Jamais deux sans trois

Après le plantage en Syrie puis en Ukraine voici le troisième plantage en DAESH. En réalité il y a plusieurs plantages dont les populations arabes et musulmanes paient le prix rédhibitoire. Les autres populations sont conduites au même désastre d’une manière moins ostensible et des moyens peu ostentatoires.

Les mises en scènes médiatiques de la femelle arabe, des fennecs bédouins, des louveteaux australiens et canadiens, et de la faune internationale qui participent comme comparses  au désordre international ne peuvent plus cacher les incompétences des journalistes embarqués dans leurs studios et  les incohérences des gouvernants alignés sur l’Empire en folie.

Terroristes, bandits, agents de la CIA, intégristes barbares, sectaires inhumains et tout ce qu’on veut comme qualificatifs pour dénommer les agents destructeurs du monde arabe qui instrumentalisent l’Islam otage du clergé, la paresse intellectuelle des élites, l’incurie des gouvernants arabes et la prédation du capitalisme ne suffisent pas pour qualifier les plantages récurrents des « civilisés » et des colonisés. Le plantage des « civilisés » devrait interpeller les hommes libres et leur faire voir que les couteaux qui décapitent et les drones qui pulvérisent sont les instruments de la même barbarie qui s’expriment par des habillages et des motivations différentes.

Les « fous de Dieu » en ciblant Kobané, troisième ville kurde de Syrie, le long de la frontière avec la Turquie, réalisent un coup de maitre médiatique, militaire et géopolitique contre la coalition censée les combattre. Tout l’arsenal médiatique et technologique est mis devant l’impuissance à réaliser le minimum de ses objectifs. Même le Furtif 22 (ou 36), fleuron du complexe militaro industriel, ne parvient pas à réaliser les performances  de vol et d’attaque les plus élémentaires.

Si on met de côté la dénonciation religieuse, morale et  humanitaire de ces fous il faut reconnaitre que leur folie met en exergue trois scénarios intelligents :

Le premier est  l’implication de la Turquie dans les batailles terrestres pour le compte de l’Empire qui compte toujours sur une guerre de 100 ans entre sunnites et chiites, arabes et non arabes, sunnites et sunnites. Erdogan, échaudé par la gestion des Arabes, de Gaza  et des Frères musulmans, menacé par l’Iran, sent le danger et esquive en portant l’estocade au cœur du débat : Il faut un mandat de l’ONU et une coalition internationale. Il est fort probable qu’Erdogan fasse du Chantage à l’OTAN pour intervenir directement et ouvertement contre le régime syrien. Lorsqu’on se rappelle la zone d’exclusion qui a précédé l’invasion et la destruction de l’Irak on est en droit de s’interroger sur la zone tampon proposée par la Turquie.En tous les cas,  il remet à l’ordre du jour le problème de la légitimité de l’intervention étrangère et de la représentativité de la pseudo coalition.

Erdogan ne peut faire l’économie d’une crise de confiance (le moins qu’on puisse dire) avec les Kurdes et le PKK . La Turquie va recevoir la monnaie de ses fausses pièces. Le régime syrien en impliquant les Kurdes depuis plus de deux ans a préparé sa réponse aux ingérences de la Turquie. C’est triste de voir le monde musulman se déchirer et s’entretuer, mais il y a un peu de réconfort à trouver lorsque le désordre frappe tous les fauteurs de troubles.

Le second est l’aspect sélectif voire discriminatoire de l’aide humanitaire et de l’ingérence militaire. Les peuples Kurdes à l’instar des autres peuples de la région n’ont rien à gagner dans le désordre géopolitique voulu par l’Empire. L’Empire dévoile une fois de plus ses contradictions poussées par ses intérêts de prédateur. Il vole au secours d’Erbil car le Kurdistan irakien est riche en gaz et en pétrole, il est allié d’Israël, il abrite les centres du  renseignement américain et leur corps expéditionnaire d’élite pour les coups de forces dans la région.

Le troisième est bien entendu le facteur de troubles et d’injustice qui va pousser les Kurdes à se montrer solidaires  et à s’agréger en communauté territoriale pour réaliser deux objectifs. Immédiatement : partitionner l’Irak et finir le travail inachevé engagé lors de l’invasion de l’Irak. Sur ce point les élites irakiennes ont montré leur incompétence. En nommant comme présidents des anciens militants de l’indépendance du Kurdistan ils ont étalé leur impuissance à se fédérer en nation. Le sectarisme confessionnel latent a invalidé et dévoyé la résistance nationale contre l’occupant américain qui est parvenu à imposer son agenda politique.

Ensuite il s’agit de  fédérer les Kurdes de Turquie, de Syrie et d’Iran pour réaliser des césures géographiques et  politiques non seulement dans la région musulmane, mais dans ses jonctions avec la Russie et sa zone d’influence. L’Empire a sans doute évalué les gains de son emprise capitaliste sur les montants et les mouvements des capitaux, des marchandises, de l’énergie et des armes mis en circulation sur les côtes de la mer noire, l’Ukraine, le        Caucase, la Roumanie,  la Géorgie et la Turquie et leurs voisins de Méditerranée et d’Anatolie. C’est un vieux projet qui s’actualise contre l’Eurasie de Poutine et qui veut en plus modifier radicalement la géopolitique du pétrole et du gaz pour contourner la Russie, la confiner, l’isoler et l’étouffer. Pour l’anecdote l’Empéreur de Russie Piotr Alekseïevitch Romanov (Pierre le Grand ou Pierre 1er au XVIIe siècle) et l’impératrice de Russie Catherina Alexeievna (Catherine II au XVIIIe siècle) avaient mis fin à l’hégémonie de l’Orient sur la mer noire et ses régions alors sous le contrôle total  des  Tatars puis des Turkmènes qui avaient mis fin au monopole des Vénitiens et des Génois, ancêtres du capitalisme,  qui dominaient le commerce maritime du VI siècle au Moyen-âge  et étendaient leur domination financière et marchande jusqu’à Constantinople cœur de Byzance. Ce sont les Russes qui avaient donc  réintroduit les Européens dans cette région du monde lorsque l’empire ottoman s’est trouvé malade à bout de souffle, et ce sont aujourd’hui les Européens poussés par les Américains qui tentent de  chasser les Russes de Crimée. Ce sont les Musulmans arabes et non arabes qui avaient civilisé cette région du monde et ce sont eux qui introduisent ces dernières années la barbarie par le biais des royaumes anglo-saxons.  L’histoire a des retournements qui dépassent l’entendement humain et ses calculs mondains immédiats. Les Russes et les Orientaux sont dans leur élément naturel et ils finiront par trouver un compromis contre les intrus. C’est une question de survie.

Ces trois scénarios ne disent pas et ne prouvent pas que les  « fous de Dieu » agissent de concert avec l’Empire ou qu’ils soient ses agents. Ils exécutent son agenda comme les Moudjahidines l’ont fait en Afghanistan car d’une part les intérêts objectifs se rencontrent et d’autre part les savants de l’Arabie saoudite alimentent l’alignement sur la politique américaine tant par impulsion des autorités saoudiennes que par incompétence morale, religieuse et intellectuelle.

Pour l’instant la magie se retourne contre les magiciens : les frappes aériennes non seulement ne brisent pas la colonne vertébrale des DAESH, mais leur donne un élan et un redéploiement inédit : ils renforcent leur présence au centre du monde musulman historique. Ils n’ont rien d’autre à faire que continuer à semer la terreur et susciter des adhésions massives. Que vont faire les coalisés ? Intervenir au sol ? Entretenir les narratives ? Attendre les prochaines élections et passer la main?

–         Solliciter la collaboration des régimes syriens et iraniens et annoncer leur incompétence à gérer la région ? Cheikh Al Bouti, avant qu’il ne soit assassiné par les armes de la régression morale et religieuse avait montré la voie : le retour du peuple musulman à l’Islam comme rempart authentique tant contre ceux qui instrumentalisent la religion à des fins diaboliques que contre ceux qui favorisent le retour des ex colonisateurs par leur incompétence à gouverner ou par leur incompétence à se mettre en opposition politique aux gouvernants sans que cela ne devienne une catastrophe nationale.

–         Les monarchies vassales sont-elles disposées à laisser l’influence iranienne et chiite prendre de l’ampleur ?

–         Quelle est la limite à la folie narcissique des DAESH qui décapitent, violent et prennent l’initiative d’agresser des villages et des villes. L’intervention de l’Occident et son échec de plus en plus patent ne sont-ils pas le moyen de repousser ces limites au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer comme horreur. Si la confession chiite ou ibadite ainsi que la loyauté au régime syrien pouvaient être rejetées comme argument religieux  et politique dans ce désordre il serait difficile dans ce désordre installé de trouver des arguments contre la résistance et la mobilisation face aux « croisés ». Ils ne partagent ni  les frontières ni la religion ni l’histoire ni la langue ni la mentalité des territoires pour avoir légitimité d’intervention dans ces territoires. Ce ne sont pas les chatons musulmans français et anglais qui vont peser dans la formation de l’opinion dans la géographie sunnite.

–         Les contestations et les attentats des Turcs et des Kurdes sur le territoire turc pour et contre DAESH vont aller jusqu’où ? Quelle est la capacité de nuisance des officines étrangères en Turquie ? Quel est le niveau d’intelligence idéologique des Frères musulmans et des Salafistes de Turquie pour ne pas s’affronter en Turquie ?

–         Les mouvements djihadistes ne vont-ils pas faire leur mue idéologique et leur mea culpa moral et politique pour se fédérer contre la Jordanie et/ou contre l’Arabie saoudite et faire tomber les familles régnantes.  Les milliards d’armements fournis par les Etats-Unis et la France ne sont-ils pas déjà l’entrepôt qui va permettre à DAESH, ses sœurs et ses petits-enfants d’alimenter une guerre  régionale pour ne pas dire planétaire sur 30 ans jusqu’à l’épuisement de l’Empire prévu dans vingt à cinquante ans.

–         Que dire à l’opinion arabe qui ne va pas rester silencieuse indéfiniment. Va-t-elle faire sien le discours qui consiste à faire de DAESH l’allié d’Israël et la fabrication de la CIA ou   au contraire montrer de la sympathie ? Dans quelques semaines sinon dans quelques mois nous verrons la posture populaire. Pour l’instant le discours et l’activisme des gouvernants arabes se passent dans une autre planète loin des préoccupations des populations. L’instrumentalisation de l’actualité est contreproductive lorsque l’école, la mosquée, l’administration et l’économie sont  sinistrées.

Les commentateurs et les politiciens font les ingénus en montrant le rapport des forces militaires entre les Kurdes du PKK et les « islamistes » occultant deux réalités flagrantes. La première est que la théorie de la régression féconde peut devenir  khallat ha tasfa (provoque le désordre si tu veux clarifier) un champ de clarification idéologique et géopolitique si les hommes se mettent à raisonner et à chercher du sens à ce qui semble absurde. La seconde est que l’armement lourd et blindé de DAESH est un butin de guerre pris contre l’armée irakienne. Cette armée mise en déroute est le pur produit de la politique américaine. Nous pouvons imaginer les déroutes des autres armées arabes encadrées par l’Empire. Il est peut-être temps que le débat sur la mondialisation reprenne dans son cadre réel celui de l’alternance au système actuel agonisant.

En vérité nous ne sommes pas au troisième plantage de l’Empire, mais au nième après celui du Vietnam, de Cuba, de l’Afghanistan, de l’Irak et de tant d’autres…  La vérité qui doit être répétée inlassablement, au-delà de la dénonciation de l’Empire, est celle de la situation du monde arabe et musulman qui ne parvient pas à se hisser au niveau de ses responsabilités religieuses qui lui imposent la justice, la miséricorde et la lucidité au service de l’humain et de la liberté qui donnent sens à la responsabilité et élan au  déploiement pacifique et mutuellement bénéfique.

La lutte idéologique contre l’Islam parvient à cacher le plantage en donnant crédit à l’habillage islamique des hordes criminelles comme elle donne l’habillage démocratique des envahisseurs étrangers. Elle parvient à cacher la récurrence historique des contradictions entre l’Empire et ses alliés conjoncturels lorsque la convoitise des uns rencontre la stupidité des autres. Les raccourcis et les préjugés de la lutte idéologique ainsi que  les secondes d’images de la guerre médiatique  peuvent marquer  les esprits indolents ou déjà acquis, mais ils ne peuvent se substituer à la logique historique et à son dénouement.

On continue comme « Jeune Afrique » à voir dans le « printemps arabe » une révolution confisquée sans avoir le courage de voir le plantage des élites arabes, islamistes et non islamistes, libérales ou progressistes. C’est sur ce plantage qu’est venu  s’ajouter le plantage récurrent de l’Empire. Nous restons en première et dernière instance les artisans de nos malheurs et de nos catastrophes. Il y a depuis longtemps déjà que nous avons préparé nos esprits à appartenir à des identités factices et à déserter la vérité pour devenir des partisans du culte de la personnalité, du nationalisme, du progressisme ou du libéralisme puis de l’islamisme. Nous sommes devenus le terreau fertile de notre plantage ainsi que celui des autres. Tant que nos mentalités demeurent en retrait ou en opposition à la quête de vérité, nous resterons sans sens : disponibles (sans engagements intellectuels, religieux ou affectifs – à la disposition de quelqu’un d’autre – ouverts à toutes les sollicitations extérieures sans volonté)  et disposés (mis en situation ou en place selon un ordre – préparés pour une circonstance ou pour une action) à tous les plantages.

Une fois que les ravages de la guerre  auront achevé leur funeste destruction on devrait se poser plusieurs questions et y apporter des réponses avant d’entamer un nouveau cycle de plantage. Il faut oser traiter l’Arabie saoudite comme un pestiféré et lui enlever la légitimité politique sur les lieux saints et l’aura religieuse qui lui permet de former et de reproduire la pensée déformatrice sur l’Islam. Il faut oser avouer le gaspillage de vie et des énergies arabes et musulmanes : tous ces jeunes qui ont versé leur sang en Afghanistan et en Syrie pour une fausse bannière auraient pu servir la cause palestinienne ou la cause du développement national s’il y avait une gouvernance sensée et efficace qui permet à chacun d’exprimer son talent et ses convictions dans la transparence et au profit de l’intérêt public. L’effusion de sueur par le travail et le mérite est sans doute l’une des meilleures garanties contre l’effusion du sang des innocents.

L’Empire est par nature un immense sabotage de l’histoire et des possibilités de paix et de prospérité. Après 2001 et « la justice implacable » de Bush,  en 2006 fut promulguée la seconde « Guerre contre la Terreur » initié par Rumsfeld qui la présentait comme une guerre globale contre le terrorisme pour une durée de 100 ans. Aujourd’hui on est parti pour  la troisième guerre pour 3 ans qui vient d’être rallongée à  30 ans. Dans quelques mois on parlera de 300 ans ou de 3 millénaires. La manière dont les USA avaient orchestré et animé la guerre Iran Irak pour faire effondrer les deux pays n’est pas loin.

Pensées pour les animaux survivants.

كُلُواْ وَٱشْرَبُواْ مِن رِّزْقِ ٱللَّهِ وَلاَ تَعْثَوْاْ فِي ٱلأَرْضِ مُفْسِدِينَ

{Mangez et buvez des biens qu’Allah dispense, et ne semez pas le désordre sur Terre comme des corrupteurs}

Le  Rapport Planète Vivante 2014 du World Wildlife Fund (WWF) dresse un tableau alarmant sur l’avenir de la vie terrestre humaine et animal. Si on fait abstraction de la récupération médiatique qui parvient par ses statistiques et ses images à banaliser le gravissime et à maquiller les responsabilités il y a lieu de s’interroger sur les processus qui ont contribué à réduire certaines espèces vivantes de moitié et à faire disparaître d’autres d’une manière irrémédiable mettant en péril l’existence humaine. Les bêtes ont été mises là pour donner possibilités réelles à notre vie humaine ainsi que pour le confort de notre existence et le ravissement de nos yeux :

وَمَا مِن دَآبَّةٍ فِي ٱلأَرْضِ وَلاَ طَائِرٍ يَطِيرُ بِجَنَاحَيْهِ إِلاَّ أُمَمٌ أَمْثَالُكُمْ مَّا فَرَّطْنَا فِي ٱلكِتَٰبِ مِن شَيْءٍ

{Il n’est pas de bêtes sur la terre, ni d’oiseaux volant de leurs deux ailes qui ne forment, comme vous, des communautés. Nous n’avons rien négligé dans le Livre.}

Dans le livre de la nature il n’y a que beauté, harmonie et sens. Il faut en être dépourvu pour ne pas voir le sabotage de la vie ou le voir comme une simple fatalité. Six pensées dédiées aux pauvres bêtes.

1 – L’empire US légataire des empires coloniaux consomme à lui seul l’équivalent des ressources de 4 planète terre.  Tant que cet empire est dominant il n’y a aucune perspective optimiste. Il incarne la malédiction d’un mode de vie et de pensée. La pensée qui a produit ce système inhumain est la même pensée qui a produit la destruction des paysans anglais lorsque le marchand avait rencontré la machine à vapeur. La restriction des libertés puis le massacre des hommes ont  initié ceux des animaux. Le parcage et le massacre des animaux ont accompagné l’abêtissement des hommes et leur mise en marche en troupeaux. C’est la même incertitude pour tous.

2 – Les royaumes bédouins créés par les empires coloniaux sont hyper gaspilleurs au-delà du pensable. Là où ils interviennent ils corrompent, répandent le sang et font de la manne pétrolière une malédiction pour les créatures qui sont créés pour vivre naturellement sans gaz ni pétrole ni leurs dérivés ou semblables. C’est quand même hallucinant de constater  la nuisance   d’Etats apparus depuis quelques décades sur des populations animales et végétales présentes depuis des centaines de millions d’années.

3 – Le modèle occidental qui se prétend développé et civilisé y compris dans ses formes sociales progressistes ou modérées comme la Suède est entropique dans son essence matérialiste et anthropocentriste.

4 – Les pays pauvres et les économies à économie extravertie ne participent pas au suicide collectif, mais subissent les effets écologiques nocifs des abus des pays riches et industrialisés. Le maintien de ces pays hors du cycle du développement du fait de l’échange inégal et de l’incurie des élites locales soulève deux questions :

4 – 1  Celle du paradoxe entre le développement comme prédation d’autrui et le sous-développement comme développement contrarié ou empêché par le prédateur. Sans ce paradoxe la décolonisation aurait abouti à la liquidation totale des ressources et à la mise à mort de la faune et de la flore puis à la famine. Il ne s’agit pas de justifier la rapine de l’impérialisme, mais de s’interroger sur la dimension métaphysique qui de l’histoire de l’humanité.

4 – 2  Cette dimension métaphysique pose l’équation du double salut humain. Le salut moral et spirituel qui ne peut venir que par reconnaissance de la Transcendance et par la gratitude envers les Bienfaits de Dieu qui a octroyé cette terre à Ses Créatures. Le gaspillage est non seulement de l’ingratitude, mais une dérive satanique. Ce salut ne peut se passer du salut temporel qui consiste à se libérer non seulement du modèle économique et politique de l’Empire, mais des systèmes de pensées qui l’ont produit et tout particulièrement le mythe de Prométhée qui synthétise la modernité techniciste et celui d’Hermès qui synthétise la postmodernité communicante et globalisante où le marchand et le média comme l’artiste et le voleur sont fusionnés dans un monde indifférencié.

 5 – Poser la question du double salut c’est poser la question en termes de civilisation. La civilisation occidentale n’est ni l’alternative ni le modèle ni la source d’inspiration pour sauver la vie ou libérer les peuples. La compétence de gaspiller et de recycler le vivant dans ses usines et ses laboratoires a permis  au capitalisme de produire et d’entretenir des illusions le temps de surmonter une crise, de conquérir un territoire ou de renforcer une position financière et idéologique. Parmi les illusions il y  a ses propres justifications économiques libérales et celles nourris au contact de ses contradictions et de ses crises puis entretenu par  le réalisme qui ne voit la résolution dialectique qu’à l’intérieur du système comme si c’était la fin de l’histoire. Parmi ces illusions il y a :

5 – 1 L’écologisme qui consiste  à militer pour une économie plus propre,   plus économe et plus social dans les conditions de salissures, de gaspillage et d’exploitation. Dans la réalité il correspond, en se mettant sur le plan intellectuel et technologique, aux mouvements caritatifs religieux qui composaient avec le système qui fabriquent la pauvreté, l’exclusion et l’exploitation de l’homme. Comme le socialisme et les romantismes politiques il devient une collaboration, une incitation fiscale voire une participation politicienne et rentière au système.

5 – 2 L’alter-mondialisme est une autre forme de recyclage et de romantisme orchestré par le système. Il est vrai que quelques paysans dans le quart monde vivent mieux par le commerce équitable, mais ce n’est pas le pansement prévu pour un bobo qui va arrêter l’hémorragie des ressources et la disparition du vivant. Les médias du système fabriquent les images de l’apologie des contradictions du système pour vendre de l’audience, donner l’illusion de la liberté, mais les conditions d’appropriation, d’exploitation et d’échange qui pèsent réellement en termes économiques, sociaux et écologiques ne sont pas émancipées des règles du monopole. Les grandes surfaces,  les comptoirs commerciaux, les transporteurs réalisent des gains incomparables aux producteurs. Le consommateur nourrit dans la culture de l’exotique se donne bonne conscience par l’achat dit engagé  ou militant, mais il n’a pas de réponse à ses problèmes de crédit et de consumérisme.

5 – 3 Le scientisme ou plus exactement le délire intellectuel ( nommé aussi folie raisonnante) engage un débat sur la nature du désastre écologique qu’il occulte d’ailleurs par le sophisme et les syllogismes fallacieux des experts consacrés par les médias, les groupes pétroliers, les financiers,  les gouvernants et tout l’appareil qui produit du gaspillage, de la bêtise et du nihilisme. Les causes montrées puis escamotées comme celles imputable au climat ou à l’activité humaine (parfois animale) ne sont pas les causes profondes. La bureaucratie mondiale de l’Empire n’a ni les compétences morales ni intellectuelles de voir la cause : une civilisation de l’extravagance, du gaspillage, du futile, du spectacle sans responsabilités et sans devoirs. Ni le libéralisme ni le marxisme ni le constructivisme ni le surréalisme ni tous les « ismes » de la planète  ne  peuvent concevoir ou produire une civilisation à visage humain. Chacun se veut le dépositaire d’une vérité sans Dieu et se présente comme l’idéal de vertu alors qu’il contribue à dérégler l’ordre naturel mis au service de l’humanité :

  ومِنَ ٱلنَّاسِ مَن يُعْجِبُكَ قَوْلُهُ فِي ٱلْحَيَٰوةِ ٱلدُّنْيَا وَيُشْهِدُ ٱللَّهَ عَلَىٰ مَا فِي قَلْبِهِ وَهُوَ أَلَدُّ ٱلْخِصَامِ وَإِذَا تَوَلَّىٰ سَعَىٰ فِي ٱلأَرْضِ لِيُفْسِدَ فِيِهَا وَيُهْلِكَ ٱلْحَرْثَ وَٱلنَّسْلَ وَٱللَّهُ لاَ يُحِبُّ ٱلفَسَادَ

{Parmi les hommes, il y a celui dont le discours te plait lorsqu’il parle de la vie de ce monde. Il prend Allah à témoin de ce que contient son cœur ; mais c’est le plus acharné des querelleurs. Dès qu’il  tourne le dos, il s’en va par la terre pour y semer la corruption et détruire les récoltes et le bétail ; mais Allah n’aime pas la corruption.}

6 – En vérité c’est le matérialisme qui a fait perdre à la société son humanité en lui faisant oublier son Dieu. L’homme privé de Transcendance  a  fait  de l’homme la mesure et la finalité de toute chose. Sans le sacré qui le limite et arbitre ses rapports avec autrui   l’homme sape ses conditions de vie. La science, l’idéologie et la technique ne peuvent protéger l’homme des rigueurs et des catastrophes de ce qu’il a produit lui-même par ingratitude et démesure dans sa psychologie,  ses idées, son économie, sa politique, ses médias et ses rapports à la nature et à la vie :

ظَهَرَ ٱلْفَسَادُ فِي ٱلْبَرِّ وَٱلْبَحْرِ بِمَا كَسَبَتْ أَيْدِي ٱلنَّاسِ لِيُذِيقَهُمْ بَعْضَ ٱلَّذِي عَمِلُواْ لَعَلَّهُمْ يَرْجِعُونَ

{La corruption est apparue sur la terre et sur la mer à cause de ce que les hommes ont accompli de leurs propres mains, afin qu’Il leur fasse goûter quelque conséquence de leurs agissements. Afin qu’ils reviennent [vers Dieu ou de leur perdition]}

L’indifférenciation, la mode, la publicité, la médiatisation, le consumérisme démocratique, le crédit, la sublimation du désir par les représentations sociales et culturelles donnent crédit à la théorie de la spirale infernale du désir et de la violence mimétique de René Girard. En imitant l’autre et en désirant non seulement ce qu’il possède, mais  ce qu’il désire, l’autre devient un modèle qu’on copie et un rival qu’on veut déposséder. Le riche pour  se singulariser dans son opulence et ses privilèges face à une masse indifférenciée et pour ne pas  être dépossédé de ses attributs de jouissance et de désir face à une masse qui s’en attribue les symboles va exacerber la rivalité qui à son tour va relancer le mimétisme. Etc. Le processus imitation rivalité finit par prendre des dimensions  d’aliénation sociale. Les conséquences sont, outre le gaspillage des ressources et la violence sociale, la confusion des valeurs et la collaboration de toutes les couches sociales dans la dissolution, la déstructuration et la destruction des sociétés et des écosystèmes.

Ce phénomène de mimésis, déjà étudié par Platon, est positif lorsqu’il se réalise naturellement dans les apprentissages ou dans la quête des modèles de vertu et de progrès. Il devient pervers lorsque la société pratique le culte des idoles et cultive le désir aliénant en faisant de la marchandise, de la croyance, de la culture des fétiches : attribution de vertu magique à des objets, provocation de désirs au-delà des besoins, , transferts socio-affectifs masquant le désenchantement, adoration de l’artificiel, culte des objets-idoles… C’est ce désir aliénant qui libère la cupidité, la convoitise et la prédation contenues dans quelques pervers pour devenir la règle générale. Ce mimétisme ne dégage pas l’homme, à titre individuel et collectif, de ses responsabilités. L’imitateur servile et son modèle d’imitation partagent le même aveuglement et la même malédiction :

{Certes, dans la création des cieux et de la terre, dans la succession de la nuit et du jour, dans le navire qui vogue sur la mer portant ce qui est utile aux hommes, dans l’eau que Dieu fait descendre du ciel et avec laquelle Il fait revivre la terre après sa mort – cette terre où Il a disséminé toutes sortes d’animaux -, dans les variations du souffle des vents, dans les nuages assujettis entre le ciel et la terre, il y a des signes pour les gens qui savent raisonner. Parmi les hommes, il en est qui placent à côté de Dieu des émules qu’ils aiment comme on aime Dieu ; mais les croyants sont plus fermes dans l’amour de Dieu. Lorsque les iniques verront le châtiment, ils verront que la puissance entière appartient à Dieu, et que Dieu châtie sévèrement. Lorsque ceux qui ont été suivis désavoueront ceux qui les ont suivis, quand ils verront le châtiment et que les liens qui les unissaient seront rompus, les suiveurs diront alors :  » Ah ! s’il nous était possible de revenir, nous les désavouerions comme ils nous ont désavoués « . C’est ainsi que Dieu leur montrera leurs œuvres comme [la cause de] leur perdition ; mais ils ne sortiront pas du Feu. O vous, les hommes ! Mangez ce qui est licite et bon sur la terre. Ne suivez pas les traces de Satan : il est pour vous un ennemi déclaré, il ne vous ordonne que le mal et les turpitudes, et de dire sur Dieu ce que vous ne savez pas. Lorsqu’on leur dit :  » Suivez ce que Dieu a révélé « , ils répondent :  » Non, nous suivons la coutume de nos pères ! « . Mais quoi ! Et si leurs pères ne savaient pas raisonner et n’étaient pas bien guidés ? Les mécréants sont semblables au bétail de qui son gardien ne peut se faire entendre que par des appels et des cris. Sourds, muets, aveugles, ils ne raisonnent pas. O vous qui croyez, mangez des bonnes choses que Nous vous avons dispensées, et remerciez Dieu, si c’est Lui que vous adorez.}

Contre la malédiction et la perdition le discours moralisateur et bigot ne suffit pas. Il faut des mécanismes économiques, des instruments politiques, des cadres culturels et éducatifs, des comportements éthiques et esthétiques, une vision lucide de la vérité et de la réalité. Il est illusoire de croire qu’une révolution islamique ou marxiste ou autre, à l’intérieur du système actuel, puisse modifier les schémas de pensées  de production et de consommation.

Pour comprendre davantage l’impasse civilisationnelle et l’horreur du système de représentations par lequel le massacre de la planète se réalise et les limites qu’il impose il faut aller au-delà de l’aspect séduisant des théories tentant d’expliquer le monde qu’il produit ou qu’il récupère et recycle. Elles sont fondées principalement sur les mythes judéo-chrétiens et gréco-romains : l’ethnocentrisme des élus contre les autres barbares dont on ne reconnait ni le sacré, ni l’histoire, ni les idées ni l’existence autonome. L’Occident est une identité réductrice de celle des autres et qui ne doit rien aux autres. Elle est dans le désir de puissance, de dérive démiurge. C’est ainsi que le même René Girard se met en confusion lorsqu’ils considèrent que les « terroristes » et les intégristes musulmans sont des envieux de la civilisation occidentale qui tentent de détruire ce qu’ils ne peuvent acquérir. Le désir mimétique qui se voulait une explication anthropologique s’est transposé sur le plan de géopolitique en argument intellectuel et sur le plan de la domination de la civilisation matérialiste en justification idéologique. C’est ainsi qu’au nom de l’amour des animaux on a fait coexister le massacre des animaux et les industries autour de la vie des animaux

La conjugaison et la permanence de  la perversion économique, de l’arrogance des opulents, du despotisme politique, de l’agression militaire et du nihilisme spirituel pousse une civilisation à l’apogée de sa puissance à fabriquer la dynamique de son anéantissement. Les cités disparues de Ad, Tamoud et Madyane sont une invitation à la méditation sur la fin d’un monde. L’explication eschatologique ou le réchauffement climatique n’explique pas ce qui s’annonce déjà comme changement majeur ou comme avertissement à la fin d’une époque. L’insouciance n’invite pas à la quête de salut.

Conclusion :

La symbolique du rapport de la planète vivante est saisissante : le système qui se veut le modèle de puissance, d’intelligence,  de vertu et de beauté ne parvient pas à cacher les horreurs de ses agissements directs et indirects. Cette nature qu’il a prise comme décor pour ses guerres et ses tourismes, ses films et ses mines, son expansion et son imagination  lui renvoie l’image de sa laideur qu’il met en spectacle télévisuel à une humanité qui a perdu le sens de l’émotion car elle est devenu une marchandise. L’excellence médiatique qui a vendu l’humanitaire sioniste, l ‘humanitaire embarqué et le droit d’ingérence est mise a mal sur le terrain de sa propre narrative qui vient d’afficher l’impuissance du système sur le maillon le plus faible. Cela fait des décennies que la gente animale, sans défense, se fait massacrer sans pitié ni compassion et au su de tous. Peut-on comparablement imaginer la gente humaine qui invente ses moyens de résistance ou de nuisance se laisser faire par les sacs de riz et les sacs à puces de l’Empire. Le doute est installé… Ce rapport témoigne donc des syllogismes fallacieux – la narrative qui se raconte de fausses propositions logiques et s’inventent des scénarios de plus en plus improbables – du système, de ses satellites et de ses prétendants à visage de courtisans ou sous masques de dénonciateurs… La crise ne peut plus être cachée : elle est globale et visible.

Le Prophète (saws) a dit que le Jour du Jugement dernier un moineau viendrait réclamer justice contre celui qui l’a tué en vain, sans nécessité de manger. Contre qui ces éléphants, ces tigres, ces crocodiles, ces milliers d’espèces vont-il réclamer justice?

 

Le Nigéria : les conditions d’émergence de Boko-haram.

Cet article sur le Nigéria est toujours d’actualité,  si son contexte est 2009-2010, il est dans le prolongement du 11/09/2001. Il n’y a pas de complot, mais un ordre logique froid et déterminé qui se nourrit du manque de logique des autres.  Il a a été publié en 2010 par  Zeinab Abdelaziz et  Omar Mazri sous le titre « Le Nigeria guerre de religion, pénétration néocoloniale ? ». La présente publication est légèrement remaniée par moi-même pour des raisons de pédagogie et de communication sachant que lorsque les insensés de tout bord se faisaient entendre j’ai choisi de faire parler les faits et les textes, de les relier et de leur donner un sens que le temps n’a pas démenti . Je n’ai pas  raison sur tout, mais je demeure  fiable par l’indépendance de ma réflexion et le refus de mon alignement sur une démarche partisane ou un esprit sectaire

Ce qui se passe au Nigeria est une flagrante accusation de la double ingérence politico-vaticane, ou si l’on veut plus clairement, de l’intrusion infâme de la politique colonialiste de l’Occident et de l’évangélisation des peuples sous la contrainte militaire, financière, économique et militaire supervisée par les agents du Vatican. La coopération du colonialisme et de l’évangélisation a permis d’installer des régimes vassaux, pour usurper les matières premières, et pour évangéliser le pays. Ainsi clairement dit, le lecteur pourra mieux comprendre ce qui se déroule sur un des théâtres les plus émiettés et les plus ensanglantés.

Le silence qui a plané dans les médias en général, et surtout européens et français en particulier, lors des dernières émeutes qui eurent lieu il y a à peine quelques semaines, le 20 janvier dernier 2009, à Jos, la capitale de l’Etat de Plateau, est fort révélateur. Car ces émeutes qui provoquèrent la mort de 465 personnes, révèle une autre accusation et une autre preuve que c’est une guerre de religion qui est en cours de fomentation. Les chiffres mêmes sont accusateurs, puisque 400 de ces morts tués de sang-froid étaient des musulmans, et 65 des chrétiens. Le même pourcentage presque se trouve parmi les 1000 blessés, quant aux 20.000 déplacés c’étaient des musulmans qui ne cessent d’être traqués par les milices chrétiennes. Cela ne cesse de se répéter depuis septembre 2001, en laissant plus d’un millier de morts, et 700 autres en 2008, l’énorme majorité étant des musulmans. Human Rights Watch avance que 13.500 personnes ont trouvé la mort dans ces confrontations depuis 1999.

Le 28 décembre 2008 l’AFP rapportait dans une dépêche :

LAGOS (AFP) 20 déc. 2008 — « L’organisation Human Rights Watch (HRW) a dénoncé samedi « au moins 90 exécutions sommaires » par la police et les forces armées lors des émeutes politico-religieuses qui ont secoué fin novembre la ville de Jos, dans le centre du Nigeria.

Les 28 et 29 novembre, suite à une contestation électorale, des violences visant majoritairement la population musulmane d’ethnie haoussa ont fait officiellement au moins 200 morts, et sans doute plus, selon diverses associations et ONG.

L’armée avait été envoyée en renfort par le gouvernement fédéral.

 

Dans son rapport HRW fait notamment état de « sept incidents séparés » au cours desquels « au moins 46 hommes et jeunes gens, tous musulmans sauf deux » ont été sommairement tués par la police, plus précisément une unité de police mobile, les « mopols ».

L’organisation de défense des droits de l’homme a également recensé six autres incidents avec un bilan de 47 hommes tués, « tous musulmans et jeunes et sans armes, selon des témoins », par des militaires cette fois.

« La plupart de ces meurtres sont intervenus le jour même où le gouverneur de l’Etat de Plateau (dont Jos est la capitale) avait ordonné aux forces de l’ordre de « tirer à vue », poursuit HRW.

« Le devoir de la police et des militaires était de mettre fin au bain de sang, pas d’y contribuer. Les autorités nigérianes devraient lancer immédiatement une enquête indépendante », estime Corinne Duka, responsable de HRW pour l’Afrique de l’Ouest. »

Nous ne sommes pas en face d’accidents isolés, mais d’une démarche délibérée et entretenue :

A la suite des émeutes survenues en 2004, le gouverneur alors en poste, un chrétien nommé Joshua Dariyé, s’était montré on ne peut plus raciste, puisqu’il dit haut et fort « Jos appartient aux indigènes (c’est-à-dire aux chrétiens). Tous les Hausa (les musulmans) sont des colons, qu’ils le veulent ou non. Ils vivent avec nous, mais cela ne change en rien à l’équation propriétaire-locataire. Quand le locataire crée des problèmes, on lui donne son congé » !

Il suffit de regarder la vidéo des dernières émeutes, du 20 janvier, pour voir comment le commandant chrétien donna l’ordre à ses ouailles, à sa milice chrétienne, pour abattre les musulmans, ramassé en groupe sous l’arme, pour les tuer de sang froid en se donnant en spectacle pour être filmé, ne craignant aucune accusation ou la moindre charge puisqu’ils sont protégés jusqu’au sommet de la hiérarchie chrétienne !

Le rôle infâme de l’Eglise et son intervention meurtrière dans le Rwanda, où des pères et des sœurs s’avérèrent être des incendiaires, en attisant les flammes dans des hangars fermés, pleins d’africains réfugiés, révèle et prouve à la fois que le même scénario se perpétue un peu partout. De même, il suffit de penser au dernier Synode sur l’Afrique qui ne visait en réalité que les ressources minières africaines qui valent 46.200 milliards de dollars, tel que l’assure une des interventions présentées. Ni de s’étonner de voir que l’Eglise annonce comme conclusion finale de ce Synode qu’elle « cherchera à instituer dans les différentes nations du continent un système de formation dans la gestion des ressources naturelles » …

L’Afrique porte les cicatrices des massacres massifs si on se rappelle la guerre du Biafra (1967-1970) qui a provoqué la mort de centaines de milliers de personnes (causés majoritairement par la famine et les maladies), et déplacé plus de trois millions de réfugiés ibos. Comme au Rwanda les mobiles qui ont poussé les populations chrétiennes et animistes à entrer en guerre de sécession contre le pouvoir central restent obscurs. La seule chose de transparent est que cette guerre a permis l’émergence de l’humanitaire sioniste et de l’idée du droit de l’ingérence étrangère et militaire au nom de l’humanitaire. L’ethnocentrisme civilisateur et pacificateur qui fait intervenir l’Occident comme la providence divine est une ancienne idée parmi les nombreuses justifications morales de la colonisation et des montages d’affaires transnationaux au nom de la charité.

Le tableau présenté objectivement sur la nature, l’ampleur et l’instrumentalisation de la violence ethnique, religieuse et politique annonce inéluctablement les scénarios d’apocalypse préparés pour le monde islamo africain. On retrouve les mêmes ingrédients et les mêmes mécanismes de génération de la violence  en Afrique du Nord et dans le monde arabe : exercer une violence contre les populations musulmanes et les pousser à une violence instrumentalisable pour réaliser des fins géopolitiques, idéologiques et économiques que les conditions de paix et de lucidité ne permettent pas de réaliser.

La dernière décennie a connu plusieurs affrontements entre chrétiens et musulmans, qui commence d’habitude lorsqu’un chrétien critique ou blasphème le Coran ou qu’il s’empare d’une propriété musulmane. La raison des dernières émeutes revient au quasi traditionnel motif qui se perpétue actuellement dans tous les pays à minorité chrétienne : un chrétien qui provoque la situation en commençant par s’emparer injustement d’une maison, d’une propriété ou d’un terrain d’un musulman. Dès que ce dernier commence la défense de sa propriété, éclate la bagarre qui, en générale, est prévue d’avance par les chrétiens, soutenus partout par l’ingérence vaticane à travers toutes les églises présentes sur places et tous leurs adeptes, qui ont reçu l’ordre tous deux, depuis Vatican II, de participer à l’évangélisation du monde. C’est-à-dire à l’éradication de l’Islam et des musulmans. Il faut lire tout simplement les textes de Vatican II de 1982 pour voir l’énoncé du principe et sa mise en œuvre dans les pays musulmans à minorité chrétienne où les élites musulmanes sont issues de la bourgeoisie compradore, de la rente et de la bureaucratie.

Durant les affrontements de cette décennie et sur fond de crise sociale, économique et religieuse eut lieu aussi l’injuste et frauduleuse intervention des chrétiens minoritaires, mais soutenus par les USA et l’Europe, pour changer la Constitution d’un Etat de confession musulmane. A rappeler qu’en 1987 s’était formé un Conseil Religieux Consultatif, composé de 12 membres musulmans et de 12 membres chrétiens, faisant de ces derniers des minorités sur représentées. Les musulmans non seulement étaient mal représentés et sous représentés, mais en situation de domination économique et de violence religieuse et sociale. Ils sont mis, objectivement, en situation d’insurrection avec la garantie de subir une répression  féroce ou de soulèvement armée avec le risque de partition du pays ou d’intervention des armées étrangères déjà présentes sous des formes larvées  contre la rébellion musulmane qu’on aura au préalable mis en situation de cercle infernal de diabolisation.

A noter que le Pape Jean-Paul II avait visité le Nigeria en 1982, l’année au cours de laquelle fut créé le Solidarnosc en Pologne pour commencer le démantèlement de l’ex-Union Soviétique, prônant en mains et dans ses discours le fameux et fallacieux texte de Nostra Aetate. Un des fameux Textes décrété à Vatican II, par lequel l’Eglise de Rome s’ingénie à éloigner triplement l’Islam, en le mettant parmi les religions de l’Asie, en biffant la descendance des musulmans d’Abraham, et en imposant l’évangélisation du monde y compris celles des Chrétiens orthodoxes d’Orient. La conjonction Vatican CIA est formellement établie en particulier depuis l’arrivée de Georges Bush et de la suprématie des néo Cons US.

La déstabilisation puis le contrôle du Nigéria – exigeant s’il le faut des massacres de populations et l’émergence de terrorismes difficiles à éradiquer, doit être remise dans son cadre historique et spatiale : l’Afrique sub-saharienne avec ses richesses, ses diversités culturelles, ses anciennes communautés d’échanges commerciaux est une aire de civilisation islamique pacifique représentative de l’Islam africain par ses réseaux de solidarité sociale, de fraternité ethnique et de libre adhésion à l’Islam lors des premiers contacts avec les premiers persécutés qui se sont exilés  du temps du Prophète (saws) puis avec les commerçants arabes. Même si on veut faire abstraction de l’Islam africain, nous ne pouvons faire abstraction du rapport harmonieux et transsaharien entre les Berbères du Maghreb et les populations africaines d’Afrique qui partageaient des traditions de démocratie populaire et de solidarité sociale et économique exemplaires pour la justice sociale et la dignité humaine.

A titre d’évocation il n’y a pas que la Libye qui avait son Cheikh Omar Mokhtar, le Maroc son Cheikh Al Khattabi et l’Algérie son Cheikh Al Mokrani, El Haddad et tant d’autres. Le Nigéria avait eu le  Cheikh Othman Dan Fodio, de l’ethnie des Peuls, fin 18ème début 19ème siècle, il est parvenu à fédérer les populations africaines, musulmanes et animistes, contre le  roi (Sarkin) tyrannique, hostile à l’Islam et jouisseur. Par la lutte armée il est parvenu à édifier le puissant royaume de Sokoto sur les territoires Adamawa au nord-est du Nigeria, à l’Ouest du Niger, dans le Nupe au centre-ouest du Nigeria, et dans les territoires Haoussa au Nord du Nigéria. Ce royaume n’a pas résisté à la pénétration britannique disposant d’une logistique militaire, d’une expérience en matière de comptoir coloniaux,  de moyens de corruption et de pasteurs protestants  évangélistes habitués à pacifier les païens de la Chine, des Indes et des Amériques.  Pour ceux qui s’intéressent à la civilisation musulmane il est utile de rappeler que les musulmans du  Nigéria à l’instar de la majorité de ce qu’on appelle l’Islam africain et maghrébin est sunnite, malékite, ascharite. L’émergence des dérives de type confessionnel et religieux trouve sa logique dans la rencontre des intérêts géopolitique de l’Empire et des intérêts idéologiques des pétro monarchies.

La conscience collective n’oublie pas son histoire malgré les parenthèses colonialistes. Elle refait surface sinon elle fait irruption violente selon les conditions sociales et historiques. Les idéologues de l’Empire et les colonisés importateurs des idées coloniales disposent du pouvoir des médias de l’Empire pour enlever toute légitimité à la contestation musulmane et la déboiter des réalités sociales et politiques de son expression. L’intrusion coloniale peut saper les conditions sociales et économiques, falsifier l’histoire, découper les territoires et aliéner les mentalités, mais elle ne peut gommer la vérité.

C’est dans cette continuité spatiale et historique que nous assistons après la décolonisation  puis après l’évangélisation vaticaniste à un retour vers l’Islam non seulement des populations musulmanes, mais aussi des  populations chrétiennes qui, par leur conversion, apportent un enrichissement religieux, social, économique et mettent en  péril les politiques du Vatican. Si les richesses des Bédouins  et des Africains avaient été mises à profit pour le bien-être des populations, il aurait difficile au Vatican et à la CIA de déstabiliser les Etats. Le Soudan ne serait pas dans cet engrenage de démantèlement alors que le conflit qui oppose les conflits entre les populations musulmanes, chrétiennes et animistes ou arabes et africaines  aurait été résolu par quelques centaines de millions de dollars (investissements en hydraulique) et l’Etat de droit équitable envers tous les citoyens.

Depuis l’indépendance aussi, l’Etat du Nigéria ne fait que renforcer une distinction héritée des colonisateurs britanniques, donnant aux groupes ethniques chrétiens le statut d’indigènes, de vrais habitants du pays, tout en maintenant les musulmans à distance de ce titre, alors qu’ils sont en fait majoritaires, que l’Islam et les musulmans s’y trouvent depuis de longs siècles, tandis que le christianisme ne commença à s’implanter qu’à la moitié du XIX° siècle, avec d’anciens esclaves venus d’Amérique, accompagnant des catéchistes anglicans et méthodistes. En 1844 Henry Townsend fonda la première mission anglicane au nord de Lagos. Les missionnaires catholiques arrivèrent presque deux décades plus tard. Actuellement le christianisme représente la minorité des habitants, comme disent les statistiques, et dépendent d’une multiplicité d’églises.

Pour revenir à la situation socioéconomique au Nigeria, il faut rappeler que  le niveau de la plupart des nigériens a dégénéré à un niveau bien en dessous du seuil de la pauvreté absolue ou de la dignité humaine, pays qui comprend la plus grande population de l’Afrique avec ses 150 millions d’habitants, il a le pétrole comme principal pivot des revenus fédéraux et 98 % des recettes à l’exportation. Il est objectivement une donnée économique et géographique qui le classe comme proie facile aux yeux du prédateur impitoyable.

En marge du secteur pétrolier se trouvent d’importants gisements de gaz naturel, des réserves de houilles, charbon bitumineux, les plus importants du continent ; des gisements de colombite, du fer, du zinc, de l’étain, de l’or, de la pierre à chaux et du marbre ; et surtout des gisements d’uranium, dont l’énergie est plus d’un million de fois supérieure à celle des combustibles fossiles pour une masse équivalente. Ce qui fait que l’uranium est la principale matière première utilisée par l’industrie nucléaire. Le Nigeria est déjà classé comme le troisième producteur mondial d’uranium et comme deuxième puissance sub-saharienne derrière l’Afrique du Sud en matières premières et ressources naturelles.

Les élites nigérianes toutes confessions confondues ne parviennent pas à voir la main de l’Empire sous prétexte qu’au moment du paroxysme de la crise religieuse et constitutionnelle  en 2009, le Nigeria était le troisième fournisseur de pétrole des Etats-Unis, avec un cru de la meilleure qualité au monde, leur partenaire commercial le plus important dans la région subsaharienne, l’attraction pour l’investisseur US le plus important du pays. Par ailleurs, les Etats-Unis sont le pays où réside le nombre le plus important de et le plus croissant des Nigérians de la diaspora et de l’intelligentzia. En apparence  la crise ne profitait ni aux USA ni à la démocratie et à l’unité du Nigéria. Il faudrait sans doute que les Nigérians s’interrogent sur les objectifs de la présence  américaine en Afrique sub-saharienne, les objectifs de la lutte contre le terrorisme après le 11 septembre, la place du Nigéria dans le dispositif de combat et de prédation en Afrique.

On retrouve aussi les scénarios de vacance du pouvoir africain par les réseaux France Afrique avec pour le Nigéria d’autres acteurs qui sont à Londres, Washington et Ryad en Arabie saoudite où le 23 novembre 2009, le président nigérian Umaru Yar’Adua y a été précipitamment évacué pour une urgence médicale. Alors que le pouvoir était vacant, que la crise constitutionnelle s’amplifiait sur fond de crises sociales et religieuses,  les Etats Unis, en compagnie de la France, de la Grande Bretagne et de l’Union européenne faisaient une déclaration commune surréaliste saluant la vacance du pouvoir:

« Nous saluons la détermination à aborder la situation actuelle au travers des institutions démocratiques appropriées. L’engagement continu du Nigeria et l’adhérence à ses normes et à ses valeurs démocratiques est essentielle pour faire face aux nombreux défis qu’il doit affronter… Nous sommes engagés à continuer à travailler avec le Nigeria sur ses questions internes tout en travaillant ensemble comme partenaires sur la scène globale ».

Umaru Yar’Adua est revenu d’Arabie saoudite, affaibli politiquement et  sanitairement, confrontées  aux élites nigérianes appuyant la volonté américaine qui avait, une semaine avant son retour, installé le vice-président Goodluck Jonathan dans les fonctions de président intérimaire au nom de la démocratie et du blabla traditionnel.

Comme il fallait s’y attendre les USA ont continué à brouiller les cartes en faisant sortir du chapeau de magicien un nouveau lapin l’ancien président Ibrahim Babangida par la communication américaine officieuse qui déclare que « nous le percevons pas comme un ancien dictateur… Nous le considérons comme un ancien chef d’Etat et un dirigeant influent dans la partie nord du pays. » Le projet de partition sur des conflits ethniques ou religieux derrière des alibis de démocratie est la culture politique anglo-saxonne. Ils instrumentalisent tous les idiots utiles : les bêtes et méchants rebelles poussés au fanatisme et les beaux intelligents compradores poussés à la compromission. Sur communication contradictoire, les Etats-Unis, l’Angleterre et la France supervisent des modifications à la Constitution déjà fragile. Ils mettent le Nord en situation de rébellion contre le Sud et détruisent le peu de liens qui maintiennent les communautés ensemble.  Ils mettent les musulmans en contradictions dans les allégeances politiques en divisant leurs élites et en les mettant les unes contre les autres.

Dans la conjoncture où les populations du Nord subissaient les dégâts collatéraux de la lutte antiterroriste, il faut garder à l’esprit que Umaru Yar’Adua, originaire du Nord est  opposé à l’installation du centre de commandement militaire d’Africom. Il a pris position pour la fin de la présence de Shell au Delta dans un délai de quelques mois à un an. Il faut admettre que Yar’Adua avait le soutien populaire des quatre coins du Nigeria même si le véritable pouvoir lui échappait. Quel pouvoir et quelle démocratie croire lorsque 40% des revenus nationaux sont produits par Shell ? Quel devenir démocratique envisager lorsque le Nigéria 5ème rang de l’OPEP demeure pauvre, en raison d’une très forte corruption et d’une mauvaise gouvernance. Les experts évaluent les fuites de capitaux du Nigeria de 1970 à 2009 à près de 90 milliards de dollars, soit un taux moyen de 10 milliards de fuite annuelle de capitaux en direction de l’Angleterre, de la France et de la Suisse. Les Américains et leurs vassaux, intérieurs et extérieurs,  alliés des processus les plus anti démocratique et les plus chaotiques ont l’habitude de réaliser, sous couvert de la casuistique sur la démocratie, leur politique de « régression féconde ».

L’insurrection des populations du Delta du Niger contre  les compagnies pétrolières, leur corruption et leur destruction de l’écosystème  et la gestion rentière et inégalitaire de la manne pétrolière par les autorités nigérianes va fatalement, sans direction sensée, faire jonction avec les modes de brigandages et les organisations sectaires religieuses et ethniques nés dans le sauve-qui-peut-social et s’inscrire dans une spirale de surenchères de violences et de confrontations religieuses pour imposer des opinions extrêmes, des intérêts divergents, des agendas étrangers, des ambitions locales occultes.

Dans la continuité des élections contestées de 2007 où le processus électoral n’est pas parvenu à donner l’illusion de démocratie de façade, les problèmes récurrents et accumulés annoncent des coups d’état et l’administration d’un terrorisme qui sera ici résiduel, ici larvé et ici organisé échappant à tout contrôle et à toute logique. Au moment où nous tentons de présenter une analyse relativement lucide sur le Nigéria pour dévoiler et anticiper, il est bien révélateur de voir que des militaires ont arrêté et « emmené », hier, jeudi 18 février, le président nigérien, Mamadou Tandja, lors d’un coup d’Etat dirigé par un officier, général, colonel ou caporal de grade. Il est faut souligner l’état d’esprit des  nouveaux dirigeants du récent coup d’Etat au Niger qui se sont donnés comme nom : « Le Haut Conseil pour le retour de la Démocratie » commencer par l’arrêt de la Constitution, qui faisait légèrement cas des musulmans. Ce sont les traditions en Afrique et les solutions de l’Occident pour les Africains. Ce sont aussi les luttes occultes entre l’Empire américain et ses anciens legateurs français et britanniques qui imposent aux Africains et aux Arabes une effusion de sang qui ne s’arrêtera qu’avec l’effondrement du système impérial ou l’émergence d’alternatives internationales ou régionales.

Quant à la fameuse démocratie, rien que le nom, elle suscite les macabres massacres qui eurent et ont toujours lieu en son nom, massacres qui éliminèrent plus de dix millions de musulmans en Afghanistan, en Iraq, en Palestine et un peu partout en Afrique… Sur ce coup d’état il est intéressant de lire ce matin sur l’express : « Le département d’Etat américain a de son côté réclamé un retour rapide à la démocratie au Niger, tout en s’abstenant de parler de coup d’Etat au sujet de la situation qui prévaut à Niamey ». Il n’est toujours pas question de répondre aux problèmes des peuples et de leur émancipation.

Ce qui révèle que le vrai problème réside dans cette double configuration: le colonialisme, qui se poursuit à travers les liges et les vassaux installés par le colonisateur avant son départ pour aider à l’usurpation des matières premières ; et l’évangélisation du monde, qui se passe actuellement secondée par les pouvoirs politiques de confession chrétienne et leurs méchants et stupides petits vassaux musulmans sur place, qui ne se rendent pas compte du mal qu’ils font subir à leur coreligionnaires ou à leur religion. C’est pourquoi le Nigeria représente un remarquable cas d’école sur les diverses manières de dilapider les fonds publics. Il représente aussi un authentique cas d’école de la machination idéologique, médiatique, politique, psychologique, militaire et socio-économique de l’instrumentalisation des musulmans comme bourreaux-victimes. Le Nigéria semble aussi exprimer une liberté d’autonomie des vassaux qui contrecarrent le projet du maitre annonçant la fin de sa suprématie et le désordre qui s’en suit lorsqu’il n’y a pas d’alternative construite et consciente.

La dégradation d’un territoire et d’une population ont une genèse parfois assez longue et suffisamment étalée dans le temps pour ne plus être lisible. Depuis l’indépendance, en 1960, le pays a été réparti en trois régions au Nord, à l’Ouest et à l’Est, qui se sont subdivisés en plusieurs gouvernorats, il a connu une succession de coups d’Etats, et une alternance de régimes militaires et de gouvernements civils. En 1976 fut créé l’Etat du Plateau, pour donner foyer à plusieurs groupes ethniques, ses membres sont pour la plupart des chrétiens. Les musulmans, cette grande majorité de « citoyens », est traité en tant que citoyens de seconde zone, exclus de nombreux postes de fonctionnaires, placés sous le poids de pseudo quotas et à des frais d’inscription beaucoup plus élevés dans les universités.

En 1963 fut formée l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), qui a fonctionné jusqu’en 2002, date où elle fut dissoute pour être remplacée par l’Union Africaine, dont la grande majorité des membres sont des Francs-maçons. L’objectif initial de l’Organisation (OUA) était de promouvoir l’unité et la solidarité des Etats africains, promouvoir une voix collective africaine, faire acte en faveur de  l’éradication du colonialisme, veiller au  respect des frontières, de la souveraineté, et la non-ingérence dans les affaires intérieures… Au moment de sa dissolution 53 des 54 pays africains étaient membres de l’OUA. Le Maroc avait quitté l’Organisation en 1985 après l’admission, en 1982, du Sahara occidental.

L’Unité Africaine, au contrario de l’OUA, est un agent de l’ingérence étrangère et de la dissolution des cultures africaines et de l’indépendance des peuples. Le renversement de la politique africaine, la position géographique du Nigéria et sa configuration sociale, politique et religieuse faisait de ce riche pays l’emplacement idéal de la base d’AFRICOM (le commandement militaire américain pour l’Afrique) adossé aux compagnies pétrolières et en collaboration avec le Vatican. Kadhafi en s’intronisant « empereur » d’Afrique avait montré le paradoxe et la faillite des Arabes et des Africains qui ne voyaient pas le monde changer contre les peuples arabes et africains. Ils ne voyaient ni les luttes idéologiques, ni les positions militaires stratégiques, ni les comptoirs commerciaux, ni la prédation des ressources, ni le déploiement de l’empire et du sionisme dans leurs mentalités et leurs géographies. Leur cirque et leurs contradictions superficielles ont occulté les véritables questions  à se poser et les véritables confrontations à venir.

Il est triste et décevant à la fois de voir à quel point toutes ces institutions pseudo chrétiennes, politiques ou vaticanes, religieuses ou laïques, chanter à l’unisson pour usurper l’Afrique, éradiquer l’Islam et spolier les musulmans, usant de tout ce qu’on peut et ne peut imaginer pour arriver à terme de leur mission, alors que les quelques honnêtes personnes de l’Occident chrétiens et l’immense majorité des musulmans dénoncent ou observent en silence, sans pouvoir agir efficacement. N’est-il pas temps au moins que la jeunesse du monde, se réveille et prenne part à l’action au lieu de se laisser emporter par le désespoir ou faire le jeu de ces usurpateurs faiseurs de complot et de génocides ?

 

PS

1 – Zeinab Abdelaziz est professeur émérite de civilisation française au Caire, auteure de plusieurs ouvrages sur l’Islam et sur l’art, experte sur les affaires du Vatican, traductrice du sens du Coran, membre de l’association internationale des savants musulmans.

2 – L’empire instrumentalise les caricatures qui siéent à son projet. Ce ne sont donc pas les caricatures, vraies ou fausses qui nous intéressent, mais les conditions idéologiques de leur instrumentalisation. Nous laissons le soin aux experts de l’islamologie et de l’islamophobie de confronter leur narrative sur les caricatures avec les conditions sociales et politiques qui les démentent. Je n’ai rien à voir avec les caricatures, leurs maquilleurs et leurs habilleurs islamistes ou modernistes. Sur le plan moral et intellectuel nous devons savoir qui mène la danse et qui récolte le grisbi, pourquoi et comment. Dans cette posture,  Boka-Haram, secte religieuse, bande de brigands, mouvement islamique insurrectionnel, agents de la CIA ou du wahhâbisme international n’est ni le centre des préoccupations ni la clé pour comprendre les mises en panne de l’histoire et de la société par le système entropique. Prétendre le contraire c’est faire de la diversion. Bien entendu il y a la priorité d’éteindre le feu destructeur pour ne pas brûler, mais la réflexion et l’action  stratégique doivent être orientée en direction des pyromanes qui vont continuer d’allumer des feux et d’envoyer leurs agents incendiaires. Nos gouvernants sont faibles, nos élites sont versées dans l’oppositionnel stérile, nos universités n’ont pas de tradition de débat. Chacun doit s’informer et informer pour ne pas être otage du déluge de l’information qui fait oublier l’essentiel. La nécessité de s’informer exige non seulement de voir comment et pourquoi le pyromane allume les feux, mais aussi comment et pourquoi il allume les contre-feux pour faire diversion, pour amplifier les principaux foyers de destruction, pour faire changer l’apparence des conflits et la nature des zones d’affrontement. On ne  doit donc pas se focaliser sur la médiatisation des tactiques pour ‘allumer un feu ou un contre feu, mais sur la stratégie et les objectifs poursuivis par l’incendie et l’extinction des peuples et de leurs devenirs. Toute ces démarches tactiques ou stratégiques permettent de comprendre partiellement la réalité. Mais ce n’est qu’en inscrivant nos pas et nos idées dans la démarche prophétique que nous pouvons nous libérer de la réalité tronquée et des cadres réducteurs et déformants idéologiques et partisans pour devenir des adeptes inconditionnels de la Vérité.

3 – la communication occulte la situation semblable des populations musulmanes et des élites musulmanes discriminés au Niger, au Congo et ailleurs en Afrique par la domination chrétienne et par les extractions musulmanes converties aux affaires et au laïcisme. Le colonialisme ensuite le sionisme ont déjà depuis    longtemps construit les passerelles avec les évangélistes chrétiens pour la domination économique, culturelle et idéologique des musulmans afin de les amener à collaborer. Le christianisme a depuis longtemps perdu les illusions d’évangéliser  les musulmans. Il s’appuie sur ses alliés laïcs comme le fait la colonisation pour que l’administration et l’économie des pays à  majorité musulmane soient expurgées de la pensée musulmane. La charité qui était une arme de combat idéologique et de corruption est abandonnée car elle n’apporte ni conversion ni sympathie des musulmans  aux évangélistes. Cela peut déplaire, mais c’est la vérité des faits. C’est de bonne guerre lorsque la compétition se fait dans la transparence et la concurrence loyale. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de juifs, de chrétiens ou d’autres spiritualités du monde qui ne souffrent pas. Cela veut dire que la souffrance comme les bienfaits sont sélectifs  et que l’empire ne fait pas de calculs d’épicier ou de détaillant, mais de grossistes à l’échelle d’un pays ou d’une région. Il peut sacrifier des non musulmans et promouvoir des musulmans pour répondre à sa machine qui a la vocation de broyer le ferment de la civilisation musulmane car elle est la seule à pouvoir s’opposer à son hégémonie si les musulmans parvenaient à s’émanciper des conditions de leur aliénation et à se projeter comme projet de coopération avec les peuples sur la base de leur humanité et de leur diversité. Bien entendu je peux blesser les sensibilités chrétiennes, mais les lucides d’entre eux font la différence entre le Vatican de Jean Paul II et l’Emmaüs de l’abbé Pierre.

4 – L’Algérie est en effondrement social et économique malgré la manne du pétrole, car il n’y a pas de projet de développement qui s’appuie sur une reconfiguration politique et institutionnelle moderne et citoyenne. La bureaucratie continue d’instrumentaliser l’histoire, la religion, la culture, l’émotion sans offrir un devenir viable, serein et sérieux. Il n’y a pas d’alternative au Président malade et il y a des intérêts divergents qui s’affrontent autour de la révision constitutionnelle et des nominations aux hautes fonctions dans une ambiance géopolitique pessimiste. Le président peut disparaître laissant le pouvoir vacant à des seconds couteaux inaptes à gouverner. L’empire reste un prédateur qui peut démembrer l’Algérie ou lui confisquer définitivement ses ressources alors que les Algériens ont perdu la culture du travail et des études au profit de la consommation facile, insouciante et démesurée.

5 – Le monde vit une période d’entropisation qui installe et nourrit l’entropie sans possibilité de retour à la stabilité et à l’équilibre. Il est impossible que les énergies gaspillées ne le soient impunément et indéfiniment. Le monde n’est pas une création absurde sans Dieu qui le gouverne.

Les fous et les eunuques

Une rivière, oued chaytan, traversait un royaume, naguère paisible et prospère, continuant d’irriguer les terres d’un roi insouciant et d’abreuver les gosiers de ses sujets sans que le roi, ses courtisans et ses sujets ne s’interrogent sur la toponymie de  leur rivière ni sur le comportement de plus en plus étrange de leurs troupeaux de moutons et et de chèvres qui s’encornaient les uns les autres alors qu’ils étaient dociles par le passé.  Jusqu’au jour où apparut un grand   mystère : la normalisation de la folie humaine aux abords de la rivière. Il y eut quelques exorcisations et des  divergences lexicales sur la nomination de la rivière. Les anciens veulent conserver le nom de oued Chaytan alors que les modernes veulent un nom plus adapté à la situation :  Oued al Hbel. Long débat qui épuise et  donne soif aux bestiaux dans une contrée où la rivière est abondante, généreuse et proche des sceaux.

{… ressemblent à un troupeau de bétail auquel on crie et qui entend seulement appel et voix confus. Ils sont sourds, muets, aveugles, ils ne raisonnent donc point.}

Celui qui buvait l’eau de la rivière se mettait à prononcer des paroles incompréhensibles. Il devenait fou dans la perception des autres. Il était plus simple de qualifier la folie d’un homme ou de désigner le fou dès qu’on ne parvenait plus à déchiffrer son langage, mais on ne faisait pas l’effort de comprendre la folie d’autrui,  l’origine de sa folie et les soins à lui prodiguer.

Les gens continuaient de boire à la rivière permettant à  la folie de s’étendre et de s’amplifier dans le royaume.  Les sujets devenaient fous furieux, fous mélancoliques, pervers narcissiques, égorgeurs, irresponsables. On ne voyait que des larmes et des pleurs qui s’alternaient. La folie s’exprimait  dans l’horreur de sa diversité, dans l’incapacité de lui donner un  nom, une cause ou un espoir de guérison. Il est impensable de soigner ce qui est impossible de nommer faute de compétence à nommer lorsque gens parlent la même langue avec des mots n’ayant plus la même signification ou lorsque ils se parlent dans des langues diverses sans interprètes ni traducteurs. Chacun ne perçoit l’autre qu’à travers le prisme de sa propre folie : une déformation.

{Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même davantage plus égarés. Tels sont les insouciants.}

Comme pour les peuples de Babel lorsque le langage devient incommunicabilité, confusion, désinformation, fabulation, perte de sens, la haine mutuelle devient la norme, la folie devient le refuge… La communication sociale et intellectuelle se conforme aux  rituels d’aliénation des isolats d’inconnaissance  et se plie aux exigences narratives des ilotismes d’insenséisme en attendant le déluge qui viendrait de la rivière imposant à tous l’égalité par la folie.  Pour l’instant les narratives insensées  et les appareils de l’indifférenciation par la communication de masse cultivent la  fascination par la gesticulation  rendant impossible l’émission ou la réception de messages sensés pour soi et signifiant pour les autres.  Les peuples de Babel peuvent se faire la guerre sans merci, sans but, sans responsabilité…

Plus les gens buvaient à la rivière et plus leur langage devenait confus et leurs idées insensées. Ceux qui buvaient à la rivière non seulement devenaient de plus en fous, mais imaginaient les sensés comme étant les véritables fous pour le seul motif que le  discours des gens sensés  leur devenait étrange par sa clarté.

Le roi, ni sage ni avisé, n’a jamais pas compris la source des maux de son royaume. Il s’est contenté  de produire des spectacles à grands frais divertir et distraire la majorité de  fous et occuper la minorité des raisonnables. Devant l’impuissance de ses stratagèmes il a promulgué des lois et donné des ordres  pour interdire à ses sujets  de boire l’eau de la rivière. Ses gardes zélés ont interdit à ceux qui voulaient étudier l’eau de  s’approcher de la rivière. Dans l’incohérence générale, les fous non seulement continuaient de boire  l’eau de la  rivière mais y jetaient les gardes et tous ceux qui s’y approchaient.  Les gens sensés ne pouvant être compris ni entendus ont préféré boire à l’eau de la rivière, les uns s’imaginaient  ainsi éviter la folie, les autres  se voyant devenir fous face à la folie des autres ont choisi l’oubli de la raison  que leur apporterait la rivière de la folie.

Le roi ne pouvait être ni entendu ni compris par des sujets dont une partie avait perdu les facultés de langage et d’entendement les rendant insensibles à leur folie et une partie qui faisaient l’éloge de la folie comme voie de salut du royaume. Les clercs et les savants religieux avaient depuis longtemps bu à la rivière de la folie et ils sont devenus les incitateurs à la folie. Envisager de les former, de les corrompre de nouveau  ou de les faire participer à l’instrumentalisation politicienne de la religion ou à la caution morale des agressions et de la prédation est un temps révolu. L’humaniste hollandais, Érasme, dans « Éloge de la folie » décrit la folie des élites religieuses contaminées par le pouvoir et l’argent :

« Voici ceux qu’on appelle ordinairement religieux ou moines, quoique ces deux noms ne leur conviennent nullement, puisqu’il n’y a peut-être personne qui ait moins de religion que ces prétendus religieux… [ ] La plupart de ces gens-là ont tant de confiance dans leurs cérémonies et leurs petites traditions humaines, qu’ils sont persuadés que ce n’est pas trop d’un paradis pour les récompenser d’une vie passée dans l’observation de toutes ces belles choses. Ils ne pensent pas que Jésus-Christ, méprisant toutes ces vaines pratiques, leur demandera s’ils ont observé le grand précepte de la charité. L’un montrera sa bedaine farcie de toutes sortes de poissons , l’autre videra mille boisseaux de psaumes, récités à tant de centaines par jour ; un autre comptera ses myriades de jeûnes, où l’unique repas du jour lui remplissait le ventre à crever ; un autre fera de ses pratiques un tas assez gros pour surcharger sept navires , un autre se glorifiera de n’avoir pas touché à l’argent pendant soixante ans, sinon avec les doigts gantés, un autre produira son capuchon, si crasseux et si sordide qu’un matelot ne le mettrait pas sur sa peau ; un autre rappellera qu’il a vécu plus de onze lustres au même lieu, attaché comme une éponge ; un autre prétendra qu’il s’est cassé la voix à force de chanter ; un autre qu’il s’est abruti par la solitude ou qu’il a perdu, dans le silence perpétuel, l’usage de la parole. Mais le Christ arrêtera le flot sans fin de ces glorifications: « Quelle est, dira-t-il, cette nouvelle espèce de Juifs ? Je ne reconnais qu’une loi pour la mienne ; c’est la seule dont nul ne me parle. Jadis, et sans user du voile des paraboles, j’ai promis clairement l’héritage de mon père, non pour des capuchons, petites oraisons ou abstinences, mais pour les œuvres de foi et de charité »

Il faut lire et relire les philosophes du passé sans esprit réducteur qui transpose mécaniquement leurs propos. En ce qui concerne l’éloge de la folie d’Érasme revu au présent il ne s’agit pas uniquement des religieux en rapport avec la foi et le sanctuaire de la foi, mais aussi et surtout des nouveaux idéologues et des néo intégristes qui ont pris en otage le savoir, les médias, l’économie et la démocratie pour contenter les forces occultes d’imposition sur les consciences religieuses et sociales, intellectuelles et artistiques, les génies proclamant Dieu est mort, les diables sont bien vivants. Les clercs des temples de la marchandise, du crédit et du dollar vendent un opium aux peuples plus  anesthésiant que les religions instrumentalisées.

Il est instructif aussi de savoir qu’Érasme à dédicacé sa satyre philosophique et sociologique à son ami  l’humaniste anglais Tomas More auteur de « Utopia ». Contre le réalisme ultra libéral anglo-saxon qui annonçait le matérialisme impérial en façonnant le capitalisme Tomas More propose un projet libertaire  en refusant l’imposition idéologique et religieuse  aucun homme temporel ne peut être à la tête de la spiritualité.  Il  imagine un  monde  sans  les fondements aliénants de l’appropriation capitaliste  : l’usage collectif des moyens de production et l’échange non marchand des biens et services : « … pourquoi réclamer trop, alors qu’on sait que rien ne sera refusé ? Ce qui rend avide et rapace, c’est la terreur de manquer.  »  Nous sommes en pleine Renaissance, le siècle du savoir et de la technologie qui va hériter de la civilisation musulmane entamant sa décadence après son épuisement spirituel et intellectuel. L’avenir du monde s’est joué entre une pensée humaniste et des intérêts mercantiles. Le marchand a triomphé en  instaurant la domination de la matière. Cette domination arrive à sa fin,  l’âme humaine est indestructible, elle peut rayonner de nouveau pour une nouvelle civilisation à visage humain si les hommes parviennent à se libérer de leur folie et à endiguer la rivière de la folie tout en proposant d’autres alternatives. Il ne s’agit ni d’interdire ni d’entrer dans la même logique que celle des fous. Il s’agit d’un véritable salut humain : spirituel et temporel. Le salut humain est une quête vers une utopie, la réalisation d’un mythe qui redonnent du sens, de l’espoir, de la dynamique vers un autre lieu, un autre devenir, un autre temps pour témoigner d’une autre vérité et opérer les ruptures avec les aliénations du passé.

Le roi de la fable n’est ni réformateur humaniste ni poète en quête de son âme, mais un administrateur réaliste dépassé par les événements…   Il ne restait donc  au roi du royaume ou coulait en abondance la rivière de la folie que de se réfugier dans sa tour avec les princes, la reine et son grand vizir pensant ainsi protéger ce qui lui reste de pouvoir et de propriété contre la folie générale. Il finit par se rendre à l’évidence : la reine et les princes tenaient eux aussi un discours décousu et incompréhensible après avoir goûté à la rivière. Le médecin du roi appelé au chevet de la famille royale ne put résister  de goûter au verre d’eau de la reine et de partager avec elle les fantasmes et les désirs refoulés.

Le grand vizir avait pris le parti de boire pour ne pas à avoir la responsabilité de conseiller un roi qui ne sait plus s’il fallait boire ou ne pas boire après avoir manqué à son devoir de comprendre la folie de son royaume avant qu’elle ne s’étende.  Avant de sombrer dans la folie, le grand vizir a sans doute eu la lucidité de comprendre qu’il n’y avait ni gain ni prestige à gouverner des insensés et aucune issue à proposer à un roi qui ne s’est jamais posé la question de sa responsabilité dans la folie de son royaume

Dilemme pour le roi : rester lucide, mais incompris dans un royaume de fous ou boire à la rivière de la folie et conserver l’illusion de régner dans un royaume de sensés. Comme pour l’âne de Buridan le choix du roi est difficile : boire ou ne pas boire, devenir un fou « sensé » ou un insensé « fou ».  Barak Obama est dans une situation pire que celle du roi de la rivière de la folie. Il faut écouter froidement sa narrative et voir comment il met en scène les narratives de ses vassaux.

La réalité peut surpasser la fiction lorsque l’hystérie devient collective, lorsque l’insenséisme devient global, lorsque les fous et les cyniques gouvernent et mènent le monde à la folie. Lorsque la multitude cultive la folie et font son éloge que dire et que faire?  C’est la caverne de Platon où les insensés prennent les ombres et les illusions pour réalité. C’est ce monde que le Prophète (saws) a annoncé : Yasbahou al Halim Hayrane : le sensé le plus patient et le plus lucide sera confronté au désarroi le plus profond.

Pour un roi en quête de pouvoir et de reconnaissance dans le regard des autres fous, boire à la rivière de la folie serait le salut imaginaire. Pour un homme conscient du don le plus prodigieux qu’Allah lui a donné, la raison, la résilience face à la folie des autres est le salut réel dans ce monde et dans l’autre. C’est la conduite que le Prophète (saws) a recommandé de faire le bien lorsque les gens font le bien, mais de persister à toujours faire le bien même lorsque tous les gens s’accordent à faire le mal. Face au déluge de la folie aucun sommet ne sera suffisamment haut et aucun abri ne sera suffisamment profond. Pour ne pas devenir un sauve-qui-peut de débris la lucidité constante est l’ultime refuge.

La lucidité et le courage ont manqué hier comme aujourd’hui à ceux qui se sont autoproclamés représentants religieux, politiques ou intellectuels des communautés musulmanes dispersées comme des épaves charriés par les rivières de folie. Sous les haillons de l’islamisme, du laïcisme ou du libéralisme ils œuvrent contre la lucidité et les clarifications. Certains d’entre eux ne parviennent même pas à prendre conscience qu’il il est vilain  de se faire valoir comme « indigène de la ripouxblic » ou comme « sales Français » au nom de l’Islamophobie alors que la machine de l’islamophobie consiste à fabriquer efficacement idéologiquement, psychologiquement,  médiatiquement et militairement  l’endogène interlocuteur valide et l’exogène ennemi idiot utile. Malek Benabi avait déjà  exprimé la tragédie des Béni-oui-oui de la lutte idéologique en disant que même l’eunuque du harem n’osait ni s’appelait l’eunuque ni tolérait qu’on l’appelle ainsi. La dignité humaine n’avoue ni la castration ni l’impuissance.

Avec un peu mois de veulerie, d’idiotie et de servilité les prétendants à l’auxiliaire de service auraient vu et entendu les démonstrations d’unité nationale et de solidarité internationale « médiatiques » donnant caution morale, juridique et politique aux salissures  et aux saletés de l’Empire. Ils auraient vu et entendu les motifs véritables et les enjeux stratégiques de la guerre contre Gaza.

Ils auraient réalisé qu’ils n’auront ni honneur, ni gain, ni reconnaissance pour la simple et sempiternelle raison : ils continuent de sonner pour un autre clocher tout en étant en retard sur une affaire déjà réglée et scellée ailleurs. Ils auraient réalisé que la « sainte alliance » des paradoxes redonne vie à un système moribond qui s’est nourri de la décadence de leurs ancêtres et de la misère morale et intellectuelle de leurs semblables. Elle redonne vie et redéploiement aux constituants et aux figurants du système en crise de légitimité, de projet, d’existence face à une alternative qu’on ne voit pas venir, mais qui s’impose d’elle-même comme nécessité historique pour le changement salutaire.

Ils auraient vu le fil conducteur entre les massacres des populations algériennes de Bentalha, de Relizane et d’ailleurs, les massacres de  Amirya  et de Fellouja. Ils auraient médité les principes de droit que le Calife Omar Ibn Abdelaziz avait dicté au grand Cadi : « ne t’empresse pas de juger en faveur du plaignant qui réclame justice contre celui qui lui a fait perdre un œil, il est possible que la victime  a crevé les deux yeux de l’accusé ». Il ne s’agit pas de justifier l’horreur ou de l’occulter, mais  de faire toute la lumière sur une affaire si on veut rétablir la vérité et rendre la justice avec équité.

Les imposteurs de l’Islam et les importateurs de la démocratie de spectacle auraient mieux fait de se désaltérer à la rivière de l’Empire faisant ainsi l’économie d’une démonstration de confusion que de jouer aux sensés. Le Prophète (saws)  a annoncé que la communauté qui n’ose pas dire à l’injuste  qu’il est injuste est maudite… Les laïcistes arabes et les idéologues sectaires s’imaginent être suffisamment représentatifs et suffisamment intelligent pour déverser leur haine idéologique et confessionnelle contre l’Islam politique ou l’Islam social alors qu’ils ont été et sont toujours les accessoires de la lutte idéologique contre les possibilités civilisationnelles du monde musulman, à l’instar de DAESH wa akhawatiya,  des intrusions pour fragmenter nos géographies,  atomiser nos mentalités collectives, détourner notre histoire, contaminer notre langue, aligner nos économies sur  les appétits de prédation…

L’hypocrisie est la pire des folies. Elle est schizophrénie mentale, spirituelle et sociale qui produit une personnalité duale qui se retourne et se renverse au gré des situations. L’hypocrisie est  le  pire des crimes car derrière les bonnes paroles des hypocrites se cachent leur intention délibérée de nuire à leur  communauté. L’écoute et la lecture des hypocrites, se réclamant de l’islamisme ou de l’anti islamisme, du nationalisme ou du mondialisme, révèlent l’absence d’amour. Le cynisme et l’opportunisme les conduit à l’aveuglement morbide et mortifère. Il faut tenter de demeurer hors de l’esprit partisan ou sectaire pour éviter de sombrer dans l’hypocrisie ou d’en devenir l’instrument de manipulation. Il nous faut oser pratiquer sans concession, sans limite, sans alignement idéologique ou politique la critique : ne rien prendre pour argent comptant ce qui se dit ou se montre. Chacun a le devoir d’exprimer ce qui fait la compétence singulière de l’humanité et qui fait la compétence distinctive entre les hommes : penser librement. Lorsqu’on se pose les questions sur l’aliénation on voit apparaître la lutte idéologique qui forme les pygmalions qui lui servent de dénonciateurs des fous pour les assassiner comme  Kadafi, pour les destituer comme Morsli ou pour les pousser au compromis  comme   Assad.

Les subtilités de la folie se trouve aussi chez certains Chiites qui profitant du chaos réalisé par les fous de l’orthodoxie wahhabite affiche leur triomphalisme niant au monde musulman autre voie que le Khomeynisme ou occultant les révolutions menées par des non chiites contre l’Empire. L’ivresse sectaire qui conduit à la folie et à la confrontation se donne bonne conscience comme si les Iraniens et les Chiites étaient étrangers à ce que Malek Bennabi appelle la colonisabilité de Tanja à Djakarta et de Wahrane à Tahrane.  Le monde musulman est d’une diversité telle que seuls les fous peuvent prétendre à ce que leur communauté ou leur composante soit la plus représentative ou la plus conforme de l’idéal prophétique.  Le but de l’Empire est d’amener chacun à se croire le centre et le rayon de nulle part dans une diversités de contradictions et de rivalités. La folie est de se croire le centre de la vérité ou le compas par lequel on mesure le chemin du progrès et de la libération. La folie serait de faire de la propagande partisane ou confessionnelle ou de se contenter de dénoncer les Takfiris. La lutte idéologique de ceux qui alimentent la rivière de la folie consiste à nous occuper dans la dénonciation des agents nuisibles visibles ou dans l’apologie  de soi dépourvu de l’esprit critique sur les idées et les phénomènes qui fabriquent la folie et lui donne telle ou telle autre configuration sur un territoire et dans une période. Il faut reconnaître que Sayyed Nasrallah, le président Rohani et l’Ayatollah Khaminai se distinguent en faisant  preuve de discernement et disposent du courage politique et de la clairvoyance religieuse qui leur permet de refuser l’intervention de l’Empire dans la région musulmane. Mais n’ont-ils pas été emmenés en Afghanistan, en Irak et en Syrie a devenir les alliés objectifs de la folie impériale? Les sunnites et les Chiites ont intérêt à s’impliquer dans un respect réciproque et un partage de connaissance pour mutualiser les savoirs et rendre plus efficaces les expériences du passé et les projets d’avenir.

Il ne s’agit pas d’un ici d’exercice de dissertation philosophique  ni d’un travail de journalisme, mais   la contribution modeste à l’étude de la pathologie de l’aliénation. Les narratives et les émotions ne peuvent cacher l’hystérie qui caractérise notre époque. Prendre des engagements et des postures sur des mots prononcés par des fous et des irresponsables c’est opter pour l’insignifiance. La parole insignifiante ne peut plus exercer l’attribut humain du langage : canevas des idées, élévation à l’abstraction qui explique ou qui conceptualise, véhicule de sens pour tisser des liens et échanger avec autrui. C’est donc irrémédiablement s’inscrire dans l’hystérie qui s’alimante de l’entropie et qui amplifie l’entropie en réalisant la dissolution des autres par la confusion et en réalisant la destructuration de soi par la même confusion. Dans les hystéries collectives on passe facilement des troubles psychoaffectifs génerés  par une crise structurelle du système à des violences physiques contre le système . L’hystérie empêche justement la  résilience, la capacité à surmonter la panne  et à réguler l’entropie d’une energie qui se dissipe chaotiquement sans travail utile, sans stabilisation, sans contrôle. L’agitation hystérique des membres périphériques lorsqu’elle s’inscrit dans la durée et dans la récurrence finit par dévoiler  la paralysie du système nerveux central qui supervise la pensée, la production et les échanges du royaume de la rivière de la folie étendue à tous par la globalisation.

Les méandres de la folie sont trop complexes pour être cernés par une intelligence à l’instant t. Le nombre de fous et la multiplicité des canaux de fabrication de la folie nous font dire – comme Coluche – que ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort que les autres ont raison et que nous avons tort. Il est impossible que nous ayons tort lorsque le roi Obama rallie la planète derrière un mensonge aussi grossier que celui disant qu’il faut intervenir en Syrie car l’Etat syrien est faible et démuni face à l' »Etat islamique » ou lorsque les idéologues feignent de ne pas voir la symbolique de la guerre menée contre l’Etat islamique même si ce pseudo état est l’antinomie de l’Islam. Lorsque le roi et les roitelets disent une chose puis son contraire ils ne font qu’exprimer l’hystérie et les multiples inversions psychédélique tentées par le système pour demeurer maître d’un système qu’il ne contrôle plus

L’assassinat et l’humiliation en masse des populations et des individus pour  le compte et les profits de l’Empire et de ses vassaux seront fatalement soldés par l’histoire qui a des retournements que la folie des hommes ne peut ni prévoir ni comprendre. Grace à Dieu il y a encore quelques hommes relativement lucides qui veulent se faire entendre et qui disent à haute voix intelligible à l’instar de Dominique de Villepin que la décision de Barack Obama est “absurde et dangereuse… que « L’État islamique, c’est l’enfant monstrueux de l’inconstance et de l’arrogance de la politique occidentale » Dominique de Villepin décrit le règne de la folie instaurée par l’hyperpuissance de plus en plus impuissante et insensée.

L’arrogance ne dira jamais qu’elle est l’incarnation de la folie dans un système totalitaire et elle fera tout pour empêcher la voix des honnêtes gens appeler au devoir de lucidité et de responsabilité. Mais bientôt on entendra un vacarme planétaire: « A l’aide, au secours, nous sommes devenus fous ». Qui répondra à la folie lorsque  l’usage de la langue et de l’entendement est définitivement perdu ? Devrions-nous attendre l’issue eschatologique, le retour de la bannière à une ou à cinquante-deux étoiles ou l’occasion de boire à la rivière de la folie. Dans ce grand bordel les eunuques n’auront ni harem ni lit sacré à défendre, car non seulement le sacré aura été complètement rayé de la conscience des hommes et aucun sanctuaire ne sera légitimé pour sceller les pactes de paix, mais la confusion sera apocalyptique :

« Et l’un des sept anges qui tenaient les sept coupes s’avança et me parla en ces termes : Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui réside au bord des océans. Avec elle, les rois de la terre se sont prostitués, et les habitants de la terre se sont enivrés du vin de sa prostitution. Alors il me transporta en esprit au désert. Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, couverte de noms blasphématoires, et qui avait sept têtes et dix cornes. La femme, vêtue de pourpre et d’écarlate, étincelait d’or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or pleine d’abominations : les souillures de sa prostitution.  Sur son front un nom était écrit, mystérieux : « Babylone la grande, mère des prostituées et des abominations de la terre. » Et je vis la femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus.  Livre de l’Apocalypse chapitre 171.

Mircea Eliade  l’historien des religions, le mythologue et le philosophe a  dans ses travaux, tout particulièrement dans le « sacré et le profane » que lorsque l’humain perd la notion du sacré (ou du consacré) qui fixe les limites religieuses ou profanes inviolables, l’homme se transforme en volcan de violences sans limites. Le sacré, profane, magique ou religieux, lorsqu’il affronte  la souillure de son monde le fait toujours par effet dialectique en opposant à la souillure la pureté et la purification d’ordre spirituelle, rituelle, institutionnelle ou sociale. Il montre que la sacralisation (consécration) par procédé symbolique ou ritualiste n’est pas un retrait du monde, mais une ouverture au monde, un redevenir du monde dans une perspective épurée. Cette quête d’épure, archétypale, s’exprimant par le symbole, l’ontologique et l’actancielle répond à la transcendance.

L’homme en violant le sacré ou en le reniant perd la dimension transcendante de sa raison  d’être, le sens de sa projection dans l’histoire universelle et la lecture de  la norme extérieure à lui et au-dessus de lui. Il devient lui-même sa propre norme, la référence du monde, le tabou en conflit avec d’autres normes, d’autres références et d’autres tabous fabriqués par l’homme comme ses outils et ses objets. En réalité il emprunte aux mythes passés dépossédés de leur sens socio historique.

La confrontation de désirs, de représentations et d’objets fétiches, tout particulièrement  dans la civilisation occidentale depuis la Renaissance, installe le désordre permanent et de plus en plus exacerbé sans pouvoir recourir au sacré qui arbitre et apaise. Les mots sacrés et les référence au sacré sont hors champ de la communication sociale, politique, économique et intellectuelle. Les narratives sont des descriptifs de choses, d’appropriation de ces choses et d’usage abusif de ces choses. Les narratives de puissance et de pseudo justice des dominants prennent racine dans les anciens mythes et s’expriment dans un monde globalisé à travers l’économique, le politique, le culturel et l’idéologique.

L’Empire croyant posséder l’idéal de puissance par sa suprématie technologique et médiatique tente d’imposer sa lecture symbolique, ontologique et magique du monde en se présentant comme étant le seul sacré le confondant avec son impunité et son arrogance. Dialectiquement, dans son rapport à lui-même et dans son rapport aux autres, l’Empire ressemble de plus en plus à  Babylone la prostituée marchant vers sa perdition et emportant avec elle non seulement ses courtisans, mais aussi les fous fascinés par son spectacle.

La lucidité consiste à se purifier moralement, spirituellement et intellectuellement. Il ne s’agit pas de se purifier n’importe comment et avec n’importe qui car les insensés, les rois irresponsables et les royaumes en folies peuvent facilement inciter les naïfs ou les empressés à confondre la rivière de folie avec l’eau de Jouvence, l’eau de Zemzem ou les eaux du Jourdain. La lucidité la plus élémentaire est de se rincer les yeux avec ses propres larmes pour voir ce qui se passe et ce qui se passe derrière la dramatisation des narratives et la théâtralisation du monde :

{La ruse de Satan est évidemment fragile !}

Les yeux grand ouverts mais les esprit fermés par Satan et ses émules, les fous ne percevaient le Prophète (saws) que comme un fou, un possédé, un magicien, un utopiste. D’autres fous en d’autres lieux et d’autres moments ne voyaient pas  ce Prophète comme une miséricorde divine, mais comme un sabre. Lorsque les fous se rencontrent, les rivières de la folie coulent à flot gommant les nuances, les différences,  les libertés et les vies humaines :

{Ils dirent : « Allons-nous suivre un seul homme d’entre nous-mêmes? Nous serions alors dans l’égarement et la folie. Est-ce que le message a été envoyé à lui à l’exception de nous tous? C’est plutôt un grand menteur, plein de prétention et d’orgueil ».}

{En vérité, les impies sont partagés entre l’aberration et la folie.}

Dans le royaume des fous la victime et le sacrifié ne le sont pas pour leur  religion :

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle

Cet extrait de  « La rose et le réséda » (Celui qui croyait au ciel / Celui qui n’y croyait pas),  écrit  en  1944 par Louis Aragon montre la voie du refus de la folie :

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat.

 

Coalition internationale contre Etat islamique ?!

Aucun motif y compris celui de la  monstruosité des crimes de DAESH n’autorise un esprit lucide ou une conscience vigilante à accepter la « coalition internationale » contre le pseudo « Etat islamique du Levant et de l’Irak ».  Toute acceptation serait une marque de stupidité pour ne pas dire une trahison. Nous avons refusé au nom de notre humanité et de notre islamité indissociables et avec des arguments religieux, moraux et politique que l’Islam ne se transforme en instrument idéologique pour agresser les Etats ou pour terroriser les populations. Par la grâce de Dieu nous avons eu la lucidité de voir les évènements et d’écrire sur des thèmes majeurs de notre temps en anticipant sur les conséquences catastrophiques des acteurs dont nous avons montré l’insenséisme de la pensée et l’inculture de la démarche.   Les arguments du refus de la nouvelle agression ne manquent pas aujourd’hui et il faut être aveugle pour ne pas les voir :

Sur le plan principiel : Il faut refuser de :

Porter  atteinte à la souveraineté nationale et ingérence dans les affaires nationales.

Réhabiliter et  légitimer les agressions impériales au Soudan, Somalie, Irak,  Afghanistan, Palestine, Libye,  Syrie, etc.

Cautionner les agressions futures au nom de principes refondateurs de la politique impériale de l’Occident  envers le reste du monde : devoir d’ingérence au nom de l’humanitaire discriminatoire, de la lutte contre le « terrorisme » ou de tout autre alibi inventé par la « la communauté internationale ».

Sur le plan de l’expérience : il faut rappeler les évidences.

Là où l’empire intervient au nom de la justice, des droits de l’homme, de la liberté, de la démocratie ou de l’humanitaire nous assistons à :

–          L’installation du chaos, le découpage territoriale, le recul de la justice, des droits de l’homme, de la liberté et de la démocratie ….

–          La prédation pure et simple…

–          L’installation des bases militaires…

–          L’émergence de bourgeoisies compradores (liées au capital anonyme étranger)…

–          La résurgence et l’aggravation des différents frontaliers légués par le colonialisme…

–          L’aggravation des luttes intestine sectaires et partisanes…

–          La coalition internationale et la communauté internationale sont des rhétoriques de communication qui masquent la réalité : l’Amérique conduit le monde en monopole qui ne tolère ni contestation ni conseil. Elle n’a pas d’alliés, mais des vassaux. Dans ses agressions elle donne aux autres le rôle de figurants ou de financiers, mais le commandement ainsi que les moyens sont ceux de l’Amérique.

Sur le plan des objectifs :

1-      La sortie de crise économique et financière par la relance des industries militaires et la confiscation des ressources en instaurant la guerre perpétuelle et  l’économie de guerre (rapine)…

2 – La présence militaire dans le monde musulman pour accentuer les pressions politiques et économiques. Ces pressions visent l’Iran en premier lieu pour l’amener à faire des concessions  ou à faire des erreurs justifiant l’agression. Elles visent en second lieu les élites « récalcitrantes » des pays arabes et musulmans pour les amener à brader leurs ressources et à se transformer de comptoir commercial colonial en base de l’OTAN pour financer ou intervenir au lieu et place de l’Empire lui faisant ainsi économie de sang et de ressources

3 – L’agression de la Syrie en ciblant d’une manière délibérée des installations ou des institutions, en provoquant des dommages collatéraux ou en  ripostant à une éventuelle « riposte » vraie ou imputée à l’armée syrienne.

4 – L’instauration par imposition de l’Etat kurde allié à l’Occident  en amputant des territoires à l’Iran, à la Syrie et à la Turquie. L’arrogance impériale s’imagine qu’elle a non seulement le droit, mais le pouvoir de faire et de défaire des territoires et des nations comme si elle était une divinité grecque façonnant le monde selon ses caprices ou ses désirs de vengeance.

5 – La finition du démantèlement de l’Irak, de son partitionnement ethno-geo-confessionnel et de l’entretien d’une guerre fratricide entre les Irakiens. 12 mille ans d’histoire effacées par la rencontre entre la culture Macdonald et celle des bédouins.

5 – Reprendre la main contre l’axe de la résistance : que ce soit en Palestine, en Syrie ou ailleurs dans le monde, l’Amérique est tenu en échec et ne gagne pratiquement aucune guerre et ne réussit aucun plan dans le monde. Elle perd de l’autorité et de la puissance. Les experts de l’empire savent qu’ils doivent réhabiliter leur autorité en instaurant un nouveau rapport de forces en leur faveur. Leurs  esprits stupides et veules, ne veulent pas se rendre à l’évidence : ils n’ont pas les compétences intellectuelles et  morales pour conduire des guerres respectables car il leur  manque les généraux et les hommes politiques ayant les qualités d’initiés au sens que leur donnent les stratèges militaires comme Clausewitz et Tsu.  Leur seule capacité est de détruire. Dans leur folie de destruction et leur inculture ils ne parviennent pas à effacer l’image qui frappe les esprits : comment et pourquoi une horde de barbares a pu instaurer un état  « islamique » au cœur du monde arabe alors qu’ils ne sont pas parvenus à sécuriser ou à pacifier une portion de territoire en Somalie, en Irak et en Afghanistan.

6 – L’Empire s’imagine instaurer un rapport des forces tel que le régime syrien ne puisse avoir comme perspective que s’effondrer ou se vassaliser laissant ainsi l’axe de la résistance dans le désarroi. C’est une guerre d’usure à laquelle l’axe de la résistance est habitué à gérer tant bien que mal. Il est parvenu à couper le HAMAS de la Syrie, du Hezbollah et de l’Iran, mais ses troupes « arabes » indisciplinées et empressées ainsi que la nature agressive de l’entité sioniste lui faussent les calculs. Le Qatar sans poids historique et la Turquie « fâchée » avec les Arabes et amie d’Israël ne peuvent jouer le rôle qui leur est assigné. L’Egypte est hors-jeu. Les facteurs d’entropie dans l’action et dans la communication sont trop nombreux pour laisser à l’empire une liberté de manœuvre efficace et subtile. Il se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

7 – L’affrontement avec la Russie sur un territoire non européen. La folie des dominants et des dominés est devenue la culture mondiale qui refuse de voir le désordre mondial comme fruit de l’hyperpuissance arrogante  lui préfèrant l’explication eschatologique de l’histoire. Pour les uns ce sera l’Armageddon qui donnera la suprématie du monde aux sionistes, pour les autres ce sera l’Antéchrist ou le retour du Messie qui descendra sur Damas pour régler le compte des mécréants. Dans ce scénario judéo-chrétien « islamisé » les musulmans sont divisés entre ceux qui voient une alliance entre islamistes et américanistes contre les régimes syriens, iraniens et russes et ceux qui voient au contraire  une alliance des musulmans avec les Russes et les Chinois contre l’Occident. Bien entendu les musulmans continuent de ne pas voir les fondamentaux de leur religion qui leur commandent de ne pas verser le sang d’un innocent et de ne pas combattre sous une fausse bannière. L’Amérique ainsi que ses alliés cherchent la confrontation avec la Russie pour des raisons géopolitiques qui n’ont rien à voir avec l’eschatologie. Leur rationalisme ne les empêche pas d’être conduits par la loi métaphysique de la gradation historique (Al Istidraj) vers l’implosion à l’intérieur et l’explosion à l’extérieur sans qu’ils puissent se rendre compte des mécanismes qui les y conduisent et sans possibilité d’agir pour leur salut et celui de leurs alliés.

Tous ces objectifs se conjuguent et s’alimentent, mais nous avons la conviction que l’ultime objectif est la liquidation du Hezbollah libanais qui est parvenu par ses capacités de résistance, sa doctrine militaire et politique, ses analyses géopolitiques ainsi que son déploiement en Syrie et peut-être en Irak à s’imposer comme modèle de résistance  transcendant les clivages islamistes non islamistes,  sunnites chiites.

Sur le plan de la dialectique :

La théorie du complot donne bonne conscience, mais ne peut expliquer la complexité du chaos. Il faut manier plusieurs concepts pour parvenir à  expliquer brièvement la dynamique, les contradictions et le chaos qui s’est mis en place depuis plusieurs siècles. J’en retiens trois pour simplifier : Le rapport de l’Occident à lui-même dans son rapport à la modernité et à la Postmodernité.   Le rapport de l’Occident à sa contradiction sur le plan de la civilisation  qui se manifeste par l’Islamophobie. Le rapport de l’Occident à l’Eurasie.

Sur le premier plan il y a triomphe de la matière et de la communication sur l’esprit de sens libérant des forces de destruction infernale que la narrative médiatique et  idéologique présente comme idéal de progrès. L’Occident, par les arts, les philosophies et les sciences  s’est cru Prométhée agissant comme un Titan défiant les dieux de l’Olympe. Les deux grandes guerres au lieu de mettre fin à son matérialisme  ont fait émerger  un autre mythe celui de Hermès où il s’agit de fédérer les communautés écervelées, sans centre et sans totalité dans le totalitarisme de la marchandise mise en spectacle. Hermès, joueur de pipeau, protecteur des arts et de la communication est aussi protecteur des marchands et des voleurs.  La marchandise n’est plus le bien et service utile échangé sur un marché libre et concurrentiel, mais tout ce qui procure du désir, désir de jouissance, de puissance, d’immortalité, de rêve, de fantasme, de futile et d’inutile. Le monopole de la communication formate les esprits et instaurent le cynisme et le nihilisme dans une civilisation de jeu et de spectacle.

Sur le second plan, imbriqué dans le premier, nous avons la même machine   idéologique et  médiatique qui cultive la méfiance envers l’Islam et la défiance entre les musulmans pour mener une véritable guerre contre le monde musulman. La guerre contre le musulman est objective dans le sens où le monde musulman contient les ressources convoitées et les idées redoutées. Ce n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité tangible : le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, le communisme ne sont ni une crainte ni une perspective pour l’Occident, ce sont des vestiges qui apportent du réconfort aux individus, mais sans dimension universelle ou historique.

Paradoxalement la Russie pourtant occidentalisée  et insérée dans la mondialisation libérale se trouve propulsée, à côté de l’Islam, comme un danger à abattre. Le poids de l’histoire, la personnalité de Poutine, l’influence de l’Eglise orthodoxe, la spiritualité de l’Orient, la géopolitique, la bêtise de l’Occident et sans doute un « coup de pouce » métaphysique  poussent la Russie à émerger bon gré mal gré comme rival voire comme ennemi de l’Empire. Celui-ci est réconforté par sa rhétorique « hermèsienne » ainsi que par sa hantise  de l’Eurasie. L’Eurasie place objectivement la Russie comme alternative viable et efficace à l’Empire.

L’Eurasie c’est l’Asie, l’Europe et l’Afrique comme géographie des diversités humaines et culturelles, des  économies complémentaires, des profondeurs historiques, des gisements de ressources, des potentiels humains. L’Eurasie c’est le monde musulman en coopération avec le reste du monde dans un projet qui reste à définir et qui pourrait être non capitaliste, une alter  mondialisation. L’Occident et les bédouins arabes ont tout fait pour montrer l’Islam dans sa seule dimension arabe alors qu’en termes de géographie, de spiritualité, de culture et  d’histoire l’Asie est dominante. Il faut oser voir la coopération possible entre les peuples musulmans et non musulmans  de  Chine, d’Inde, d’Irak, de Syrie, d’Iran, de Turquie. Il faut oser voir l’Afghanistan et le Pakistan, libérés des alignements idéologiques et des  sectarismes religieux, impliqués dans l’Eurasie et par conséquent dans le devenir du monde pour comprendre ce qui se joue réellement.

Malek Benabi avait osé dire, en son temps, la vérité sur l’Inde et le Pakistan, qui dérange aussi bien le colonialisme anglo-saxon que les rentiers de la religion islamique et leurs valets des monarchies arabes. En jouant sur les fibres sentimentales et l’esprit d’épicier des élites musulmanes l’empire dans son déclin avait soustrait de l’Inde  le Pakistan et le Bengladesh. Sa partition visait à épuiser le non alignement idéologique indien et à le vider de son statut de  première force spirituelle dans le monde et de première démographie musulmane. L’Inde, Etat continent, avait toutes les ressources pour devenir le moteur ou le partenaire d’un nouveau monde. Elle avait abrité les plus grands empires musulmans, le sultanat de Delhi  et les Mongols comme elle avait abrité auparavant les plus anciennes civilisations humaines.  Il faut imaginer l’Inde en coopération avec l’Indonésie, la Chine et l’Afghanistan et impliqués dans une Eurasie fédérale. Nous devons faire l’effort de lire une carte du monde et nous interroger  sur ce qui aurait pu se passer et sur ce qui pourrait se passer si on se mettait à penser autrement et à nous libérer du  sectarisme et de l’esprit partisan.

Les académies de géographies de sa majesté, les historiens des académies militaires des héritiers de l’empire britannique et les anthropologues de la colonisation française ont produit la pensée de domination. Elle connait les convulsions, les tares, les mythes et les potentiels des anciennes colonies.  Elle sait trouver les perfides, les traitres et les ignorants qui servent ses intérêts. Elle a développé par ses laboratoires et par ceux des sionistes l’islamophobie l’instrument le plus diabolique de ses manipulations comme elle a développé méthodiquement et efficacement les instruments de répression, de prédation et de subversion.

L’Islamophobie, comme rapport au devenir du monde,  en criminalisant les uns et en magnifiant les autres, en montant les uns contre les autres, donne à l’empire les moyens psychologiques et militaires pour saper toutes les possibilités et compliquer les conditions de résurgence  des  peuples musulmans dans l’histoire humaine afin de maintenir la domination politique et économique impériale et de ne pas confronter l’Occident, sans repères spirituelles et sans projet d’avenir pour l’humanité,  à une rivalité civilisationnelle qui met en  péril son système.  Terrorisés, les élites et les peuples musulmans n’ont pour alternative  que de se transformer en terroristes qu’il faut éradiquer ou en indigène qui cherche à se vassaliser au point de devenir des agents de subversion, de diversion et de délation pour le compte de l’Empire.

L’islamophobie n’est ni une guerre de religion ni un  racisme, mais l’instrumentalisation de l’infantilisme religieux et de l’incurie politique  pour détruire ou rendre incohérent et inefficace ce qui pourrait redonner du  sens et ce qui donne assise à une résistance contre l’empire ou une existence en dehors de l’empire. Ainsi on sape, après avoir poussé, encouragé et mis en scène, les horreurs vraies ou supposées des « islamistes » ce qui donne dimension civilisationnelle à un territoire et à un peuple : fragmentation de la  géographie, dénaturation  de l’histoire, perversion de l’économie, schizophrénie ou narcissisme pervers des  mentalités collectives, déliquescence de la langue qui perd le sens de la mesure, du beau et du sens au profit de la laideur et de la méchanceté… Dans cette corruption globale le système de précaution consiste à entretenir le chaos et faire en quelque sorte que le chaos favorise la pensée nihiliste et le comportement négateur d’autrui par lesquels le musulman tue un autre musulman et que cette tuerie devienne banale et généralisée pour n’importe quel motif politique, culturel, confessionnel, ethnique. Le phénomène n’est pas propre au monde musulman, il est le syndrome de la déstructuration globale. L’Occident n’est pas responsable de ce syndrome qui relève de la psychologie sociale d’une géographie à un moment particulier. L’Occident favorise l’apparition de ce phénomène et rend son règlement difficile et couteux car ce phénomène favorise lui permet de réaliser son agenda politique, idéologique et économique.

Il est significatif de voir le silence ou le consentement des élites religieuses et intellectuelles lorsqu’un chef d’Etat arabe et musulman se faisait sodomiser en Libye ou lorsque des soldats et des civils se faisaient égorger en Syrie. Il est encore plus significatif de voir ces élites devenir bruyantes lorsqu’il s’agit de préparer l’opinion à accepter l’agression américaine comme un acte de justice internationale, de salubrité ou de salut. Depuis 2006 le sionisme a mené plusieurs agressions contre la Palestine occupée, mais les élites arabes et musulmanes  ont été silencieuses si on fait abstraction de quelques dénonciations timides et sans portée.

Sans l’esprit canaille qui habite nos mentalités jamais des canailles n’auraient osé nous terroriser au nom de notre religion et jamais les commanditaires de ces canailles ne viendraient s’imposer comme providence divine ou deus machina.  On ne lutte pas contre les canailles de DAESH en appelant les canailles de l’empire. Il faut oser nous libérer de l’esprit canaille du colonisé.

La manifestation de l’Islamophobie est flagrante non seulement dans la gestion médiatique de l’Etat « islamique » qui persiste à étaler ses atrocités et la non viabilité de son modèle qui n’a rien d’islamique, mais dans celle des élites musulmanes qui se croient obligées de manifester leur attachement à la préfecture de police et leur disponibilité à jouer les indicateurs de police pour montrer leur bonne foi de bons citoyens intégrés. Il s’agit de produire les deux extrêmes, l’ennemi utile et l’interlocuteur valide, les deux, idiots méprisables sont amenés à prendre la posture du bourreau ou de la victime. Dans un cas comme dans l‘autre ils sont amenés à renvoyer l’image de celui  qui  ne mérite ni la compassion ni l’égalité  dans la conscience des hommes  ni les droits et la dignité dans l’administration militaire, policière et juridique. Sans empathie le bourreau et la victime peuvent être jetés en pâture, mis au silence ou instrumentalisés dans ce qu’on appelle la stratégie du choc. Le pire est de voir le bourreau et la victime devenir des agents consentant pour choquer les autres et les duper. Ce niveau de déshumanisation et à cette échelle dépasse l’entendement. La gravité, la durée et l’ampleur de ces contradictions témoignent que la crise est majeure : elle relève de la civilisation. Une civilisation est en agonie, mais celle qui doit prendre la relève ne vient pas encore. L’Islam a pour vocation la civilisation par sa compétence à fédérer, à libérer et à transcender les égoïsmes, mais les musulmans ne parviennent pas à se hisser au niveau des responsabilités exigées par l’Islam : témoigner de la vérité et de la justice tout en faisant oeuvre de bien.

 

Quels pronostics :

Une fois de plus l’empire va se confronter non seulement à son échec, mais à l’aggravation de la situation. Il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives, mais nous percevons déjà les signes :

L’empire est prisonnier de ses échecs et de ses désordres. Il est difficile de le voir réussir son stratagème.

Le monde musulman a payé le prix du terrorisme impérial : 10 millions de morts. Les souffrances des peuples sont une malédiction pour le commanditaire et l’artisan qui vont fatalement et réciproquement se faire très mal.

Les Irakiens sunnites et chiites opposés à l’ingérence étrangère se font déjà entendre.

Le président de l’association des savants musulmans, Youssef Al Qaradhawi, conteste l’intervention américaine contre DAESH. Après une navigation à vue et une démarche trop partisane qui l’ont amené à discréditer l’intelligence musulmane en Libye et en Syrie il conteste enfin DAESH et les Américains. Les déboires des FM en Egypte, le revirement du Qatar, les affrontements idéologiques avec l’Arabie saoudite et le Wahhabisme, le pragmatisme américain qui use et jette ses instruments, la prise de conscience du franchissement de la ligne rouge.    La corruption américaine qui consistait à soutenir et à armer les « modérés » en Syrie semble ne pas fonctionner. La méfiance envers Obama semble se manifester durablement et sérieusement. L’administration américaine devient de plus en plus lourde et confuse rendant ainsi ses manœuvres de diversion et de subversion plus compliquées et moins efficaces.

Les Turcs sont en voie de règlement de la question kurde et la situation risque de déstabiliser la Turquie. Les Kurdes n’ont pas tous envie d’une autonomie territoriale et l’amalgame ethnique n’est pas toujours bien perçu par une ethnie qui a construit sa mentalité et son économie à travers le sol et l’histoire. L’Etat kurde qui viendrait refaçonner la géographie, la géopolitique du pétrole et la reconfiguration des territoires au détriment de l’Iran et de la Russie  n’est pas acquis par les intéressés eux-mêmes qui connaissent les mêmes problèmes d’intrusion impériale que les autres ethnies dans la région. Erdogan a habilement assis son pouvoir et celui de son parti sur le nationalisme turc et l’esprit ottoman, il lui sera difficile de faire admettre au peuple turc un projet de morcellement de son territoire.

Les Iraniens ne vont pas se laisser évincer de l’Irak et de la Syrie. Ils ne vont pas aussi tolérer la présence de forces militaires dans leur espace vitale. Ils ont acquis la capacité de résister et de contourner. Le temps, la géographie et la dynamique des  rapports de force jouent en leur faveur. Pour l’instant les Houtistes chiites au Yemen font monter la pression politique et personne ne sait le rôle qu’ils auront à jouer contre les Américains et leurs alliés. Nous savons que l’armée saoudienne a subi des revers lors de sa confrontation avec les Houtistes. Idéologiquement il est impossible de voir les chiites et les salafistes djihadistes coordonner leur effort contre l’Amérique ou contre l’Arabie saoudite, mais les exigences militaires du présent et l’instinct de survie peuvent les amener à coexister pacifiquement. C’est un scénario probable. Personne ne peut sonder le cœur des hommes dans les conditions extrêmes. Cela échappe à la technologie et aux laboratoires. Nous savons par observation des faits et par déduction logique que les déceptions et les tragédies dans le monde arabe à la suite des pseudos révolutions vont fatalement poser la question de la responsabilité. Est-ce que les populations exacerbées vont continuer de se contenter des bouc-émissaires et des fausses bannières ou vont-elles se poser d’autres questions et y apporter (ou prendre) d’autres réponses. L’empire n’est pas Dieu. Ses stratagèmes sont limités et faillibles.

Le Hezbollah, présent en Syrie, sait qu’il est une cible potentielle et il est difficile de le voir conduit au suicide ou à l’étouffement. Il est difficile de le voir inactif alors que ses alliés stratégiques sont en danger.

Il est difficile de voir les Russes rester les bras croisés alors que le destin les pousse, malgré eux, à jouer le rôle d’alternative à l’Occident ou du moins de partenaire stratégique pour les pays émergents. Les Russes ont remporté la première manche en Syrie, ils ont remporté la seconde manche en Ukraine et il est difficile d’envisager leur retrait ou leur défaite dans cette troisième manche. La Russie manifeste déjà ses craintes et laisse deviner les menaces qu’elle fera peser… La France otage de sa bureaucratie, de son bavardage, de ses clientélismes et de ses déchirements partisans et idéologiques a très peu conscience du danger qu’elle fait courir à ses administrés.  Elle se met en première ligne contre la Russie et contre le monde musulman alors que ses intérêts et sa sécurité devraient lui commander l’inverse.

Les populations musulmanes ne vivent pas le terrorisme takfiriste comme une fatalité, mais comme le résultat de la politique américaine et de leurs vassaux religieux et politiques. Il est difficile d’imaginer les populations arabes oublier le martyr de Fellouja et de Gaza. Il est difficile d’imaginer les réactions de ceux qui vont comprendre qu’ils ont été manipulés, humiliés et maudits par la faute des étrangers qui ne respectent ni pacte ni morale ?

Il est difficile d’imaginer le devenir des intérêts arabes, idéologiques et économiques, mis au service du chaos dans la région.

Il est difficile d’imaginer les souverainistes et les indépendantistes en Europe sans voix alors que l’empire leur donne des justifications pour attaquer le système qui lui est inféodé.

Dans ce champ de possibilités à imaginer nous pouvons envisager la pénétration de la culture DAESH à Gaza. Cette culture peut être importée en l’état avec ses conséquences tragiques pour la résistance palestinienne qui sera accusée d’hérésie pour avoir exercé son devoir de résistance et refusé de vider la Palestine de sa population sous prétexte que sa terre est impure du fait de la présence juive. Le pourrissement de la situation et le jeu pervers dans la région peut faciliter un tel scénario. Cette culture pourrait aussi se retourner contre ses instigateurs et se recycler dans une autre dimension  et dans une autre perspective prenant nouveau socle à Gaza, en Jordanie et en Egypte : la lutte à mort et sans concession contre l’état hébreux. La Jordanie a peur de ses deux scénarios et commence déjà à montrer des signes d’inquiétudes.

 

Conclusion :

L’empire et ses alliés n’ont aucune solution. Le fait de prévoir 3 ans de difficultés montre que le chaos s’installe pour tous sur deux ou trois décades à moins que la magie ne se retourne contre le magicien. Il est vrai que l’empire dispose de laboratoires, d’instituts, d’académies, d’archives et de réseaux lui facilitant la gestion du monde et qu’en face de lui il y a très peu de savoirs mobilisés, mais il est dans un état de décomposition que même s’il se présenterait comme Ulysse il aurait du mal à nous convaincre qu’il a les moyens et le temps pour nettoyer les écuries d’Augias. Le colonialisme français et anglais puis l’arrogance américaine ont tellement sali notre monde et leur image dans notre monde qu’il leur est impossible de continuer à jouer un rôle dans l’histoire. En 2014, des musulmans de France, de Belgique ou du monde arabe, en quête de reconnaissance,  s’imaginent dans la posture d’égorgeurs alors que d’autres s’imaginent dans celle d’auxiliaires des services.  Ils viennent ajouter de la salissure à un tableau suffisamment sombre. Dans les années quarante, la période la plus sombre du peuple algérien, Malek Benabi, par la bouche d’une vielle indigène,  avait exprimé le regard prémonitoire  et la conscience du rapport du  colonisé au colonisateur :

« Malheur à ceux qui nous portent secours car nous serons leur épreuve ! Malheur à ceux qui nous font du mal car nous seront leur tentation ! »

Nous portons le même regard et nous affirmons que la solution à  nos  problèmes passe par le refus de la tutelle colonialiste et par la quête la plus lucide de ce qui produit et maintient la régression politique, culturelle, sociale et économique et la lutte la plus implacable contre ce qui produit l’errance et l’aventurisme en l’occurrence l’ignorance et le despotisme. Il faut se mettre sérieusement et avec responsabilité à expliquer les principes de l’Islam pour le libérer des imposteurs et des falsificateurs tout en  défendant l’humain  contre les manipulations diaboliques et l’action  dissolvante du colonialisme et de ses émules.

Les indices montrent que la coalition derrière laquelle se cachent les USA est de moins en moins viable. La puissance technologique (puissance de calcul, puissance de frappe et puissance de l’image) ne peut suffire pour endiguer la folie auto destructrice des américains ni celle des Takfiristes comme elle ne peut occuper militairement un territoire dont la population lui est hostile et tout particulièrement lorsque cette population a déjà vécu l’horreur des massacres et de l’inquisition.

Le plus difficile à imaginer est la traduction de la pensée et de la littérature eschatologique  dans la suite des évènements. Chacun est convaincu de l’imminence et de la nécessité d’un affrontement planétaire. L’anthropologie a montré que les mythes non seulement expliquent des tragédies anciennes, mais annoncent celles à venir d’abord comme une catharsis sociale ensuite comme préparation effective à un chamboulement historique majeur.  Tous les observateurs impliqués dans le devenir du monde semblent à la fois redouter et attendre la venue de la fin pour être délivré de l’incertitude et du chaos.

Sur un plan plus terre-à-terre il est toujours difficile d’imaginer si les Russes vont doter la Syrie de défense anti aérienne et de système de guerre électronique, si les Syriens vont subir les assauts de l’armée américaine et voir leur armée disparaitre comme celle de l’Irak, si les Américains vont tolérer d’être pris pour cible….

Beaucoup de questions et peu de réponses. Les fanfaronnades médiatiques témoignent que les va-t-en-guerre ne se sont pas posés les bonnes questions et n’ont pas toutes les réponses. Lorsque le président français se posent des questions et répond aux journalistes en leur disant qu’il ne leur dira pas comment et où les frappes militaires vont se faire il se dupe et dupe l’opinion. Il ne sait pas car il n’a pas pouvoir de savoir. Il ne sait pas car les donneurs d’ordre ne le savent pas. Les Français savent qu’il ne sait pas et ils ne lui font pas confiance. Quel est le devenir d’une coalition boiteuse, menteuse et fragile ?

Dans la modernité Prométhée représente l’Etat d’esprit de l’entrepreneur matérialiste. Dans la post modernité Hermès représente le spectacle de la communication. Vivant une modernité agonisante et une post modernité avortée l’Occident est devenu un pervers narcissique en rupture avec l’ordre et la mesure, mais aussi un schizophrène qui croie que le discours des médias est la réalité qu’il a façonnée de sa main et décidée par sa volonté. Le comble de la morbidité psychique et de la confusion mentale c’est de croire qu’après l’agression sioniste contre Gaza on peut aligner de nouveau les Phantom et les Apache contre des peuples qui vont rester dociles et qui ne vont pas s’inventer de nouveaux moyens de résistance pour ne pas dire des instruments de vengeance.

Nous pouvons faire le même pari que celui que nous avons fait l’année passée à la veille de l’agression contre la Syrie. L’empire ne réagit qu’au rapport des forces. Le Hezbollah, puis l’Iran, ensuite les Russes viendront à tour de rôle intervenir dans ce rapport de force. Comme l’année dernière, le Hezbollah affichera clairement son intention de pointer ses missiles sur Tel Aviv, l’Iran affichera clairement son intention de pointer ses missiles sur les bases américaines et sur le détroit arabo persique, les Russes se mettront en mobilisation générale et afficherons leur détermination à soutenir la Syrie. Les Russes peuvent refaire le coup du « Roque » et cette fois-ci ce ne sera pas le chimique syrien mais l’Ukraine. L’UE sera le dindon de la farce qui permet aux Américains de sauver la face.  Sur le terrain les Russes et les Iraniens vont sans doute aider   les Syriens et  les Irakiens à prendre des positions stratégiques rendant l’intervention américaine inutile et tout son cinéma médiatique ridicule. Avec ou sans deal entre les Américains et  les Russes nous serons d’une manière ou d’une autre  dans la situation du jeu « ton doigt entre mes dents et mon doigt entre tes dents, si tu me mords je mordrais en plus fort ». Qui est le joueur le plus déterminé à mordre l’autre et quels sont  le niveau et le délai de souffrance qu’il s’autorise avant de céder. La logique du jeu permet d’envisager froidement les scénarios possibles après que l’un des joueurs ait perdu son doigt arraché par la morsure de son adversaire. Il est fort probable que le référendum en Ecosse devienne la morsure décisive. Ce serait une humiliation pour l’empire et ses vassaux, mais une économie de souffrances et de sang pour les peuples de la planète.

A l’instar des Écossais les peuples musulmans aimeraient  choisir librement et démocratiquement les gouvernants et le mode de gouvernance qui leur convient. Ce jour là les charlatans égyptiens et saoudiens n’auront plus de voix pour détourner les musulmans du devoir de lucidité et de vérité. Pour l’instant et quels que soient les retournements de situation et les arrangements de circonstances nous devons afficher les invariants et les positions de principe :

Non à l’ingérence étrangère. Non à l’effusion de sang. Non à l’imposition idéologique.

 

 

Inquisition en Egypte

La condamnation à mort des militants des Frères musulmans qui ont refusé le coup d’état militaire est inquisitoriale. Elle ne repose ni sur la justice ni sur le droit ni sur la morale. C’est le comportement bête et méchant qui croit que l’exemplarité et la sévérité des peines contre un adversaire politique déchu par manipulation suffit pour reconquérir la légitimité politique perdue.

Les monstres sont en train de cultiver la haine et la violence qui vont emporter ce qui reste de vivable en Egypte pour le seul profit de l’Empire, du sionisme et des milieux d’affaires égyptiens. La gauche, les libéraux, les nationalistes et les bigots salafistes qui ont participé à ce scénario n’ont aucune envergure politique et morale pour gouverner l’Egypte avec ou sans les militaires. Ils viennent, une fois de plus de montrer leurs limites politiques et leur médiocrité intellectuelle.

La répression brutale et cruelle a déjà produit les ferments de la dislocation sociale et morale de la société. Ni le FMI ni les investisseurs étrangers ni les conseillers étrangers ne pourront redresser un pays de 85 millions d’habitants menés par l’intimidation et la menace.

Je ne pousserai pas le cynisme à charger les Frères musulmans, mais depuis la pseudo révolution contre Moubarak ils n’avaient fait que s’embarquer dans un processus qui a cherché l’embrasement de la région faisant du soulèvement légitime des pauvres et des exclus un prétexte, un écran et une mécanique diabolique.  Ils avaient l’obligation de déjouer le complot et de refuser la précipitation et la tentation du pouvoir. Non seulement ils sont tombés dans la Fitna, mais ils en sont devenus les instruments. Il ne s’agit pas de revenir sur les errements politiques et idéologiques des Frères musulmans, mais de dire que la compassion ne suffit pas pour prendre position et mettre fin à ces cycles d’insenséismes. Les arrangements d’appareils, les luttes « révolutionnaires »  et les archaïsmes des confréries montrent une fois de plus les impasses auxquels ils conduisent fatalement.

Dénoncer les militaires et  faire de cette dénonciation la seule arme de résistance n’est pas réjouissant. Il semble que la répression poursuit cet objectif  : mettre l’armée et une partie du peuple dans une guerre sans merci derrière laquelle le capital continue son oeuvre de déstructuration des territoires, des économies, des sociétés et des mentalités. Le Qatar et l’Arabie saoudite, leurs savants attitrés et leurs médias  mené le monde arabe et  l’Egypte vers le chaos programmé.

 

Narrative et Histoire sur la Russie

Dans « Guerre et paix »,  » La guerre et la paix » ou  » De la guerre et de la paix », Tolstoï fait référence à l’histoire de la Russie à l’époque de Napoléon Ier (notamment la campagne de Russie en 1812). Il peint le drame humain qui s’est  joué en amont, pendant et en aval de l’invasion glorieuse de Napoléon qui finit dans l’humiliation (en 1805 Austerlitz, en 1812 la Berezina). Il dépeint les personnages tout en martelant sa vérité sur la mystique de l’histoire. Tolstoï répète dans son roman que l’histoire et les guerres telles que racontées par les historiens sont une narrative mensongère. Les philosophes récentistes contemporains remettent eux aussi les narrations idéologiques et politiciennes des événements assemblées comme étant l’Histoire.

Il faut lire Tolstoï pour comprendre la grandeur et la spiritualité russe face à l’Europe. La Russie ne peut se résumer à Tolstoï, mais elle partage avec lui le mysticisme et l’ascétisme qui la rattachent à l’Orient et non à l’Occident. Il faut lire l’histoire pour se rappeler qu’entre l’Orient et l’Occident les rapports ont toujours été des rapports de guerre puis de paix puis de guerre. L’Europe élargit ses frontières, exporte ses crises et importe ses ressources en faisant la guerre à la Russie. L’Empire américains hérite des traditions européennes il se comporte donc comme les personnages et les fonctions qui ont fait l’Europe et qui sont en train de la défaire.

L’Occident continue sa narrative fabulatrice et fallacieuse. Les vidéos sur les snipers qui ont tiré sur la population et sur les militaires ne sont pas évoquées par les médias systèmes.

http://fr.euronews.com/2014/03/06/ukraine-une-rumeur-accuse-lopposition-detre-les-snipers-de-maidan/

Le dialogue entre le MAE estonien et la MAE de l’Europe ne semble pas émouvoir les russophobes qui ne manquent ni de temps, ni d’imagination, ni de culture pour trouver que les médias arabes constatent que Poutine a échoué en Ukraine perdant ses gains en Syrie.

Sa rhétorique illogique et inculte lui fait dire qu’il a promis une aide (via le FMI) de 11 milliards d’Euros mobilisables sur 3 ans alors que l’Ukraine a un besoin de 30 milliards dans l’immédiat.

L’Ukraine est poussée vers le déterminisme cynique qui lui fait perdre le peu de souveraineté qui lui reste pour sauver son peuple de la faillite morale, politique et économique que ses élites vassalisées à l’Occident ont réalisée. Ces élites sont les mêmes qui ont réalisé la « révolution orange » et servi par la suite le système corrompu et incompétent. L’Europe en crise économique et idéologique le conduit vers sa  Bérézina.

Ce schéma mensonger, triomphateur et corrupteur fait dire à  M. Barroso :« Nous sommes prêts à signer l’accord d’association ». Le pacte d’adhésion à l’Europe (contre la Russie), cherché par Bruxelles pour installer l’OTAN, permettrait à l’économie ukrainienne d’économiser 500 millions d’euros en frais de douanes et rapporterait 400 millions aux agriculteurs. Quel effet d’éclat ! La machine à calculer nous dit que 400 millions partagés entre 15 millions de ruraux sur les 45 millions ukrainiens c’est 28 euros per capita. Al mendba kbira wal miyat far. La prospérité est aux portes de Kiev.

Les bureaucrates de l’Europe ne sont pas faits pour gouverner ni pour écrire des Romans. Ils mettent en musique le « soft powerment » de Brezinski  qui fait envoyer le reste du monde contre le reste du monde pour maintenir la suprématie de l’Empire. Non seulement l’Empire ne donnera pas la force et l’intelligence à l’Europe pour ne pas en faire une rivale, mais il les entrainera dans sa chute et ses confusions.

En guise de confusion, il y a une semaine on nous avait dit que les Tatars musulmans de Crimée avaient choisi l’Ukraine contre la Russie pour ne pas perdre leur religion. Aujourd’hui on nous dit qu’ils sont hésitants entre les Russes et les Ukrainiens. À l’ère de l’Internet, une recherche rapide nous donne le poids démographique des Tatars en Ukraine : 0,5 %. Les Russes représentent 17 %.

A moins que la narrative est de mobiliser les Turcs et le sultan ottoman Erdogan et de revenir à l’histoire ancienne où l’Europe modelait ses frontières et où la Porte Sublime d’Istanbul commandait le khanat tatar de Crimée avant sa défaite devant l’Empire russe. À moins qu’il ne s’agisse de faire entrer de nouveau le Turkménistan oriental dans le conflit régional et le Turkestan oriental (les Ouïghours du Xinjiang en Chine).

L’Européen est la mémoire trafiquée du monde moderne, il a été l’auteur de tous les troubles, de toutes les partitions. Les poupées et les poupons médiatiques sont des marionnettes qui lisent les consignes des bureaucrates qui n’ont toujours pas réglé la partition du monde selon les fantasmes de l’histoire ancienne. La mystique de l’Histoire, ses pannes, ses bouleversements et leur impossibilité à l’aboutir sauf par deux guerres mondiales est au-dessus de leur capacité morale et spirituelle.

Les fanatiques musulmans se réclamant de l’orthodoxie sunnite n’ont ni la culture ni la lucidité pour refuser d’être des mercenaires en armes ou des auxiliaires de plumes à la solde de l’Empire. Écouter les préoccupations de nos frères égyptiens avant et après le coup d’État du maréchal Sissi : la destruction du Caire par les Fatimides.

Les stupides arabes ne débattent pas de la campagne d’Égypte de Napoléon.  Leurs homologues français ne débattent pas de la campagne de Russie de Napoléon et de sa doctrine de guerre qui consiste à anéantir l’adversaire croyant dans sa seule force militaire. Napoléon avait engagé 600 000 milles hommes dans la bataille de Moscou en 1812, mais après avoir brulé Moscou il fait l’erreur de s’y attarder et d’y subir son destin : Lorsqu’il engage sa retraite l’hiver est déjà là avec sa rigueur et ses cosaques. La Grande Armée refait le chemin du retour sur les zones qu’elle a auparavant dévastées. Seuls quelques dizaines de milliers de rescapés franchissent la Bérézina. La Grande Armée est définitivement détruite.

Ni Hollande ni Obama n’ont la grandeur de Napoléon, ni son génie, ni sa folie, ni son courage. Ils ne connaitront donc pas sa décadence. Leurs brosseurs n’ont pas la plume trempée comme celle de Tolstoï pour nous livrer un récit humain avec du talent et une vision sur l’Histoire empreinte de spiritualité.

Il ne faut pas croire que le narratif romanesque universel est spécifique aux auteurs de génie comme Tolstoï, Dostoïevski, Gorki, Tchekhov et tant d’autres. La narrative est une spécialité russe et indo-européenne.  Le roman le plus vendu et le plus traduit dans le monde c’est « les mille et une nuits ». L’esprit de Sind Bad le marin et de Shahrazade la conteuse ne semble pas produire une sémiologie du fantastique et du fantasme narratif que la culture musulmane a légué à l’Occident. L’Occident aime fantasmer, mais il n’aime pas qu’on touche au grisbi de la géopolitique du pétrole. Ni lui ni nous n’allons donc utiliser la structure mentale du colonisé pour comprendre les déterminants qui ont fait que les splendeurs de Bassora des Abassides deviennent un cauchemar pour les peuples musulmans.

C’est l’étude du conte russe qui a permis de modéliser la narration, ses personnages, ses fonctions, ses temps de récit, ses intrigues. C’est le linguiste et folkloriste russe Vladimir Iakovlevitch Propp de l’école structuraliste qui analysa méthodiquement la structure des contes merveilleux russes.

Son ouvrage principal est « Morphologie du conte ». Propp distingue dans le conte merveilleux les éléments stables et les éléments variables. Dans la composition, seuls comptent les éléments stables. Ce sont ces éléments stables bâtis sur l’existence des fonctions narratives qui font progresser l’intrigue et mettent en mouvement les personnages dans une intrigue. Après avoir étudié des milliers de contes, Propp est parvenu à formaliser les sept personnages et les trente et une fonctions qu’un romancier ou un metteur en scène construit dans une fiction. Tout le reste n’est que décor et style. Les personnages évoluent et les fonctions se greffent les unes dans les autres par contamination ou par rebondissement.

Les scénaristes d’Hollywood écrivent au moins un scénario par jour. Gabriel Garcia décrivait le travail de fiction comme un travail de menuiserie où il faut débiter et assembler les planches. Le bon auteur sait choisir et agencer ses planches. Le bon lecteur sait agencer à sa manière les planches si l’auteur à l’intelligence et la sensibilité de rendre curieux et intrigant.

Le français Algirdas Julien Greimas (russe d’origine) a synthétisé le modèle de Propp sous le nom de « Schémas actanciels ». Greimas est un linguiste expert en sémiologie (étude du signe et du symbole). Pour lui il y a schéma lorsqu’il y a une unité de deux contradictions. Il y a sens lorsque les concepts se mettent en relation pour signifier. La narrative américaine et européenne consiste, entre autres, à présenter la Russie comme l’Union soviétique (ou l’Allemagne nazie) et   Poutine comme Staline (ou Hitler) dans la souffrance des Ukrainiens. Elle présente l’OTAN et le FMI comme des institutions caritatives.

La narrative scientifique, l’histoire mystique et la quête de sens dans un esprit libre et logique permettent de voir le réel dans le conte et de voir le conte dans le réel tout en distinguant l’un de l’autre. On revient aux fondamentaux d’Aristote : Qui fait quoi et pourquoi. Les technologistes et le rationalisme de l’Occidental nous mettent en scène le comment.

Pour mixer le réel et le romanesque et en même temps provoquer le scandale pour ne pas devenir sa proie (selon l’expression de Marx) il faut oser dire que la première expérience tant littéraire que militaire (historique) de Tolstoï est dans son engagement dans l’armée russe  au Caucase ( Tchétchénie et Daghestan) face aux célèbres Cheikh Chamil  et Mollah Ghazi.  Personne ne sait avec certitude s’ils revendiquaient l’indépendance, l’Islam ou l’allégeance aux Ottomans en guerre avec la Russie. Nous savons cependant avec certitude que la décadence et la chute de l’Empire ottoman ont été une tragédie pour les peuples musulmans qui vivaient sous sa régence ou sous son influence.

Tout cela parait compliqué et embrouillé. Il faut le simplifier en cherchant l’enjeu stratégique du monde en émergence : l’Eurasie. Sous l’impulsion des Russes et des Chinois et avec la collaboration du Pakistan, de l’Inde et de l’Iran nous avons la perspective d’une nouvelle coopération des peuples, coopération économique, culturelle et  scientifique qui met fin à l’hégémonie impérialiste de l’Occident. Ce nouveau monde met fin à l’hyperpuissance et à ses vassaux et réunit l’Afrique, l’Asie, l’Amérique et l’Europe sur d’autres formes d’organisations qui mettent fin aux géopolitiques de puissance et de pétrole imposés par les empires européens et américains au reste du monde.  « L’avenir : mode d’emploi de Roger Garaudy » décrit le processus et ses promesses. Il parle de la nouvelle route de la soie . « L’Afro asiatisme » de Malek Bennabi décrit lui aussi l’alternative pacifique à la logique de puissance et de guerre de l’Occident. Garaudy et Malek Bennabi sont des visionnaires documentés qui nous ont convaincus de l’alternative au mondialisme capitaliste et impériale. La Russie et la Chine sont en train de  réaliser cette utopie. Le monde sunnite dominé par les anglo-saxons joue le rôle de fossoyeurs de ce projet au lieu de le financer et de le cogérer.

Il s’agit, selon Garaudy, de  » donner aux 80% de la population du globe, aujourd’hui sous développée en raison de sa dépendance ou de son enclavement par les déserts, les possibilités d’un développement proprement humain

[…]  Cette nouvelle route de la soie du XXIème siècle est en train de changer l’axe du monde et c’est pourquoi les forces du passé s’acharnent contre elle.

[…] Il y a certes encore des failles ou du moins des faiblesses provisoires dans la  construction de ce monde futur : d’abord l’absence d’Etat en Russie, livrée à l’anarchie et à la prolifération des mafias par la prostitution d’Eltsine et de sa bande à son protecteur américain. Mais les impératifs de l’histoire triompheront, quel que soit le régime qui rendrait à la Russie une existence étatique. C’est ainsi que le vice-Ministre des Affaires Etrangères Grigori Karasine, a récemment déclaré que Moscou accorderait une attention accrue à l’Asie. En effet, les dirigeants russes sont enclins à soutenir l’Iran, car ils savent que, sans lui, il serait difficile de développer l’Eurasie. Que les routes partent de Chine ou d’Asie centrale, vers les océans indien, le Pacifique, la Méditerranée ou l’Europe, doivent passer par l’Iran. Pour engager des relations à long terme avec l’Inde, améliorer ses relations avec la Chine, il faut donc que la Russie contribue à la stabilisation de l’Iran, notamment en concluant avec ce pays des accords pour le développement du pont terrestre. [… ] De son côté l’Iran s’efforce d’empêcher que la guerre en Afghanistan ne déstabilise l’ensemble de la région et ne menace la Russie.

[…] Un autre maillon, encore faible, est celui de l’Afrique où la colonisation continue d’exercer ses ravages malgré les revers subis.

Ce qui est ahurissant est la capacité phénoménale du spirituel à penser le monde et à produire une narrative au service de l’homme alors que le religieux dogmatique,  sectaire et partisan est incapable de s’émouvoir, de se libérer des carcans de son insenséisme qui le met au service de la narrative qui justifie la domination et le chaos dans le monde.

Que ce soit sur le plan historique, narratif ou géopolitique la structure est toujours binaire : la confrontation dialectique entre deux imaginaires pour mettre en mouvement les hommes et les événements vers un objectif  dont la réalisation ne dépend toujours pas de leur volonté, de leurs moyens et de leurs calculs. Si nous poursuivons la logique binaire jusqu’à son paroxysme crisique la première des choses qui frappe les yeux est l’aveuglement des Européens qui vont devenir le théâtre d’opérations militaires inédites entre la Russie et l’OTAN sur leur territoire. Les centaines de milliers de morts dans la campagne de Russie de Bonaparte ou les dizaine de millions de morts dans la seconde guerre mondiale seront un conte de fée devant l’horreur qui risque de se produire.

 

Tolstoï, Dostoïevski et Poutine.

 « Il faut être un grand homme pour savoir résister même au bon sens.  » écrivait Dostoïevski dans « Les démons ». Nous allons suivre ce conseil et résister au tapage médiatique et à sa « vérité » criarde et obscène sur la Russie et l’Ukraine comme nous avions déjà résisté sur les évidences en Libye et en Syrie. C’est une obligation de santé mentale, de dignité humaine que de refuser l’aliénation ou l’alignement sur un agenda qui n’est pas le nôtre.

A quelqu’un désireux de savoir comment il pouvait démontrer que la Russie détenait l’héritage du Christ, Dostoïevski répondit sans hésiter : « Si l’Occident nous demande quelle grande œuvre nous sommes capables de tirer du trésor de notre esprit, nous nous réclamerons de Tolstoï et de son Anna Karénine ; cela suffira. »

Celui qui a lu les grands romans russes et l’art des auteurs russes de conjuguer les singuliers de la psychologie, du social, du religieux, du paradoxe, du politique, de l’économique et du psychologique à l’universel de la tragédie humaine ne peut parler de la Russie passée ou actuelle avec mépris et arrogance. Oublier la grandeur de la Russie, de son territoire, de ses ressources, de ses peuples, de sa littérature, de sa spiritualité, de ses révolutions, de ses tragédies, de sa peinture, de sa musique, de son histoire, c’est faire preuve d’inculture.

Même l’analphabète qui ne sait lire ni roman, ni poésie, ni Coran, ni Bible, ni livre de recettes de cuisine sait par éducation, par instinct, ou par l’humanité qui l’habite, qu’il ne faut pas mépriser autrui et qu’il ne faut pas s’avancer à juger le passé ou l’avenir d’un homme ou d’un pays sur un fait. Le bon sens dit toujours que les choses sont plus simples et qu’il faut chercher ce qui se cache derrière les embrouilles. Il nous dit aussi que le simplisme réducteur est infantilisant, car il cache un paternalisme qui impose une tutelle. La littérature russe met en scène la confrontation entre le cynisme et l’arrivisme au bon sens populaire. L’Occident n’entent et n’écoute que ses axillaires qu’il a formatés et qui parviennent à le manipuler dans une relation perverse où il est difficile de voir le dominant du dominé, le manipulateur du manipulé. La relation est diabolique.

Les dirigeants occidentaux et leurs cabinets se montrent de plus en plus en plus comme des bureaucrates narcissiques et diaboliques que comme des gouvernants avisés et cultivés. Ils ne connaissent rien ni de la Russie ni de leurs propres peuples.

Si en Géorgie, en 2008, l’Occident pouvait se montrer « scandalisé » de la réaction de Poutine qui a admirablement manœuvré en faisant mordre au serpent sa propre queue. Aujourd’hui, le tapage médiatique russophobe et le cirque du filousophe de tous les temps ne peuvent cacher l’incurie et l’inculture de l’Occident qui sont en train d’accélérer son déclin devant la résurrection de la Russie et de l’Église orthodoxe.

J’ai écrit, par le passé, sur l’Afghanistan en montrant comment le commandant Messaoud a été monté en héros par BHL pour effacer Qalbu Eddine Hikmatuyar. Les gens avisés, instruits et cultivés savent que les malheurs actuels de l’Afghanistan sont en partie dus à l’administration américaine et à ses alliés arabes et musulmans : l’Arabie saoudite, l’Egypte et le Pakistan. Notre filousophe botuste était le mouharraj médiatique. Les musulmans, habitués aux gesticulations du manipulé impuissant, sont incapables de faire une lecture géopolitique convenable en temps réel, en temps différé ou à postériori. Et pourtant le projet Eurasie est un projet de convergence historique, idéologique, politique, culturel et économique crédible et intéressant pour les peuples musulmans et une partie de l’Afrique, de l’Europe et de l’Asie. Ils préfèrent une guerre civile en Syrie, une destruction de la Libye et une guerre contre l’Iran pour épuiser leurs ressources. Très peu parviennent à faire le lien entre un Empire agonisant et un nouveau monde en émergence dans lequel ils doivent trouver leurs repères et leurs places comme acteurs ou comme partenaires.

Les principaux commandements qui gouvernent la politique américaine sont en train de se vider de leur substance et de leur efficacité. La violence, le dollar, la profondeur stratégique de la mentalité insulaire héritée de l’Empire britannique, la vassalisation, l’idée de grandeur civilisationnelle ne sont pas un dilemme pour la Russie qui sait les contrer avec intelligence et efficacité. Elle montre son savoir-faire comme une voie à suivre.  L’Occident est sans voix et sans voie, car face à lui il y a un projet de civilisation rival, même s’il a les mêmes apparats matérialistes et capitalistes. Les fondements historiques, culturels et spirituels ne sont pas les mêmes. Il ne s’agit pas d’idéaliser la Russie ou de fétichiser son chef, mais de rappeler qu’elle est dans son aire naturelle et que l’Occident joue le rôle d’intrus. Face à l’intrusion, les Russes jouent leurs atouts et le cas échéant ils joueront leur survie.

Il faut avoir le talent intellectuel et la grandeur d’âme de Malek Bennabi ou de Roger Garaudy pour voir les changements du monde et les voir sous cette perspective et dans cette région du monde. Au lieu d’épuiser l’énergie dans un dialogue avec le Vatican qui continue de ne pas reconnaitre Mohamed (saws), le Coran et l’Islam, il aurait été plus intéressant de dialoguer avec les peuples et les Églises orthodoxes d’Orient et de Russie loin des nationalismes exacerbés instrumentalisés par la géopolitique anglo-saxonne.

Les élites occidentales sont en train de se conduire comme les « élites » arabes et musulmanes : des fragments dispersés et mortifères sans projet ni culture que met en mouvement la rente économique et la mégalomanie de celui qui n’a plus les moyens d’entretenir ni sa grandeur ni ses fantasmes sur la grandeur.

La Syrie et l’Iran qui étaient un enjeu stratégique pour la Russie ont, après la Géorgie, permis à Poutine de réveiller l’âme russe et de remettre à l’ordre du jour le projet des poètes et des gouvernants russes : l’Empire russe. Staline et plus tard Gorbatchev et Eltsine sont des accidents de parcours. La Russie a sans doute tiré les leçons de son histoire tragique ainsi que celle de la bataille stratégique sur la Syrie qu’elle a remportée. La prochaine bataille est d’ordre vital : l’espace russe avec sa profondeur culturelle, économique, militaire et historique…

Les incultes de l’Occident vont fatalement se trouver devant la réalité de la géographie, de l’économie, de l’histoire, de l’armée et de la mentalité collective russes. Les incultes de l’Orient doivent se réveiller de leur léthargie et voir qu’au moment où l’Ukraine focalise l’attention, le Liban la Palestine et l’Iran sont la cible réelle de visées de plus en plus inquiétantes. Par ailleurs il n’est ni logique ni juste que les communautés musulmanes et chrétiennes de Syrie soient punies pour leur neutralité.

A quelques années après la guerre de libération nationale alors que ma famille éprouvait de la fierté pour le premier diplômé de la famille dans la filière des mathématiques j’avais découvert la littérature russe. J’étais tellement fasciné que je ne dormais plus, je séchais mes cours, je ne faisais que lire roman sur roman, auteur sur auteur. J’ai connu des Russes, plus tard, et je les ai cru lorsqu’ils me disaient que lire Tolstoï, Gorki, Tchekhov, Dostoïevski en russe est fascinant.

Lorsqu’on constate l’effarement des médias et des officiels du déploiement silencieux et efficace des Russes en Crimée on ne peut manquer de se rappeler Léon Tolstoï qui disait dans « Guerre et paix » :

« La vérité doit s’imposer sans violence.  »

« Ce n’est pas la violence, mais le bien qui supprime le mal.  »

Notre imaginaire, ce stock d’images mentales de ce qui a été lu, entendu, vu et pensé, nous permet d’imaginer tant pour l’Ukraine que pour la Région, la violence et le bien versus russe et versus occident. Pour l’instant le système est sans imagination. Il est une nouvelle fois mis dans la posture du serpent qui se mord la queue.

Lorsque Poutine réagit aux imbécillités de l’OTAN et de la Maison-Blanche en disant que si la Russie est menacée il transformerait l’Occident en « boule de feux », la presse système tente de le tourner en ridicule. En réalité, elle exprime la peur au ventre du serpent qui se mord la queue chaque fois que sa morsure lui fait mal au point de ne plus sentir le venin qu’il s’est injecté :

« Face à une valse-hésitation entre guerre et paix, les éditorialistes occidentaux estiment que Vladimir Poutine assoit son pouvoir à court terme, mais n’emploie pas une bonne stratégie pour l’avenir. » (http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/ukraine-s-il-declenche-la-guerre-poutine-sait-qu-il-deviendra-un-paria_1496833.html#MIy3AGR3pseGkTbS.99)

Le Russe, qui se croit non seulement le plus proche du message de Jésus, mais le sauveur de l’humanité mise en périls par les démons occidentaux, dit sous la plume de Dostoïevski :

« La peur de l’ennemi détruit jusqu’à la rancune à son égard. »

Les médias qui paniquent sont contents d’annoncer la baisse de la Rouble russe, mais ils sont tellement ignorants et méchants qu’ils ne savent pas que les exportations russes vers l’Allemagne vont augmenter et que l’idiotie américaine d’exclure la Russie du G20 ne fait pas les affaires de l’Allemagne.

Comme toujours la Poire et la Fève sont dans un surréalisme comique qui n’impressionne que les officiels et intellectuels africains et maghrébins. Ils sont dans l’adaptation de la réalité du monde à leur microcosme parisien. Ils se comportent comme Hollywood ou le cinéma français  lorsqu’il a adapté le chef d’œuvre de Tolstoï que Dostoïevski cite comme preuve de la grandeur et de la spiritualité de la Russie : Anna Karénine.

Tolstoï a fait d’un drame humain universel peint comme une fresque psychologique et sociale une affaire de bals, de costumes, de regards langoureux, de fornication, d’adultère. La passion humaine, la quête de l’absolu, le doute, le paradoxe, le changement psychologique, la mise en abîme qui se réalise comme une fatalité, les frivolités et l’hypocrisie de l’aristocratie face aux malheurs des humbles que Tolstoï a peints ne peuvent être du gout de la gent lettrée mais inculte  qui hante les salons et les antichambres du pouvoir et de l’opinion publique.

En restant sur une note littéraire sans pessimisme ni optimisme posons-nous la question sur qui devrions-nous imputer cette image de Tolstoï sur Anna Karénine :

« Elle n’éprouvait plus envers son mari que la répulsion du bon nageur à l’égard du noyé qui s’accroche à lui et dont il se débarrasse pour ne pas couler. »

À quel personnage pourrions-nous imputer, en ces temps de crise, cette sentence qui ouvre le roman de Tolstoï « Anna Karénine « et annonce la tragédie qui s’y joue :

« Je me suis réservé à la vengeance », dit le Seigneur.

Le roman russe est une lecture addictive ! Pour avoir le talent russe il faut baigner dans cet univers où la peinture, la musique, la spiritualité, la logique et le fantastique côtoient la dure réalité de l’existence terrestre, de ses conflits, de ses contradictions… pour raconter l’universel habillé en russe ou habité par un Russe. Il faut comme le disait Tolstoï tremper sa plume dans sa propre chair et son propre sang pour parler de l’humain. La langue russe forgé par des millénaires de tragédie, de philosophie et d’art reflète la grandeur et la spiritualité d’un peuple qui a enfanté Tolstoï. Il faut être inculte et raciste pour croire que les russophones vont accepter de désister de leur langue maternelle. La langue russe est l’héritage que l’Eglise slave a donné aux générations. C’est une langue orientale qui a ses racines sémitiques enchevêtrées avec les langues de ses voisins. Les ultra nationalistes et leur maître à penser américain  ont mis le feu à la poudrière non pas politique, mais linguistique.

Malek Benabi avait abordé la question de La relativité linguistique. Tout  montre que chaque langue donne à son peuple une singularité dans la vision du monde, le canevas pour les idées, le mode de sensibilité artistique, la forme d’appartenance à l’espace et aux coutumes, le rapport au temps et à l’action.

La langue est le socle de l’identité. Ni le Russe, ni l’Ukrainien, ni le Slave, ni les peuples d’Asie centrale, ni l’Oriental ne vont changer d’identité à cause de la « chute du mur de Berlin » ou de l’effondrement  de l’Empire américain. Les linguistes objectifs ont compris que la langue russe a été adopté par les peuples d’Asie centrale et de l’Europe de l’Est non pas par l’imposition des Tsars ou des Bolchéviques, mais par sa qualité intrinsèque et sa compétence à répondre à l’usage et à la pensée des peuples qui se sont appropriés cette langue présentée comme parmi les plus belles, les plus riches et les plus expressive du monde.  En supprimant la langue russe les « révolutionnaires » ont montré leurs limites culturelles et intellectuelles ainsi que leur faillite morale, idéologique et politique. Ils se sont mis sur le terrain de la sensibilité culturelle et identitaire qui ne permet aucune concession et aucune négociation. Les commentateurs des télévisions n’ont pas de sensibilité pour comprendre celle des autres, ce sont des machines de tayhoudites.

Quelques lectures sur les « Dire » dans le Coran. Seconde partie.

Seconde partie

2 – Dire sa liberté ou afficher sa soumission.

 وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ? ».} Foussilat 33

Sur le plan religieux et culturel, nous avons intégré le terme « muslim » comme signifiant l’appartenance à l’Islam, à ses rites et à son aire géographique et culturelle. L’Occident a intégré le terme « muslim » comme musulman signifiant l’autre qui se distingue par sa religion orientale assimilée soit à une forme de bouddhisme, mais avec des rites contraignants, soit à une religion fataliste qui demande de se soumettre au Dieu des Arabes et de renoncer au monde.

Cette idée de renoncement et de soumission est celle que l’orientalisme a véhiculée dans ses livres sur l’Orient et sur l’Islam. Les orientalistes ont traduit littéralement le terme « muslim » par « soumis », « Islam » par soumission et « ‘Abd » par esclave ou serviteur. Les orientalistes traduisaient leurs préjugés sur le monde musulman au moment où le colonialisme cherchait des justifications morales et idéologiques à sa colonisation barbare du monde musulman. Il puisait ses prétextes idéologiques en puisant non seulement dans sa culture ethnocentriste judéo-chrétienne et gréco-romaine, mais aussi dans la culture du musulman devenu colonisable par le Wahn qui l’a rendu disposé à être colonisé. Le « muslim » et le « ‘Abd » respectivement comme soumis, serviteur et esclave ne méritent donc aucun égard, ni compassion ni liberté.

L’orientalisme et le colonialisme avaient trouvé dans le Wahn (la faiblesse morale et sociale qui rend le musulman semblable à une proie et à une écuelle convoitées par une meute de chiens affamés) tous les justificatifs et toutes les facilitations de la conquête des esprits et des territoires : une féodalité qui opprime, un fatalisme qui se résigne, un esprit marginal enclin à se contenter d’explications irrationnelles, des fragmentations sectaires, un culte sans vocation civilisatrice… Le Wahn est né du fatalisme qui pousse à renoncer à ses droits et à ses devoirs pour fuir la réalité et ne pas accomplir sa vocation de témoin. Non seulement le musulman a perdu la notion de liberté et de responsabilités, mais il se donne une fausse idée de Dieu. Ce Dieu Créateur et Organisateur est compris comme un monarque terrestre qui aurait besoin de la servitude des hommes pour qu’ils répondent en serviteurs fidèles aux exigences d’un maitre nécessiteux et insuffisant. L’idée de service ou de servitude est antinomique avec les Noms et Attributs  d’Allah (swt) :

{Dis : « Certes la Direction d’Allah est la Direction infaillible ; il nous a été commandé de nous en remettre au Dieu des Univers ».} Al An’âme 71

{Dis : « Il m’a été interdit d’adorer ceux que vous invoquez, à l’exclusion d’Allah, quand les évidences me sont parvenues de la part de mon Dieu. Et il m’a été commandé de m’en remettre au Dieu des Univers ».} Ghafir 66

{Dis : « Il est Allah, l’Unique, Allah le Nécessaire Suffisant…} Al Ikhlass

Les termes muslim et islam n’ont aucun rapport avec la soumission que la tradition arabe et la culture orientaliste ont collée aux musulmans.  Devenus fatalistes et colonisables ils sont donc considérés comme des soumis habitués à la soumission. L’ambiance du despotisme musulman comme celle de la néo colonisation peuvent toujours s’inventer des justifications morales et idéologiques pour continuer de soumettre les peuples musulmans en les infantilisant, en les opprimant, en les privant non seulement de la pratique de la liberté, mais de l’idée même de la liberté. C’est la même dérive sémantique qui rend les élites religieuses des rentiers du culte et des exploitants médiatiques qui cultivent l’infantilisme des peuples musulmans lorsqu’ils ne les poussent pas à la soumission à une confrérie dont le chef peut les conduire aveuglement vers la soumission à l’ordre établi ou à la révolte anarchique en contradiction avec la voie prophétique.

Il faut voir le rapport à la liberté et à l’Islam tant des islamistes que de leurs opposants militaires et civils en Algérie, en Égypte, en Syrie, à titre d’exemple, pour comprendre l’ampleur et la continuité de la servitude et de la soumission dans le monde arabe. Tout est prétexte pour refuser la liberté ou pour la compromettre au lieu de la construire, de la consolider et de lui donner des garanties. Il nous faut lire l’énoncé coranique, libérés de nos peurs, de nos routines, de nos fuites, pour voir le manifeste de la liberté dans cette Ayat :

 وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ? ».} Foussilat 33

Le Coran et le Prophète n’ont jamais posé la question de la foi en termes d’imposition et de contrainte. La foi et l’Islam sont offerts, proposés comme arguments, comme projet de salut, comme choix, comme échange dont le prix est le Paradis. Abou Bakr en levant une armée pour collecter la Zakat n’a pas mené une guerre religieuse contre les apostats et les hérétiques afin de les contraindre par la force à observer une obligation religieuse, mais il a mené une guerre politique contre la sédition qui allait détruire l’État embryonnaire et une lutte socioéconomique pour protéger les droits des démunis et des pauvres en imposant par la force de la puissance publique aux possédants de respecter leurs devoirs.

L’État de droit et la justice sociale sont des prérogatives de la gouvernance musulmane. Tout État n’existe en tant qu’institution que par son monopole sur les frontières, les armes, les impôts et la monnaie. L’État islamique, citoyen par excellence, non seulement exerce ce monopole, mais il l’exerce dans le respect strict de la liberté, de la Justice et de la solidarité sociale. Dans l’État islamique, le gouvernant et le gouverné sont dans un rapport de mutuelle assistance et de bons conseils réciproques.

Le gouvernant et le gouverné, l’allié et l’opposant, le privé et le public, tous, sont dans leurs dires, leurs actes et leurs intentions subordonnées à la quête de l’agrément d’Allah, car tous sont en quête du salut ultime. Les défaillent sur le plan de la foi et de la Charia restent comme dans toute société organisée et civilisée sous le regard social qui autorise et interdit. L’État n’intervient que pour arbitrer ou défendre la société qu’il est censé représenter.  Le militantisme islamique en se focalisant sur le religieux ou sur le politique évacue de ses préoccupations les questions essentielles liées à la citoyenneté et à l’État de droit. Nos frères tunisiens semblent gérer correctement la transition politique en facilitant la participation la plus large et la plus critique à la construction de l’État.

J’apporte très peu de critiques aux « laïcs » de droite ou de gauche du monde arabe car l’épreuve de la démocratie les as révélés dans leur véritable nature : de la fausse monnaie intellectuelle, sociale, culturelle et politique. Non seulement ils sont les fossoyeurs de l’Etat, mais les adversaires de leur peuple et de sa religion. Le laïc français a des arguments historiques, philosophiques et religieux à faire valoir alors que le laïc arabe ne fait que colporter les idées importées qu’il n’a pas assimilé provoquant ainsi des dommages à sa société.

Le verbe coranique « Aslama à Allah » signifie s’en remettre totalement et en toute confiance à Allah, se fier à Allah. Ce n’est donc ni la servitude de l’esclave à l’esclavagiste, ni la sujétion à la monarchie absolutiste, ni la subordination du servant au maitre, ni la culture de l’opprimé envers son oppresseur.  C’est l’abandon du Croyant entre les Mains de Son Créateur à qui il voue une adoration exclusive.

Ce croyant est tenu à prouver sa foi par le fait religieux,  à être éprouvé par l’observance scrupuleuse ou l’inobservance du culte, à être éprouvé dans sa morale et ses intentions dans son  rapport à autrui selon le code moral de l’Islam et non selon ses intérêts immédiats et égoïstes, à être éprouvé par les phénomènes de l’existence qui apportent bénédiction ou malheur dans sa vie familiale, ses biens, sa santé…

Dans toutes les situations,  la réponse de l’homme est la même : ingrat ou reconnaissant, transgresseur ou juste et équitable, révolté ou patient, mensonger ou véridique, insensé ou sensé, convenable ou blâmable, pour soi ou pour Allah, médiocre ou excellent, mal intentionné ou bien intentionné, impitoyable ou compatissant, nuisible ou bénéfique. En un mot il s’agit d’être ou de ne pas être « muslim ». Muslim n’est ni un héritage biologique, socio culturel, ou ethno religieux, ni un dire, mais une foi que valident l’acte, le comportement et la parole en tout lieu, tout moment et toute circonstance.

Le Muslim est l’être qui pratique l’Islam en devenant une incarnation du « Aslama à Allah » qui consiste à s’en remettre totalement à Allah. Lorsqu’on étudie ces verbes dans le Coran on les trouve incarnés dans les Prophètes (saws) et particulièrement attaché à Abraham (saws) comme un choix délibéré qui s’appuie sur une connaissance approfondie d’Allah  et une conscience claire et lucide sur la mission à entreprendre, ses épreuves, ses enjeux et ses conséquences. C’est le Coran qui va, par le Taddabbor (lecture méditative), nous donner la définition exacte du mot musulman et la sémantique de la phrase. Le Taddabbor va nous inciter à confronter le mutashabah (probable dans son interprétation) en le confrontant au Muhkam (l’évident et le certain dans sa lecture et son interprétation, mais aussi à remettre chaque mot et chaque phrase dans son contexte :

{Et lorsque son Dieu lui Dit : « Adopte l’Islam », il dit : « Je me remets au Dieu des Univers ». Et c’est ce qu’Abraham a recommandé à ses enfants ; Jacob de même : « O mes enfants, certes, Allah a choisi pour vous la religion, ne mourez donc pas sans que vous soyez musulmans ». Ou bien étiez-vous témoins lorsque la mort se présenta à Jacob, lorsqu’il dit à ses enfants : « Qu’adorerez-vous après ma mort ? » Ils dirent : « Nous adorerons ton Dieu et le Dieu de tes pères Abraham, Ismaël et Isaac, un Dieu Unique, et nous nous remettons à Lui ».} Al Baqarah 131 à133

Seul un choix libre et délibéré reposant sur la connaissance parfaite peut conduire vers la confiance totale en Dieu qui ne prive pas l’homme de ses responsabilités et de ses devoirs. La confiance totale signifie l’amour, la gratitude et la reconnaissance de toutes les compétences et de tous les droits envers l’Aimé :

{Qui donc pratiqua meilleure religion que celui qui se serait remis à Allah, en faisant le meilleur, et suivit la Confession d’Abraham, pur monothéiste. Allah a fait d’Abraham un Bien-aimé.} Al Anbiya

{Dis : « Certes, ma prière, mes dévotions, ma vie et ma mort sont pour Allah, Dieu des Univers, Il n’à point d’associé. C’est ce qui m’a été commandé et je suis le premier des Musulmans ». Dis : « Aspirerai-je à un autre Dieu qu’Allah, alors qu’Il Est le Dieu de toute chose ? } Al An’âm 161

Le récit coranique sur Abraham (saws) montre qu’être musulman  n’est ni la parole ni le comportement d’un être soumis qui a perdu sa liberté, sa volonté, pour devenir une mécanique soumise à l’arbitraire d’un dieu « insensé ». Il s’agit d’une dévotion qui atteint le niveau de la consécration c’est-à-dire d’une démarche qui donne un caractère sacré (inviolable) en dédiant son existence à Allah comme si chaque parole et chaque acte sont une action rituelle qui rapproche de l’amour d’Allah, de Sa Justice, de Sa Vérité. Se consacrer à Allah c’est subordonner les objectifs poursuivis dans cette existence à la fin suprême : rencontrer Allah, obtenir le Salut final.

Il ne s’agit pas de perdre sa liberté, d’occulter ses responsabilités, ou de nier ses facultés intellectuelles, mais de les mobiliser et de les orienter librement, avec assiduité et exclusivité au dévouement d’Allah.  C’est ce dévouement exclusif à Allah qui donne le sens véritable du « Muslim » et du « ‘Abd ».

Dire, lorsqu’on se réclame de la culture coranique, ne peut être ni circonstanciel ni posturale par amour ou par haine des sunnites ou des chiites, des Juifs ou des Chrétiens, des gouvernants ou des opposants, mais principe de vie inscrit dans l’amour d’Allah, de Son Prophète, de Son Livre :

وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ? ».} Foussilat 33

L’Islam refuse l’aliénation et la soumission qui privent l’homme de sa liberté ou qui lui donnent justification pour ne pas exercer ses responsabilités et ses devoirs par rapport à une norme indiscutable et à un référentiel stable. Pour le musulman, la norme et le référentiel sont le Coran. Le Coran ne considère pas l’apparat individuel, le conformisme social ou la soumission au rapport des forces comme recevable sur le plan de la foi et de la vérité. Il rejette donc « l’Islam » de soumission formelle :

{Les bédouins disent : « Nous sommes devenus croyants ». Dis leur : « Vous n’êtes pas devenus pas croyants, mais dites : “Nous sommes devenus musulmans ”, car la foi n’est pas encore entrée en vos cœurs ».} Al Houjourate 14

La logique coranique et la cohérence de ses énoncés ne permettent pas de donner crédit aux idées fausses qui circulent sur la contrainte, l’absence de liberté ou la mise à mort de l’apostat ou du mécréant dans l’Islam ou dans la tradition du Prophète. Jamais le Prophète (saws) n’aurait pu dire une chose contraire à l’esprit du Coran alors qu’il est l’incarnation du Coran

La culture orientaliste, l’esprit bigot et la démarche partisane – avec tous les héritages légués non seulement par la colonisation, mais par la décadence musulmane provoquée par la culture d’Empire – continuent de fausser nos lectures et nos comportements. Nous continuons de véhiculer cette caricature du soumis, sournois, perfide et sanguinaire alors que notre Prophète (saws) était la miséricorde universelle.

Les récits coraniques sur les Prophètes montrent pourtant que leur islamité n’est pas une soumission aveugle, mais un amour et une confiance qui ne peuvent s’exprimer que par des êtres illuminés de connaissance sur Allah et sur les fins ultimes de l’existence. Leurs sacrifices, leur dévouement, leur argumentation font comprendre qu’ils ne vivent pas l’Islam comme une soumission et qu’ils ne l’imposent pas aux autres par la force de l’épée, par la contrainte morale ou autre, par la démagogie, par les arrangements d’appareils ou les calculs mondains.

Lorsque l’Islam signifiait éducation et responsabilité, confiance et déploiement tout azimut, libération et civilisation, Rabiâ Ibn Amer, anonyme bédouin, entrait dans l’histoire par le renversement des valeurs et des rapports de forces qu’expriment  quelques mots que nous ne savons plus dire :

«Allah Azza wa jal nous a envoyés pour vous libérer de l’adoration de la créature et vous conduire à l’adoration du Créateur de la création,   de l’étroitesse de ce monde à l’immensité de l’au-delà, de l’oppression des religions à la justice de l’Islam. »

Mais, nous déclamons des citations davantage par posture apologétique et discours narratif que par la description d’un projet éducatif, social, politique. L’absence de cap et d’ingénierie nous fait passer de l’apologie arrogante à la polémique, du désir de vivre l’Islam dans son intégralité à la quête sanglante de pouvoir.

وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ».} Foussilat 33

Allah ne nous demande pas de déclamer, mais de dire la vérité tout en sachant que cette vérité est relative à l’échelle humaine, individuelle ou sociale. Déclamer des sentences de morale, lancer des anathèmes, s’exprimer avec emphase ou se comporter avec véhémence contre ceux qui ne partagent ni notre foi ni nos idées n’est pas « islamique ». La règle coranique est :

{Allah ne vous interdit pas – envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour votre religion, et ne vous ont pas chassés de vos demeures, – d’être bienfaisants et équitables envers eux. Certes, Allah aime ceux qui sont équitables. Mais Allah vous interdit de prendre comme tuteurs ceux qui vous ont combattus pour votre religion, qui vous ont chassé de vos demeures, et qui ont aidé à vous expulser. Quiconque les prend comme protecteurs, ceux-là alors sont les injustes.}  Al Mumtahana 8

L’intériorisation du dire coranique cultive et conjugue le sens de la justice et de l’équité avec celui du réalisme et de l’efficacité. Il met en symbiose l’éthique et l’esthétique tant dans le comportement que dans l’analyse et le raisonnement.

Mais les facteurs endogènes (résidus historiques et culturelles, luttes politiques et idéologiques) et les facteurs exogènes (orientalisme et colonialisme) se sont conjugués et ont vidé de son sens et de son contenu cette règle coranique :

« Certes, je suis du nombre des musulmans »

Les mêmes facteurs continuent de cultiver le sectarisme partisan et confessionnel qui divise les musulmans et les détournent de leur vocation que le Coran a définie :

{O vous qui êtes devenus croyants, inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Dieu et faites le bien, afin que vous cultiviez. Et efforcez-vous pour Allah par l’effort qui Lui est dû. Il vous a élus et ne vous a imposé nulle gêne en religion, la confession de votre père Abraham. C’est Lui (Allah) qui vous a nommés musulmans, par le passé et dans ceci (le Coran),   afin que le Messager soit témoin auprès de vous et que vous soyez témoins auprès des hommes. Accomplissez donc la Salât, acquittez-vous de la Zakat, attachez-vous à Allah, Il Est votre Protecteur. Quel excellent Protecteur et quel excellent Secoureur. }  Al Hajj 78

Ce texte définit donc le contenu du « musulman » : la foi, l’acte de bien, l’effort pour Allah, le culte.

Il définit le sens véritable du « musulman » qui préside à la foi, à la parole, à l’acte et au comportement : « attachez-vous à Allah, Il est votre Protecteur. Quel excellent Protecteur et quel excellent Secoureur. » C’est la remise totale et confiante en Allah.

Il définit le modèle à suivre : « afin que le Messager soit témoin auprès de vous »

Ce texte énonce sans équivoque la vocation des musulmans : l’unité de leurs rangs du fait de la continuité religieuse, spirituelle et historique du Message divin en provenance du seul, unique et même Dieu : « … la confession de votre père Abraham. C’est Lui (Allah) qui vous a nommés musulmans, par le passé et dans ceci (le Coran) ».

Il confirme la mission stratégique du musulman : « … que vous soyez témoins auprès des hommes »

Il met en exergue l’honorificat du musulman : « Il vous a élus ». Cette élection vient rehausser l’honorificat originel de l’Homme lorsque celui-ci exerce les facultés qui font son humanité et se met en harmonie avec l’universel de la création.

Les attendus coraniques sur le musulman ne dépendent donc ni des sunnites ni des chiites, ni des salafistes ni des Frères musulmans. Ces derniers peuvent diverger sur l’analyse politique, économique ou historique d’un phénomène dans le monde musulman passé ou présent, mais ils ne peuvent et ne doivent diverger sur l’essentiel. Que cette divergence soit une malédiction ou une bénédiction, une réalité à accepter ou une distorsion de la réalité à redresser, elle ne peut être mise au service de la destruction du monde musulman, du détournement des préoccupations du musulman. Elle ne peut donner lieu à des surenchères idéologiques et religieuses pour accroitre le fossé ou justifier l’effusion de sang et l’effritement des rangs. Aucun prétexte pour justifier les conflits sectaires et partisans n’est recevable lorsque le Coran n’envisage pas la nation musulmane comme multiple et divergente. Elle est unie. Briser cette unité ou entretenir sa fragmentation au nom de l’esprit partisan, de l’école doctrinaire, de la secte ou de la confession est une atteinte au Coran :

{Nous avons fait de vous une Communauté du centre afin que vous portiez témoignage sur les hommes, et que le Messager soit témoin sur vous.} Al Baqarah 143

{Certes, celle-ci est votre Communauté, une Communauté unie, et Moi Je suis votre Dieu, adorez-Moi.} Al Anbiya 92

L’unité ne signifie pas l’absence de diversités et de différences. La loi de l’unité montre qu’en toute chose il y a des nuances, des différences, des variétés, des mouvements et des variations. La même loi montre que pour garder la cohérence et le sens les variations et les différences ne se font pas dans le chaos, mais respectent une même ligne d’orientation, une même tendance.

Souvent les contradictions et les oppositions font partie de l’ordre logique, car elles génèrent le mouvement, le changement et l’harmonie, la quête de la vérité, et la prise de position lors de la mise à l’épreuve.

Tous les phénomènes sont multiples et en interaction, chacun exerce une tension sur l’autre le poussant à s’adapter ou à changer, mais aussi à subir son influence. C’est ainsi et pas autrement. Seul Allah est Un, Unique et Immuable. Le monde musulman ne fait pas exception à la règle universelle. Le totalitarisme qui impose un seul centre, immuable sans contestation et sans changement est de l’utopie qui s’effondre vite. C’est une fausse piste, un faux débat et une fausse croyance que de vouloir stéréotyper la mentalité humaine et figer la configuration sociale et culturelle à un lieu ou à un moment comme si ce lieu et ce moment étaient monolithiques sans influence du voisinage des lieux, des moments et des mentalités.

Nous ne pouvons être une unité qu’en qualité d’unité dialectique qui résout ses contradictions, surmonte ses épreuves et fait de sa multitude une harmonie et une convergence vers la même finalité et dans le même élan.

{Si ton Dieu Voulait, Il aurait fait les hommes une seule communauté. Et ils continueront donc à diverger. Sauf ceux que ton Dieu prend en Sa Miséricorde. Et c’est pour cela qu’Il les a créés.} Younès 118

Nous sommes créés pour vivre dans la diversité en y cherchant l’empathie et la concorde. Nous sommes créés par la Miséricorde et pour la miséricorde pour dépasser nos divergences et trouver des dénominateurs communs qui rendent agréables le vivre ensemble et la coopération. Le mythe égalitariste va aboutir à l’impasse, car il ne peut gommer les différences qui font la diversité des identités, des désirs, des projets et la complétude entre les compétences. L’utopie de la « faction sauvée » qui veut, comme une secte, imposer sa vérité parcellaire et imparfaite au reste de l’humanité ou au reste des musulmans est une dérive qui s’est avérée improductive et contre nature.

Le dénigrement et l’anathème ne font que générer l’entropie et la dispersion qui finissent par saper tous les liens et mettre fin à l’harmonie. L’intelligence et la foi exigent le réalisme et la justesse pour voir le mouvement des mentalités et des impératifs historiques, économiques et politiques et dans ce mouvement voir comment provoquer, accompagner et accélérer ce qui favorise l’unité et l’harmonie et mettre fin ou atténuer ce qui provoque la disharmonie et la divergence. Il ne s’agit pas d’un point de vue personnel, mais de ce que dit le Coran :

{Si Allah le Voulait, Il vous aurait fait une seule communauté, mais c’est pour vous éprouver en ce qu’Il vous a donné. Concourez donc en œuvres de bienfaisance. Vers Allah sera votre retour en totalité. Il vous Informera alors sur ce dont vous divergiez.} Al Maidah 48

S’il nous est demandé de gérer, au profit du bien, les divergences, avec les autres qui ne partagent ni notre foi ni nos valeurs comment alors nous comporter avec d’autres musulmans qui ont été façonnés différemment par l’histoire, la géographie et la mentalité collective ?

{Certes, celle-ci est votre Communauté, une Communauté unie, et Moi Je Suis votre Dieu, adorez-Moi. Mais ils divergèrent entre eux. Ils seront tous ramenés vers Nous.        Quiconque fera des œuvres méritoires, en étant croyant, on ne méconnaîtra pas ses efforts, et Nous les lui enregistrerons.} Al Anbiya 92 – 93

Il est plus facile de se cacher derrière un dieu tyrannique qui impose que d’assumer sa liberté et les responsabilités qui en découlent. Il est plus facile de faire du culte la préoccupation majeure de notre existence tout en le confinant dans un apparat social que de faire de la foi un acte de libération et de civilisation. Avec cet esprit déviant, il est plus facile de faire dire au Coran une vérité tronquée :

{Je n’ai créé les djinns et les êtres humains que pour M’adorer.} Ad dhariyate 56

Enoncée de cette manière la vérité est démentie tant par la réalité de l’existence humaine qui s’accomplit majoritairement en dehors de la foi monothéiste que par le texte coranique qui dit :

{Si ton Dieu voulait, tous ceux qui sont sur la terre, dans leur totalité, seraient devenus croyants. Est-ce toi alors qui vas contraindre les hommes à être croyants ?}  Younes 99

Tronquer la vérité coranique c’est, philosophiquement parlant, reconnaitre qu’il y a des créatures qui échappent à l’autorité d’Allah ; c’est aussi se donner le droit, sur le plan religieux, de déclarer la guerre à tout « insoumis » à Dieu.  Ces fausses compréhensions amènent à de fausses représentations sur Dieu et à des comportements antinomiques avec l’Islam. Lorsque le musulman devient ignorant du sens de la parole divine, il se laisse alors conduire vers de fausses lectures qui instrumentalisent la religion à des fins partisanes ou géopolitiques.

Allah (swt) demande au Prophète (saws) de combattre les Kuffars  الكفـار  l’avant-garde belliqueuse qui non seulement refuse de reconnaitre l’Islam, mais prend les armes pour éradiquer les musulmans par la force. Les intégristes et leurs commanditaires font croire qu’il faut combattre les mécréants الكـافرين. Allah (swt) demande de se mobiliser massivement pour combattre sur tous les fronts les négateurs agresseurs, mais les imposteurs et les falsificateurs font croire qu’il s’agit de combattre tous les mécréants en tout lieu et tout moment. Le musulman est désigné comme mécréant ou comme apostat lorsqu’il ne partage pas les « valeurs » véhiculées davantage par les socio codes, les géo codes ou les fantasmes sectaires…

L’énoncé coranique montre l’insenséisme des païens : adorer les divinités qu’ils ont créées de leurs propres mains et qu’ils continuent d’entretenir en les restaurant et en leur faisant des offrandes alimentaires.  Nous ne sommes pas dans un rapport à la contrainte de la foi, mais dans le rapport à l’absurde la raison humaine qui s’aliène et perd sa liberté en faisant siennes des traditions sans les soumettre au questionnement.

{Lui associent-ils ce qui ne crée rien alors qu’eux, ils sont créés, et qui ne peuvent les faire triompher, ni se faire triompher eux-mêmes ? Et si vous les incitez à la Direction infaillible, ils ne vous suivent point. Le résultat est le même pour vous, que vous les incitiez ou que vous restiez silencieux. Certes, ceux que vous invoquez, à l’exclusion d’Allah, sont des serviteurs créatures comme vous, invoquez-les donc et qu’ils exaucent vos prières si vous êtes véridiques ! Ont-ils des pieds pour marcher, ou ont-ils des mains pour assaillir, ou ont-ils des yeux avec lesquelles ils voient, ou ont-ils des oreilles avec lesquelles ils entendent ?} Al A’âraf 191

L’esprit scientifique et philosophique de l’Occident ne s’est pas coupé de Dieu, car il ne voulait plus croire, mais a refusé de se soumettre aux superstitions et aux fausses croyances qui avaient cultivé les fétiches, les totems et les idoles. Il avait accompli le premier trajet de la grande révolution intellectuelle et spirituelle. Il lui reste à accomplir le second trajet qui le conduit vers Allah. Le musulman est appelé à être le jalon, le guide, l’incitateur vers la Vérité :

وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ».} Foussilat 33

Il faut lire le Coran et argumenter par le Coran sans amalgame ni troncature pour rester le plus conforme aux dires d’Allah (swt) :

{Je n’ai créé les djinns et les êtres humains que pour M’adorer. Je ne veux de leur part aucune subsistance, et Je n’attends pas d’eux qu’ils me nourrissent. Car c’est Allah qui est le Dispensateur, c’est Lui le Détenteur de la puissance, l’Immuable.} Ad dhariyate 56 – 57

Les savants de la matière sont parvenus à voir la manifestation de Dieu dans Sa Création et à perdre l’usage de la parole devant l’infiniment grand et l’infiniment petit qui témoignent « Allah Akbar ». Ces savants n’ont pas de référence crédible pour suivre la voie de l’Islam. Les savants d’origine musulmane sont desservis par l’inconsistance et les contradictions de leur communauté qui n’appellent plus à l’universel de l’Islam, mais à des particularismes idéologiques, culturels ou géographiques.

Nous ne pouvons témoigner avec justice, efficacité et beauté alors que nos dires sont divergents et qu’ils dénaturent le sens du dire divin :

وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ».} Foussilat 33

Les mêmes facteurs historiques qui ont produit l’oppression et l’aliénation continuent d’œuvrer dans le monde musulman. Les musulmans, gouvernants et opposition, ne jouent pas le rôle de bouc émissaires, mais jouent le rôle d’agent de subversion contre la renaissance de la civilisation islamique qui est antinomique avec leur médiocrité et leur culture de la rente des ressources, de l’histoire, de la religion et de tout ce qui peut être instrumentalisé et négocié. Le malheur est en nous. L’étranger n’est qu’un facteur aggravant, amplificateur, accelérateur ou incitateur; Il faut oser analyser nos dires et nos actes en les comparant à la raison si nous ne pouvons les comparer au Coran.

Quelques lectures sur les « Dire » dans le Coran. Première partie.

Première partie.

Est-ce que nous pouvons représenter le Prophète Mohamed (saws) sur le plan moral, spirituel, intellectuel et social si la connaissance la Parole d’Allah nous échappe :

وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ

{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ? ».} Foussilat 33

Lorsque le lecteur du Coran se met en quête du sens il peut être dérouté par la répétition des verbes, des mots et des phrases et tout particulièrement lorsqu’il constate que le verbe dire est cité près de 1722 alors que la langue arabe a suffisamment de synonymes.

Le nombre et le contexte des formes singulières et plurielles, féminines et masculines, passées et futures, impératives et conjuguées, verbales et substantives, actives et passives du verbe dire sont impressionnants : 1722

قلنا  27  –   قال  529   –    قالت  43  –  قالوا  332  –  قِيلَ  49

 يقول  68  –  تقول  13 –  الْأَقَاوِيلِ  1 –  قول  52

أَقُل   7  –  قُولَا   2  –  تقول  12  –  تَقُولَنَّ  1

يَقُولُونَ 92

قل  333  –   قَائِلٌ  4

تقولون    11

1 – Quelle est la « visée » de la répétition du verbe dire

Quelle est la « visée » du verbe dire dans le Coran qui semble traduire un « générique » de situations et non un caractère particulier ou singulier ? Il semble que le caractère global du verbe dire, eu égard à son nombre et à ses contextes, est en lui-même une singularité qui laisse perplexe et c’est sans doute cette perplexité qui est visée pour qu’elle mette le lecteur dans une quête de sens, un arrêt sur le contexte qui est plus signifiant que le mot.

Le verbe dire cité 1722 fois dans sa formulation lexicale coranique générale, mais varié sur le plan de la syntaxe et de la sémantique, est-il un oubli ou une faiblesse syntaxique ou sémantique qu’il faut combler, ou au contraire un dessein devant lequel il faut s’incliner et se prosterner que l’on parvienne ou non à comprendre tout ou partie de ce dessein.

Lorsqu’on examine, même superficiellement, le verbe dire dans le Coran on ne peut manquer de constater que le Prophète est dans la triple situation, celle passive de celui qui est informé sur ce qu’il ignorait, celle de l’auditeur à l’écoute des interrogations de ses détracteurs ou de ses disciples, enfin et celle plus active où le verbe dire devient un impératif  affirmatif ou négatif : « dis » et « ne dis pas » pour répondre, révéler  ou prendre position. Le Moi Mohammadien est absent, totalement absent. Mohamed (saws) est le réceptacle du Coran et son transmetteur dans une fidélité infaillible :

{… sachez qu’à Notre Messager n’incombe que la transmission évidente.}  Al Maidah 92

{Dis : « Il ne m’est sûrement inspiré que : “Votre Dieu Est, sûrement un Dieu Unique”. Etes-vous donc des musulmans ? » Si alors ils se détournent, dit : « Je vous ai transmis, à tous, ce qui m’a été ordonné. Je ne sais si ce qui vous est promis est proche ou lointain.} Al Anbiya 108

{Notre parole a déjà été transmise à Nos Dévoués, les Messagers.}

Mohamed (saws) était un Prophète « Oummiy » – inconnaissant – envoyés aux « Oummiyines ». , les inconnaissants qui ne connaissaient ni ne pratiquaient les religions, les mythes et les philosophies de leur époque, mais qui maitrisaient parfaitement la langue arabe, langue maternelle, langue d’usage domestique et sociale, langue littéraire et poétique, langue coranique. Mohamed et ses compagnons ne pouvaient donc ignorer toutes les configurations complexes du verbe dire ni les singularités qui font qu’au lieu du verbe dire le Coran a recours à un verbe spécifique comme transmettre, proclamer, déclamer, raconter, discourir, solliciter. Ils ne pouvaient ignorer que le verbe dire dans le contexte coranique signifiait exactement dire et non une approximation ou une singularisation qu’aurait donné un verbe synonyme ou un autre verbe ….

Les détracteurs du Coran et les négateurs de Mohamed (saws) connaissaient parfaitement la langue arabe, mais le défi littéraire, sémantique, stylistique, parabolique et intellectuel du Coran les a anéantis. S’ils avaient trouvé une brèche dans le verbe dire du Coran ils l’auraient suivi.

La multiplicité des formes du verbe dire nous amènent à nous interroger sur ce qu’a voulu dire Allah ? Il ne nous donne pas la réponse comme une formulation à apprendre et à appliquer comme une recette de cuisine, mais il nous met en situation de chercher en nous livrant les indices et l’enchaînement des mots et des énoncés pour que nous pratiquions le Taddabbor, la lecture sensée et méditative qui découvre le sens global et le sens singulier du récit, de ses attendus, de ses conséquences.

Le Taddabbor est un Taffakkor particulier, c’est un raisonnement qui correspond à la logique interne du Coran en étudiant ses Signes (Ayat) alors que le Taffakkor est un raisonnement sur les Signes de la Création (Ayat). Il s’agit de voir la Manifestation de Dieu à travers l’expression de l’unicité de ses Signes qui sont verbe et acte. Le Taddabor est la quête de Signes dans le contenu du Coran, c’est l’effort de comprendre le Coran par le Coran en construisant le réseau de sens entre les mots, les concepts, les énoncés et les contextes du Coran. Par le Taddabbor il y a un effort intellectuel qui libère l’intelligence de la lecture formaliste du Coran et qui fait impliquer la pensée, l’imagination et la mémoire dans une lecture dynamique, globale et signifiante faisant appel à la logique interne du Coran, à sa cohérence et à sa méthodologie singulière de dévoilement et de conjugaison des Signes à partir d’autres Signes.

{N’ont-ils donc point médité la Parole ou bien leur est-il parvenu ce qui n’est pas parvenu aux premiers de leurs ancêtres.} Al Anbiya 68

{C’est un Livre béni que Nous t’avons révélé afin qu’ils méditent ses signes, et afin que les doués d’entendement se rappellent.}  Sàd 29

{Nous avons facilité en fait le Coran pour la réflexion. Y a-t-il donc quelqu’un qui réfléchisse ?} Al Qamar 32

Le Prophète (saws) demandait aux Compagnons d’étudier, d’analyser et de méditer le Coran :

 

أعربوا القرآن والتمسوا غرائبه

« Perfectionnez-vous dans l’étude de la syntaxe (et de la sémantique) du Coran puis chercher à atteindre ses joyaux ».

Nous sommes amenés à lire le Coran comme s’il avait été révélé à nous sans intermédiaire. Nous sommes invités à méditer les dire d’Allah, des Anges, des Prophètes, de Pharaon et des négateurs de la vérité pour que nous puissions dire en notre âme et conscience : Que va me dire Allah le Jour de la Rencontre ? Que vais-je Lui dire ce jour-là ? Que dois-je dire ici dans chaque opportunité de vie et dans chaque lieu d’existence, comment le dire, pourquoi le dire ainsi et pas autrement ?

Dire est une grande responsabilité qui s’éduque, se cultive et s’assume. La multiplicité des dires et les nuances de leurs significations sont la démarche pédagogique du Coran pour éduquer le Croyant à assumer ses responsabilités et à garder en éveil les facultés qu’Allah a déposées en lui :

{N’affirme pas ce dont tu n’as aucune connaissance, car de l’ouïe, de la vue, du cœur, et de tout ceci, l’homme aura à en rendre compte.} Al Isra 36

Dans une série d’articles sur le verbe dire, je vais tenter de livrer quelques pistes de réflexions sur le sens des dires coraniques et dans la foulée, à la lumière du Coran et de l’expérience de la vie, je vais me permettre de pointer quelques traits de notre réalité.