La douce mutation du HAMAS par le « printemps arabe »

 

Le HAMAS semble en pleine mutation qu’accélère le « printemps arabe ». Depuis l’agression contre la Libye facilitée  par la Fatwa meurtrière  du Dr Qaradhawi qui a fait prévaloir son positionnement partisan de « Frères musulmans »  sur son devoir de savant Rabbaniy, le HAMAS s’est rangé furtivement derrière le « printemps arabe » et les pétrodollars faisant de moins en moins cas de la résistance, de l’unité nationale, du retour des exilés, de la terre palestinienne dans son intégralité. Au moment où Israël est en difficulté il consent à lui accorder une trêve sans contrepartie évidente. Au moment où l’Autorité palestinienne est discréditée, agonisante et mise au placard sur le plan internationale il lui accorde des concessions allant jusqu’à promettre des élections « démocratiques » menées conjointement.

La présence de la direction du  HAMAS n’est plus concentrée à Damas mais elle est devenue une boutique itinérante entre Istanbul, Tunis et Qatar. Des informations sérieuses provenant de Syrie affirment que près de 500 combattants du HAMAS combattent au côté des « révolutionnaires » internationaux qui cherchent la chute du régime, la guerre civile et la partition de la Syrie  en conformité avec l’agenda sioniste et américain. En 2010 à la conférence d’Istanbul présidée par le Cheikh Qaradhawi le Kowétien An Nafissi expert en géopolitique a dit à haute voix ce que les organisateurs de la conférence pensaient tout bas : il n’y a plus de nécessité à la lutte armée.

Dans le piège de l’administration du Gazastan, le HAMAS a  imposé son organisation, sa vision et son schéma tactique à l’ensemble de la population allant jusqu’à combattre des factions armées ne partageant pas son idéologie et expulsant les militants du FATAH alors que dans la Sharia islamique combattre le musulman ou l’expulser de sa maison ou de son territoire est une transgression grave. Après la liquidation des deux faucons et hommes clé de la résistance armée  Saïd Siam et Nizar Ryan par Tsahal lors de la guerre « opération plomb durci » de décembre 2009, et après la mise à l’écart de Mohamed Nezzal du Bureau poliique, le HAMAS se trouve conduit par Mechâal proche de Qaradhawi et par Haniya un pragmatique assez sympathique qui se contente de son petit khalifat de Gaza.  Nezzar qui fait office de ministre des affaires étrangères, en réalité sans poste et sans prérogatives, est de fait écarté de l’équation stratégique. Il est remarquable de le voir à Téhéran reçu par le guide de la République islamique pour rappeler les fondamentaux du HAMAS au moment où les autres sont en pérégrinations vers les capitales arabes qui sont en train de faire allégeance à l’Empire au nom du pragmatisme et de l’illusion de se débarrasser des tyrans de Libye et de Syrie avant d’affronter Israël.

On remarque que  la Syrie qui a supporté l’effort de guerre des Palestiniens et des Libanais, se trouve, dans ces moments tragiques de subversion qui risque de lui couter son existence sinon sa paix civile, devant un silence ingrat du HAMAS. Ce silence ne peut s’expliquer lorsque le Hezbollah affiche son soutien ferme et indéfectible à la Syrie et  sa disponibilité à être partie prenante dans le conflit qui oppose la Syrie à l’agenda impérialiste et sioniste. Il ne peut s’expliquer lorsque le Front démocratique de la libération de la Palestine commandée par Ahmed Jibril prend position en mettant ses combattants et son armement basés en Syrie au service de l’Etat syrien. Il ne s’expliquer lorsque Ramadan Shallah chef du Jihad Islamique de la Palestine informe l’opinion publique de son refus de quitter la Syrie malgré les propositions d’accueil du Qatar et ses pétrodollars.

Que fait donc le HAMAS? Le HAMAS, devenu pragmatique et gestionnaire se prépare à l’après Bachar al Assad et revient donc au giron des Frères Musulmans égyptiens dont il est l’émanation idéologique. S’inscrivant dans l’illusion d’une hégémonie des Frères Musulmans il se prépare à faire des concessions majeures. Pour l’instant les observateurs arabes, avisés et informés, voient le HAMAS se rapprocher de l’Occident. Ce rapprochement ne vise pas seulement à ce qu’il en soit plus perçu comme une organisation terroriste mais comme une triple voie menant vers :

        La reconnaissance de l’Etat d’Israel

        Un printemps arabe qu’il conduirait en Cisjordanie lui donnant les clés de Ramallah et de l’Autorité palestinienne

        La liquidation définitive de l’OLP.

De la même façon que l’Empire et le sionisme peuvent cohabiter avec des régimes se disant islamiques si ces derniers ne remettent pas en cause l’existence et la paix  d’Israël ainsi que  le nouvel ordre mondial. Ils peuvent construire des mosquées, s’habiller en gandoura et en Niqab et même faire des invocations contre les USA à condition de ne pas s’occuper de géopolitique, de souveraineté du peuple, d’indépendance économique et de participation à un front mondial de résistance contre le sionisme et le capitalisme. Le HAMAS parrainé par le Qatar, la Turquie, la Tunisie et l’Egypte pourrait gouverner l’ensemble des isolats et des ilotismes territoriaux de ce qui reste de la Palestine.  Brejinsky partisan de la collaboration des USA avec les mouvements islamiques affaiblis et infantilisés est partisan de la doctrine du « soft powerment » qui préconise de laisser les Etats-Unis gérer les conflits selon ses intérêts en supervisant les autres dans leur engagement même si les autres sont des groupes, des organisations ou des Etats islamiques. Pour l’instant cela marche bien. La gesticulation des partisans de la « solution islamique »   ou le sensationnel de l’explication eschatologique de l’histoire ne change rien à la validité et à l’efficacité de la doctrine. Il faut espérer qu’Israël fondée sur la violence et habituée à la transgression et à l’agression ne prennent l’initiative de mener une nouvelle guerre et ainsi réveiller les consciences arabes et acculer les Etats-Unis et leurs vassaux à  entrer comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.  

Ceci ne reste qu’une analyse qui s’inscrit dans les conséquences néfastes des révolutions arabes menées sans cadre d’orientation idéologique et récupérées par des arrangements d’appareils qui se sont   trouvés confrontés à un état des lieux les poussant vers la facilité qui consiste à revenir vers le giron du nouvel ordre mondial et conserver le pouvoir à l’aide des pétro dollars et solliciter  l’intermédiation politique et diplomatique des monarques vassaux de l’Empire. Isolé le HAMAS se trouve donc comme une aiguille aimantée dans un champ magnétique contraint de s’aligner sur les lignes de forces les plus fortes en tout pragmatisme. Le HAMAS se trouve aussi vieilli, épuisé par le pouvoir car il n’a pas évalué à sa juste conséquence l’impossible conciliation de la résistance et de la gouvernance ou n’a pas innové en trouvant une organisation inédite qui lui permet de gouverner et de mener la lutte dans un axe de résistance multiforme ouvert à tous les Palestiniens.

Le président égyptien, frère musulman, vient enfin d’autoriser l’ouverture des postes frontalier avec Gaza. C’est bien mais insuffisant, car cela ne pourrait être qu’une devanture. L’essentiel est ailleurs : Gaza doit être considérée comme la profondeur stratégique de l’Egypte et à ce titre sa reconstruction, son approvisionnement et sa défense sont l’affaire de l’Egypte. Faudrait-il que l’Egypte ait les moyens et la liberté de sa politique. Pour cela il faudrait qu’elle soit adossée à l’axe de résistance mondiale contre le sionisme et l’impérialisme qui va lui assurer à son tour la profondeur stratégique pour faire face à l’Empire et à ses alliés.

En dernier ressort la Ligue arabe avec ses trahisons a poussé le monde arabe à perdre ses repères et à cultiver la démission et la défaite, et à préférer le consumérisme capitaliste à la résistance lorsqu’il ne préfère pas l’OTAN à la souveraineté nationale. Le jour où les gouvernants et les élites se réveilleront ils constateront que tous les pays et les organisations qui se sont opposés à Camp David seront décapités par la règle simple, celle de la mémoire cultivée comme une idole et de la revanche comme culte. Les Arabes n’ont ni mémoire, ni culte, ni dignité à moins qu’Allah ne fasse émerger des utérus de nos femmes des hommes, des vrais :

{O vous qui êtes devenus  croyants, quiconque d’entre vous renie sa Religion, Allah fera venir des gens qu’Il Aime et qui L’aiment, humbles à l’égard des croyants, fermes à l’égard des renégats, qui s’efforce dans  la voie d’Allah et ne redoutent point le blâme d’un censeur. Cela est la Munificence d’Allah, Il l’Accorde à qui Il Veut.} Al Maidah 54 

Omar Mazri 

liberation-opprimes.net

Au cœur du dispositif du « jour d’après » une Syrie post-Assad

 Le « jour d’après » vient en fait utilement illustrer (s’il en était besoin) l’article   très documenté de Charlie Skelton sur la gestion d’une partie de   l’opposition syrienne par les Etats Unis et leurs habituels associés, la   Grande Bretagne et la France.

L’organisme dont il est question ici, l’U.S. Institute for Peace (USIP),   s’intéresse à l’organisation institutionnelle de la Syrie le ‘jour   d’après’.

Et non, le ‘jour d’après’ n’est pas celui qui suit une catastrophe, nucléaire   ou climatique   comme on  pu en voir sur les écrans.

Parce que le ‘jour d’après’ c’est le lendemain de la chute du régime   baathiste, ce qui, du point de vue américain, serait tout sauf une   catastrophe.

A lie cet article de Foreign Policy, on a presque le sentiment d’être   devant des gens qui font un travail innocent et cherchent à rendre un service   désintéressé. Voyez-vous, ils rendent même compte de leurs travaux à l’ONU et   à la Ligue Arabe.

Le gouvernement syrien n’y est cependant pas convié. Et pour cause. Depuis   quand un Etat souverain, démocratique ou non, confie-t-il sa destinée à une   officine qui dépend directement d’ ‘un gouvernement étranger.

Et on croit comprendre que certains acteurs politiques ne participent pas   non plus aux discussions. C’est semble-t-il le cas des Frères Musulmans et   d’autres organisations qui ne sont pas « mainstream » sans qu’on sache   exactement ce qui est entendu par là.

Peut-être l’opposition patriotique qui a toujours refusé de pactiser avec   la France, la Grande Bretagne et les Etats Unis ? En tout cas l’article laisse   clairement apparaître qu’une partie de l’opposition est hostile aux manigances   de l’USIP.

Le responsable de cette officine, Steven Heydemann insiste sur le fait   qu’elle ne travaille pas sur les modalités d’éviction du pouvoir en place. Du   moins pas directement.

De toute façon, nous précise-t-il, si son organisation travaille sur le   ‘jour d’après’, d’autres travaillent sur le ‘jour d’avant.’

C’est ce qu’on appelle la division du travail, le taylorisme   appliqué à la chirurgie sociopolitique.

Au cœur de l’effort discret pour organiser une Syrie post-Assad

Ces six derniers mois, quarante hauts responsables des diverses organisations  de l’opposition syrienne se sont réunis discrètement sous la tutelle de l’U.S.  Institute for Peace (USIP) pour étudier les modalités de mise en place d’un  gouvernement post-Assad.

Ce projet, qui l’implique pas directement des officiels du gouvernement des  Etats Unis mais a été partiellement financé par le Département d’Etat, a vu sa  pertinence s’accroître ce mois-ci avec le déchaînement d’une violence  incontrôlée en Syrie et l’éloignement de la perspective d’une transition  politique pacifique. Le responsable du projet, Steven Heydemann de l’USIP, un  universitaire spécialiste de la Syrie, a présenté le plan à des officiels de  l’administration Obama ainsi qu’à des officiels d’autres pays, y compris en  marge de la réunion des Amis  de la Syrie à Istanbul le mois dernier.

Le projet est baptisé « Le jour d’après : Soutenir une transition  démocratique en Syrie. » Heydemann a parlé en détail du projet pour la  première fois dans un entretien accordé à The Cable. Il a décrit l’action de  l’USIP comme consistant à « travailler dans un rôle d’appui à un groupe  important d’organisations d’opposition pour définir une Syrie post-Assad.»

Les leaders d’opposition impliqués dans le projet de l’USIP se réunissent  depuis janvier et informent de leurs travaux la Ligue Arabe, le groupe des Amis  de la Syrie, l’équipe de l’envoyé spécial de l’ONU Kofi Annan et le Conseil  national syrien d’opposition.

Les efforts du groupe se concentrent sur la mise au point de plans concrets  pour ce qui suivra immédiatement après l’effondrement du régime, pour atténuer  les risques d’un chaos bureaucratique, sécuritaire et économique. Le projet a  aussi identifié certaines choses qui peuvent être faites à l’avance pour  préparer une Syrie post-Assad.

« Nous avons organisé le projet par des approches systématiques, y  compris pour la réforme du secteur de la sécurité, » explique Heydemann. « Nous avons apporté un appui technique aux opposants syriens qui  participent à notre projet, et les Syriens ont identifié des priorités pour des  choses qui doivent être mises en œuvre maintenant. »

Il souligne que le rôle de l’USIP est principalement un rôle de facilitation  et de coordination. « Les Syriens sont beaucoup à l’initiative  là-dessus, » dit-il.

Dans les semaines à venir, l’USIP a l’intention de publier un rapport sur le  projet qui fera fonction de document de stratégie à l’usage du nouveau  gouvernement. La phase suivante est la mise sur pied d’un réseau de soutien « pour commencer à appliquer ces recommandations au sujet des choses qui  doivent se produire maintenant, » explique Heydemann.

En plus de la réforme du secteur de la sécurité, le groupe a abouti à un plan  de réforme du secteur de la justice et à un cadre de travail pour le rôle de  l’opposition armée dans la Syrie post-Assad. L’idée est de préserver ces  structures de l’Etat syrien qui peuvent être maintenues le temps de préparer des  réformes dans les secteurs qui ne peuvent pas attendre. A titre d’exemple, une  bonne partie du système judiciaire syrien pourrait être conservé.

Le groupe a mis au point quelques propositions innovantes pour rendre moins  chaotique la transition post-Assad. Un exemple cité par Heydemann était l’idée  de brigades mobiles de contrôle judiciaire qui pourraient être déployées afin  d’examiner rapidement et de libérer les détenus prisonniers du régime après sa  chute.

Le projet a également essayé d’identifier les personnels du régime qui  pourraient jouer un rôle utile dans  la phase suivant immédiatement la  chute d’Assad.

« Les Syriens qui travaillent à ce projet comprennent très bien qu’une  transition ne consiste pas à effacer l’ensemble du cadre juridique et politique  de la Syrie, » observe Heydemann. « Nous avons appris quantité de  choses par les participants de sorte que nous pouvons vraiment commencer un  travail de sélection très grossier. » ­[de ce qui doit subsister].

Le projet conduit par l’ISIP a soigneusement évité de travailler à l’éviction  du pouvoir du régime d’Assad.

« Nous avons tout à fait intentionnellement laissé de côté toute  contribution directe au renversement du régime d’Assad, » déclare  Heydemann. « Notre projet s’intitule ‘le jour d’après.’ Il y a d’autres  groupes qui travaillent sur le jour d’avant. »

Le projet a été financé par le Département d’Etat, mais il a aussi reçu des  subventions du ministère suisse des affaires étrangères ainsi que d’ONG de  Norvège et des Pays-bas. L’USIP est partenaire de l’Institut Allemand des  Relations Internationales, c’est pourquoi toutes nos réunions se sont tenues à  Berlin.

L’absence d’officiels de l’administration Obama à ces réunions, même en tant  qu’observateurs, était délibérée.

« C’est une situation où un rôle trop visible des Etats Unis aurait été  extrêmement contre-productif. Il aurait donné au régime d’Assad et à [certains]  des éléments de l’opposition une excuse pour délégitimer le processus, » explique Heydemann.

Il dit aussi qu’aucune des organisations qui s’écartent des courants  dominants de l’opposition n’a de relations avec le projet, bien que les  participants supposent que les islamistes seront une composante significative de  tout nouvel ordre politique syrien.

L’idée n’est pas de prédire si, comment et quand le régime d’Assad pourrait  tomber, mais plutôt de faire autant que possible, le plus discrètement possible,  pour se préparer à toute éventualité.

« L’effondrement du régime pose un ensemble de défis ; une transition  négociée en pose d’autres. Même si nous ne sommes pas certains qu’une transition  va se produire, il serait profondément irresponsable de ne pas se préparer à une  transition, » déclare Heydemann. « Nous donnons à l’opposition une  opportunité pour qu’elle fasse la démonstration de sa capacité à entreprendre ce  travail, ce qui est déjà très important. »

Josh Rogin

Article original : Inside  the quiet effort to plan for a post-Assad Syria

Traduction : Mounadil  al Djazaïri