie. Salah Eddine était Kurde par sa naissance mais sa culture était arabe et il a combattu tous ceux qui favorisaient la fragmentation de la nation musulmane au nom de la confession, de la doctrine ou de l’ethnie. Les chrétiens du monde arabe se considèrent comme arabe faisant partie de la vaste culture musulmane. Les chrétiens et les juifs  de l’orient musulman se considèrenent comme partie intégrale et indissociable de la culture musulmane. Tout sectarisme pratiqué par un musulman est condamnable.


(36) ديفيد جاكسون، « معركة حطين » ، ص86 – ص87.

(37) نفسه، ص92- ص93.

(38) سميل، الحروب الصليبية ، ص152- ص153.

(39 ) نفسه، ص176- ص177.

(40) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص60 – ص73؛ العماد الأصفهاني، الفتح القسي، ص17- ص45؛ مجهول، البستان الجامع لجمع تواريخ الزمان (نشره كلود كاهن) انظر:

Claude Cahen ،  » Une Chronique Syrienne de VI- XII Siecle: Le  » Bustan Al Jami  » ، en Bulletin d، Etudes Orientales ، toms. VI-VIII، (Annees 1937-1938 ) ، pp. 146-ff.

(41) سميل، الحروب الصليبية، ص179- ص180.

(42) عن معركة حطين، انظر: ابن الأثير، الكامل، ج9 ، ص177- ص179 وقد ذكر ابن الأثير ما نصه « .. وكان من يرى الأسرى لكثرتهم لا يظن أن هناك قتلى، فإذا رأى القتلى حسب أنه لم هناك أسرى… »، انظر أيضا: ابن شداد، النوادر السلطانية، ص60- ص73؛ الأصفهاني ، الفتح القسي ، ص17- ص45؛ ابن واصل ، مفرج الكروب ، ج2، ص187- ص192المقريزيي، السلوك، ج1، ص93؛ ميخائيل زابوروف، الصليبيون في الشرق (دار التقدم، موسكو 1986م ) ، ص191- ص192.

Mayer،op. cit. ، pp. 131-132 ; Runciman ، op. cit. vol. II ، pp. 450 -460.

(43) الأصفهاني، الفتح القسي في الفتح القدسي، ص80- ص81.

(44) المقريزي، السلوك، ج1، ص93.

Mayer، op، cit.، pp. 131- 132.

(45) الأصفهاني، الفتح القسي في الفتح القدسي، ص89 – ص91.

(46) ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة في ملوك مصر والقاهرة (طبعة مصورة عن طبعة دار الكتب المصرية – الهيئة العامة قصور الثقافة 2008م) ،ج6 ، ص35.

(47) الأصفهاني، الفتح القسي، ص92- ص115؛ ابن الأثير، الكامل، ج9 ، ص176 – ص178، ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة، ج 6، ص35 – ص67؛ ابن واصل، مفرج الكروبي، ج2 ، ص209 – ص 211؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص95؛ ابن شداد، النوادر السلطانية، ص80 –ص81؛ أبو شامة، ج2 ، ص95.

Runciman ، op. cit. ، vol. II ، pp.461- 462.

(48) ابن واصل، مفرج الكروب، ج2 ، ص209- ص211.

(49) ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة ، ج6، ص36؛..Mayer،op.cit.p.132.

(50 ) Ibid ، pp.131-132.

(51) الأصفهاني، الفتح القسي، ص127.

(52) مونتجومري وات، « الحملات الصليبية: تصورات مختلفة » في كتاب ، 800 عام – حطين والعمل العربي الموحد (دار الشروق 1989م)، ص80.

(53) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص 129؛ الأصفهاني، الفتح القسي، ص127- ص137؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص97؛ ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة ، ج6، ص36- ص37؛

Runciman ، op. cit. ، vol. II ، pp. 264-266.

(54) المقريزي، السلوك، ج1، ص97.

(55) ابن الأثير، الكامل، ج 9، ص182 وما بعدها.

(56) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص235 – ص237؛ الأصفهاني، الفتح القسي، ص138- ص140؛ البستان الجامع، ص146 – ص147؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص96- ص99؛ ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة، ج6، ص37؛ انظر أيضا:

Mayer ، op. cit. p132; Runciman ، op. cit. vol. II ،pp.446- 447.

(57) قاسم عبده قاسم، في تاريخ الأيوبيين والمماليك (دار عين للدراسات والبحوث 2007م) ، ص62 – 63.

(58) أبو شامة، الروضتين، ص48؛ ابن واصل، واصل، مفرج الكروب ، ج1، ص15

la voie de libération de Jérusalem 1/2

Scènes de Jérusalem du temps des croisades

Scène I:
Le concile de Clairmont (ou Clermont) — aujourd’hui Clermont-Ferrand — s’est tenu en Auvergne en 1095. Le pape Urbain II l’avait convoqué pour traiter des problèmes de discipline ecclésiastique, à la suite du concile de Plaisance qui s’était tenu six mois plus tôt, mais l’un des faits notables de ce concile est l’appel qu’Urbain II à la noblesse de la chrétienté, lui demandant de lutter contre les Turcs qui selon lui menacent l’empire byzantin et de délivrer les Lieux Saints occupés par les Musulmans. Le pape Urbain II  d’origine française, a été enthousiaste de lancer une « déclaration de guerre » contre les musulmans (1 ).
Après avoir évoqué les malheurs et souffrances des chrétiens d’Orient, le pape adjure les chrétiens d’Occident de cesser leurs guerres fratricides et de s’unir pour combattre les musulmans païens et délivrer leurs frères en Orient qui est une cause plus juste. En même temps les Chrétiens pourront expier leurs péchés une fois arrivés à Jérusalem. Cet appel de Clermont qui est considéré comme une véritable opération médiatique mensongère contre les musulmans est  considéré comme la cause directe de la première croisade.
L’engagement et la réponse enthousiaste de la part du public chauffé à blanc par des manipulateurs de spectateurs dans une  pièce de théâtre dont chacun avait son rôle à jouer pour mobiliser les foules ignorantes. Ainsi il y eut des cantiques, des appels à la guerre et des chœurs répétant les mots « Dieu veut … il veut le Seigneur » (2). … Ainsi a commencé les croisades …

Journée du massacre


Scène II:

Dans un jour de chaleur torride de ce  mois de Juillet 1099 la ville de Jérusalem est tombé entre les mains des Croisés après un siège de cinq semaines. La prise de Jérusalem par les Croisés donna lieu à un terrible massacre de la ville sainte qui fut livrée et ses habitants à  trois jours de pillage, de vol, de viol, de meurtre. Les corps des morts, des brulés et des  mutilés restèrent exposés dans les rues et places publiques plusieurs jours.
Dans cette  atmosphère de tristesse et de désolation, la ville est restée enfermée dans une immense fumée et un épais champs de poussière et d’odeurs de corps carbonisés ou en décomposition. La rencontre de Jérusalem avec les Croisés fut le symbole de l’horreur. Dans l’horreur les Croisés étaient en extase dans l’église de la Résurrection qui recueillaient les  prières et les mots de remerciements adressés au Seigneur. Les   les échos de « Merci Seigneur » qui sortaient de la vielle Église (3) pour s’engouffrer dans dans la ville  donnaient un aspect sinistre et apocalyptique de la présence chrétienne européenne sur les terres arabo-musulmanes.
Scène III:

Un jour de ce mois d’ Octobre 1187 (27 Rajab en 538 AH), Salah eddine libère Jérusalem qui est restée otage des Francs Croisés un peu plus de  quatre-vingts ans.
La reprise de Jérusalem témoigne de l’humanisme des musulmans à l’opposé des  scènes brutales lors de l’ invasion barbare des Francs. Enfin l’oraison du  vendredi était restaurée à Jérusalem libérée après une longue période interdite (4).

Ainsi a commencé la fin de la présence des Croisés sur les terres arabes …

Ces trois scènes  ont marqué l’histoire de Jérusalem à l’époque des croisades; Cependant, la scène finale, celle de  la libération par Saladin est celle à laquelle je me consacre dans cette étude. Nous retenons que l’épopée de la libération, qui était dirigé par Saladin a commencé après  des moments sanglants qui ont vu Jérusaleme tomber sous la domination de la la horde barbare des Croisés au début du 11 ème siècle.  Jérusalem est un symbole perverti en « symbole de croisade », « le royaume de Jérusalem ».  « Saladin » a été et reste un symbole, le  symbole de la résistance contre la domination étrangère, le symbole du  Djihad islamique contre l’agression.Salah Eddine  a consacré  sa vie à la libération de Jérusalem, comme nous le verrons dans cette étude.

Les causes de la victoire et la défaite


Il serait faux de considérer la victoire  des Croisés contre les musulman lors de la première croisade comme l’expression d’une réelle supériorité du rapport de forces militaires  des Croisés. Sur le plan strictement militaire ils étaient numériquement, logistiquement, techniquement et scientifiquement inférieurs aux musulmans mais les combats ont été à leur avantage. Les Croisades ont été rendus possibles par la faiblesse politique du monde musulman et le déchirement intestinal entre les principautés qui favorisaient la  fragmentation politique et territoriale déja avancée de l’empire musulman. Cette fragmentation politique avait des conséquences sociales et culturelles dont l’héritage de l’amertume et de la méfiance des populations arabes envers les dirigeants dans  la région arabe. Ces dirigeants aveuglés par l’égoïsme et le manque de considération politique, anesthésiés par  l’inertie et l’absence de vigueur, privés de la vision stratégique des intérêts de la nation musulmane ne pouvaient exercer le pouvoir ni entraîner leurs peuples à combattre.

Dans la région arabe et du temps des Croisades les principales forces politiques et institutionnelles dans la région (le califat sunnite abbasside de Bagdad et le califat chiite fatimide du Caire)  se contestaient  le pouvoir et l’existence tout en  participant  à la manifestation de la faiblesse politique et sociale et de la vulnérabilité militaire dans le monde arabe. Dans cette bipolarité belliqueuse coexistaient dans la région de l’Orient musulman une mosaïque de principautés naines qui participaient à l’émiettement de l’ensemble et à la dispersion des énergies. Tout était facteur de division : les doctrines confessionnelles, les appartenances ethniques ou tribales, les intérêts matériels…

Du point de vue sociologique et historique c’est la fragmentation politique des musulmans qui est la cause de la victoire des  Croisés pourtant moins nombreux, de plus faible niveau de civilisation et de la tactique militaire que les  Musulmans et les Arabes.

Du point de vue religieux et spirituel cette victoire des Croisés n’était ni le résultat de l’intervention du Seigneur ni des  saints chrétiens ni l’esprit de foi des  Croisés, comme le prétendent les historiens des Croisades, qui eux mêmes sont les idéologues de   l’Église catholique et les admirateurs des Croisades. La victoire sans force réelle militaire ou spirituelle des Croisés a coïncidé avec l’atomisation politique conjuguée à la faiblesse morale et spirituelle des musulmans véritable cause de la défaite et de la perte des arabes et des musulmans devant leur agresseur.
Le succès inattendu des Croisés et leur  création du « Royaume latin de Jérusalem  » et trois Émirats sur les terres arabes en Palestine et en Syrie a provoqué un traumatisme psychologique énorme sur les populations arabes qui se sentaient trahies et humiliées. Les populations arabes avaient d’abord considéré les Croisés, au début des Croisades, comme de vulgaires  mercenaires au service de l’Empire byzantin qui finiraient par partir un jour. Mais la prise de Jérusalem et les opérations colonialistes qui ont eu lieu à partir de 1099 et au-delà  leur ont faite comprendre que les Croisés sont venus à leur pays pour y demeurer toujours comme conquérants. Face à eux une nouvelle réalité politique, économique militaire et religieuse, s’est douloureusement imposée à eux comme fait accompli (5).

Il était dans la logique historique que la réaction des musulmans contre le colonialisme des Croisés se fasse voir assez tôt, dès sa prise de conscience. Ainsi au Nord les  Turcs Seldjoukides, le Nord ont commencé de de mener des attaques violentes sur les Croisés. La résistance turque a permis de capturer le gouverneur d’Antioche, le prince de Boimond , le comte  Baudouin  et Jocelyne tout en infligeant plusieurs lourdes défaites aux armées croisées.

Dans le sud, les Égyptiens ont lancé des attaques à partir de leur base à Ashkelon, en Palestine, et ont infligé de lourdes  défaites dans les années 1101, 1102, 1105, mais ils n’ont pas poursuivi l’effort de résistance après ces dates en raison de problèmes internes, (6), en l’an 548 AH / 1153 les Croisés parviennent à s’emparer de la forteresse d’Ashkelon, dernier bastion de la résistance égyptienne en  forteresses en Palestine contre les Croisades.

La faiblesse de l’Etat fatimide

Les Croisades coïncident avec la décadence de l’état fatimide qui avait atteint un état de vulnérabilité, qui avait déja attiré les principautés musulmanes voisines à convoiter son héritage. Il était déjà perçu comme « l’homme malade » endormi sur   sur les rives du Nil, dont ne restait de sa gloire d’antan que des souvenirs et une ombre que plus personne ne craint ni ne respecte.
Ainsi a commencé la compétition entre Mahmoud Nour al-Din (qui a succédé à son père, Imad Eddin Zinqui qui avait réussi à libérer Alraha en 1144) et Amaury Ier de Jérusalem premier roi croisé de Jérusalem (1163 – 1174) (7), nommé par les sources historiques arabes  « le gagnant » puisqu’il a pu instaurer son protectorat sur le Caire et l’Égypte privant Nour al-Din d’une assistance des arabes du Sud. En effet les états latins d’Orient  confrontés à une Syrie musulmane puissante et unifiée vont sous la direction d’Amaury  trouver soutien auprès de l’Égypte fatimide, tombé dans les derniers degrés de la décadence et en proie à des luttes de pouvoir. Dirgham fut l’homme clé d’Amaury.

La lutte de contrôle de l’Égypte dans l’échiquier des Croisades s’est cristallisé sur le poste et la personnalité du premier ministre (al wazir)  qui détient les véritables leviers de commande réelle du Caire(8). Il y eut en parallèle aux affrontements armées une lutte pour le contrôle du  pouvoir en Égypte entre les Croisés et la Syrie.  Le premier ministre  Shawir installé par Nur al-Din Mahmoud et Dirgham  l’homme clé d’Amaury se livrèrent à une véritable lutte à mort qui connut de spectaculaires et incessants renversements jusqu’à la morts des deux hommes. Après six épisodes de rapports de force changeant d’un camp à l’autre Shirkuh finit par s’imposer et imposer en Égypte l’allégeance à la Syrie.  Amaury attaque et remporte plusieurs succès sur Shirkuk, mais Nur ad-Din envahit à son tour les états latins en guise de diversion pour protéger son lieutenant, prend les places fortes d’Arim et de Paneas et capture Bohémond III d’Antioche à Harrim le 11 août 1164. Seule l’intervention des byzantins empêche les musulmans de prendre Antioche. Shirkuh fut nommé par la population arabe le « Lion », le grand émir des armées mais il mourut quelques semaines après ses succès militaires et politiques  le jour de l’an 22 Joumada II 564 AH / 1169.

A partir de ce moment là le sultan fatimide al Aâded resta fidèle au pacte avec la Syrie  et déterminé dans la lutte contre les Croisés. Il nomma à la place de Shirkuh décédé un jeune nommé  Salah al-Din, comme premier ministre sans tenir compte de l’opposition des princes,  des dignitaires et des courtisans du régime. Salah al-Din était l’étoile brillante dans le ciel arabe et de la politique arabe.

Stratégie de libération

Cette étude n’a pas pour but de présenter la biographie de Saladin, mais de montrer  sa politique et sa stratégie militaire dans la volonté de  libérer Jérusalem des Croisés (Al franj : les Francs). Saladin a commencé la consolidation de son pouvoir politique et de ses prérogatives de premier ministre  en Égypte, les yeux ouverts sur le front de lutte anti Croisés, au Caire, d’une part, et sur l’évolution  de Nur al-Din Mahmoud, à Damas,  dont il reconnaissait  la souveraineté et la  légitimité politique sur le monde arabe dans l’attente de l’apport que chacun pourrait faire envers l’autre pour la grande cause arabe : libérer Jérusalem.

A l’intérieur Saladin était confronté à un problème épinieux : l’armée. L’armée avait deux problèmes majeures qui rendaient l’Egypte instable et vulnérable. D’une part elle pratique depuis trop longtemps la culture du complot et des contre complots dans les luttes intestines du palais. D’autre part elle n’était pas loyale envers le Sultan fatimide, elle pouvait le trahir, le détrôner ou se ranger du côté de ses ennemis par culture du complot ou par absence de conscience nationale.

L’occasion pour la destruction de l’armée fatimide que cherchait  à Salah al-Din s’est présenté d’elle même. Dans le palais du sultan fatimide un eunuque a fait circuler une pétition inspirée par les Croisés dans laquelle il se réclame comme « l’essence et la légitimité du pouvoir sur le palais ». L’enquête menée par Salah Eddine a prouvé la collaboration avec l’ennemi et l’implication de certains chefs militaires dans un complot visant à le renverser. Salah Eddine a fait exécuter les comploteurs pour le motif de conspiration avec les Croisés à envahir l’Égypte et à éliminer Salah Eddine . Dans la foulée les proches de Salah Eddine ont maitrisé le corps de l’infanterie constitué par les  soldats soudanais dans l’armée fatimide armée. Ce fut un  terrible massacre qui a duré  deux journées entièrement dans le nettoyage de l’armée (11).

Cet incident donna à Salah Eddine une légitimité populaire et un plus grand pouvoir politique et militaire au détriment non seulement des dignitaires mais au détriment du sultan lui même. Salah Eddine eut la maîtrise totale sur les affaires intérieures lorsqu’il fut nommé  « Baha’eddin Qracoc Asadi superviseur des affaires de la gouvernance du royaume  »  au lieu de l’ancien titre   » chargé de confiance du Khalife ». Il s’attela à reconstruire les fondations de la nouvelle armée qui remplaça de droit et de fait l’armée fatimide traditionnelle. Sa relation à Nour Eddine en Syrie  est demeurée au point mort entre le doute et la certitude.

L’attention de Salah Eddine était au fait des risques posés par la présence des Croisés dans la région arabe, dans le processus d’alliance militaire conjoint mené par les croisés du roi  « Amuri premier » avec les dirigeants de l’empereur byzantin « Comninos Manuel » (1143 – 1180). Son attention fut aiguisée en l’an 565 AH / 1169  lors du lancement de l’attaque de la marine de la coalition franco byzantine contre  Damiette, qui était  le principal port égyptien sur la mer Méditerranée.

Au mois de Safar de l’année 565 AH / 1169 , la coalition franco byzantine assiégea,  Damiette avec une flotte militaire de  deux cents navires. Le siège fut levé après cinquante jours sans donner des résultats positifs pour les Croisés. La  résistance  de la ville non seulement fut héroïque et violente mais elle a  révélé l’hostilité sous-jacente entre les Byzantins et les Francs. En levant le siège les Francs ont sabordé leurs navires de matériels et ont laissé la flotte byzantine subir de lourdes pertes en hommes et en navires avant qu’ils ne se retirent pour revenir à leur (12).
La débâcle de la coalition franco byzantine a augmenté le prestige et le pouvoir de Salah Eddine. Cette bataille défensive victorieuse  marquait  un bon début pour une série d’actes politiques et militaires prises par  Salah Eddine pour former une stratégie globale et assidue pour la libération de Jérusalem …

L’année suivante, 566 AH / 1170 Salah Eddine lance sa première et véritable offensive contre les Croisés. Il libère et  récupère Gaza. Il attaque et provoque des dégâts dans les rangs ennemis à  Ashkelon. Au début du printemps de la même année il attaqua les Croisé dans la mer Rouge au Port de l’actuelle Aqaba. Il faut savoir qu’il transporta sa flotte en pièces détachées et à dos de chameaux pour les remonter avant la marée haute et ainsi interdire à la flotte des Croisés l’accès  à la mer rouge (13).

Ainsi, Salah Eddine pris le contrôle du commerce maritime des produits précieux en provenance de l’océan Indien et s’assura la sécurité militaire dans la mer Rouge.
La stratégie de Salah Eddine pour libérer Jérusalem commençait à prendre forme dans ses aspects politiques, militaires et économiques. Toutes ses actions étaient concertées, progressives et à visée globale.

L’influence politique de Salah Eddine


Au Caire, Salah Eddine a commencé par renforcer son influence politique puis il a usé de son pouvoir politique pour prendre les mesures nécessaires pour prendre le contrôole de l’armée, de l’épurer et de la moderniser. Toutes ces mesures politiques et militaires l’ont amené à détruire le système économique féodal des castes du régime fatimide en Égypte. Sur le plan géo stratégique il a remplacé dans les postes névralgiques de l’état les seigneurs de  guerre et les féodaux de l’Egypte fatimide par  par les princes qui sont venus avec lui de Syrie.
Toutefois, Salah Eddine  ne s’est pas empressé de mettre fin ou d’annoncer la fin du régime fatimide. Il a attendu patiemment le temps le plus propice. ce moment est arrivé, le premier vendredi du mois de Muharram de l’année 567 AH / 1171, le jour de l’agonie du dernier Khalife fatimide. Il a ordonné que l’oraison et le sermon du vendredi ne mentionnent plus le nom du Calife fâtimide, qui était alors malade et cloué au lit, mais le nom du Calife `abbâside. Cela signifiait en fait la chute de la dynastie fâtimide et l’avènement d’une nouvelle ère.  La prise du pouvoir était symbolique. Le Calife fatimide décéda onze jours plus tard (14).

Ainsi, l’arène nationale est entièrement libre devant Salah Eddine. La relation tendue et le conflit latent avec Nour Eddine  Mahmoud émergent à la surface. Mais sa priorité était la politique des complots et des troubles fomentés par le roi des Croisés, Amaury qu’il lui fallait traiter avec prudence car le monde musulman n’était pas encore suffisamment fort et unifié pour mener une guerre de front contre les Croisés. Amaury avec l’age et la maladie restait attiré   par le mirage de l’Égypte, mais cette fois, il préférait ne pas suivre la voie de la guerre, mais celle de la division des arabes, de la gestion des crises entre musulmans. Maître en intrigues il a comploté avec le « Sultanat du Yémen» et les vestiges des forces fidèles aux Fatimides en Egypte pour  affaiblir Salah Eddine au Caire. Toutes les intrigues des Croisés  n’ont pas réussi a entamé la stratégie patiente et victorieuse de Salah Eddine.

Salah Eddine victorieux contre les comploteurs du Yémen qui furent crucifiés avec leur chef devint une hantise pour Amoury qui resta pétrifié devant les défaites de ses alliés, de ses comploteurs et de la flotte qu’il a financé et équipé  pour soutenir le complot du Yémen et la diversion à Alexandrie contre Saladin (15). La popularité et le pouvoir de Salah Eddine ne faisait que s’accroître.
La mort de Nur al-Din Mahmoud, le 11 Chaoual, l’année 569 AH / 15 Mai 1174 fut la réponse du destin comme  solution au problème de la relation critique entre les deux hommes. Le destin se manifesta encore dans le décès du roi des Croisés Amoury. SSalah Eddine venait d’être débarrassé en même temps  d’un adversaire politique redoutable et d’un ennemi militaire plus inquiétant.
Salah Eddine se trouvait par le choix du destin face à l’héritier « Amoury » un garçon de dix ans d’âge et atteint de la lèpre, Baudouin, et de l’autre côté, face à l’héritier de Nour Eddine Mahmoud un autre enfant, Ismail, incapable de gouverner. Il ne pouvait y avoir une opportunité plus favorables pour  conduire Salah Eddine  sur la voie de la réalisation de son objectif: Jérusalem.
La dégradation des différends politiques au sein de l’entité des Croisades ne pouvait  être ni atténuée ni éliminée par le recours à  une alliance au sein du monde musulman, forte et capable de donner un souffle nouveau aux Croisés contre Salah Eddine. Les facteurs de division sont encore présents mais à ce moment précis des croisades il n’y avait pas un contemporain arabe ou musulman des croisades capables par sa force militaire ou par sa représentativité politique et populaire à être un allié crédible contre Salah Eddine. L’Europe divisée et épuisée ne pouvait plus continuer  d’envoyer l’aide nécessaire aux Croisés francs.

Dans ces conditions il ne restait à Salah Eddine  que  prouver qu’il est l’homme de cette étape, et de tirer profit du  vent favorable pour mener un Jihad de grande envergure contre les Croisés à la fois comme objectif de libération de Jérusalem et comme voie  de reconstruction de l’unité et de la puissance de l’état musulman  disloqué et affaibli.
Alors que les princes qui se sont emparés des pays musulmans sont encore plongés dans dans les litiges autour d’intérêts mesquins et de préoccupations minables tout en luttant entre eux sur qui pourrait gagner la faveur d’être le tuteur du petit Prince Ismail Saleh bin Nur al-Din Mahmoud (16), Salah Eddine  n’est pas rentré dans leur jeu. Il a agit avec une  remarquable intelligence; En l’an 570 AH / 1174, est venu à Hama (qui a été  jointe à son État depuis une courte période) pour accueillir des émissaires du calife abbasside accompagné d’une délégation honorifique portant drapeaux noirs (l’emblème de la dynastie abbasside), lui présentant la lettre signée par le Calife, le nommant  Sultan de l’Égypte, sultan  de la Syrie ainsi que des autres sultanats (17).

De la libération et de la reconstruction

Son habileté politique et son intelligence de manœuvre l’ont placé de fait et de droit comme légitime souverain  alors que les comploteurs se sont trouvés faisant figure de violeurs de la  loi. La libération de Jérusalem passait par l’unité politique et l’unité de commandement militaire et pour cela Salah Eddine  a axé sa stratégie à réaliser la première partie de son projet : l’unification du monde arabe en récupérant sous son commandement politique et militaire Damas, Homs et Hama. Ce projet réalisé il s’est empressé de se rendre à Alep qui demande l’aide de  « Raymond  III, » le gouverneur de Tripoli. Il a barré la route aux troupe des Croisés leur faisant marche retour après les avoir ventilé aux quatre coins de la terre par le Jihad (18). Et l’année suivante 571 AH / 1176, Salah al-Din est retourné pour imposer un embargo sur  Alep, sans résultat.

Dans le camp des Croisés rien ne semble arrêter la détérioration continue des conditions morales et des divergences politiques. Il n’a y avait  aucun espoir que les problèmes internes des   Croisés puisse trouver solution par la tutelle de Raymond III  comte de Tripoli sur le trône occupé par un roi malade. La tutelle du roi malade ou  l’intronisation d’un nouveau roi ne trouvaient ni consensus ni compromis au sein des Croisés. A ces problèmes de règne s’ajoutait le problème des colons croisés en terres arabes qui ne trouvaient plus écho ou préoccupation prioritaire en Europe confrontée à d’autres problèmes internes.

L’aide aux  Coalisées ne pouvait pas venir des byzantins car L’empereur byzantin, Manuel Comninos se trouve lui-même en position de faiblesse devant l’empire « Turcs Seldjoukide. Il est dans l’incapacité de négocier ou de manœuvrer face au sultan seldjoukid  Arslan II, qui lui infligea une  catastrophique défaite à la bataille de Myriocephalon en 1176, après avoir brisé les lignes défensives de l’armée byzantine, cette armée construite par la famille impériale  » Comninos »  sur plusieurs générations (19).

Salah Eddine a construit un service de renseignement efficace et compétent. Il connaissait le niveau de crise morale, politique et militaire des Coalisés. Sur les renseignements de ses agents il a lancé une attaque sur les Croisés dans la région du Sahel dans les territoires palestiniens au moins de Jamadi premier l’an 573 AH / 1177, et fut la seule fois que  Salah Eddine pécha par excès de confiance en soi et par un relâchement de l’armée dont  les troupes ont été autorisés à être moins en deçà des  des règles établies par Salah Eddine. Le résultat ne se fit pas attendre : son armée connut la pire et la plus lourde défaite de son histoire. Mais globalement cette défaite n’est pas déterminante pour changer le rapport des forces militaires et l’équilibre des pouvoirs politiques  dans la région qui devenaient de plus en plus en  sa faveur(20).

Salah Eddine ,  a passé les années suivantes au sein de l’armée qui menaient des  escarmouches mineures dans les  batailles contre les Croisés et  contre les princes Alzenkyines concurrents dans l’orient arabe, à la fois en Syrie et en Irak. Il a ouvert deux fronts de luttes en même temps mais sa stratégie n’a pas changé : il avait deux axes de combat : l’un sur la consolidation du front arabe et l’autre sur la préparation  à la guerre décisive contre les Franques. Ces deux axes sont indissociables, ils concourent ensemble à la libération de Jérusalem.
En l’an 578 AH / 1182, Salah Eddine à la tête de son armée est sortie d’Égypte allant vers la Syrie, l’Égypte ne pouvant plus être  menacée par les Croisés. Les années suivantes ont été cruciales dans la préparation de la lutte contre les Croisés. Salah Eddine a consacré son temps a organiser la résistance contre l’occupant, à mener des batailles contre ses postes et à lutter sur le font intérieur à unifier le rang des musulmans sous une seule bannière loin des convoitises des princes et des opportunistes.

Dans le camp des Croisés, les conditions vont de mal en pire, la peste fait rage, les divergences politiques s’accentuent, l’incapacité de la chrétienté à trouver une solution à l’enlisement au moyen orient et la disparition de l’allié stratégique des croisés le roi byzantin Manuel Comninos mort en Septembre 1180. L’empire byzantin a perdu de sa force et de son influence au moyen-orient (21).

la guerre psychologique

Salah Eddine a su tirer profit des circonstances pour se faire conduire vers son objectif stratégique. Contre les Croisés il a utilisé cet étonnant mélange de diplomatie, de  propagande, de guerre psychologique et de confrontation militaires en transformant en sa faveur le rapport de forces. C’est la même stratégie  qu’il va utiliser  contre Ses rivaux arabes les princes Alzenkyines.
Il conclue avec les Croisés une  trêve en l’an 1180. Mais la faiblesse du roi Baldouin IV à cause de sa maladie et à cause de la convoitise et du bellicisme du prince de Kerak Reynald de  Chatillon qui ne comprenait pas l’avantage réciproque de la trêve allaient pousser les événements à leur paroxysme ultime (22). L’année 578 AH / 1182, fut l’année de l’affrontement décisif dans l’histoire de l’Islam face aux Croisades.

A ce moment précis de l’histoire, l’État de Salah Eddine  comprend presque l’ensemble de la Syrie, de l’ Égypte et de l’ Irak, à l’exception des provinces d’Alep et de Mossoul. Pour Salah Eddine inclure ces deux sultanats dans l’État unifié était une priorité avant de livrer la bataille décisive pour ne pas prêter flanc à des coalitions comme par le passé. Cependant, ses tentatives pour saisir par la force Alep n’ont pas abouti (23).

Dans le même temps, Reynald de chatillon a lancé une attaque contre la ville portuaire Ayila l’automne de cette même année,  ensuite il a brûlé plusieurs navires des opérateurs musulmans dans la mer Rouge, et a envoyé  de nombreuses troupes croisées qui commençaient à s’approcher de la ville sainte  Medina. La flotte militaire égyptienne mit fin à l’expédition des Croisés et libéra les soldats musulmans et leurs familles mis en esclavage par les troupes croisées qui   avait débarqué sur la terre du Hijaz. Le Prince Hassam Eddine loulou (la perle de l’islam) qui commandait la flotte égyptienne, exécuta deux croisés sur le port libéré et le reste des prisonniers fut exécuté à leur retour au Caire (24).

Cette rupture de la trêve par Chatillon et la colère des masses musulmanes devant la tentative d’expédition contre les lieux saints et la victoire remportée par la flotte égyptienne donna à Salah Eddine al Ayoubi davantage de conviction pour unifier les rangs des musulmans et restaurer l’unité territoriale et politique de la nation musulmane. Le double danger des Croisés et de la division des musulmans s’est encore accentuée même s’il  n’a jamais quitté l’esprit de Saladin alors qu’il n’était qu’un simple soldat dans l’infanterie de Shirkuh en Egypte (25 ).
De l’avis du professeur David Jackson, le sultan Salah Eddine  faisait preuve d’une grande intelligence sur le plan de l’analyse et de la pratique politique,  de l’ingéniosité dans la gestion des affaires de l’État, et  dans l’art raffiné de la préparation du terrain politique et des mesures  diplomatiques avant de prendre toute action militaire (26).
En tout état de cause, l’année 579 AH / 1184 les eforts de Salah Eddine furent sanctionnés par l’allégeance de la province d’Alep dans le cadre de la Convention sur la paix. Le renforcement politique du Sultan Salah Eddine est tel que l’historien Stephen Ransiman déclare qu’au cours des deux  siècles précédents, l’histoire de la région n’a jamais  vu un état arabe aussi fort et unifié comme celui de  Saladin (27).

Cette année, il déploya des troupes de Damas vers la forteresse  imprenable de Karak fief de Chatillon le haineux. Il assiège le fort sans pouvoir s’en emparer(28). On pense que Salah Eddine  avait voulu par cette sortie provoquer juste quelques escarmouches pour montrer sa puissance militaire à des fins politiques et de propagande dans le contexte de la guerre psychologique qu’il avait décidé depuis longtemps dans sa campagne de déstabilisation des Croisés dans l’attente de l’opportunité de mener la bataille décisive pour libérer Jérusalem.
Dans la stratégie de Salah Eddine il n’est pas envisageable de mener une  guerre totale contre les Croisés tant que l’émirat de Mossoul continuait de  constituer une menace pour lui. Il avait la conviction  que l’unité des forces politiques et militaires dans la région arabe est nécessaire, elle est la condition essentielle pour garantir la victoire en cas de guerre totale contre les Croisés. Il savait aussi par son longue expérience de combat et de gestion des affaires de la région que les forces des croisés allaient vers l’affaiblissement et qu’il fallait les harceler sans répit pour accélérer leur affaiblissement et donner à ses troupes plus d’expériences militaires avant l’heure H. Son intelligence était de rester lucide et de construire la victoire d’une manière décisive et pour cala il fallait ne pas perdre l’objectif final, la libération de Jérusalem , et les objectifs intermédiaires,  accroître la vulnérabilité des croisés d’une part et parvenir à l’unité arabe politique, militaire d’autre part, avant la confrontation finale.

le siège de Kerak

Salah Eddine  connaissant le caractère belliqueux et irrespectueux des traités et conventions de Chatillon et l’importance  de la forteresse de Kerak dans le dispositif militaire, économique et commercial concentra ses efforts au harcèlement de Kerak. Il assurait ainsi la sécurité des convois routiers entre l’Égypte et la Syrie et fissurait la défense de son ennemi par l’usure.
En l’an 579 AH / 1183, le Sultan Salah Eddine recevant des renforts d’Égypte est passé du siège  à l’assaut de Kerak la soumettant sous un déluge de tirs de catapultes et de flèches. Les armées musulmanes ont  fait battre en retraite à l’intérieur de la forteresse le prince de Chatillon et son armée  sortis à la rencontre des troupes de Salah Eddine.  Chatillon n’a sauvé sa vie que dans la fuite abandonnant une partie de ses troupes à leur sort.

L’assaut final a été retardé à cause de la célébration du mariage de deux princes. La mère de la princesse a demandé à Salah Eddine de ne pas gâcher leurs fêtes et lui a envoyé des mets et des gâteaux. Il agréa la demande la mère et tint promesse de ne pas bombarder la tour où se déroulait la cérémonie montrant une fois de plus son esprit chevaleresque et son humanité. Il a donc maintenu le siège qu’il a été contraint de lever pour aller à la rencontre des renforts des  croisés venant de Palestine. Il mit en déroute les armées croisées à Naplouse et Jénine, libérant déjà une partie des territoires palestiniens (29) … Il est ensuite retourné à Damas. Si nous avons décidé de  parler de cet aspect militaire en dépit de l’absence de victoires significatives, c’est dans le but de clarifier l’intérêt de Salah Eddine  des questions tactiques et stratégiques qui pourraient affecter la réalisation de ses objectifs suprêmes. Dans ces objectifs la  forteresse de Karak est une grave menace qu’il faut contenir et en même temps il faut sécuriser le transport des  convois commerciaux et des forces militaires entre l’Egypte et la Syrie.

La conjugaison du politique, du militaire et de l’économique dans une vision stratégique claire et une prise d’initiative toujours en avance sur l’ennemi apporte ses fruits et donne à Salah Eddine  davantage de force politique : Baldouin IV » le roi croisé de Jérusalem, en 1185,  contraint les Croisés à la signature  d’un traité de paix avec Saladin pour un mandat de quatre ans. Ce temps était suffisant pour Salah Eddine de parachever l’oeuve d’unification des Arabes. Il avait donc le temps et la liberté d’action militaire et de  manœuvre politique contre l’émirat de Mossoul. Le gouverneur de Mossoul  a répondu, sous la  pression sans relâche de Salah Eddine, de signer tenir un traité reconnaissant l’extension du pouvoir du Sultan Salah Eddine sur la province de Mossoul.

L’interprétation de ce traité sur le plan militaire s’est soldé par l’accroissement de la force militaire de Salah Eddine  de  six mille cavaliers de l’émirat de Mossoul. Pour l’époque c’était une  force militaire conséquente (30). Au niveau stratégique le rapport des forces  a résolument changé en faveur des musulmans qui venaient enfin de réaliser la cohésion sociale et l’unité politique et militaire. Salah Eddine venait de réaliser une partie de son rêve et concrétiser un  objectif principal: la réalisation de l’unité politique et militaire.
Ensuite est venu l’an 581 AH / 1185 le point culminant du génie stratégique de Salah Eddine  qui a  utilisé avec art et efficacité la combinaison de la force militaire, de la manoeuvre politique, de la guerre psychologique, et de la bonne planification de tous ses plans et de ses  mouvements contre l’ennemi.

Il n’est pas inutile de souligner quelques faits marquants. Il a été le Sultan qui a reconstruit  la flotte égyptienne faisant d’elle une marine militaire crainte   dans la mer Rouge et la Méditerranée. Il a mené une action diplomatique isolant les Croisés et les empêchant de construire des alliances tant avec les arabes qu’avec les européens. Ainsi il a  persuadé les villes italiennes de tirer profit économique en faisant un transfert direct de leur centres  commerciaux sur le sol égyptien en leur garantissant la  paix et la sécurité. Il a ouvert une passerelle diplomatique avec l’empire byzantin qui a permis la signature d’un accord avec l’empereur byzantin « Ondronicos » le libérant des intentions de l’Europe de l’Ouest  dont la culture des Croisades  jetaient le doute, la méfiance  et la suspicion sur toute relation avec le monde arabe et musulman (31).

Les signes de la guerre

L’année 582 AH / 1186 annonce les  signes de la guerre et les signes de la défaite des croisés: les Croisés se sont divisés divisés en deux groupes après la mort de leur roi  Baudouin IV « , et son successeur», Baudouin V  » un enfant sous tutelle, qui décédera  l’été de la même année.

Intelligente et capable de manœuvre, Izabela la  fille du roi Amauri I est arrivée à surmonter les rivalités au sein des Croisés pour imposer son époux Guy de Lusignan  roi du royaume des Croisés de Jérusalem.  Le premier camp des croisés s’articulait autour de la reine, Isabelle, de son mari, qui était un modèle dans le genre de  combiner  la beauté des traits physique et la laideur du comportement moral et des  faucons pour qui   la guerre et la violence sont les seules méthodes à avoir envers avec les musulmans. Le second camp des croisés représentait  été un certain nombre de princes dont Raymond III  Comte de Tripoli, qui étaient d’avis qu’il vaut mieux chercher l’apaisement avec  les musulmans, tant que les conditions ne permettent pas de combats décisifs en leur faveur(32).

Voila en gros le panorama politique dans la région arabe à l’approche de la libération de Jérusalem et s’inscrivant dans une lutte longue et acharnée entre les deux parties du conflit. C’est dans cette configuration politique et militaire que Renaud de Chatillon entre de nouveau en scène pour remettre en cause le traité de paix entre Salah Eddine et les Croisés dans des conditions défavorables aux coalisés dont une partie des troupes souffraient de maladies, de faim et de nostalgie. Agissant de concert avec les faucons Renaud de Chatillon a quitté la forteresse de Kerak pour attaiquer, en violation des accord signés, des convois commerciaux musulmans, assassinant les uns et faisant captifs les autres. Il a donné l’occasion à Salah Eddine d’ouvrir de nouveau les hostilités militaires contre les Croisés.

De l’avis de l’historien allemand Hans Meyer « Salahaddin »   ne pouvait pas se taire sur les menaces de Chatillon sur la sécurité de  la route commerciale entre l’Égypte et l’Orient et du traffic maritime  de la mer Rouge et de l’Océan Indien (33). A  mon avis, cette attaque était attendue par Salah Eddine et elle lui a donné  prétexte de se délier de son pacte et de lancer une guerre décisive contre les Croisés maintenant qu’il a unifié le monde arabe et achevé la préparation des plans stratégiques de la guerre.

Les Croisés furent  embarrassés  par les nouvelles alarmantes qui leur annoncent les préparatifs militaires des musulmans en vue de les attaquer. Ils étaient dans un désaroi tel qu’ils ont failli aller au dela du clivage politique  à la guerre civilele (34). Finalement le sentiment général du dnger imminent mit fin aux divergences et souda les Coalisés en un bloc uni pour faire face aux musulmans avec vigueur et détermination. Près de la ville de Nazareth en Palestine les Franques parviennent à lever la plus grande armée de l’histoire des Croisades. Ils ont mobilisé sur pied de guerre environ  dix-huit mille soldats d’infanterie et de cavalerie dont mille deux cent équipés d’armement lourds et quatre mille chevaliers, et cette avec son nombre et son équipement est pour l’époque quelque chose de colossale.

La force de l’armée franque ne pouvait cacher l’état psychologique de ses soldats ramassés à travers toutes les colonies sous leur domination : la panique et le manque de préparation.
Les forces du Sultan, Nasser Salah Eddine al Ayoubi étaient constituées de trois corps d’armée, un corps syrien dont il était lui-même le commandant en chef, le corps des forces égyptiennes et le corps des forces  irakiennes. Les corps d’armées égyptiennes et irakiennes étaient réparties en brigades chacune sous le commandement des princes venus d’Égypte et  d’Irak et sous le commandement des propres frères et des propres fils de Salah Eddine.

Nous devons avouer qu’il n’existe aucune statistique pour évaluer le nombre et l’équipement des forces musulmanes. A mon avis le nombre devrait presque le même que celui des Croisés. La différence résidait dans la motivation au combat, la stratégie de combat et dans les armes et les équipements.

Au  mois d’ Octobre 1187 (27 Rajab en 538 AH), Salah Eddine libère Jérusalem.

 

Qassem Abdou Qassem

Traduction : Omar Mazri

A suivre …/… partie 2/2


 

bibliographie :

D.C. Munro ،  » The Speech of Pope Urban II at Clermon »، American Historical Review «  »، XI (1906)،pp. 231-242 ; H. Hagenmayer ، « Chronologie de la Premiere Croisade 1094-1100″،Revue de l،Orient Latin ، Paris 1893- Bruxelles 1962، VI، p.225>                          أنظر أيضا: قاسم عبده قاسم، ماهية الحروب الصليبية: الإيديولوجيا، الدوافع، النتائج، (دار عين للدراسات والبحوث الإنسانية والاجتماعية – القاهرة 2004م) ،ص103 –ص108.

(2) Fulcher de Chartres ، Historia Hierosolymitana- A History of the Expedition to Jerusalem ،1095-1122 (transl. by Francis Rita Rian. Xnoville 1969) ،pp. 62-69. انظر الترجمة العربية لروايات كل من: فوشيه الشارتري والمؤرخ المجهول وروبير الراهب وجيوبرت النوجنتي وبلدريك الدوللي عن خطبة البابا أوربان الثاني في: قاسم عبده قاسم، الحملة الصليبية الأولى – نصوص ووثائق تاريخية (دار عين للدراسات والبحوث الإنسانية والاجتماعية ، 2001م) ،ص73-ص89.

(3) (3)Fulcher de Chaetres،pp.45-128;William of Tyre ،A History of the Deeds done beyond the Sea،(transl. by Emily Atwater Babcock & A.C. Krey،Colombia University Press،1943) vol. I،pp.379- 385.

انظر أيضا: ابن القلانسي، ذيل تاريخ دمشق (نشره أمدروز، بيروت 1908م )، ص136-ص137؛ ابن الأثير، الكامل في التاريخ، (الطبعة الثانية – دار الكتاب العربي، بيروت 1967م ) ج8، ص189- ص190.

(4) ابن شداد، النوادر السلطانية والمحاسن اليوسفية (تحقيق جمال الدين الشيال 1964م) ص235- ص237؛ العماد الأصفهاني، الفتح القسي في الفتح القدسي، (تحقيق محمد محمود صبح، طبعة الهيئة العامة لقصور الثقافة 2003م ) ص116- ص129؛
أبو شامة، كتاب الروضتين في أخبار الدولتين (طبعة دار الجيل – بيروت)، ج.2، ص28- ص47؛ ديفيد جاكسون، « صلاح الدين: حطين والاستيلاء على القدس – وجهة نظر » في: 800 عام –حطين والعمل العربي المشترك (دار الشروق 1989م)، ص86- 87.

Mayer ، H. E.، The Crusades(Oxford University Press 1972)، pp.131-2.

(5) ابن القلانسي، ذيل تاريخ دمشق، ص143- ص163؛ ابن الأثير، الكامل في التاريخ، ج8 ،ص235-ص260؛ انظر أيضا: Mayer،The Crusades ،pp.74-75

حيث نجد بيانا بالحدود التي وصلت إليها المستعمرات الصليبية.

(6) ابن القلانسي، ذيل تاريخ دمشق، ص321- ص322؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا بأخبار الأئمة الفاطميين الخلفا (تحقيق محمد حلمي أحمد، وزارة الثقافة المصرية 1999م)،ج2، ص296-ص306؛ ابن الأثير، الكامل في التاريخ ،ج9، ص42؛ William of Tyre ، op. cit.vol. II،pp.220-234

(7) arshal W. BaMldwin ، « The Latin States uder Baldwin III &Amalric I،1143-1174 » in Setton (ed.)، A History of the Crusades،(The University of Wisconsin Press 1969)،vol. I، pp.536-38.

(8) المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص358-ص364؛ ابن الأثير، الكامل، ج9، ص81؛ أبو شامة، الروضتين، ج1،ص329-ص331؛ ابن شداد، النوادر السلطانية ،ص36William of Tyre ،op. cit.vol.II،pp.302-303.

(9) قاسم عبده قاسم، في تاريخ الأيوبيين والمماليك (دار عين للدراسات والبحوث الإنسانية والاجتماعية 2007م )، ص18-ص27.

(10) أبو شامة، الروضتين ج1، ص405؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3 ،304.

(11) أبو شامة، المصدر السبق ،ج1،ص451-452؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا ،ج3، ص313.

(12) ابن شداد، النوادر السلطانية ،ص33-ص34؛ أبو شامة، الروضتين، ج1، ص456- ص457 المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص315؛ ابن الأثير، الكامل، ج9، ص105- ص106

William of Tyre، op. cit. ،vol.I، pp.363-368;Baldwin ، op. cit. vol.I،pp.563- 568،565-566; Mayer، op. cit.p.124.

(13) أبو شامة، الروضتين، ج1، ص486؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص320؛

Mayer، op. cit. ، pp.124.

(14) المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص321-ص327؛ وقد ذكر المقريزي أن الخطبة كانت في يوم الجمعة سابع شهر المحرم سنة 567 هجرية، وهو خطأ؛ لأن الجمعة الثانية في الشهر لا يمكن أن تكون في اليوم السابع من الشهر؛ وإنما تكون في اليوم الثامن أو بعده؛ أبو شامة، الروضتين، ج1،ص493- ص518 .

(15) أبو شامة، الروضتين، ج1، ص518- ص567؛ ابن واصل، مفرج الكروب في أخبار بني أيوب (تحقيق حسنين ربيع، دار الكتب المصرية 1972-1977م)، ج1، ص152وما بعدها؛ Mayer، op. cit. pp.124-125

(16) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص49.

(17) المقريزي، السلوك لمعرفة دول الملوك، (تحقيق محمد مصطفى زيادة، طبعة دار الكتب المصرية سنة 2007م)، ج1، ص59-ص60.

(18) أبو شامة، الروضتين، ج1 ، ص602-ص603؛ ابن الأثير، الكامل ،ج11، ص165-ص166؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص57-58.

(19) يقارن المؤرخون بين هذه الهزيمة الكارثية والهزيمة التي كان الأتراك السلاجقة قد أوقعوها بالبيزنطيين تحت حكم الإمبراطور « رومانوس ديوجينيس » في مانزكرت (ملاذكرد) سنة 1071م. انظر:

Steven Runciman ، A History of the Crusades، (Harper & Torchbooks ، New York 1955 ) vol.، pp.407- II 408

(20) أبو شامة، الروضتين، ج1، ص699-ص703؛ ابن شداد، النوادر السلطانية، ص42-ص43؛ المقريزي، السلوك ،ج1،ص64؛

Runciman ،op. cit.، vol.II، pp. 416-418.

(21) Ibid ، vol.II، pp.426-420.

(22) المقريزي، السلوك ،ج1، ص72.

(23) نفسه ،ج1، ص74-ص75.

(24) ابن واصل، مفرج الكروب ،ج2، ص137؛ المقريزي، السلوك ،ج1، ص78- ص79؛

Mayer ،op. cit. ، pp.131- ff. ; Runciman ،op. cit.، vol.II، pp.436-437.

(25) ديفيد جاكسون، « معركة حطين »، ص67-ص91.

(26) نفسه ،ص91.

(27) Runciman ،op.cit. ، vol.II،p.435.

(28) Hamilton Gibb،  » The Rise of Saladin  » ،in Setton (ed.) ، A History of the Crusades، vol. I، pp.380-381.

انظر أيضا: المقريزي، السلوك، ج1، ص81-ص82.

(29) المقريزي ، السلوك ،ج1، ص83- ص84؛

Runciman ،op. cit. ، vol. II ، pp. 440- 445.

(30) المقريزي، السلوك، ج1، ص89- ص90

Mayer، op. cit. ، p. 126 ; Runciman ، op. cit. ، vol. II ، pp. 444 – 445.

(31) Mayer ، op. cit. pp. 127- 130.

(32) Mayer ، op. cit. ، p. 130 ; Runciman ، vol.II ، pp. 447- 449 ;

جمال الدين الشيال، تاريخ مصر الإسلامية، ج2: العصران الأيوبي والمملوكي، ص63- ص64، وقد أشار المقريزي (السلوك، ج1 ، ص92) إلى هذه الحقيقة بقوله: « … ووقع الخلف بين الفرنج بطرابلس، فالتجأ القومص إلى السلطان، وصار يناصحه….) وهو يقصد بالقمص الكونت ريمون الثالث السانجيلي أمير طرابلس الصليبي.

(33) Mayer، op. cit. p131.

(34) Runciman < op. cit. vol. II ، pp451- 452.

(35) ر. سى. سميل، الحروب الصليبية (ترجمة سامي هاشم، المؤسسة العربية للدراسات والنشر، بيروت 1982م ) ، ص69-83 ،ص95- ص124 حيث يتحدث عن الجيوش العربية والجيوش اللاتينية على التوالي.

 

Traduction : Omar Mazri

Al-Messiri : Occident, colonisation et sionisme

Etude du comportement humain et du sionisme

Al-Messeiri a eu le mérite d’instaurer un projet intellectuel d’envergure dont les productions se sont diversifiées entre ses célèbres recherches sur le sionisme, en passant par les recherches en sociologie et la critique littéraire pour finir avec les contes pour enfants.

Le projet de Abdel-Wahab Al-Messeiri consistait essentiellement à mettre sur le tapis une panoplie d’idées théoriques et méthodologiques pour interpréter les phénomènes sociaux, surtout celui du sionisme auquel il a porté un grand intérêt. Et c’est à travers cette étude qu’il a réussi à cristalliser ses théories et ses analyses.

Toutes les idées théoriques de Messeiri découlent d’une question traditionnelle dans le domaine des sciences sociales : peut-on comprendre le comportement humain en appliquant les mêmes méthodes utilisées dans la compréhension des phénomènes sociaux ? Mais la réponse de Messeiri est négative et ses arguments sont clairs. L’homme est la seule espèce qui pose des questions sur le pourquoi des choses et qui est toujours en quête de connaître la raison derrière son existence. Bref, c’est une créature qui a une mission à remplir, car elle constitue une partie inhérente à la nature, dans laquelle elle vit et interagit à plusieurs niveaux.

Pour rapprocher cette idée, le lecteur peut par exemple méditer sur l’idée maîtresse du grand linguiste Noam Chomsky sur ce qu’il appelle le miracle de la langue. Selon Chomsky, la langue est une qualité innée chez l’enfant. Le discours ordinaire repose sur la composition de relations logiques entre le lexique et l’accomplissement des opérations de dérivation que l’enfant effectue sans étudier la logique. En d’autres termes, l’esprit de l’enfant (c’est-à-dire ses facultés de compréhension qui ne sont pas concrètes mais qui peuvent effectuer ses opérations compliquées pour former des phrases compréhensibles) est donc plus complexe que son cerveau (du point de vue organique). Et donc, il est difficile de cantonner l’homme à son aspect biologique. Alors pour comprendre le comportement humain assez complexe, il faut trouver un modèle d’interprétation respectant l’indépendance relative de l’homme de sa nature biologique. Un modèle qui prendrait en compte les opérations complexes à travers lesquelles l’esprit humain emmagasine le flot d’informations qu’il reçoit sur son entourage et sur son vécu pour les réarranger par la suite conformément à leurs significations et leur importance. Le stade suivant est celui consistant à effectuer des opérations d’abstraction et de compilation afin d’apporter une certaine justification au phénomène faisant l’objet d’étude. Ces opérations sont appelées par Messeiri la création d’un modèle interprétatif du phénomène.

 

Comment Messeiri a-t-il appliqué cette position théorique sur la cause principale des Arabes qui est le conflit avec le sionisme ?

Il a commencé par réfuter le discours se rapportant aux droits et qui se limitait à se lamenter de l’injustice qui a été infligée aux Arabes ainsi que le discours contestataire qui considère que l’attaque menée contre le sionisme doit être impérativement justifiée. En revanche, Messeiri a présenté une analyse profonde sur le sionisme consistant à critiquer le fait qu’il s’est considéré comme une exception humaine de l’histoire. Le sionisme insiste à considérer les groupes juifs un peuple organique vivant en dehors de l’histoire. Selon la vision sioniste, ces groupes n’ont pas été influencés par les sociétés dans lesquelles ils ont vécu tout au long des siècles. Mais ils se sont enfermés sur eux-mêmes et ont préservé leurs caractéristiques, ont choisi leurs propres lexiques historiques et rêvent du retour à la « terre promise ». Pour Messeiri, la première étape pour comprendre le sionisme est de le situer dans son contexte historique en tant que phénomène colonialiste étranger que l’on ne peut comprendre que dans le contexte historique colonialiste de la fin du XIXe siècle.

Messeiri est resté fidèle à ce procédé rigoureux dans son analyse des différentes dimensions du phénomène sioniste. De même, lorsqu’il a abordé l’un de ces dossiers les plus épineux du XXe siècle, à savoir celui de l’holocauste. Contrairement aux tendances qui le considèrent comme un événement exceptionnel dans l’histoire humaine et qui est dirigé contre les juifs en tant que race, Messeiri a considéré cette problématique autrement en la reléguant à un niveau plus complexe. Sa vision avance que la problématique essentielle est de considérer l’holocauste comme un modèle intensifié d’une tendance d’extermination latente dans l’esprit colonialiste. Celle-ci voit le monde et les individus comme une simple matière destinée à la consommation et de laquelle il faut tirer la meilleure partie et s’en débarrasser le cas échéant. Il a essayé d’attirer l’attention sur les opérations d’extermination antécédentes et leur relation avec la configuration impérialiste occidentale. Et donc aux yeux de Messeiri, le tout est cantonné à une interprétation historique délicate et à un souci humain général qui touche toutes les victimes de la colonisation occidentale.

 

Messeiri était-il un apôtre du boycott ou de l’animosité envers l’Occident ?

La question importante qui s’impose est la suivante : Messeiri était-il un apôtre du boycott ou de l’animosité envers l’Occident ? La réponse peut être négative ou affirmative et cela dépend de ce que l’on entend par le mot « Occident ». Pour Messeiri, il faut distinguer entre deux niveaux en traitant avec le concept Occident. Un niveau figuratif qui le confinait à son image colonialiste hégémonique. L’autre niveau est historique, celui qui traite avec l’Occident en tant que réalité historique et géostratégique et qui considère « l’homme occidental » plus complexe que « le modèle d’hégémonie occidentale ». Messeiri a de tout temps été l’un des fervents opposants et un militant contre ce modèle.

En réalité, il est nécessaire de dissiper l’équivoque existant entre les deux niveaux pour comprendre la position de Messeiri vis-à-vis de l’Occident. Et donc, selon cet ordre d’idées, la dimension centrale est celle de la libération et non du racisme, et l’animosité émane du modèle d’hégémonie impérialiste. La position hostile s’élève essentiellement contre le modèle d’impérialisme occidental et non pas contre l’Occident en tant que tel. D’autant plus que nombreux sont les alliés de l’Occident qui s’érigent devant le modèle impérialiste d’hégémonie.

Le legs de Messeiri est un patrimoine scientifique précieux et créatif et une étude exhaustive du phénomène du sionisme ainsi que d’autres phénomènes scientifiques. C’est également une prise de position et une pensée libéraliste qui, tout en ayant critiqué le colonialisme occidental, s’est ouverte aux produits de la pensée humaine occidentale fut-elle ou orientale. Il nous a laissé également, en fin de compte, l’expérience humaine fertile d’un penseur soucieux de former et d’encourager un nombre énorme de disciples dans les diverses spécialisations de sa pensée encyclopédique. C’est à eux de sauvegarder son patrimoine et de le développer.

Yasser Elwi

http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2008/7/16/opin4.htm