Les mythes des miteux volent en éclats

Nourris de mythes et gouvernés par des miteux nous ne faisons qu’attendre le retour du Messie ou l’arrivée du Dejjal pour surmonter nos difficultés et supporter la nausée qui s’empare de nous lorsque nous tentons de voir la réalité du monde que nous hantons. Nous oublions que chaque jour qui vient il y apporte avec  une proposition de renouvellement qui s’offre à chacun de nous. Il apporte aussi son lot de malédiction. Parfois des choses inouïes se produisent pour réveiller de la torpeur, de l’insouciance ou du dégoût.  C’est ainsi que ces derniers jours nous voyons les syllogismes fallacieux et les artifices mensongers annonçant l’apocalypse non seulement voler en éclat, mais défier toute logique humaine routinière : il y a des forces supra-naturelles qui agissent et un destin qui s’accomplit.  Les événements qui s’enchaînent à une vitesse surprenante et dans une logique irrationnelle nous font penser à la fable de La Fontaine  » La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf »

Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma soeur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
– Nenni. – M’y voici donc ? – Point du tout. – M’y voilà ?
– Vous n’en approchez point. « La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

Cette allégorie de la vanité, de l’ambition démesurée, de l’arrivisme social et politique, des classes parasitaires va comme un gant au Qatar qui a commencé à enfler et enfler depuis pratiquement 1995 lors de l’arrivée au pouvoir du cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani par un coup d’État contre son père. La force de frappe du pouvoir qatari est constituée de :
– l’argent du gaz : le Qatar est le quatrième producteur de gaz naturel du monde après les États-Unis, la Russie et l’Iran; il est le premier exportateur de gaz naturel liquéfié.
– la diplomatie active,
– la plateforme internationale de l’aviation civile,
– et la chaîne médiatique Al Jazeera.

La chaîne Al Jazeera a réussi à briser le monopole des Saoudiens sur le paysage médiatique arabe. Dans ses rapports aux Saoudiens il faut se rappeler que le Qatar, depuis son indépendance le 3 septembre 1971 a toujours contesté le monopole de l’Arabie saoudite et a toujours refusé de devenir un membre des Émirats arabes unis ou de l’Arabie saoudite. Il faut se rappeler aussi que si la création du Qatar est une création des Britanniques à la suite de la décadence de l’Empire ottoman et de la découverte des hydrocarbures, elle est aussi la suite d’un processus de rébellion contre la tutelle bahreïnienne des Al Khalif. Al Jazeera a « libéré » la domination exclusive des gouvernements arabes sur l’information nationale. Elle a donné la voix aux opposants arabes y compris aux opposants au régime saoudien. Elle a su présenter un nouveau style et une nouvelle compétence fondés par le recrutement des meilleurs journalistes arabophones autour de l’équipe éditoriale en provenance de la Britannique BBC Arabic Television. L’Arabie saoudite a tenté de rivaliser avec Al-Jazeera en créant le 3 mars 2003 la chaîne Al Arabia par le groupe MBC ayant pour siège Dubaï aux Émirats arabes unis. Al Arabia est une chaine de désinformation avec des moyens colossaux (400 salariés et 120 journalistes).

Dans le monde arabe, la chaîne a pu gérer les contradictions du monde arabe : donner la voix au HAMAS, au JIHAD islamique, aux Frères musulmans et aux gouvernants de l’entité sioniste. Mettre en vedette Haykel le nationaliste laïc et Qaradhawi l’internationalisme islamiste. Couvrant la guerre en Afghanistan elle a montré Al Qaeda, Ben Laden, la résistance afghane et l’armée américaine.Elle a couvert la guerre au Kosovo, defendant les bosniaques et justifiant la guerre de l’OTAN contre la Serbie, elle a divulgué les accords secrets entre l’entité sioniste et l’Autorité palestinienne. C’était une révolution médiatique qui a donné de visibilité, de la présence et de la puissance au Qatar. Il appartient aux experts de l’information, du marketing, de la sociologie, de la politologie, de l’idéologie, de la diplomatie et du du renseignement de se prononcer sur ses constructions informationnelles et ses luttes idéologiques dans le monde arabe. Il y a du travail pour les jeunes doctorant.

Les choses se sont corsées lorsqu’Al Jazeera et la diplomatie qatarie sont devenus des acteurs partisans et sectaires lors du « printemps arabe » notamment en Égypte et en Libye. Le Qatar, dont la famille régnante se réclame du wahhabisme, soutient principalement les mouvements liés aux Frères musulmans, ce qui provoque de fortes tensions avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, très hostiles à la confrérie freriste. Les choses se sont aggravées lorsque le Qatar est devenu l’instrument idéologique, financier et militaire contre Maâmar Kaddhafi en Libye et Bachar al Assad en Syrie en plus de sa propagande médiatique. Cet instrument et cette propagande non seulement sont en rivalité avec l’instrument et la propagande des Saoudiens, mais en contradiction sur les tactiques, les stratégies et les finalités. Ce n’était ni une question de démocratie, ni d’Islam, ni de justice internationale, ni de solidarité humaine, mais des convoitises sur les ressources, des manifestations d’egos surdimensionnés, des comportements de pervers narcissiques qui ont instrumentalisé la religion et les valeurs humaines.

Porté par l’audience et la capacité de propagande d’Al Jazeera, les premières réussites en Libye et en Syrie, le régime qatari n’écoutait pas ceux qui le mettaient en garde contre la vanité et l’ambition démesurée qui font enfler jusqu’à exploser comme la grenouille de La Fontaine. Ni les Qataris, ni les Saoudiens ni les autres bédouins ne peuvent comprendre la morale subtile de la fable : un changement nocif qui s’effectue d’une manière suffisamment lente, mais arrogante finit par échapper à la conscience, au sentiment et à la raison. La descente aux enfers provoquée par la mégalomanie et le crime ne suscite ni réaction, ni opposition, ni esprit critique, ni révolte. En s’adaptant à sa folie et au chaos produit, en acceptant l’effusion de sang et en armant les tueurs l’individu, la société et les régimes subissent la loi de l’adaptation qui les conduit à tolérer le mal et à le propager jusqu’aux limites qui conduisent à l’explosion venant de l’extérieur ou à l’implosion venant de l’intérieur. Le pire de l’adaptation au mal c’est d’inverser les valeurs et les principes : prendre le mal pour le bien et le bien pour le mal. Les phénomènes addictifs sont destructeurs. L’addiction au pouvoir et à l’impunité est pire que celle à l’alcool et à la drogue.

وَمِنَ ٱلنَّاسِ مَن يُعْجِبُكَ قَوْلُهُ فِي ٱلْحَيَٰوةِ ٱلدُّنْيَا وَيُشْهِدُ ٱللَّهَ عَلَىٰ مَا فِي قَلْبِهِ وَهُوَ أَلَدُّ ٱلْخِصَامِ
وَإِذَا تَوَلَّىٰ سَعَىٰ فِي ٱلأَرْضِ لِيُفْسِدَ فِيِهَا وَيُهْلِكَ ٱلْحَرْثَ وَٱلنَّسْلَ وَٱللَّهُ لاَ يُحِبُّ ٱلفَسَادَ
وَإِذَا قِيلَ لَهُ ٱتَّقِ ٱللَّهَ أَخَذَتْهُ ٱلْعِزَّةُ بِٱلإِثْمِ فَحَسْبُهُ جَهَنَّمُ وَلَبِئْسَ ٱلْمِهَادُ

{Parmi les hommes, il y a celui dont le discours te plait lorsqu’il parle de la vie de ce monde. Il prend Dieu à témoin de ce que contient son cœur ; mais c’est le plus acharné des querelleurs. Dès qu’il [te] tourne le dos, il s’en va par la terre pour y semer la corruption et détruire les récoltes et le bétail ; mais Allah n’aime pas la corruption. Lorsqu’on lui dit :  » Prends garde à Dieu !  » la superbe s’empare de lui et le pousse au péché. La la Géhenne lui suffira : quel détestable lit !} Al Baqara 203

La descente aux enfers à cause de l’effusion de sang des Libyens, des Syriens et des autres humains ne fait que commencer. Elle a été initiée par un comportement qui ne sied pas à quelconque autorité religieuse : Les « savants » saoudiens ont fait valoir leur appartenance tribale et leur référence à Abdelwahab. Il a été suivi par une guerre médiatique avant de se transformer en rupture diplomatique, embargo économique et ultimatum militaire. Il s’agit tout simplement d’une demande de reddition pure et simple du Qatar aux injonctions saoudiennes sinon un coup d’État ou une invasion militaire. Les conditions de la capitulation sont dictées sous forme de dix commandements dont :
– la fermeture d’Al Jazeera ou son alignement sur celui d’Al Arabiya,
– le renvoi des cadres du HAMAS et des Frères musulmans résidents au Qatar,
– le paiement d’une taxe pour dédommager l’Arabie et les Emirats arabes des nuisances du Qatar. Il s’agit sans doute du paiement d’une redevance sur le gaz pour compenser l’imposition financière de Trump aux Saoudiens et une échappatoire aux futurs dédommagements à verser aux assurances américaines et aux victimes du 11 septembre. Il s’agit de laisser le Qatar endosser tout seul la responsabilité du terrorisme « islamique ». Les lobbies saoudiens aux Etats-Unis ont financé les campagnes médiatiques contre le Qatar l’accusant de soutien du terrorisme. Dans mes livres sur l’Islamophobie et les révolution arabes j’ai montré que la lutte idéologique de l’islamophobie consistait, entre autre, à enlever toute légitimité intellectuelle et morale aux savants musulmans en les poussant à la faute,connaissant leur amour du pouvoir, de l’argent et leur savoir limité à la compilation des livres anciens. Le jour où l’association internationale des savants musulmans serait taxée d’agents de subversion idéologique et de fabricants de terroristes est proche. Cela fait partie de l’ordre des choses. Qaradhawi ni ses disciples ne peuvent réfuter les appels à la rébellion armée et à la mise à mort de dirigeants arabes ni à leur légimitation de l’assassinat de figures religieuses ou politiques ni à leur justification de l’effusion de sang à grand échelle. Les pseudos intellectuels musulmans de France ont ramené l’islamophobie à une haine envers les banlieues françaises alors que les pseudos islamistes ont demandé l’intervention de l’OTAN.

Après le Qatar, chacun jouera en son temps et selon l’agenda de l’empire et du sionisme le rôle de bouc émissaire du terrorisme comme le montre la Fable de Jean de La Fontaine : Les animaux malades de la peste.

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste [puisqu’il faut l’appeler par son nom]
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

À notre époque, le scénariste, le moralisateur et l’acteur principal sont sous la direction de Donald Trump qui joue sur la lâcheté, l’arrogance, la servilité et la stupidité des Bédouins arabes. Pour relancer les projets de relance économique aux États-Unis il impose  :

  • au Koweït de verser 50% de son revenu annuel au lieu des 25% versé à l’Amérique en paiement de sa libération et de sa protection contre l’Irak,
  • à l’Arabie saoudite 500 milliards de dollars en achat d’armement américain et en investissements dans les infrastructures américaines.
  • Il va exiger du Qatar le paiement d’une dîme à vie ou du financement de l’autre partie de son projet de relance économique en échange de la protection américaine contre les convoitises de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes. Les positions contradictoires de Trump, souhaitant l’Arabie et accusant Qatar puis demandant à une conférence de paix à Washington,  ne sont pas stupides, elles sont celles d’un cambiste qui fait monter les enchères.

L’argent arabe va continuer de servir à détruire le monde arabe et à donner la suprématie à ses ennemis. Le monde arabe n’a que faire de l’arabité et de l’Islamité de l’imposture  » Serviteurs de deux lieux saints de l’Islam » comme il n’a que faire des luttes interconfessionnelles ou des rivalités de pouvoir : il veut la paix et  le progrès. Le chemin de la paix et du progrès est la liberté assumée par les peuples et la gouvernance sensée des élites.

Nous attendions l’apocalypse d’une guerre américano-arabe contre l’Iran et voila le Qatar ex grenouille enflée qui devient l’âne à dévorer.  Quelle que soit l’issue du Qatar, mangé cru, bouilli ou pourri ou comme une arête de poisson qui coince à la gorge,  l’Arabie saoudite sortira humiliée par sa stupidité et l’Iran grandi par son influence efficace.Les suites attendues de la crise qatarie sont nombreuses. Un coup d’État en Arabie saoudite n’est pas à exclure. la punition du Sultanat d’Oman pour sa neutralité envers l’Iran, le Yémen et Qatar… Gaza et le HAMAS sont cependant les premières victimes de la stupidité arabe. Le grand gagnant est l’entité sioniste qui va normaliser ouvertement ses relations avec les Arabes et arbitrer leur conflit ou faire office de Kawwad (entremetteurs) des Arabes auprès des États-Unis. Il n’y a pas de théorie de complot, mais  il y a des processus logiques. Le destin de Dieu n’est pas un arbitraire, mais des lois en oeuvre. En prenant position contre la Syrie, non seulement les dirigeants du HAMAS se sont montrés ingrats, mais corrompus et stupides. Le chien le plus méchant ne mord jamais la main de celui qui le nourrit, mais les dirigeants du HAMAS se sont détournés de la Syrie alors que Bachar al Assad a refusé les injonctions américaines et saoudiennes de cesser l’aide et la collaboration de la Syrie à la résistance palestinienne et libanaise. Comme on creuse son lit comme on s’y couche. J’ai écris un livre sur Gaza et la résistance du HAMAS dans lequel j’ai exprimé mon admiration et mon soutien pour la résistance palestinienne, mais dans lequel j’ai aussi exprimé ma crainte de voir l’héroïsme et la victoire confisqués par les bureaucrates et les rentiers de l’islamisme politique ou par les diplomates de l’extérieur.  Après le printemps arabe j’ai eu la chance de voir les troubles du camp de Yarmouk en Syrie dans leur tragédie à venir : la défection de HAMAS pour des considérations partisanes. C’est dans le moment de gloire que la tentation et l’épreuve sont les plus terribles. La réalité et la vérité ne manquent jamais d’interpeller un homme, une faction ou un peuple : pour quel principe tu as combattu et tu t’es sacrifié ?

Les changent ne demeurent pas en l’état et les saoudiens vont comme au Yémen s’enliser. Des processus se mettent en place et peuvent aider le Qatar non seulement à refuser la capitulation, mais à accepter la confrontation. :

Les Turcs changent la donne en envoyant leurs troupes d’élite au Qatar et en activant le pacte de défense commune. Ils font de l’offensive la meilleure stratégie défensive contre le plan de déstabilisation qui vise la Turquie et qu’Erdogan a permis par son ambition et ses confusions. Par ailleurs un grand pan de l’économie turque en particulier le secteur du bâtiment et de la construction est en partenariat d’affaire (montage financier et boursier) avec le Qatar et il est difficile de croire que la Turquie va assister impuissante à l’effondrement de son économie ou de sa confiscation d’autant plus que les retombées négatives de la guerre en Syrie se font sentir. La Syrie était un poumon industriel et commercial pour la classe entrepreneuriale turque ainsi qu’un réservoir de main d’oeuvre à bon marché. Par ailleurs la Turquie d’Erdogan a perdu un allié stratégique après le coup d’Etat de Sissi contre le président Morsi et et elle ne va pas se permettre de perdre le dernier allié. Les dirigeants turcs sont persuadés que le même scénario israélo-américano-saoudien appliqué contre les Frères musulmans égyptiens est en préparation au Qatar.

Les Iraniens changent la donne en ouvrant leur espace aérien et leurs ports. La chaîne saoudienne Al Arabia, par désinformation ou par crainte, annonce l’arrivée de troupes d’élite des Gardiens de la Révolution pour protéger le palais et dignitaires qataris. Les iraniens savent que les Saoudiens cherchent, sous impulsion américaine, n’importe quel prétexte pour leur déclarer la guerre, est-ce qu’ils vont donner ce prétexte ?

Les rencontres entre Turcs, Iraniens et Irakiens annoncent peut-être l’émergence d’un front anti saoudien qui va se manifester par le soutien effectif au Qatar. L’Émir du Qatar, jeune et intelligent, peut imaginer un scénario inédit même si la configuration géographique est en défaveur du Qatar.

La visite du MAE qatari à Moscou s’inscrit dans ce cadre. Les Russes ont intérêt pressant à une présence active au Moyen-Orient.

De part et d’autre nous sommes face à des mentalités arabes qui subissent l’affectif au lieu de se soumettre à la raison. Les choses peuvent donc aller vite, trop vite tout en se compliquant dans un sens ou dans l’autre. Dans l’immédiat les Russes, les Turcs et les Iraniens peuvent changer les lignes de confrontation et les échéances, mais ils ne peuvent changer les mentalités et le cours de l’Histoire. Ce qui est sur c’est que les rivalités entre Qatar et les pays du Golfe sont vielles comme le temps, ce qui est vrai aussi ce sont les luttes tribales et l’esprit clanique. À la différence du passé, lointain ou proche, le conflit sort de son cadre golfique pour devenir régional et en voie d’internationalisation.

La crise est installée durablement, son dénouement sera tragique et il viendra davantage de l’effondrement des États-Unis que du renouveau du monde arabe. Pour l’instant on ne peut que se réjouir de l’effondrement de l’OTAN arabe.

Le monde arabe – administrés et administrateurs, gouvernants et gouvernés, pouvoir et opposition, élite et gens du commun, musulmans et non-musulmans, islamistes et nationalistes, sunnite et chiite – doit impérativement penser à sa résistance contre la stupidité des siens et à la cupidité vorace des étrangers. Il doit comprendre qu’il n’y a ni dignité humaine ni autonomie politique ni patrie lorsque les nationaux ne produisent ni leur nourriture ni leur armement, ni leurs idées ni leur devenir. La fin des mythes des miteux doit nous faire prendre conscience qu’avec la mentalité miteuse qui nous habite depuis des siècles nous sommes aptes ni à importer la modernité et la laicité de l’Occident ni à nous propulser en élan civilisateur et libérateur de l’Islam.

Combien est vraie la sentence prophétique :

« Comme tu fais il te sera fait ».

Ivanka au pays des merveilles

Ivanka au pays des merveilles s’est vue offrir 100 millions de dollars pour sa ligne de vêtement en plus des yeux ahuris d’hommes qui ont l’habitude de promettre aux apprentis terroristes et aux fascinés du wahhabisme les houris du paradis. Son père, tonton Miki, s’est vu offrir un demi trillion de dollars. Ahurissant !

Tonton Miki ressemble étrangement à l’héros félin de l’auteur italien Giovanni Francesco Straparola le Chat botté (le Maître chat) qui utilise la ruse et la tricherie pour offrir le pouvoir, la fortune et la main d’une princesse à son maître mal-né et sans-le-sou. Initialement, le maître mal-né et sans-le-sou avait hérité de son père le meunier un chat, ses frères avaient hérité l’un du moulin et l’autre de l’âne. Mort de faim, l’héritier allait manger le chat, mais celui-ci doué de parole le persuada de le laisser vivant, car il allait lui assurer la fortune. Le chat se mit à capturer des lapins et à les offrir au roi au nom de son maître qu’il présentait comme marquis de quelque chose lequel se trouve ainsi et à son insu de renom glorifié. L’histoire « Les Nuits facétieuses » montre l’excellence d’un chat consacré bonimenteur.

Pour ceux qui n’ont pas lu le livre et n’ont pas suivi l’actualité, il faut juste rappeler que les Saoudiens avaient financé la campagne de Hilary Clinton et qu’ils étaient les premiers à être menacés puis humiliés par The Donald Trump. Ils se retrouvent versant 500 milliards de dollars : 200 milliards en achat d’équipements et 300 milliards en investissement sur le sol américain. Ni la Bruyère, ni la Fontaine, ni Kalila et Doumna des Perses (des Arabes) ni Charles Perrault des Français, ni Disney Channel des Américains ne peuvent imaginer ce qui se passe dans la tête des Bédouins devenus roitelets absolus grâce à l’alliance stratégique du wahhabisme, qui a assassiné ou abruti des musulmans, avec l’impérialisme britannique, qui a colonisé et assassiné ces mêmes musulmans.

Le diabolisme du colonialisme ressemble aux ruses de Satan, mais certains colonisés voient en Satan l’ami béni. Le musulman devrait être intelligent et lucide, ne jamais se faire piquer deux fois au même endroit et par le même serpent selon ce qui a été rapporté sur le Prophète (saws).

Donald Trump, Président des États-Unis d’Amérique, n’a pas choisi, par caprice ou saut d’humeur, l’Arabie saoudite comme première station dans sa sortie à l’étranger. Il a mis la pression sur les Bédouins du désert pour les pousser à manifester leur traditionnelle servitude envers le pouvoir politique, médiatique militaire et financier américain. Conduite par des vieux séniles, des jeunes stupides, des rentiers et une idéologie wahhabite, la monarchie saoudienne ne pouvait que répondre au chantage américain : pétrole saoudien en échange de la protection américaine sous l’ancienne dynastie wahhabite et tous les biens saoudiens contre la protection américaine sous la nouvelle dynastie wahhabite. Rien de nouveau sous le soleil !

L’ancienne dynastie, lignée du clan Abdelaziz, sous l’inspiration anglo-saxonne, a créé des mythes : serviteurs des deux lieux saints, organisation islamique, jihad contre l’URSS pour renforcer la présence américaine, céder la Palestine et affaiblir les mouvements nationalistes en quête d’émancipation de l’impérialisme. La nouvelle dynastie, lignée du clan Salmane, sous l’inspiration américano-sioniste parachève la démolition entreprise par les « anciens » et « innove » par la démolition de la Libye, de la Syrie et du Yémen.

Comme rien ne semble arrêter leurs trahisons et leurs félonies, ni peuples ni élites, les voici à l’œuvre pour offrir sur un plateau d’argent ce qu’aucun président américain n’avait espéré : financer la relance de l’économie américaine et agglomérer les armées arabes et musulmanes dans l’OTAN arabe (islamique) sous prétexte de lutter contre le terrorisme islamique. Ce terrorisme qui a frappé davantage les peuples arabes et musulmans qu’occidentaux est le produit de la pensée wahhabite, le résultat de l’instrumentalisation de la religion à des fins mondaines, la mauvaise gouvernance despotique et insensée, la prédation cupide et vorace de la mondialisation capitaliste. Donc avec ou sans l’OTAN arabe et islamique, le terrorisme a encore de vieux et longs jours devant lui, car les causes qui l’ont généré et les acteurs qui l’ont fondé sont en place pour ne pas dire ceux qui prétendent le juguler.

En conséquence de JACTA, l’Arabie saoudite et ses consœurs vont être saignées à blanc pour la gloire de leur idole qui les asservit et les met en situation de « kwawda » (entremetteurs auprès des prostitués, des maquereaux et maquerelles). Pourtant l’Islam criminalise l’intermédiation dans les intrigues galantes, la fourberie ou la maquerellerie. Si la loi républicaine romaine faisait des entremetteurs et des prostituées une caste d’infâmes, la loi monarchique des « Chouyoukhs » et des « Serviteurs des lieux saints de l’Islam » ont fait du maquereautage militaire, politique, financier, médiatique, une pratique licite et bénie. Il ne s’agit plus de plaire à Dieu, mais aux idoles de Washington qui par leurs directives font verser le sang des innocents, appauvrir les peuples et fragmenter des territoires.

Expert en cynisme et en narrative télévisuelle, The Donald a fait casquer les bédouins. Les Bédouins insensés et hostiles à la liberté humaine et à la dignité des peuples ont fabriqué l’audience qui va continuer de démolir ce qui reste du monde arabe et musulman en Syrie et en Irak. Ils ont tout misé sur Donald alors que l’Amérique risque soit d’entrer en guerre civile ou de le destituer. Au-delà de la haine contre Assad et les chiites d’Irak, il s’agit d’interdire la jonction idéologique et logistique entre deux armées arabes et musulmanes qui peuvent remettre en cause la suprématie militaire de l’État sioniste. Il s’agit d’anéantir ce que la République islamique d’Iran a construit sur le plan économique, politique, scientifique et militaire et de l’entraîner dans une nouvelle guerre. Il s’agit de désigner le Hezbollah libanais, le Jihad islamique et le HAMAS palestinien ainsi que l’ensemble des mouvements de résistance à l’occupation et à l’impérialisme comme mouvements terroristes à combattre.

Le gagnant est l’entité sioniste. Elle tire sa force du déchirement du monde arabe et musulman. Elle tire profit de la manne financière qui lui est restituée sous forme d’aide militaire américaine. Elle continue à se déployer grâce au soutien indéfectible et inconditionnel du véritable pouvoir américain : le complexe militaro-industriel.

Nous savions par lecture et par déduction que les monarchies arabes avaient des relations avec l’entité sioniste, maintenant nous savons que leur ennemi déclaré n’est plus l’entité sioniste, mais la République islamique d’Iran. Nous savons aussi que la manne financière accordée à « celui qui n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles devant la compromission arabe facile et gratuite » aurait pu libérer la Palestine, promouvoir la paix et le progrès dans le monde arabe et musulman, aider les paysans africains, asiatiques et sud-américains. Au lieu de cela nous allons continuer de voir l’effusion du sang arabe et musulman présidée directement et ouvertement par les généraux sionistes et américains. Ce qui peut stopper ou augmenter cette effusion de sang c’est la mise en déroute de l’OTAN arabe et musulmane et ses commandements étrangers sur les terrains de combat réels c’est-à-dire la Palestine, la Syrie et le Yémen.

Nous savons tant par l’histoire que par leurs comportements erratiques que leurs cœurs sont dispersés et leurs têtes sont insensées. Ils n’ont ni stratégie victorieuse ni perspective de triomphe. Nous voyons déjà leur échec au Yémen où les Émirats tentent de doubler l’Arabie saoudite. Nous voyons déjà le Qatar jeté en pâture comme bouc émissaire de leur échec en Syrie et comme contradiction entre les wahhabites et les Frères musulmans. Le Qatar va porter l’étiquette de pourvoyeur de fonds du terrorisme pour blanchir l’Arabie saoudite. J’avais prévu que Cheikh Al Qaradhawi finirait par se trouver sur la liste des recherchés par Interpol pour apologie du terrorisme. Il y a une logique implacable qui s’est mise en place dans ce qu’on appelle l’Islamophobie et le printemps arabe.

J’ai essayé de montrer dans mes livres et mes articles depuis 2010 qu’il y avait réellement une machination diabolique avec des visées de guerre et de prédation, cette machination s’appuie sur notre incapacité à comprendre les enjeux du monde et à notre suffisance intellectuelle qui n’arrive pas à distinguer l’accessoire de l’essentiel, l’ennemi de l’ami, le syllogisme fallacieux de la vérité, la narrative de la réalité. Les « élites » prisonnières de leur délire de dénigrement du pouvoir en place (ou son opposition) et de leur quête assoiffée du pouvoir (ou son maintien) n’ont pas voulu se concerter pour une pédagogie de résistance et une pratique de défense contre Satan incarné dans l’impérialisme. Combien étaient nombreux et puérils les Pygmalions, ceux qui avaient soutenu ou justifié l’agression de la Libye, de la Syrie puis du Yémen au nom de l’islamisme ou de la démocratie.

En attendant le dénouement final de la tragédie, cherchons la morale de la fable du chat bonimenteur faiseur de marquis et de rois dans ce monde post moderne où domine le mythe de Hermès, ce demi dieu promoteur du spectacle, joueur de pipeau et protecteur des voleurs et des commerçants. Les pays « démocratiques » sont pris de frénésie pour le spectacle, la beauté des apparences et le superficiel, ils sont en décadence civilisationnelle. On ne peut attendre des pays arabes et musulmans gouvernés par des insensés et habités par des insouciants un changement salutaire.  Au royaume des chats bonimenteurs, des ogres et de la corruption l’homme intelligent et perspicace (al Halim) se retrouve perplexe et étranger. Dans cette situation de perplexité et d’étrangeté, deux angoisses sur lesquelles nous n’avons pas de réponse :

Quelle sera la facture à payer en vie humaines, en années de développement perdu si les insensés poussent leur insenséisme à la guerre contre l’Iran ?

Alors que le monde se dirige de plus en plus vite vers une domination des forces satanique quand les terres d’Islam vont se mettre à produire en qualité et en quantité les forces vives et lucides utiles aux hommes sans sectarisme ni bigotisme ?

Est-ce que les Sunnites ont l’autonomie de penser et le courage d’agir pour se libérer des carcans du wahhabisme, du frerorisme et du maraboutisme religieux et politique et se consacrer à notre véritable vocation de musulman (mouslimine) : croire librement et faire le bien.

Est-ce nous allons continuer à accepter les narrations comme elles se présentent et en faire des dogmes sans les soumettre au bon sens.  Contre la logique évidente de la narration Charles Perrault veut faire croire aux enfants et aux adultes que la morale de l’histoire est :

Quelque grand que soit l’avantage
De jouir d’un riche héritage
Venant à nous de père en fils,
Aux jeunes gens, pour l’ordinaire,
L’industrie et le savoir-faire
Valent mieux que des biens acquis.

Et pourtant le récit est clair : le fils du Meunier n’a aucun mérite par lui-même et le chat n’a été ni industrieux ni laborieux, mais un manipulateur bonimenteur dont la ruse était facilitée par la naïveté déconcertante des paysans, des animaux, du roi…

Il est vrai que la Renaissance et les Lumières coloraient de leur idéologie matérialiste et « progressiste » toute production littéraire ou philosophique et annonçaient le triomphe du capitalisme technologiste. Ce capitalisme n’est pas fondé sur l’industrie et le génie humain mais sur le commerce inégal, la banque casino et l’exploitation des hommes. Le reste c’est du boniment.  L’Occident renaissant et éclairant a façonné notre mentalité, qu’elle se réclame de la république ou de la monarchie, du progressisme ou de l’islamisme, des gouvernants ou des gouvernés. Il fabrique du leurre pour des consommateurs de leurres surtout lorsqu’il s’enveloppe du merveilleux et du fascinant qui appelle à se démettre de son devoir de responsabilité et de lucidité. La réalité historique des bédouins n’a jamais été le travail, mais la rente y compris la rente religieuse. C’est cette rente qui nous rend acceptable les discours méprisants d’Obama au Caire et de Trump à Riyad.

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Omar MAZRI – http://liberation-opprimes.net/ivanka-au-pays-des-merveilles/