YOUSSEF LA RUPTURE AVEC LA SÉDUCTION ET LA TRAHISON, ET LA COMPÉTENCE À ÊTRE UTILE

Devant le consensus fragile et éphémère, l’Etranger exige une plateforme politique comme une astuce institutionnelle pour réformer la Constitution et placer un « vivant » aux commandes du pays sans élections ni légitimité afin de poursuivre la prédation et la rente et le système qui les alimente et les sauvegarde. Cette plateforme a autant de chances de donner des fruits que le régime à se réformer. Il ne s’agit pas d’une opinion politique, mais d’une analyse à la lumière des principes universels d’émancipation des peuples et d’édification des civilisations ou de leur effondrement et disparition. Ici nous sommes en présence d’un anéantissement, car les facteurs négatifs et nuisibles sont plus nombreux que les facteurs positifs et bénéfiques.

Prenons l’exemple sur une loi mise en exergue dans le récit coranique sur Youssef et l’obligation donnée aux hommes d’en tirer enseignement (عبرة  ‘Ibra ou passerelle de sens) non sur le plan religieux, mais sur le plan civilisationnel et eschatologique c’est-à-dire sur le salut ici-bas et là-bas. Cette loi s’énonce ainsi :

« Le Dhalem ne fructifiera pas… Le juste ne perdra pas les fruits de son labeur. »

Le Juste qui va modifier le cours de l’histoire ne s’improvise pas en quelques semaines. Il est une semence en maturation. Il est préparé à intervenir sans fracas et sans escroquerie pour modifier le cours de l’Histoire au profit des Hommes :

{Nous lui donnâmes la Hikma et le Savoir. De cette façon Nous récompensons ceux qui font le bien.}Coran 12-22

C’est plus qu’un projet politique, une réforme constitutionnelle, un Etat-nation, un soutien populaire ou un rang au sein de l’élite.

Ce n’est pas une hikma (حكمة) comprise comme sagesse, mais une disposition cultivée qui donne la compétence de résoudre les problèmes (de décider, d’arbitrer, de discerner) pour promouvoir une civilisation, sinon la restaurer lorsque la question de son devenir et de son salut se pose sur le plan existentiel. Nous sommes sur le plan de la vertu et de la probité qui rendent la compétence au changement un virtuel c’est-à-dire un réel en potentiel que le temps va actualiser et concrétiser lorsque les conditions sont réunies.

Le Ilm (علم) n’est pas la science qui consiste à connaitre les moyens techniques, les processus d’un phénomène ou les formalismes profanes ou religieux, mais le Savoir et la haute intuition par lesquels on perçoit lucidement la réalité, la conscience par laquelle on accède à la vérité qui donne les principes, la vision par laquelle on voit à l’horizon le devenir qui donne l’élan, enfin le sens des finalités qui procure la motivation et la constance. L’aptitude à réaliser le changement est donc une vocation civilisatrice, du moins réformatrice. Cette aptitude, cultivée par l’éducation et un sens aigu des responsabilités, peut ne demeurer qu’un germe en hivernation ou devenir une véritable compétence si elle venait à être reconnue socialement. C’est l’aptitude d’être socialement utile conjuguée à la reconnaissance sociale qui donne la légitimité sur laquelle vont se fédérer les légitimités auxiliaires : territoriales, historiques, économiques, culturelles, religieuses et intellectuelles…

Chez nous, on fait le contraire du civilisé et du civilisateur : on place les impostures, les usurpations et les syllogismes fallacieux et on les incarne dans des personnages de circonstance puis on les accrédite d’une légitimité par la force des armes, des médias, des rentes et de la validation étrangère.

Chaque jour que Dieu fait, chaque projet, chaque dépense, chaque réalisation et toute conscience vive témoignent de cette loi universelle :

 

إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الظَّالِمُونَ 12 -23

« Les Dhalimouns ne fructifieront jamais…

Le Dholm (ظلم) ce n’est pas seulement faire preuve d’injustice ou de manquer d’équité dans l’application du droit (constitutionnel, administratif, pénal, fiscal, travail, douanier…) et le respect des lois.

الــظلم: وضع الشيء في غير موضعه، وفي الشريعة: عبارة عن التعدي عن الحق إلى الباطل، وهو الجور، وقيل: هو التصرف في ملك الغير ومجاوزة الحد.

Le Dholm (ظلم): mettre la chose à son mauvais endroit, porter atteinte à la vérité, violer les droits d’autrui, mentir, manipuler, s’accaparer les biens d’autrui, nuire à la dignité humaine, transgresser les limites éthiques et substituer la laideur à la beauté, le nuisible à l’utile, la médiocrité à l’intelligence.

Le Dholm (ظلم), c’est donc  mettre les choses et les hommes dans les places qu’ils ne méritent pas, de donner des significations fausses, d’avoir des représentations mentales erronées, de mal distinguer la réalité de la fiction, de confondre la vérité et le mensonge.  Le Dholm (ظلم), c’est aussi l’outrance et l’exagération par lesquelles on heurte la sensibilité des braves gens, on gaspille les ressources et on rend stériles les forces productives et les idées créatives. Tous les mécanismes et toutes les pratiques qui fabriquent la dictature sociale, politique, économique, culturelle, idéologique, religieuse. Toute forme de dictature est une aliénation de la liberté humaine et une atteinte à son droit naturel, celui de la différence et de la diversité. Le monopole, l’exclusive et l’exclusivité sont les formes les plus abouties du Dholm, car elles engendrent la tyrannie.

Le faux témoignage est sans doute le pire des Dholms après le crime. Sur le plan des principes (universels), le faux témoignage non seulement est punissable par la loi par l’emprisonnement et les amendes, mais par la déchéance de la personnalité juridique qui fonde un citoyen ou un sujet dans un Etat – gouvernant ou gouverné, administré ou administrateur. Toutes les Révélations excluent le parjure de la vie sociale, juridique et économique : Dans cette existence, il n’a pas le droit de témoigner ou d’être mandaté, dans l’autre existence, il n’a pas la possibilité de racheter ses péchés. La plus grande puissance « démocratique » du monde, l’Etat-onusien, peut pardonner les fautes vénales, mais ne pardonnent pas le parjure. L’Algérie est une grande supercherie et une grande trahison, elle n’a pas de problème de conscience.

Le summum du faux témoignage en matière de foi et de croyance, c’est bien entendu d’adorer une divinité autre que Dieu, de donner à Dieu un émule, de lui attribuer des attributs anthropomorphiques : c’est le Dholm.

Le summum du faux témoignage en matière idéologique, politique et culturelle, c’est promouvoir des valeurs opposées aux principes universels permettant ainsi de parer le mensonge comme s’il était vérité, le vice comme s’il était vertu, la transgression comme si elle était légale. Dans cette manipulation le vrai, l’utile, le réel, le beau et le juste sont présentés comme des monstruosités, des humiliations… Comme c’est vilain.

إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الظَّالِمُونَ 12 -23

Certes, les Dhalimouns ne fructifieront jamais

L’affirmation de ce principe, non comme verbe sermonneur dans un prêche pour endormis ou une narrative fascinante lors d’un meeting électoral à bestiaux en quête du festif (Zerda et Tamina), mais comme conscience vive, qui frappe à la porte du destin comme les coups de la 5ème symphonie de Beethoven qui parvient « au royaume spirituel de l’infini » en sortant de « l’ombre de l’anonymat à la célébrité universelle ». Ce n’est qu’après avoir suscité la curiosité intellectuelle, artistique, sociale et culturelle que l’œuvre est parvenue à s’inscrire dans l’histoire des hommes et dans le sommet du gout esthétique. L’interrogation ou la curiosité est la première étape du changement, l’annonce que la conscience se recueille dans l’attention qu’elle porte à ses problèmes et dans l’attente de la réalisation du projet qu’elle fait émerger.  Sans cette conscience et le temps de maturation, la célébrité sera une imposture, un éphémère, une autre catastrophe. Sans la rencontre entre les conditions matérielles dont le savoir-faire et les conditions morales dont la vertu et la justesse, il n’y a ni talent ni changement ni créativité.

Youssef a été jeté dans l’ombre des geôles pour un principe : ne pas trahir celui qui lui a donné asile en succombant aux tentations de la belle éprise de lui d’un fol amour et pour laquelle il éprouvait un penchant. Le récit est authentique, mais sa portée est symbolique, il s’agit moins d’afficher une vertu sur le plan de la morale sexuelle que de prendre position contre la traitrise et la trahison au prix de sa vie et de sa liberté.

Quel est le coût de la confiance ? Quel est le prix de la forfaiture ? Quelle comparaison entre la séduction d’une belle et la convoitise prédatrice d’un pays ? Quel rapport entre la trahison d’un homme et la trahison envers un peuple, une nation ou une guerre de libération ?

Le récit de Youssef et l’Histoire des hommes nous livrent leur contenu et leur étendue. Regardez les trottoirs et les poubelles des grandes villes, regardez les cités dortoirs, regardez les hôpitaux, regardez les manuels scolaires, regarder le drame des Haragas, regardez les loques humaines, regardez l’intérieur du pays, regardez les médiocres qui nous gouvernent et écoutez les moqueries des médias et des chancelleries occidentales pour savoir que le Falah est impossible pour ceux qui ont confisqué les libertés, qui ont rendu impossible le développement social et humain, qui ont dilapidé les ressources, qui ont rendu stérile la pensée et l’imagination de l’Algérie.

N’ayez pas peur de voir l’horreur de l’indépendance confisquée : les veuves de Chouhada devenant une armée de femmes de ménage, les filles algériennes amenées à la prostitution, les Moudjahidines ravalés au rangs de détenteur de licences de tenanciers de bars ou de taxi, les plus nantis détenteurs de licences d’importation. Les plus honnêtes sont jetés dans l’ombre de l’anonymat et de l’oubli. Le sang, les larmes et la sueur de la révolution algérienne ont été occultés et effacés. On a cultivé la haine du Harki et du Colon pour faire diversion sur l’administration indigène de type coloniale qui a pris le pouvoir en Algérie. Les véritables Harkis sont la manifestation de la machine infernale de la subversion psychologique, du colonialisme qui a créé les conditions de nécessité vitale à la trahison ou à l’engagement dans les rangs de l’armée française comme auxiliaires de répression des peuples ou de libération de la France. Lorsqu’on parle de Harkis, on doit voir le drame algérien dans son aspect le plus humiliant de la dignité humaine que le colonialisme a entrepris après qu’il ait affamé le peuple algérien et maintenu dans l’ignorance. On doit voir les menaces sur les familles de Harki comme une manœuvre visant à éviter les procès contre les colons et les Algériens ayant participé à l’effusion du sang des Algériens ; ces procès auraient dévoilé la nature des traitres et des opportunistes qui ont exclu les Algériens et donné la préférence aux étrangers.

J’invite les jeunes algériens à faire des recherches sur le douar Soustara (ex Cathena) entre Jijel et Skikda et voir ce que l’enclavement d’un territoire peut donner comme résultat. C’est ce que le sionisme tente de faire en transformant Gaza en une enclave coupée du reste du monde. Ceux qui nous gouvernent actuellement sont pires que le Hizb frança dont on peut comprendre les mobiles et les motivations. Il s’agit du Hizb du Chaytan qui vise la destruction de la moindre parcelle de lucidité, de bien et de bonté dans la personnalité humaine afin de le rabaisser au rang de bête tout en cultivant son ego pervers et narcissique.

Lisez avec des yeux de vivants le récit, ne fantasmez pas sur le nom du roi ou celui de la belle, ne vous focalisez pas sur la fornication et le sexe :

إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الظَّالِمُونَ 12 -23

Certes, les Dhalimouns ne fructifieront jamais

Imaginez toutes les formes d’oppression, de dictatures, de trahisons, de monopoles, de faux témoignages, de rentes dans le domaine ontologique, social, politique, économique, administratif, culturel. L’Algérie et l’incarnation de tous les fléaux et de tous les Dholms. Presque 60 ans d’indépendance et on se retrouve dans le même état de délabrement moral et social qui a donné socle au Wahn annoncé par le Prophète (saws) et à la colonisabilité de Malek Benabi.  Mouloud Hamrouche évoque le retour au 16ème siècle qui a consacré la décadence de l’Empire musulman. Je pense que notre décadence remonte beaucoup plus loin, nous sommes sur le plan anthropologique des fossiles humains sans vestiges archéologiques, c’est à dire des peuplades en quête de chefs et de clans se contentant d’errer sur un territoire trop grand pour notre ambition reptilienne. En 2019, nous n’avons toujours pas de langue nationale :  nous demeurons analphabètes trilingues.

Le sieur Chekib poursuivi pour corruption par ses comparses, ose étaler son ignorance politique et linguistique en proposant l’anglais comme langue nationale et les USA comme partenaire stratégique au lieu de la France. Plus vassal que ça tu meurs ! Ce sont des expressions de Dholm structurel : notre mentalité est focalisée sur des choses, des ambitions personnelles, des mythes qui font obstacle à l’élévation vers des notions abstraites éthérées et sublimes comme le Droit, la Liberté, la Justice, la Spiritualité, la Civilisation, l’Homme et son sens du beau, du vrai et du juste…

Après avoir passé en revue les formes et les symptômes du Dholm que nous voyons, examinons maintenant le terme sublime du Coran que les arabisants modernes et les pieux anciens occultent : Al Falah (الفلاح)

L’exégèse coranique le confine au sens mondain ou métaphysique :

أَفْلَحَ = يوم القيامة فازوا في الدنيا وسعدوا

Triomphe dans ce monde et récompense dans l’autre.

Cette explication est insuffisante tant sur le plan sémantique que sur le contexte du récit coranique. Les encyclopédies arabes font la différence entre le succès mondain, la réussite sociale et la prospérité économique qu’expriment les termes arabes Najah et Dhafr النجاح  الظفر.  Le Falah évoque davantage le salut contre l’anéantissement ici-bas et l’enfer là-bas, ainsi que la pérennité du bien et du bon contre l’instauration du mal et du mauvais :

البقاء على الخير والنجاة من الشر –  الْفَوْزُ وَالْبَقَاءُ وَالنَّجَاةُ

Le Falah, c’est plus que cultiver son environnement humain et social ainsi que se cultiver sur le plan ontologique pour se hisser au rang du juste et du vertueux utile à l’humanité. C’est s’engager dans la voie du bien avec détermination, y demeurer avec constance et âme égale dans l’attente de la promesse divine : sanction des manquements et récompense des méritants.

Pour une meilleure traduction du sens nous avons eu recours aux dictionnaires français et à l’analogie lexicale entre le verbe arabe AFLAHA et les verbes Labourer, Cultiver. Nous sommes agréablement pour rester dans les sens étymologiques les plus proches entre l’Arabe et le Latin :

الفلاّح للحارث، لما هو يفرق التراب عند الحرث  – يفلحون الأرض أي يسقونها

Labourer du verbe laborer c’est-à-dire faire effort, travailler… Faire des sillons dans la terre pour l’ensemencer…

Cultiver du verbe Cultivarer : Travailler la terre ou un champ pour lui faire produire des végétaux utiles aux besoins de l’homme, défricher, labourer, faire de l’agriculture. Prodiguer des soins à une plante en vue de favoriser sa venue puis de la faire pousser. Élever les espèces animales dans le milieu le plus favorable à leur croissance et à leur santé. Cultivarer signifie aussi –  en plus de « travailler » la terre –   « vénérer » une divinité et rendre culte à une idole ou à un dieu. Initialement le lieu de culte est le lieu des offrandes et des sacrifices en gratitude à la divinité pour l’abondance ainsi que des invocations pour repousser les malédictions (du verbe mal dire) et s’attirer les bénédictions (du verbe bien dire). L’effort physique, la pensée rationnelle et l’élan spirituel sont conjugués dans la pratique de la culture lorsqu’elle n’est pas comprise comme divertissement.

L’architecture lexicale a permis de forger dans les langues latines les significations suivantes : Entretenir et exploiter les qualités d’un être vivant à des fins utilitaires ou esthétiques.
Faire fructifier les dons naturels permettant de s’élever au-dessus de sa condition initiale et d’accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur.

Mise en valeur du patrimoine et des arts : (s’)Éduquer, (s’)l’instruire, (s’) entourer de soins et de conseils en vue d’assurer le développement harmonieux et durable de la personnalité humaine.

Fructification des dons naturels permettant à l’homme de s’élever au-dessus de sa condition initiale et d’accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur.

Réunir l’ensemble des moyens et des conditions mis en œuvre par l’homme pour augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit, notamment le jugement et le goût.

Travail assidu et méthodique (collectif ou individuel) qui tend à élever un être humain au-dessus de l’état de nature, à développer ses qualités, à pallier ses manques, à favoriser l’éclosion harmonieuse de sa personnalité.

Les Arabes, en rupture avec leur socle linguistique, ont pris le sens de Culture dans le sens de divertissement, de folklore ou d’activités « culturelles » en forgeant le néologisme Thakafa ( ثقفة),mouthaqaf pour désigner la culture (activité) et le cultivé (compris comme instruit). Ils ont oublié le sens et la valeur des mots dans leur effort mimétique de l’Occident dont ils voulaient importer les choses de la Modernité par leur Nahda sans l’esprit moderne occidental qui a fondé la Renaissance. Nous avons le verbe Aflaha et les substantifs Falah et Fellah. Le plus triste est que le terme forgé Thakafa est antinomique avec notre esprit tordu et nos pratiques malsaines et malveillantes. En effet le terme signifie faire l’effort de se redresser et de rester droit.

Ce ne sont pas les mots qui nous font défaut, c’est le sens de ces mots et la conscience qui leur donne contenu social, politique, institutionnel, juridique, esthétique et éthique… De la même manière que nous ignorons la différence entre le Ilm (le Savoir) et le Tha’lim (faire l’effort d’acquérir le savoir et la connaissance sur de longues années d’études et de recherche). Nous voulons le résultat sans l’effort qui va avec. Nous livrons nos enfants à des tuteurs pédagogiques sans que l’école publique ou privée ne dispose d’une véritable stratégie pédagogique qui fait apprendre à l’élève et à l’étudiant comment apprendre, c’est-à-dire comment acquérir ou développer sa propre stratégie d’apprentissage. Nous sommes des creux vides que les tuteurs remplissent de formalités et de chimères sans voie vers la virtualisation, c’est-à-dire la mise en puissance et en orbite des jeunes talents qui seront aptes à produire de la pensée ou à gouverner une fois qu’ils auront acquis la légitimité de la reconnaissance sociale.

Le Falah ne provient pas du verbe Falaha qui peut être un résultat soudain, limité, fortuit, mais du verbe Aflaha qui ne peut être qu’un processus structuré, progressif, pensé, soutenu et provenant d’un dur labeur qui ne donne ses fruits que si l’œuvre est agréé par son capital de bienfaisance, c’est-à-dire par son investissement social et sa compétence à produire de l’utile et du bénéfique pour les hommes, tous les hommes sans distinction. Cet effort ne peut aboutir que s’il est agréé par Dieu, par la justesse et la bienveillance des intentions qui l’ont présidé ainsi que par l’efficacité du travail qu’il a entrepris. Au nom de la loi du Falah qui gouverne l’univers, nous pouvons affirmer que l’effort et l’œuvre ne peuvent être validés lorsqu’ils sont pilotés par des fainéants, des corrompus, des indigents et des minables en quête de privilèges, de dérogations, de rentes et d’autres formes de Dholm….

Pour qu’il n’y ait aucune équivoque tant dans l’énoncé de l’antinomie entre le Dholm et le Falah que de leur véritable sens respectif ainsi que dans l’analyse objective de la situation algérienne sans esprit partisan, nous allons nous référer à l’énoncé coranique. La règle vérifiée et mise en pratique est que le Coran s’auto explique, le contexte de ses énoncés est une explicitation du sens des mots et des phrases :

{قَدْ أَفْلَحَ مَنْ زَكَّاهَا وَقَدْ خَابَ مَنْ دَسَّاهَا}

{فَمَنْ ثَقُلَتْ مَوَازِينُهُ فَأُولَئِكَ هُمُ الْمُفْلِحُونَ وَمَنْ خَفَّتْ مَوَازِينُهُ فَأُولَئِكَ الَّذِينَ خَسِرُوا أَنْفُسَهُمْ}

{قَدْ أَفْلَحَ الْمُؤْمِنُونَ الَّذِينَ هُمْ فِي صَلَاتِهِمْ خَاشِعُونَ}

{أُولَئِكَ هُمُ الْوَارِثُونَ الَّذِينَ يَرِثُونَ الْفِرْدَوْسَ هُمْ فِيهَا خَالِدُونَ}

A l’opposé du verbe AFlaha nous avons le verbe Khaba (خَابَ) signifiant :
Déconcerter, déranger des projets, empêcher leur réalisation
Perdre l’assurance de son jugement et être confus dans la conduite à tenir.
Voir ses efforts devenir vains et inutiles.
Se trouver déçus, frustrés, mis en échec d’une manière honteuse et humiliante et contre toute attente.

A l’opposé du Mouflih nous avons le khafat mawazinouhou ( خَفَّتْ مَوَازِينُهُ ) signifiant :
Inconsistant, sans valeur, sans poids, sans mérite, sans récompense.

L’arrogant, le transgresseur bruyant et l’outrancier ne peut être un partisan du Falah car il lui manque l’attribut essentiel de la culture : le Khouchou’ ( خشوع ) signifiant humilité, recueillement, concentration et contemplation pris dans le sens littéral d’entrée dans le Temple, celui de la ferveur spirituelle, de la quête de lumière, de la quête de vérité, de la proximité sociale avec les humbles.

La récompense du Mouflih qui conjugue le verbe cultiver à tous les temps et sur tous les registres de l’activité humaine est appelé à l’éternité heureuse de l’au-delà et à l’éternité de la mémoire humaine comme symbole du bien, du vrai et du juste selon l’autre loi divine :

{Ce qui est utile aux homme, demeure sur terre, mais l’écume est condamnée à disparaître}

Poursuivons l’analyse de quelques aspects sur la Sourate Youssef :

Le Mouflih (cultivé au sens de civilisé, cultivateur au sens de civilisateur) ne sollicite pas une faveur, il est sollicité pour le salut sinon pour la résolution des crises :

{” O Youssef, toi qui es véridique, dis-nous ce que signifient sept vaches grasses que dévorent sept vaches maigres, et sept épis verts et les autres desséchés afin que je puisse revenir vers ceux qui m’ont envoyé et ainsi pourront savoir ce qu’il en est. ”
Youssef  dit : ” Vous sèmerez de la façon habituelle durant sept années. Ce que vous aurez moissonné, laissez-le en épis, sauf le peu que vous consommerez.
Viendront ensuite sept années arides, qui mangeront les provisions faites dans leur attente, laissant subsister une petite partie de vos réserves.
Puis viendra une année durant laquelle les gens recevront une pluie abondante et se rendront au pressoir “.}

Il n’y a ni improvisation des hommes ni arbitraire du destin mais conjugaison des conditions morales (incarnées dans Youssef avec ses qualités de digne de confiance, de visionnaire, de véridique) avec les conditions matérielles (incarnées dans le gouvernant juste, disposant d’autorité légitime et surtout prévoyant et anticipant sur la crise qu’il a pressenti et dont il veut le règlement).

{Le roi dit : ” Amenez-moi Youssef ! Je vais l’attacher à ma personne “. Après lui avoir adressé quelques mots, le roi poursuivit : ” Te voilà dès aujourd’hui auprès de nous, investi d’autorité et de confiance “. Youssef dit : ” Confie-moi l’intendance des magasins du pays, j’en serai le gardien averti}

Pour qu’il n’y ait place à aucune ambiguïté sémantique et à aucune confusion philosophique sur le plan historique, le Coran nous met au milieu de la sourate cet énoncé magistral :

{Et maintenant la vérité-réalité s’est cristallisée}

Hasshassa c’est entasser de petits cailloux, Al Haqq c’est à la fois la vérité et la réalité indissociable l’une de l’autre. On ne peut pas voir la réalité si nous pratiquons le mensonge qui omet, déforme ou ajoute. On ne peut pas parler de vérité comme une abstraction sans prise sur la réalité de la situation et sans observation du devenir des faits et leurs corrélations. La vérité n’éclate pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, ou comme un artifice de cinéma ou de théâtre. Cristalliser le gaz vaporeux en solide tangible exige une réaction chimique complexe. Amener la Vérité-Réalité à se cristalliser, dans le cas qui nous intéresse, c’est :  fixer, concrétiser, donner de la cohérence et rendre sensible et visible le phénomène de réalisation (actualisation) du potentiel (virtuel). Ce phénomène a pris trois dimensions. La première, c’est un gouvernant qui a conscience de la crise à venir et de la nécessité de la régler très tôt. La seconde c’est une communication qui cherche la vérité en s’informant des faits réels et non en fabriquant des narratives. La troisième, c’est le repentir de la femme séductrice et instigatrice du complot qui a mis Youssef en prison. La quatrième c’est l’acte de justice impartiale et équitable du gouvernant qui réhabilite. La cinquième, c’est la personnalité de Youssef le sauveur potentiel qui refuse toute revanche et tout compromis d’appareil, mais qui exige la justice dans la transparence. La sixième, c’est l’autorité du gouvernant qui choisit l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il n’y a pas d’ordre chronologique ni de primat d’un facteur sur l’autre, mais une opération de cristallisation qui donne consistance à la réalité et à la vérité.

Enfin le terme maintenant (الآن ) signifie qu’il y a un long processus, c’est-à-dire un avant où se réunissent les conditions de la réaction de cristallisation, un pendant durant lequel se réalise la réaction et un après où on voit non seulement le produit de la réaction et les applications en termes d’utilité sur le plan de la connaissance, de la prospérité humaine et de l’incitation à maintenir pérenne le mouvement des faits et des idées. Le pendant, l’avant et l’après sont des pensées cristallisées en actions concrètes et sont aussi des communications qui précédent (pour annoncer ce qui va être fait), accompagnent (pour expliquer ce qui est en train de se faire) et suivent (pour évaluer et ajuster ce qui a été fait et les suites projetées ainsi que les devenir possibles). Nous entamons chaque processus électoral, initié comme une continuité, sans que les partisans du changement n’alimentent un véritable débat d’idées, ne poussent les contradictions à la rupture dialectique, ne communiquent sur la rupture et ses mécanismes. Les intentions et le temps imparti à la campagne présidentielle de 2019 ne sont pas suffisant pour amorcer le changement, exiger des garanties, et motiver les hommes qui doivent aller au charbon s’ils veulent le Falah.

C’est à travers ces prismes que je tente de lire le monde en y cherchant ce qui est universel dans ses lois historiques et le distinguer de ce qui est narratif ou expressif d’un socio code ou d’un géocode non déterminant dans la réaction chimique de ce qui secoue notre monde.

En Algérie, on fait de la reproduction élargie à la sénilité et à la médiocrité. Il ne peut donc y avoir de Falah, même si ces gens-là détiendraient toutes les richesses du monde. Il ne s’agit pas d’une opinion de revanchard, mais l’expression d’une loi universelle qui nous dit que la pérennité et la prospérité sont destinées pour les plus utiles et les plus justes. Le reste finira en déchets dans les poubelles de l’Histoire et en malédiction dans les pensées des vivants qui auront survécu à l’absurde le plus cynique et le plus mortifère de notre époque.

Dans tous les récits coraniques, il n’y a pas de lutte pour le pouvoir et encore moins pour le fantasme d’un Etat nation ou d’une République islamique. Il y a l’autorité et la confiance. L’autorité ce n’est pas Heybat Ad Dawla au sens de pouvoir, mais au sens d’Auteur et d’Autoritas, c’est-à-dire en termes de compétence à produire des idées et des actions utiles ainsi qu’à créer de nouvelles organisations, de nouveaux scénarios, de nouveaux concepts. Inspirer confiance et obtenir l’adhésion libre et volontaire des gens sont incompatibles avec la manipulation médiatique. Cela exige comme préalable le Savoir et le discernement. Youssef en a fait la démonstration alors qu’il était dans l’ombre. Ce ne sont pas les feux de la rampe qui vont établir la confiance et la compétence, mais la vision lointaine, même si on ne dispose pas encore des instruments de pouvoir. Tenir ce discours c’est bien entendu être taxé de réactionnaire ou de manque de pragmatisme.

Pour que la vérité se cristallise dans la vie mondaine, il faut qu’elle soit présente dans l’intimité de la conscience. Ceci nous ramène à la disposition de Youssef lorsqu’il fut tenté par la séduction et mis face à l’épreuve de la trahison :

مَعَاذَ ٱللَّهِ

{Que Dieu me garde !}

Ce cri de lucidité et de résistance n’est possible au moment précis de la tentation que si l’homme qui le prononce a enraciné en lui l’éthique de Dieu. L’éthique de Dieu, c’est l’élan spirituel qui pousse l’homme à chercher la perfection dans les attributs de beauté d’Allah tels que la Justice, la Paix, la Miséricorde…. Ce n’est pas une foi de bigot, mais une force spirituelle et une empathie pour les créatures de Dieu qui donnent une résonnance ainsi qu’une couleur éthique et esthétique dans la pensée, le sentiment, le regard, l’audition et l’action. Le mal et le nuisible sont perçu intimement comme vilain à éviter, antipathie à fuir. Celui qui assassine, emprisonne et complote ne peut se réclamer de cette éthique, même s’il affiche tous les apparats de la religiosité et tous les signes de la dévotion.

Disposition éthique et processus historique en déroulement sont nécessaires pour la mise en évidence de la vérité et du Falah qui l’accompagne :

{C’est ainsi que Nous avons solidement établi Youssef dans ce pays. Il pouvait s’y installer là où il voulait. Nous accordons Notre Miséricorde à qui Nous voulons, et Nous ne laissons pas perdre la récompense des hommes de bien.}

L’épreuve de la séduction (mondaine) est un révélateur pour distinguer le traitre du loyal, l’ingrat du digne de confiance, le fasciné du lucide. Le pouvoir est la pire des séductions, il fait couler le sang des innocents. Le peuple qui ne sait pas produire ses idées, ses élites, son argent et choisir librement son gouvernant ne peut mériter autre que l’oppression ou la rente qui font perdre non seulement la liberté et la dignité, mais le sens des réalités et l’appréciation de la vérité et de la justice.

{Certes, le récit sur les Envoyés contient des enseignements pour les hommes doués d’entendement.}

Intimidation, escroquerie, mensonges, corruption, plateforme fictive, révision constitutionnelle, rente, vice-président, directoire présidentiel, homme providence et autre caprice de sénile ou d’infantile ne changeront rien à la nature des choses. L’attendu est la rencontre de la Vérité et de la Justice sur le terrain de la Réalité non pas sur le plan abstrait ou discursif, mais dans la confrontation des idées incarnées dans des hommes vivants, concrets, vertueux et désirant le changement par idéal et non par calcul politicien. C’est de cette confrontation que la commutation de sens s’opère du simple au complexe, du statique au dynamique pour enfin devenir une passerelle de changement quittant l’ancien monde et se dirigeant résolument vers le nouveau.

Omar MAZRI – algerie-rupture.com

LE DEVOIR D’UN HONNÊTE HOMME POUR LA RUPTURE EN ALGÉRIE

Il y vingt ans de cela nous étions mis face au choix de la peste ou du choléra pour saper la première expérience pseudo-démocratique. Ce ne fut ni l’un ni l’autre, mais l’édification de la culture de la rente. Les sources de la rente sont quasi épuisées aujourd’hui : il ne reste rien du premier novembre, de l’Islam, de l’Algérianité, des ressources humaines et des ressources du sous-sol. Tout a été donné en concessions pour un siècle, c’est-à-dire pour quatre à cinq générations. Nous sommes les derniers de la génération nés avant la guerre de libération nationale, qui avions fait des études après l’indépendance et avions servi la patrie avec les moyens du bord. Quelle est notre position en 2019 ?

Nous devons refuser les supercheries, les impostures et les usurpations et dire que maintenant la seule alternative consiste à admettre le pourrissement du sommet par sénilité ou la nécrose de tout le système. Cette alternative macabre, morbide et mortifère est diabolique, car elle dépasse les limites de l’absurde, de l’insensé et de la honte.

Maintenant que le régime n’a plus d’homme consensuel pour se donner bonne contenance et donner l’illusion à un peuple hébété qu’il dispose du Mahdi attendu,  il court inéluctablement à sa perte. En effet il n’est plus capable à cause de ses contradictions internes et surtout il n’a plus de chef de mafia pour être l’interlocuteur valide de l’Occident corrupteur. Sans interlocuteur validé, Le néocolonialisme ne peut obtenir des concessions garanties par un chef d’État « légitime » et des institutions « légales ». Il peut faire du « business », mais il ne peut instaurer le scénario qu’il a planifié et que les élites impopulaires et antipopulaires exécutent aveuglement contre un peuple dont une partie est meurtrie et l’autre écervelée.  Ce scénario est non seulement la perte de la souveraineté politique et économique que nous n’avons jamais eue, mais faire de l’ANP un auxiliaire de l’OTAN, sous couvert de la lutte antiterroriste, dont les desseins sont de disloquer les géographies, les sociétés et les mentalités des peuples. De prendre possession des sites géostratégiques du territoire algérien (air, mer et terre) pour mener leur « guerre des étoiles » contre les Africains, les Berbères et les Arabes, après avoir déserté le Moyen-Orient ravagé.

Le cinéma de la foire électorale et des saltimbanques candidats aux élections montre que le régime insensé fait du brouillage en terme de communication en rendant le formalisme « démocratique » ridicule et tragi-comique. Il montre aussi que l’alternative c’est nous ou c’est la répression qui a pris une nouvelle forme : l’asile psycho-psychiatrique. Le délire politico-médiatique des fous mis en scène est, à l’insu de ses organisateurs, le lapsus qui, dans le langage exprime, l’erreur ou le fourvoiement, mais qui, dans la politique, manifeste le trébuchement, la défaillance par mauvais calcul, l’improvisation, Chez nous on dit Faqou c’est du Tkharbit-Thayhoudit!

Pour les lettrés tels que Mohamed Dib (l’incendie) ou Shakespeare (Hamlet), la folie est une annonciation de quelque chose de grave, de déterminant. La pensée du fou est-elle sagesse ? La pensée sur la folie est-elle prémonition du devenir sanglant ? Par la folie de soi, on apprend des choses essentielles sur soi, en allant au-delà de ses limites, mais le spectacle de la folie des autres, interroge la conscience sur le drame qui se prépare, invite le drame qui se trame à réveiller les consciences. Avons-nous suffisamment de distance mondaine pour voir, entendre et parler comme un Fou ? Avons-nous trop de crapulerie pour être des fous insensés ayant perdu la mesure autre que celle, sonnante et trébuchante, du corrompu et du rentier ?

Le système qui a cultivé la folie dans nos esprits et dans notre corps social devrait logiquement nous interpeller sur le dépassement obligatoire du carcan qui nous étrique pour enfin redevenir humain en quête de liberté et non un demeuré mental mis dans la fascination ou une bête attachée à la mangeoire. La seule interpellation qui vaille à notre folie est la rupture totale, rapide et définitive avec les mécanismes et les modèles d’aliénation en vigueur depuis que l’ALN et le FLN ont été évacués du champ social, idéologique, politique et culturel.

Nous voulons la rupture, pour que chacun de nous puisse vivre de sa folie de liberté, de sa folie de justice, de sa folie de quête de sens à donner à son existence, de sa folie de spiritualité sans intermédiaire ni tuteur.

Les gens « normaux » de ma génération doivent s’engager à être des honnêtes gens. L’honnête homme ne peut pas en ces termes de confusion prétendre à une charge honorable, à un poste ou à une activité politique partisane. Il doit éclairer le chemin et être cynique comme Diogène vivant dans un tonneau et refusant les avances du système pourri : « Otez-vous de mon soleil ». Il n’y a ni collaboration, ni compromis, ni compromission, ni complaisance, ni plateforme de quoi que ce soit.  Nous voulons un processus sain et transparent qui conduit notre pays vers la concrétisation des idéaux de liberté, de justice, de démocratie et de république comprise comme chose publique. Atteint par la limite d’âge, nous ne devons accepter aucune fonction sauf celle de conseil lorsque l’on nous sollicite pour donner notre avis sans prétendre à la connaissance infuse. Il y a suffisamment de jeunes algériens pour relever le défi et reconstruire leur pays. Notre apport n’est pas notre expérience, discutable, mais notre compétence à appréhender les phénomènes dynamiques et à apporter une expertise. Sans plus.  Nos glorieux Chouhadaont donné leur vie et ont abandonné femmes et enfants sans rien en contrepartie et sans garantie de retour. Nous sommes loin d’eux et nous devons les évoquer avec des larmes aux yeux, les yeux de la honte et du repentir.

Le devoir d’un honnête homme est résumé par Machiavel, le maître de la Politique et le grand ouvrier de l’unité italienne :

« Le devoir d’un honnête homme est d’enseigner aux hommes ce que les iniquités du temps et l’injustice des hommes ont empêché d’accomplir. »

SCÉNARIOS PROBABLES POUR UNE FIN DE RÈGNE

Le constat est établi par tous : ce régime n’a aucun atome de légitimité, aucune capacité à innover pour remettre l’Algérie en mouvement et s’assurer une sortie honorable ou un maintien au pouvoir sous de nouvelles formes plus subtiles et moins brutales. La raison est évidente : la tête est sénile, le corps moribond, les organes maintenus en vie par la rente qui s’appauvrit et ne suffit plus à tous.

Qu’est ce qui pourrait se passer de salutaire ou de catastrophique pour mettre fin au marasme et à la honte ?

Plusieurs scénarios sont possibles d’autres sont probables

Parmi les scénarios possibles, les choses continuent dans leur pourrissement, car rien ne va s’opposer à la tricherie. On installe le même président, la même équipe, on révise la constitution et on installe les valets de la France ou des USA et les serviteurs-accapareurs de la rente. Mais il y a trois facteurs qui échappent à la raison humaine. Le premier facteur est d’ordre eschatologique : Bouteflika rappelé à Dieu avant que le scénario ne se déroule. Le second facteur est que Macron et Trump ne se mettent pas d’accord sur le profil du dauphin vu le désordre actuel sur la scène mondiale et le caractère trumpien « America first ». Nous revenons à la case de départ avec plus de chaos et surtout l’impossibilité des clans de se départager et de trouver un consensus. Une fois Bouteflika disparu ou maintenu en vie, mais avec une évidence notoire, qu’il est incapable de gouverner et que son équipe est incapable de trouver une voie de sortie de crise. Le troisième facteur, que ce soit avant ou après les élections, l’armée se divise entre clans et ces clans se radicalisent pour des solutions incompatibles. Dans ce climat de divergence générale, toutes les convergences idéologiques, régionalistes, nationalistes ou préférence à l’étranger ainsi que la convergence des pourris du système avec la lie de la société (baltagia à l’égyptienne financée par le marché noir et organisé par les réseaux occultes nationaux et étrangers) vont cristalliser les paradoxes et générer une guerre civile étendue à tout le territoire.

La conscience du militaire le plus politisé et qui dispose d’unités combattantes efficaces, discipliné, loyal peut être choqué par ce qui se prépare. Il doit savoir qu’il s’agit de l’anéantissement de l’Algérie et que les circonstances géopolitiques ainsi que la situation de déstabilisation de la Libye et du Mali avec tout l’armement disponible et tous les services secrets du monde qui y opèrent en liaison avec les mercenaires professionnels sont favorables à l’embrasement de l’Algérie pour une guerre de cent ans. Ajouter à cela la convergence des revendications à l’autonomie des grandes régions d’Algérie et le désir des Français de récupérer le Sahara, Mers el Kebir ; et des Américains de disposer de bases navales et aériennes. Ce militaire conscient va-t-il cette fois-ci laisser l’Algérie s’embraser et tolérer que l’ANP continue à jouer le rôle d’agent de répression pour maintenir au pouvoir des gens qui ont la haine du peuple et l’incompétence de gouverner. La logique veut qu’il tente un coup de force. La crise va atteindre son paroxysme et il va (il doit) se passer quelque chose de dramatique qui va nous amener vers le salut ou vers le néant.

Cela va dépendre d’un dernier facteur : quel est le désir le plus intime et le plus sincère des Algériens ?

Parmi les scénarios les plus probables, c’est le pire par la convergence des bêtises et des méchancetés qui ont des armes, de l’argent, des réseaux avec l’oisiveté irresponsable et délinquante dans la jeunesse algérienne. Ces jeunes sont déjà fichés, organisés et préparés à accomplir le pire, à leur insu. L’argent sale et les experts en guerre psychologique et en opérations de sape militaire vont les mobiliser et les mettre en situation d’offensive pour créer le chaos, du moins l’insécurité et imposer un Etat d’urgence, des tribunaux d’exception et un directoire d’administrateurs civils et militaires supervisé par des conseillers étrangers. Cela peut se produire avant le vote pour se débarrasser d’une procédure à risque ; cela peut se produire avant l’annonce des résultats officiels car plus que jamais le vote sanction sera présent même s’il y aura beaucoup d’abstention. Le régime a su créer les conditions psychologiques pour disqualifier les candidats en donnant la parole aux fous et aux insensés ; l’opposition inféodée à ce régime a accepté de jouer le rôle de lièvre en ordre dispersé et confus. Dans cette confusion tout est possible. Sur ce scénario catastrophe trois facteurs peuvent fausser les calculs. Le premier facteur est un événement eschatologique. Le second est le refus de l’armée (les chefs des unités combattantes qui vont aller sur le terrain et se confronter aux algériens pour une effusion de sang inutile pour un destin joué d’avance : ce régime est fini). Le troisième est qu’un candidat sérieux et compétent, nous pensons au général Ali Ghediri, prenne l’initiative historique au péril de sa vie et de sa liberté d’appeler le peuple et l’armée à garder le calme, à ne pas tomber dans le piège. Il doit annoncer les deux couleurs que les Algériens attendent : la rupture totale et définitive avec ce régime. L’avertissement aux étrangers qui veulent s’ingérer dans les affaires intérieures. Il doit rester non partisan et surtout sans attache avec les forces de l’argent et les entités oppositionnelles qui vont l’encombrer et le miner. S’il n’y a pas d’appel haut et fort et si cet appel n’est pas entendu, alors tous les rassemblements pré-électoraux et post électoraux seront l’étincelle mise dans une poudrière. Les régimes en place, en Algérie et en France, savent diaboliser, criminaliser, infiltrer et pousser à la violence pour justifier la répression et faire passer des lois liberticides et des mesures antipopulaires. Les Algériens, faute d’encadrement politique ne savent pas contester, ils passent à la violence sans organisation et sans but, ils saccagent les biens publics, et donnent ainsi toutes les justifications « légales », morales et médiatiques pour que la violence « institutionnelle » s’exerce contre eux d’une manière démesurée et impitoyable.

Si Ali Ghediri ne dispose pas d’une équipe de campagne compétente, d’un directeur de communication efficace et de garanties, le conseil le plus sincère que nous nous permettons de lui donner et d’annoncer officiellement le retrait de sa candidature pour laisser le régime en place face à ses responsabilités et le déshabiller totalement, lui enlevant le peu de crédibilité ou d’intelligence qu’il affiche en vain. Si par contre il veut la rupture, il doit aller sur le terrain et prendre la posture de président en attente d’investiture. La crise va atteindre son paroxysme : ceux qui vont gérer la suite doivent se préparer maintenant et être connu ainsi que leur équipe. L’expérience de Lamine Zéroual et de Mohamed Boudiaf doit nous inciter non seulement à la prudence, mais à la mobilisation des forces du changement sous une seule bannière. La situation est grave, elle ne permet aucune improvisation, elle interdit de laisser l’ennemi prendre une quelconque initiative. Il faut l’acculer à la défensive, à la rupture de ses lignes et à la débâcle qui ne permet plus jamais de se remobiliser et d’engager un nouveau combat ni dans l’ombre ni dans les arrières.

Il faut éviter la violence, la manipulation et méditer l’invitation de Marx qui demeure l’un des analystes les plus précis et les plus honnêtes sur le pouvoir de la bourgeoisie : « Il faut oser provoquer le scandale pour ne pas devenir sa proie (otage) ». La conjugaison des désabusés, des frustrés, des revanchards peut entrer en collusion avec la convergence du crime, de la subversion et de la rente. Cette collusion peut se révéler désastreuse. L’intelligence, c’est de donner des voies de sorties ou prendre l’initiative. L’armée est la seule capable de prendre l’initiative et d’imposer une solution favorable au changement pacifique. Ses chefs ne veulent pas et ils doivent assumer leur responsabilité, devant leurs soldats, si la catastrophe venait à se produire. La menace intégriste ne peut plus être invoquée puisqu’il est évident que la menace vient des imposteurs et des usurpateurs qui nous gouvernent contre notre gré.

Le régime a peur, il panique, il est sans solution crédible, faisable et viable. Il peut assassiner un peuple sans état d’âme. Il n’y a pas d’État pour le contenir et lui fixer des limites. Mais il peut se produire deux choses qu’il fait provoquer : la panne qui le pousse à se suicider comme ce fut le cas en fin de règne de l’Empire romain ; la fuite dans le désordre du « sauve-qui-peut » comme celle des Haragas sur des embarcations de fortune sans garantie de trouver bon port.

Je rappelle que j’ai écrit sur les garanties minimales qui manquent pour mener à bon port les élections. Nous voyons déjà comment s’opère le volet des signatures des candidats et nous voyons pire que cela : l’intimidation, la menace et les voies de fait sur des candidats en campagne. La police, la Gendarmerie et les forces de sécurité publique devraient assurer leur protection, mais ils sont jetés en pâture aux Baltagisqui se structurent et montent en puissance pire que le terrorisme de la « décennie noire ».

J’ai écrit un livre, une cinquante d’articles sur le printemps arabe (Syrie, Libye, Égypte et Tunisie) à chaud, sans prendre de distance avec les événements, mais sans esprit partisan. J’ai réfléchi sur la « décennie noire » et ses causes justes pour interroger ma conscience et pouvoir dire un jour comment éviter l’impasse et l’effusion de sang. Il n’y a toujours pas de cadre de débat sérieux et responsable.

Des manifestations menées par des activistes (progressistes ou islamistes) pour dénoncer un régime sans plateforme de changement, sans vision doctrinaire sur le changement, sans programme alternatif de gouvernance, sans garantie de ne pas être récupérés par les appareils de l’opposition classique et incompétente ne peut que déboucher sur une caporalisation des jeunes émergents et une confiscation de leurs sacrifices. Les Etrangers et les Maffieux locaux savent converger pour trouver les interlocuteurs valides et éradiquer les rebelles. Ils parviennent à remettre en selle l’ancien régime avec de nouveaux visages en donnant l’illusion du changement. Ils trouvent les opportunités et les pertinences que leur donnent l’absence de cadre réformateur et la confusion sur les positions du curseur idéologique pour imposer par la violence leurs solutions. La contestation d’un régime ne suffit pas pour opérer le changement, il faut l’adhésion à un programme de rupture. Ce programme n’est pas encore explicite et visible pour être compris et porté par des millions de gens et un seul cri.

Il ne s’agit pas d’une affaire technicienne où on fait appel à des experts, mais une vision où les sincères et les compétents se mobilisent pour effectuer ensemble la quête de résolution des problèmes. Mouloud Hamrouche et Ghazi Hidouci ont initié et conduit des réformes avec un contenu et des perspectives dignes de considération, mais ils se sont appuyés sur des techniciens sans vision sur l’Algérie et sans connaissance de l’humain. Ça ne pouvait donc passer, mais casser. Un exemple parmi tant d’autres est la nomination de Monsieur Abdou à la tête de la télévision algérienne qui était libre d’avoir une idéologie laïque et d’être porté sur l’alcool, mais il ne pouvait mépriser le peuple algérien en disant que la télévision n’est pas une mosquée. Au lieu de toucher aux sensibilités religieuses des gens, il aurait du répondre à la demande du peuple algérien. S’il était intelligent il aurait ouvert le débat religieux et théologique en appelant des sommités mondiales et algériennes pour s’opposer à la montée de l’intégrisme. Les actuels ministres de l’Éducation nationale et des Affaires religieuses ont le même travers et continuent de heurter le peuple algérien au lien de le guider et de lui ouvrir des horizons plus sereins. Tous veulent caporaliser le peuple algérien et croire qu’ils connaissent son bien et le chemin de sa libération mieux que lui.

Face à eux il y avait des aventuriers, les uns au nom de « l’Islam est la solution » et les autres au nom de « la République laïque est la solution », ainsi que ceux qui revendiquent « Haybat ad Dawla – l’autorité de l’Etat est la solution) par la force des armes et de la répression. Avec toutes ces fausses ou imparfaites solutions et leurs paradigmes singuliers nous sommes demeurés sans solution et inertes dans un système sénile et moribond. Personne n’avait et n’a de vision d’éducateur et de réformateur qui s’appuie sur la réalité de l’Algérie, la connaissance des Algériens et qui met ses pas à la suite des Prophètes et des visionnaires. A quelques semaines ou à quelques jours de la rencontre des Algériens avec un destin que personne ne peut deviner, nous n’avons toujours pas mis le curseur idéologique sur l’essentiel et nous n’avons toujours pas identifié la bannière de rassemblement. Dénoncer les généraux algériens et criminaliser l’armée algérienne est à la portée de n’importe quel oisif de n’importe quel café maure. Refuser Bouteflika, maintenant qu’il est en fin de vie, ne va pas donner naissance à un vivant capable de gouverner l’Algérie. Nous sommes enterrés sous des tonnes de faux calculs, de fausses idéologies, de fausses promesses.

En définitive nous n’avons qu’une alternative : ou fin existentielle de l’Algérie ou rupture avec le système qui anéantit l’avenir.

Omar MAZRI – www.algerie-rupture.com

LE GÉNÉRAL RACHID BENYELLÈS SUR LES ARCANES DU POUVOIR

Il n’y a aucun lien entre nous deux : il est général, je suis sans rang, il est de Tlemcen, je suis de Constantine, il a un profil idéologique et j’en ai un autre. Je ne fais qu’apporter ma contribution :

« Faites preuve de discernement si vous ne voulez pas porter atteinte par ignorance à la réputation des gens et que vous soyez par la suite mis dans les regrets de vos actes ».  

Lorsqu’on lit les commentaires insultant sur Youtube à la suite du forum consacré au livre de l’ancien général Rachid Benyellès : « Dans les arcanes du pouvoir (1962-1999) ». Face aux critiques et aux questions légitimes d’une jeunesse privée de repères et mise en situation de haïr son pays et ses élites, le devoir d’un honnête homme est d’y répondre sans polémique, mais sans concessions.

Quelle est l’attente des gens ? Entendre dire d’un général que l’ANP est une pourriture, que les militaires sont tous pourris et que les généraux sont des crapules à passer à la guillotine, parce que certains d’entre eux ont failli ou ont trahi ? Ce n’est pas raisonnable comme attente et cela ne correspond ni à la personnalité de l’ex général Rachid Benyellès ni à ses hautes fonctions.

Il a pourtant dit des choses graves et sérieuses avec subtilité et courage. Nous allons passer en revue certaines vérités du Général et les expliciter du mieux qu’on puisse sans violer l’intimité de sa pensée ou préjuger de ses intentions.

D’abord il a dit ce que l’intelligence et la sensibilité de l’Algérie dictent : « penser à ce qu’il dit sans être obligé de dire tout ce qu’il pense ». Dommage que son éditrice ait préféré souligner le grade de général de Benyellès, mettre en exergue ses désaccords avec lui, et surtout communiquer sur sa maison d’édition. Elle a pourtant ouvert le bal avec quelque chose de remarquable sur le général Benyellès : « Traverser l’histoire en oblique ». Nous devons nous attarder sur ce préambule lourd de significations et de non-dits qui veulent beaucoup dire.

L’oblicité c’est être en position et en trajectoire ni perpendiculaire ni horizontale. Ça peut vouloir dire avoir la faculté de rebondir si l’opportunité se présente pour explorer d’autres directions et s’élever à d’autres hauteurs. Les journalistes n’ont pas saisi l’opportunité, tout empressés de régler leur contentieux avec Boumediene et l’armée algérienne.

L’oblicité, c’est aussi se définir comme ni opposant radical ni partisan sectaire à un système que les circonstances poussent à servir et qu’il est donc difficile de déjuger parce que l’on déjuge soi-même et parce que l’on était persuadé de servir une institution héritée de l’ALN et dans laquelle on trouvait le cadre de continuer à vivre son idéal de résistant et parachever l’indépendance. Il explicite cet aspect des choses en précisant qu’il est un francophone (sous-entendu parlant la langue française qu’il ne faut pas prendre pour un francophile comme aiment le faire les experts algériens en raccourcis et en anathèmes) : les jeunes lycéens qui ont pris le maquis à l’appel du FLN historique. L’intonation de sa voix, son regard, son sourire laissent penser qu’il est désabusé, déçu, mais qu’il avait accompli son devoir dans les limites de ses possibilités et de son pouvoir réel pratiquement limité. Il parvient à dire ce qui lui fait mal au cœur : l’incompétence et la gabegie ont été les principaux maitres de l’Algérie.

L’oblicité signifie aussi être ni trop près ni trop loin des événements pour les comprendre parfaitement et les modifier, ni trop subalterne pour exécuter avec insouciance ni grand décideur pour changer le cap. Il va le dire d’une manière presque timide comme à la fois un reproche à ceux qui ne veulent pas comprendre et à la fois comme une conscience heurtée par le drame de l’Algérie.  Il insiste sur la noblesse de cœur et le dévouement du président Boumediene qui a à son actif la révolution agraire, la révolution industrielle et la révolution culturelle (le débat sur la charte nationale et l’identité algérienne en 1977). Il dit sans ambiguïté : le patrimoine moral de la guerre de libération nationale, le foncier industriel et les ressources humaines de l’Algérie ont été anéanti depuis 1980. Il n’en reste plus rien. Personne ne lui pose la question sur les raisons, les causes et les instruments de ce massacre. La question ne se posait pas sur le choix de Chadli puisqu’il explique que l’armée intervenait (plus exactement on la sollicitait) pour porter le fardeau et trouver des solutions aux grandes crises algériennes et elles sont nombreuses puisque l’ANP est intervenue sept fois selon ses dires. Il indique les pistes : cherchez les civils qui ont impliqué l’armée dans ce qui n’était pas sa vocation. Cherchez le cabinet de Chadli et la promotion des hauts fonctionnaires. Cherchez la liquidation des cadres compétents, cherchez la mise à la retraite des Anciens moudjahidines, cherchez l’exclusion des cadres compétents ou leur confinement dans des tâches subalternes. Il avait dit que l’armée était homogène en tant que corps militaires sinon l’Algérie serait en véritable guerre civile avec des systèmes d’armes déployés à travers le vaste territoire déchirés par des seigneurs de guerre que tout oppose sur le plan idéologique, sociologique et économique.

Il va plus loin en disant que l’armée algérienne détentrice du pouvoir et décisionnaire est un mythe. Il n’est pas en train de dédouaner les défaillances et les impostures, mais de les révéler avec finesse et bravoure : où se trouve le véritable pouvoir ? Qui détient les clés de l’administration, de l’économie, du culturel, du commerce, de la diplomatie ? Qui gère la rente ? Qui gère l’énergie ? Qui gouverne ?

Non seulement le pouvoir de l’armée est un leurre, mais la sécurité militaire est incompétente en matière de sécurité publique et de défense nationale. Il dit avec des mots polis et mesurés que l’Algérie est un château de cartes sans consistance. Les forces de sécurité, confinées à la répression et à la police politique ont failli dans les grands dossiers du renseignement, de la sécurité des frontières, dans la lutte contre la subversion idéologique. L’économie est fragile, le peuple algérien est vulnérable dans sa nourriture, ses médicaments, ses biens et services. Il n’y a pas de doctrine de défense. Il le dit avec politesse et douleur. Bien entendu, les partisans de la rente et les agents de destruction de l’Algérie le chargent et le dénigrent. Lorsqu’il cite Kasdi Merbah, réputé pour son intelligence, son patriotisme et tant d’autres, il dit en même temps que nous étions prisonnier de notre époque, de notre creuset et de nos défaillances : l’Algérie avait donné le prix de sa jeunesse pour son indépendance et pour combler le vide elle a fait le plein, sans penser à la qualité. Le militaire et le civil souffre de ce vide et de la manière dont il a été comblé. Les cancres sont devenus une classe dirigeante, aidés ou propulsés par l’Etranger qui dispose du fichier le plus détaillé et le mieux actualisé sur l’Algérie.

En parlant de civils et de militaires, il a la pudeur ou le manque de temps, pour ne pas se disperser, de mettre le doigt sur certaines réalités. Par exemple la réalité de la mentalité algérienne. Ceux qui portent les armes et l’uniforme ont en mépris le civil qu’ils jugent peu patriote et chaotique, incapable de gérer convenablement. Le peuple algérien aime l’armée parce qu’elle lui suggère la discipline et l’ordre qui lui font défaut. En tant qu’ancien Moudjahid, il a parlé convenablement et aimablement des officiers issus de l’armée française qui ont servi l’armée avec professionnalisme et ont construit une administration efficace par rapport à l’administration civile. Les militaires issus intégralement de l’école algérienne ont conjugué le patriotisme des Moudjahidines et l’efficacité administrative des DAF. Il faut donc rendre hommage à sa probité et au refus du clivage basé sur l’origine des militaires. Cela n’exclue pas de comprendre ce qu’il dit ou écrit en filigrane : la masse au détriment de la qualité. Les DAF exemplaires et compétents étaient peu nombreux, une grande partie s’est révélée une bande de canailles et autre partie, celle qui a gravi tous les échelons et occupé des postes stratégiques. Dans le meilleur des cas, issu de l’école des sous-officiers de Koléa ou des champs de bataille de la France coloniale, ils n’avaient pas le niveau requis pour suivre de grandes écoles, se former à l’intelligence militaire ou administrer avec rigueur et science. Ces gens-là ont occupé des postes stratégiques et ont pris des positions qui n’honorent ni l’ALN ni l’ANP. Quel est le secret de leur ascension fulgurante ? Le Cabinet du Président décidait des nominations et de la mise à la retraite, faiseurs de rois et de courtisans. Cela continue. L’école algérienne a produit beaucoup de ratés et d’exclus qui sont parvenus à des postes décisifs dans l’armée et le civil.

En parlant de la promotion Lacoste et de Khaled Nezzar, le général ne fait pas dans la dentelle : il ne remet pas en cause leur attachement à la patrie et ne les accuse pas de trahison, mais met en exergue leur incompétence et leur faible niveau qui fait d’eux des incapables à mériter le qualificatif d’intelligence machiavélique. En effet les personnes limitées intellectuellement et sans bagages scolaires, civils ou militaires, profanes ou religieux, ne peuvent commettre que des bêtises de leur niveau même si leur arrogance n’a de limite que leur ignorance. Le général Rachid Benyellès nous dit, sans cryptage, que l’armée détentrice du pouvoir réel est un mythe, que la puissance démesurée de la SM est une usurpation, que la promotion Lacoste est d’un niveau limité qui ne lui permet pas d’agir avec compétence ou de prendre des décisions sensées. Qui recrute les cadres, qui valide leur choix, qui leur donne des prérogatives étendues, qui les révoque, qui contrôle leurs actes ? Comment se prennent les décisions stratégiques et dans quel cadre ? Partout c’est le règne de l’incompétence, de la gabegie et de l’opacité.

Est-ce qu’il s’agit d’obliquité c’est-à-dire de manque de droiture et de franchise ou d’oblicité c’est à dire d’un détournement de la trajectoire de son but et de sa finalité. En tous les cas, il y a quelque chose d’ambigu dans son discours à moins qu’il nous dise à notre insu et à son insu qu’il a tenté de s’opposer, mais qu’il a été vaincu par la doxa générale.

Je ne connais ni sa fortune, ni ses fréquentations, ni ses lectures. Je ne vais témoigner que de ce que je sais pour l’avoir personnellement vécu. J’ai eu l’occasion de participer à trois réunions de travail, destinées à l’examen de questions techniques et industrielles sur la construction navale et la réparation navale dont une avait trait à la réparation par des moyens algériens et des techniciens algériens de l’arbre de transmission d’une vedette de la marine de guerre.  Une fois j’étais en face de lui légèrement en oblique et une fois à côté de lui et je peux témoigner de mon ressenti à l’époque (1982 – 1983 et 1984) : c’est un homme qui écoute profondément et avec bienveillance ses interlocuteurs. Il comprend bien et vite. Il est très poli, très doux. Il s’était entouré pour la circonstances de cadres techniques sérieux et compétents. La relation avec ses cadres était une relation de confiance, de respect et de gravité. C’était une excellente impression qui ne m’a jamais quitté.

L’impression est peut-être subjective. Je vais donc solliciter un souvenir plus objectif pour étayer mon sentiment profond sur ce monsieur.  Nous sommes au début des années 80 et le début de la liquidation du Boumediennisme et tout particulièrement de la mise en faillite de la révolution agraire, du service national, de la révolution culturelle (l’arabisation) et de la révolution industrielle (le général Benyellès parle avec fierté de 100 grandes entreprises publiques édifiées en moins de 13 ans). Cette période 80 correspond au triomphe suprême de l’ambition américaine : faire du monde un marché et des Etats-nations des auxiliaires de ce marché privé de régulation et d’investissement social. En fait, cela dépasse les USA en tant qu’Etat, il s’agit du triomphe de l’oligarchie financière. Cette oligarchie a construit des destructeurs de l’industrie française comme Laurent Fabius et des faiseurs d’opinion comme Jacques Attali dont les réseaux d’influence s’étendent sur toute les anciennes colonies françaises y compris sur l’Algérie. L’Algérie s’est alignée sur ce magnétisme mercantile et antinationaliste mondial avec les conséquences que nous savons, dont la plus tragique est l’esclavage post moderne (la fuite des cerveaux et des bras). C’est dans cette ambiance que l’Algérie s’est désistée de la politique industrielle et a commencé à démanteler le service public et les entreprises nationales. Le drame, c’est que cette décision a été prise par les civils algériens et les militaires, les civils étant plus nombreux et mieux outillés pour changer le cours des choses. Du côté civil on avait l’ancien premier ministre Abdelhamid Brahimi (surnommé Hamid la Science ou Abou Maqla), son ancienne équipe du ministère de la planification, et le plus grave, les plus grands « capitaines » de l’industrie algérienne (SNS, SONELGAZ par exemple) tous surdiplômés. Les militaires étaient peu nombreux et la majorité ne connaissait rien à l’économie et à l’industrie. Cette commission nationale était présidée par le colonel Guenaïzia. Il n’y avait pas encore de généraux. La commission nationale de restructuration de l’industrie algérienne avait mis fin à l’expérience du développement industriel en Algérie. Expérience unique dans le tiers monde.

Lorsque le général Benyellès parle d’intelligence machiavélique, il évalue le drame algérien à sa juste valeur, même s’il n’arrive pas ou ne veut pas donner des noms ni décrire des mécanismes concrets. Le système est tellement opaque qu’il est impossible de révéler la toile. Elle est présente à tous les niveaux et dans tous les domaines en étant presque invisible comme une force dont on ne voit que les effets et les intensités sans jamais voir son vecteur et son point d’appui. A chaque fois que vous dites ça y est j’ai compris, le puzzle se recompose dans le désordre. C’est pire que la Maffia, c’est satanique.

Il faut une intelligence maléfique, bien informée et ayant un contentieux historique et idéologique avec l’Algérie (ALN et FLN) pour provoquer la mise en scène : quelques militaires qui président et rapportent ce que les experts civils algériens vont approuver et qui a été décidé ailleurs, dans les sphères du Cabinet occulte en Algérie en travail commandé pour les intérêts non seulement de la France, mais de la globalisation impérialiste. Il faut connaitre la mentalité des élites militaires et civils : les uns sont occupés à leur promotion (grades et postes), les autres aux missions à l’étranger et à la gestion des pénuries. On peut multiplier ad nauseum  ce constat à tous les niveaux de l’administration et dans les registres de l’activité nationale : on place des militaires, soit incompétents soit sans moyens et sans soutien, dans un nid de vipères civiles et on laisse faire le pourrissement et surtout on construit un mythe de l’omniprésence de l’armée, de l’omnipuissance de la SM tout en préparant la disqualification du FLN et de l’ANP (ALN). J’ai travaillé dans les secteurs de l’industrie, de la pêche, de la santé, de l’éducation, de l’économie et c’est le même constat sur les mêmes mécanismes de sabotage, sur le même procédé de désignation et de nomination.

Est-ce qu’il est logique de travailler pour un organisme comme le Ministère de la Défense Nationale dont les services de sécurité vous accordent une habilitation code C, après un an d’enquête, vous autorisant à manier des documents sensibles, puis de ne pas être validé pour un poste de cadre supérieur dans un ministère sous prétexte que les services de sécurité se sont opposés à votre décret alors que votre parcours ainsi que celui de votre famille est exemplaire sur le plan de la compétence et du patriotisme. Il est encore moins logique que lorsque vous parvenez à ficeler un dossier sur la corruption et le sabotage, les services de sécurité vous demandent de laisser tomber et de les rejoindre pour faire valoir vos compétences dans l’appareil en voie de restructuration. Il y a un problème de cohérence et d’efficacité sur le plan du travail, mais il y aussi beaucoup de Hogra, de cooptation et de corruption. La main étrangère n’est pas loin comme n’était pas loin la main « rouge » dans l’assassinat des militants de la cause nationale. La traitrise des algériens et l’appât du gain et de la facilité ne sont pas loin aussi. Ce sont ces réminiscences douloureuses qui remontent à la surface en écoutant le général Benyellès.

C’est une expérience pénible pour les jeunes doués et politisés qui voulaient travailler. A ce jour j’ai cherché en vain qui a eu l’idée de monter le scénario morbide de fragmentation et de privatisation des industries algériennes. J’ai la conviction que les Militaires avaient cautionné ce projet en le présidant, certains y voyaient sans doute une occasion pour leurs ambitions personnelles, mais je dois avouer que la luttes des classes et la conscience de classe bourgeoise n’étaient pas encore mures pour déboucher sur un projet politique autre que les petits calculs d’épiciers qui sont devenus des barons de l’import-export.

C’est dans cette même période que le projet de réalisation des industries militaires a été envoyé aux oubliettes, malgré le passage de l’ex patron des services secret, Kasdi Merbah, au poste de vice-ministre de la défense chargé de l’industrie militaire avec comme chef opérationnel le colonel Touati Abdeslam un ancien Moudjahid du corps de la Marine de guerre et ancien commandant de la base navale de Mers El Kebir.  Un brave homme, un homme lettré. Ni le général Benyellès nommé au poste de ministre des transports, ni Kasdi Merbah nommé à la Santé publique, ni Touati nommé à la compagnie nationale des transports maritimes n’ont pu mener une action de réforme. La vie civile algérienne est une jungle sans règlements, sans commandement, sans administration : ingérable. Le cabinet de Chadli pris en main par Larbi Belkheir nommait, révoquait, permutait au gré des humeurs et d’intentions que seul Dieu connait. 30 ans plus tard la situation est pire.

Puisque le général Rachid Benyellès définit l’oblicité comme le cadre idéique d’un homme qui veut se présenter comme traversant l’Algérie en biais, mais connaissant tous ses arcanes y compris celui de l’utopie des Industries Militaires. Il nous permet donc de faire rebondir quelques une de ses idées en leur donnant plus d’amplitude et une orientation plus précise. Nous allons donc revenir sur l’échec des industries militaires qui lui tenait à cœur et nous poser les questions qui doivent faire mal à sa mémoire. Est-il possible et sage de confier à l’armée la réalisation de l’industrie militaire alors que ce n’est pas sa vocation. L’industrie nationale (civile) aurait dû avec ses infrastructures s’ouvrir sur les fabrications militaires, l’armée avec ses bureaux d’étude, son état-major logistique et ses centres de recherche se seraient occupés des cahiers de charges, de sécurité, de documentation technique, de licences, de brevet, de réception, d’essai. L’industrie nationale était planifiée pour une mise en faillite et un démantèlement, elle ne pouvait donc être le réceptacle et le promoteur de la haute technologie militaire. L’ANP a pourtant fait l’effort colossal de former des milliers de techniciens et d’ingénieurs pour cette industrie avec l’idée que même si l’industrie militaire ne verrait pas le jour, les cadres formés seront utiles à l’Algérie et à la technicité de l’armée. Sur le plan de la vision stratégique comment envisager une industrie militaire alors que le niveau conceptuel des chefs et des sous-chefs ne permettait ni d’élaborer une doctrine militaire ni de concevoir le schéma de l’économie de défense ni encore celui de la sécurité nationale (culturelle, idéologique, économique, sociale, scientifique) ? Comment édifier une industrie militaire déboitée de l’université algérienne qui continue de délivrer des enseignements scholastiques et caducs, qui ne s’investit pas dans la recherche scientifique et technologique et qui n’a aucune passerelle praticienne avec le monde du travail et les préoccupations réelles de l’économie, de la défense ? Comment concevoir une industrie militaire alors que l’Etat de droit est absent et qui est nécessaire à la promotion des compétences, à la défense de la souveraineté nationale ? Comment concevoir les capacités de production et dimensionner les chaines de production sans partenariat avec les pays voisins car l’industrie militaire exigent de grands budgets et ne peut se contenter de faire de la production de petites séries ? L’industrie militaire, n’est pas une finalité en soi, mais est un outil au service de la souveraineté nationale et en tant qu’outil de défense, il devrait participer à la défense de l’Algérie contre quel ennemi et sur quel terrain de combat ? Peut-on édifier une industrie alors qu’elle est concurrencée par la culture de la rente et des importations qui l’alimentent.

Lorsque le monde civil et militaire fonctionnent selon la règle de l’interlocuteur valide, agrée par les intérêts mesquins du moment et cautionné par les intérêts stratégiques de l’Etranger, il ne peut y avoir ni décideur véritable ni Etat authentique. Partout, c’est de la fausse monnaie, des impostures, des usurpations et des éphémères. L’intégrisme à l’image du délabrement de tous les secteurs de l’Algérie est le produit des Algériens. L’éradication janvieriste laïciste est aussi un produit de l’Algérie. Cette Algérie qui produit des monstruosités n’est ni indépendante ni sensée.

Le général Benyellès connait ses contradictions et il a sans doute lu Malek Bennabi : l’homme le plus compétent et le plus intègre ne peut rien faire lorsque le milieu dans lequel il évolue manque d’efficacité, de synergie et d’orientation. Comme une aiguille aimantée dans un champ magnétique soit s’aligner sur le champ le plus fort soit se détraquer ou être exclu par la force de répulsion.

Ces souvenirs méritent d’être soulignés en faveur du général Benyellès qui avait manifesté son intention de relancer le chantier naval de Mers El Kebir qui avait couté 100 milliards (1DA = 1.3 FF) d’investissement infructueux à l’Algérie. Il voulait confier la réparation des vedettes des gardes côtes aux Algériens. Il voulait lancer la fabrication de petites unités navales et de cochons de mer lance torpilles.

Le destin est incroyable ! C’est au cours de ces réunions de travail que j’ai fait la connaissance du général Ali Ghediri actuel candidat aux élections présidentielles. Il m’a laissé une excellente impression : il connaissait son dossier ; il était sobre, discipliné, bosseur et intelligent ; il soutenait le développement national et l’acquisition technologique ainsi que la confiance à accorder aux ingénieurs et techniciens de l’armée et du civil. Je me rappelle avoir rédigé avec lui les comptes rendus des réunions de travail : on a fait du beau travail, on n’a négligé aucun détail et on n’a fait aucune faute de style ou de syntaxe. A l’époque, il était capitaine sous-directeur technique de la marine de guerre. Sa candidature est à prendre au sérieux et il peut gouverner l’Algérie : c’est un jeune, bon technicien, bon administrateur, patriote.

Dans ces réunions nous venons d’horizons divers et de régions multiples : frontière marocaine, frontière tunisienne, kabyles, chaouis… L’esprit du Makhzen que nous lègue Bouteflika et les clans qui se disputent la rente étaient en larves, mais l’amour de l’Algérie et le salaire mensuel nous suffisaient pour travailler. L’armée est une discipline, une hiérarchie et une administration qui structurellement sait gérer les différences et les clivages. Les clivages étaient perceptibles entre les issus de l’armée française complexés par le passé glorieux des Moudjahidines de première heure, les issus de l’ALN frustrés de voir les DAF avancer plus vite en grade et en poste de responsabilité, les purs produits de l’indépendance étaient dispersés entre ceux-ci et ceux-là. Les plus politisés et les plus visionnaires avaient du mal à s’intégrer, car ils avaient d’autres attentes et d’autres ambitions ainsi que beaucoup de déception. Le grade, la gamelle et la solde de l’armée les intéressaient moins que prendre les initiatives pour gagner en opérationnalité et en organisation. Ils sont devenus tout de suite encombrant et problématiques dans leur gestion de carrière. Les Moudjahidines méritaient un autre traitement, une autre prise en charge singulière en termes de formation. La culture de la rente et des avantages sociaux en milieu des années 80 a littéralement changé la perception des militaires sur l’armée, par la gestion de la pénurie et du favoritisme ont créé le fameux « sauve qui peut » de Malek Bennabi. Dans la vie civile, le sauve qui peut a pris des dimensions de catastrophe nationale. Chacun pour soi et l’Algérie pour les passe-droits. Certains d’entre nous ont pu traverser sans encombre l’existence, d’autres ont failli, mais beaucoup ont été mis à l’écart, car ils étaient peu enclins au compromis ou à la corruption.

Benyellès a raison lorsqu’il dit que Boumediene a créé un équilibre, mais l’équilibre était fragile car les divergences idéologiques étaient profondes et le cap différent. L’incompétence conjuguée à la subversion étrangère sapent une nation. Il est temps d’y mettre fin. A titre d’exemple de l’opposition des caps et des visions : vous avez une vision qui voulait que l’ANP soit organisé en divisions hyper mécanisées et donc lourdement équipées et demandant des budgets colossaux avec en parallèle une logistique qui fait de l’importation et du magasinage. En face vous avez, à l’instar du général Liamine Zéroual, une vision radicalement différente : une armée professionnelle légère hautement équipée et très mobile eu égard aux 60% de steppe du territoire. La logistique se devait d’être un véritable état-major des arrières. Dans la Russie de Poutine, c’est cette vision qui est en application et qui permet à l’armée russe d’entrer dans la guerre de cinquième génération et de devancer le Pentagone. Chez nous les partisans de la démesure et du gaspillage l’emportent sur les compétents. Ceci est valable tant pour les militaires que pour les civils. L’Algérie est le pays des équilibres précaires, des faux compromis, des fautes d’appréciation et de l’insouciance morale et intellectuelle.

Les propos de Benyellès confirment donc l’existence de la cinquième colonne et démontrent surtout que le pouvoir réel n’est pas aux mains des Algériens. L’armée est un décideur de circonstances. La question est qui crée ces circonstances. Il a raison lorsqu’il parle de l’action étrangère devant laquelle l’Algérie était démunie par incompétence et par négligence. En parlant des assassinats politiques, il invite l’historien à faire son travail, il invite le journaliste à investiguer, le juge à enquêter. Il a donné son opinion et a livré son expérience, n’attendez-pas de lui ce qui n’est pas sa vocation : juger ses pairs ou lancer des anathèmes. Il a beaucoup dit et il confirme notre intime conviction de la présence de la cinquième colonne hyper active en Algérie et il confirme surtout notre idée que le pouvoir réel n’est pas aux mains des Algériens. Pour s’en rendre à l’évidence, il faut voir le phénomène du turn-over dans l’armée algérienne et surtout la facilité avec laquelle on évince des généraux et des officiers supérieurs et on les met au silence. Une armée qui détient le pouvoir réel ne se laisse pas défaire de ses chefs.

Le général est tenu de pas ses fonctions et son grade à une certaine réserve, mais l’observateur qui a vu de près peut dire tout haut certaines vérités sur le pouvoir réel. Lorsque l’Algérie décide de créer le grade de général, beaucoup d’officiers issus de l’ALN ou de l’indépendance ont refusé ce grade, car il opérait une rupture symbolique avec les grades historiques de l’ALN. Les carriéristes et les DAF y ont vu une opportunité de promotion et de pouvoir et surtout un écart entre les militaires d’en bas et les militaires d’en haut. Lorsque l’Algérie décide de supprimer l’avis 77 sur le monopole de l’Etat sur la devise et propose la loi sur l’économie mixte, l’ANP a émis des réserves et a exprimé clairement sa désapprobation. Les Américains sont venus, après la promulgation de la loi sur l’économie mixte, proposer aux militaires un schéma qui met fin à l’industrialisation, qui met fin à la coopération russe en matière d’équipement et un projet financé par les Américains et piloté par leurs bureaux d’études pour transformer l’Algérie en un vaste réseau routier avec motels, ateliers de réparation et station services. Ils se sont adressés à l’ANP car ils pensaient qu’elle détenait le véritable pouvoir (politique et économique), mais l’Armée algérienne non seulement n’a pas donné suite, mais a envoyé un rapport à la présidence exprimant ses réserves sur le contenu, la faisabilité et l’incohérence de ce projet avec nos traditions industrielles et surtout avec les fameux slogans de transfert de technologie et d’intégration nationale. Si les militaires avaient dit oui et s’ils étaient décideurs politiques, l’Algérie serait en train de monter avec l’Egypte les chars américains Abrams et les hélicoptères de lutte antiterroriste équipés de vision nocturnes. Rachid Benyellès était je crois déjà général et secrétaire général du MDN lorsque l’armée se démarque de la nouvelle vision civile du développement économique et du partenariat stratégique. D’ailleurs, il dit que le Ministre de la défense, avec son cabinet de décideurs, a toujours était le Président de la République. Celui qui fait et défait ce cabinet, qui fait les présidents, les assassine ou les fait démissionner détient le véritable pouvoir. Les Algériens peuvent faire les basses besognes, mais ils n’ont pas l’intelligence machiavélique pour concevoir, planifier et superviser.

SOUTIEN À ALI GHEDIRI : POURQUOI ?

LA RUPTURE SYMBOLIQUE !

Nous soutenons le général Ali Ghediri pour une rupture symbolique avec le régime en place. Voici nos raisons objectives et subjectives :

1 – Il affiche sans ambiguïté et avec courage sa rupture avec le système maffieux.

2 – Il refuse d’aller au compromis avec les partis politiques discrédités et incompétents.

3 – Il annonce et promet une seconde République démocratique et populaire signifiant le renouvellement du serment fait à nos Chouhadas et la réhabilitation de la personnalité algérienne : nous y croyons.

4 – Il a un statut de général qui prend l’engagement de libérer le peuple et par là, il offre non seulement une voie de sortie honorable à l’ANP, mais il veut la réhabiliter dans la lignée de l’ALN libératrice et anticolonialiste. L’ANP a été coupée de son héritage historique,  de son ancrage social et de sa vocation institutionnelle par les intrus qui l’ont infiltrée et transformée en outil de répression, de légitimation et de corruption. L’ANP ne peut que reprendre sa mission par les siens, purs produits de l’école algérienne.

5 – Nous l’avons connu alors qu’il était jeune capitaine dans la Marine de guerre, il était alors partisan de la souveraineté nationale et de la sauvegarde de l’outil industriel de l’Algérie alors que d’autres pensaient déjà à dépecer l’Algérie après le décès du Président Boumediene. Aujourd’hui le pouvoir économique, médiatique et politique en place tente de le discréditer et le mettre en isolement. Ce ne sont pas ses qualités d’orateur ou de communicant qui nous intéresse, mais sa détermination et son engagement à devenir le Président de tous les Algériens.

6 – Nous sommes convaincus que le pouvoir réel a toujours échappé à l’ANP et au FLN. Ils ont été transformés en bouc-émissaire pour régler un contentieux historique et idéologique avec la guerre de libération nationale et la mémoire de nos Martyrs toujours vivante dans nos cœurs et nos esprits. Ils ont été vidés de leur substance patriotique pour servir des intérêts privés. Le peuple et l’armée peuvent libérer le FLN des appareils bureaucratiques et rentiers pour qu’il reprenne sa place dans nos cœurs et dans l’histoire nationale, et que l’Algérie sans exclusive ni exclusion reconstitue enfin notre rêve de jeunesse : se rassembler autour d’un front d’édification nationale à l’abri des rentes historiques, économiques, culturelles et religieuses.

7 – La tâche est difficile, dans le contexte international de crise globale et dans le contexte de pourrissement national, elle exige donc le rassemblement des forces civiles et militaires, des jeunes et des anciens dans un front de résistance nationale. L’heure est grave : l’existence territoriale de notre patrie est en péril, maintenant que l’Etat est complètement effondré et que les appareils économiques, politiques, administratifs et sécuritaires sont en état de sénilité et de faillite.

Nous apportons notre soutien au Général Ali Ghediri et nous continuerons à le soutenir tant qu’il agit dans la transparence et œuvre de pied ferme et avec courage pour la défense des libertés, l’indépendance de la Justice, la fin des rentes et la souveraineté nationale. Nous sommes persuadés qu’il offre une possibilité crédible de rupture symbolique.

A l’origine le symbolum était le partage, entre deux personnes, d’un objet qui avait été brisé et dont les morceaux, lorsque ces personnes se rencontreraient à nouveau, seraient des symboles, significatifs d’une réalité et d’une vérité sur laquelle elles s’étaient préalablement convenues de considérer comme signe de reconnaissance et de liaison. Nous sommes tous en majorité d’accord avec la réconciliation et la réunification comme nous sommes opposés à tout ce qui nous diabolise et nous aliène. Il nous appartient en notre âme et conscience de converger si nous voulons tisser du symbole ou de continuer à diverger, à verser notre sang et à dilapider nos ressources en persistant à détruire les derniers symboles : les liens de fraternité et l’appartenance au même territoire et à la même histoire.

LE FAUX TÉMOIGNAGE DES PARTIS DU POUVOIR

فَاجْتَنِبُوا الرِّجْسَ مِنَ الأَوْثَانِ وَاجْتَنِبُوا قَوْلَ الزُّورِ

Evitez la souillure des idoles ; évitez le faux témoignage ! [Al Hadj 30]

L’idolâtrie est l’humiliation de l’intelligence humaine, l’aliénation des libertés. Le faux témoignage est la voie pour saper la justice, ouvrir la porte à la corruption, permettre le vol, le viol, la trahison voire le crime.

Le faux témoignage est, par son caractère mensonger grave, une entrave à l’exercice de la justice et une atteinte aux droits. Il ne s’agit pas seulement de tenir des propos mensongers, mais consiste aussi à :

  • User de fausses promesses ;
  • Faire des offres de corruption,
  • Exercer des pressions, faire des menaces,
  • Exercer des voies de fait (c’est-à-dire violences), du fardage ou du dol (manœuvres ou artifices afin d’intimider et de fausser)
  • Pousser autrui à ne pas témoigner librement.
  • Faire circuler de fausses rumeurs dans le but de désinformer, de manipuler l’opinion publique. Intimider les juges ou les envoyer sur de fausses pistes.
  • Établir une attestation ou un certificat faisant état de faits faux ou inexacts ;
  • Falsifier une attestation ou un certificat.
  • Faire usage du faux ou présenter une attestation ou un certificat inexact, faux ou falsifié.
  • Recourir à des jugements et des argumentaires fondés volontairement sur des syllogismes fallacieux qui ne tiennent d’aucun fait réel et d’aucune vérité établie.

Après l’attentat à la vie humaine, vient le faux témoignage dans la graduation des crimes. Le châtiment du faux témoignage est l’emprisonnement, la flagellation, la destitution de tous les droits civiques et le bannissement de la cité des hommes.

Les parvenus du FLN qui ont pénétré dans l’assemblée nationale par effraction ont commis les pires crimes : idolâtrie, faux témoignages et incitation au crime. Seule la rupture avec le système maffieux, sénile et inculte peut les traduire devant les tribunaux et les mettre hors d’état de nuire.

Châtiment dans ce monde et malédiction dans l’autre attendent le faux témoin.

وَلاَ تَكْتُمُواْ الشَّهَادَةَ وَمَن يَكْتُمْهَا فَإِنَّهُ آثِمٌ قَلْبُهُ [البقرة:28

Et ne dissimulez pas le témoignage : quiconque le dissimulerait pécherait en son for intérieur.

Le pécheur qui se repent, qui avoue ses crimes et restaure le droit d’autrui, peut-être effacé par le repentir, car sa faute est souvent confinée dans le temps et l’espace. Mais pécher en son for intérieur, c’est-à-dire en sa conscience, c’est perdre tout espoir d’être sauvé car la conscience est souillée, noircie, irréparable. Les effets d’une telle conscience déshumanise son homme, ses effets sont durables dans le temps et étendus dans l’espace et les activités humaines. Jusqu’à la dernière minute de leur existence, ils continueront de mentir, de falsifier, de trafiquer. Celui que les circonstances et les contraintes mettent devant l’épreuve du faux mensonge peut refuser ou se démettre si les possibilités le lui permettent, peut plier et faire un faux témoignage, mais sa conscience continue de refuser et à la moindre occasion il se réhabilite, il dénonce et rompt avec la contrainte. Celui-ci n’entre pas dans la catégorie فَإِنَّهُ آثِمٌ قَلْبُهُ  pécher par conscience.

Omar MAZRI 

LE VENDREDI DE LA RUPTURE

Contrairement à tous les scénarios pessimistes craignant le pire, y compris les nôtres, La jeunesse algérienne a manifesté dans le calme sans violence ni débordement. Malgré l’anonymat de l’appel à manifester pour un « vendredi noir » la jeunesse algérienne a répondu massivement à travers tout le territoire algérien. Malgré que les éradicateurs et les provocateurs aient essayé de présenter la mosquée comme une menace intégriste, les jeunes algériens ont répondu pacifiquement sans slogan religieux. Malgré la mobilisation des confréries maraboutiques et des imams de la rente, la jeunesse algérienne a osé défier le régime et exprimer, au-delà du non à un cinquième mandat :

  • Barakat,
  • Le changement par des voies pacifiques,
  • Que les élites incompétentes et traitres dégagent.

La peur est enfin vaincue, le peuple est sur la voie de reconquérir ses droits et de se mettre sur la voie de la rupture. Ce n’est pas encore acquis, mais le chemin est tracé vers les urnes qui vont trancher.

Le courage, la détermination, la dignité et la grandeur de cette jeunesse, tant méprisée et niée, se sont manifestés et vont prendre de l’ampleur, de l’intensité et de la densité non seulement pour exiger la rupture, mais pour imposer l’exercice libre de la politique et de l’initiative populaire sans lesquels il n’y a ni indépendance, ni développement social et économique. Nous osons croire que notre rêve de jeunesse va se réaliser et que ceux qui ont confisqué l’indépendance de l’Algérie seront contraints de partir et de rendre justice. Nous osons croire que cette jeunesse unie par un destin national va enfin parachever et corriger ce que leurs ainés n’ont pas réussi à accomplir.

Nous tenons à souligner que plusieurs de nos craintes ne se sont pas réalisées :

  • La répression brutale
  • La provocation policière
  • L’interruption des Baltagias
  • La contre marche du FLN qui aurait opposé les Algériens aux Algériens.

Le régime est en panique, il ne contrôle plus la situation et il n’a aucune devanture « légitime » pour gérer la suite et récupérer la colère populaire ou donner légalité à la répression. Il est au point de rupture et seul le mouvement populaire organisé et pacifique pourrait provoquer cette rupture.

Les forces militaires et sécuritaires ont peut-être pris conscience du péril que ces gouvernants maffieux constituent pour l’existence de l’Algérie ainsi que pour leur propre sécurité. Les conditions de 1992 et la manipulation des islamistes infantiles ne peuvent plus faire converger les éradicateurs de tous bords pour instrumentaliser les corps constitués dans la défense de leur rente et la promotion de leurs idéologies anti populaires qu’ils ne peuvent conserver par la voie démocratique et républicaine.

Le FLN n’a sans doute pas pu ramasser ces balatagias. Il agit seul, sans les partis du pouvoir et de l’opposition inféodée, signifiant qu’ils agissent en ordre dispersé sans plan de bataille, sans chef, sans chemin de repli, sans arrières et sans protection des flancs. C’est militairement parlant une débâcle annoncée.

L’armée algérienne, c’est-à-dire les forces armées vont peser de tout leur poids cette fois-ci pour sortir du bourbier dans lequel des incapables et des irresponsables les ont entrainés. Un coup d’Etat comme en 1965 est possible ou un coup d’Etat blanc qui met fin à la candidature de l’homme malade est possible. Si cette volonté d’intervenir par la force existe, nous devons la refuser car il ne reste que quelques semaines à tenir avant l’effondrement du système rentier. Les forces armées peuvent dire haut et fort qu’elles se portent garantes du résultat des élections ou dire tout bas à ses chefs et aux civils qui ont provoqué le chaos que c’est la fin de partie. Elle doit se faire sans effusion de sang. La solution idéale serait de reporter après le Ramadhan les élections pour donner le temps au peuple de s’organiser politiquement et aux candidats de débattre de leurs programmes. Le 5 juillet serait une bonne date symbolique, le mieux serait le premier novembre. Une transition de quelques mois, le temps d’apaiser le climat et de préparer la vie politique et sociale. Cette solution passe par l’interdiction de la maffia actuelle de présenter un candidat ; le refus des interventions étrangères ; enfin et surtout la mise en place de garanties crédibles.

Le répit de trois ou six mois serait suffisant à une jeunesse active et désirant s’approprier l’initiative historique de se constituer en Assemblées citoyennes au niveau local, de débattre politiquement et de faire émerger de nouvelles élites pour prendre les responsabilités de la gouvernance du pays. Les Anciens, patriotes et honnêtes, apporteraient uniquement le conseil et la capacité d’écriture. Ce serait une évolution historique. Le président élu pourrait s’appuyer sur ces assemblées pour conduire le pays jusqu’au renouvellement des institutions et des cadres. A l’indépendance, l’Algérie a pratiqué avec réussites ce genre d’expérience par les comités de gestion, les comités de quartier, les scouts et les universités populaires. Il faut faire confiance au génie populaire et le laisser inventer ses propres outils de gestion et ses propres méthodes d’émancipation.

L’aube est proche inchaallah ! Demain c’est une nouvelle marche par d’autres initiateurs. Nous lui souhaitons la réussite. Nous espérons que toutes les marches et toutes les manifestations expriment le même rejet du système actuel et qu’elles convergent vers la même lutte : parachever l’indépendance de l’Algérie et mettre fin aux rentes et aux confiscations. Personne n’a le droit de se ranger derrière de fausses bannières ni de s’insérer dans des cadres sectaires ou politiciens. Les Algériens ne supporteront pas indéfiniment d’être manipulés et trahis et n’accepterons aucune justification, car l’heure est grave, complexe et décisive. Il n’y a plus de temps à perdre.

Que chacun se range derrière son choix responsable et vote ou qu’il s’abstienne de voter, mais pas de faux curseur ni de tromperie. Si nous votons, nous devons soutenir notre candidat et accepter le verdict des urnes s’il n’y a pas de fraude. L’élu, à la majorité, doit être le Président de tous les Algériens et instaurer les bases d’une véritable démocratie et d’une authentique république en :

  • Réhabilitant la vie politique et la Justice
  • Garantissant les libertés
  • Mettant fin aux monopoles et aux rentes
  • Relançant l’activité économique, la solidarité nationale et la justice sociale.

Ceux qui préconisent l’abstention, doivent nous éclairer sur l’alternative de leur choix politiques après les élections. Le peuple algérien ne peut demeurer éternellement dans l’impasse et l’improvisation. Il lui faut un cap et une direction d’effort.

Le Venezuela doit être détruit : pourquoi ?

Par Dmitry Orlov
Source Club Orlov
traduction : http://lesakerfrancophone.fr/pourquoi-le-venezuela-doit-il-etre-detruit

 

La semaine dernière, Trump, son vice-président Mike Pence, le directeur du département d’État américain Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, ainsi qu’un groupe de pays d’Amérique centrale, qui sont grosso modo des colonies américaines et qui n’ont pas de politique étrangère propre, ont annoncé, en même temps, que le Venezuela avait un nouveau président : une non-entité virtuelle nommée Juan Guaidó, qui ne s’était jamais présenté à ce poste, mais qui a été en quelque sorte formé pour ce poste aux États-Unis. Guaidó est apparu lors d’un rassemblement à Caracas, flanqué d’une petite clique de flagorneurs très bien rémunérés. Il avait l’air très effrayé lorsqu’il s’est autoproclamé président du Venezuela et s’est mis à remplir ses fonctions présidentielles en allant se cacher immédiatement.

On ne savait pas où il se trouvait jusqu’à ce qu’il fasse surface lors d’une conférence de presse, au cours de laquelle il n’a pas répondu à la question de savoir s’il avait été contraint de se déclarer président ou s’il l’avait fait de son propre gré, sans hésiter. Il y a beaucoup de choses à la fois tragiques et comiques dans cette histoire, alors démontons-la morceau par morceau. Ensuite, nous passerons à la question de savoir pourquoi le Venezuela doit être détruit (du point de vue de l’establishment américain).

Ce qui ressort immédiatement, c’est la combinaison de l’incompétence et du désespoir dont font preuve toutes les personnalités publiques et non-publiques mentionnées ci-dessus. Pompeo, en exprimant sa reconnaissance à Guaidó, l’appelant « guido », qui est une insulte ethnique contre les Italiens, tandis que Bolton a fait mieux en l’appelant « guiado », ce qui pourrait être compris en espagnol par « contrôlé à distance ». Pour ne pas être en reste, Pence a prononcé tout un petit discours sur le Venezuela – une sorte d’adresse au peuple vénézuélien – qui était truffé d’un pseudo charabia espagnol vraiment atroce et qui s’est terminé par un « ¡Vaya con Dios ! » tout à fait incongru, comme sorti d’un western des années 1950.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a également été l’occasion de se divertir, le représentant russe Vasily Nebenzya, toujours redoutable, soulignant que la situation au Venezuela ne constituait pas une menace pour la sécurité internationale et ne relevait donc pas de la compétence du Conseil de sécurité. Il posa ensuite une question pointue à Pompeo, qui était présent à la réunion : « Les États-Unis envisagent-ils de violer une fois de plus la Charte des Nations Unies ? ».

Pompeo n’a pas donné de réponse. Il s’est assis là, ayant l’air d’un chat qui fait semblant de ne pas mâcher un canari, puis il s’est rapidement enfui. Mais tout récemment, alors qu’il sortait probablement d’une réunion sur la sécurité nationale et se rendait à pied à une conférence de presse de la Maison-Blanche, Bolton a accidentellement montré son bloc-notes devant les caméras des journalistes. On y trouvait les mots « 5000 soldats en Colombie » (il s’agit d’une base militaire/colonie de narcotrafiquants américaine à la frontière nord du Venezuela). Était-ce un moment de sénilité de Bolton ? Quoi qu’il en soit, cela semble répondre par l’affirmative à la question de Nebenzya. La nomination au poste d’envoyé spécial au Venezuela d’Elliott Abrams, un criminel reconnu coupable d’etre complice de la précédente tentative de coup d’État au Venezuela contre Hugo Chávez, ce qui l’a automatiquement rendu persona non grata au Venezuela, est également un signe d’intention hostile.

 

Il serait tout à fait pardonnable que vous confondiez cette opération de changement de régime avec une sorte d’art absurde, une performance. C’est certainement un peu trop abstrait pour les complexités du monde réel de l’ordre international. Un pauvre larbin effrayé est projeté devant une caméra et se déclare président de Narnia, puis trois larbins (Pence, Pompeo et Bolton) et Bozo le Trump sautent tous sur l’occasion et crient « Oui-oui-oui, c’est sûrement lui » ! Et un retraité qui a déjà raté son coup est sorti du banc, dépoussiéré et envoyé en mission dans un pays qui ne veut pas de lui.

Pendant ce temps, dans le monde réel, l’armée vénézuélienne et les tribunaux vénézuéliens restent fermement derrière le président élu Nicolas Maduro et une liste de pays qui constituent la grande majorité de la population mondiale, dont la Chine ; la Russie ; l’Inde ; le Mexique ; la Turquie ; l’Afrique du Sud et quelques autres parlent d’un soutien à Maduro. Même les habitants des pays d’Amérique centrale contrôlés à distance savent très bien à quel point une telle opération de changement de régime créerait un dangereux précédent si elle devait réussir, et ils réfléchissent : « Bon là c’est le Venezuela, demain, ça sera notre tour ! ».

Pour être complet, examinons les arguments utilisés pour faire avancer cette opération de changement de régime. Certains prétendent que Nicolas Maduro n’est pas un président légitime parce que les élections de l’année dernière, où il a été soutenu par 68% des électeurs, ont manqué de transparence et ont été boycottées par certains partis d’opposition, alors que la déclaration de Juan Guaidó est 100% légale malgré lui et son Assemblée nationale sans importance qui, selon les sondages de l’opposition, est contestée par 70% des Vénézuéliens. Il y a également eu des allégations non-fondées de « bourrage des urnes » – du fait notamment que les Vénézuéliens n’utilisent pas de bulletins de vote en papier, alors que selon l’observateur électoral international et ancien président américain Jimmy Carter, « le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde ».

Certains prétendent que Maduro a mal géré l’économie vénézuélienne, ce qui a entraîné une hyperinflation, un taux de chômage élevé, une pénurie de produits de base (notamment de médicaments) et une crise des réfugiés. Il y a du vrai dans cette affirmation, mais nous devons aussi noter que certains voisins du Venezuela font encore pire à bien des égards, même si Maduro n’est pas leur président. En outre, de nombreuses difficultés économiques du Venezuela ont été causées par les sanctions américaines à son encontre. Par exemple, à l’heure actuelle, environ 8 milliards de dollars de l’argent du Venezuela sont bloqués, destinés à financer une armée mercenaire qui devrait envahir et tenter de détruire le Venezuela comme cela a été fait avec la Syrie.

Enfin, une grande partie de la situation difficile du Venezuela est liée à la malédiction du pétrole. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole au monde, mais son pétrole est très visqueux et donc coûteux à produire. Pendant une période de prix élevés du pétrole, les Vénézuéliens sont devenus dépendants des largesses pétrolières que le gouvernement avait l’habitude d’utiliser pour sortir des millions de personnes d’une pauvreté abjecte et de les faire sortir des bidonvilles pour les mettre dans des logements sociaux. Et maintenant, les bas prix du pétrole ont provoqué une crise. Si le Venezuela parvient à survivre à cette période, il sera en mesure de se redresser une fois que les prix du pétrole se seront redressés (ce qui sera le cas une fois que le foutu système de Ponzi aux États-Unis aura fait son temps). Nous reviendrons plus tard sur le pétrole vénézuélien.

 

En passant, beaucoup de gens ont exprimé l’opinion que les malheurs du Venezuela sont dus au socialisme. Selon eux, c’est bien si beaucoup de gens souffrent tant que leur gouvernement est capitaliste, mais s’il est socialiste, ce n’est pas le bon type de souffrance et leur gouvernement mérite d’être renversé, même si tous ont voté pour lui. Par exemple, le site ZeroHedge, qui publie souvent des informations et des analyses utiles, a poussé cette ligne de pensée ad nauseam. Il est malheureux que certaines personnes s’imaginent qu’elles ont des principes et qu’elles ont raison alors qu’elles ne sont au mieux que des idiotes stupides et au pire des idiotes utiles. Ce n’est pas à elles de décider de la politique des autres nations et elles devraient cesser de nous faire perdre notre temps avec leurs absurdités.

Cette tentative bien visible de changement de régime créerait un précédent très dangereux pour les États-Unis eux-mêmes. La doctrine de la jurisprudence n’est nullement universelle. Elle nous vient du sombre âge de la common law tribale anglaise et n’est suivie que dans les anciennes colonies britanniques. Pour le reste du monde, c’est une forme barbare d’injustice parce qu’elle accorde un pouvoir arbitraire aux juges et aux avocats. Les tribunaux ne doivent pas être autorisés à écrire ou à modifier des lois, mais seulement à les suivre. Si votre cause peut être tranchée en fonction d’une autre cause qui n’a rien à voir avec vous, alors pourquoi ne pas laisser quelqu’un d’autre payer vos frais juridiques et vos amendes et purger votre peine pour vous ? Mais il existe un principe fondamental du droit international, à savoir que les nations souveraines ont le droit de respecter leurs propres lois et traditions juridiques. Par conséquent, les États-Unis seront liés par les précédents qu’ils établissent. Voyons comment ça marcherait.

Le précédent établi par la reconnaissance de Juan Guaidó par le gouvernement américain permet à Nicolas Maduro de déclarer la présidence de Donald Trump illégitime pour pratiquement toutes les mêmes raisons. Trump n’a pas réussi à remporter le vote populaire, mais n’a obtenu la présidence qu’en raison d’un système électoral corrompu et truffé d’irrégularités. En outre, certains candidats de l’opposition ont été traités injustement au cours du processus électoral. Trump est aussi une honte et un échec : 43 millions de personnes vivent grâce à des coupons alimentaires ; près de 100 millions font partie des chômeurs de longue durée (pudiquement appelés des « sans emploi ») ; la situation des sans-abris est endémique et des villages entiers de tentes sont apparus dans plusieurs villes américaines ; de nombreuses entreprises américaines sont au bord de la faillite ; et Trump ne semble même pas être capable de maintenir le gouvernement fédéral ouvert ! C’est un désastre pour son pays ! Maduro reconnaît donc Bernie Sanders comme le président légitime des États-Unis.

Vladimir Poutine pourrait alors s’appuyer sur ces deux précédents en reconnaissant également Bernie Sanders comme le président américain légitime. Dans un discours public, il pourrait dire ce qui suit : « J’admets librement que nous avons installé Donald Trump en tant que président américain, comme c’était notre droit sur la base des nombreux précédents établis par les États-Unis eux-mêmes. Malheureusement, l’expérience Trump n’a pas fonctionné comme prévu. Mueller peut prendre sa retraite, car cette clé USB contient tout ce qui est nécessaire pour annuler l’intronisation de Trump. Donny, désolé que ça n’ait pas marché ! Ton passeport russe est prêt, tu peux le retirer à notre ambassade, tout comme les clés de ta chambre à Rostov, juste à côté de l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch qui a été violemment changé-de-régime par votre prédécesseur Obama. »

Pourquoi cette hâte inconvenante à faire sauter le Venezuela ? L’explication est simple : il s’agit du pétrole. « Cela fera une grande différence pour les États-Unis sur le plan économique si les compagnies pétrolières américaines peuvent investir et produire du pétrole au Venezuela », a déclaré John Bolton dans une émission sur Fox News. Vous voyez, le pétrole vénézuélien ne peut être produit de façon rentable sans des prix élevés du pétrole – si élevés que de nombreux consommateurs dépendant du pétrole feraient faillite – mais il peut certainement être produit en quantités beaucoup plus importantes et avec d’énormes pertes financières.

D’énormes pertes financières ne gêneraient certainement pas les compagnies pétrolières américaines qui ont jusqu’à présent généré une perte de 300 milliards de dollars en utilisant la fracturation hydraulique, financée par le pillage de l’épargne-retraite des américains, en imposant aux générations futures une lourde dette et d’autres plans néfastes. N’oubliez pas non plus que le plus gros consommateur de pétrole au monde est le ministère américain de la Défense, et s’il doit payer un peu plus cher pour le pétrole afin de continuer à faire exploser des pays, il le fera. Ou plutôt, vous le ferez. C’est la même chose pour eux. Les États-Unis sont déjà bien au-delà de la faillite, mais leurs dirigeants sont prêts à tout pour faire durer la fête pendant encore quelques temps.

Voilà le vrai problème : la fête autour du pétrole de schiste se termine. La plupart des puits les plus productifs ont déjà été exploités ; les nouveaux puits s’épuisent plus rapidement et produisent moins tout en coûtant plus cher ; les prochaines vagues de fracturation, si elles se produisaient, gaspilleraient 500 milliards de dollars, puis 1 000, puis 2 000… Le rythme de forage ralentit déjà et a commencé à ralentir même lorsque les prix du pétrole étaient encore élevés. Pendant ce temps, le pic de production de pétrole conventionnel (non fracturé) a eu lieu en 2005-2006 et seuls quelques pays n’ont pas encore atteint leur pic. La Russie a annoncé qu’elle commencerait à réduire sa production dans seulement deux ans et l’Arabie saoudite n’a plus de capacité disponible.

Une pénurie de pétrole assez importante s’annonce, et elle affectera plus particulièrement les États-Unis, qui brûlent 20% du pétrole mondial (avec seulement 5% de la population mondiale). Une fois l’effondrement survenu, les États-Unis passeront de 2,5 millions de barils par jour devant etre importés à au moins 10 millions de barils devant etre importés, mais ce pétrole n’existera plus. Auparavant, les États-Unis étaient capables de résoudre ce problème en faisant exploser des pays et en volant leur pétrole : la destruction de l’Irak et de la Libye a permis aux compagnies pétrolières américaines de se remettre sur pied pendant un certain temps et a empêché l’effondrement du système financier. Mais l’effort pour faire sauter la Syrie a échoué, et la tentative de faire sauter le Venezuela est susceptible d’échouer aussi parce que, gardez à l’esprit, le Venezuela a entre 7 et 9 millions de Chavistes imprégnés de l’esprit révolutionnaire bolivarien, une armée importante et bien équipée et ce pays est généralement d’un voisinage très dur.

Auparavant, les États-Unis avaient eu recours à diverses ruses pour légitimer leur agression contre les pays riches en pétrole et le vol subséquent de leurs ressources naturelles. Il y avait cette fiole de talc hautement toxique que Colin Powell a secouée à l’ONU pour que le Conseil de sécurité vote en faveur de la destruction de l’Irak et du vol de son pétrole. Il y a eu l’histoire inventée d’atrocités humanitaires en Libye pour obtenir les votes en faveur d’une zone d’exclusion aérienne (qui s’est avérée être une campagne de bombardements suivie d’un renversement du gouvernement). Mais avec le Venezuela, il n’y a pas de feuille de vigne. Tout ce que nous avons, ce sont des menaces ouvertes d’agression pure et des mensonges flagrants auxquels personne ne croit, livrés maladroitement par des clowns, des larbins et des vieux sur le retour.

Si le plan A (voler le pétrole vénézuélien) échoue, alors le plan B est de prendre tous vos chiffons de papier libellés en dollars américains – espèces ; actions ; obligations ; actes ; polices d’assurance ; billets au porteur, etc. et de les brûler dans des poubelles pour essayer de rester au chaud. Il y a une nette bouffée de désespoir dans toute cette affaire. L’hégémonie mondiale est brisée ; elle est tombée et ne peut plus se relever.

S’il reste un doute dans votre esprit sur la raison pour laquelle le Venezuela doit être détruit, et pourquoi le peuple vénézuélien ne compte pas du tout, c’est Trump lui-même qui l’a dit.

 

Dimitri Orlov

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Le changement et l’universel pour l’Algérie

إن الله لا يغير ما بقوم حتى يغيروا ما بأنفسهم، وإذا أراد الله بقوم سوءا فلا مرد له وما لهم من دونه من وال  – الرعد 11.

Dieu ne change rien à la situation d’un peuple tant que les Hommes ne changent pas ce qui est en eux-mêmes. Quand Dieu décide un mal pour un peuple, rien ne peut le repousser et il n’existe en dehors de Lui aucun protecteur.

ذلك بأن الله لم يك مغيرا نعمة أنعمها على قوم حتى يغيروا ما بأنفسهم وأن الله سميع عليم  – الأنفال 53

Dieu ne change rien au bienfait dont Il a gratifié un peuple tant que ces gens ne changent pas ce qui est en eux-mêmes. Dieu, certes, entend tout, Il sait tout. Tel fut le sort des gens de Pharaon et de ceux qui les ont précédés. Ils ont nié les signes de leur Dieu, alors Nous les avons fait périr à cause de leurs péchés et Nous avons englouti les gens de Pharaon : tous étaient iniques.

Il est difficile de trouver le terme exacte pour rendre  plus significative l’Irada al Ilahiha ( الإراضة الإلاهية). Il ne s’agit pas d’élan volontaire, mais de parole actée, de sentence qui sanctionne, de lois qui s’exécutent, de justice qui s’exécute… Acceptons  le verbe décider en attendant meilleure inspiration. Ce n’est pas de la rhétorique (Ilm al Kalam), mais de la rigueur, la même que s’impose un professeur de mathématiques ou de philosophie dans son argumentaire. Ce n’est pas du bavardage, mais de la communication pour dire que nous sommes partisans du changement et de la rupture et que chaque mot devra être analysé avec justesse et que le débat ne puisse être contenu dans une chapelle idéologique aussi éclairée soit-elle. Il s’agit du devenir d’un peuple, celui dont nous sommes issus et celui que nous voulons servir.

Il faut changer ce qui est en l’état d’un peuple pour que Dieu change la situation d’un peuple. Il faut non seulement conserver intact la gratitude envers les bienfaits de Dieu, mais l’entretenir et la cultiver en partageant ses bienfaits avec l’ensemble de Ses créatures, en devenant responsables, refusant la corruption et l’injustice et en produisant de la pensée positive et de l’action efficace.

Comme les gens paresseux aiment des recettes toutes faites et faciles, ils attendent que le changement leur tombe du ciel ou qu’il sorte des urnes. Le changement est d’abord un changement de paradigme, c’est à dire un changement dans la représentation du monde, une manière de voir les choses différemment, un modèle de comportement différent. Il ne s’agit pas d’une formule magique, mais de la capacité de penser, de débattre. Il ne s’agit pas de débattre en politicien ou confiné au politique, mais de débattre sur tout sans tabou, sans exclusion en acceptant de quitter sa zone de confort intellectuel et social.

Le changement dont parle le Coran n’est pas le changement de Zaïm politique ou de marabout idéologique. Il n’est pas dans l’adoption d’une morale islamique confinée à des sociocodes et à des géocodes importés du monde des bédouins pour uniformiser la manière de se vêtir, de manger, d’échanger de petites politesses, de prier sans spiritualité, et de commercer sans transparence et sans payer ses impôts. Cheikh Al Qaradhaoui, prisonnier du paradigme des anciens et de l’idéologie frériste soutient que nous avons besoin de morale islamique comme le pensaient Ibn Thaymiya et tous les anciens traumatisés par la chute de l’Empire Abbasside dont ils n’ont jamais cherché à comprendre le processus sociologique, politique et économique de son anéantissement historique.

Le problème n’est pas de l’ordre de la morale religieuse, mais de l’Éthique comprise comme réflexion (philosophie) qui analyse les principes régulateurs de l’action et du comportement dans une société et dans une époque pour comprendre les motivations et les possibilités du changement ou de la régression. C’est aussi une science sociologique et politique qui étudie la réalité sociale et les conditions économiques et techniques de l’activité humaine pour en dégager les valeurs normatives et les référentiels culturels et idéologiques de la tribu, de la société, de l’État constitué… Il faut noter que le principe relève du sacré transcendant alors que la valeur est l’appropriation subjective et sociale de ce principe à un moment singulier de l’histoire. Le principe est structurant, fédérateur et fondateur alors que la valeur est un paradigme changeant. Le changement exige donc de voir l’essence des choses et leur interprétation à travers l’usage et l’appropriation. Lorsqu’on parle d’Islam, on doit distinguer le principe universel des valeurs historiques, culturelles et sociales. Il en est de même en matière de berbérité, d’arabité, d’algérianité, de liberté, d’humanité, de droit, de justice. Le principe est en quelque sorte l’archétype et la valeur l’interprétation de ce principe dans un territoire, une période, une mentalité, une praxis sociale… Se placer sur le terrain des valeurs c’est se placer sur le conjoncturel historique ou géographique et par conséquent se placer sur les paradigmes du dominant qui dispose de l’avantage médiatique et du rapport des forces. Se placer sur l’éthique, c’est se placer sur les principes universels sans frontières, sans restriction, sans tutelle, sans exclusive ni exclusivité. L’universel réside dans la diversité, la pluralité et la différence au service de la liberté et de la justice.

Le changement est donc un changement de valeur, un changement de paradigme, une refonte de l’Être pensant et agissant.  Changer la manière, la finalité et les méthodes de Croire, Savoir, Désirer, Pouvoir, Vouloir, Devoir et Agir. C’est ainsi que nous pouvons opérer une rupture avec nos limites, nos peurs et nos faiblesses et libérer une dynamique de rupture avec les valeurs acquises et périmées ou viciées. Seule la déconstruction de ces valeurs et de leurs édifices sociologiques, culturels, institutionnels, juridiques et économiques peut faire émerger de nouveau le principe universel commun à tous les hommes, toutes les croyances, toutes les religions, toutes les ethnies. L’acte libérateur et civilisateur en même temps est un témoignage présentiel au monde c’est-à-dire une présence authentique et communicative dans la pensée et l’activité humaine. Cette présence est un témoignage de gratitude c’est-à-dire une anagogie spirituelle et une empathie universelle (harmonie et bienveillance dans le monde). C’est avec cette disposition éthique que les hommes de bien construisent une dynamique de vertu qui terrasse les forces maléfiques.

Notre combat n’est pas pour disposer de quelques strapontins, de quelques miettes ou de quelques mesurettes, mais pour insuffler l’élan libérateur et civilisateur qui est la nature primordiale de l’Homme honoré par Dieu et qu’on appelle la Fitra et que les bigots ont confiné à la religiosité (religion primordiale) faute de se hisser à l’universel. Lorsque le Coran dit qu’Allah est Al-Fater (الفاطر) et qu’il a « initié » (فطر) les Cieux et la Terre, nous devons comprendre aisément qu’Il a doté chaque créature inerte ou vivante avec une nature singulière, diverse et obéissant à des lois objectives d’existence, de mouvement, d’évolution et de finitude. Croire ou ne pas croire ne modifie en rien l’état de la nature, par contre s’en inspirer donne un contenu non seulement spirituel, mais scientifique à notre regard sur le monde pour être plus humble et plus cohérent avec ce qui nous est donné à contempler, ce qui est nous est octroyé comme ressources pour vivre et partager. La nature de toute chose créée est à l’image de la balance : l’équité, la justice, l’équilibre sinon c’est l’entropie. La nature humaine ontologique et sociale n’échappe pas aux lois qui régissent l’universel du Rab Al 3Alamine (رب العالمين).

L’éthique est du domaine de l’intelligence en symbiose avec la spiritualité et en cohérence avec l’action. La morale est le formalisme discursif de l’inertie. L’énoncé coranique sur le changement ne s’adresse pas à des inerties ontologiques ou sociales, mais à des forces en mouvement en quête de progrès, de vérité, de justice et de beauté. A titre d’exemples, toutes les morales, religieuses, athées, ou agnostique, condamnent le mensonge, le vol, la corruption, le faux témoignage, l’abus de confiance, le viol, l’usurpation, la falsification. Ce sont des sermons de circonstances, des routines verbales qui ne s’impriment ni dans les consciences ni dans les pratiques sociales. L’éthique en tant qu’ingénierie sociale, juridique et économique va aller au-delà de la notion de bien ou de mal et de celle de Haram ou Halal pour étudier les circonstances du crime ou de la faute, comprendre les mécanismes psychologiques du criminel ou du délinquant, dérouler les mécanismes socio-économiques qui produisent et alimentent les crimes et délits non seulement pour les réprimer, mais pour les empêcher en promouvant d’autres pratiques ou en exigeant plus de transparence. Bien entendu la meilleure garantie est l’éducation qui donne le sens du beau et du laid, du bien et du mal, du juste et du faux. Il ne s’agit pas de remplir la tête des enfants de hadiths hors de leur contexte ou d’instruction civiques glorifiant le chauvinisme national et religieux. Quand on parle d’éducation, on parle d’ingénierie pédagogique et didactique. Il est illusoire d’amener l’enfant ou l’adolescent à bien s’éduquer avec des programmes surchargés et des livres mal faits qui fatiguent visuellement le regard et distraient l’attention. On devrait éduquer l’enfant comme un être libre et reconnaitre son droit à la différence, comme un être responsable à qui nous offrons au sens étymologique de la pédagogie un terrain à chaque fois plus fertile et plus grand pour son développent et son épanouissement. Nous pouvons dire la même chose sur la religion, la culture, les arts, l’urbanisme, la politique.

Les termes قيّم اخلاق (moralité, valeurs morales et morale) sont absents de la terminologie coranique du changement pour signifier que le changement n’est pas d’ordre bigot, mais un processus global, complexe qui demande une expertise, une ingénierie et une réalisation exigeant l’effort de tous, dans les registres ontologiques et dans tous les domaines d’activité. On ne peut pas être de bonne moralité dans la Mosquée et un tyran pour sa femme, ses enfants ou ses administrés. On ne peut pas être un dévot la nuit et un commerçant escroc ou un fonctionnaire véreux le jour. La société plurielle a ses escrocs, ses tyrans et ses névrosés, mais l’Éthique sociale et politique les empêche de nuire ou de demeurer impunis.  L’imam qui lit ses prêches ne fait que discourir sur des réalités d’une époque révolue et il n’a aucune influence sur la mentalité collective. Il les occupe un moment et leur vend des fantasmes à valeur de monnaie de singe, car il n’a ni connaissance ni prise sur la réalité du monde. Le changement est une affaire d’abord sociale (prise de conscience de la laideur et de l’oppression) et intellectuelle (pédagogie politique et philosophique) puis politique et institutionnelle (État) pour donner forme et consistance au désir collectif de changement.

En se focalisant sur la morale religieuse, sur la morale révolutionnaire et sur la morale libérale, la majorité des intellectuels n’ont pas vu comment le sionisme et le satanisme se sont appropriés les mots, les ont galvaudés puis les ont investis d’une mission de subversion idéologique et militaire contre les peuples. C’est ainsi que les notions de démocratie, de droits de l’homme, de peuple, de liberté, de progrès, d’humanitaire et d’égalité sont devenus des instruments de domination politique, de perversion morale et de manipulation médiatique. Le mot peuple est devenu une abstraction qui occulte l’humanité dans chaque individu, qui nie sa différence et en fait une entité à la fois indifférenciée par les tutelles et indifférente à ce qui l’opprime.  Derrière chaque mot, chaque idée, chaque projet et chaque concept nous devons trouver le contenu véhiculé et la finalité visée. L’universel est confiné à l’idéal sioniste raciste ou à l’idéal du bourgeois occidental décadent, immoral et avide.

Partout c’est le règne de la médiocrité et de la méchanceté qui se réclament des valeurs universelles c’est-à-dire de leurs représentations de la réalité ajustée à leurs appétits et à leur nuisance. En Algérie, les partis déliquescents et non représentatifs du peuple se mobilisent pour soutenir un sénile moribond en affichant les règles de leur partis fantoches : « القيم التي أنشا لأجلها ». Ils ont grandi dans une culture de narcissisme pervers qui leur masque la réalité et la vérité et les autorise impunément à mépriser l’intelligence et à humilier l’humain. La perversion narcissique va les conduire à l’effondrement après avoir commis d’autres crimes et d’autres monstruosités.

Nous aurons l’occasion de revenir, dans de prochains articles, sur les formes de l’oppression sociale, culturelle, idéologique, économique, car la question de la liberté et de la justice comme celle du changement ne peuvent se résumer au seul domaine politique. Nous reviendrons sur les formes post modernes à donner à l’État, à la démocratie et à la République.

Le changement comme la civilisation se réalise par la conjugaison des conditions subjectives et objectives. Le principal levier subjectif est l’âme d’un peuple. Un peuple vivant n’est pas une catégorie abstraite et inerte, mais un désir collectif, c’est-à-dire une volonté consciente, un imaginaire et un mouvement vers ce qu’il aime et ce dont il a besoin. Tout homme est originellement épris de sa liberté, de sa dignité et naturellement porté par sa quête de reconnaissance, de légitimité, de progrès, de responsabilité, de perfection. Les conditions objectives relèvent des circonstances historiques, du savoir, de l’ingénierie (c’est-à-dire de la technologie intellectuelle et organisationnelle) pour s’adapter et évoluer. C’est l’ingénierie qui rassemble les hommes compétents et mobilise les outils les plus efficaces. Sur ce terrain nul ne put faire l’économie de l’homme local ou se contenter d’importer des solutions du passé ou des voisins. L’État et l’homme d’État doivent justement apporter les garanties et les mécanismes tant politico-économiques que juridico-institutionnel pour que les conditions morales (subjectives) et matérielles (objectives) de la rupture avec ce qui s’oppose à la promotion de l’Homme puissent être réunies, respectées et améliorées avec efficacité et durabilité. Quelle que soit la manière de poser le problème ou de choisir la solution nous n’avons qu’une seule méthode et une seule voie : produire de la pensée avec la finalité de libération de l’homme de toute forme d’oppression y compris de l’oppression religieuse.

Les Algériens devraient choisir avec conscience le candidat qui peut provoquer la rupture. Ce candidat seul et isolé du peuple ne peut rien faire pour se hisser à son destin historique ni faire face à l’Étranger menaçant. La Syrie, hier, et le Venezuela, aujourd’hui, montrent qu’il faut redouter le pire et s’y préparer. Voilà pourquoi ces élections sont capitales pour nous.

Ceux qui veulent maintenir le statuquo et ceux qui ne s’engagent en faveur du changement vont porter la responsabilité de l’effondrement qui obéît à une loi universelle imparable et immuable :

{وإن من قرية، إلا نحن مهلكوها قبل يوم القيامة و مذبوها عذابا شديدا، كان ذلك في الكتاب مسطورا}. الإسراء 58.

Il n’est pas de Qaria que Nous ne détruirons avant le Jour de la Résurrection ou que Nous ne châtierons d’un châtiment sévère. C’est là un arrêt consigné dans le Livre.

{وكأين من قرية أمليت لها وهي ظالمة ثم أخذتها وإلي المصير}. الحج 48.

Combien de Qaria n’avons-Nous pas octroyé de l’abondance, mais elles étaient iniques (tyranniques). Nous les avons anéantis : elles sont maintenant désertes et ruinées. Que de puits sont abandonnés et de palais écroulés ! Ne parcourent-ils pas la terre ? N’ont-ils pas des intelligences avec lesquels comprendre et des oreilles avec lesquelles entendre ? Mais, en vérité, ce ne sont pas les yeux qui sont aveugles ; ce sont les entendements, sis dans les cranes, qui sont aveugles.

إِذَا أَرَدْنَا أَن نُّهْلِكَ قَرْيَةً أَمَرْنَا مُتْرَفِيهَا فَفَسَقُوا فِيهَا فَحَقَّ عَلَيْهَا الْقَوْلُ فَدَمَّرْنَاهَا تَدْمِيرًا –   الإسراء (16)

Nous n’avons jamais châtié un peuple avant de lui avoir préalablement envoyé un Messager (Avertisseur). Et quand Nous décidons d’anéantir une Qaria, Nous laissons les tenants de l’ordre inique se multiplier puis systématiser l’outrance. Alors la Parole prononcée contre elle se réalise, et Nous la détruisons totalement.

Nous avons l’habitude de présenter la recherche lexicale, sémantique et contextuelle par laquelle nous faisons la traduction et l’interprétation souvent en rupture avec l’orientalisme, l’islamologie officielle et le tafsir traditionnel des Anciens. Nous allons nous contenter de souligner quelques mots : Al-Kitab (لكتاب) « Qarya (قرية), Ammara (أمّر) et Moutrafoun (مثرفون), Dine Allah (دين الله), Qawm (قوم), Mouminines (الْمُؤْمِنِينَ) et Kafirine (الْكَافِرِينَ), Jahad (جهد), Al Hobb, l’Amour (الحب) Fassaqou (فَفَسَقُوا), Al-Kitab (لكتاب) difficiles à traduire sauf d’utiliser des périphrases. Derrière l’interprétation erronée des mots, il y a souvent des non-sens et des paradoxes inconciliables entre l’appel à la foi et l’appel au progrès et à la séparation de l’État et de la religion (nous reviendrons une autre fois sur la place du religieux dans l’édification de l’État de droit).

Ce sont des concepts qui expliquent des phénomènes complexes et qui invitent à méditer la dimension historique d’un événement et les lois sociologiques qui le gouvernement. Hors de la métaphysique ou de l’eschatologie, nous pouvons tous, croyants ou agnostiques, nous pencher sur le processus d’effondrement d’une civilisation et d’une nation ou de la disparition d’un peuple de la surface de la Terre.

Al-Kitab (لكتاب) ce sont les lois qui gouvernent l’existence et l’anéantissement et qui s’accomplissent selon les conditions et les possibilités que Dieu connait et qu’Il nous invite à découvrir. Parler de Livre, c’est réduire la Parole de Dieu à n’être qu’un Verbe alors qu’elle est Acte qui s’accomplit en toute justice et qui se déroule parfaitement. Le nombre incalculable de possibilités est plus impressionnant que l’exécution d’un décret ou d’un destin. La part de liberté humaine est en conséquence plus grande et plus responsable qu’un destin aveugle ou arbitraire.

« Qarya (قرية) n’est ni la cité ni le village ni la ville, c’est une entité humaine formant un pays ou un royaume qui a perdu les conditions morales et matérielles de la Civilisation par la domination systématique de l’injustice et du monopole. Elle s’oppose à la Madina (مدينة) qui exerce le pluralisme et la liberté sur tous les plans actanciels et sur tous les registres ontologiques. La Qarya porte en elle les germes de son anéantissement, Halak (هلاك) alors que la Madina porte en elle les ferments de la prospérité et du développement. Le Halak est la destruction totale, l’effacement de l’histoire humaine, l’éradication de l’existence sans espoir de retour. C’est ce qui nous attend si nous persistons dans l’aveuglement et la tutelle arbitraire et sans fondement. Il ne s’agit pas d’une question de foi ou de religiosité, mais soit du positionnement par rapport à l’universel (principes) sinon par rapport à l’utilité sociale ou anthropologique (développement économique, raffinement artistique, et progrès sur le plan éthique et scientifique). Celui qui est nuisible au genre humain et à l’environnement écologique mettant en péril l’existence du vivant est condamné à disparaitre. Sa disparition prendra toutes les formes possibles : guerre, cataclysme, effondrement social et économique. L’archéologie et l’anthropologie sociale montrent la loi de l’anéantissement des cités et des civilisations.

Moutrafoun (مثرفون) ne sont pas les riches opulents et ostentatoires ou la classe possédante comme il est admis dans le marxisme, mais les tenants du système idéologique, économique et politique de la Qarya. Ce sont les partisans de la rente, du privilège, de l’immobilisme, du monopole, de l’exclusion.  Les opprimés et les pauvres qui se soumettent à l’ordre établi inique font partie des Moutafroun et sont destinés à connaitre la même fin dans ce monde et la même punition dans l’autre monde, car ils se sont fait du tort en leur qualité de créature ingrate et démissionnaire de l’Honorificat originel qui a octroyé à l’Homme la parole, l’intelligence, la liberté, la responsabilité, la conscience, le sens éthique et esthétique… Leur situation est plus laide que celle de leur oppresseur qui peut trouver une excuse mondaine par la quête de jouissance et de puissance. La faiblesse de l’opprimé n’est pas une excuse pour sa lâcheté et sa soumission servile. L’opprimé, vaincu ou faible, mais qui ne se soumet pas à l’ordre inique au minimum par le cœur et la conscience, même s’il ne se soulève pas faute de courage ou de moyens, sera anéanti avec les autres, mais il sera racheté le Jour du Jugement dernier pour l’humanité qu’il a su conserver par son refus de l’arbitraire.  L’insouciant et le paresseux qui s’accommode de l’injustice et de la rente sans désirer s’émanciper et sans tenter d’exercer son devoir d’être socialement utile est coupable sur le plan éthique. Le Prophète nous a légué une sentence qui trouve tout son sens dans nos contrées :

« Le perdant (le perdu) est celui qui a troqué sa vie future pour la vie mondaine, le pire des perdants (perdus) est celui qui a troqué sa vie future pour la vie mondaine des autres ».

Ammara (أمّر) : Il ne s’agit pas de croire que Dieu donne aux Moutrafoune le pouvoir de répandre la perversion ou qu’il ordonne de commettre des turpitudes, mais il nous indique le processus socio-historique de ce que la pensée marxiste appelle la « reproduction élargie » c’est-à-dire la reconduction à plus grande échelle et à plus grande intensité de l’appropriation illégitime par les pratiques socio-économiques malsaines et arbitraires. Il nous indique le processus de « la spirale infernale du désir » qui provoque la violence politique et sociale que l’anthropologue René Girard a décrit dans les mécanismes de la rivalité mimétique entre les tenants de l’ordre et les aspirants aux acquis de la bourgeoisie, aux comportements outranciers et aux signes ostensibles d’opulence.

Le Coran, l’histoire des civilisations et la loi de l’évolution humaine nous montrent que le devenir peut se conjuguer à l’espoir s’il y a rupture avec la laideur, l’immobilisme et la méchanceté :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا مَن يَرْتَدَّ مِنكُمْ عَن دِينِهِ فَسَوْفَ يَأْتِي اللَّهُ بِقَوْمٍ يُحِبُّهُمْ وَيُحِبُّونَهُ أَذِلَّةٍ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ أَعِزَّةٍ عَلَى الْكَافِرِينَ يُجَاهِدُونَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ وَلَا يَخَافُونَ لَوْمَةَ لَائِمٍ ۚ ذَٰلِكَ فَضْلُ اللَّهِ يُؤْتِيهِ مَن يَشَاءُ ۚ وَاللَّهُ وَاسِعٌ عَلِيمٌ   المائدة: 54

Cet énoncé sublime a été vidé de sa signification et il faut redonner aux mots leur sens dans leur contexte et dans l’élan spirituel et libérateur qui les sous-tend :

Dine Allah (دين الله) n’est pas la religion ou la confession au sens strict, mais l’éthique de Dieu, c’est-à-dire l’ensemble de ses Attributs de divinité donnés à notre libre arbitre comme prescriptions à suivre ou à ne pas suivre, mais aussi des principes universels imposés par la Souveraineté de Dieu à notre nature originelle ainsi qu’à la totalité de ce à qui Il a donné existence.

Qawm (قوم) ne désigne pas les gens ou un peuple au sens commun, mais un territoire, une unité d’orientation, une unité linguistique, des ressources partagées et des principes communs. Ce Qawm est le peuple qui a vocation à se libérer de l’oppression et à libérer les opprimés, à se civiliser et à civiliser. Son fondement est la Madina. Si la Madina entre en décadence et devient Qaria, les hommes redeviennent des peuplades, des tribus, des errants, des tubes digestifs, des moelles épinières, des végétatifs…. L’inverse se produit lorsque les hommes se fédèrent et luttent pour des principes universels dont celui de la liberté de croire ou de ne pas croire, du partage des richesses équitablement et du triomphe de la justice sur l’arbitraire. Al Qawmiya comprise comme nationalisme en référence à l’État-nation occidental est une limitation symbolique et une réduction sémantique. Il ne s’agit pas d’afficher notre islamité, mais l’importance des concepts et du rôle fédérateur des concepts dans l’édification d’une Algérie estropiée par l’injustice, mais aussi par l’importation de concepts fabriqués par notre colonisateur dans nos géographies et nos mentalités. La rupture civilisationnelle doit être totale et sans concessions.

Jahad (جهد), c’est faire effort sur soi et lutter contre l’ennemi du Dine Allah c’est-à-dire lutter contre ceux qui s’opposent à la liberté, à la justice, à la miséricorde, à l’équité qui sont les Attributs de Dieu. L’homme est créature honorée et responsable par les attributs qu’il partage avec Dieu. Le seul Attribut qui est sans doute la nature de L’Être divin plus qu’un attribut est d’Être, sans existence, immuable, immortel, parfait, suffisant, totalement libre et absolument souverain.

Les termes de Mouminines (الْمُؤْمِنِينَ) et Kafirine (الْكَافِرِينَ) ne doivent pas être lus au sens de dévotion, de foi en Dieu ou de croyance. Allah (swt) n’a pas besoin de notre foi ou de notre mécréance, ni de notre soumission ou liberté pour rendre le combat de nature religieuse ou faire de l’homme un formalisme dogmatique. Il s’agit de la foi en l’Islam restauré, c’est-à-dire la conformité au Dine d’Allah que personne ne peut s’approprier ni utiliser à des fins politiciennes, ni interpréter comme sa vérité absolue autocratique. Le Dine Allah, c’est la liberté de croire ainsi que la réunion des conditions morales et matérielles pour libérer l’homme de l’idolâtrie et de la servitude qui sont une atteinte à la dignité humaine. Ces conditions d’ordre éthiques, juridique et institutionnel sont à la charge de l’Homme, de tous les hommes épris de bien, de liberté et de justice. Le bien, la liberté et la justice ne peuvent être confinés à un pays ou à une doctrine. Ils sont le patrimoine humain que chaque génération et sur toute géographie doit protéger et préserver. La vie sur terre sera toujours une confrontation entre Hizb Allah et Hizb as Chaytane, les uns symbolisant les attributs de Dieu et les autres ceux de Satan. Quiconque revendique ou exerce une domination arbitraire ou un pouvoir absolu est hors du cadre divin. Ici-bas, notre responsabilité est collective, là-bas, la responsabilité est individuelle. Dans ce monde nous récoltons ce que nous avons semé ensemble comme groupement humain vivant sur un territoire donné, à une époque donnée avec les ressources données. Ici-bas où bien le triomphe de la Justice de la Madina ou le chaos de la Qaria. Là-bas chacun sera son propre défenseur et son propre accusateur selon la responsabilité individuelle et les moyens dont il disposé ici-bas.

Fassaqou (فَفَسَقُوا ) est souvent présenté comme la pratique de la perversion morale (sexualité, luxure et autres vices). Toutes les sociétés ne sont pas parfaites et connaissent donc des périodes de vertu et des périodes de vice selon les conditions éthiques, sociales et économiques. La vertu n’est pas le propre du religieux et le vice n’est pas aussi le propre du non religieux.  Ainsi l’alcool, la drogue, la prostitution peuvent se développer sur un terrain de pauvreté, de frustration comme ils peuvent se développer dans des cercles opulents et oisifs en quête de nouvelle sensation même s’ils affichent la vertu comme façade sociale. Ce n’est cela qui met en péril l’existence sociale voire l’existence territoriale. Le péril est le Foussouq (الفسوق) compris comme pratique outrancière, exagération, excès, dépassement des limites. L’outrance est souvent dans l’accaparement illégitime et illégal du licite.

L’outrance est dans le monopole qui détruit la propriété individuelle et s’approprie les fruits d’autrui. Il est dans la rente, dans le gaspillage des ressources, dans la dilapidation des biens publics. A titre d’exemple, une société qui ne produit ni biens ni services ni savoir, mais qui vit au-dessus de ses moyens, qui répartit mal ses revenus, qui ne pratique que le négoce, qui imprime ses billets sans contrepartie de productivité de travail est une société outrancière qui va aller à sa ruine. L’outrance c’est persister dans l’extrême sans désir ni prise de conscience de la nécessité de réformer mutandis mutandis ce qui doit l’être sans attendre et sans se tromper de chemin ou de méthode.  La phase finale est lorsque le Messager, qui peut être l’éducateur, l’honnête homme ou le militant politique, avertit, mais que le regard social ou institutionnel ignore le message et continue de ne pas voir la ruine, ne pas entendre les bruits de l’effondrement. Le Foussouq c’est aussi l’entêtement à demeurer dans la transgression jusqu’à l’élimination de ceux qui refusent le dépassement des limites. L’entêtement est diabolique par son aspect narcissique et pervers qui refuse l’autre et fait tout pour le démolir croyant qu’il est le meilleur, le pur :

وَمِنَ ٱلنَّاسِ مَن يُعْجِبُكَ قَوْلُهُ فِي ٱلْحَيَٰوةِ ٱلدُّنْيَا وَيُشْهِدُ ٱللَّهَ عَلَىٰ مَا فِي قَلْبِهِ وَهُوَ أَلَدُّ ٱلْخِصَامِ

Parmi les gens, il y a celui dont le discours te plait lorsqu’il parle de la vie de ce monde. Il prend Dieu à témoin de ce que contient son cœur ; mais c’est le plus acharné des querelleurs. Dès qu’il te tourne le dos, il s’en va dans le pays pour y semer la corruption et détruire les récoltes et le bétail alors qu’Allah n’aime pas la corruption. Lorsqu’on lui dit :  » Prends garde à Dieu ! « , la superbe s’empare de lui et le pousse au péché. Ne lui suffit que la Géhenne : quel détestable lit de repos !

C’est dans cette insouciance générale que la loi de l’effondrement des civilisations s’accomplit. Ni le FMI, ni la Banque mondiale, ni le modèle démocratique occidental ne seront d’un quelconque secours, surtout en cette période qui annonce la fin des mythes et des utopies. Nietzche disait que « L’histoire ne s’écrit pas toujours à coup de cataclysme », car l’Homme poussé par son instinct de survie peut faire l’effort surhumain et sortir de l’abime. Dieu accorde toujours Sa Miséricorde à celui qui fait amende honorable. Il ne s’agit pas d’un comportement de bigoterie, mais d’un acte de Libération- Civilisation. On ne construit pas une civilisation, alors qu’on est privé de liberté, on ne se libère pas pour changer de maitre, mais pour un idéal de liberté et de justice c’est à dire pour un projet de civilisation.  La civilisation est un long chemin, souvent il est emprunté comme voie de salut.  Nous sommes dans cette alternative : sombrer ou se sauver par notre libre arbitre.

Al Hobb, l’Amour (الحب) ne signifie ni l’idolâtrie aveugle, ni la soumission dogmatique, ni une représentation anthropomorphique de Dieu. Il est incompatible avec l’idée que l’amour partagé, du fait de la dévotion, garantisse au dévot la détention de la vérité, la vision lucide de la réalité, ni l’idée de triompher en improvisant ou en vivant l’insouciance de la béatitude. Le contexte des versets et le sens des mots montrent qu’il s’agit de graines qui germent et qui montent vers le haut. Il s’agit de l’élan spirituel, de ce que Malek Bennabi appelle l’aspiration psycho-temporelle. Il s’agit en termes modernes d’anagogie et d’empathie universelle : répondre au bien et au beau et se mettre à disposition du vrai et du juste. La génération des libérateurs civilisateurs n’est pas une génération ex-nihilo, mais un édifice qui se construit, se consolide et s’exprime d’une manière visible et évidente comme les paraboles coraniques de l’arbre ou de l’épi de blé. C’est l’engagement solennel et efficace de faire le bien, de rendre justice, de dire la vérité, de témoigner avec preuves authentiques. Il s’agit de faire fusion avec les attributs divins jusqu’à devenir l’instrument de Sa Miséricorde. Nous devons nous interdire de dire que nous sommes l’instrument de Sa Puissance ou de Sa Justice, car nous prendrons le chemin de l’égarement et de la dérive démiurge. Notre voie est celle de l’universel que partage tous les hommes.

C’est l’engagement sur le respect de l’universel qui fera de nous un peuple civilisateur et une nation civilisée ou une horde de barbares qui, par complaisance à Rome et avidité du butin, a détruit Carthage et chassé Hannibal. Ce n’est pas de l’histoire ancienne : Libéraux, progressistes, islamistes, nous avons, hormis quelques hommes lucides, donné notre caution à l’OTAN pour détruire la Libye qui est sur le plan de la grammaire des civilisations notre profondeur stratégique du point de vue historique, géographique, économique et mental… Notre risquons de cautionner la destruction de notre pays.

Parler de changement et d’universel c’est s’engager pour la rupture la plus crédible.

Omar Mazri

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
  • Aimer : la voie coranique
  • Les dix commandements US et le dilemme Arabe
  • Béni soit-il ?
  • Dine ou religion ?
  • Révolution arabe : mythe ou mystique ?
  • Gaza : La bataille du Forqane
  • Islamophobie : Deus Machina
  • Coûts de production : méthodologie d’analyse
  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
  • Economie et post-Modernité
  • Didacticiel mathématiques : niveau brevet et CAP
  • Didacticiel anatomie dynamique du vivant

Publications numériques :

  • 250 articles sur le site libération des opprimés
  • 160 articles sur le site Justice et Vérité (site fermé)

En cours d’édition :

  • Abel et Caïn :  mobile du crime et psychologie de l’assassin.
  • Territoire de civilisation ou Etat islamique ?

 

La bureaucratie, la rente et le changement

Nous n’allons pas gloser (critiquer ou commenter de manière malveillante quelqu’un ou sa conduite) sur l’appel et le soutien de Ouyahia à la candidature d’un homme, aussi historique ou noble qu’on veuille ou qu’on puisse l’admettre, frappé à l’évidence d’incapacité à gouverner par l’âge, la maladie et le cumul anticonstitutionnel des mandats. Nous allons être brefs et souligner la mauvaise gouvernance de l’exécutif algérien sur un dossier pris au hasard. Par exemple le dossier des importations.

La manne financière étant tributaire du cours des hydrocarbures, l’exécutif faute de politique économique et de compétence à réformer, ajuste les transactions internationales par décision administrative, sans prise réelle et compétence sur les lois de l’économie et du marché. Une fois, on ouvre le robinet des importations, une autre fois on le ferme, administrant les pénuries et les rentes, continuant les politiques qui ont conduit à la dépréciation de la monnaie algérienne, au marasme économique et à l’achat de la paix sociale par corruption déguisée.

Les partisans de l’économie administrée et de la rente ne peuvent opérer une rupture avec la mentalité de monopole et de tutelle sur la pensée et la pratique sociale, politique et économique.

Dans une économie de marché, de transparence des prix et de régularité des transactions, l’importateur est un agent économique qui agit dans le cadre suivant :

  • Prise de risque
  • Concurrence
  • Esprit d’entreprise
  • Gains et rémunérations en contrepartie de l’effort réel (productivité du travail et valeur réelle produite par l’activité compétente du commerçant, de l’importateur, du distributeur qui se font payer leur prestation effective et leur compétence réelle sur le marché d’échange des biens et des services
  • Transparence et vérité des prix
  • Absence de Dol et de fardage
  • Toute sanction doit être prononcée par un juge et relever du code du commerce
  • Toute autorisation doit être accordée par le tribunal de commerce et conformément aux lois et règlements
  • Tout financement doit se faire sur les fonds propres du commerçant qui peut disposer de crédits bancaires ou de crédits fournisseurs. Les organes bancaires, normalement, vérifient la solvabilité, la transparence et la légalité de leurs clients.
  • S’acquitter des taxes douanières et des impôts.

L’Etat moderne n’est ni épicier, ni comptoir commercial ni administrateur des transactions : il met le cadre juridique et fait contrôler par des agents assermentés la fraude, la qualité et les prix, et bien entendu, il régule par la fiscalité et la redistribution des revenus afin de relancer la production nationale et protéger les faibles revenus.

Au lieu de limiter les importations à 800 produits, un gouvernant responsable et compétent, en rupture avec la rente et les privilèges occultes, aurait ouvert le marché à tous les Algériens pour instaurer une véritable concurrence, donner légitimité à l’appropriation et à l’enrichissement par la légalité, la non exclusivité et le refus d’exclusive ou d’exclusion.

Bien entendu, les mesures de relance de l’économie nationale ne sont pas prises. Bien entendu, on continue de pratiquer la rente de l’emploi jeune, gaspilleur d’argent et incitateur à la paresse et aux combines. Les gisements d’emploi en termes de coopératives et avec des microcrédits pour rendre fluide, concurrentiel et efficace les circuits de distribution ne sont jamais étudiés et favorisés. On préfère administrer l’économie, protéger les « milieux d’affaires » issus de la pénurie et adossés au non droit et aux clans « boulitiques ». Dans la même voie d’inepties économiques, financières, juridiques et commerciales, on laisse le marché aux mains de l’économie informelle et des monopoles. A titre d’exemple, et cela n’existe qu’en Algérie, à la Foire internationale d’Alger, vous ne trouvez aucune maison mère étrangère, mais des distributeurs algériens. Le comble de l’ironie, c’est que vous trouvez des grandes marques étrangères présentes sur trois ou quatre stands, comme si la culture occidentale est de se mettre en rivalité avec soi-même.

Chaque algérien devrait avoir le droit et les moyens de réaliser une ambition commerciale et économique s’il a les compétences requises et s’il œuvre dans la transparence et la concurrence.

On peut faire appel à Bouteflika pour un millième mandat et une millième rente, la réalité ne peut être masquée : aucun concessionnaire sérieux qui met son argent, son organisation et son savoir-faire dans une activité commerciale n’est réellement présent en Algérie pour exercer son métier comme il le fait en Europe ou aux Etats-Unis. Il accepte de présenter une vitrine qui ne sied pas à son image de marque et de cautionner des « dépositaires et des distributeurs » pourvu qu’il prenne une part de la rente. Il faut juste voir le marché de l’automobile et l’industrie mécanique. En 1962 Berliet, Citroën et Renault produisait des véhicules ; dans les années 70 et 80 SONACOME produisait des engrenages mécaniques complexes, de pièces de forge et remportait le prix Paris Dakar sur le camion en projet de fabrication nationale avec un partenariat allemand. Nous sommes revenus à la situation précoloniale…

La rente et l’intimidation ont transformé les organisations syndicales en grandes muettes. Les professeurs d’université, les imams, les médecins n’élèvent la voix que pour demander des avantages matériels. Les conditions sanitaires, pédagogiques et sociales du peuple sont méprisées et occultées. Voilà le système réalisé par la bureaucratie algérienne. Ils nous ont inculqué la culture de la préférence étrangère. Les éveillés doivent voir comment les pays démocratiques soutiennent les soulèvements contre les élections. Ils ne doivent pas perdre de vue que ces pays sont les parrains de nos élites, les corrupteurs de notre économie et les artisans du désordre mondial et que cela est en train de se retourner contre eux, dans leurs propres pays. Nos élites ont peur, parce qu’ils ressentent comme des reptiliens qu’il n’y a plus de refuge pour eux. Contrer les forces occultes, des forces sont en train d’agir et saper ce qui met en péril le devenir de l’humain.

Ouyahia ne nous affiche pas son soutien à Bouteflika et son refus de la rupture pour des raisons que personne n’ignore et que la décence doit taire, mais il annonce l’effondrement de l’Algérie. Imbu de leur suffisance et de leur incompétence, ils ne parviennent pas à voir qu’ils sont la risée du monde et qu’ils vont entrer dans le néant où il n’y a pas de retour en arrière. On peut mourir et ressusciter (dans cette vie après un coma ou dans l’autre vie après le Hashr), mais l’anéantissement (Al Halak) c’est l’exclusion totale et définitive de l’existence…

L’effondrement ne doit pas faire peur, car le peuple algérien n’est pas condamné par une fatalité absurde à devenir néant à cause des insensés qui le gouvernent. Il a survécu au colonialisme et à la décennie rouge et noire, il peut résister à d’autres catastrophes. Ceux qui seront sacrifiés seront portés au compte des pertes et profits de l’Histoire, les autres relèveront les défis historiques s’ils ne veulent pas rejoindre le déchet humain (al Wahn).

Le candidat de la rupture ne doit pas se contenter de dire que la crise est politique, car les dictatures économiques, culturelles et sociales sont plus perverses et plus durables. L’économique et la justice (sociale et judiciaire) doivent être remis à l’ordre du jour sur le plan pédagogique et sur le plan de l’engagement politique. Pour l’instant et depuis l’indépendance, l’économique est sous la tutelle de l’administration : cette pratique est le summum de l’arbitraire et de l’oppression. Boumediene a certes construit des usines et réalisé des plans quinquennaux, mais il a détruit l’homme. Al Mounadil de 1954 s’est transformé en vassal de 1967, les organes militaires, judiciaires et sécuritaires se sont transformés en instruments de domination et en agents du pouvoir. L’ANP a été expurgée de son encadrement et de sa doctrine ALN. Le FLN est devenu un appareil d’applaudissement et d’opportunisme.  Les structures qu’il a laissées ont fait émerger des appareils administratifs à la française et un jacobinisme bureaucratique qui ont écrasé le peuple algérien, lui confisquant ses libertés et son esprit d’initiative. L’Algérien non seulement n’est pas allé au paradis le ventre repu, mais il a oublié l’idée même de paradis. On ne peut pas construire l’Algérie sans les Algériens, ni la liberté sans la libération, ni le progrès sans effort laborieux récompensé. Les « Industries industrialisantes » du français De Bernis restaient une importation. Un peuple qui aspire à la pérennité et à la civilisation doit pouvoir produire et exporter ses idées. La meilleure idée que nous pouvions exporter et faire rayonner dans le monde était le capital de sympathie pour la Révolution algérienne. Nous lui avons préféré la clé en mains et la préférence étrangère qui a permis l’émergence de ces élites calamiteuses. L’Algérie avait besoin de militants de la cause nationale, on lui a donné les Énarques à l’image de l’ENA française qui savent réciter les formalises appris dans les écoles, mais incapables de formaliser une solution ou de tenir un engagement.

Une élection n’est donc pas la garantie nécessaire et suffisante pour mettre fin à l’arbitraire et à l’oppression. Il faut changer ce qui est en l’état d’un peuple pour que Dieu change la situation d’un peuple. Les gens aiment des recettes toutes faites pour le changement alors que celui-ci est d’abord un changement de paradigme, c’est à dire un changement dans la représentation du monde, une manière de voir les choses différemment, un modèle de comportement différent. Il ne s’agit pas d’une formule magique, mais de la capacité de penser, de débattre. Il ne s’agit pas de débattre en politicien ou confiné au politique, mais de débattre sur tout et quitter sa zone de confort intellectuel. La Renaissance européenne s’est faite sur une accumulation d’idées dans les arts, la philosophie, les savoirs. La Nahda musulmane n’a pas pu aboutir, car elle n’a fait que plagier le modèle occidental sans disposer de la quête de liberté de l’Occident et du désir de progrès. Elle ne pouvait qu’être un avortement idéologique et méthodologique, car elle ne s’est pas libérée des schémas mentaux de la décadence musulmane. L’action politique ou partisane n’est que l’étincelle d’une bougie d’allumage, mais l’ambiance sociale, culturelle, philosophique est le moteur du changement. L’ambiance sociale ou ontologique qui édifie le changement est complexe : changer la manière, la finalité et les méthodes de Croire, Savoir, Désirer, Pouvoir,Vouloir, Devoir et Agir. C’est ainsi que nous pouvons opérer une rupture avec nos limites, nos peurs et nos faiblesses et libérer une dynamique nietzschéenne : « Sortir du désespoir le plus profond, l’espoir le plus indicible »….

Le système en place, se découvre sans masques et il fait de l’élection d’Avril 2019 un événement historique majeur, car il panique faute de candidat et surtout faute d’idées et de probité. Comme al manchar, talegh yakoul wa yahgar, habet yakoul wa yahgar jusqu’à ne plus trouver de branches à scier et de rentes à distribuer.

Il faut bien qu’un jour on puisse avoir le comportement des gens normaux : travailler et rendre des comptes.  Nous avons trop souffert du culte de la personnalité et des rentiers. Cela ne peut plus continuer.

Il faut entamer la rupture la plus profonde. Cette rupture doit se faire non seulement en matière de programme politique, mais en termes d’idées et de symboles. Il faut avoir l’audace de rompre avec le discours du système et ses mots galvaudés. Heybat Ad Doula, l’autorité de L’État, n’est pas l’État, mais le régime de répression et de terreur que les « Janvieristes » et les partisans de l’alignement idéologique et sécuritaire sur la lutte antiterroriste menée par l’OTAN contre les peuples pour les intimider, les faire entrer de force dans l’ordre mondial et détruire ce qui restait de règlements sociaux, politiques et économiques en faveur des plus faibles. L’Etat n’est pas une affaire d’autorité, mais de compétence socialement reconnue c’est à dire de légitimité. Cette légitimité ne sera jamais remise en cause lorsque la Justice exerce ses prérogatives en toute équité, sans laisser quiconque sous l’impunité ou sous l’abus de pouvoir. Pour rompre avec Bouteflika, Nezzar, Sellal et Ouyahia, il faut rompre avec leur argumentaire et donner un sens aux mots. Du sens des mots non seulement dépend la liberté, mais la justice, voire l’existence… De nos objectifs et de leur noblesse dépend le salut. Il nous faut de grands desseins :

« Le plus grand danger pour la plupart d’entre nous n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions, mais qu’il soit trop bas et que nous l’atteignons. » – Michel-Ange

En observation, je note que le Général en retraite Ali Ghediri vient de déclarer son patrimoine. C’est un acte de transparence qui mérite d’être souligné et qui confirme une fois de plus ce que j’ai toujours défendu dans mes écrits : l’ANP dispose de cadres intègres et leur intégrité témoigne que le pouvoir réel est ailleurs. La confusion entretenue sur l’ANP doit être levée et bien entendu cet éclaircissement va déranger les tenants de la rente et de l’effondrement qui agissent et communiquent pour qu’aucune institution et aucun homme intègre ne puissent s’élever au-dessus des décombres pour dire sa vérité et éclairer le chemin de la reconstruction.

 

Omar Mazri

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
  • Aimer : la voie coranique
  • Les dix commandements US et le dilemme Arabe
  • Béni soit-il ?
  • Dine ou religion ?
  • Révolution arabe : mythe ou mystique ?
  • Gaza : La bataille du Forqane
  • Islamophobie : Deus Machina
  • Coûts de production : méthodologie d’analyse
  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
  • Economie et post-Modernité
  • Didacticiel mathématiques : niveau brevet et CAP
  • Didacticiel anatomie dynamique du vivant

Publications numériques :

  • 250 articles sur le site libération des opprimés
  • 160 articles sur le site Justice et Vérité (site fermé)

En cours d’édition :

  • Abel et Caïn :  mobile du crime et psychologie de l’assassin.
  • Territoire de civilisation ou Etat islamique ?