Première partie.
Est-ce que nous pouvons représenter le Prophète Mohamed (saws) sur le plan moral, spirituel, intellectuel et social si la connaissance la Parole d’Allah nous échappe :
وَمَنْ أَحْسَنُ قَوْلًا مِّمَّن دَعَا إِلَى اللَّهِ وَعَمِلَ صَالِحًا وَقَالَ إِنَّنِي مِنَ الْمُسْلِمِينَ
{Qui donc prononce meilleur dire que celui qui convie à Allah, fait œuvre méritoire et dit : « Certes, je suis du nombre des musulmans ? ».} Foussilat 33
Lorsque le lecteur du Coran se met en quête du sens il peut être dérouté par la répétition des verbes, des mots et des phrases et tout particulièrement lorsqu’il constate que le verbe dire est cité près de 1722 alors que la langue arabe a suffisamment de synonymes.
Le nombre et le contexte des formes singulières et plurielles, féminines et masculines, passées et futures, impératives et conjuguées, verbales et substantives, actives et passives du verbe dire sont impressionnants : 1722
قلنا 27 – قال 529 – قالت 43 – قالوا 332 – قِيلَ 49
يقول 68 – تقول 13 – الْأَقَاوِيلِ 1 – قول 52
أَقُل 7 – قُولَا 2 – تقول 12 – تَقُولَنَّ 1
يَقُولُونَ 92
قل 333 – قَائِلٌ 4
تقولون 11
1 – Quelle est la « visée » de la répétition du verbe dire
Quelle est la « visée » du verbe dire dans le Coran qui semble traduire un « générique » de situations et non un caractère particulier ou singulier ? Il semble que le caractère global du verbe dire, eu égard à son nombre et à ses contextes, est en lui-même une singularité qui laisse perplexe et c’est sans doute cette perplexité qui est visée pour qu’elle mette le lecteur dans une quête de sens, un arrêt sur le contexte qui est plus signifiant que le mot.
Le verbe dire cité 1722 fois dans sa formulation lexicale coranique générale, mais varié sur le plan de la syntaxe et de la sémantique, est-il un oubli ou une faiblesse syntaxique ou sémantique qu’il faut combler, ou au contraire un dessein devant lequel il faut s’incliner et se prosterner que l’on parvienne ou non à comprendre tout ou partie de ce dessein.
Lorsqu’on examine, même superficiellement, le verbe dire dans le Coran on ne peut manquer de constater que le Prophète est dans la triple situation, celle passive de celui qui est informé sur ce qu’il ignorait, celle de l’auditeur à l’écoute des interrogations de ses détracteurs ou de ses disciples, enfin et celle plus active où le verbe dire devient un impératif affirmatif ou négatif : « dis » et « ne dis pas » pour répondre, révéler ou prendre position. Le Moi Mohammadien est absent, totalement absent. Mohamed (saws) est le réceptacle du Coran et son transmetteur dans une fidélité infaillible :
{… sachez qu’à Notre Messager n’incombe que la transmission évidente.} Al Maidah 92
{Dis : « Il ne m’est sûrement inspiré que : “Votre Dieu Est, sûrement un Dieu Unique”. Etes-vous donc des musulmans ? » Si alors ils se détournent, dit : « Je vous ai transmis, à tous, ce qui m’a été ordonné. Je ne sais si ce qui vous est promis est proche ou lointain.} Al Anbiya 108
{Notre parole a déjà été transmise à Nos Dévoués, les Messagers.}
Mohamed (saws) était un Prophète « Oummiy » – inconnaissant – envoyés aux « Oummiyines ». , les inconnaissants qui ne connaissaient ni ne pratiquaient les religions, les mythes et les philosophies de leur époque, mais qui maitrisaient parfaitement la langue arabe, langue maternelle, langue d’usage domestique et sociale, langue littéraire et poétique, langue coranique. Mohamed et ses compagnons ne pouvaient donc ignorer toutes les configurations complexes du verbe dire ni les singularités qui font qu’au lieu du verbe dire le Coran a recours à un verbe spécifique comme transmettre, proclamer, déclamer, raconter, discourir, solliciter. Ils ne pouvaient ignorer que le verbe dire dans le contexte coranique signifiait exactement dire et non une approximation ou une singularisation qu’aurait donné un verbe synonyme ou un autre verbe ….
Les détracteurs du Coran et les négateurs de Mohamed (saws) connaissaient parfaitement la langue arabe, mais le défi littéraire, sémantique, stylistique, parabolique et intellectuel du Coran les a anéantis. S’ils avaient trouvé une brèche dans le verbe dire du Coran ils l’auraient suivi.
La multiplicité des formes du verbe dire nous amènent à nous interroger sur ce qu’a voulu dire Allah ? Il ne nous donne pas la réponse comme une formulation à apprendre et à appliquer comme une recette de cuisine, mais il nous met en situation de chercher en nous livrant les indices et l’enchaînement des mots et des énoncés pour que nous pratiquions le Taddabbor, la lecture sensée et méditative qui découvre le sens global et le sens singulier du récit, de ses attendus, de ses conséquences.
Le Taddabbor est un Taffakkor particulier, c’est un raisonnement qui correspond à la logique interne du Coran en étudiant ses Signes (Ayat) alors que le Taffakkor est un raisonnement sur les Signes de la Création (Ayat). Il s’agit de voir la Manifestation de Dieu à travers l’expression de l’unicité de ses Signes qui sont verbe et acte. Le Taddabor est la quête de Signes dans le contenu du Coran, c’est l’effort de comprendre le Coran par le Coran en construisant le réseau de sens entre les mots, les concepts, les énoncés et les contextes du Coran. Par le Taddabbor il y a un effort intellectuel qui libère l’intelligence de la lecture formaliste du Coran et qui fait impliquer la pensée, l’imagination et la mémoire dans une lecture dynamique, globale et signifiante faisant appel à la logique interne du Coran, à sa cohérence et à sa méthodologie singulière de dévoilement et de conjugaison des Signes à partir d’autres Signes.
{N’ont-ils donc point médité la Parole ou bien leur est-il parvenu ce qui n’est pas parvenu aux premiers de leurs ancêtres.} Al Anbiya 68
{C’est un Livre béni que Nous t’avons révélé afin qu’ils méditent ses signes, et afin que les doués d’entendement se rappellent.} Sàd 29
{Nous avons facilité en fait le Coran pour la réflexion. Y a-t-il donc quelqu’un qui réfléchisse ?} Al Qamar 32
Le Prophète (saws) demandait aux Compagnons d’étudier, d’analyser et de méditer le Coran :
أعربوا القرآن والتمسوا غرائبه
« Perfectionnez-vous dans l’étude de la syntaxe (et de la sémantique) du Coran puis chercher à atteindre ses joyaux ».
Nous sommes amenés à lire le Coran comme s’il avait été révélé à nous sans intermédiaire. Nous sommes invités à méditer les dire d’Allah, des Anges, des Prophètes, de Pharaon et des négateurs de la vérité pour que nous puissions dire en notre âme et conscience : Que va me dire Allah le Jour de la Rencontre ? Que vais-je Lui dire ce jour-là ? Que dois-je dire ici dans chaque opportunité de vie et dans chaque lieu d’existence, comment le dire, pourquoi le dire ainsi et pas autrement ?
Dire est une grande responsabilité qui s’éduque, se cultive et s’assume. La multiplicité des dires et les nuances de leurs significations sont la démarche pédagogique du Coran pour éduquer le Croyant à assumer ses responsabilités et à garder en éveil les facultés qu’Allah a déposées en lui :
{N’affirme pas ce dont tu n’as aucune connaissance, car de l’ouïe, de la vue, du cœur, et de tout ceci, l’homme aura à en rendre compte.} Al Isra 36
Dans une série d’articles sur le verbe dire, je vais tenter de livrer quelques pistes de réflexions sur le sens des dires coraniques et dans la foulée, à la lumière du Coran et de l’expérience de la vie, je vais me permettre de pointer quelques traits de notre réalité.