Quoi, qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences.

Tout phénomène qui se produit bouleversant la réalité sociale, économique, politique ou militaire appelle les questionnements que la société est appelée à y trouver des réponses si elle ne veut pas basculer dans l’horreur de l’incompréhension et dans les ténèbres des crises qui s’accumulent  et s’alimentent mutuellement. Ces questions sont universelles : Quoi, qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles  conséquences. Si les élites font l’impasse sur ces questions et si la société ne demandent pas des réponses à ces élites alors tous subissent la malédiction :

{Ceux des descendants d’Israël qui sont devenus renégats ont été maudits par la bouche de David et par celle de Jésus, fils de Marie, parce qu’ils désobéissaient  et qu’ils agressaient. Et cela car ils ne s’interdisaient pas mutuellement le mal qu’ils commettaient. Que leurs agissements étaient donc exécrables !} Al Maidah 78

La justice ne peut résoudre un crime, la science ne peut comprendre un phénomène, l’histoire ne peut le cœur humain ne peut trouver résilience ou sérénité, s’ils ne répondent pas à ces question qui mènent à la vérité.  Restaurer la  justice est davantage plus complexe et plus exigeant en termes de quête de la vérité. Des médias sans éthique, sans amour de la vérité, sans esprit de justice et d’équité, sans devoir d’informer se transforment en armes qui assassinent les consciences, les esprits, les cœurs et les corps.

Les mathématiques modernes, la psychologie sociale, la linguistique et l’illusion optique ont découvert ce qu’ils appellent le « piège de la raison » qui introduit un biais dans  les conclusions d’une démonstration, d’une enquête ou d’une observation qui a manqué de vigilance ou qui s’est laissé dominer par les impressions,  les préjugés ou les routines.

Que dire alors de la déraison qui anime les médias à qui on a confié la mission du matraquage idéologique, psychologique et médiatique pour ne pas se poser les questions sur les auteurs et les motivations  d’une violence politique ou sociale, d’une agression militaire ou policière, d’un acte terroriste, d’une manipulation psychosociale, d’une subversion… pour criminaliser ceux qui veulent se poser les question, pour les intimider et les confiner au silence.

Quoi, qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences sont des questions importantes pour comprendre une révolte affublée de révolution ou de printemps. Ces questions sont à poser en ce qui concerne la compétence de désinformer des médias nés des révoltes arabes. En Algérie, après octobre 1988, en Egypte,  après février 20011, la majorité des médias n’ont pas joué leur rôle d’informer, d’éduquer, d’accompagner la démocratie et de participer au débat d’idées. Elles sont venues confisquer la volonté du peuple et le manipuler. Par quoi, pour  qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences ces médias se sont avérés les ennemis de la démocratie. Avec quel argent ces médias sont devenus un escadron avancé pour saper les valeurs du peuple et ses espoirs. Au nom de quelle morale, de quelle idéologie et de quel peuple ces médias ont cultivé la haine et la discorde dans la société et ont poussé à l’affrontement entre militaires et civils.

A qui profite la guerre civile ? A qui profite la confusion ? A qui profitent la corruption des mœurs politiques et économiques, la pollution des esprits,  et la diabolisation de l’adversaire politique ?

Par qui, pourquoi, au profit de qui, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences est poursuivie  la guerre idéologique que menait le colonialisme contre les indigènes qui refusaient de demeurer ses axillaires de pensée, ses assistés, ses vassaux… contre la langue de l’indigène… contre la religion de l’indigène… contre la liberté et la dignité de l’indigène…

Est-ce qu’il est raisonnable et juste  d’imputer aux partisans de l’Islam politique les actes de vandalisme contre les édifices publics et les Eglises alors que le plus ignorant de l’histoire des Frères musulmans sait qu’il n’est ni de leur intérêt ni de leur culture religieuse, sociale  et politique de s’attaquer aux Coptes. Les mouvements sectaires et infantiles ont toujours reproché aux Frères musulmans leur rapport bienveillant envers les Chrétiens et en particulier envers les Chrétiens d’Orient qui partagent avec eux l’arabité, la citoyenneté et la civilisation musulmane.

Qui a intérêt à rompre le fil du vouloir vivre ensemble et du partage d’un certain nombre de dénominateurs communs dont le territoire et les interactions socio-économiques entre musulmans et non musulmans ?

J’ai pris position par écrit contre les Frères musulmans leur reprochant leur empressement à conquérir le pouvoir, leurs arrangements avec l’armée et leur démarche confrérique qui approfondit la discorde sociale et cela m’a permis de voir suffisamment tôt ce qui allait se produire et comment la presse arabe annexe de la presse islamophobe allait manipuler et exploiter la réalité. Voici quelques  extraits des pages 72 à 90 de mon livre «  Le dilemme arabe et les dix commandements américains » :

… La dérive démiurge s’auto justifie par l’illégitimité du pouvoir politique, par la prétention à être le seul détenteur de la vérité et par l’aura de l’Islam sur une population assoiffée d’Islam mais dépossédée des moyens d’appropriation de la vérité coranique. La dérive narcissique permet de jeter l’anathème sur les autres et de les traiter d’hérétiques alors qu’Allah n’a permis à aucun homme de percer le secret du cœur d’un autre ni admis qu’une secte se considère comme la secte du salut et les autres des condamnés à la perdition et à être perdus :

{Ne faites donc pas votre propre éloge. Il Est Plus-Scient de celui qui a été pieux.} (53, 32)

Allah a scellé les pensées intimes et les secrets des cœurs sinon la vie serait infernale ou dramatique. Les Salafistes bigots sont une césure dans les mentalités collectives et dans le corps social, mais ils veulent être une interposition entre le cœur de l’homme et son Créateur, entre sa liberté d’agir et leur conception sectaire et bornée du libre arbitre ou de l’exercice politique sans tutelle théocratique et sans bornage militariste. Ils sont loin de comprendre cette sagesse :

« Il se peut que Dieu te montre les mystères de Son Royaume céleste (malakût) et qu’Il ne permette pas de voir les secrets des hommes. Quiconque percevrait les secrets des hommes sans que son âme se soit conformée à la Miséricorde divine, cette perception serait pour lui une tentation (fitna) et pourrait lui attirer de graves dommages. » (Atta-Allah d’Alexandrie)

C’est cette dérive démiurge qui leur permet de juger à la place de Dieu et de se substituer à l’État. C’est dans cet esprit pervers que nous lisons la Fatwa d’Ahmad Farid cheikh d’Alexandrie autorisant l’armée à tirer à balles réelles sur les Manifestants. Moubarak et tous les tyrans du monde n’ont jamais eu la folie de le dire si ouvertement. Autoriser le meurtre de manifestants sous prétexte qu’ils troublent la paix civile ou qu’ils sèment la « Fitna » est une hérésie qui vient s’ajouter à celle de Qaradhawi demandant, en direct d’Al Jazzera, d’assassiner Kadhafi chef d’État.

Le nouveau ministre de la Justice installé par la Junte militaire lance les mêmes menaces contre les Manifestants qui en l’espace de quelques semaines ne sont plus des héros, mais des traitres, des agents de l’étranger.

Dans ce climat délétère, nous voyons les Frères Musulmans s’ériger en gardiens du temple : ils assurent la sécurité des Coptes d’Égypte au lieu et place de l’armée qui est au pouvoir. Nous sommes face à une théâtralisation, une dramatisation de la violence, pour occulter les arrangements d’appareils entre des « islamistes » infantiles, mais fourbes, et des militaires despotes.

La logique de la politique et de la responsabilité exige des Frères Musulmans de demander à l’armée, qui a le pouvoir réel, de garantir la sécurité à l’ensemble de la population égyptienne ou de céder le pouvoir aux civils. C’est participer à la confusion qu’inverser le rôle et se croire plus royaliste que le roi avant d’entrer dans la cour des courtisans du roi. C’est participer à la clarification que de dire au détenteur du pouvoir réel lorsqu’il assure son devoir de maintien de l’ordre tu as bien agis et le contraire lorsqu’il est défaillent au lieu de se substituer à son rôle. L’astuce politicienne devient vassalisation et le peuple qui a donné sa voix risque de voir que le mensonge continue sous le manteau de l’Islam et à ce moment il risque de pénaliser de la manière la plus inattendue ceux qui se réclament de l’islamisme. Je n’ai pas voulu publier ce livre achevé en 2011, car l’intuition me dit que le peuple égyptien et en particulier les jeunes ne vont pas se laisser duper et, de leur initiative ou poussés par les forces anti islamiques, ils vont revenir à la charge contre le Conseil militaire supérieur et puis se retourner contre les Frères Musulmans devenus otages des Qataris et des Turcs.

[…]

Mohamed Al Ghazali connaissait l’Islam, l’Égypte, les mouvements islamiques et la réalité du monde et par conséquent il avait osé s’attaquer à ceux qui croient défendre l’Islam et qui en réalité, consciemment ou inconsciemment le desservent :

« Ils sont tels des gens qui bloquent une route sans en ouvrir une autre […] D’autres également ne font point de distinction entre les problèmes périphériques et les problèmes centraux, ni entre les sujets fondamentaux et les branches secondaires, ni entre les problèmes majeurs et ceux qui sont mineurs. Ils dépenseraient toute leur énergie pour combattre les problèmes secondaires. Ainsi, il est probable qu’ils attaquent par la mauvaise direction, là où le véritable ennemi attaque par une autre direction. Il leur arrive parfois d’attaquer même des ennemis imaginaires. Tous ces prêcheurs sont un pénible fardeau pour la Prédication Islamique. Ceux-là doivent être corrigés, tout comme ceux qui prêchent pour leurs profits personnels et non pour des principes islamiques sincères ».

[…]

Rien ne peut s’opposer à la volonté populaire : ni le pourrissement voulu par l’armée, ni le jeu maladroit de ‘Amr Khaled de remettre le peuple en état de travailler en proposant des arrangements d’appareils, des médiatisations de l’armée faisant du social, en galvanisant le patriotisme teinté d’Islam pour remettre l’appareil économique à produire alors que les antagonismes de classes sont toujours présents, l’injustice sociale est présente avec ses causes et ses processus…

[…]

Mais de la même manière que Malek Bennabi a vu le ferment de la révolution algérienne dans la sombre nuit du colonialisme nous observons le même ferment que le colonialisme tente de dénaturer en présentant la révolution arabe sous forme d’une simple « fermentation pour distiller certaines idées que le colonisateur recueille soigneusement pour en faire les idées directrices de la «boulitique». Astuce d’ailleurs cousue de fil blanc, et capable tout au plus d’abuser ses auteurs, qui sonnent inlassablement les douze coups fatidiques de minuit en croyant encore pouvoir assoupir la conscience musulmane. Naïf et entêté, le machiavélisme colonialiste ne se laisse abattre par aucun échec et mobilise encore et tous les jours des sonneurs de minuit, à qui l’on distribue des sommes importantes au lieu de les consacrer à des tâches plus utiles […] Le colonialisme et ses intellectuels font encore sonner minuit, mais dans le monde, musulman, l’heure du sommeil et des fantômes est passée, sans rémission…»

J’ai osé remuer le couteau dans nos plaies bien avant que ce couteau nous égorge de nouveau, mais  nous ne sommes pas encore dans une société apaisée qui cherche à comprendre ni dans un processus de clarification qui pose les questions et cherchent les réponses. Il est logique donc que les pratiques totalitaires et les agissements pour compte du colonialisme et du sionisme continuent de se manifester en revêtant des apparences fallacieuses de nationalisme, de modernité, de démocratie, d’islamisme.

Les Frères musulmans ont commis des erreurs stratégiques et politiques qui demandent à être traités par des voies politiques démocratiques. Leur criminalisation et leur répression ne servent ni la vérité,  ni la justice, ni les intérêts de la nation et du peuple. Il y a une volonté de conduire l’Egypte vers la guerre civile. Il faut reconnaitre que les Frères musulmans ont fait échouer cette volonté, jusqu’à présent, en refusant d’aller à la violence armée et en montrant qu’ils ont encore la capacité de mobiliser et d’être entendu pour que la violence ne soit pas une fatalité vers laquelle conduisent le matraquage médiatique  et la répression policière.

En brisant le principe pacifique et consensuel de l’alternance démocratique et en imputant aux Frères musulmans et au HAMAS des actes  terroristes contre l’armée et la police, le général Sissi, le  Ministre de l’Intérieur et les médias aux ordres ont signé un chèque à blanc aux sionistes. Voici ce que je notais dans mon analyse sur la « révolution » égyptienne :

« C’est le ministre chargé de la Défense passive, Matan Vilnaï, qui a exprimé son désespoir de ne pas voir le maréchal Tantaoui maîtriser le nouvel élan révolutionnaire : « La situation est problématique, sensible et pas claire. Tantaoui tente d’éviter le chaos et de transmettre le pouvoir de la façon la plus ordonnée possible. Nous espérons qu’il va réussir et les Égyptiens doivent aussi l’espérer, sinon ce sera le chaos général et ce sera très mauvais, pour l’Égypte » »

Les sionistes continuent d’appuyer le chaos en Egypte en décourageant l’Administration américaine à condamner les violences

Le Figaro : L’Aipac (American Israel Public Affairs Committee), le très influent lobby pro-israélien à Washington, participe à cette campagne. Dans un récent message adressé aux sénateurs, cette organisation affirme que le gel des subsides américains «pourrait aggraver l’instabilité en Égypte, affecter les intérêts américains et avoir un impact négatif sur Israël notre allié».

Mediapart : En Egypte le putchiste Sissi soutenu par Israël s’attaque aux journalistes occidentaux

Par hasard l’Arabie saoudite menace les Européens s’ils envisageaient de supprimer leur aide à l’Egypte.

Par hasard on active le front médiatique en guerre contre la Syrie en imputant au régime syrien le recours aux armes chimiques.  Diversion pour faire oublier l’Egypte ou provocation pour achever le plan de dislocation du monde arabe. Il suffit d’attendre la suite : opérations de l’OTAN sur Damas ou mouvement des pseudos Djihadistes et transfert des armes de la Libye vers l’Egypte. Le plan diabolique est en souffrance et il se dévoile même si la presse arabe veut lui donner une autre lecture.

Le mensonge et la paresse ne peuvent continuer de  cacher le piège médiatique qui a préparé la récupération de la « chute » de Moubarak,  la diabolisation des Frères musulmans une fois qu’ils aient retrouvé un semblant de cap politique, l’angélisation du coup d’Etat. Il faut juste taper  Mossadegh ou  Allende  pour retrouver le même scénario médiatique orchestré par la CIA et les mêmes objectifs de l’Empire. Cheikh Al Ibrahimi avait trouvé le meilleur qualificatif qui soit : « le pire sabotage contre l’humanité »

Quel que soit le résultat de la diversion ou de la subversion, la presse arabe ne peut pas continuer à vendre le mensonge qui consiste à dire que la gauche ou que les libéraux sont partie prenante et déterminante dans le conflit politique et idéologique en Egypte. Ils ne sont que des opportunistes qui jettent de l’huile sur le feu pour masquer la nature réel du conflit et en tirer bénéfices mondains et immédiats.

Quoi, qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences est sans doute le chemin qui va éclairer les consciences, les discours, les analyses dans les prochaines semaines et les prochains mois, une fois que les arguments fallacieux auraient épuisé leur fonds de commerce ou qu’ils auraient atteint le seuil de saturation. Plus tôt ou plus tard les réponses aux principales questions s’imposeront à la conscience humaine et ni l’Administration américaine, ni le sionisme, ni  l’Arabie saoudite, ni les médias arabes,  ni les faucons dans l’armée et la police ne pourront les faire taire ni les cacher :

{Dis :  » La Vérité est venue, et le faux s’est évanoui. Certes, le faux est évanescent « .} Al Isra 81

Al Zahq signifie : arriver à l’article de la mort, affaibli sans chance de retrouver force, être à l’agonie, alangui,  tombé  assourdi par un coup mortel, arrivé à l’expiration, s’épuiser,  tomber comme un  moribond, devenir soudainement périclitant, assommé… disparaître…

L’école marxiste de Samir Amin continue de croire dans le déterminisme de la lutte des classes et ne voient pas les autres forces qui animent l’histoire et la conduisent à son aboutissement contraires à leurs souhaits.  L’alternance est la loi qui gouverne l’Univers. Vérité et mensonge s’affrontent jusqu’à la fin des temps avec des moments forts où la vérité frappe symboliquement le mensonge à la tête  comme un coup de bélier qui porte un coup fatal à son provocateur.

Ce n’est que lorsque l’opprimé et l’oppresseur se retrouvent réunis dans la quête des réponses du quoi, qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences de l’oppression qu’émerge de la conscience le refus de l’oppression et que Malek Bennabi appelle le sentiment démocratique. L’humain en refusant d’être la proie ou le prédateur peut alors construire la paix dans sa cité et envisager d’autres questions sur la gestion de la cité. Ce sont les réponses à ses questions lorsqu’elles sont consensuelles et respectées qui construisent le processus démocratique et l’alternance pacifique au pouvoir.

Ces réponses  exigent du courage, de la lucidité et de la morale. Elles exigent le respect du peuple,  l’amour de la vérité et la soif de justice. Ces qualités ne peuvent se manifester dans une société où les insensés et les irresponsables embusqués dans les médias confisquent en toute impunité la parole de la religion, de la justice, de l’histoire, de la politique, de la culture et de la morale pour en faire de l’audience marchande, de la haine idéologique, du spectacle sanglant… du mensonge.

Pour l’instant, rares sont les Arabes, dans le camp islamiste ou non islamiste, qui font du questionnement objectif sur ce qui s’est passé, sur ce qui se passe et sur ce qui va se passer leur priorité. Chacun dénigre l’autre et s’imagine que le dénigrement travaille à son avantage. Le dénigrement n’a jamais été une politique de sortie de crise ni une méthode  de conscientisation  du peuple. Les Frères musulmans ne doivent pas  croire  que leur position de victime sauvagement réprimée aujourd’hui  fasse amende honorable à leur posture blâmable lorsque Saïd Ramadha al Bouti a été assassiné ou lorsqu’ils ont donné caution morale et religieuse à l’OTAN et aux pseudos Djihadistes de détruire la Syrie et la Libye. La vérité est au dessus de toute considération partisane ou conjoncturelle.  Se réclamer de l’Islam n’est pas suffisant pour se croire à l’abri des mêmes fautes que ceux qui ne s’en réclament pas :

{Ceux des descendants d’Israël qui sont devenus renégats ont été maudits par la bouche de David et par celle de Jésus, fils de Marie, parce qu’ils désobéissaient  et qu’ils agressaient. Et cela car ils ne s’interdisaient pas mutuellement le mal qu’ils commettaient. Que leurs agissements étaient donc exécrables !} Al Maidah 78

Les Frères musulmans doivent donc répondre aux questions : Quoi, qui, pourquoi, comment, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences ils ont facilité la mission de l’Administration américaine pour approfondir les césures dans les géographies, les cultures, les politiques, les économies et les mentalités collectives des Arabes alors que l’urgence était de fédérer… S’ils ne clarifient pas les phénomènes dont ils ont été les acteurs, les témoins ou la victime, ils seront l’otage des autres qui ne manqueront pas de noircir le tableau et de les accuser justement ou injustement.

Conflit entre l’armée et Morsi sur le HAMAS

Abstraction faite des erreurs d’évaluation et des manquements aux principes de HAMAS sur la Syrie qui posent avec force la crédibilité du mouvement à conserver l’initiative,  l’unité et le soutien dans sa résistance contre l’occupant sioniste de la Palestine, d’autres questions plus graves se posent après le coup d’Etat   contre Morsi.  Des analyses arabes, citant le général en retraite conférencier à l’académie militaire du Caire, Aymane Salama, lors de son interview à la BBC, soutiennent que l’armée égyptienne a agi dans l’intérêt d’Israël. D’autres soutiennent que les Frères Musulmans allaient céder le Sinaï comme solution aux Palestiniens en échange d’une aide américaine de 12 milliards. Le temps va sans doute montrer la véracité et le mensonge. Pour l’instant les Bédouins arabes livrent 20 milliards de dollars aux juillétistes et on pourrait s’interroger pour qui roulent les pétromonarchies?  Beaucoup de questions, d’accusations graves, et d’incertitudes pèsent sur le devenir de l’Egypte !

Pour saisir ces questions et leur gravité il faut se rappeler que les révolutions arabes ont été récupérées par l’Empire qui a une capacité de manœuvre redoutable. Cette capacité s’appuie sur une connaissance du monde arabe et des relais actifs au sein des élites arabes qui alimentent la base de connaissances et agissent dans le sens attendu de l’Empire. Il faut aussi se rappeler que l’esprit partisan et la précipitation à conquérir le pouvoir ont conduit les Frères musulmans à devenir les instruments de leur propre échec. Ils se sont attaqués à des formalismes secondaires et simplistes négligeant les enjeux stratégiques et la nécessité de formaliser les contradictions et les crises en ingénierie politique, sociale, idéologique et militaire pour les surmonter et les résoudre dans une démarche fédérée et efficace au niveau régional et local.

Il était légitime pour le président Morsi de menacer militairement l’Ethiopie qui est en train d’assoiffer l’Egypte, mais l’art et la manière de le dire ou de le faire étaient illogiques et dangereux car le Président n’avait ni le cadre politique, ni l’encadrement militaire, ni la lucidité géopolitique pour le faire. Depuis Sadate et Moubarak l’Egypte a perdu la culture de défendre la souveraineté nationale et de rayonner sur sa profondeur stratégique. Elle a produit une génération de fonctionnaires civils et militaires davantage impliqués dans la gestion de la rente que procuraient la paix avec l’entité sioniste et la vassalisation aveugle à l’Administration américaine que par la gestion de la cité et de la nation. Tous les experts disent que les futures batailles stratégiques vont se focaliser autour de l’eau et qu’Israël est un grand consommateur d’eau. L’Egypte avec le Soudan et derrière la Libye et l’Algérie fait partie de la plus grande nappe phréatique  dans le monde apte à fournir plus de mille ans d’eau potable à plus de 200 millions d’habitants. Ces pays disposant de 40 mille milliards de m3 d’eau sont naturellement convoités par la prédation internationale et par l’occupant étranger en Palestine.

Les déclarations intempestives sont donc inutiles. L’urgence était de mobiliser les experts et les capitaux pour disposer de cette eau et de ses bénéfiques retours d’investissements sur le plan écologique, social, économique, touristique et agraire.

Pour cela il fallait un cap, beaucoup de travail et un réenchantement des peuples abusés et désabusés. Ces chantiers sont l’oeuvre d’une génération et non celle d’un parti ou d’une confrérie. La bonne gouvernance consistait à préparer ce chantier en créant les conditions pour une ingénierie politique, sociale, financière  et technique tant sur la  conception que sur la réalisation en comptant sur ses propres forces. L’Etranger doit être réduit à sa juste mesure : un partenaire, un auxiliaire, un facilitateur ou un obstacle, mais jamais le maître d’ouvrage, le maître d’oeuvre qui décide des plans, des agendas et des priorités… Les Chinois et  les Iraniens sont des témoignages vivants et bien réels.

Dire que l’Islam est la solution est une tautologie sur le plan de l’énoncé qui n’apporte rien sur le plan de la praxis. Le modèle turc qu’on veut présenter comme modèle islamique par excellence alors qu’il est d’essence capitaliste semble gérer la ressource rare au détriment des musulmans et des Arabes : la Syrie et l’Irak souffrent des barrages turcs. Israël par contre semble recevoir de l’eau turque pour produire les fruits et les produits industriels destinés aux Arabes. Les experts parlent d’un accord pour la construction d’un tunnel sous la mer pour que la Turquie approvisionne Israël en eau en abondance. Les eaux d’Egypte semblent moins chères et plus facile à transporter comme le gaz égyptien. Les « révolutionnaires » égyptiens ne semblent pas pressés de se poser les bonnes questions : ils surfent sur le mécontentement « populaire » envers Morsi et les Frères musulmans. Les Frères musulmans n’ont pas voulu poser les bonnes questions et impliquer toutes les compétences. Ils croyaient manœuvrer facilement avec l’armée et avec l’Empire comme ils croyaient que l’appartenance à l’Islam allait leur ouvrir les portes du Paradis sur terre.

Il était légitime pour le président Morsi de conserver son titre et son poste de président eu égard aux préceptes de l’Islam qui refuse la sédition contre le gouvernant et eu égard au principe démocratique qui l’a amené au pouvoir. Toucher ces deux principes n’est pas un acte révolutionnaire ou une morale, mais une atteinte des principes. Le peuple est devenu otage des manipulateurs et une jurisprudence pour l’anarchie. Morsi, président légitime, a eu raison de refuser de démissionner, mais il aurait dû, pour éviter l’effusion de sang et pour éviter le coup d’Etat facilitateur à la réalisation d’un plan plus grand que l’Egypte, imaginer des solutions inédites et prendre les mesures adéquates pour mettre fin aux conséquences de ce qui est annoncé avant que les Frères musulmans ne se lancent aveuglement à la conquête du pouvoir : l’anarchie et la guerre civile dans le monde arabe et musulman.

Il était légitime pour le président Morsi de soutenir le HAMAS, d’ouvrir le poste frontalier avec Gaza et d’envisager un autre redéploiement militaire au Sinaï, mais l’esprit partisan a empêché que la perception du HAMAS se fasse dans le cadre de l’évaluation globale de la résistance au projet de refondation du Moyen-Orient et du monde arabe par les Américains. L’illusion du Khalifat islamique  en Syrie, en Jordanie et en Egypte, était un leurre que les Américains et les idiots utiles de l’islamisme infantile ont cultivé comme un pavot d’opium faisant oublier les peurs, les paniques et les réactions de rejet de l’armée qui est garante de la paix avec Israël et qui ne veut ni se lancer dans une guerre ni perdre ses privilèges politiques, sociaux et économiques dans une guerre à laquelle elle ne se prépare plus. Les mêmes peurs, les mêmes paniques et le même rejet ont été entretenus dans les communautés coptes, les laïcs libéraux et nationalistes.

Les dissidents des Frères musulmans et les intellectuels nationalistes se rejoignent pour décrire l’incompétence des Frères musulmans à gouverner, mais le fait le plus marquant est celui des médias qui ont commencé à lancer une campagne de dénigrement contre le HAMAS quelques semaines avant la destitution du Dr Morsi. Cette campagne prend des proportions alarmantes ces derniers jours. Il y a une volonté de criminaliser, de diaboliser le HAMAS et de le faire montrer comme le facteur de déstabilisation non seulement en Egypte, mais dans le monde arabe. Certes, l’encadrement du HAMAS a fait des erreurs politiques graves, mais il ne peut être considéré comme un traître à la solde d’Israël, ni un agent américain, ni un facteur de subversion pour l’Egypte. La précipitation dans la lecture de l’actualité et l’alignement idéologique derrière Qaradhawi les ont leurré.

La campagne orchestrée contre le HAMAS de concert avec celle menée contre Morsi explique sans doute l’emprisonnement de Morsi après sa destitution comme le résultat d’un bras de fer entre Morsi et le commandement militaire sur la conduite à adopter envers le HAMAS dans le cadre de la politique de défense nationale égyptienne. Le système Sadate-Moubarak défenseur d’Israël et pourfendeur du HAMAS, toujours en place et en force dans les institutions égyptiennes, semble être la cause majeure qui a conduit à la destitution puis à l’emprisonnement de Morsi. La mauvaise gouvernance est un prétexte. Ni l’Egypte ni le monde arabe n’ont produit une gouvernance sensée ou un espoir de référence, ces derniers siècles, pour que le peuple égyptien se mobilise contre un « insensé » de type Morsi lui préférant un « sensé » de type Baradei ou Sissi.

Ce qui s’est passé et se passe en Egypte, en Libye, en Syrie, au Soudan et  dans tout le monde arabe est la conjugaison de l’insenséisme interne avec la rationalité de la prédation externe qui cherche à briser la résistance contre l’empire et le sionisme,   à évacuer la question palestinienne de la préoccupation politique, sociale et religieuse, et à occulter l’émergence de l’Islam et sa dimension civilisationnelle dans l’alternative au mondialisme matérialiste.

Au moment où chaque pays musulman et arabe est occupé par ses problèmes internes sombrant dans la confusion la plus inimaginable les plans de l’Empire se réalise en Palestine où l’Administration américaine impose sa feuille de route au détriment des Palestiniens, et se réalise non seulement en Syrie, mais dans la région la plus sensible du monde musulman avec  l’émergence d’une nation kurde autonome. Les Kurdes de Syrie viennent d’annoncer leur gouvernement autonome. Le problème n’est pas dans l’autonomie des Kurdes, mais dans notre incapacité à résister aux césures géographiques, historiques, mentales, politiques et économiques que l’Empire mène depuis des siècles. Le Kurdistan n’est pas en soi une revendication illégitime pour les Kurdes syriens, iraniens, irakiens et turques, il est un problème lorsqu’on jette un coup d’œil sur la carte géographique et puis on imagine la genèse de son morcellement ainsi que le devenir des conflits qui vont émerger en périphérie de la nouvelle entité rendant la paix impossible et l’agrégation des « nations » impossibles pour faire front contre l’Empire.

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Dans sa partie asiatique l’Egypte est confronté au morcellement et aux conflits (Irak et Syrie), dans sa partie africaine elle est confrontée au morcellement et aux conflits en Libye, au Soudan et en Afrique subsaharienne. Que les Égyptiens viennent à prendre parti dans les conflits puis viennent à devenir une source de conflit cela dépasse l’entendement lorsqu’on imagine la quantité d’armes et le nombre des sources d’approvisionnement en armes juste en jetant un coup d’œil sur la carte des conflits  :

EGYPTE

 

Il faut faire le moindre effort : lire une carte de géographie pour voir comment le monde musulman est une zone de conflits et de prédation où se joue le devenir du monde jusque là sous la domination totale du colonialisme occidental. Cette domination s’accentue comme le râle d’un prédateur essoufflé, mais l’alternative est absente.

Les problèmes sont complexes par leur enchevêtrement historique, politique, économique, sociologique, culturel, idéologique, géographique. Leur complexité impose de ne pas perdre les liaisons réelles entre le local et l’international, entre le passé et le devenir. Ce qui se passe en Egypte, en Syrie ou ailleurs dépasse leurs intérêts nationaux. Les Frères musulmans, confinés dans une démarche partisane, ont fait preuve de cécité.  Les libéraux et progressistes arabes, prisonniers de leur clivage idéologique importé de l’Occident n’ont plus de repères. Ils oublient qu’ils ont gouverné et que leur modèle est en faillite. Les peuples arabes et musulmanes leur ont retiré leur confiance. Les armées arabes gérant le système de rente et s’accaparant les privilèges n’ont plus vocation à défendre le territoire dans ses frontières immédiates ou dans sa profondeur stratégique. Il n’est pas surprenant que l’armée égyptienne et les élites arabes occidentalisées fassent référence  à la Révolution française pour se donner contenance idéologique et masquer leur faillite ancienne pour revenir dans la gestion des coups d’Etat.

Il est toujours « drôle » de voir les élites de l’indépendance nationale dans le monde arabe se réclamer des référents idéologiques et culturels de l’Occident colonisateur. Dans leur alignement aveugle, ils ne parviennent plus à placer la Révolution française dans son contexte historique et géographique européen : la bourgeoisie qui s’affranchit de la féodalité et qui libère les forces productives pour impulser le progrès technique, le marché et l’expansion du capital marchand puis industriel qui sont le substrat de l’industrialisation de la colonisation. Nos élites ne produisent que de la féodalité et de l’importation. Lorsqu’ils sont acculés à l’échec ils appellent l’armée à la rescousse et recourent aux terminologie de la « modernité » et de l’Etat jacobin.  Il est par contre ahurissant de voir certains « islamistes » confiants dans le soutien européen et espérant leur attachement à la légitimité des urnes. La démocratie par les urnes est une illusion que la culture musulmane a depuis longtemps démasqué en montrant la voie prophétique : le pouvoir n’est pas à convoiter, mais le devoir est à accomplir.

La raison de la destitution de Morsi a été annoncée puis commentée à grand fracas par la presse arabe : échec de l’Islam politique et criminalisation du HAMAS. Nous sommes en réalité au cœur de deux enjeux : l’éveil du monde musulman comme alternative civilisationnelle et la résistance à l’Empire et au sionisme.

Les forces extérieurs  ont la capacité d’anticiper et de manipuler les civils et les militaires, les gouvernants et les gouvernés, les islamistes et les non islamistes. Ils ne sont pas forts, mais nous sommes faibles. Nous sommes loin, très loin, de nous hisser au niveau des véritables défis par notre dispersion et par notre inconséquence. Les forces intérieures ne parviennent pas à trouver un dénominateur commun ni à définir les lignes rouges que ni l’intérieur ni l’extérieur ne doivent franchir pour préserver la paix civile et engager le développement. Est-ce qu’elles vont avoir, un jour,  le courage de chercher à dévoiler la nature du conflit réel entre l’armée qui voulait imputer à HAMAS l’assassinat de soldats égyptiens au Sinaï au mois d’août 2012 et Morsi qui a refusé de croire à l’implication du HAMAS dans une opération qui lui aliène la population égyptienne et qui est illogique et immorale.

Le système égyptien a pris l’habitude de défendre Israël contre les Palestiniens. Il va tenter d’entraîner un peuple miné par la crise sociale et morale générée par ce système qui se croit le Messie le sauveur, le rédempteur. Contre ce système et contre l’ordre mondial donneur d’ordre de ce système il est impossible de voir réussir un système confrérique partisan et otage de ses marabouts.

Analyse de la destitution de Morsi par Mohamed Habib

Au moment où les éradicateurs se félicitent de l’échec ou de la fin de « l’Islam politique, Mohamed Habib – ancien conseiller du précédent Morchid (guide) des Frères musulmans donne sa version sur le coup d’Etat militaire contre la gouvernance partisane sous l’angle de  « Leçons à tirer et enseignement à méditer ». Il écrit en mettant noir sur blanc les mots qu’il faut aux maux que nous méritons et que nous accumulons :

Nous avons plaisir à attribuer nos échecs et  notre incompétence à un complot extérieur ou à la faute d’autrui.Peu d’entre nous ont suffisamment de courage  et de lucidité pour aborder les véritables raisons qui les conduisent à l’échec, et très  très peu   ont l’audace admettre l’échec et de s’en excuser publiquement. Personne, dans le monde arabe et musulman, et tout particulièrement dans cette époque,  n’envisage l’autocritique pour  se redresser, améliorer ses processus et rationaliser ses démarches. Cela exige une  grande force mentale. Il semble que nous allons passer encore un long moment avant de faire émerger cette culture – la culture de rendre des comptes – qui exige au préalable de grands efforts d’éducation, de  socialisation et de transparence avant de devenir une démarche normale  selon les termes «  Certes, la science est par  l’effort constant vers le savoir, et l’intelligence endurante par l’effort constant vers la compréhension des phénomènes «إنما العلم بالتعلم والحلم بالتحلم» » (hadith)

Je ne nie pas les nombreux obstacles et difficultés rencontrés par le Dr Morsi et les Frères musulmans depuis le premier instant de la gestion des affaires du pays, ni qu’il y avait des intentions pour faire avorter cette expérience, ni que la succession était un fardeau énorme et lourd dépassant de beaucoup la capacité des Frères musulmans ..

Ce qui est important ici est de faire la lumière sur l’ensemble des facteurs internes qui ont conduit à l’échec du Dr Morsi à gouverner et à se trouver confronté à la sortie dans la rue de dizaines de millions d’Égyptiens exigeant son départ.
Je peux résumer ces facteurs comme suit:

1 – La perte  (ou l’absence) de la vision stratégique dans la gestion de l’Etat eu égard au poids et à la dimension de l’Egypte.

2 – L’absence d’expertise et le manque d’expérience.

3 – L’erreur de faire reposer la gouvernance complexe du pays sur l’homme au lieu des institutions et en particulier de limiter le choix des hommes aux seules capacités et compétences des membres de la confrérie des Frères Musulmans.

4 – Le non recours aux personnes ayant les connaissances, l’expérience et l’efficacité et se limiter au cercle restrint et limité de la confrérie.

5 – Ne pas répondre ni prêter attention aux conseils et aux critiques.

6 – L’absence de réelle compréhension des problèmes et des crises que connaît le pays, comme si les gouverants vivaient sur une autre planète.

7 – Perte de la capacité de communiquer avec le groupe national (société civile et partis politiques).

8 – Ne pas fermer la porte à l’état de division et de fragmentation du pays, à la guerre civile et à la violence inter communautaire, ainsi que le silence devant les atteintes aux droits de l’homme et aux crimes et délits en hausse. Il est suffisant de dire que le nombre de morts dans l’ère du Dr Morsi a atteint le chiffre de 154 morts dont la majorité sont issus du camp politique adversaire au Frères musulmans.

9 – L’omission de prendre des mesures urgentes et efficaces en faveur de la justice sociale, et une préférence marquée pour l’alignement aux riches au détriment des pauvres, qui représentent la grande majorité de la population de l’Egypte.

10 – Fermer complètement les yeux sur l’application stricte de la justice envers les abus et les délits (avant et pendant la « révolution ») dans cette période transitionnelle, malgré les engagements pris par le Dr Morsi. Aucune mesure prise en faveur des martyrs de la révolution.

11 – Accentuation de l’ampleur de la crise sociale et économique. Il est étrange qu’aucune réponse ne soit apportée à rupture des approvisionnements de gaz, d’essence et de diesel.

12 – Ni réforme ni retructuration du Ministère de l’Intérieur.

13 – Le manque de clarté et de transparence. Il suffit juste de constater que beaucoup de ses collaborateurs et conseillers l’aient quitté.

En plus de ce qui précède, ce qui souligne d’une manière plus significative la mauvaise gouvernance du Dr Morsi est la remise des clés de l’Etat à quelques personnes ayant une influence néfaste sur le bureau d’orientation de la confrérie des Frères musulmans. L’homme n’a pas joué son rôle de président, il a accepté d’être gouverné derrière un rideau, provoquant ainsi réticence, agitation et confusion.

Nous avons attiré l’attention sur ces problèmes et leur répercussions sur l’avenir du pays et sur le devenir des Frères musulmans, mais il n’y a pas eu d’écoute et encore moins de réponse. Nul ne peut faire entendre un mort et nul ne peut donner la vie à celui qui joue le mort.

J’ai étudié la déclaration constitutionnelle de novembre 2012, qui comprenait des décisions dictature par excellence, et il faut avouer qu’elle est la mère des catastrophes .. Ce fut le point de départ, le début de la descente vers l’abîme. Cependant, il était encore possible de sauver l’homme lui-même, sa confrérie et la nation, s’il avait eu la lucidité de répondre aux demandes de l’opposition. Il avait eu de nombreuses occasions, mais malheureusement, il les a ratées. Il y avait une ultime chance de redressement lorsque le commandement général des forces armées accorda au Dr Morsi, aux Frères musulmans et à toutes les forces politiques nationales deux délais pour trouver une issue. Le premier délai d’une semaine et l’autre de deux jours, offrait l’espoir l’espoir de sauver le pays de sombrer dans la guerre civile. La fin de la première date limite était le 30 Juin, mais le Dr Morsi n’a pas réagi et a sous-estimé la capacité des foules à se rassembler et à sortir dans la rue pour exiger son départ, alors que la campagne «rébellion -Tamarrod» a recueilli plus de 22 millions de signatures signifiant qu’une grande masse lui a retiré la confiance et qu’il fallait aller vers l’organisation d’élections présidentielles anticipées. Ratant toutes les occasions il s’est enfoncé dans un discours qui montrait pourtant combien il était distrait, errant, déconcerté, et rempli de tension, de colère et d’émotion. Le discours était des mots sans conséquence, et fatalement la fin de toute chance de sympathie avec lui .. En bref, le discours était une déclaration de la fin de la véritable issue tant attendue…

Nous rappelons ici les raisons de la chute, pas pour se réjouir ou prendre sa revanche, mais pour témoigner à l’histoire. Nous devons disposer de moyens d’étude et tenir compte des indices si nous ne voulons pas tomber une fois dans le même piège et dans les mêmes erreurs. L’Egypte vaut davantage et pour cette raison nous ne voulons pas la voir se déchirer par procuration pour le compte de l’administration américaine et de l’ennemi sioniste. Il est urgent, avant d’appeler les gens à manifester et à revendiquer le retour à la légitimité de :
– rester loin de la sédition et la division,
– revoir l’historique des erreurs et faire le bilan
– refuser l’exclusion
– maintenir la porte grande ouverte pour recommencer l’expérience après avoir tiré leçons et médité les enseignements.

Je ne suis pas partisan des pleurs et des lamentations, ni favorable à la démarche visant à s’installer dans le rôle de la victime, ce qui n’aide pas. Nous voulons et nous devons voulons reconstruire sur les fondations d’un environnement propre et sain, exempt de blessures et d’esprit de revanche. Je sais combien est lourd et douloureux le poids des traumatismes et de la colère, le déni, la tristesse, mais j’espère que les Frères musulmans se guérissent de leurs blessures rapidement et qu’ils rassemblent de nouveau, avec détermination et efficacité leurs forces et leur énergie avant qu’il ne soit trop tard, car il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé.

Voici l’article original paru sur le site elwatannews.com/news/details/225472

يحلو لنا أن نعلق فشلنا وعجزنا على شماعة المؤامرة، أو على غيرنا.. القليل منا هو من تكون لديه الشجاعة للاقتراب من الأسباب الحقيقية التى أدت إلى الفشل، وأقل القليل منا من يمتلك جسارة الاعتراف بالفشل والاعتذار عنه علنا أمام الجميع، حتى يبدأ تصويب خطواته وترشيد مساره.. هذا بالفعل يتطلب قوة نفسية كبيرة، من الصعب أن تتوافر فى مجتمعاتنا العربية والإسلامية، خاصة فى هذا الزمان.. ويبدو أننا سوف نقضى وقتا طويلا حتى نتحلى بتلك الثقافة -ثقافة الاعتذار- الأمر الذى يستلزم التنشئة والتدريب عليها ومحاولة اكتسابها حتى تصير طبعا أصيلا، من منطلق «إنما العلم بالتعلم والحلم بالتحلم».

لا أنفى أنه كانت هناك عوائق وصعوبات كثيرة تعترض الدكتور مرسى والإخوان منذ اللحظة الأولى لإدارة شئون البلاد، وأن هناك من كان يسعى لتفشيله، فضلا عن أن التركة كانت ضخمة والعبء ثقيل.. أثقل بكثير من قدرات الإخوان.. ما يهمنا هنا هو إلقاء الضوء على مجموعة العوامل الداخلية التى أدت إلى فشل الدكتور مرسى خلال فترة العام التى حكم فيها والتى تسببت فى خروج عشرات الملايين فى ميادين وساحات مصر تطالب برحيله.. أستطيع أن أوجز هذه العوامل فيما يلى:

١- فقدان الرؤية الاستراتيجية لإدارة دولة فى وزن وحجم مصر.

٢- انعدام الخبرة والتجربة.

٣- محاولة اعتماد الرجل على قدرات وكفاءات أفراد الجماعة فقط فى المجالات المختلفة، بالرغم من قلتها كماً، ومحدوديتها كيفاً.

٤- الفشل فى الاستعانة بموظفى الدولة من ذوى العلم والخبرة والكفاءة من غير الإخوان.

٥- عدم الاستجابة أو الالتفات لأى نصح أو نقد.

٦- غياب الإدراك الحقيقى للمشكلات والأزمات التى تمر بها البلاد، وكأنه يعيش فى كوكب آخر.

٧- فقدان القدرة على التواصل مع الجماعة الوطنية.

٨- الوصول بالبلاد إلى حالة من الانقسام والتشرذم، والاحتراب الأهلى، والعنف المجتمعى، فضلا عن القتل والخطف وانتهاكات حقوق الإنسان، ويكفى إن يقال أن عدد القتلى فى عهد الدكتور مرسى وصل إلى ١٥٤ قتيلا، أغلبهم من المعارضين.

٩- الفشل فى اتخاذ أى خطوة نحو العدالة الاجتماعية، وتفضيل الانحياز للأثرياء على حساب الفقراء الذين يمثلون الغالبية العظمى لشعب مصر.

١٠- غض الطرف تماما عن تطبيق العدالة الانتقالية، رغم تعهد الدكتور مرسى بالقصاص للشهداء.

١١- ازدياد حجم الأزمة الاقتصادية بشكل مخيف، ناهينا عن أزمة البوتاجاز والبنزين والسولار.

١٢- عدم اتخاذ أى خطوة نحو هيكلة وزارة الداخلية.

١٣- عدم الوضوح والشفافية، ويكفى أن كثيرا من معاونيه ومستشاريه هجروه.

إضافة إلى ما سبق، نسوق قضية على درجة كبيرة من الأهمية وهى أن الدكتور مرسى أسلم رئاسة مصر لقيادات نافذة فى مكتب إرشاد الجماعة.. لم يكن الرجل هو الرئيس الفعلى.. كان هناك من يحكم من وراء ستار، وهو ما سبب ترددا واضطرابا وارتباكا.. وقد نبهنا إلى ذلك مرارا وتكرارا، بل حذرنا منه ومن مغبته وآثاره وتداعياته، لكن كما يقولون: قد أسمعت إذ ناديت حيا.. ولكن لا حياة لمن تنادى..

لقد كان الإعلان الدستورى الذى أصدره الدكتور مرسى فى ٢١ نوفمبر ٢٠١٢، والذى تضمن قرارات ديكتاتورية بامتياز، هو كارثة الكوارث.. كانت هذه نقطة البداية، بداية الصعود نحو الهاوية.. ومع ذلك كان من الممكن أن ينقذ الرجل نفسه والجماعة والوطن لو أنه استجاب لطلبات المعارضة.. كانت أمامه فرص كثيرة، لكنه للأسف، أهدرها.. لقد أعطت القيادة العامة للقوات المسلحة للدكتور مرسى وللإخوان ولكافة القوى السياسية والوطنية مهلتين؛ إحداهما لمدة أسبوع والأخرى لمدة يومين، على أمل إنقاذ البلاد من الوقوع فى حرب أهلية.. كانت نهاية المهلة الأولى فى ٣٠ يونيو، لكن الدكتور مرسى لم يتجاوب واستخف بقدرة الجماهير على الخروج، بالرغم من أن حملة «تمرد» جمعت أكثر من ٢٢ مليون استمارة من المواطنين لسحب الثقة منه وإجراء انتخابات رئاسية مبكرة.. وفى يوم ٣٠ يونيو، خرج عشرات الملايين من المصريين فى مشهد مهيب ومذهل وغير مسبوق فى تاريخ البشرية ليقولوا كلمتهم: «ارحل.. ارحل».. حتى الفرصة الأخيرة التى لاحت له مساء الثلاثاء ٢ يوليو، فشل فى استغلالها.. وخرج خطابه مهلهلا، مشتتا، تائها، حائرا، ومشحونا بقدر كبير من الغضب والتوتر والانفعال، فضلا عن أنه لم يقل شيئا ذا بال، ولم يدع لأحد فرصة التعاطف معه.. باختصار، كان الخطاب إعلانا للنهاية..

نحن نذكر هنا أسباب السقوط، لا للشماتة أو التشفى، لكن للتاريخ.. للدرس والعظة والاعتبار.. لا نريد أن نقع فى الشرك مرة أخرى، فيكفى ما فات.. فمصر تستحق ما هو أعظم وأروع.. لا نريد أن نقوم بتمزيق الوطن بالوكالة عن الإدارة الأمريكية والعدو الصهيونى.. لذا، أرجو أن يتوقف الإخوان عن تظاهرات «الشرعية» التى سقطت، ربما من قبل أن يخرج عشرات الملايين فى ٣٠ يونيو، وأن يبتعدوا عن التحريض على الفتنة والفرقة، وأن يراجعوا أخطاءهم ويعيدوا حساباتهم.. لا نريد إقصاء لأحد، والباب مفتوح على مصراعيه للبدء من جديد.. لست مع البكاء والنواح والعويل، ومحاولة استعادة دور الضحية الذى لا يفيد.. لكننا نريد البناء على أسس نظيفة وسليمة، خالية من الجروح والتقيحات.. أعلم هول الصدمة وما يعقبها من غضب وإنكار وحزن، لكن أرجو أن يلملم الإخوان شتاتهم ويضمدوا جراحهم سريعا وقبل فوات الأوان، إذ لا فائدة من البكاء على اللبن المسكوب.

Oumma Wasstà : communauté de rayonnement !

Partie 1 – Wassatiya : communauté de juste milieu ?

Partie 2 – Wasstà : communauté de rayonnement !

 

Le terme coranique Wasstà

Le terme Wasstà est un terme coranique qui pose le clivage entre communautés humaines sur la base de la foi agissante : monothéisme et œuvre de bien d’un côté et culture mécréante et impériale de l’autre. Il ne s’agit pas de la Wassatiya comprise comme juste milieu entre des contradictions ou des confusions.

Nous ne pouvons comprendre le sens véritable de ce mot et tout particulièrement dans son contexte moderne que par le respect de la méthodologie de lecture du Coran en l’occurrence  le Tartil et le Taddabbur. Le Tartil  n’est pas seulement la psalmodie musicale du Coran, mais la lecture attentive et méditative qui prend l’énoncé coranique comme un convoi de sens, un cortège de paraboles, un défilé de récits se suivant les uns les autres et s’auto expliquant. Le Taddabbur c’est de chercher le sens en cherchant à comprendre l’amont de l’énoncé et à découvrir les liaisons de sens permettant de faire sortir le véritable sens qui aurait pu ne pas être apparent si le terme ou l’énoncé était pris comme un isolat lexical ou sémantique . De la même manière qu’on lit une carte en la déployant,  en comparant le relief, en suivant les réseaux, en faisant des agrandissements ou des réductions d’échelles nous lisons l’énoncé coranique comme une topographie permettant de situer le récit et le sens.

Ainsi le terme Wassata :

{Nous avons fait de vous une communauté du « juste milieu »} Al Baqara 143

S’inscrit dans une succession d’énoncés qui font référence à Ibrahim (as) et à sa milla (confession), à la Sibghat Allah (couleur d’Allah) nous permettant ainsi de comprendre que le Wassat signifie l’adoption de l’Islam dans son caractère universel de Dine d’Allah pour l’humanité. Cette succession d’énoncés met en valeur la vocation cardinale du musulman : le témoignage. Cette succession d’énoncés met en exergue le véritable clivage entre monothéisme et polythéisme. Cette succession d’énoncés montre des communautés se réclamant des Prophètes alors qu’elles transgressent la conduite de ces Prophètes. La communauté Wassat est celle qui se conforme à la voix prophétique. Les Prophètes ont appelé à l’adoration d’Allah (swt), à la fédération d’une communauté œuvrant pour la foi et pour le bien. Les Prophètes n’ont pas revendiqué le pouvoir. Les Prophètes et les communautés qui ont bénéficié du pouvoir ne l’ont obtenu que comme un don divin qui vient récompenser les uns devenus héritiers des civilisations anéanties ou qui vient soumettre les autres à l’épreuve de l’existence et de la gouvernance.

Nous pouvons commencer la lecture avant ou à partir de cet énoncé :

{Les Juifs ont dit : « Les Nazaréens ne tiennent sur rien », et les Nazaréens ont dit : « Les Juifs ne tiennent sur rien », et ils récitent le Livre! Ainsi ceux qui ne savent pas disent aussi les mêmes paroles. Mais Allah tranchera alors entre eux, le Jour de la Résurrection, sur ce dont ils divergeaient.} Al Baqarah  113

Puis l’achever après ou juste après  cet énoncé

{Nous vous avons envoyé un Messager de parmi vous, vous réciter Nos Ayats, vous épurer, vous apprendre le Livre et le sens, et vous apprendre ce que vous ne saviez pas, de même, évoquez mon Nom, Je vous garderai; soyez reconnaissants envers Moi et ne mécroyez point. O vous qui êtes devenus croyants , ayez recours à la persévérance et à la prière. Certes, Allah est avec les persévérants.} Al Baqarah  151

Le terme coranique du Wassat appelle donc à l’universel de l’Islam et à la voix immuable des Prophètes alors que le terme qaradhawien de la wassatiya appelle au confinement dans les frontières mentales, sociales et historiques léguées par le colonialisme et par la pensée héritée de la décadence musulmane avec ses déchirements partisans et sectaires. Cet héritage ne parvient toujours pas à se hisser au niveau de l’Islam en se débarrassant de l’esprit d’errance et d’isolement. Cette pensée stérile ne parvient pas à s’inscrire dans un projet de civilisation ou dans une alternative à l’Empire. Et pourtant le Coran fixe le curseur idéologique et les enjeux stratégiques qui nous  permettent de voir les clivages principaux :

{Et ils disent : « Soyez juifs ou nazaréens, vous serez guidés ». Dis : « Bien au contraire : la confession d’Abraham, pur monothéiste, et qui ne fut point du nombre des polythéistes ».

Dites : « Nous sommes devenus croyants en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qui a été révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Dieu. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ».

S’ils croient en cela même que vous croyez, ils se sont effectivement bien guidés, et s’ils s’en détournent, c’est qu’ils sont en schisme. Certainement Allah sûrement te Prémunira contre eux, car Il est L’Omniaudient, L’Omniscient.} Al Baqarah 135 à 137

Quelle est notre voie : contre ceux qui ont la même Qibla que nous ou contre ceux qui luttent contre notre foi et qui convoitent nos territoires et nos ressources au détriment de notre existence et de notre dignité ?

{De même, Nous avons fait  de vous une Communauté du centre afin que vous portiez témoignage auprès des hommes, et que le Messager vous soit témoin. Nous n’Avions établi la Qibla vers laquelle tu t’orientais que pour voir qui suit le Messager de celui qui retourne sur ses pas, bien que ce soit une lourde obligation, sauf pour ceux qu’Allah A Guidés. Il n’est pas de mise qu’Il vous Fasse perdre votre Foi : Certes, Allah Est sûrement Compatissant, Miséricordieux, envers les hommes.

Nous te Voyons vraiment chercher du visage dans le ciel. Nous t’Orienterons vers une Qibla qui t’agrée : tourne ton visage vers la Mosquée Sacrée. Et où que vous soyez, tournez vos visages vers sa direction : Certes, ceux à qui le Livre a été Révélé savent bien que c’est la Vérité venue de leur Dieu, et Allah n’Est point Inattentif à ce qu’ils font.

Et même si tu produisais tout miracle, à ceux qui reçurent le Livre, ils ne suivront pas ta Qibla et tu ne suivras pas leur Qibla, ni certains d’entre eux ne suivront la Qibla des autres. Et si jamais tu suis leurs passions, à partir de ce qui t’a été donné de la Science, tu seras sûrement du nombre des injustes.} Al Baqarah 143 à 145

Est-ce-que notre véritable problème ne consiste-t-il  pas à ce que nous soyons devenus des  insensés incapables de savoir que nous sommes atteint d’insenséïsme. Est-il sensé d’être  incapables de discerner nos agresseurs de ceux qui suivent la même Qibla que nous :

{Les insensés d’entre les gens diront : « Qu’est-ce qui les a détournés de leur Qibla vers laquelle  ils s’orientaient ? » Dis : « A Allah appartiennent le levant et le ponant, Il Guide qui Il Veut vers un chemin de rectitude ».} Al Baqara 142

N’est-il pas urgent de chercher le dénominateur commun pour fédérer nos peuples et canaliser nos ressources et nos énergies vers ce qui est le plus efficace et le plus sensé. Allah(swt) accorde le pouvoir à celui qui obéit à Ses ordres et à ceux de son Prophète et qui œuvre pour la cohésion de la communauté et la réforme des mœurs sans viser autre chose que plaire à Allah :

{Leur Prophète leur dit : « Allah vous A Envoyé Saül comme roi ». Ils dirent : « Comment donc peut-il avoir le pouvoir sur nous, alors que nous avons plus de droits que lui au pouvoir, et qu’il n’a même pas l’avantage de la fortune ? Il dit : « Allah l’a élu sur vous et l’a favorisé d’une une étendue de science et de vigueur ». Allah Accorde Son Pouvoir à qui Il Veut.} Al Baqara 247

Le critère islamique n’est pas dans la prétention diabolique à dire je suis mieux que lui donc je mérite sa place, attitude qui ouvre le chemin vers la convoitise et la spoliation des droits d’autrui, mais à agir au mieux en accomplissant son devoir tout en escomptant d’Allah le salut et la récompense. La première chose que le Musulman apprend est la malédiction pour cette  prétention de Satan, créé de feu, à se croire meilleur que Adam (as), créé d’argile puante.

Les textes sont clairs et il appartient aux partisans de la sédition et de la licité  de verser le sang des musulmans pour changer les régimes à n’importe quel prix et puis se trouver dans l’incapacité de gouverner faute d’encadrement et de vision stratégique d’apporter leurs arguments. Je ne suis  ni dans le camp du pouvoir ni dans celui des opposants, je ne fais qu’apporter la détraction à ceux qui parlent au nom de l’Islam et dégager ma responsabilité sur l’effusion de sang qui ne semble pas s’arrêter.

Wastà et l’universel 

Lorsque le musulman lit le Coran et lit le monde, il ne doit pas perdre de vue que les phénomènes physiques, historiques et sociaux à l’instar du texte coranique sont des Signes d’Allah (swt) par lesquels Il manifeste Sa Présence, Sa Justice et Son Ordre. Le long énoncé coranique qui définit, institue et configure le sens et les dimensions de la Oumma wassata est une référence à l’universel dans lequel nous devons nous insérer et nous inspirer si nous voulons que nos pensées et nos actions soient sensées et efficaces :

{Il y a certes dans la création des Cieux et de la terre, dans l’alternance de la nuit et du jour, dans les navires qui voguent sur la mer avec ce qui est profitable aux hommes, dans ce qu’Allah a fait descendre comme eau, du ciel, avec laquelle Il a ranimé la terre après sa mort et y a insufflé de tout être vivant, et dans les effets des vents et les nuages assujettis entre le ciel et la terre, des Signes pour des gens qui raisonnent.} Al Baqara 164

L’universel, la connaissance de ses lois et le devoir de porter l’ultime Message de l’Ultime Prophète à l’humanité plurielle nous obligent à sortir de nos étroitesses de vues et de pensées.

a-  Nous devons garder en vue que jamais Allah ne donnera le pouvoir à celui qui le convoite :

  {Et lorsque Nous avons conclu Alliance avec vous : « Ne répandez pas votre sang, ne vous expulsez pas les uns les autres de vos demeures », vous y avez souscrit en apportant votre témoignage. Puis, voilà que vous vous entre-tuez, vous expulsez un groupe d’entre vous de leurs demeures, vous vous liguez contre eux par la transgression et l’agression; et s’ils vous échoient en captifs, vous les rançonnez, alors qu’il vous est interdit de les expulser. Croirez-vous donc en une partie du Livre et rejetterez-vous en une partie ?} Al Baqara  84 à 86

b-  Je ne peux prétendre connaitre le dessein d’Allah, mais Allah n’accorde le pouvoir, pour qu’il soit exercé à Son Nom, qu’à ceux qui sont préparés à gouverner non en son nom, mais selon ses principes en l’occurrence faire régner l’ordre, la justice, la paix et la cohésion sociale. L’énoncé coranique dans lequel est insérée la communauté Wassat cite des Prophètes qui n’ont ni exercé le pouvoir ni revendiqué le pouvoir. Cet énoncé ne pose pas l’équation humaine ou musulmane en termes de pouvoirs politiques, mais en termes d’universel qui concerne tout le monde et toutes les activités humaines :

 {A chacun une direction vers laquelle il se dirige. Concourez donc en œuvres de bienfaisance} Al Baqara  148

c-  Il ne peut y avoir d’universel, d’humanité ou d’islamité si l’amour mondain est plus fort que l’amour de la vérité  ou si la dévotion à un Cheikh, à un parti ou à une idée est plus intense que l’amour d’Allah :

{Il est parmi les hommes ceux qui adoptent, à l’exclusion d’Allah, des émules qu’ils aiment comme l’amour d’Allah, mais ceux qui croient sont plus ardents dans l’amour d’Allah.} Al Baqara  148

d-  Peut-on raisonnablement croire qu’il suffit de se réclamer de l’Islam et de s’appuyer sur des crédules pour gouverner avec aisance alors que l’époque est celle de la globalisation exigeant une démarche globale et complexe faisant appel à toutes les compétences et à toutes les expériences. L’État confisqué par les maffias arabes s’est entouré de médiocres sur la base du clientélisme et de la cooptation. Les partis dits islamiques, sans expérience de gouvernance,  sans alliés stratégiques  et sans ressources se permettent le luxe insensé de ne pas faire appel aux compétences de la communauté sous prétexte que ces compétences ne partagent pas leur vision ( ?). Nous avons vu que contrairement à la vision aveugle des islamistes, l’énoncé coranique sur la Oumma wassat déroule  l’histoire, sa dynamique et ses conséquences :

{Cette communauté-là a disparu. Elle a ses acquis et vous avez vos acquis; et vous n’aurez pas à répondre de ce qu’ils faisaient.} Al Baqarah 134

{Dites : « Nous sommes devenus croyants en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qui a été révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Dieu. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ».} Al Baqarah 136

{Cette Communauté-là a disparu. Elle a ses acquis et vous avez vos acquis, et vous n’aurez pas à répondre de ce qu’ils faisaient.} Al Baqarah 141

e-   Agir et laisser les actes témoigner. Depuis leur arrivée au pouvoir les Frères Musulmans comme les dirigeants du FIS avant leur triomphe électoral ont continué d’escamoter les mesures sociales et économiques leur préférant la rhétorique facile et irresponsable. Le FMI, la dette, l’investissement, le marché, la monnaie, l’économique, les ressources stratégiques, les besoins et les attentes du peuple sont relégués au profit d’un discours partisan. Le Prophète (saws) avait pourtant fait de la subsistance, de l’édification,  du plein emploi, de la scolarité, de l’assainissement urbain et de la libération du marché du monopole financier des Juifs une priorité et un destin qu’il a accompli en peu de temps. L’énoncé coranique sur la Oumma Wassat montre les mesures qui donnent vitalité à cette communauté et à cette « wassatiya » :

{O Hommes ! Mangez de ce qu’il y a sur la terre de licite et de bon, et ne suivez point les pas de Satan : il est pour vous un ennemi évident.} Al Baqarah 168

Au nom d’Allah (swt), de Mohamed (saws) et de l’Islam non seulement les charlatans fuient leurs responsabilités, mais ils continuent de tourner le dos à la réalité amère qu’ils ont fabriquée : les tués sans raison, les orphelins, les invalides, les déscolarisés, les prostitués, les affamés, les sans-logis, les sans-patrie par dizaine de milliers en Syrie. Les Palestiniens en première ligne dans la résistance contre l’Empire et le sionisme sont oubliés et trahis.

Est-ce que c’est ainsi que doit se comporter la Oumma se réclamant du Wassatà

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{Nous avons fait de vous une communauté du « juste milieu »} Al Baqara 143

 

Quel est le sens coranique du Wassat ?

Les énoncés coraniques évidents qui se suivent mettent en exergue le caractère universel de l’Islam dans la succession des Prophètes dans l’humanité,  dans ses valeurs immuables inscrites l’histoire des hommes et dans la confrontation de ses hommes, dans la vocation globale des Musulmans à témoigner de la vérité et de la vertu contre les oppresseurs par amour d’Allah à l’instar d’Ibrahim, de Moïse et du Messie qui ont vécu confrontés à la puissance impériale et à l’idolâtrie.  Mohamed (saws) est l’ultime Prophète, il nous a tracé le chemin : la lutte contre les empires agresseurs. La oumma Wassat est cette continuité historique et civilisationnelle de la vocation de l’Islam qu’Ibrahim a transmis à Mohamed (saws) :

{Et lorsque Abraham élevait les assises de la Maison ainsi qu’Ismaël : « Notre Dieu, Agrée de nous, Tu Es Toi L’Omni-Audient, Le Tout-Scient ; notre Dieu, Fais que nous nous remettions à Toi, et de  notre descendance : un peuple qui Te soit musulman. Montre-nous nos rites, Fais-nous Rémission, Tu Es Toi Le Rémissif, Le Miséricordieux ; notre Dieu, et envoie-leur un Messager d’entre eux, qui leur récite Tes Signes, qui leur apprenne le Livre et le Sens, et qui les épure. Tu es Toi L’Invincible, Le Sage ».} Al Baqarah 127 à 129

Ou bien nous sommes la réponse d’Ibrahim(as), la communauté de réponse à Mohamed (saws), la communauté de continuité des Prophètes, ou bien  nous sommes des insensés. Insensés ou sensés nous ne sommes pas à l’abri de l’épreuve à laquelle est soumise l’humanité pour distinguer le bon du mauvais, le juste de l’injuste, le vertueux du vicieux, l’endurant de l’empressé désespéré :

{Certes, Nous vous éprouvons,  de temps à autre, par la peur, la faim, et la perte dans les biens, les personnes et les récoltes. Mais annonce une bonne nouvelle aux persévérants} Al Baqarah 155

La communauté Wassat est une fratrie de foi vivante. Elle vit et surmonte les épreuves avec une finalité suprême : rencontrer Allah (swt) après avoir accompli son devoir de faire le bien et sa vocation de témoigner. Il s’agit de vivre comme moteur de l’histoire humaine et non comme parasite ou comme marginal ou comme un intrus provoquant corruption, désordre et effusion de sang. Bien entendu l’idée de juste milieu telle que nous la racontent Qaradhawi et les traducteurs du Coran est en deçà du sens coranique.

Suivons les linguistes arabes qui font  la différence entre Wastà et moutawassita

الوسطى #  المتوسطة

Al moustawassita signifie médiane, milieu, moyenne, intermédiaire entre deux entités. Wastà signifie vertueuse, meilleure, excellente au-dessus des autres. Dans le premier cas nous sommes dans un alignement, dans le second cas nous sommes dans une élévation, une aspiration. C’est exactement le sens et le contenu du Coran lorsqu’il qualifie la communauté musulmane de Wasstà. Elle est au-dessus des contingences, des petitesses et des arrangements conjoncturels par sa référence invariable à la Transcendance. Elle est meilleure, elle est élue par la qualité de ses œuvres, la qualité de sa foi, la qualité de son engagement et par sa conformité stricte au sens véhiculé par le terme « Musulman » qui a été porté par tous les Prophètes et tous les Croyants. Toute dérive religieuse, idéologique et culturelle qui met la communauté musulmane dans la même impasse que celle empruntée par les Juifs et les Chrétiens la fait sortir du critère d’évaluation coranique de Wassat ou Wastà :

{Et ils disent : « Soyez juifs ou nazaréens, vous serez guidés ». Dis : « Bien au contraire : la confession d’Abraham, pur monothéiste, et qui ne fut point du nombre des polythéistes ». Dites : « Nous sommes devenus croyants en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qui a été révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Dieu. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ». S’ils croient en cela même que vous croyez, ils se sont effectivement bien guidés, et s’ils s’en détournent, c’est qu’ils sont en schisme} Al Baqarah 135 à 137

Sur le plan sémantique et logique on ne peut concevoir que l’énoncé coranique puisse situer la communauté musulmane comme une communauté médiane se situant au milieu d’un schisme religieux, doctrinal ou idéologique à moins qu’elle n’ait perdu ses repères et ses références. Il ne s’agit pas d’un schisme entre Sunnites et Chiites mais d’un schisme sur le credo de la foi, sur la Qibla, sur la vérité ultime du Jugement dernier, sur la vocation des Prophètes.

Sur le plan historique et civilisationnel, on ne peut déboiter l’énoncé et ses références à l’universel de la notion de centre de gravité que doit jouer la communauté de foi dans la guidance de l’humanité, dans la proposition de solutions. En effet le terme Wassat signifie aussi le centre. On dit Wassat al Madina pour désigner le centre-ville même si géographiquement cela n’est pas exact. Il s’agit du centre vital, du centre historique, du centre commercial, du centre urbain, du centre de l’animation, du centre d’attraction, du centre commercial, du centre administratif …

La notion de Wassat est conforme à la nature humaine et à ses quêtes de sens, de liberté, d’amour, de justice, de gloire, d’excellence… En effet, par son choix l’homme peut faire partie d’un mouvement centrifuge qui lui fait chercher son centre de gravité, lui fait trouver ses repères et lui donne cette compétence d’être une force d’attraction qui invite et attire vers lui les bonnes dispositions et les bons comportements ou qui ramène vers lui les conflits et les divergences pour les arbitrer, les aplanir, les régler :

{Il y a cependant, parmi ceux que Nous avons créés, une communauté dont les membres s’attachent à la vérité et jugent avec équité.} Al-A’raf 181

L’islam veut que la communauté de foi soit un pôle de rayonnement spirituel, mais aussi un poids géostratégique qui exerce une influence positive sur le monde et une force de coercition contre le mal et le blâmable :

{Puissiez-vous former une communauté qui prêche le bien, ordonne ce qui est convenable et interdise ce qui est répréhensible. Ce sont ceux qui agissent ainsi qui seront les bienheureux !} Al-’Imrane – 104

{Vous êtes la meilleure communauté qui n’ait jamais été donnée comme exemple aux hommes. En effet, vous recommandez le Bien, vous interdisez le Mal et vous croyez en Allah.} Al-i’Imran – 110.

{Nous avons fait de vous une Communauté du centre afin que vous portiez témoignage auprès des hommes (sur les hommes), et que le Messager vous soit témoin.} Al Baqara 143

Cette communauté n’est pas celle du  « juste milieu », mais celle de ce que la littérature moderne appelle l’avant-garde ou l’élite. Il ne s’agit pas du comportement élitiste ou élitaire du prétentieux et de l’arrogant, mais du don, du sacrifice, de l’offre, du dévouement. Les Prophètes ont ouvert les voies, ils ont surmonté les difficultés, ils ont donné leur vie au service de l’humanité. Bergers, artisans ou gouvernants, ils ont forgé des outils et édifié des communautés. Ils n’ont pas cherché le juste-milieu politicien, le centre tactique. Ils ont été avec ceux qui les ont accompagnés, des forces de répulsion contre le mal et des forces d’attraction du bien. Les mots ne sont pas un gargarisme bavard, mais un canevas d’idées, de comportements et ils doivent être précis et rapportés à leur contexte réel pour ne pas générer de la confusion.

Cette communauté centrale, de rayonnement, de centre de gravité, de foi, de vertu et d’action bienfaitrice ne peut être un électron libre que chacun impulse ou neutralise selon ses intérêts, mais une oumma al wassat, la communauté du centre de gravité qui pèse dans le déroulement de l’histoire. Il ne s’agit pas d’une masse bruyante, mais d’effort consciencieux, assidu et permanent à tous les niveaux et dans toutes les activités.

La notion d’universelle me semble plus pertinente dans une communauté se déployant comme un atome avec son noyau pesant et ses électrons pleins d’énergie gravitant autour sur des couches d’énergies que d’une vision linéaire d’un milieu entre des parties extrêmes. C’est aussi l’image  que nous avons des astres et des galaxies dans le ciel. La balance, elle-même n’est pas obligatoirement une chose linéaire avec un milieu ou une médiane.  Il est évident que la balance est davantage un principe dynamique qu’un instrument chosifié.

La communauté Wasstà ou wassata signifie bien cette force centrifuge qui doit caractériser la communauté musulmane  dans les attractions et les répulsions entre communautés. Elle devrait être le pivot sur lequel s’appuie toute l’humanité pour instaurer la justice et lutter contre l’injustice. Le wassat permet de bien situer la communauté musulmane sur le terrain qu’elle doit investir et sur lequel se fait la démarcation avec les autres communautés et sur lequel se fait la démarcation intellectuelle, politique et sociale en son sein. Ce terrain lorsqu’il est configuré par la foi, l’idée, le comportement, l’histoire et l’acte, il est forcément  celui de la civilisation. Il est particulièrement remarquable de voir la dynamique de l’émergence ou de l’anéantissement des civilisations. La succession des communautés, la succession des Prophètes et le rapport  de ces prophètes avec les civilisations de leur époque invite à voir la question de la communauté wasstà comme un pôle de rayonnement civilisationnel ou comme une alternative à la civilisation en voie de disparition. Il est difficile de voir dans ces références une quelconque crédibilité ou une quelconque validité à ces prétentions confrériques sectaires, du frérisme ou du salafisme,  qui se réclament davantage du maraboutisme politico-religieux et de l’errance socio culturelle que de la démarche. L’expérience vient de confirmer qu’ils ne peuvent pas répondre aux attentes, malgré qu’ils soient dans une posture messianique. Il leur manque non seulement le soutien populaire, mais il leur manque surtout la dimension prophétique qui leur fait voir la vocation de l’Islam et de la communauté centrale.

La symbolique Wasstà dans la Sourate Al Baqarah

Le terme coranique Wasstà se trouve au verset 143 de la sourate Al Baqarah qui comporte 286 versets. Nous ne sommes pas au milieu scriptural de l’énoncé, mais nous sommes au cœur du sens véhiculé par la première sourate du Coran. Cette architecture complexe avec ses signifiants en rhizome exclut la simplification de « juste milieu » qui vide le contenu de la vocation du musulman de toutes ses charges. Nous sommes au cœur du moteur de la foi, nous sommes au cœur du drame humain, nous sommes au cœur des préoccupations du musulman.

La sourate Al Baqara tire son nom de l’immolation d’une génisse dont un des quartiers devient un instrument par lequel Moïse, sur instruction divine, fait  ressusciter un homme assassiné afin qu’il renaisse et dévoile son assassin caché au milieu d’une communauté d’incrédules, de pervers et de transgresseurs. Le sens de la vie et de la mort, la résurrection après la mort, la foi vivifiée par les Prophètes face à la foi pétrifiée par les préjugés, mériter ou démériter l’élection divine selon ce qu’on fait de sa foi et de ce qu’on fait pour sa foi. La sourate al Baqarah construit la foi et l’enracine dans le profond du cœur pour devenir le moteur, le critère, la finalité de l’existence du croyant. La foi est le cœur de l’homme. La vertu est le cœur de la cité humaine. Le savant et les appareils religieux et politiques lorsqu’ils transgressent l’esprit et la lettre de l’enseignement véhiculés par la sourate Al Baqarah, ils deviennent des symboles de discorde et de confusion.

Procédons à une brève analyse lexicale des verbes Baqara et Abqara

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La sourate Al Baqara tire son nom du verbe arabe « BAQARA ». Il  signifie « creuser la terre et y  fouiller profondément et méticuleusement  ». Il signifie aussi immoler un animal et examiner ses entrailles comme le fait un chirurgien vétérinaire. Il s’agit de disséquer un corps et de chercher dans ses entrailles pour faire sortir à l’extérieur tout ce qui est dedans et ensuite l’exposer à la lumière du jour. Les Arabes désignent le savant de « Baqer » car « baqara al ‘Ilm » signifie se consacrer à la science d’une chose par la recherche minutieuse de ses signes, la quête de ses sources et la mise en évidence des faits, des lois et de leurs interactions. Encore une fois il s’agit de références au témoignage avisé et impartial qui ne doit  rien cacher ni rien ménager de l’effort à entreprendre pour puiser au fond des choses, des phénomènes, des problèmes, de l’histoire. Il est attendu de l’homme de foi la vigilance et l’examen attentif, afin d’extirper le mal à sa racine et de mettre en évidence la vérité même si elle est cachée au fond des fonds. Les démarches superficielles et intempestives compliquent l’accès à la vérité par leur capacité réductrice et simpliste des phénomènes ou par l’introduction de biais cognitifs ou de confusion sentimentale ou idéologique.

L’analyse lexicale nous met face à un autre signifiant qui ne contredit pas les sens de la sourate Al Baqara, mais vient les renforcer :

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Baqara signifie aussi s’exiler. La sourate Al Baqarah met en évidence toutes les idées, tous les comportements et tous les faits des Bani Israël présentés comme un spécimen réduit de l’humanité. Il nous invite à prendre pour modèle la vertu des Prophètes, et il nous ordonne de nous détourner des insensés, des pervers et des manipulateurs de la religion qui faisaient légion dans les Gens du Livre et en particulier chez les Descendants d’Israël et chez les Juifs. Il ne s’agit pas de chercher un hypothétique et improbable juste milieu entre des extrêmes et des transgressions, mais de chercher l’alternative quitte à s’exiler. Affronter idéologiquement et militairement le bloc représentant, dans les temps modernes,  le comportement dénoncé par le Coran à travers Bani Israël, exige un travail de reconnaissance, d’identification, d’analyse minutieuse. La rhétorique discursive ne suffit pas.  L’opinion personnelle qui se passe du Coran ou qui lui donne une autre lecture n’apporte que confusion dans le projet de renaissance de la communauté Wasstà.

Dans mes recherches je suis tombé sur une explication qui mérite le respect. Le frère palestinien Salah Eddine Ibn Ibrahim Abou Arafa fait le rapprochement entre Baqara (ou Aqbara) et Qabara (ou Aqbara) qui consiste à enterrer, à mettre sous tombe. Il s’agit donc de déterrer, de redonner vie, de faire resurgir ce qui a été enfouie, de redonner existence à a été occulté. Nous sommes dans le cœur de la Sourate al Baqara : redonner vie à la vérité, ressusciter la foi oubliée,  faire émerger de la torpeur de  l’humanité une communauté de vertu, dynamique et vivifiante.

En examinant toutes ces définitions et en les comparant au sens lexical, sémantique et symbolique, il me semble que le cœur du message coranique se focalise sur le verbe Baqara dans son rapport intrinsèque au témoignage que doit porter la communauté de foi aux autres communautés.  Les Bani Israël ont perdu l’excellence lorsque ils ont perdu le sens du témoignage. Le témoignage est vidé de sa valeur, de son contenu, de son impartialité et de son efficacité lorsque le témoin et le communicant perdent le sens de la vérité au profit de la confusion, de l’amalgame et de l’esprit partisan. Le témoin ne peut être écouté ou entendu s’il vit en marge de l’existence :

{Ne confondez pas le Vrai avec le faux, et ne taisez pas la Vérité alors que vous savez.} Al Baqarah 42

Bien entendu, je n’ai pas épuisé et je ne pourrais pas épuiser toutes les possibilités que permet la langue arabe. Bien entendu ma lecture reste imparfaite et limitée. Je peux me tromper. Je prends le risque de me tromper au lieu de garder le silence, car il y a une vocation que le Prophète (saws) a tracé et que nous semblons ignorer malgré que nous nous gargarisons de versets et de hadiths.

L’évidence de l’énoncé coranique

{ سَيَقُولُ ٱلسُّفَهَآءُ مِنَ ٱلنَّاسِ مَا وَلَّٰهُمْ عَن قِبْلَتِهِمُ ٱلَّتِي كَانُواْ عَلَيْهَا قُل للَّهِ ٱلْمَشْرِقُ وَٱلْمَغْرِبُ يَهْدِي مَن يَشَآءُ إِلَىٰ صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ }

{ وَكَذَلِكَ جَعَلْنَاكُمْ أُمَّةً وَسَطاً لِّتَكُونُواْ شُهَدَآءَ عَلَى ٱلنَّاسِ وَيَكُونَ ٱلرَّسُولُ عَلَيْكُمْ شَهِيداً وَمَا جَعَلْنَا ٱلْقِبْلَةَ ٱلَّتِي كُنتَ عَلَيْهَآ إِلاَّ لِنَعْلَمَ مَن يَتَّبِعُ ٱلرَّسُولَ مِمَّن يَنقَلِبُ عَلَىٰ عَقِبَيْهِ وَإِن كَانَتْ لَكَبِيرَةً إِلاَّ عَلَى ٱلَّذِينَ هَدَى ٱللَّهُ وَمَا كَانَ ٱللَّهُ لِيُضِيعَ إِيمَانَكُمْ إِنَّ ٱللَّهَ بِٱلنَّاسِ لَرَءُوفٌ رَّحِيمٌ }

{Les insensés d’entre les hommes disent :  » Qu’est-ce donc qui les a détournés de la Qibla vers laquelle ils se tournaient auparavant ?  » Dis :  » Le Ponant et le Levant appartiennent à Dieu ; Il guide qui Il veut dans une voie droite. Ainsi, Nous avons fait de vous une Communauté du juste milieu pour que vous soyez témoins envers les hommes et pour que le Prophète soit un témoin envers vous. Nous n’avions établi la Qibla vers laquelle tu te tournais que pour distinguer celui qui suit l’Envoyé de celui qui tourne les talons. Cela [le changement de Qibla] a été une épreuve pénible, sauf pour ceux que Dieu a guidés ; car ce n’est pas Dieu qui rendra vaine votre foi ! Dieu, en vérité, est compatissant et clément envers les hommes.« } Al Baqara 142

L’Orient et l’Occident, le Ponant et le Levant, dans une Terre ronde et mobile, ne sont pas des extrémités spatiales dont il faut chercher le centre médian. Ils sont des Ayat qui témoignent de la Présence, de la  Grandeur et de la Puissance d’Allah que les insensés ne voient pas. La communauté wassatà ne se situe pas par rapport à des axes géographiques ou par rapport à des étendues  territoriales ou par rapport à des références temporelles, mais dans son ancrage par la foi et par la raison à ce que les insensés ne comprennent pas : la Qibla. Cette Qibla n’est pas un lieu géographique, mais une histoire permanente depuis l’apparition de l’homme sur terre et qu’Abraham a restauré : la lutte entre le monothéisme et l’idolâtrie dans leurs formes et leurs contenus religieux, sociaux, culturels…  Nul ne peut témoigner aux hommes s’il n’occupe pas une position centrale, une posture dominante, un rôle rayonnant sur le plan spirituel, moral et civilisationnel. Accomplir sa vocation de témoignage et jouer son rôle d’avant garde pour l’humanité  éprouvant, tragiquement éprouvant lorsque les insensés tournent en dérision les sensés.

Conclusion

Le sujet n’est pas épuisé. Louange à Allah qui m’a permis de suivre quelques pistes et de les soumettre pour étude à ma communauté. Bien entendu les erreurs et les fautes dans ce texte sont imputables à moi-même.

Partie 1 – Wassatiya : communauté de juste milieu ?

Partie 2 – Wasstà : communauté de rayonnement !

Wassatiya : communauté du juste milieu ?

Partie 1 – Wassatiya : communauté du juste milieu ?
Partie 2 – Wasstà : communauté de rayonnement !

Dégage Morsi !

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La manifestation  contre le président Morsi, élu démocratiquement, demande son départ. Tous les Arabes sont unanimes pour rejeter leurs gouvernants, mais les élites religieuses n’ont pas la même démarche selon qu’il s’agit de Bachar Al Assad ou de Morsi.

Avant de nous attaquer aux élites religieuses, il nous faut lever un doute sur la capacité de nuisance des forces anti islamiques que les Frères Musulmans n’ont pas évalué à sa juste importance. Ils ont oublié Saïd Saâdi et Khalida Messaoudi promettant à Abassi Madani de ne pas le laisser parvenir au pouvoir. Tous ils font la même faute : sous-estimer leur adversaire et rester confinés dans la démagogie et le clan. Hier, comme aujourd’hui nous sommes face à la même donne. Les islamistes provoquent les césures au lieu de fédérer. Les laïcs et les nationalistes qui accusent les islamistes de ne pas savoir gouverner oubliant qu’ils étaient impliqués, de près ou de loin, dans la gouvernance des despotes et qu’ils ont participé à la paupérisation du peuple et que leurs appels gauchistes ou libéraux ne font que creuser le fossé idéologique. Mohamed Baradai le destructeur de l’Irak et Amr Moussa le destructeur de la ligue arabe ne sont pas qualifiés pour donner des leçons politiques  leurs adversaires. Il ne faut donc se faire aucune illusion sur les enjeux réels ni sur l’issue. Mais il faut de la lucidité et aller au delà de ces épiphénomènes.

Dans mon livre « Les Dix Commandements US et le dilemme arabe », j’ai montré l’impasse de la révolution égyptienne et les contradictions sociales et politiques qui vont conduire l’Égypte à une instabilité structurelle. Je reviendrais, au cours de la semaine, inchaallah,  sur mon analyse et les anticipations de 2011 à qui le temps a donné crédit et validité.

Les Frères Musulmans comme tous les opposants aux régimes despotiques ne sont pas tenus à disposer, à priori, d’une excellence dans la gestion et dans l’administration du fait qu’ils étaient exclus du champ politique. Ils étaient tenus à rester sains et probes sur le plan intellectuel. L’expérience de gouvernance se construit, pour réussir, sur l’analyse objective et impartiale de l’État des lieux et sur la mobilisation de toutes les compétences sans préjugés idéologiques. Les Frères musulmans, comme attendu, se sont isolés dans leur esprit partisan et ont fait le jeu américain en confisquant la révolution égyptienne au lieu de participer à la définition des équations stratégiques et du mode de leur résolution sur le plan national, régional et international. La culture maraboutique de la confrérie et le fonctionnariat de l’université d’Al Azhar n’ont pas favorisé l’émergence d’une élite musulmane qui sait prendre l’initiative historique et élaborer des ingénieries. Il nous manque la démarche scientifique. La démarche scientifique ne part d’aucun présupposé et ne s’enferme dans aucun carcan. Elle définit des hypothèses de travail, un protocole de recherche, évalue, expérimente selon des critères objectifs et selon un traitement des données les plus fiables et les plus efficaces. La Boulitique n’est pas scientifique, elle est maraboutique. Souvent les potions magiques qu’elle concocte sont pires que le remède. L’Islam n’est pas en cause, bien au contraire il est la « victime ».

Pour l’instant, l’armée égyptienne semble tirer leçons du désastre algérien et manœuvre les divergences doctrinales et politiques. Ces manœuvres ont commencé avant la chute de Moubarak. Les temps à venir vont montrer qu’il faut plus qu’un gouvernail et un bon manœuvrier pour tenir longtemps dans la tempête. Il faut une carte, un cap, une boussole et une vigie. Pour l’instant carte, cap, boussole et vigie sont la propriété de l’Empire. De temps en temps il nous livre quelques vieilles fausses cartes, quelques boussoles détraquées et quelques caps chimériques…

Les éradicateurs crient à l’échec de l’Islam politique alors que  l’Islam dans sa vocation sociale, politique, économique ne s’est pas encore exprimée faute de représentants crédibles.

Questions légitimes

Au moment où la gouvernance des Frères Musulmans soulève une tempête générale, je tente d’apporter un éclairage sur la Wassatiya, sur sa gouvernance et ses biais conceptuels sans lesquels jamais leurs opposants laïcs et nationalistes ne se seraient engouffrés. Il est de tradition, depuis des siècles maintenant, de voir les efforts et les espoirs des musulmans dilapidés et détournés par ceux-là mêmes qui veulent parler en leur nom et au nom de leur religion pour des raisons que je vais tenter d’expliciter au-delà de :

  • la fâcheuse habitude de ne pas tirer les leçons du passé,
  • la manie de  ne pas lire les rapports dialectiques et d’agir en conséquence par la prévision, l’anticipation et la coopération,
  • la confusion entre les principes coraniques immuables et les opinions personnelles érigées en règle valide et infaillible.

L’origine de nos problèmes ne peut être confinée au clivage islamiste non islamiste ni au seul refus des laïcs et des nationalistes de jouer le jeu de la démocratie lorsque les résultats ne sont pas en leur faveur.  Nous resterons otage de notre piège tant que nous ne reviendrons à la pratique de la vertu cardinale des compagnons du Messager d’Allah (saws) : l’auto critique,  l’examen de conscience, le sens des responsabilités…

C’est ce que le Coran nous commande de faire dans les moments difficiles :

{Quand un malheur vous frappe, quoique vous ayez infligé le double aux ennemis, vous dites : « Comment cela ? » Dis : « Cela vient de vous-mêmes ».} Al ‘Imrane 165

Souvent les moments difficiles proviennent d’une erreur d’appréciation dans un lointain ou proche passé. C’est le cas de la lecture partisane du Coran comme pour cet énoncé :

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{Nous avons fait de vous une communauté du « juste milieu »} Al Baqara 143

 

Qaradhawi  et la WASATIYA

Qaradhawi  avait depuis longtemps délibérément détourné  l’énoncé coranique pour en faire, à travers son appel à la WASATIYA,  l’apologie du courant des Frères musulmans et pousser les musulmans à  s’en réclamer. Il s’est présenté  comme l’emblème de la Wassatiya qui voulait faire croire qu’elle était le juste milieu entre factions musulmanes. Dans les faits, la Wassatiya était la version frériste  de la Firqa nàjiya, la faction sauvée, des courants salafistes et la culture du Zaïm et du Morchid sunnite face au Waliy Faqih du chiisme. En vérité Qaradhawi a représenté un courant idéologique se réclamant de la Wassatiya comme monopole de la pensée et de l’activisme islamique. Nous n’étions pas dans la seule contradiction et le seul égarement près, mais il était attendu d’un savantissime qui parle au nom des Musulmans ou du moins au nom des « sunnites » de se démarquer de tout esprit partisan, démagogique et paternaliste pour se consacrer à résoudre les problèmes de fond du monde musulman avec sérénité, lucidité et responsabilité.

Au lieu de cela il a eu recours à la  Safsata (la casuistique religieuse et le sophisme bavard) qui consiste à convaincre en recourant soit à des arguments fallacieux soit à des images construites sur des représentations de la réalité sans référence à la vérité. Il a agi comme un vulgaire brocanteur en manipulant les préjugés que les Musulmans ont les uns sur les autres et les uns contre les autres. Il a accepté de se faire porter par les dissensions internes au lieu de les gommer ou de les atténuer.

 

Wilaya du Faqih ou Wilaya du Morchid ?

Autant les « purs sunnites » sont unanimes  pour condamner les chiites et prêts à partir en guerre contre le Hezbollah et l’Iran autant ils sont dans la cécité totale ne voyant pas la gouvernance confrérique du Morchid des Ikhwane. Leur aveuglement ne leur permet pas de voir les progrès réalisés par la République islamique d’Iran en termes de pensée économique, politique et scientifique, en termes de réalisations technologiques et en termes de pratiques démocratiques malgré l’embargo et la menace d’une guerre nucléaire. Leur aveuglement ne leur permet pas de voir les trahisons arabes envers la Palestine.

Le pire c’est qu’ils veulent s’imposer comme une nouvelle Qibla en contradiction avec le dessein coranique :

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{C’est Lui (Allah) qui vous a nommé musulmans afin que le Prophète soit témoin auprès de (sur) vous et que vous soyez témoins auprès des (sur les ) hommes } Al Hajj 78

Notre titre de musulman nous confère une vocation et une mission. Nous remettre totalement et en toute confiance à Allah (swt) et nous consacrer par notre comportement, notre parole et nos actes à témoigner de la vérité du Coran. Il n’est ni logique ni bienséant envers Allah (swt) de faire de la surenchère entre nous et de nous diviser en se faisant appeler salafi, ikhawani, sunni, soufi, chi’i, maliki, hanbali, wassati… Il n’est pas normal d’adopter des postures et des discours qui favorisent la démarcation idéologique et religieuse propice au détournement du devoir de témoigner aux autres.

 

La Jama’â

La communauté musulmane est l’ensemble des citoyens du monde partageant les mêmes croyances, les mêmes valeurs et les mêmes conduites du moins sur le rapport à l’existence et à l’unicité de Dieu, à la circoncision, au halal, à la vérité de Mohamed(saws) et du Jugement dernier. Abstraction faite des degrés de la foi et de la spiritualité de ses membres, le monde musulman partage en commun l’Islam comme référence historique, sociale et civilisationnelle.  Dans les moments difficiles, la sauvegarde de la communauté est un impératif religieux et existentiel. Il ne devrait pas y avoir place aux idées, aux discours et aux démarches qui mettent en péril l’existence sociale, économique ou territoriale de la communauté et qui la disperse ou exalte ses contradictions au lieu de la fédérer autour de valeurs communes, de partage d’intérêts, d’interactions sociales, culturelles et économiques et du vouloir vivre ensemble en paix et dans le respect mutuel. L’idée de la confrérie politico-religieuse ou de la faction sauvée est dangereuse tant pour l’unité du corps social que pour le cap que doivent se fixer les élites pour gouverner, témoigner, éduquer, édifier, fédérer…

L’épreuve du temps a montré que la Wassatiya des Frères Musulmans est en contradiction avec le principe de fédération et d’unité.  Le temps a montré que ses inspirateurs et ses partisans se sont fondés sur des préjugés.   Le plus grand préjugé est de se croire l’élite et de se voir le meilleur puis d’en faire une argumentation voire une référence sans donner des clés ou des instruments d’analyses pour que l’auditoire puisse en toute logique et en toute vérité et en toute responsabilité évaluer et choisir.

Le préjugé entretenu par la manipulation idéologique et religieuse joue sur le pouvoir évocateur des mots sans dérouler les présupposés et les conséquences religieuses, idéologiques et politiques de ses prétentions lorsque celles-ci ont la « chance » d’être entendues, colportées  et suivies par un grand nombre.  Al Qaradhawi et les Frères Musulmans ont cultivé l’esprit partisan et ont développé une rhétorique qui donne aux objectifs de la confrérie suprématie sur la communauté,  aux intérêts du parti préséance sur ceux de l’Etat, et à la doctrine d’une école de pensée et de militantisme prisme déformant les impératifs historiques et géopolitiques. Ce comportement n’est pas spécifique aux Frères Musulmans, c’est le comportement logique de tout mouvement religieux ou non religieux qui vit dans la clandestinité, l’élitisme et le zaïmisme (la dévotion au chef).

La règle coranique à laquelle ont failli les élites musulmanes nationalistes, salafistes ou frériste est évidente pour celui qui refuse l’enfermement idéologique et le confinement partisan :

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{Certes, celle-ci est votre Communauté, une Communauté unie, et Moi Je Suis votre Dieu, adorez-Moi.} Al Anbiya 92

Nous n’avons pas à imposer un point de vue idéologique ou politique qui conduit à la fragmentation de la communauté. Le devoir est de  fédérer la communauté  quitte à supporter les divergences qui sont en son sein et agir avec intelligence et patience sur les conditions objectives et mobiliser les possibilités réelles dans un cadre transparent et ouvert. Le musulman peut et doit faire de la politique comprise comme recherche du bien public et de l’intérêt général, comme devoir de bon conseil et comme mise en application de la commanderie du bien et de l’interdiction du mal si et seulement si son action est épurée de tout esprit sectaire et partisan. Notre militantisme devrait avoir une double visée : chercher l’agrément d’Allah (swt) et la dignité morale, sociale, intellectuelle et économique de l’humain, du citoyen, du croyant sans exclusion ni exclusive. L’esprit partisan et sectaire ne peut se libérer des limites du parti ou de la secte pour se hisser au niveau de l’État impersonnel et impartial.

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{Certes, celle-ci est votre Communauté, une Communauté unie, et Moi Je Suis votre Dieu, prenez-garde à Moi.} Al Mouminoun 52

Demeurer vigilant à l’égard d’Allah (swt) ne peut  tolérer la transgression ni donner légitimité à l’effusion de sang, à la violence, à l’anathème contre les musulmans et à l’approfondissement des clivages confessionnels, idéologiques et politiques. S’inscrire  dans la voie des Anbiyas (les Prophètes) et faire partie de la communauté des Mouminoun (les croyants) consiste à se remettre à Allah(swt) en toute chose, à arbitrer avec  justice et équité, à faire partie de la Jama’â par le bon conseil et la force de proposition du bien.

L’hégémonie de l’Islam à laquelle invite le Coran ne signifie pas l’imposition par la force, mais par le vouloir-vivre ensemble et par les garanties de paix, de sécurité, de prospérité et de liberté qu’apporte l’Islam.  Les fondamentaux de l’harmonie des diversités dans le respect de l’intérêt général sont la justice et la cohésion sociale. La justice est l’arbitrage impartial pour juguler toute transgression et cimenter le corps social :

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{Et Nous t’avons révélé le Livre en toute vérité, corroborant ce qui le précéda comme Livre, et le contrôlant. Juge donc entre eux d’après ce qu’Allah a révélé. Ne suis pas leurs passions au lieu de ce que tu as reçu de la Vérité. A chacun d’entre vous Nous avons fait une Loi et une Méthode. Si Allah le voulait, Il vous aurait fait une seule communauté, mais c’est pour vous éprouver en ce qu’Il vous a donné. Concourez donc en œuvres de bienfaisance. Vers Allah sera votre retour en totalité. Il vous Informera alors sur ce dont vous divergiez.} Al Maidah 48

Ce sont ces rapports sociaux que le Musulman doit construire sur son territoire faisant collaborer toutes les forces, toutes les diversités. Si l’unité religieuse ne peut être obtenue pour réaliser la  fratrie de foi monothéiste, elle peut se contenter de son substitut qui est la communauté du vivre ensemble. Intervenir, au nom de la Wassatiya, pour cultiver la haine, la divergence et l’hégémonie d’un groupe sur un autre n’est ni l’esprit du Coran ni la pratique du Prophète (saws). Le Prophète (saws) a cohabité avec les Juifs et les Chrétiens qui ont refusé de se convertir à l’Islam. Sa mission consistait à transmettre le Message. Son droit consistait à se défendre par la force des armes contre ceux qui l’ont agressé par les armes.

La loi de la dialectique dans l’univers, dans l’histoire et la société exige qu’il y ait des répulsions et des attractions pour que s’accomplisse le mouvement logique des choses et des mondes vers leur devenir. C’est ainsi et pas autrement. Imposer un immobilisme ou une pensée unique, c’est provoquer fatalement un détournement des énergies qui vont se libérer de la manière la plus entropique avant de reprendre le cours normal du mouvement dans lequel chaque corps est inscrit par sa nature et par sa vocation dans un ensemble qui le dépasse. Allah(swt) nous demande de chercher la cohésion, l’harmonie et la fédération pour nous inscrire dans l’universel de Son Ordre. Faire valoir un particularisme ou imposer une hégémonie qui éradique une autre façon d’être n’est pas le « juste milieu ».

 

La machine de guerre contre les musulmans

Est-ce que les brigands qui profanent le nom d’Allah(swt) en commettant leurs crimes sont le modèle de la Wassatiya, l’exemple du changement pacifique et de la voie du juste milieu qui guide vers le modèle prophétique ? Non et mille fois non ! Il n’y a de changement possible que par les moyens légaux et licites qu’Allah (swt) et Son Prophète ont indiqués.  Allah Tayeb (Bon, Beau et Juste) Il n’accepte que le bon, le beau et le juste  dans les actes et les intentions. Toute intention aussi noble soit-elle dans sa  déclaration n’a aucune chance d’être agréé si les moyens qu’elle emprunte sont illicites, laids et hasardeux.

Est-ce que la Wassatiya consiste à devenir une nouvelle religion qui provoque des guerres de religion entre les Musulmans. Est-ce que le dessein d’Allah de créer les hommes différents est absurde ? Est-ce notre vocation de musulman est de contraindre les autres ?

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Le Coran nous dit que la vocation humaine est de se fédérer sur des valeurs, des principes et un partage de la foi et des avantages à vivre ensemble en société

{Les hommes étaient une seule communauté.} Al Baqara 213

Cet énoncé court évoque la sécurité, la paix et la prospérité que procure la vie sociale en fratrie de foi ou en fratrie humaine. Ensuite, le Coran introduit une ellipse pour faire ressortir le drame humain qui se réalise lorsque la société entre en divergences religieuses et idéologiques et la rapidité de la décomposition sociale lorsque la communauté perd les valeurs qui la fédèrent. La fédération exige le recours à une « méta référence », à quelque chose de sacré qui transcende les différences et les opinions :

{Alors Allah envoya les Prophètes annonciateurs et avertisseurs, et révéla avec eux le Livre, en vérité, pour qu’il juge parmi les hommes sur ce dont ils ont divergé.} Al Baqara 213

Les Prophètes et leur Livre ne sont ni opinion ni confrérie ni esprit partisan, mais vérité qui transcende les sectarismes et les intérêts mondains. L’esprit et la démarche prophétique exigent l’effort de fédération. Ils ne peuvent tolérer la culture des dissensions, ni celle de la revanche, ni celle de l’atomisation. Dans la règle générale, les innovateurs et les fabricants d’idoles et de clans ne sont pas les gens du peuple, mais les savants religieux et les intellectuels qui ont le pouvoir des mots et de la fascination sur les masses crédules. La crise sociale et politique prend naissance ou s’aggrave jusqu’à l’éclatement et la disparition de ce qui fait le ciment fédérateur lorsque le religieux et l’idéologique sont instrumentalisés par les opinions, les intérêts mondains, le culte de la personnalité, le sectarisme et l’esprit partisan. Ces tares transgressent l’unicité de référence religieuse et idéologique  et transgressent l’unicité de la communauté :

{Et n’y divergea, par transgression  entre eux, que ceux qui le reçurent, après que leur vinrent les évidences.} Al Baqara 213

Qaradhawi avait le droit de militer pour son parti à condition de le faire sans duplicité, ni fardage, ni incitation au sectarisme, ni provocation de l’effusion de sang. Il avait les compétences religieuses pour lire le Coran et la Sunna et expliquer aux gens du commun ce qui est évident et ce qui fédère. Le moutachabih, l’équivoque, le probable ne peuvent et ne doivent être portés au public. S’il était plus intelligent et plus indépendant, il serait parvenu à la conclusion que l’époque nouvelle est celle du règne inéluctable des Frères Musulmans. Il ne s’agit surtout pas de contrarier le mouvement naturel des choses en s’alliant à l’OTAN ou en s’embarquant dans des guerres civiles.

Tout observateur impartial du monde arabe sait que la faillite du système de gouvernance actuelle du monde arabe dans sa version nationaliste et laïque est consommée et qu’il n’existe aucune alternative crédible qui va s’opposer au courant des Frères Musulmans. Tout observateur impartial sait que l’esprit confrérique dominant chez les Frères Musulmans et les Salafistes va les conduire à l’impasse idéologique, politique, sociale et économique. Ils peuvent faire des alliances tactiques et conjoncturelles,  mais ils ne peuvent cohabiter sur le plan stratégique, car ils ne s’entendent pas sur le contenu de la Wassatiya et ses implications en termes de gouvernance. Le mouvement islamique n’a pas la maturité  idéologique pour construire un curseur idéologique qui fédère non seulement les mouvements islamiques, mais rassemble toutes les forces dans un front d’édification sociale et économique et de résistance contre l’Empire.

Qaradhawi aurait dû avoir l’intelligence  de voir loin et de haut les équations sociales, politiques, idéologiques et poser la Wassatiya comme méthode de règlement des problèmes politiques, de fédération des efforts socio-économiques et d’élan civilisateur pour impulser une alternative au  monde de prédation.  Au lieu de cela il a ouvert la Fitna sur le monde arabe.

Autant les Frères musulmans et les Salafistes monarchistes sont focalisés sur la destruction de l’État syrien au nom d’une certaine idée de l’Islam (idée fausse) autant ils ne voient pas comment un président frériste issu d’un scrutin démocratique est en train à la fois de liquider l’expérience démocratique et de liquider définitivement le rôle géostratégique de l’Égypte. La map de Google nous donne au premier coup d’œil les principaux enjeux de l’Égypte que Morsi et les savants pieds nickelés occultent en se précipitant à rompre les relations diplomatiques avec la Syrie et en ouvrant les portes  du Jihad contre les Syriens.

Ce qui est halal pour les opposants syriens est-il halal pour le peuple égyptien ? Si Bachar Al Assad aurait du partir pour éviter la Fitna pourquoi Morsi ne part pas lui aussi. Les logiques fallacieuses se trouvent prises au piège de leur propre rhétorique. Les savants de la Fitna ne semblent pas vivre sur la même planète que nous ou sur le même espace temps. 

 

La gouvernance  sous le slogan de la Wassatiya.

Le « juste milieu » n’a pas conduit la « révolution égyptienne » mais il en a tiré tous les profits politiciens. La « ligne médiane » qui gouverne l’Égypte au nom de l’Islam et de la démocratie ne voit ni les extrêmes, ni le centre de gravité, ni les paramètres géostratégiques de sa gouvernance. L’empire avait besoin d’une « trêve » avec l’Islam pour liquider la question palestinienne et reconfigurer le monde qui semble échapper de plus en plus au capitalisme occidental et se diriger vers un nouveau centre de gravité politique, économique, technologique, militaire et financier : l’accord de Shanghai  entre Russes et Chinois impliquant deux puissances musulmanes en termes de potentiels économiques, militaires et humains : le Pakistan et l’Iran. La force d’attraction de cet axe est telle que dans vingt à trente ans tout le monde musulman sera partie prenante dans cet axe contre l’axe impérialiste. Malek Bennabi et Garaudy ont développé longuement cette question que les données actuelles confirment. Le juste milieu est de s’intégrer dans cet axe en attendant qu’il y ait suffisamment de forces pour créer une troisième force celle du monde musulman. La bêtise est de ne pas voir l’Empire et le sionisme dans le cours de l’histoire du monde musulman. La catastrophe est de ne pas voir la compétence de l’Empire qui investit sur des mouvements islamiques incompétents sachant qu’ils vont réaliser trois objectifs stratégiques : se déchirer et permettre au sionisme de liquider la cause palestinienne, se déchirer et permettre au monde arabe de se disloquer et se retrouver sans territoires et sans armées face à Israël, se déchirer et dévoiler au monde musulman l’incapacité des élites musulmanes à gouverner.

Cheikh Google va nous montrer la position stratégique de l’Égypte et les jeux de l’Empire :

EGYPTE

L’Égypte est non seulement au cœur du monde arabe, mais elle est la charnière entre l’Afrique et l’Asie, entre le Machreq  et le Maghreb. Se mettre en position de pion avancé contre la Syrie c’est fatalement détruire cette posture de charnière géostratégique.

Se mettre en position de pion avancé contre la Syrie c’est accomplir la césure que l’Empire a déjà accomplie dans nos mentalités, nos économies, nos politiques et nos territoires. L’Égypte et l’Algérie avec l’Iran peuvent remodifier tous les rapports de force et mobiliser toutes les ressources pour constituer de fait un partenariat musulman avec le reste du monde ou une force qui vient se positionner à côté de l’accord de Shangai. La pensée des Frères Musulmans n’est pas dans ce positionnement géostratégique. Elle n’a pas de vision claire sur la Oumma ni sur la vocation de l’Islam. C’est une confrérie remplie de slogans et de bavardage sans plus.

Se mettre en position de pion avancé contre la Syrie c’est de fragiliser davantage sur le plan militaire. L’Égypte des Frères Musulmans comme celle de Moubarak oublie les dangers qui la guettent : face à elle il y a la Turquie de l’OTAN. À côté d’elle il y a la Libye instable. Derrière elle il y a l’Éthiopie et le Nil sous l’emprise d’Israël. Au sud, il y a l’Afrique avec ses guerres larvées entre musulmans et Chrétien, cette Afrique est convoitée pour son pétrole et son uranium. L’allié historique, le Soudan, est partitionné par l’Empire…   La Jordanie est visée pour devenir une confédération palestinienne pour régler définitivement la question palestinienne vidée de son peuple et de son territoire historique. Bien entendu Israël avec sa nature belligérante est toujours en guerre contre l’Égypte. Regardons de nouveau la carte pour voir les bases américaines en Arabie et en Afrique qui encercle l’Égypte. La Wassatiya qui ne fait pas l’effort de voir son environnement historique, économique, géographique, militaire et son devenir n’est que ruines des territoires et des désastres des mentalités.

Se mettre en position de pion avancé contre la Syrie c’est accepter l’idée fallacieuse de l’instauration d’Émirats pseudo islamiques dans une recomposition régionale imposée par l’Empire au lieu d’avoir l’armée arabe syrienne un allié de poids contre l’expansion sioniste et dans une possible confrontation militaire  pour repousser l’agression à venir d’Israël. Nous pouvons continuer à mettre entre parenthèses la libération de la Palestine par les armées arabes.

Se mettre en position de pion avancé contre la Syrie c’est occulter le présent sombre et l’avenir incertain pour une place de strapontin dans la basse-cour des valets de l’impérialisme. Il faut être un insensé ou un  partisan passionné pour ne pas donner la priorité aux règlements des problèmes sociaux, politiques et idéologiques qui sont structurels en Égypte.

Nous posons nos problèmes en termes métaphysiques et nous attendons des solutions métaphysiques. Nos problèmes sont structurelles : l’Etat de droit, l’économie réformée, l’éducation performante, l’investissement socialement efficace. L’Islam est suffisamment riche et réaliste pour apporter les réponses pertinentes et opportunes, mais les islamistes n’ont pas de culture politique, économique, sociale. Ils importent les solutions qui ont fait faillite et qui ont provoqué la décadence du monde musulman. Ils parlent de sources, mais ils ne font pas d’effort de ressourcement de la pensée autre que celle de recopier et de réciter les livres dépassés du Moyen-âge. Sinon ils copient l’Occident sans analyse des fondements idéologiques de la pensée occidentale qui ne peut être importée comme on importe une bicyclette ou un lave-vaisselle.

A force de copier la révolution française et la Renaissance européenne tout en maniant le discours islamique les partisans de la Wassatiya sont en train d’exclure l’Egypte du cœur du monde arabe et de continuer à la marginaliser loin des enjeux de la géographie et de l’histoire.

 

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Partie 1 – Wassatiya : communauté de juste milieu ?|

Partie 2 – Wasstà : communauté de rayonnement !

Derniers rounds de la révolution en Egypte

Je réactualise l’analyse que j’ai faite il y a quelques mois pour conclure sur l’achèvement attendue de la révolution égyptienne :

La révolution égyptienne round 1

Il y a eu lieu un authentique mouvement populaire de changement en Égypte impulsé par des conditions objectives et subjectives. Nous pouvons diverger sur la nature de ce mouvement, révolution, révolte, insurrection, mais nous ne pouvons par respect pour la vérité et pour les sacrifices du peuple égyptien accepter de dire que ce mouvement est fomenté par les États-Unis qui ont envie de remplacer Moubarak et qui ont lancé une opération facebook et tweeter. Les fuites sur les mémoires de Moubarak disent clairement que Clinton lui a donné 72 h pour mater le mouvement populaire en vain.

L’idée farfelue de Cheikh Hussein Imran que la révolution est un piège tendu par Israël ne tient pas la route car il n’est pas dans l’intérêt du sionisme de changer un vassal acquis contre une incertitude et de plus la nature belliqueuse et criminelle de l’entité sioniste n’a pas besoin de prétexte pour déclarer la guerre si dans sa stratégie cette guerre vise à terroriser, à punir ou à s’étendre. Les prédictions bibliques et talmudiques ne font pas partie de ma culture musulmane qui me commande le réalisme, la dialectique et la globalité.

La faiblesse de la « révolution égyptienne » réside dans l’absence de cadre d’orientation idéologique et de l’absence de l’émergence d’une direction politique qui fixe les objectifs, les rythmes et l’imposition de l’initiative historique à un système qui devait être totalement démantelé dans ses appareils, sa culture d’état, son fonctionnement bureaucratique, clientéliste et rentier et sa stratégie répressive contre un peuple paupérisé. Les appareils d’opposition traditionnels noyautés par le système Moubarak deviennent davantage un boulet pour la « révolution » qu’un allié stratégique ou tactique.

La révolution égyptienne round 2

Les Frères Musulmans ont fait capoter la révolution en la confisquant au lieu d’en être partie prenante. Ils ont introduit le biais partisan et ont fait peser l’appareil de la confrérie sur une révolution sans appareil, sans direction, sans organisation, sans programme autre que le départ du président ou la chute du régime personnalisé en des hommes et non en des processus pervertis de gestion des appareils d’État.

L’absence de vision géopolitique, le jeu d’arrangement des appareils, le curseur d’analyse sociopolitique mis sur de faux clivages idéologiques, l’enfermement dans des slogans hors de toute ingénierie de sortie de crise, l’infantilisme et l’inculture politique qui conduisent des tactiques politiciennes inconséquentes, la rupture avec les classes populaires ont non seulement permis de stopper la révolution égyptienne, mais de boucher les horizons de Gaza, livrée à elle-même face à la barbarie sioniste.

Comme longuement expliqué dans la conférence à Bordeau sur les révolutions arabes et la question palestinienne et comme mis en exergue dans le livre « Le dilemme arabe et les 10 Commandements US », les Frères Musulmans ont provoqué l’impasse, mais de façon plus rapide et plus dramatique que prévue. Non seulement l’esprit partisan a pris le dessus mais les arrangements d’appareils et les compromis contre nature avec l’armée ont semé le trouble et divisé les rangs. Occupés à confisquer le pouvoir aux jeunes qui ont conduit la révolution, les Frères Musulmans ont fait preuve non seulement d’amateurisme mais de contre révolution. La logique était dans la continuité, l’approfondissement, l’élargissement et la radicalisation sociale et politique de la révolution populaire sans tomber dans une confrontation armée. Elle était dans la mise en place d’un conseil de la révolution, dans le retrait de l’armée de la vie politique alors qu’elle était mise en déroute par le peuple, dans la rédaction et le vote d’une constituante sans précipitation, dans l’instauration d’une période de transition qui replace dans la conscience sociale l’exercice de la souveraineté du peuple sur la politique, l’économique et l’information, qui revitalise la culture de résistance contre l’impérialisme et le sionisme, et qui renoue le lien stratégique avec les aires de déploiement économique et diplomatique libérées du sionisme et de l’impérialisme dans le monde arabe musulman, eurasiatique et latino américaine. Les Frères Musulmans, contre toute logique et sans doute par inculture politique et géopolitique ont précipité les choses, fragmenté les rangs et redonné un repositionnement stratégique à l’armée qui est sortie défaite de la confrontation avec le peuple. L’esprit partisan doublé de la bureaucratie confrérique et l’empressement de prendre le pouvoir, jouant sur la fibre religieuse d’un peuple certes musulman mais ignorant tout de l’Islam comme système global, a creusé la fosse de la révolution et des Frères Musulmans qui ne parviennent toujours pas à prendre l’initiative historique et à imposer leur agenda sauf à faire des déclarations confuses et contradictoires.

Parmi ces contradictions ubuesques, on présente l’Islam comme la solution alors la priorité islamique est de fédérer le peuple musulman sur des valeurs communes comme la souveraineté du peuple, les libertés individuelles et publiques, la relance de l’économie hors du FMI et de l’aide américaine, la mise en place d’une nouvelle doctrine militaire pour l’armée, la création d’une résistance populaire contre le sionisme et l’impérialisme, la jonction avec les grands axes arabes et musulmans de la résistance : l’Iran, le Liban, Gaza et la Syrie. Bien entendu dans le démantèlement de l’ancien régime, il fallait favoriser l’émergence des corps intermédiaires inexistants pour que le front de lutte soit à la fois idéologique, politique, économique et social. C’est dans ce climat expurgé de l’ancien système et fédéré autour des valeurs universelles que l’Islam authentique peut trouver terrain favorable pour débattre, convaincre, produire des idées, construire des ingénieries où chacun trouve intérêt à l’adopter sinon à cohabiter sans remettre en question l’islamité et l’arabité de l’Egypte. Les islamistes doivent apprendre à réfléchir en terme de citoyenneté, de géopolitique et d’Etat de droit : l’Islam ne s’en portera que mieux.

La révolution égyptienne round 3

Tant dans mon livre que dans mes conférences, j’avais annoncé des rebondissements spectaculaires lors de l’élection présidentielle. Les événements m’ont donné raison même si des esprits politiquement incultes continuent de voir en Morsi un Phd scientifique ou technologique américain qui serait par ce titre universitaire détenteur du sceau de Salomom ou de la pierre philosophale qui va transformer l’inculture politique en génie de gouvernance. La réalité est tout autre.

Les résultats sont dramatiques et annoncent les signes de l’écrasement de la révolution : même si les Frères Musulmans ont appelé le peuple égyptien à défendre la révolution et imposer leur candidat, ils ont fait une démonstration de force impressionnante mais qui ne cache pas deux erreurs stratégiques. La première est de se confondre avec la révolution ou d’en être le monopole fuyant leur responsabilité et leur place en chute libre dans l’échiquier politique. La seconde c’est qu’ils ont rendu visible leur encadrement qui a mobilisé les manifestants venus de toute l’Egypte aux regards invisibles de l’ancien régime qui sont toujours en position de force sécuritaire, militaire et médiatique. Ils sont exposés à une chasse à l’homme comme l’éradication qu’a connu l’Algérie. Pour éviter la confrontation qui ne sera pas à leur avantage, ils seront et sont déjà contraints de faire des concessions jusqu’à devenir des coquilles vide. En effet au premier tour des élections présidentielles, considérées dans les systèmes traditionnellement despotiques comme cruciales, ils n’obtiennent que 25% du suffrage. Ce taux faible est un coup de semonce qui annonçait la fin de jeu. Il annonçait aussi l’urgence de redistribuer les cartes, après une clarification sur le clivage idéologique et les alliances dans un front révolutionnaire regroupant les nationalistes et la gauche égyptienne, mais après accord sur un projet de gouvernance.

Le score honorable du dissident islamiste Moun’âm Abdel Foutouh montre la scission au sein des Frères Musulmans et l’émergence de nouvelles forces qui vont peser dans l’échiquier politique sur lequel les Frères Musulmans non seulement n’ont pas le monopole mais risquent de perdre les « acquis » précipitamment obtenus. Le discours actuel de Morsi sur la justice sociale et l’édification de l’Etat de droit ne peut compenser le déficit de l’axe de résistance qu’aurait donné un front populaire fédérant tous les égyptiens désireux d’opérer une rupture radicale, irrévocable et irréversible avec l’ancien système despotique et le nouvel ordre mondial impérial.

Au lieu d’opérer un renversement stratégique qui prend de vitesse l’armée et l’Empire qui ont perdu l’habitude de voir les élites arabes prendre leur décision en autonomie, avec vitesse et efficacité, les Frères Musulmans ont préféré jouer sur trois registres : faire de la dramatisation communicationnelle envers les monarchies du golfe, jouer à la victime devant l’armée qu’ils ont remis en selle alors qu’elle avait perdu la confrontation avec le peuple à la place Tahrir, faire de Hosni Moubarak un point de focalisation jusqu’à devenir une diversion politique qui interdit de se poser la véritable question : où va l’Egypte ? Dans cette confusion, les Frères Musulmans en rajoutent en apportant leur soutien à leur confrérie syrienne qui dérive vers le terrorisme et le sectarisme les plus odieux tout en tournant leur dos à la résistance palestinienne qui continue de payer le prix de la trahison des Musulmans et des Arabes.

C’est par cette confusion sur le cap, sur la carte de navigation, sur la boussole, sur le gouvernail et sur la vigie du processus dialectique que les Frères Musulmans, qu’il y ait triche ou honnêteté dans le second tour, ont gagné (dans un autre arrangement in extrémis) la présidence. S’ils gagnent la présidence, ils ont perdu le parlement qu’ils ont gagné dans la précipitation ainsi que les prérogatives du président qui reviennent à l’armée. J’avais annoncé que nous allions assister à un scénario dramatique : « qui perd gagne » car la victoire ne s’intégrait dans aucune stratégie à long terme, dans aucune clarification, dans aucun programme. Les militaires ont gagné trois choses inespérées. La première c’est d’être les rédacteurs de la future constitution qui va définir les pouvoirs et l’exercice du pouvoir dans six mois. Tout ce temps gaspillé est de la dissipation d’énergie qui use, poussant la démission du peuple et qui produit très peu d’efficacité politique et sociale et surtout remet en marche arrière les acquis du début d’une révolution. Sur le plan tactique, ce temps est mis à profit par l’armée pour se convertir en force sécuritaire sous la supervision impérialiste pour ne pas faire les mêmes fautes qu’à la place tahrir et donner des coups mortels sans aller à la guerre civile comme en Algérie. Les choses se passeront en douceur et les Etats-Unis chassés d’Egypte reprendront le contrôle et imposeront de manière drastique leurs dix commandements à l’Afrique du Nord quand on relie l’Egypte à l’entropie en Libye, au comportement peu honorable du gouvernement tunisien et au laxisme de l’Etat algérien plongé dans un coma de séniles.

Sur un autre plan, la défaite du Général Chafik d’à peine 4 points, n’a de signification que par trois éléments : l’ancien système est encore présent avec ses appareils bureaucratiques et ses clients rentiers que la polyarchie en place ou le vote ne peuvent gommer, car un bulletin de vote ne suffit pas à changer les mœurs politiques et les alliances construites pendant 60 ans de dictature militaire ; les limitations du pouvoir du président (les Frères Musulmans croyaient naïvement qu’avec un président et une suprématie sur le parlement avec de plus en plus de prérogatives sont les garants contre la tyrannie). Malgré les bons sourires et les discours de circonstances, les Frères Musulmans sont dans la situation du serpent qui se mort la queue. En voulant jouer seul et se croyant les dépositaires exclusifs de l’Islam, ils se retrouvent isolés face à l’armée, remis en cause par les coptes qui sont les véritables détenteurs du pouvoir économique et otages des nationalistes et progressistes qui sont détenteurs de quelques leviers de commandes politiques et administratives dans les appareils de puissance publique alors que les Frères Musulmans ayant connu la répression sont exclus des appareils de l’Etat dont ils ignorent l’état des lieux et les mécanismes du jeu de pouvoir.

C’est dramatique, car l’Egypte a consommé du temps politique sans efficacité, elle a offert des jeunes en sacrifice sans récolte, elle s’est mise par l’incohérence et l’infantilisme de l’esprit confrérique qui croit qu’il suffit de dire l’Islam est la Solution pour que les Anges descendent du ciel et livrent la lutte idéologique, les luttes citoyennes, les luttes politiques, l’affrontement militaire et la bataille d’édification et d’aménagement du Territoire. Il est dramatique de voir la politique de séduction de ‘Amr Khaled envers l’armée présentée par lui comme l’armée du salut. Le romantisme politique n’est pas payant. Le réalisme politique a montré dans l’histoire des révolutions que la victoire se construit par « Un pas en arrière, deux pas en avant » et non le contraire.

La politique n’est pas encore dans le monde arabe et musulman un art qui se rapproche du scientifique mais du théâtre où la place est au ressenti et à l’émotionnel. Est-ce qu’on a donné au peuple le temps, l’information et la culture pour dépasser l’émotionnel ? Non !

Les Frères Musulmans élitistes sont habitués à faire payer à leurs cadres de terrain le prix de la répression du fait que leurs élites se sont toujours montrées incapables de saisir les opportunités dans une stratégie cohérente, ambitieuse. Ils ont eu des occasions de conquête du pouvoir avec Nasser et contre Nasser, Avec Sadate et contre Sadate, mais aucune n’a abouti car la culture confrérique qui donne au chef un pouvoir de gourou quand elle se conjugue à la culture de l’improvisation opportuniste que facilite d’ailleurs la démission des cadres embourgeoisés mais qui restent présent faisant de l’obstruction contre leur propre camp et se limitant à la dénonciation ou à l’indignation ou au silence après négociations sur des contradictions secondaires produisant ainsi inertie sociale et inculture politique devant un régime prédateur aux aguets qui défend son système par l’encassetement des militaires et des élites ou la répression de ses opposants. Pour avoir une image de la culture confrérique assassine de la pensée politique, il faut jeter un coup d’œil sur les Jama’âtes islamiques du Pakistan qui donnent l’image d’isolats folkloriques singuliers fi falakine yasbahoune… Il faut voir la tragédie des Frères Musulmans à la conférence d’Istanbul de 2010 qui ont ouvert la porte à l’idée de détacher le HAMAS de son « obsession » à la lutte armée. Il faut voir les Frères Musulmans en Algérie œuvrant à côté des services de sécurité contre le camp des islamistes qui ont remporté les élections législatives et les voir maintenant entachés de scandale de corruption et les voir poussés vers la porte de sortie politique par le FLN car leur rhétorique verbale n’est plus nécessaire pour acheter la paix sociale obtenue par la force des armes, la gestion maffieuse des pénuries et la distribution parcimonieuse de la rente à un peuple, en sauve qui peut social, sans opposition qui lui apporte la guidance et lui indique les moyens de lutte autre que la dénonciation et l’indignation des concierges.

Le début fracassant de Morsi s’est fait dans la culture de la confusion. Il y a une semaine, l’agence de presse iranienne invoquant une interview exclusive de Morsi annonçait son intention de réexaminer l’accord de paix avec Israël, le renforcement des relations avec l’Iran et la prise en considération urgente de la question palestinienne. Quelques jours plus tard, les autorités égyptiennes et l’agence égyptienne MENA assurent que le nouveau président n’a pas donné d’interview à l’agence de nouvelles iranienne et qu’il envisage de poursuivre l’agence de nouvelles iranienne Fars en justice, qui aurait publié des déclarations qu’il n’a jamais faites.

La révolution égyptienne round 4

Dans les mois du semestre à venir il faudrait suivre la compétence de créativité, de vitesse et de prise de risque des Frères Musulmans et de leur président face à l’armée, à la nouvelle constitution, aux forces politiques égyptiennes, à l’Iran, à la Syrie et à la Palestine. La logique veut qu’il y aura un KO technique à la fin du quatrième round sinon au cinquième à moins qu’il y ait un sursaut révolutionnaire qui remet le curseur idéologique et politique sur la bonne grille de lecture et les bonnes décisions à prendre pour s’engager dans le démantèlement du système et mobiliser un front national de résistance contre l’Empire et le sionisme étendu à d’autres pays de la région. Je ne peux prédire l’avenir mais s’il y a une étincelle qui relancera la révolution elle ne pourra venir que de Palestine.

Égypte doit se réveiller et oublier le mythe de oum dounya et le patriotisme de canaille que lui a légué une génération de militaires incapables de remporter une guerre contre un ennemi qui va commettre la faute de les humilier et de les provoquer car il ne peut vivre en paix tant que l’allégeance à son égard n’est pas prononcée et prouvée d’une manière concrète. A ce niveau de violence en Palestine, palestiniens opprimés ou occupants arrogants, le peuple égyptien sera contraint de se remettre à l’heure du temps et tourner le dos aux chimères.

La révolution égyptienne : round 5

Nous allons sans doute nous diriger vers une polyarchie où le pouvoir réel sera entre les mains des militaires soutenus par les États-Unis et le parti de l’administration, de la rente et de l’économie informelle. Toute confrontation armée et toute violence ne servira que les États-Unis et le sionisme. Les forces vives de l’Égypte qui croient encore au changement et qui ne baissent pas les bras devant la fatalité et les erreurs stratégiques et opportunistes des Frères Musulmans peuvent construire un front national de résistance contre l’Empire et ses valets et une dynamique révolutionnaire pacifique. Ces forces sont sur le terrain dont elles connaissent les contradictions, les conditions, les possibilités d’actions.

Sur le plan de la pensée et ayant suivi de près la situation égyptienne, je vois quelques perspectives de luttes qui peuvent être étudiées et mises en ingénierie d’application sur le terrain :

  • Idéologie : Le peuple doit être impliqué dans le débat idéologique sur les voies de changement et c’est par le débat et le savoir que l’idée de liberté, l’action de libération et l’usage anticipé de la libération comme projet d’édification nationale et de résistance contre l’empire et le sionisme peuvent se cristalliser et s’étendre dans le temps, l’espace et les consciences.
  • Politique : c’est le moment où il faut dépasser les clivages partisans et les appareils et poser l’exercice souverain du peuple dans un schéma qui met fin à la reproduction capitaliste de la démocratie occidentale. Contre la force et la violence des appareils et des bureaucrates de l’Etat sans culture de Commis de l’Etats et de service public du fait des traditions de cooptation, il y a lieu d’explorer le potentiel de la Choura à instaurer sous forme de Jamahiriya sur le modèle libyen sans la culture messianique du guide. L’avenir est au peuple qui doit prendre l’initiative en s’organisant d’une manière non partisane dans des assemblées citoyennes ascendantes et s’imposer comme nouvelle culture politique.
  • Sociale : Les forces vives doivent contribuer à l’emergence de syndicats autonomes non partisans dont le but suprême est la défense des intérêts du travailleur contre le capital. Les progressistes et les islamistes peuvent trouver le dénominateur commun autour de la dignité de l’homme et du travail comme producteur de richesses et source d’appropriation
  • Economique : Pour ne pas se cantonner dans la dénonciation stérile et l’indignation puérile ou dans  les manifestations qui arrivent à une impasse qu’il faut dépasser soit par un renoncement soit par le recours à la violence, l’économique est un terrain déterminant en termes de libération ou en termes de souveraineté populaire. L’expérience acquise par les Frères musulmans en matière d’ihsane (bienfaisance et résaux sociaux caritatifs) ne doit plus être un allègement des obligations de l’Etat envers les pauvres et les nécessiteux mais devenir une force d’émancipation de la société de l’Etat et du capital étranger capitaliste.  La société doit trouver tous les espaces de libertés, les niches juridiques et les opportunités d’affaires pour construire une résistance économique et une émancipation socio économique contre le capitalisme et ses vassaux. Tous les gisements de mutualisation du capital national, de capitalisation de l’épargne populaire, de montage d’économie coopérative et solidaire,  de dépasser l’infantilisme des banques islamiques focalisées sur la Mourabaha dans la consommation et le court terme pour s’ouvrir vers la Moudharaba et la Moucharaka orientées vers l’investissement productif.

 La révolution égyptienne round 6

La Turquie est un modèle que l’Empire a voulu vendre et continue de vendre au monde arabe. Il l’a vendue dans son modèle laïciste et franc maçonnique d’Atatürk aux démocrates et modernistes arabes ainsi qu’aux partisans français du régime militaire pour les pays arabes comme Chevènement. Ce modèle est vendu sous l’apparence de l’Islam modéré, laïc et consumériste d’Erdogan aux Frères Musulmans et aux élites qui cherchent la collaboration avec l’OTAN si elles y trouvent des intérêts géostratégiques et une préservation de leur rente économique et religieuse. Ce modèle a commencé à Istanbul par l’invitation de Qaradhawi et des factions palestiniennes et des penseurs attitrés de l’Islam qui ont préconisé la vanité de la résistance armée en Palestine comme le stratège koweïtien An Nafissi. La question palestinienne et l’encadrement des « révolutions arabes » par la branche musulmane de l’OTAN s’est appuyé sur un ravalement de façade : la mise en arrière des généraux turcs et la mise en avant du parti « islamique d’Erdogan » le pragmatique.

Cette expérience est reconduite en Tunisie et en Egypte où les forces de sécurité et l’armée sont en train de s’effacer au profit  des civils « islamistes » coopératifs, collaboratifs qui réalisent quatre objectifs :

  • Donner l’illusion du changement pour calmer la rue.
  • Reprendre en main les cartes redistribuées dans la précipitation pour contrer la révolution populaire.
  • Empêcher la cristallisation de ce qui pourrait refaire  l’embryon de la renaissance de la civilisation islamique et qui se réalise par la mise en commun des mentalités collectives forgées par la langue arabe et la religion, des espaces géographiques contigües, des complémentarités économiques, des expériences historiques réalisées par  l’Islam et par  les luttes d’indépendance contre le colonialisme.  Il faut donner l’illusion de force et de cohérence aux pragmatismes post révolutionnaires  afin d’opérer leur intégration dans le nouvel ordre économique sans heurt ni remise en cause.
  • Disloquer le monde arabe en  faisant des nouvelles élites dirigeantes des alliés objectifs par les liens financiers et idéologiques à l’Arabie saoudite et au Qatar. Cette dislocation qui est un véritable Sykes-Picot bis  vise d’abord à démanteler la Syrie et a briser les maillons de la chaine idéologique, politique et logistique de la résistance constitué par l’axe Hezbollah, Palestine, Syrie, Irak, Iran. Cet axe est présenté à tort par les Frères musulmans comme étant le croisant chiite. Les Frères Musulmans préfèrent ne pas voir les dérives meurtrières de leur imam cheikh Youssef al Qaradhawi ni ne voir qu’ils sont devenus à l’instar d’al Qaeda des instruments de discorde et des agents de subversion idéologique et militaire  contre la Syrie après avoir fait tomber le régime de Kadhafi. Cette stratégie, celle « du Soft powerment » est celle de Brezinski et de Levis qui sont les artisans de la nouvelle doctrine américaine au niveau diplomatique et militaire qui consiste à alterner la stratégie du « choc et de la stupeur » par le bombardement massif et disproportionné avec la stratégie du choc entre musulmans sunnites chiites et sunnites entre eux. La Syrie est un cas d’école.

Lorsque les objectifs deviennent trop visibles ou lorsqu’ils sont contrariés, l’Empire a recours à ce qu’il maitrise bien et à ce qui nous manœuvre le mieux et le plus : la diversion. Les Caricatures comme instrument pour faire diversion, pour tester la capacité des nouveaux gouvernants à contrôler la rue en cas d’agression contre le Liban, la Syrie ou l’Iran.

 Conclusion :

Nous sommes en Égypte et nous avons le récit coranique sur Moise. Moise n’était pas Spartacus en révolte contre Rome qui finit par le mater dans un bain de sang. Moise avait à conduire un peuple asservi vers la liberté et face à lui il avait non seulement Pharaon comme divinité mais un système construit sur plus de 500 divinités pour régenter les esprits et des corps spécialisés de clercs, de prêtres, de notables, de technologues, de magiciens, d’armées et de castes pour aspirer le profit et maintenir le système de domination. Moise à cassé le système en mobilisant les jeunes esclaves fils d’esclaves à ne plus prendre Pharaon et son système comme norme, comme référence, comme objet de fascination et d’aliénation :

{Et Nous avons inspiré  à Moise et à son frère: « Prenez, vous deux, pour vos gens, des demeures à l’avant en Egypte. Et faites de vos demeures une Qibla, accomplissez la prière, et annonce la Bonne Nouvelle aux croyants ».

Et Moïse dit : « Notre Seigneur, Tu As Accordé à Pharaon et son élite aisance et biens dans la vie terrestre, notre Seigneur, afin qu’ils se fourvoient de Ta voie ! Notre Seigneur, Supprime leurs biens et Endurcis leurs cœurs, de sorte qu’ils ne deviennent pas croyants jusqu’à ce qu’ils voient le châtiment douloureux ».

Il Dit : « Votre invocation, à vous deux, est exaucée. Suivez alors, tous deux, la rectitude et ne suivez surtout pas la voie de ceux qui ne savent point. »} Younès  86

Il y a une différence fondamentale entre chercher le pouvoir et construire un projet de libération des opprimés. Dans le dernier cas, face à un système corrompu, perfide, oppresseur produisant de la confusion et de l’inertie, il faut lui opposer idéologiquement, socialement et politiquement de l’intelligence, de la vertu, de la créativité, de l’unité, de la vitesse et de l’initiative. Tout le combat de Mohamed (saws)  contre le système du Taghut de la Jahiliya est un combat d’idées, d’initiatives et d’innovation. Tout le récit coranique sur les Prophètes est une quête de salut menée à grande vitesse et à grands déplacements. Il n’y a pas de place à l’immobilisme stérile ni au statut quo mortel et mortifère.

 

Omar Mazri – liberation-opprimes.net

 

la voie de libération de Jérusalem (suite 2/2)

Jérusalem est un symbole

La marche épique de Salah Eddine vers la libération de Jérusalem, a commencé par des événements sanglants à l’issue desquels Jérusalem est tombé injustement aux mains de la horde des croisades au cours de la dernière année du dixième siècle de notre ère.

Jérusalem est un symbole pour les Croisades : le royaume de Jérusalem ou le royaume latin d’Orient.

Salah Eddine est un symbole de la résistance contre les croisades et du Djihad islamique contre l’agression. Il a consacré sa vie à la libération de Jérusalem, comme nous le verrons dans la Partie II de la présente étude qui va tenter d’approfondir le récit sur d’édification de la stratégie de bataille contre les croisés jusqu’à la récupération de Jérusalem et des territoires arabes occupés.

Le début des manœuvres militaires des deux côtés, se déroula comme un jeu d’échecs où chacune des parties essaye de deviner la stratégie de l’adversaire tout en déployant la sienne par l’occupation tactique du terrain et par l’utilisation des ressources disponibles de la meilleure façon possible, avec audace et intelligence.

Dans le camp des Croisés les choses semblent un peu plus compliqués car il était difficile de trouver un compromis entre la prudence du comte de Tripoli, Raymond III, et la fougue belliqueuse des Templiers .

Dans le camp des musulmans, le génie militaire de Salah Eddine va se manifester comme prolongement des manœuvres militaires et des méthodes de guerre utilisés dans la bataille de Hattin et les batailles connexes qui ont suivi cette bataille et qui toutes ont été menées dans une seule visée : récupérer Jérusalem et la libération de la mosquée Al-Aqsa.

Dans la période antérieure à la bataille de Hattin, Salah Eddine a consacré environ treize mois dans la lutte contre les croisés par des combats intermittents, alors qu’il a passé trente-trois mois, depuis l’automne de l’an 570 AH / 1174, dans des combats sporadiques contre les arabes, afin de construire un front uni arabe. Ce n’est qu’en 581 AH / 1186, qu’il parvint à un traité avec l’émir de Mossoul qui parachève la souveraineté totale de Salah Eddine sur le monde arabe et lui donne les forces militaires manquantes pour envisager sérieusement une bataille décisive contre les Croisés (36).

On peut d’ores et déjà sortir avec la conclusion que le Sultan était pleinement conscient que la construction d’un Front uni est très importante dans son dispositif de combat contre les Croisés. Dès qu’il a réalisé l’unité de front arabe il s’est aussitôt déployé sur la seconde phase de sa stratégie à long terme murement réfléchie, patiemment et intelligemment mise en place pour la libération de Jérusalem.

David Jackson a écrit : … Je crois que l’analyse des motivations religieuses et de sa dévotion mérite d’être évaluée avec soin pour voir qu’en dépit de tout, son attachement à son idéal religieux a été irréversible, en dépit de l’existence des différents points de vue des autres. Je reste persuadé que la motivation première qui a guidé toute la vie et toute l’ouvre de Salah Eddine était le Jihad jusqu’à la libération totale de Jérusalem qui passe aux yeux de Salah Eddine nécessairement par la destruction de la puissance militaire du Royaume des croisades. Le Jihad était pour lui la condition nécessaire pour atteindre l’objectif de libérer Jérusalem.

On a essayé de montrer la lutte de Salah Eddine contre les princes rivaux comme une lutte d’intérêts et de pouvoir pour son clan et sa famille mais cela ne tient pas à l’analyse de ses biographies. J’ai l’intime conviction que sa vie a été consacrée à l’objectif qu’il avait choisi, la libération de Jérusalem, et toutes ses luttes internes se focalisaient sur la réalisation de cet objectif (37).

Face à Salah Eddine on peut dire que la stratégie des Croisés a constaté essentiellement à éviter l’affrontement avec les musulmans autant que possible en se focalisant sur une planification de guerre purement défensive (38). Depuis la création du royaume des Croisés, les Franques ont toujours consacré leurs efforts à la fragmentation des arabes et à l’évitement d’une confrontation qui pouvait donner une rapide victoire aux armées musulmanes.

Raymond III était persuadé que si l’armée des Croisés livrait bataille dans la chaleur de l’été elle n’aurait pas la haute main dans la lutte, et a tenté de persuader le roi croisé, Guy de Lusignan, de ne pas prendre l’initiative de livrer bataille et de sa cantonner à la défensive. Mais le chef des chevaliers Renaud de Châtillon accuse Raymond de lâcheté et convainc les Croisés de lancer assaut contre les musulmans et battre l’armée de Saladin.

Comme le Roi des Croisés n’avait pas l’envergure d’un chef il a finit par se ranger à l’avis de Renaud de Châtillon. Dans leur sortie à la rencontre des musulmans les Croisés ont campé dans la région de Sophoria verdoyante avec arbres et cours d’eau et Raymond insistât pour y rester sans aller plus loin dans la rencontre des musulmans préconisant une fois de plus qu’il n’était pas sage de chercher à livrer combat contre les musulmans.

 

À propos de Galilée

Salah Eddine n’a pas hésité à recourir à une diversion militaire pour forcer les Croisés à sortir de leur campement de Sophoria qui leur assurait la sécurité et les ressources. Au début du printemps de l’année 583 AH / 1187, il a lancé une forte attaque sur la forteresse de la Galilée où résidait la femme du comte Raymond III. Soumettant le château a des assauts qui allaient le faire tomber, Salah Eddine parvient à pousser la femme du comte, retranchée dans le château assiégé, à solliciter l’aide du roi des Croisés pour mettre fin au siège de Salah Eddine (39). La manœuvre militaire de Salah Eddine réussit : contre l’avis de RAYMOND III qui était conscient des risques de l’affrontement meurtrier avec l’armée des musulmans d’une part, et qui pensait qu’il valait mieux laisser tomber le château et payer la rançon pour libérer sa femme d’autre part, le chef de l’Ordre des Chevaliers, s’introduisit auprès du roi des Croisés et le convaincu d’aller à la rencontre de Salah Eddine pour l’empêcher de s’emparer de la Galilée.

Vendredi, 24 rabiâ 583 Hijri / 3 Juillet 1187, en pleine chaleur, l’armée des croisades quitta les jardins couverts de Sophoria pour prendre le chemin des collines nues à destination de Tibériade (40). Comme à l’habitué les forces de renseignement et de reconnaissance de l’armée de Saladin démontrèrent leur intelligence et leur compétence dans le suivi et les prévisions des manœuvres des armées des croisés. Salah Eddine était mis au courant du déplacement des armées ennemies et de l’état de leurs forces.

Et Salah Eddine redéploya son armée en lui faisant faire marche du camp de « Kfar Sabbat » au village de Hattin, qui était été riche en pâturages et en eau abondante. A hattin son armée fit jonction avec les troupes musulmanes qui revenaient de Galilée mettant fin à leur siège. La situation logistique a changé : c’est maintenant les troupes musulmanes qui sont à l’aise et au repos tandis que les troupes croisées sont en marche exposées à la chaleur et au soleil de plomb.

Dans cette situation de combat les troupes musulmanes harcelaient les flancs et les arrières des armées par des coups de main et des embuscades en s’appuyant sur la cavalerie légère. On assiste à de nouvelles techniques de combat auxquelles les armées des croisées n’étaient pas préparées : harcèlement et attaques surprises éclair.

Il était difficile voire impossible pour les armées croisées de modifier leur dispositif de combat et de déplacement pour s’adapter aux nouvelles techniques de guerre éclair utilisée par les musulmans. Maintenant leur dispositif traditionnel de blocs compacts et de rangs serrés les croisés ont péniblement souffert du harcèlement type guérilla. Devant les pertes subies et la désorganisation de leurs dispositifs, les Croisés ont été contraint d’arrêter leur déplacement et d’organiser un camp de stationnement pour tenter de repousser les attaques poursuivies tout au long d’une longue et pénible journée qui a vu des attaques violentes perpétrées par des musulmans sur les flancs et le dos de leur armée et entamant la résistance morale et physique des troupes(41).

Les Croisés ont installé leur campement sur une colline surplombant le lac de Galilée. Mais ils ne sont pas en mesure d’atteindre l’eau car des détachements musulmans leur font obstruction en s’interposant entre eux et les berges du lac.

Et pour le malheur des croisées, la soif du jour se conjugua à la fumée émise par les feux que les soldats de Salah Eddine, infiltrés dans les avants postes, allumaient dans les broussailles sèches autour du campement. Les croisés étaient en plus démoralisés par les prières et les Allah Akbar prononcés par les musulmans. Le matin, à l’aube dès l’appel à la prière des musulmans, les croisés avec un moral fortement perturbé, firent le constat qu’ils étaient encerclés de tous les côtés. Il ne leur restait que la tentative d’ouvrir une brèche par l’infanterie à destination des points d’eau mais ce fut pour eux la plus grande débâcle de l’histoire des croisades. Après d’âpres combats une partie des troupes croisées fut dispersée et une autre partie fut tuée ou capturée.

Le samedi, rabiâ 25 583 Hijri / Juillet 4, 1187, l’Armée islamique réalisa la plus grande victoire contre l’existence du royaume des croisades. Toute l’armée conduite par les Chevaliers fut décimée. Ne survécut à cette défaite que Raymond III, le comte de Tripoli, qui avaient fui pendant la bataille, avec un certain nombre d’amis. Salah Eddine a réussi à décimer une partie de l’élite des Croisés (42). Jérusalem devenait de plus en plus un objectif proche et réalisable dans la stratégie patiente et savante de Salah Eddine.

A la suite de ce combat qui fut une destruction catastrophique des forces principales des Croisés qui ont perdu des hommes et du matériel ne restaient comme résistance principale sur la route vers Jérusalem que de petites garnisons retranchées dans les forteresses, les châteaux et les villes occupées qui tombèrent les unes après les autres au main des musulmans peu de temps après la bataille de Hattin.

 

Plus qu’une défaite, une série de défaites

Certes, il est vrai qu’avant la bataille de Hattin les Croisés ont connu des catastrophes militaires, il est vrai aussi qu’un certain nombre de leurs dirigeants ont été tués ou faits prisonnier par les combattants musulmans, mais la bataille de Hattin est plus qu’une défaite ou une catastrophe militaire c’est l’effondrement du système idéologique, militaire, politique et psychologique des croisades.

Le plus important dans cette bataille décisive est que Salah Eddine est réconforté dans sa vision de libération de Jérusalem qui dictait de rendre les croisés vulnérables détruisant le mythe de leur invincibilité militaire et de la puissance de leur royaume. Il a été en mesure, à la tête de son armée, de détruire la plus grande armée des Croisés, et il est maintenant convaincu plus que jamais que la défaite totale des Croisés est faisable et que c’est leur défaite militaire qui mettra fin au royaume latin en Orient et réalisera la libération définitive des territoires arabes de la domination étrangère.

Il est vrai que la bataille de Hattin n’a pas mis de fait fin aux Croisades et s’il y a eu une durée plus grande à l’existence des Croisades et plus tard à la présence coloniale cela est imputable à la faiblesse politique des successeurs de Salah Eddine qui ont laissé ressurgir les anciennes rivalités politiques et s’installer de nouveau l’esprit tribal avec ses convoitises et sa vision étroite et à court terme.

Il faut souligner aussi que les Croisés ont perdu par la suite de leur vitalité et n’ont tien réalisé de grand ou de spectaculaire se contentant de gérer leur royaume que Salah Eddine a laminé et fortement réduit.

Le plus grand fait, du côté musulman, de la bataille de Hattin, est la participation, pour la première fois depuis des siècles, au combat ensemble, sur un même front et contre un seul et même ennemi, l’ensemble des forces officielles arabes venant de Syrie, d’Irak, d’Egypte et même des bénévoles venant du Maghreb. Elle donne à l’histoire le repère véritable et la stratégie authentique de libération des terres occupées : un front uni dans l’action politique et militaire. Ce front n’était pas le résultat d’une improvisation ou d’un accident de l’histoire mais l’effort inlassable, permanent et continu d’Imad Eddin Zinced, de Noor Eddin Mahmud et puis de Salah Eddine Ayouby. La victoire de Hattin contre le colonialisme des Croisades est le point culminant et logique des efforts de la construction du Front uni de résistance politique et militaire.

De ces considérations découle l’importance historique de la bataille de Hattin. Elle reste une épine au gout amer et cruel dans toute l’histoire des Croisades et de l’Europe catholique …

Lorsque le temps d’apaisa et la poussière de la bataille se dispersa, le roi des croisés Guy de Lusignan accompagné de Renaud de Chatillon et de hauts dirigeants furent amenés captifs dans la tente où les attendaient Salah Eddine. Le chroniqueur musulman Îmad al-Esfahani raconte comment le Sultan Salah gronda Renaud de Chatillon et lui reprocha ses actions belliqueuses et son odieux manque de respect pour les pactes et les conventions. Jusqu’à la fin Renaud de Chatillon se montra arrogant, menteur et perfide allant jusqu’à affirmer que la faute incombait aux rois des Croisés. Salah Eddine a tué le prince transgresseur comme accomplissement d’un vœu qu’il avait fait à lui-même lorsqu’il a pris conscience des horreurs commises contre les musulmans à cause des agissements et des intrigues de Renaud de Chatillon.

A la vue de la décapitation du prince Renaud de Chatillon le Roi des Croisés fut pris d’une crise d’épilepsie qui ne s’arrêta que lorsque Salah Eddine le réconforta et lui donna le serment qu’il était sous sa protection. Il donna l’ordre de décapiter tous les Templiers considérés comme responsables des massacres commises contre les populations musulmanes, à l’exception de leur commandant en chef à qui il accorda la vie (43).

Après la victoire de la bataille de Hattin les forces de Saladin avancent en douceur sans précipitation faisant tomber les uns après les autres cinquante-deux villes, châteaux et forteresses des Croisés.

Les places fortes des croisés tombaient facilement car d’une part elles étaient dans un rapport de force défavorable et d’autre part ses occupants avaient la garantie de la vie sauve et de la sécurité s’ils se rendaient sans opposer résistance. Salah Eddine avaient la réputation de ne jamais manquer à ses promesses ni à ses engagements.

Les armées de Saladin sont parvenus jusqu’à Acre (Akka en Palestine), qui était le plus important port des Croisés sur la Méditerranée. C’est un port militaire bien protégé avec des forteresse presque invulnérables et qui s’est préparé à l’arrivée des armés musulmanes qui l’ont attaqué le premier jeudi du mois de Joumada I AH 583 / 1187. La population croisée d’Acre, en quête de sécurité, a demandé de négocier avec Salah Eddine qui leur a donné le choix de rester ou de partir loin de la zone de combat. Ayant fait le choix de partir il s’engagea à leur laisser la vie sauve et à leur laisser leurs richesses qu’ils pouvaient transporter avec eux comme serment de Salah Eddine inviolable et sacré.

Comme ils s’imaginaient qu’après la prise de la ville ils allaient tous être tués ainsi que leurs femmes et leurs enfants il décidèrent pour la plupart d’abandonner la ville à son sort…( 45). L’attaque contre la ville permis la libération des prisonniers musulmans à Acre (Akka) dont le nombre dépassait quatre mille(46). Acre remis les clés de la ville à Salah Eddine au cours du mois de Joumada I 583 AH / 10 Juillet 1187. A partir d’Acre Salah Eddine récupéra en quelques mois Jaffa, Nazareth, Sforep, kissaria, Naplouse, et Tibnine, Sidon, Beyrouth, Byblos, Ashkelon, Gaza, Toron, Aldarom (à proximité du territoire égyptien). Le but était d’empêcher le débarquement de renforts venus d’Europe. Il pouvait maintenant se mettre en marche sur Jérusalem à la fin de Joumada II 583 AH / Septembre 1187 (47).

 

Récupération d’Ashkelon

Ashkelon est la plus importante des forteresses que Salah Eddine a fixé comme objectif à reconquérir avant de se diriger sur Jérusalem. Ashkelon a été un grand enjeu militaire et stratégique tant pour les croisés que pour les musulmans : c’est une base à la fois navale et terrestre dont la maîtrise permettait de lancer des expéditions redoutables tant navales que terrestres le sol peuvent être avancées pour ceux qui possédaient eux pour lancer des attaques efficaces contre l’ennemi au sol ou sur mer. Cette base est resté 35 ans sous la domination des croisés avant d’être libérée par Salah Eddine qui a ordonné la destruction de ses murailles et de ses forteresses pour qu’elle ne puisse plus servir de base ennemi dans le cas où elle serait reprise par l’ennemi dans le futur.

Le Sultan met son armée, victorieuse, en marche sur Jérusalem pour la faire tomber par l’épée (48). Sans doute il eut l’idée et le désir de venger le sang des musulmans massacrés par les croisés lors de la Première Croisade en Juillet 1099.

A ce moment là, dans la marche sur Jérusalem, Al-Nasser Salah Eddine Yusuf Ayouby, avait sous son commandement toutes les armées arabes qui avaient combattu sur tous les fronts et toutes les villes et forteresses le long de la côte syrienne et palestinienne où se trouvait la forte présence des coalisés. Il imposa l’embargo totale contre la ville sainte, le dimanche, le 15 Rajab, 583 AH / Septembre 1187 ….

Le dernier et court chapitre de l’histoire de la libération de Jérusalem, doit toujours être vu comme l’aboutissement d’un long processus historique et le résultat d’une complexe maturation politique et militaire et non un simple fait d’armes épique. Le siège de la sainte ville a duré seulement vingt jours, mais le conflit a été l’histoire de longs et pénibles chapitres qui s’est étalée sur quatre-vingt-huit ans de luttes sur plusieurs générations depuis que la ville tomba aux mains des Franques Croisés la dernière année du dixième siècle jusqu’à sa libération par les musulmans le 27 du mois de Rajab de l’année 583 AH / II d’Octobre 1187.

La scène finale a été, comme une ironie du sort, plein de contrastes, plein de panoramas impressionnants. Elle demeure comme contradiction générale avec la scène brutale et cruelle qui a eu lieu quatre-vingt-huit ans auparavant. Elle demeure un rapport de confrontation entre le fanatisme agresseur et la culture d’une civilisation qui défend son existence et ses valeurs, entre l’arrogance impitoyable du colonisateur et l’éthique de la résistance et entre la barbarie du dominateur et la fierté et la noblesse du triomphe de la libération.

Enfin l’assaut final contre la sainte ville fut donné et les catapultes des armées musulmanes ciblèrent les murailles et les tours fortes par un pilonnage intensif de lourdes pierres et de boulets de feu. Bien protégés derrière les murailles les croisés opposèrent une résistance farouche et obstinée sous le commandement du Prince croisé Balian de Laplaine. La résistance de la ville conjugué à la chaleur du jour contraint le Sultan Salah Eddine à déplacer son camp et à changer de site de bataille. Il se dirigea alors le 25 Rajab vers la partie nord de la ville.

Les croisés pensaient que l’Armée islamique a dû lever le siège de la ville, mais ils ont déchanté de leur optimisme lorsqu’ils vu apparaitre les forces de l’Islam sur le Mont des Oliviers, qui surplombe Jérusalem du côté de la Vallée de l’Enfer (49).

 

Etranges rituels

À l’intérieur de la ville, la reine Isabella Sybila prend la défense de la ville avec le concours du patriarche catholique Héraclius et du Prince Balian. Les femmes de l’aristocratie des Croisés, sous la direction d’Isabella, eurent recours à une étrange procession, un rituel inédit, dans l’espoir que le sort soit plus clément en faveurs des Croisés qui ne se faisaient plus d’illusion sur l’issue de la bataille. Les dames de l’aristocratie se sont mises à tondre les cheveux de leurs filles, puis à les déshabiller les laissant nues prendre un bain en public et en plein air sur une colline de Jérusalem (50).

Mais la ville assiégée n’est pas dans le besoin de ces rituels frivoles, mais dans des combattants, des armes et une volonté de combattre qui font défaut… Et le prince Balian proposa de remettre les clés de la ville en échange d’un pacte de paix qui garantit leur vie et leur sécurité. Mais le sultan Salah Eddine, refusa l’offre car il voulait une victoire totale par les armes pour achever définitivement la présence étrangère sur les territoires arabes et clore un chapitre de l’histoire du monde arabe : la ville devrait être libérée de la même façon qu’elle a été prise.

Sur ce sujet le chroniqueur musulman Imad al-Din al-Asfahani raconte : » Le Prince des croisés a dit que si le Sultan n’acceptait pas l’offre d’échanger la ville contre leur sécurité, il allait donner l’ordre aux croisés de détruire la ville, y compris la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher, et abattre toutes les femmes et les enfants vivant dans la ville « … Votre intérêt n’est pas dans notre défaite mais dans un traité de paix, vous perdrez tout si vous obtenez totale victoire. La déception vous est venue par la porte de l’espérance, le moins pire pour vous se trouve dans le traité de paix même s’il contrarie votre victoire … ». La décision finale fut prise par un conseil de guerre qui accepta la capitulation des croisés et l’arrêts des combats par les troupes musulmanes (51).

Ils devaient être heureux ce jour là les défenseurs Croisés dirigés par le Prince Balian de Laplaine. Ils étaient heureux parce qu’ils sont à la merci d’un vainqueur qui jouit de hautes qualités morales et des attributs de miséricorde et de compassion. Personne n’ignorait la vertu de la parole et des actes de Nasser Salah Eddine. Sa miséricorde et sa sagesse ainsi que celle de son conseil de guerre ont évité une effusion de sang inutile et ont confirmé une fois de plus l’humilité des musulmans dans la victoire et le primat de la raison sur le désir de vengeance. L’histoire des Croisades ne retient ni contre Salah Eddine ni contre les musulmans les atrocités qui étaient courantes dans le monde à cette époque … »(52).

En effet le Sultan était connu de ses contemporains, par son comportement humain, loyal, fidèle à ses promesses. Quand le prince Balian a proposé ses conditions de reddition Salah Eddine n’a pas hésité longtemps avant d’aller à la solution la plus charitable et la plus économie en vie humaine. Il a vaincu la rage portée dans le cœur quand les yeux voient la sainte ville à la portée de ses armes et que le souvenir est hanté par le massacre des s musulmans lors de la prise de la ville par les croisés et par les longues et cruelles souffrances des peuples arabes plongés sous le joug du colonialisme des croisés qui a duré quatre-vingt-huit ans .

Les musulmans ont accepté que soit versée une rançon pour chaque homme de dix dinars, chaque femme de cinq dinars, et chaque enfant de deux dinars (53).

 

Entrée victorieuse à Jérusalem

Les Musulmans entrent à Jérusalem le vingt-septième jour du mois de Rajab en 583 AH / II de Octobre 1187. Ne sont restés dans la ville que les autochtones, les arabes musulmans et les arabes chrétiens de l’Eglise orientale. Tous les croisés ont quitté sains et saufs la ville, ceux qui pouvaient payer leur rançon et ceux que Salah Eddine a accordé dérogation de ne pas payer leur rançon pour une raison ou une autre.

Le patriarche Héraclès est parti sain, sauf et libre d’emmener avec lui les reliques religieuses, l’argent et tous les objets en or et en argent ainsi que les coffres remplis d’objets précieux qui étaient dans l’église de la Résurrection, sous les yeux et la protection des soldats musulmans, sans être exposé à un vol ou une vexation de la part de la population arabe. Un pacte est sacré, inviolable, quelques soient les blessures et les humiliations subies par le passé.

Le dernier à partir fut le princpe Balian qui avait déployé toute son énergie pour maintenir la ville sous domination des croisés et qui avait fait tout son possible pour négocier la livraison de la ville contre la vie sauve de ses défendeurs croisés chevaliers, soldats et civils. Il est parti libre accompagné de son épouse et des princes et chevaliers qui étaient avec lui à Jérusalem. Ils sont partis empruntant une route sécurisée pour eux et leurs biens conformément aux garanties données par le Sultan Nasser Salah Eddine Youssouf al Ayoubi.

Pour l’époque, la reconquête de Jérusalem, reste, sur le plan humanitaire, une image singulière. La libération de Jérusalem a provoqué un rayonnement de bonheur , de liesse populaire et de ferveur religieuse dans l’ensemble du monde musulman. La nouvelle de la libération de Jérusalem attira des foules innombrables du monde musulman pour la visite de la ville sainte et la mosquée Al Aqsa (54).

L’oraison et le sermon du vendredi ont été restaurés à la mosquée Al-Aqsa, après une longue pause de presque un siècle, le quatrième vendredi du mois de Sha’ban en 583 AH. La chaire du sermon de (al minabar) qui a été réalisée depuis longtemps, depuis Nur al-Din Mahmoud, a pris sa place lors de cette célébration historique de l’oraison du premier vendredi de la libération.

L’historien Ibn Athir raconte : Salah Eddine ordonna la construction de la tribune (minabar) pour l’offrir à la mosquée Al-Aqsa le jour de la libération de Jérusalem à laquelle il se préparait et y croyait. Lorsqu’on lui dit que Nur al-Din Mahmoud avait déjà donné des instructions à des artisans d’Alep de fabriquer le Minbar en mettant toute leur ingéniosité artistique pour qu’il soit la plus belle tribune jamais réalisée dans le monde islamique. Les menuisiers syriens ont mis des années pour réaliser ce chef d’œuvre d’ébénisterie. Salah Eddine ordonna que cette chaire soit ramenée à Jérusalem pour l’inauguration de la prière du vendredi dans Jérusalem qui allait être libérée. C’est donc cette chaire qui pris sa place dans la mosquée al Aqsa.

L’imam qui a présidé à la prière était le juge Mohieddin Ibn Zaky. Il portait la tunique noire emblème de la dynastie des Abbassides et prononça des éloquents sermons et des discours plein de ferveur religieuse à cette occasion historique (56).

 

L’oraison et le sermon du vendredi dans Jérusalem libérée

Il s’agissait ce jour là, dans la prière, dans le sermon, dans la chaire et dans la foule des orants, des images symboliques du processus du jihad qui a duré plusieurs générations, afin de libérer Jérusalem des Croisés (57).

Salah Eddine s’est donné suffisamment de temps pour évacuer la ville de tous les Croisés, pour remettre la ville en état de fonctionner normalement sur le plan administratif, social et économique. Il a autorisé l’entrée de la ville aux populations juives. Les juifs ont été expulsées des abords de la ville par les Croisés et n’étaient pas autorisés à pénétrer dans la ville sainte durant les longues années d’occupation croisée sous le prétexte qu’ils étaient responsables des souffrances de Jésus-Christ. Pour l’histoire il faut souligner que les juifs en Palestine étaient peu nombreux par rapport aux autres villes d’Orient et que la majorité de la minorité juive en Palestine, vivaient traditionnellement en dehors de la ville de Jérusalem comme en témoignent le Benjamin Alttili et d’autres nombreuses sources historiques. Salah Eddine leur a accordé le privilège de résider dans la ville comme tous les autochtones de la région arabe.

Le Sultan ordonna la restauration du Mihrab de Omar devenu vétuste et son revêtement en marbre. Il ordonna le retrait des icônes et des images placées par les Templiers et les Chevaliers dans les maisons qu’ils avaient spoliés et dans les bâtiments et cours de la mosquée Al-Aqsa.

Le Dôme du Rocher est lavé avec de grandes quantités d’eau de rose, puis son air purifié par les meilleurs encens. Il supervisa le recrutement du personnel responsable du service de la mosquée Al-Aqsa. L’église de la Résurrection a été fermée pendant plusieurs jours, puis elle a rouvert ses portes aux fidèles chrétiens. Autorisation fut donnée aux princes des croisés de la visiter et d’y venir faire leurs prières et leur pèlerinage.

Ce bref aperçu sur le rôle historique de Saladin et sur sa stratégie pour la libération de Jérusalem, révèle une biographie d’un homme qui mérite une noble appréciation et une grande vénération à la lumière de sa réussite dans la libération de Jérusalem. Toute sa biographie témoigne qu’il a dirigé son attention tout au long de sa vie pour atteindre cet objectif, et qu’il a estimé, sans faillir un jour ou douter un instant, que le jihad est la seule façon, au niveau politique et militaire, pour parvenir à la libération des territoires occupés.

Il faut retenir que Salah Eddine a construit le projet de libération de Jérusalem sur la base préalable de la reconstruction de l’unité morale, politique et religieuse du monde musulman sous la bannière du djihad contre les Croisés. Sa biographie révèle qu’il a consacré la plus grande partie de sa vie dans ses efforts pour former l’unité politique et mettre fin aux luttes entre les factions dans la région arabe. Les combats contre les Croisés n’ont occupé qu’un tiers du temps consacré à l’action militaire contre les princes Al zenkyines et autres brigands et voyous arabes.

Il faut garder conscience vigilante que la fragmentation confessionnelle et doctrinaire, l’égoïsme des intérêts mesquins, le sectarisme ethnique et la division politique des dirigeants et le silence des populations musulmanes de l’époque, était la raison de la réussite de l’arrivée et de l’implantation des Croisades au cœur du monde arabe. Il ne faut pas perdre de vue que la présence continue et trop longue des croisés sur le sol arabe n’est pas la résultat de leur supériorité mais la conséquence dépend objective de la dégradation continue ,morale et politique, de la personnalité arabe qui est devenu, de ce fait, otage des convoitises et faille vulnérable face aux appétits colonialistes. Le monde arabe otage de la gouvernance insensée des dirigeants arabes et de leurs divergences politiques scandaleuses se transforme inévitablement en proie facile pour les prédateurs colonisateurs comme les croisés.

Salah Eddine ne doit pas être vue dans une vision messianique. Il est à la fois le produit et le continuateur d’un long processus libératoire qui a commencé par imad Eddine zinqi et Noor Mahmoud qui avaient en tête le projet révolutionnaire de libération de Jérusalemen, de la Palestine et du monde arabe. Les prédécesseurs de Salah Eddine engagé sur la voie de la libération l leur manquait les deux conditions de réussite : l’unité des rangs politiques et l’unité de commandement militaires qui permettaient de réaliser cet objectif de grande envergure. Aucune ambition légitime et noble ne peut se concrétiser dans des conditions de déliquescence morale et politique et sans planification qui met en place la stratégie, les moyens et les programmes d’actions.

Salah Eddine avait l’avantage d’avoir la vision lucide et la conscience religieuse et politique de cette situation anormale, politiquement et moralement. Il avait aussi la compétence d’agir avec savoir, intelligence et prudence trouver l’opportunité et la pertinence pour surmonter les obstacles, les affronter ou les contourner sans perdre de vue l’effort stratégique des efforts tactiques, les visées lointaines des visées à court et moyen terme. Il a montré que la planification intelligente conjugué à a la volonté permettent de se renforcer progressivement contre l’occupant et de rendre faisable la libération dont la concrétisation est rendue de plus en plus proche et de plus en plus évidente tant pour lui que pour ses proches et les populations musulmanes.

Salah Eddine en écrivant au Calife abbasside al Moustandi billah :  » Si les affaires de la guerre trouvaient solution dans la pluralité des participations on n’aurait pas manqué sans doute la gloire qui nous fait défaut au vu de l’importance du nombre de prétendants autonomes chacun réclamant pour lui l’autorité. On n’aurait pas été amené à subir des préjudices s’il était naturel que le monde supporte la coexistence de plusieurs autorités contradictoires. Mais la vérité que nous ne pouvons ni occulter ni fuir sans préjudices et dommages et que les affaires de la guerre exigent une longue préparation et une excellente planification qui ne peuvent se passer de l’unité de commandement militaire et de l’unité de décision politique. Si la question du commandement est réglée et la planification politique tranchée il ne reste alors que la mise en place des organes consultatifs sur les questions de mobilisation des moyens pour mener les combats victorieux … »( 58).

Ces quelques mots résument la doctrine de Salah Eddine sur l’Etat moderne et sur la guerre de libération. Ils sont le meilleur témoignage sur la stratégie victorieuse de Nasser Salah Eddine Youssef al Ayoubi dans la reconquête de Jérusalem.

 

Auteur : l’écrivain et historien égyptien Qassem Abdou Qassem

Traduction Omar Mazri

Notes du traducteur :

Celui qui veut faire un travail comparatif qu’il lise par exemple les Croisades sur Wikipédia. Vous aurez plus de détails mais une vision de l’histoire du côté occidental. Ici c’est une lecture non apologétique mais du côté arabe et musulman. Le francophone peut trouver dans cette traduction, malgré ses fautes, une autre source d’information et une autre lecture de la libération de Jérusalem. L’auteur égyptien, Qassem Abdou Qassem, historien et écrivain, est allé à l’essentiel : montrer les causes de la défaite et de la victoire qui sont exactement les mêmes au Xème ou au  XXIsiècle.

J’aimerais ajouter trois  élément d’appréciation qui font partie de la culture islamique et que l’auteur n’a pas soulevé dans son excellent article.

Le premier est l’espérance que doit garder le croyant, même dans les situations les plus tragiques, car l’espérance fait partie intégrante de la foi. Le rapport de force politique et militaire est important dans l’issue d’une bataille mais il n’est pas déterminant. La foi et la vertu du combattant et de son environnement social sont l’autre élément décisif dans la victoire ou la défaite. C’est la loi de Dieu qui s’est appliquée et qui s’appliquera car Il est créateur de l’homme, de ses actes et des conséquences de ses actes et elle s’applique selon la loi de la causalité et du mérite et selon d’autres lois qui échappent à notre entendement :

{Ô vous qui croyez ! Si certains d’entre vous renient leur foi, Dieu fera surgir d’autres hommes qu’Il aimera et qui L’aimeront. Humbles avec les croyants, durs envers les négateurs, ils combattront au service de Dieu, sans la crainte d’aucun reproche.} Al-Maidah 54.

Le second élément est l’aspect épique ou charismatique qu’on attribue au commandant victorieux ou au dirigeant  qui s’est particulièrement illustre dans   une situation politique ou géopolitique oubliant le rôle de tous ses anonymes dont on ignore le sacrifice, les souffrances et le rôle déterminant dans la préparation et l’exécution du destin et de l’histoire. Nous devons nous libérer du culte du chef et de l’attente messianique car le destin c’est vous, moi, nous tous si nous agissons avec sincérité, intelligence et de concert sans chercher la fausse gloire. Mohamed (saws) a fait éloge des exilés. On lui a demandé qui étaient les éxilés (al Ghouraba) il a expliqué que ce sont des gens dont le comportement est si humble et si effacé qu’ils paraissent des étrangers insignifiants parmi les leurs mais dont l’action n’est connue efficace et méritoire n’est connue que de Dieu. Leur récompense auprès de Dieu n’aura d’égale que leur anonymat dans ce monde:  » les exilés sont ces gens quand ils sont parmi vous vous ne faites pas cas de leur présence et quand ils sont loin de vous vous ne remarquez pas leur absence mais dont les oeuvres auprès de Dieu sont considérables »

Le troisième est aux  amateurs de berbérité, d’arabité ou de kurdité, de chiisme et de sunnisme :  il faut juste rappeler que la civilisation musulmane même dans sa décadence a toujours posé le problème de l’arabité en terme de culture et non en terme d’ethnie. Salah Eddine était Kurde par sa naissance mais sa culture était arabe et il a combattu tous ceux qui favorisaient la fragmentation de la nation musulmane au nom de la confession, de la doctrine ou de l’ethnie. Les chrétiens du monde arabe se considèrent comme arabe faisant partie de la vaste culture musulmane. Les chrétiens et les juifs  de l’orient musulman se considèrenent comme partie intégrale et indissociable de la culture musulmane. Tout sectarisme pratiqué par un musulman est condamnable.


(36) ديفيد جاكسون، « معركة حطين » ، ص86 – ص87.

(37) نفسه، ص92- ص93.

(38) سميل، الحروب الصليبية ، ص152- ص153.

(39 ) نفسه، ص176- ص177.

(40) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص60 – ص73؛ العماد الأصفهاني، الفتح القسي، ص17- ص45؛ مجهول، البستان الجامع لجمع تواريخ الزمان (نشره كلود كاهن) انظر:

Claude Cahen ،  » Une Chronique Syrienne de VI- XII Siecle: Le  » Bustan Al Jami  » ، en Bulletin d، Etudes Orientales ، toms. VI-VIII، (Annees 1937-1938 ) ، pp. 146-ff.

(41) سميل، الحروب الصليبية، ص179- ص180.

(42) عن معركة حطين، انظر: ابن الأثير، الكامل، ج9 ، ص177- ص179 وقد ذكر ابن الأثير ما نصه « .. وكان من يرى الأسرى لكثرتهم لا يظن أن هناك قتلى، فإذا رأى القتلى حسب أنه لم هناك أسرى… »، انظر أيضا: ابن شداد، النوادر السلطانية، ص60- ص73؛ الأصفهاني ، الفتح القسي ، ص17- ص45؛ ابن واصل ، مفرج الكروب ، ج2، ص187- ص192المقريزيي، السلوك، ج1، ص93؛ ميخائيل زابوروف، الصليبيون في الشرق (دار التقدم، موسكو 1986م ) ، ص191- ص192.

Mayer،op. cit. ، pp. 131-132 ; Runciman ، op. cit. vol. II ، pp. 450 -460.

(43) الأصفهاني، الفتح القسي في الفتح القدسي، ص80- ص81.

(44) المقريزي، السلوك، ج1، ص93.

Mayer، op، cit.، pp. 131- 132.

(45) الأصفهاني، الفتح القسي في الفتح القدسي، ص89 – ص91.

(46) ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة في ملوك مصر والقاهرة (طبعة مصورة عن طبعة دار الكتب المصرية – الهيئة العامة قصور الثقافة 2008م) ،ج6 ، ص35.

(47) الأصفهاني، الفتح القسي، ص92- ص115؛ ابن الأثير، الكامل، ج9 ، ص176 – ص178، ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة، ج 6، ص35 – ص67؛ ابن واصل، مفرج الكروبي، ج2 ، ص209 – ص 211؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص95؛ ابن شداد، النوادر السلطانية، ص80 –ص81؛ أبو شامة، ج2 ، ص95.

Runciman ، op. cit. ، vol. II ، pp.461- 462.

(48) ابن واصل، مفرج الكروب، ج2 ، ص209- ص211.

(49) ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة ، ج6، ص36؛..Mayer،op.cit.p.132.

(50 ) Ibid ، pp.131-132.

(51) الأصفهاني، الفتح القسي، ص127.

(52) مونتجومري وات، « الحملات الصليبية: تصورات مختلفة » في كتاب ، 800 عام – حطين والعمل العربي الموحد (دار الشروق 1989م)، ص80.

(53) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص 129؛ الأصفهاني، الفتح القسي، ص127- ص137؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص97؛ ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة ، ج6، ص36- ص37؛

Runciman ، op. cit. ، vol. II ، pp. 264-266.

(54) المقريزي، السلوك، ج1، ص97.

(55) ابن الأثير، الكامل، ج 9، ص182 وما بعدها.

(56) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص235 – ص237؛ الأصفهاني، الفتح القسي، ص138- ص140؛ البستان الجامع، ص146 – ص147؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص96- ص99؛ ابن تغري بردي، النجوم الزاهرة، ج6، ص37؛ انظر أيضا:

Mayer ، op. cit. p132; Runciman ، op. cit. vol. II ،pp.446- 447.

(57) قاسم عبده قاسم، في تاريخ الأيوبيين والمماليك (دار عين للدراسات والبحوث 2007م) ، ص62 – 63.

(58) أبو شامة، الروضتين، ص48؛ ابن واصل، واصل، مفرج الكروب ، ج1، ص15

la voie de libération de Jérusalem 1/2

Scènes de Jérusalem du temps des croisades

Scène I:
Le concile de Clairmont (ou Clermont) — aujourd’hui Clermont-Ferrand — s’est tenu en Auvergne en 1095. Le pape Urbain II l’avait convoqué pour traiter des problèmes de discipline ecclésiastique, à la suite du concile de Plaisance qui s’était tenu six mois plus tôt, mais l’un des faits notables de ce concile est l’appel qu’Urbain II à la noblesse de la chrétienté, lui demandant de lutter contre les Turcs qui selon lui menacent l’empire byzantin et de délivrer les Lieux Saints occupés par les Musulmans. Le pape Urbain II  d’origine française, a été enthousiaste de lancer une « déclaration de guerre » contre les musulmans (1 ).
Après avoir évoqué les malheurs et souffrances des chrétiens d’Orient, le pape adjure les chrétiens d’Occident de cesser leurs guerres fratricides et de s’unir pour combattre les musulmans païens et délivrer leurs frères en Orient qui est une cause plus juste. En même temps les Chrétiens pourront expier leurs péchés une fois arrivés à Jérusalem. Cet appel de Clermont qui est considéré comme une véritable opération médiatique mensongère contre les musulmans est  considéré comme la cause directe de la première croisade.
L’engagement et la réponse enthousiaste de la part du public chauffé à blanc par des manipulateurs de spectateurs dans une  pièce de théâtre dont chacun avait son rôle à jouer pour mobiliser les foules ignorantes. Ainsi il y eut des cantiques, des appels à la guerre et des chœurs répétant les mots « Dieu veut … il veut le Seigneur » (2). … Ainsi a commencé les croisades …

Journée du massacre


Scène II:

Dans un jour de chaleur torride de ce  mois de Juillet 1099 la ville de Jérusalem est tombé entre les mains des Croisés après un siège de cinq semaines. La prise de Jérusalem par les Croisés donna lieu à un terrible massacre de la ville sainte qui fut livrée et ses habitants à  trois jours de pillage, de vol, de viol, de meurtre. Les corps des morts, des brulés et des  mutilés restèrent exposés dans les rues et places publiques plusieurs jours.
Dans cette  atmosphère de tristesse et de désolation, la ville est restée enfermée dans une immense fumée et un épais champs de poussière et d’odeurs de corps carbonisés ou en décomposition. La rencontre de Jérusalem avec les Croisés fut le symbole de l’horreur. Dans l’horreur les Croisés étaient en extase dans l’église de la Résurrection qui recueillaient les  prières et les mots de remerciements adressés au Seigneur. Les   les échos de « Merci Seigneur » qui sortaient de la vielle Église (3) pour s’engouffrer dans dans la ville  donnaient un aspect sinistre et apocalyptique de la présence chrétienne européenne sur les terres arabo-musulmanes.
Scène III:

Un jour de ce mois d’ Octobre 1187 (27 Rajab en 538 AH), Salah eddine libère Jérusalem qui est restée otage des Francs Croisés un peu plus de  quatre-vingts ans.
La reprise de Jérusalem témoigne de l’humanisme des musulmans à l’opposé des  scènes brutales lors de l’ invasion barbare des Francs. Enfin l’oraison du  vendredi était restaurée à Jérusalem libérée après une longue période interdite (4).

Ainsi a commencé la fin de la présence des Croisés sur les terres arabes …

Ces trois scènes  ont marqué l’histoire de Jérusalem à l’époque des croisades; Cependant, la scène finale, celle de  la libération par Saladin est celle à laquelle je me consacre dans cette étude. Nous retenons que l’épopée de la libération, qui était dirigé par Saladin a commencé après  des moments sanglants qui ont vu Jérusaleme tomber sous la domination de la la horde barbare des Croisés au début du 11 ème siècle.  Jérusalem est un symbole perverti en « symbole de croisade », « le royaume de Jérusalem ».  « Saladin » a été et reste un symbole, le  symbole de la résistance contre la domination étrangère, le symbole du  Djihad islamique contre l’agression.Salah Eddine  a consacré  sa vie à la libération de Jérusalem, comme nous le verrons dans cette étude.

Les causes de la victoire et la défaite


Il serait faux de considérer la victoire  des Croisés contre les musulman lors de la première croisade comme l’expression d’une réelle supériorité du rapport de forces militaires  des Croisés. Sur le plan strictement militaire ils étaient numériquement, logistiquement, techniquement et scientifiquement inférieurs aux musulmans mais les combats ont été à leur avantage. Les Croisades ont été rendus possibles par la faiblesse politique du monde musulman et le déchirement intestinal entre les principautés qui favorisaient la  fragmentation politique et territoriale déja avancée de l’empire musulman. Cette fragmentation politique avait des conséquences sociales et culturelles dont l’héritage de l’amertume et de la méfiance des populations arabes envers les dirigeants dans  la région arabe. Ces dirigeants aveuglés par l’égoïsme et le manque de considération politique, anesthésiés par  l’inertie et l’absence de vigueur, privés de la vision stratégique des intérêts de la nation musulmane ne pouvaient exercer le pouvoir ni entraîner leurs peuples à combattre.

Dans la région arabe et du temps des Croisades les principales forces politiques et institutionnelles dans la région (le califat sunnite abbasside de Bagdad et le califat chiite fatimide du Caire)  se contestaient  le pouvoir et l’existence tout en  participant  à la manifestation de la faiblesse politique et sociale et de la vulnérabilité militaire dans le monde arabe. Dans cette bipolarité belliqueuse coexistaient dans la région de l’Orient musulman une mosaïque de principautés naines qui participaient à l’émiettement de l’ensemble et à la dispersion des énergies. Tout était facteur de division : les doctrines confessionnelles, les appartenances ethniques ou tribales, les intérêts matériels…

Du point de vue sociologique et historique c’est la fragmentation politique des musulmans qui est la cause de la victoire des  Croisés pourtant moins nombreux, de plus faible niveau de civilisation et de la tactique militaire que les  Musulmans et les Arabes.

Du point de vue religieux et spirituel cette victoire des Croisés n’était ni le résultat de l’intervention du Seigneur ni des  saints chrétiens ni l’esprit de foi des  Croisés, comme le prétendent les historiens des Croisades, qui eux mêmes sont les idéologues de   l’Église catholique et les admirateurs des Croisades. La victoire sans force réelle militaire ou spirituelle des Croisés a coïncidé avec l’atomisation politique conjuguée à la faiblesse morale et spirituelle des musulmans véritable cause de la défaite et de la perte des arabes et des musulmans devant leur agresseur.
Le succès inattendu des Croisés et leur  création du « Royaume latin de Jérusalem  » et trois Émirats sur les terres arabes en Palestine et en Syrie a provoqué un traumatisme psychologique énorme sur les populations arabes qui se sentaient trahies et humiliées. Les populations arabes avaient d’abord considéré les Croisés, au début des Croisades, comme de vulgaires  mercenaires au service de l’Empire byzantin qui finiraient par partir un jour. Mais la prise de Jérusalem et les opérations colonialistes qui ont eu lieu à partir de 1099 et au-delà  leur ont faite comprendre que les Croisés sont venus à leur pays pour y demeurer toujours comme conquérants. Face à eux une nouvelle réalité politique, économique militaire et religieuse, s’est douloureusement imposée à eux comme fait accompli (5).

Il était dans la logique historique que la réaction des musulmans contre le colonialisme des Croisés se fasse voir assez tôt, dès sa prise de conscience. Ainsi au Nord les  Turcs Seldjoukides, le Nord ont commencé de de mener des attaques violentes sur les Croisés. La résistance turque a permis de capturer le gouverneur d’Antioche, le prince de Boimond , le comte  Baudouin  et Jocelyne tout en infligeant plusieurs lourdes défaites aux armées croisées.

Dans le sud, les Égyptiens ont lancé des attaques à partir de leur base à Ashkelon, en Palestine, et ont infligé de lourdes  défaites dans les années 1101, 1102, 1105, mais ils n’ont pas poursuivi l’effort de résistance après ces dates en raison de problèmes internes, (6), en l’an 548 AH / 1153 les Croisés parviennent à s’emparer de la forteresse d’Ashkelon, dernier bastion de la résistance égyptienne en  forteresses en Palestine contre les Croisades.

La faiblesse de l’Etat fatimide

Les Croisades coïncident avec la décadence de l’état fatimide qui avait atteint un état de vulnérabilité, qui avait déja attiré les principautés musulmanes voisines à convoiter son héritage. Il était déjà perçu comme « l’homme malade » endormi sur   sur les rives du Nil, dont ne restait de sa gloire d’antan que des souvenirs et une ombre que plus personne ne craint ni ne respecte.
Ainsi a commencé la compétition entre Mahmoud Nour al-Din (qui a succédé à son père, Imad Eddin Zinqui qui avait réussi à libérer Alraha en 1144) et Amaury Ier de Jérusalem premier roi croisé de Jérusalem (1163 – 1174) (7), nommé par les sources historiques arabes  « le gagnant » puisqu’il a pu instaurer son protectorat sur le Caire et l’Égypte privant Nour al-Din d’une assistance des arabes du Sud. En effet les états latins d’Orient  confrontés à une Syrie musulmane puissante et unifiée vont sous la direction d’Amaury  trouver soutien auprès de l’Égypte fatimide, tombé dans les derniers degrés de la décadence et en proie à des luttes de pouvoir. Dirgham fut l’homme clé d’Amaury.

La lutte de contrôle de l’Égypte dans l’échiquier des Croisades s’est cristallisé sur le poste et la personnalité du premier ministre (al wazir)  qui détient les véritables leviers de commande réelle du Caire(8). Il y eut en parallèle aux affrontements armées une lutte pour le contrôle du  pouvoir en Égypte entre les Croisés et la Syrie.  Le premier ministre  Shawir installé par Nur al-Din Mahmoud et Dirgham  l’homme clé d’Amaury se livrèrent à une véritable lutte à mort qui connut de spectaculaires et incessants renversements jusqu’à la morts des deux hommes. Après six épisodes de rapports de force changeant d’un camp à l’autre Shirkuh finit par s’imposer et imposer en Égypte l’allégeance à la Syrie.  Amaury attaque et remporte plusieurs succès sur Shirkuk, mais Nur ad-Din envahit à son tour les états latins en guise de diversion pour protéger son lieutenant, prend les places fortes d’Arim et de Paneas et capture Bohémond III d’Antioche à Harrim le 11 août 1164. Seule l’intervention des byzantins empêche les musulmans de prendre Antioche. Shirkuh fut nommé par la population arabe le « Lion », le grand émir des armées mais il mourut quelques semaines après ses succès militaires et politiques  le jour de l’an 22 Joumada II 564 AH / 1169.

A partir de ce moment là le sultan fatimide al Aâded resta fidèle au pacte avec la Syrie  et déterminé dans la lutte contre les Croisés. Il nomma à la place de Shirkuh décédé un jeune nommé  Salah al-Din, comme premier ministre sans tenir compte de l’opposition des princes,  des dignitaires et des courtisans du régime. Salah al-Din était l’étoile brillante dans le ciel arabe et de la politique arabe.

Stratégie de libération

Cette étude n’a pas pour but de présenter la biographie de Saladin, mais de montrer  sa politique et sa stratégie militaire dans la volonté de  libérer Jérusalem des Croisés (Al franj : les Francs). Saladin a commencé la consolidation de son pouvoir politique et de ses prérogatives de premier ministre  en Égypte, les yeux ouverts sur le front de lutte anti Croisés, au Caire, d’une part, et sur l’évolution  de Nur al-Din Mahmoud, à Damas,  dont il reconnaissait  la souveraineté et la  légitimité politique sur le monde arabe dans l’attente de l’apport que chacun pourrait faire envers l’autre pour la grande cause arabe : libérer Jérusalem.

A l’intérieur Saladin était confronté à un problème épinieux : l’armée. L’armée avait deux problèmes majeures qui rendaient l’Egypte instable et vulnérable. D’une part elle pratique depuis trop longtemps la culture du complot et des contre complots dans les luttes intestines du palais. D’autre part elle n’était pas loyale envers le Sultan fatimide, elle pouvait le trahir, le détrôner ou se ranger du côté de ses ennemis par culture du complot ou par absence de conscience nationale.

L’occasion pour la destruction de l’armée fatimide que cherchait  à Salah al-Din s’est présenté d’elle même. Dans le palais du sultan fatimide un eunuque a fait circuler une pétition inspirée par les Croisés dans laquelle il se réclame comme « l’essence et la légitimité du pouvoir sur le palais ». L’enquête menée par Salah Eddine a prouvé la collaboration avec l’ennemi et l’implication de certains chefs militaires dans un complot visant à le renverser. Salah Eddine a fait exécuter les comploteurs pour le motif de conspiration avec les Croisés à envahir l’Égypte et à éliminer Salah Eddine . Dans la foulée les proches de Salah Eddine ont maitrisé le corps de l’infanterie constitué par les  soldats soudanais dans l’armée fatimide armée. Ce fut un  terrible massacre qui a duré  deux journées entièrement dans le nettoyage de l’armée (11).

Cet incident donna à Salah Eddine une légitimité populaire et un plus grand pouvoir politique et militaire au détriment non seulement des dignitaires mais au détriment du sultan lui même. Salah Eddine eut la maîtrise totale sur les affaires intérieures lorsqu’il fut nommé  « Baha’eddin Qracoc Asadi superviseur des affaires de la gouvernance du royaume  »  au lieu de l’ancien titre   » chargé de confiance du Khalife ». Il s’attela à reconstruire les fondations de la nouvelle armée qui remplaça de droit et de fait l’armée fatimide traditionnelle. Sa relation à Nour Eddine en Syrie  est demeurée au point mort entre le doute et la certitude.

L’attention de Salah Eddine était au fait des risques posés par la présence des Croisés dans la région arabe, dans le processus d’alliance militaire conjoint mené par les croisés du roi  « Amuri premier » avec les dirigeants de l’empereur byzantin « Comninos Manuel » (1143 – 1180). Son attention fut aiguisée en l’an 565 AH / 1169  lors du lancement de l’attaque de la marine de la coalition franco byzantine contre  Damiette, qui était  le principal port égyptien sur la mer Méditerranée.

Au mois de Safar de l’année 565 AH / 1169 , la coalition franco byzantine assiégea,  Damiette avec une flotte militaire de  deux cents navires. Le siège fut levé après cinquante jours sans donner des résultats positifs pour les Croisés. La  résistance  de la ville non seulement fut héroïque et violente mais elle a  révélé l’hostilité sous-jacente entre les Byzantins et les Francs. En levant le siège les Francs ont sabordé leurs navires de matériels et ont laissé la flotte byzantine subir de lourdes pertes en hommes et en navires avant qu’ils ne se retirent pour revenir à leur (12).
La débâcle de la coalition franco byzantine a augmenté le prestige et le pouvoir de Salah Eddine. Cette bataille défensive victorieuse  marquait  un bon début pour une série d’actes politiques et militaires prises par  Salah Eddine pour former une stratégie globale et assidue pour la libération de Jérusalem …

L’année suivante, 566 AH / 1170 Salah Eddine lance sa première et véritable offensive contre les Croisés. Il libère et  récupère Gaza. Il attaque et provoque des dégâts dans les rangs ennemis à  Ashkelon. Au début du printemps de la même année il attaqua les Croisé dans la mer Rouge au Port de l’actuelle Aqaba. Il faut savoir qu’il transporta sa flotte en pièces détachées et à dos de chameaux pour les remonter avant la marée haute et ainsi interdire à la flotte des Croisés l’accès  à la mer rouge (13).

Ainsi, Salah Eddine pris le contrôle du commerce maritime des produits précieux en provenance de l’océan Indien et s’assura la sécurité militaire dans la mer Rouge.
La stratégie de Salah Eddine pour libérer Jérusalem commençait à prendre forme dans ses aspects politiques, militaires et économiques. Toutes ses actions étaient concertées, progressives et à visée globale.

L’influence politique de Salah Eddine


Au Caire, Salah Eddine a commencé par renforcer son influence politique puis il a usé de son pouvoir politique pour prendre les mesures nécessaires pour prendre le contrôole de l’armée, de l’épurer et de la moderniser. Toutes ces mesures politiques et militaires l’ont amené à détruire le système économique féodal des castes du régime fatimide en Égypte. Sur le plan géo stratégique il a remplacé dans les postes névralgiques de l’état les seigneurs de  guerre et les féodaux de l’Egypte fatimide par  par les princes qui sont venus avec lui de Syrie.
Toutefois, Salah Eddine  ne s’est pas empressé de mettre fin ou d’annoncer la fin du régime fatimide. Il a attendu patiemment le temps le plus propice. ce moment est arrivé, le premier vendredi du mois de Muharram de l’année 567 AH / 1171, le jour de l’agonie du dernier Khalife fatimide. Il a ordonné que l’oraison et le sermon du vendredi ne mentionnent plus le nom du Calife fâtimide, qui était alors malade et cloué au lit, mais le nom du Calife `abbâside. Cela signifiait en fait la chute de la dynastie fâtimide et l’avènement d’une nouvelle ère.  La prise du pouvoir était symbolique. Le Calife fatimide décéda onze jours plus tard (14).

Ainsi, l’arène nationale est entièrement libre devant Salah Eddine. La relation tendue et le conflit latent avec Nour Eddine  Mahmoud émergent à la surface. Mais sa priorité était la politique des complots et des troubles fomentés par le roi des Croisés, Amaury qu’il lui fallait traiter avec prudence car le monde musulman n’était pas encore suffisamment fort et unifié pour mener une guerre de front contre les Croisés. Amaury avec l’age et la maladie restait attiré   par le mirage de l’Égypte, mais cette fois, il préférait ne pas suivre la voie de la guerre, mais celle de la division des arabes, de la gestion des crises entre musulmans. Maître en intrigues il a comploté avec le « Sultanat du Yémen» et les vestiges des forces fidèles aux Fatimides en Egypte pour  affaiblir Salah Eddine au Caire. Toutes les intrigues des Croisés  n’ont pas réussi a entamé la stratégie patiente et victorieuse de Salah Eddine.

Salah Eddine victorieux contre les comploteurs du Yémen qui furent crucifiés avec leur chef devint une hantise pour Amoury qui resta pétrifié devant les défaites de ses alliés, de ses comploteurs et de la flotte qu’il a financé et équipé  pour soutenir le complot du Yémen et la diversion à Alexandrie contre Saladin (15). La popularité et le pouvoir de Salah Eddine ne faisait que s’accroître.
La mort de Nur al-Din Mahmoud, le 11 Chaoual, l’année 569 AH / 15 Mai 1174 fut la réponse du destin comme  solution au problème de la relation critique entre les deux hommes. Le destin se manifesta encore dans le décès du roi des Croisés Amoury. SSalah Eddine venait d’être débarrassé en même temps  d’un adversaire politique redoutable et d’un ennemi militaire plus inquiétant.
Salah Eddine se trouvait par le choix du destin face à l’héritier « Amoury » un garçon de dix ans d’âge et atteint de la lèpre, Baudouin, et de l’autre côté, face à l’héritier de Nour Eddine Mahmoud un autre enfant, Ismail, incapable de gouverner. Il ne pouvait y avoir une opportunité plus favorables pour  conduire Salah Eddine  sur la voie de la réalisation de son objectif: Jérusalem.
La dégradation des différends politiques au sein de l’entité des Croisades ne pouvait  être ni atténuée ni éliminée par le recours à  une alliance au sein du monde musulman, forte et capable de donner un souffle nouveau aux Croisés contre Salah Eddine. Les facteurs de division sont encore présents mais à ce moment précis des croisades il n’y avait pas un contemporain arabe ou musulman des croisades capables par sa force militaire ou par sa représentativité politique et populaire à être un allié crédible contre Salah Eddine. L’Europe divisée et épuisée ne pouvait plus continuer  d’envoyer l’aide nécessaire aux Croisés francs.

Dans ces conditions il ne restait à Salah Eddine  que  prouver qu’il est l’homme de cette étape, et de tirer profit du  vent favorable pour mener un Jihad de grande envergure contre les Croisés à la fois comme objectif de libération de Jérusalem et comme voie  de reconstruction de l’unité et de la puissance de l’état musulman  disloqué et affaibli.
Alors que les princes qui se sont emparés des pays musulmans sont encore plongés dans dans les litiges autour d’intérêts mesquins et de préoccupations minables tout en luttant entre eux sur qui pourrait gagner la faveur d’être le tuteur du petit Prince Ismail Saleh bin Nur al-Din Mahmoud (16), Salah Eddine  n’est pas rentré dans leur jeu. Il a agit avec une  remarquable intelligence; En l’an 570 AH / 1174, est venu à Hama (qui a été  jointe à son État depuis une courte période) pour accueillir des émissaires du calife abbasside accompagné d’une délégation honorifique portant drapeaux noirs (l’emblème de la dynastie abbasside), lui présentant la lettre signée par le Calife, le nommant  Sultan de l’Égypte, sultan  de la Syrie ainsi que des autres sultanats (17).

De la libération et de la reconstruction

Son habileté politique et son intelligence de manœuvre l’ont placé de fait et de droit comme légitime souverain  alors que les comploteurs se sont trouvés faisant figure de violeurs de la  loi. La libération de Jérusalem passait par l’unité politique et l’unité de commandement militaire et pour cela Salah Eddine  a axé sa stratégie à réaliser la première partie de son projet : l’unification du monde arabe en récupérant sous son commandement politique et militaire Damas, Homs et Hama. Ce projet réalisé il s’est empressé de se rendre à Alep qui demande l’aide de  « Raymond  III, » le gouverneur de Tripoli. Il a barré la route aux troupe des Croisés leur faisant marche retour après les avoir ventilé aux quatre coins de la terre par le Jihad (18). Et l’année suivante 571 AH / 1176, Salah al-Din est retourné pour imposer un embargo sur  Alep, sans résultat.

Dans le camp des Croisés rien ne semble arrêter la détérioration continue des conditions morales et des divergences politiques. Il n’a y avait  aucun espoir que les problèmes internes des   Croisés puisse trouver solution par la tutelle de Raymond III  comte de Tripoli sur le trône occupé par un roi malade. La tutelle du roi malade ou  l’intronisation d’un nouveau roi ne trouvaient ni consensus ni compromis au sein des Croisés. A ces problèmes de règne s’ajoutait le problème des colons croisés en terres arabes qui ne trouvaient plus écho ou préoccupation prioritaire en Europe confrontée à d’autres problèmes internes.

L’aide aux  Coalisées ne pouvait pas venir des byzantins car L’empereur byzantin, Manuel Comninos se trouve lui-même en position de faiblesse devant l’empire « Turcs Seldjoukide. Il est dans l’incapacité de négocier ou de manœuvrer face au sultan seldjoukid  Arslan II, qui lui infligea une  catastrophique défaite à la bataille de Myriocephalon en 1176, après avoir brisé les lignes défensives de l’armée byzantine, cette armée construite par la famille impériale  » Comninos »  sur plusieurs générations (19).

Salah Eddine a construit un service de renseignement efficace et compétent. Il connaissait le niveau de crise morale, politique et militaire des Coalisés. Sur les renseignements de ses agents il a lancé une attaque sur les Croisés dans la région du Sahel dans les territoires palestiniens au moins de Jamadi premier l’an 573 AH / 1177, et fut la seule fois que  Salah Eddine pécha par excès de confiance en soi et par un relâchement de l’armée dont  les troupes ont été autorisés à être moins en deçà des  des règles établies par Salah Eddine. Le résultat ne se fit pas attendre : son armée connut la pire et la plus lourde défaite de son histoire. Mais globalement cette défaite n’est pas déterminante pour changer le rapport des forces militaires et l’équilibre des pouvoirs politiques  dans la région qui devenaient de plus en plus en  sa faveur(20).

Salah Eddine ,  a passé les années suivantes au sein de l’armée qui menaient des  escarmouches mineures dans les  batailles contre les Croisés et  contre les princes Alzenkyines concurrents dans l’orient arabe, à la fois en Syrie et en Irak. Il a ouvert deux fronts de luttes en même temps mais sa stratégie n’a pas changé : il avait deux axes de combat : l’un sur la consolidation du front arabe et l’autre sur la préparation  à la guerre décisive contre les Franques. Ces deux axes sont indissociables, ils concourent ensemble à la libération de Jérusalem.
En l’an 578 AH / 1182, Salah Eddine à la tête de son armée est sortie d’Égypte allant vers la Syrie, l’Égypte ne pouvant plus être  menacée par les Croisés. Les années suivantes ont été cruciales dans la préparation de la lutte contre les Croisés. Salah Eddine a consacré son temps a organiser la résistance contre l’occupant, à mener des batailles contre ses postes et à lutter sur le font intérieur à unifier le rang des musulmans sous une seule bannière loin des convoitises des princes et des opportunistes.

Dans le camp des Croisés, les conditions vont de mal en pire, la peste fait rage, les divergences politiques s’accentuent, l’incapacité de la chrétienté à trouver une solution à l’enlisement au moyen orient et la disparition de l’allié stratégique des croisés le roi byzantin Manuel Comninos mort en Septembre 1180. L’empire byzantin a perdu de sa force et de son influence au moyen-orient (21).

la guerre psychologique

Salah Eddine a su tirer profit des circonstances pour se faire conduire vers son objectif stratégique. Contre les Croisés il a utilisé cet étonnant mélange de diplomatie, de  propagande, de guerre psychologique et de confrontation militaires en transformant en sa faveur le rapport de forces. C’est la même stratégie  qu’il va utiliser  contre Ses rivaux arabes les princes Alzenkyines.
Il conclue avec les Croisés une  trêve en l’an 1180. Mais la faiblesse du roi Baldouin IV à cause de sa maladie et à cause de la convoitise et du bellicisme du prince de Kerak Reynald de  Chatillon qui ne comprenait pas l’avantage réciproque de la trêve allaient pousser les événements à leur paroxysme ultime (22). L’année 578 AH / 1182, fut l’année de l’affrontement décisif dans l’histoire de l’Islam face aux Croisades.

A ce moment précis de l’histoire, l’État de Salah Eddine  comprend presque l’ensemble de la Syrie, de l’ Égypte et de l’ Irak, à l’exception des provinces d’Alep et de Mossoul. Pour Salah Eddine inclure ces deux sultanats dans l’État unifié était une priorité avant de livrer la bataille décisive pour ne pas prêter flanc à des coalitions comme par le passé. Cependant, ses tentatives pour saisir par la force Alep n’ont pas abouti (23).

Dans le même temps, Reynald de chatillon a lancé une attaque contre la ville portuaire Ayila l’automne de cette même année,  ensuite il a brûlé plusieurs navires des opérateurs musulmans dans la mer Rouge, et a envoyé  de nombreuses troupes croisées qui commençaient à s’approcher de la ville sainte  Medina. La flotte militaire égyptienne mit fin à l’expédition des Croisés et libéra les soldats musulmans et leurs familles mis en esclavage par les troupes croisées qui   avait débarqué sur la terre du Hijaz. Le Prince Hassam Eddine loulou (la perle de l’islam) qui commandait la flotte égyptienne, exécuta deux croisés sur le port libéré et le reste des prisonniers fut exécuté à leur retour au Caire (24).

Cette rupture de la trêve par Chatillon et la colère des masses musulmanes devant la tentative d’expédition contre les lieux saints et la victoire remportée par la flotte égyptienne donna à Salah Eddine al Ayoubi davantage de conviction pour unifier les rangs des musulmans et restaurer l’unité territoriale et politique de la nation musulmane. Le double danger des Croisés et de la division des musulmans s’est encore accentuée même s’il  n’a jamais quitté l’esprit de Saladin alors qu’il n’était qu’un simple soldat dans l’infanterie de Shirkuh en Egypte (25 ).
De l’avis du professeur David Jackson, le sultan Salah Eddine  faisait preuve d’une grande intelligence sur le plan de l’analyse et de la pratique politique,  de l’ingéniosité dans la gestion des affaires de l’État, et  dans l’art raffiné de la préparation du terrain politique et des mesures  diplomatiques avant de prendre toute action militaire (26).
En tout état de cause, l’année 579 AH / 1184 les eforts de Salah Eddine furent sanctionnés par l’allégeance de la province d’Alep dans le cadre de la Convention sur la paix. Le renforcement politique du Sultan Salah Eddine est tel que l’historien Stephen Ransiman déclare qu’au cours des deux  siècles précédents, l’histoire de la région n’a jamais  vu un état arabe aussi fort et unifié comme celui de  Saladin (27).

Cette année, il déploya des troupes de Damas vers la forteresse  imprenable de Karak fief de Chatillon le haineux. Il assiège le fort sans pouvoir s’en emparer(28). On pense que Salah Eddine  avait voulu par cette sortie provoquer juste quelques escarmouches pour montrer sa puissance militaire à des fins politiques et de propagande dans le contexte de la guerre psychologique qu’il avait décidé depuis longtemps dans sa campagne de déstabilisation des Croisés dans l’attente de l’opportunité de mener la bataille décisive pour libérer Jérusalem.
Dans la stratégie de Salah Eddine il n’est pas envisageable de mener une  guerre totale contre les Croisés tant que l’émirat de Mossoul continuait de  constituer une menace pour lui. Il avait la conviction  que l’unité des forces politiques et militaires dans la région arabe est nécessaire, elle est la condition essentielle pour garantir la victoire en cas de guerre totale contre les Croisés. Il savait aussi par son longue expérience de combat et de gestion des affaires de la région que les forces des croisés allaient vers l’affaiblissement et qu’il fallait les harceler sans répit pour accélérer leur affaiblissement et donner à ses troupes plus d’expériences militaires avant l’heure H. Son intelligence était de rester lucide et de construire la victoire d’une manière décisive et pour cala il fallait ne pas perdre l’objectif final, la libération de Jérusalem , et les objectifs intermédiaires,  accroître la vulnérabilité des croisés d’une part et parvenir à l’unité arabe politique, militaire d’autre part, avant la confrontation finale.

le siège de Kerak

Salah Eddine  connaissant le caractère belliqueux et irrespectueux des traités et conventions de Chatillon et l’importance  de la forteresse de Kerak dans le dispositif militaire, économique et commercial concentra ses efforts au harcèlement de Kerak. Il assurait ainsi la sécurité des convois routiers entre l’Égypte et la Syrie et fissurait la défense de son ennemi par l’usure.
En l’an 579 AH / 1183, le Sultan Salah Eddine recevant des renforts d’Égypte est passé du siège  à l’assaut de Kerak la soumettant sous un déluge de tirs de catapultes et de flèches. Les armées musulmanes ont  fait battre en retraite à l’intérieur de la forteresse le prince de Chatillon et son armée  sortis à la rencontre des troupes de Salah Eddine.  Chatillon n’a sauvé sa vie que dans la fuite abandonnant une partie de ses troupes à leur sort.

L’assaut final a été retardé à cause de la célébration du mariage de deux princes. La mère de la princesse a demandé à Salah Eddine de ne pas gâcher leurs fêtes et lui a envoyé des mets et des gâteaux. Il agréa la demande la mère et tint promesse de ne pas bombarder la tour où se déroulait la cérémonie montrant une fois de plus son esprit chevaleresque et son humanité. Il a donc maintenu le siège qu’il a été contraint de lever pour aller à la rencontre des renforts des  croisés venant de Palestine. Il mit en déroute les armées croisées à Naplouse et Jénine, libérant déjà une partie des territoires palestiniens (29) … Il est ensuite retourné à Damas. Si nous avons décidé de  parler de cet aspect militaire en dépit de l’absence de victoires significatives, c’est dans le but de clarifier l’intérêt de Salah Eddine  des questions tactiques et stratégiques qui pourraient affecter la réalisation de ses objectifs suprêmes. Dans ces objectifs la  forteresse de Karak est une grave menace qu’il faut contenir et en même temps il faut sécuriser le transport des  convois commerciaux et des forces militaires entre l’Egypte et la Syrie.

La conjugaison du politique, du militaire et de l’économique dans une vision stratégique claire et une prise d’initiative toujours en avance sur l’ennemi apporte ses fruits et donne à Salah Eddine  davantage de force politique : Baldouin IV » le roi croisé de Jérusalem, en 1185,  contraint les Croisés à la signature  d’un traité de paix avec Saladin pour un mandat de quatre ans. Ce temps était suffisant pour Salah Eddine de parachever l’oeuve d’unification des Arabes. Il avait donc le temps et la liberté d’action militaire et de  manœuvre politique contre l’émirat de Mossoul. Le gouverneur de Mossoul  a répondu, sous la  pression sans relâche de Salah Eddine, de signer tenir un traité reconnaissant l’extension du pouvoir du Sultan Salah Eddine sur la province de Mossoul.

L’interprétation de ce traité sur le plan militaire s’est soldé par l’accroissement de la force militaire de Salah Eddine  de  six mille cavaliers de l’émirat de Mossoul. Pour l’époque c’était une  force militaire conséquente (30). Au niveau stratégique le rapport des forces  a résolument changé en faveur des musulmans qui venaient enfin de réaliser la cohésion sociale et l’unité politique et militaire. Salah Eddine venait de réaliser une partie de son rêve et concrétiser un  objectif principal: la réalisation de l’unité politique et militaire.
Ensuite est venu l’an 581 AH / 1185 le point culminant du génie stratégique de Salah Eddine  qui a  utilisé avec art et efficacité la combinaison de la force militaire, de la manoeuvre politique, de la guerre psychologique, et de la bonne planification de tous ses plans et de ses  mouvements contre l’ennemi.

Il n’est pas inutile de souligner quelques faits marquants. Il a été le Sultan qui a reconstruit  la flotte égyptienne faisant d’elle une marine militaire crainte   dans la mer Rouge et la Méditerranée. Il a mené une action diplomatique isolant les Croisés et les empêchant de construire des alliances tant avec les arabes qu’avec les européens. Ainsi il a  persuadé les villes italiennes de tirer profit économique en faisant un transfert direct de leur centres  commerciaux sur le sol égyptien en leur garantissant la  paix et la sécurité. Il a ouvert une passerelle diplomatique avec l’empire byzantin qui a permis la signature d’un accord avec l’empereur byzantin « Ondronicos » le libérant des intentions de l’Europe de l’Ouest  dont la culture des Croisades  jetaient le doute, la méfiance  et la suspicion sur toute relation avec le monde arabe et musulman (31).

Les signes de la guerre

L’année 582 AH / 1186 annonce les  signes de la guerre et les signes de la défaite des croisés: les Croisés se sont divisés divisés en deux groupes après la mort de leur roi  Baudouin IV « , et son successeur», Baudouin V  » un enfant sous tutelle, qui décédera  l’été de la même année.

Intelligente et capable de manœuvre, Izabela la  fille du roi Amauri I est arrivée à surmonter les rivalités au sein des Croisés pour imposer son époux Guy de Lusignan  roi du royaume des Croisés de Jérusalem.  Le premier camp des croisés s’articulait autour de la reine, Isabelle, de son mari, qui était un modèle dans le genre de  combiner  la beauté des traits physique et la laideur du comportement moral et des  faucons pour qui   la guerre et la violence sont les seules méthodes à avoir envers avec les musulmans. Le second camp des croisés représentait  été un certain nombre de princes dont Raymond III  Comte de Tripoli, qui étaient d’avis qu’il vaut mieux chercher l’apaisement avec  les musulmans, tant que les conditions ne permettent pas de combats décisifs en leur faveur(32).

Voila en gros le panorama politique dans la région arabe à l’approche de la libération de Jérusalem et s’inscrivant dans une lutte longue et acharnée entre les deux parties du conflit. C’est dans cette configuration politique et militaire que Renaud de Chatillon entre de nouveau en scène pour remettre en cause le traité de paix entre Salah Eddine et les Croisés dans des conditions défavorables aux coalisés dont une partie des troupes souffraient de maladies, de faim et de nostalgie. Agissant de concert avec les faucons Renaud de Chatillon a quitté la forteresse de Kerak pour attaiquer, en violation des accord signés, des convois commerciaux musulmans, assassinant les uns et faisant captifs les autres. Il a donné l’occasion à Salah Eddine d’ouvrir de nouveau les hostilités militaires contre les Croisés.

De l’avis de l’historien allemand Hans Meyer « Salahaddin »   ne pouvait pas se taire sur les menaces de Chatillon sur la sécurité de  la route commerciale entre l’Égypte et l’Orient et du traffic maritime  de la mer Rouge et de l’Océan Indien (33). A  mon avis, cette attaque était attendue par Salah Eddine et elle lui a donné  prétexte de se délier de son pacte et de lancer une guerre décisive contre les Croisés maintenant qu’il a unifié le monde arabe et achevé la préparation des plans stratégiques de la guerre.

Les Croisés furent  embarrassés  par les nouvelles alarmantes qui leur annoncent les préparatifs militaires des musulmans en vue de les attaquer. Ils étaient dans un désaroi tel qu’ils ont failli aller au dela du clivage politique  à la guerre civilele (34). Finalement le sentiment général du dnger imminent mit fin aux divergences et souda les Coalisés en un bloc uni pour faire face aux musulmans avec vigueur et détermination. Près de la ville de Nazareth en Palestine les Franques parviennent à lever la plus grande armée de l’histoire des Croisades. Ils ont mobilisé sur pied de guerre environ  dix-huit mille soldats d’infanterie et de cavalerie dont mille deux cent équipés d’armement lourds et quatre mille chevaliers, et cette avec son nombre et son équipement est pour l’époque quelque chose de colossale.

La force de l’armée franque ne pouvait cacher l’état psychologique de ses soldats ramassés à travers toutes les colonies sous leur domination : la panique et le manque de préparation.
Les forces du Sultan, Nasser Salah Eddine al Ayoubi étaient constituées de trois corps d’armée, un corps syrien dont il était lui-même le commandant en chef, le corps des forces égyptiennes et le corps des forces  irakiennes. Les corps d’armées égyptiennes et irakiennes étaient réparties en brigades chacune sous le commandement des princes venus d’Égypte et  d’Irak et sous le commandement des propres frères et des propres fils de Salah Eddine.

Nous devons avouer qu’il n’existe aucune statistique pour évaluer le nombre et l’équipement des forces musulmanes. A mon avis le nombre devrait presque le même que celui des Croisés. La différence résidait dans la motivation au combat, la stratégie de combat et dans les armes et les équipements.

Au  mois d’ Octobre 1187 (27 Rajab en 538 AH), Salah Eddine libère Jérusalem.

 

Qassem Abdou Qassem

Traduction : Omar Mazri

A suivre …/… partie 2/2


 

bibliographie :

D.C. Munro ،  » The Speech of Pope Urban II at Clermon »، American Historical Review «  »، XI (1906)،pp. 231-242 ; H. Hagenmayer ، « Chronologie de la Premiere Croisade 1094-1100″،Revue de l،Orient Latin ، Paris 1893- Bruxelles 1962، VI، p.225>                          أنظر أيضا: قاسم عبده قاسم، ماهية الحروب الصليبية: الإيديولوجيا، الدوافع، النتائج، (دار عين للدراسات والبحوث الإنسانية والاجتماعية – القاهرة 2004م) ،ص103 –ص108.

(2) Fulcher de Chartres ، Historia Hierosolymitana- A History of the Expedition to Jerusalem ،1095-1122 (transl. by Francis Rita Rian. Xnoville 1969) ،pp. 62-69. انظر الترجمة العربية لروايات كل من: فوشيه الشارتري والمؤرخ المجهول وروبير الراهب وجيوبرت النوجنتي وبلدريك الدوللي عن خطبة البابا أوربان الثاني في: قاسم عبده قاسم، الحملة الصليبية الأولى – نصوص ووثائق تاريخية (دار عين للدراسات والبحوث الإنسانية والاجتماعية ، 2001م) ،ص73-ص89.

(3) (3)Fulcher de Chaetres،pp.45-128;William of Tyre ،A History of the Deeds done beyond the Sea،(transl. by Emily Atwater Babcock & A.C. Krey،Colombia University Press،1943) vol. I،pp.379- 385.

انظر أيضا: ابن القلانسي، ذيل تاريخ دمشق (نشره أمدروز، بيروت 1908م )، ص136-ص137؛ ابن الأثير، الكامل في التاريخ، (الطبعة الثانية – دار الكتاب العربي، بيروت 1967م ) ج8، ص189- ص190.

(4) ابن شداد، النوادر السلطانية والمحاسن اليوسفية (تحقيق جمال الدين الشيال 1964م) ص235- ص237؛ العماد الأصفهاني، الفتح القسي في الفتح القدسي، (تحقيق محمد محمود صبح، طبعة الهيئة العامة لقصور الثقافة 2003م ) ص116- ص129؛
أبو شامة، كتاب الروضتين في أخبار الدولتين (طبعة دار الجيل – بيروت)، ج.2، ص28- ص47؛ ديفيد جاكسون، « صلاح الدين: حطين والاستيلاء على القدس – وجهة نظر » في: 800 عام –حطين والعمل العربي المشترك (دار الشروق 1989م)، ص86- 87.

Mayer ، H. E.، The Crusades(Oxford University Press 1972)، pp.131-2.

(5) ابن القلانسي، ذيل تاريخ دمشق، ص143- ص163؛ ابن الأثير، الكامل في التاريخ، ج8 ،ص235-ص260؛ انظر أيضا: Mayer،The Crusades ،pp.74-75

حيث نجد بيانا بالحدود التي وصلت إليها المستعمرات الصليبية.

(6) ابن القلانسي، ذيل تاريخ دمشق، ص321- ص322؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا بأخبار الأئمة الفاطميين الخلفا (تحقيق محمد حلمي أحمد، وزارة الثقافة المصرية 1999م)،ج2، ص296-ص306؛ ابن الأثير، الكامل في التاريخ ،ج9، ص42؛ William of Tyre ، op. cit.vol. II،pp.220-234

(7) arshal W. BaMldwin ، « The Latin States uder Baldwin III &Amalric I،1143-1174 » in Setton (ed.)، A History of the Crusades،(The University of Wisconsin Press 1969)،vol. I، pp.536-38.

(8) المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص358-ص364؛ ابن الأثير، الكامل، ج9، ص81؛ أبو شامة، الروضتين، ج1،ص329-ص331؛ ابن شداد، النوادر السلطانية ،ص36William of Tyre ،op. cit.vol.II،pp.302-303.

(9) قاسم عبده قاسم، في تاريخ الأيوبيين والمماليك (دار عين للدراسات والبحوث الإنسانية والاجتماعية 2007م )، ص18-ص27.

(10) أبو شامة، الروضتين ج1، ص405؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3 ،304.

(11) أبو شامة، المصدر السبق ،ج1،ص451-452؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا ،ج3، ص313.

(12) ابن شداد، النوادر السلطانية ،ص33-ص34؛ أبو شامة، الروضتين، ج1، ص456- ص457 المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص315؛ ابن الأثير، الكامل، ج9، ص105- ص106

William of Tyre، op. cit. ،vol.I، pp.363-368;Baldwin ، op. cit. vol.I،pp.563- 568،565-566; Mayer، op. cit.p.124.

(13) أبو شامة، الروضتين، ج1، ص486؛ المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص320؛

Mayer، op. cit. ، pp.124.

(14) المقريزي، اتعاظ الحنفا، ج3، ص321-ص327؛ وقد ذكر المقريزي أن الخطبة كانت في يوم الجمعة سابع شهر المحرم سنة 567 هجرية، وهو خطأ؛ لأن الجمعة الثانية في الشهر لا يمكن أن تكون في اليوم السابع من الشهر؛ وإنما تكون في اليوم الثامن أو بعده؛ أبو شامة، الروضتين، ج1،ص493- ص518 .

(15) أبو شامة، الروضتين، ج1، ص518- ص567؛ ابن واصل، مفرج الكروب في أخبار بني أيوب (تحقيق حسنين ربيع، دار الكتب المصرية 1972-1977م)، ج1، ص152وما بعدها؛ Mayer، op. cit. pp.124-125

(16) ابن شداد، النوادر السلطانية، ص49.

(17) المقريزي، السلوك لمعرفة دول الملوك، (تحقيق محمد مصطفى زيادة، طبعة دار الكتب المصرية سنة 2007م)، ج1، ص59-ص60.

(18) أبو شامة، الروضتين، ج1 ، ص602-ص603؛ ابن الأثير، الكامل ،ج11، ص165-ص166؛ المقريزي، السلوك، ج1، ص57-58.

(19) يقارن المؤرخون بين هذه الهزيمة الكارثية والهزيمة التي كان الأتراك السلاجقة قد أوقعوها بالبيزنطيين تحت حكم الإمبراطور « رومانوس ديوجينيس » في مانزكرت (ملاذكرد) سنة 1071م. انظر:

Steven Runciman ، A History of the Crusades، (Harper & Torchbooks ، New York 1955 ) vol.، pp.407- II 408

(20) أبو شامة، الروضتين، ج1، ص699-ص703؛ ابن شداد، النوادر السلطانية، ص42-ص43؛ المقريزي، السلوك ،ج1،ص64؛

Runciman ،op. cit.، vol.II، pp. 416-418.

(21) Ibid ، vol.II، pp.426-420.

(22) المقريزي، السلوك ،ج1، ص72.

(23) نفسه ،ج1، ص74-ص75.

(24) ابن واصل، مفرج الكروب ،ج2، ص137؛ المقريزي، السلوك ،ج1، ص78- ص79؛

Mayer ،op. cit. ، pp.131- ff. ; Runciman ،op. cit.، vol.II، pp.436-437.

(25) ديفيد جاكسون، « معركة حطين »، ص67-ص91.

(26) نفسه ،ص91.

(27) Runciman ،op.cit. ، vol.II،p.435.

(28) Hamilton Gibb،  » The Rise of Saladin  » ،in Setton (ed.) ، A History of the Crusades، vol. I، pp.380-381.

انظر أيضا: المقريزي، السلوك، ج1، ص81-ص82.

(29) المقريزي ، السلوك ،ج1، ص83- ص84؛

Runciman ،op. cit. ، vol. II ، pp. 440- 445.

(30) المقريزي، السلوك، ج1، ص89- ص90

Mayer، op. cit. ، p. 126 ; Runciman ، op. cit. ، vol. II ، pp. 444 – 445.

(31) Mayer ، op. cit. pp. 127- 130.

(32) Mayer ، op. cit. ، p. 130 ; Runciman ، vol.II ، pp. 447- 449 ;

جمال الدين الشيال، تاريخ مصر الإسلامية، ج2: العصران الأيوبي والمملوكي، ص63- ص64، وقد أشار المقريزي (السلوك، ج1 ، ص92) إلى هذه الحقيقة بقوله: « … ووقع الخلف بين الفرنج بطرابلس، فالتجأ القومص إلى السلطان، وصار يناصحه….) وهو يقصد بالقمص الكونت ريمون الثالث السانجيلي أمير طرابلس الصليبي.

(33) Mayer، op. cit. p131.

(34) Runciman < op. cit. vol. II ، pp451- 452.

(35) ر. سى. سميل، الحروب الصليبية (ترجمة سامي هاشم، المؤسسة العربية للدراسات والنشر، بيروت 1982م ) ، ص69-83 ،ص95- ص124 حيث يتحدث عن الجيوش العربية والجيوش اللاتينية على التوالي.

 

Traduction : Omar Mazri

Egypte : Fatwa du Sheikh Ahmad Farid autorisant le meurtre des manifestants

La Fatwa salafiste et les dix commandements américains

L’effet domino et le redécoupage du monde musulman par l’Empire et la réponse salafiste par la Fatwa de Cheikh Ahmed Farid d’Alexandrie autorisant l’armée à tuer les manifestants sont la manifestation du huitième des dix commandements américains. Ils annoncent d’autres manifestations des dix commandements américains et tout particulièrement de ce huitième qui consiste à morceler le divisable et à fragmenter le divisé par les Arabes sous l’impulsion du Grand Échiquier de Brezinski.

On ne peut comprendre un phénomène ou agir sur ses paramètres que si on l’observe dans son champ civilisationnel, son harmonie ou ses dissonances avec ce champ, son attirance vers le centre de gravité de ce champ ou son expulsion hors et loin de ce champ.

L’Empire britannique a construit sa domination coloniale sur l’étude géographique (humaine, topographique, ethnologique, ressources physiques et sociologiques) de ses colonies et des futurs pays à coloniser. Il a créé à cet effet l’Académie royale de géographie qui réunit les archives, les experts et les cartes de modélisation du monde et de l’Empire.

L’empire germano Prusse a construit sa grandeur sur les conquêtes et les expansions de territoires par Frédéric le Grand, roi-philosophe, artiste et éclairé. Ce roi a créé la première académie militaire moderne et a institué l’enseignement de l’Histoire. L’histoire devenait le moteur de compréhension du monde et le socle d’émergence des Empires dans une Europe morcelée au 18e siècle bien avant qu’elle ne fonde l’État-nation moderne colonialiste. Les historiens militaires de Frédéric II avaient désigné les Dardanelles comme lieu de focalisation des futures guerres et des futurs en jeux.

En schématisant, on peut dire que l’esprit européen cartésien a fixé la ligne d’affrontement sur un plan civilisationnel entre l’Occident chrétien et l’Asie musulmane. Quand l’Amérique hérite des Empires et des cultures européennes elle hérite ce sens de la géographie et de l’histoire pour assurer leur domination mondiale, morceler les territoires musulmans et remodeler leur histoire et leur géographie.

Le savant musulman s’occupe des ablutions et des menstrues alors que le Coran lui commande d’observer et de méditer sur la géographie et sur l’histoire pour en tirer enseignement :

{Certes, beaucoup d’événements se sont produits antérieurement à vous ; parcourez donc la terre et observez…} Al Imrane – v137

{N’ont-ils donc pas parcouru la terre, de sorte qu’ils aient des cœurs avec lesquels ils raisonnent ou des oreilles avec lesquelles ils entendent ?} Al Hajj – v46

Comme nos savants sont silencieux, je vais citer François Braudel :

“Les événements d’hier expliquent et n’expliquent pas, à eux seuls, l’univers actuel. En fait, à des degrés divers, l’actualité prolonge d’autres expériences beaucoup plus éloignées dans le temps. Elle se nourrit de siècles révolus, même de toute ‘l’évolution historique vécue par l’humanité jusqu’à nos jours’. Que le présent implique pareille dimension du temps vécu ne doit pas nous paraître absurde bien que, tous, nous ayons tendance, spontanément, à considérer le monde qui nous entoure dans la seule durée fort brève de notre propre existence et à voir son histoire comme un film rapide où tout se succède ou se bouscule ; guerres, batailles, entretiens au sommet, crises politiques, journées révolutionnaires, révolutions, désordres économiques, idées, modes intellectuelles, artistiques… Ainsi, un passé proche et un passé plus ou moins lointain se mêlent dans la multiplicité du temps présent : alors qu’une histoire proche court vers nous à pas précipité, une histoire lointaine nous accompagne à pas lents […] Les civilisations sont des espaces […], des sociétés […], des économies […], ‘des mentalités collectives’ — ‘les civilisations sont des continuités’ — l’ensemble de ces éléments et de leurs interactions forme une grammaire”.

La notion de grammaire évoque l’exercice d’une langue et les normes caractérisant diverses manières de parler et d’écrire. Elle évoque la notion d’étude philosophique et logique d’un phénomène dans sa genèse et son devenir. Elle évoque l’étude des mécanismes, des règles et des finalités des processus c’est-à-dire de l’ensemble des intrants, des flux et des extrants qui se déroulent dans la mobilisation et la transformation du sol, du temps et de l’homme vivant dans un territoire. Malek Bennabi donne une configuration plus vive et plus vigilante, car il y introduit l’orientation idéologique qui fixe le but, la direction et le sens de la marche collective ainsi que la culture qui est l’ambiance sociale, éthique, esthétique et religieuse qui détermine les finalités d’une communauté humaine et la distinguant d’une autre dans ses désirs, ses aspirations et la manière d’occuper son temps et son espace.

Toute la dialectique entre une révolution qui se veut islamique et les dix commandements impérialistes est dans le rapport et les capacités de chacun à conjuguer cette grammaire des civilisations. Le Musulman doit conjuguer cette civilisation en reconstruisant et en liant les mentalités collectives, les géographies, les histoires et l’ensemble de possibilités orientées vers un même but commun et bien entendu vers l’avenir en s’appuyant sur les fondamentaux invariants de l’Islam. S’il ne le fait pas avec art et assiduité, l’Empire occupe le terrain et détricote la grammaire en opérant des césures, des cassures, des chocs, des traumatismes dans les mentalités, dans les espaces et dans les faits historiques par le matraquage idéologique, médiatique, psychologique et militaire. La vision de Cheikh al Ibrahimi reste d’actualité même si elle demande un léger effort d’adaptation dans les conditions néocolonialistes :

“En effet, la France coloniale a pilonné l’Algérie avec quatre types de forces d’influences diverses, mais coordonnées dans leur visée finale et étendue dans leur dimension et leur portée. En vérité, un seul objectif est ciblé : la consolidation de la colonisation et la territorialisation du colonialisme. Dans la conjugaison de ces quatre forces de combat, les troupes d’occupation ne sont que l’aspect le plus visible, mais le moins dévastateur et le moins durable sur le plan de l’effet social et historique sur le peuple algérien.

La France est venue en Algérie avec son missionnaire-évangéliste colonisateur pour corrompre l’islamité des Algériens, les pousser à douter de leur foi et de leurs valeurs, et provoquer la sédition et le désordre au sein des musulmans. Elle est venue pour effacer de leur mémoire et de leur langue le Nom d’Allah Al Hadi (Celui qui donne la Guidance) par le nom de leur icône déifié ‘le Rédempteur’ en donnant à ce missionnaire l’appui logistique, le soutien militaire après avoir nié Jésus là-bas et décidé de l’imposer ici.

La France est venue avec l’éducation ‘colonisatrice’ et la science ‘colonialiste’ pour corrompre les esprits des fils des musulmans et semer le trouble dans leurs pensées, pour déposséder leur conscience leur langue et leur littérature au profit de celles de la France, pour falsifier et dénaturer leur histoire et réduire le rôle et l’importance de leurs ancêtres à leurs yeux fascinés par d’autres figures, pour les inciter à renoncer à leur religion. L’enseignement colonial vise à créer une pensée handicapée dont les effets sur la personnalité sont pires que ceux de l’ignorance.

La France est venue avec le médecin colonialiste dont la vocation première est de préserver la santé de la population européenne et de ce fait il ne s’installe que là où s’installe la colonie de peuplement européen ou européanisé. Il n’a pas la préoccupation d’être auprès des campagnes, des tribus et des douars peuplés par les millions de musulmans. Si la médecine colonialiste intervient dans la population musulmane, c’est comme si sa vocation n’est pas de soigner, mais d’inoculer des maux nouveaux à la place d’un mal ancien, d’éradiquer un microbe en cultivant à sa place d’autres microbes, d’expérimenter ses nouveaux savoirs et ses nouveaux remèdes sur une population musulmane devenue cobaye humain. Tous ces désastres ne suffisent pas il faut encore que le médecin français s’enrichissent sur le dos des malheurs des autochtones musulmans que le colonialisme a précarisés sur le plan sanitaire par l’instauration de la pauvreté et de l’ignorance.

Il est certain que le colonialisme institué sur le soldat, le missionnaire, l’enseignement et le médecin est une structure animale prédatrice marchant sur quatre pattes. C’est par ces quatre moteurs que le colonialisme a mis en panne les talents, les possibilités et le génie de millions de musulmans. Il a ainsi pu saper leur effort, figer leur mental, rendre inerte leur cognition, rendre stériles leurs idées. Il a ainsi privé l’humanité de millions de potentialités en énergie créatrice, en cerveau fécond, en mental imaginatif, en idée généreuse qui sont un prodigieux capital dont l’humanité aurait profité et utilisé pour résoudre ses problèmes, mais que le colonialisme a sabotée, détruit, détourné du bien pour laisser les collectifs humains sans ressources capables d’ériger des cités, de promouvoir des civilisations et de se mettre au service de l’humanité. Le colonialisme est la forme la plus pessimiste et la plus cynique dans la destruction de l’humain. »

Si la France est venue avec sa logique colonialiste, la révolution égyptienne est venue son sophisme fallacieux des Salafistes apologues de l’anarchie et de la monarchie pour introduire une césure dans la Révolution et une gangrène dans le corps social comme cela s’est fait en Libye et comme cela est en préparation en Algérie. En réalité, quand un mouvement social, culturel, religieux ou politique vit en marge de la société et hors des rouages politiques et économiques légaux de l’État nonobstant l’illégitimité et la tyrannie du régime, il ne peut être que chaotique, entropique avec une dérive démiurge. La dérive démiurge lui permet de jeter l’anathème sur les autres et de les traiter d’hérétiques alors qu’Allah n’a permis à aucun homme de percer le secret du cœur d’un autre ni admis qu’un homme ou qu’une secte se considère comme la secte du salut et les autres des condamnés à la perdition et à être perdus :

{Ne faites donc pas votre propre éloge. Il Est Plus-Scient de celui qui a été pieux.} (S53, V32)

Allah a scellé les pensées intimes et les secrets des cœurs sinon la vie serait infernale ou dramatique. Les Salafistes bigots, non seulement sont une césure dans les mentalités collectives, dans le corps social, mais ils veulent être une interposition entre le cœur de l’homme et son Créateur, entre sa liberté d’agir et leur conception sectaire et bornée du libre arbitre ou de l’exercice politique sans tutelle théocratique et sans bornage militariste. Ils sont loin de comprendre cette sagesse : ‘Il se peut que Dieu te montre les mystères de Son Royaume céleste (malakût) et qu’Il ne permette pas de voir les secrets des hommes. Quiconque percevrait les secrets des hommes sans que son âme se soit conformée à la Miséricorde divine, cette perception serait pour lui une tentation (fitna) et pourrait lui attirer de graves dommages.’

C’est cette dérive démiurge qui leur permet de juger à la place de Dieu et de se substituer à l’État. C’est dans cet esprit pervers que nous lisons la Fatwa d’Ahmad Farid cheikh d’Alexandrie autorisant l’armée à tirer à balles réelles sur les Manifestants. Moubarak et tous les tyrans du monde n’ont jamais eu la folie de le dire si ouvertement. Autoriser le meurtre de manifestants sous prétexte qu’ils troublent la paix civile ou qu’ils sèment la ‘Fitna’ est une hérésie qui vient s’ajouter à celle de Qaradhawi demandant, en direct d’Al Jazzera, d’assassiner Kadhafi chef d’État. Si ce genre d’inepties se multiplient et se tolèrent, ces révolutions vont devenir pires que la Révolution française avec ses exactions et ses meurtres : elles vont devenir une profanation de l’Islam qui a pourtant sacralisé la vie humaine. Banaliser le meurtre politique est un crime, se taire devant cette banalisation c’est être un Shaytan akhrass — un serpent tapi ou un Satan muet. »

Cette fatwa est une honte pour le monde musulman, un couteau enfoncé dans le dos de la révolution égyptienne, un archaïsme contraire à notre époque et à ses défis. Une atteinte à la décence morale. Un vol politique. Une tutelle de bigots sur les peuples. Une application des dix commandements américains.

C’est aussi une pédagogie : voilà comment un système de vote de parlementaires sans cadre d’orientation idéologique, sans conscience politique ni programme ni vision géopolitique parvient à placer en seconde position des abrutis, des paresseux, des opposants à la révolution en Égypte. Ce résultat est l’empressement des Frères Musulmans à faire des concessions à l’armée égyptienne du début de la révolution à ce jour. C’est le prix de la rançon que le peuple égyptien va payer. Ceux qui n’ont jamais fait de politique et n’ont jamais milité que pour leurs ventres se trouvent élus à la place des jeunes qui ont payé de leur sang et de leurs larmes et de leur sueur le prix du renversement de la dictature et de son système du Taghut ( les sionistes, les impérialistes les forces de sécurité et les appareils de corruption).

Ces Salafistes étaient farouchement opposées à la révolution et dès que la place Tahrir est évacuée ils confisquent à leur profit la révolution. Ces Salafistes ne sont pas encore installés officiellement, mais ils font déjà des concessions à Israël et émettent des Fatwa alors qu’ils ne représentent ni l’institution d’Al Azhar ni la justice ni le ministère de l’Intérieur ni la présidence ni le chef de gouvernement ni une séance parlementaire. Ils travaillent en huis clos et hors-la-loi. L’esprit de secte est incompatible avec l’idée de l’État de droit et il est antinomique avec un projet de civilisation ou de libération. Si l’Égypte reste longtemps aux mains des frères musulmans et des Salafistes ce sera la plus grande catastrophe dans l’ l’histoire égyptienne, car elle se fera au nom de l’Islam.

Les Salafistes égyptiens et les Frères Musulmans ont soutenu le conseil militaire contre les intérêts de leur peuple et les sacrifices de leurs jeunes. L’humanitaire de ‘Amr Khaled avec l’armée ne peut se substituer à un processus économique normal. Je me disais pourvu qu’il aille jusqu’au bout de l’impasse et ainsi la révolution reprendra avec l’émergence d’autres forces islamiques et non islamiques hors systèmes des confréries maraboutiques et salafistes apologues de l’Arabie saoudite et de la niaiserie politique et intellectuelle. Et les voilà en train de se dévoiler nus comme des vers de terre.

Tuer un manifestant est pour eux quelque chose de banal. Ces crétins, spécialistes de la casuistique religieuse contraire à l’esprit de l’Islam, sont ceux là même à qui l’Amérique va tenter de donner le pouvoir en Algérie pour faire entrer l’Algérie dans une guerre de mille ans.

Ghozali et Bouteflika ont favorisé l’émergence en Algérie de ce profil corrompu, simpliste, immoral et impitoyable. Ils dominent les mosquées, les rues, les marchés, l’économie informelle, les indics de police. Il est temps que se manifestent d’autres forces islamiques et non islamiques hors systèmes des confréries maraboutiques et des salafistes apologues de l’Arabie saoudite et de la niaiserie politique et intellectuelle. C’est heureux que les problèmes apparaissent très tôt avant qu’ils n’occupent les lieux et n’investissement les appareils de l’État. Qu’Allah les dévoile et qu’il les humilie.

La Fatwa subversive de Cheikh Ahmad Farid ridiculise l’Islam et le présente comme veulent les Américains “la régression féconde”. Il faut garder à l’esprit que ces gens sont falsificateurs du Coran par leur interprétation erronée des Hadiths et leurs recours exclusifs aux Hadiths confondant l’authentique du douteux et ne connaissant ni le contexte ni la signification du hadith se bornant à son formalisme le plus simpliste, le plus réducteur de la raison et le plus contradictoire avec le Coran. Ils sont pareils aux suivistes du Samariy qui a fait construire le veau d’or au peuple de Moise :

{ Moïse choisit ses gens, soixante-dix hommes, pour Notre temps fixé. Et quand ils furent pris de tremblement, il dit : “Mon Seigneur, si Tu l’Avais Voulu, Tu les Aurais Fait périr auparavant, et moi aussi ! Nous Ferais-Tu périr en raison de ce que les insensés d’entre nous ont fait ? Ce n’est qu’une épreuve de Ta Part, Tu Fourvoies par elle qui Tu Veux et Tu Guides qui Tu Veux. Tu Es notre Protecteur, Pardonne-nous et Fais-nous Miséricorde, car Tu Es le Meilleur des Pardonneurs } (7, 157)

L’autre pédagogie est de retrouver le tricotage de l’Empire britannique qui a créé le Qatar comme continuité arabe vers ses colonies indiennes et égyptiennes par le Golfe Persique et la mer arabe. On le retrouve dans le tricotage vestimentaire et comportemental de l’Arabie ‘islamisée’ qui devient continuité territoriale, religieuse, idéologique, politique des Serviteurs des deux Lieux saints de l’Islam. Dans cette continuité, en réalité, on a introduit plusieurs discontinuités dont les ruptures avec l’esprit coranique, l’unité de la oumma musulmane contre le colonialisme, la Palestine comme troisième lieu saint, le refus de l’asservissement au despotisme, l’ostentation du futile, l’Iran et les chiites, l’Islam politique… Quand les Grecs étaient sous l’influence de Darius leurs philosophes, mathématiciens et hommes politiques portaient le turban et la barbe des Perses. Quand Mohamed (saws) était vivant, lui et Abou Jahl ou Abou Lahab portaient les mêmes vêtements qu’ont tissés les coutumes et la géographie. La plus grande confusion qui crée les discontinuités dans les idées, les mots et la grammaire de la civilisation est de confondre les traditions d’un pays crée par les Britanniques avec l’éthique, l’esthétique, la pudeur et la décence de l’Islam. Ignorants des symboles de notre propre civilisation, ce sont les autres qui créent nos symboles et nous les vendent comme prêt-à-porter, prêt-à-penser, dialecte d’incivilité et de régression.

Nous portons avec fière arrogance ce qui est perçu dans les imaginaires collectifs du monde comme symptômes de la décadence du monde musulman, et le pire c’est que les tissus qui couvrent nos peaux déchirées et nos cœurs divergents nous les importons de Chine ou de Taïwan si ce n’est d’Israël, car nous sommes dans l’incompétence de produire nos vêtements, nos aliments, nos idées et notre dignité.

Si nous laissons les insensés s’emparer du pouvoir en Algérie ce sera pire, car les nôtres seront armés par les insensés Libyens. C’est cette suffisance arrogante qui les rend instrument de l’Arabie saoudite et du sionisme pour déstabiliser un pays au profit des États-Unis. C’est cette dérive qui les rend répulsion agissante contre l’Islam alors que notre Prophète a dit ‘annoncez la bonne nouvelle et ne faites pas fuir les gens, facilitez et ne rendez pas les choses compliquées’.

Armés de Hadiths faibles ou douteux ils sèment la Fitna dans le monde musulman se croyant les apôtres de Jésus ou les Compagnons de Mohamed (saws) alors que Otman et Ali n’ont jamais interdit les manifestations ni jeté l’anathème contre des factions qui ont pourtant pris les armes contre eux. Quelle régression que de voir des sots se substituer aux Muftis.

Jamais la communauté musulmane ne reprendra sa grandeur ni ne s’émancipera de ce Wahn tant qu’elle n’a pas construit un État de droit avec une justice indépendante la seule qui a compétence à émettre des Fatwas. Aucun savant aussi prestigieux, érudit ou médiatique ne peut travailler et émettre une Fatwa en dehors du cadre judiciaire ou législatif. Sinon ce n’est pas un État citoyen, mais un État théocratique. Si par malheur ce sont ces Salafistes apologues de l’anarchie et de la monarchie qui s’emparent du pouvoir ce ne sera plus un État théocratique, mais une dictature d’ingrats et de haineux.

On va me dire que je participe à la Fitna et que je fais le jeu des ennemis en poussant les ‘modérés’ contre les ‘extrémistes’. Se taire devant l’absurde c’est en être complice. Il faut se libérer de la hantise des autres et se trouver les prétextes de notre stupidité et de notre dissimulation maladive ‘ne pas faire le jeu des sionistes’. Sobhane Allah ! Comme si les sionistes et leurs agents n’avaient pas leurs fiches tenues à jour sur chacun de nous ou comme s’ils ne connaissaient pas les pathologies qui fabriquent notre Wahn, notre insenséisme, notre inconséquence.

Ils agissent comme agents destructeurs des matériaux et des règles de conjugaison et de grammaire de la civilisation. Ils agissent en important, sous habillage islamique infantile, les germes qui contaminent les mentalités collectives pour qu’elles ne soient plus cimentées et qui relient par l’habit et les coutumes les espaces géographiques aux monarchies du golfe annexes du sionisme et de l’impérialisme américain.

C’est aux imams, aux intellectuels, aux politiques d’expliquer au peuple et aux apprentis intellectuels la grammaire d’une révolution réussie, la grammaire de la civilisation arabo musulmane à reconstruire dans sa propre aire profanée par le colonialisme et ses deux mâchoires qui sont le despotisme de ses vassaux et la corruption non seulement morale et économique, mais surtout idéologique.

Sans être un spécialiste de la grammaire des civilisations, on comprend aisément que le but du colonialisme est de laisser au sens propre et figuré les peuples arabes ignorants et analphabètes. Non seulement il veut leur laisser une élite qui cultive l’inculture politique, mais il va provoquer des césures ou des cassures dans ce qui fait la continuité d’une civilisation. Il va agir sur ses mentalités collectives en lui inoculant des virus étrangers à son corps social, mais reconnus comme tels pour ne pas être rejetés comme des greffons. Ils seront donc  » min jildatina et min alsinatina « . Il va provoquer des césures historiques en nous faisant rattacher à son aire de civilisation sur le plan des idées. Il va enfin opérer une discontinuité territoriale en créant une guerre menée par lui ou fomentée par lui à l’intérieur de la contigüité spatiale. Et c’est ce qu’il a fait en Libye pour couper l’Égypte et la Tunisie comme il a déjà morcelé le Soudan. Il ne va s’arrêter, car son projet est de morceler la Syrie en 3 ou 5 entités et plus tard l’Algérie….

L’Égyptien Mohamed Al Ghazali a répondu dans les années cinquante à la nature du colonialisme qui n’a pas changé : « Français, Anglais, Américains ne cessent de contrecarrer toute sorte de possibilités au développement en Orient, et ne le permettent que dans la mesure où ils récoltent la grande moisson, mettant en place des gouvernements qui servent leurs avidités et combattent les jeunes générations qui aspirent à la liberté, à la lumière. »

Je ne sais pas s’il faut livrer bataille contre le néocolonialisme pour opérer le véritable clivage et placer le curseur sur la lecture de la grammaire civilisationnelle pour édifier une Nahda authentique ou s’il faut d’abord épurer les rangs de l’intérieur et se mettre d’accord sur la langue, sa sémantique, son lexique, sa syntaxe et sa grammaire et puis décider de nommer les choses convenablement. Je ne sais pas, mais ce que je sais c’est qu’il y a urgence pour ne pas mourir de faim et de soif comme l’âne de Buridan.

Omar MAZRI

Vidéo de la Fatwa du Sheikh Ahmad Farid autorisant le meurtre des manifestants (en arabe)

Un frère Musulman, Wajdi Ghanem, répond :

Un salafiste, Hani Essouba’iy, répond :

Tariq Ramadan et les Révolutions arabes (3/3)

Les dix commandements, les Révolutions arabes et Tariq Ramadan (3/3)

Nicolas Machiavel dans « Discours sur la première décade de Tite-Live » nous montre la voie de la probité quand la confusion s’empare des esprits et des nations : « C’est le devoir d’honnête homme de donner aux autres des leçons à faire le bien que par le malheur des temps et l’iniquité des gens il n’a pas pu faire, afin que parmi les plus favorisés et les disposés à faire le bien, quelqu’un d’entre eux, plus aimé du ciel, puisse le réaliser. » Mon but est transparent, je suis prêt à accepter n’importe quel musulman comme intellectuel de référence à la condition que je connaisse ses normes et qu’il affiche ses référents conformes au Coran et à la Sunna et non à la doxa dominante.

Je reviens sur Tariq Ramadan non pas pour porter atteinte à sa personne mais pour apporter la contradiction à son référentiel qu’il affiche dans l’analyse de la collusion entre l’armée, la théorie de la non-violence et le peuple arabe manipulé. Il montre par là qu’il n’est ni stratège sécuritaire ni tacticien militaire pour affirmer comme parole d’Évangile que l’armée a accompagné les révolutions arabes nées d’une conspiration.
  • L’armée, les USA et la non violence
  • Le bras de fer entre le peuple et l’armée
  • Le Fou, le Stratège et le Grand Échiquier
  • Géostratégie exclue, économie tronquée
  • La Syrie et la vision mécaniste de la révolution
  • Pygmalion, aliénation ou libération

L’armée, les USA et la non violence

Selon Tariq Ramadan, l’armée n’est pas intervenue car elle a reçu l’ordre de Washington de ne pas intervenir et d’accompagner la révolution des jasmins et des fèves qu’elle a fomentée. Ceci est un gros mensonge. L’armée est intervenue en Tunisie mais le système sécuritaire de Benali reposait sur la police et ce système s’est effondré devant le foule frondeuse. L’armée sans doctrine et les troupes issues des régions frondeuses frontalières avec l’Algérie n’étaient pas disposées à faire couler le sang tunisien dans un combat dont elles ne voyaient ni la nécessite ni l’issue. Est-ce qu’Allah n’est pas capable de semer le doute, la confusion et la terreur dans le cœur des fonctionnaires de l’appareil répressif? Il est vrai que le Général Ammar a négocié avec les Américains car ceux-ci étaient doublement paniqués. Perdre un bastion avancé dans la lutte antiterroriste et le système de renseignement de l’US Navy et de la CIA ou risquer de se ranger ouvertement du côté de la répression et perdre définitivement la face dans une bataille qui en durant, en s’enracinant et en s’élargissant annonçait le triomphe du peuple.

Pragmatiques, les Américains ont reconnus leur défaite sur le plan du renseignement et se redéploient dans un environnement devenu hostile pour eux. Pourquoi leur donner plus d’importance qu’ils n’ont eue dans la révolution tunisienne ou égyptienne? Leur donner de l’importance c’est faire douter les Arabes de toute tentative de changement et leur présenter les nouveaux acteurs comme des traîtres et ce n’est ni intelligent ni juste tant sur le plan de la réalité historique que sur le plan moral.

En Égypte c’est pire. Faire la coïncidence de la visite des chefs militaires égyptiens à Washington comme preuve du complot ourdi par les artistes américains c’est prendre non seulement les Égyptiens mais les Américains pour des cons. L’histoire a ce côté surprenant et imprévu que le Philosophe même le plus rationnel accepte mais que le Musulman croyant au destin et à l’intervention de la providence divine récuse pour faire accepter l’idée que les Américains sont les maîtres du jeu du début jusqu’à la fin, donnant crédit à la fin de l’histoire humaine et à toute idée de résistance. S’ils étaient réellement et absolument maîtres du jeu, ils n’auraient ni paniqué, ni perdu la boussole ni tout tenter pour continuer à imposer leur vassal Moubarak et son allié stratégique Omar Souleyman qui ont sollicité l’armée. L’armée est intervenue pour mater le soulèvement. Le hic c’est qu’elle est intervenue avec son passif d’une armée commandée par des corrompus, d’une armée sans doctrine de guerre et dont la vocation n’est pas de faire le travail de police. Cette armée tant par son histoire que par la culture du patriotisme qui a besoin de héros, est une armée aimée par son peuple et elle le sait. Que peut-elle faire devant des millions d’Égyptiens répartis entre les grandes villes et les campagnes? Que peut-elle faire pour se substituer à un appareil sécuritaire effondré devant la marée humaine qui l’a vaincu dans un face à face sanglant et dans une détermination qui force l’admiration et le respect.

Tariq Ramadan devrait voir ou revoir le film soviétique Potemkine réalisé par Sergueï Eisenstein, sorti en 1925. Il traite de la mutinerie du cuirassé Potemkine dans le port d’Odessa en 1905, de l’insurrection et de la répression qui s’ensuivirent dans la ville. Il montre les rapports de classes dans l’armée tsariste identique aux rapports de classe dans la société russe. L’armée égyptienne est devenue une armée de classe et ses généraux l’ont amené à faire la faute la plus grave et que j’avais commenté pour annoncer la victoire des manifestants sur l’armée égyptienne dans la place Tahrir et pratiquement la chute de Moubarak. Voici ce que j’avais écrit quand l’armée a pris place dans les rues et les places publiques mais Tariq Ramadan ne connait pas le fonctionnement des armées, le déroulement des révolutions et ne peut donc comprendre et encore moins expliquer ce qui lui échappe :

« Le commandement militaire est certes impliqué dans les commissions et l’habitude de travailler de concert avec l’armée israélienne et américaine. L’armée américaine a intimidé et menacé l’armée égyptienne en utilisant la carte de l’aide américaine et ses dossiers sur la corruption. Mais la solution ne viendrait pas du commandement militaire mais des soldats et de leur hiérarchie directe. L’armée égyptienne a une culture que la corruption de ses chefs ne peut effacer : Elle a conduit des révolutions, elle a conduit des guerres contre Israël, elle a soutenu les guerres de libération et les résistances anti-coloniales. Aujourd’hui elle se retrouve sans véritable doctrine : Elle n’a ni vocation à combattre ni celle de faire la police de répression ni l’humanitaire militaire. Elle est donc déchirée entre sa culture traditionnelle populaire et sa marginalisation par la « paix ». Les décisions de ses chefs vont êtres décisives dans les heures ou les jours à venir… Se ranger du côté du peuple et tenter un coup d’État blanc ou tenter l’aventure d’un bain de sang dont l’issue est incertaine face à un parti au pouvoir corrompu, vieillissant, en fuite ou agonisant ?

C’est une armée de service national, une armée populaire. Le soldat confiné dans son casernement digère le travail psychologique qui lui présente le civil comme un irresponsable, un non nationaliste et un instrument au main de l’étranger qu’il faut mater pour sauver la patrie et sauver la vie du soldat qui défend cette patrie. Ce discours propagandiste amène fatalement le soldat à faire feu sur la population civile dans ce que les militaires appellent une « offensive dans la foulée » sur la population. Dans cette offensive menée comme un combat de rue, le soldat voit le civil comme un ennemi désincarné. L’erreur que le peuple égyptien peut exploiter est celle du commandement qui a mis le militaire avec son armement et son blindé au contact de la population civile pour éviter que l’effondrement sécuritaire ne devienne un soulèvement armé. Il était difficile pour cette armée de s’impliquer d’entrée de jeu dans la répression sans voir les conséquences de la révolution iranienne qui hantent tous les états majors au service d’un tyran : Tuer des milliers de morts, perdre l’honneur militaire et puis perdre les commandes de l’armée. Ce contact pacifique, le temps de voir la situation évoluer ou de l’empêcher d’aller aux lignes rouges, a « humanisé » le soldat qui voit maintenant le civil comme un être incarné et il lui sera difficile de lui donner la mort ou de le blesser dans un rapport de force disproportionné. Le civil en côtoyant le militaire dans les rues a perdu la fascination qu’exercent sur lui l’armée et la peur qui va avec. Voir chaque jour un blindé ou une baïonnette les rends moins impressionnants et moins redoutables.

Sans entrer dans les détails, on peut dire que le déploiement précipité et incompétent des forces militaires a paralysé toute action répressive de l’armée. Pour que l’armée intervienne comme force de répression, il lui faut redéployer ses troupes et les remplacer par d’autres qui sont restés confinés dans leur casernement ignorant les enjeux véritables et surtout déshumanisés par leur confinement. Si les manifestants sont organisés, ils doivent éviter la violence et surtout éviter le désengagement de l’armée. En fermant les accès, en entourant les blindés et en donnant à manger au militaire, non seulement il y a un acte de fraternisation qui rend la répression impossible mais place l’armée sur le plan de l’image et du moral : Otage symbolique du peuple. Comment donner l’ordre à un militaire de tenir longtemps confiné à vivre dans un cercueil roulant avec des besoins humains physiologiques, psychologiques, affectifs et logistiques incontournables. Il va y avoir un point de rupture car le militaire placé dans de telles conditions va craquer et va provoquer la victoire de la révolution en lui faisant l’économie du bain de sang et la pousser à s’attaquer aux bastions institutionnels du régime sans crainte ou prenant le risque d’affronter les chars et les troupes de l’armée s’interposant entre les symboles de la puissance publique confisquée par un parti et le peuple cherchant à s’approprier ces symboles pour en faire une chose publique qui exprime sa souveraineté et qui œuvre à son service. C’est la prise de la Bastille dans un autre contexte et pour une autre finalité et avec d’autres moyens.

Depuis deux jours on assiste à des tentatives de redéploiement de l’armée. Les assurances sur la neutralité de l’armée que donne le chef d’état major à quelques manifestants n’est que de la communication pour engager ce redéploiement. Dans cette situation de blocage, l’armée va être mise à contribution soit par des provocations venant de la part d’éléments infiltrés au sein des manifestants ou de provocation au sein d’éléments infiltrés dans les forces armées provoquant ainsi la panique dans la population et le déclenchement de la peur chez les jeunes soldats qui se trouvent en situation exceptionnelle et qui vont réagir de manière exceptionnelle : Tirer sur une foule anonyme par son caractère « hostile ». Le peuple égyptien peut se libérer de ce scénario en prenant l’initiative d’une dynamique inédite qui ne fait place à aucune improvisation ni compromis : Ouvrir une passerelle de dialogue avec le commandement tactique et opérationnel de l’armée qui peut basculer en faveur du peuple ou imposer à son commandement stratégique une sortie honorable en redonnant à la politique sa place dans le conflit et désengager l’armée.

Les Frères Musulmans, étaient le dispositif le mieux organisé pour apporter le changement de rythme qui mène à la désobéissance civile et à un nouveau virage décisif contre l’impérialisme et le sionisme, ont fait une erreur stratégique en acceptant le dialogue ouvert avec Omar Suleyman. C’ est stratégiquement et tactiquement un ralentissement, une hésitation, une temporisation qui disqualifie les Frères Musulmans comme elle a disqualifié le fameux comité des sages conduit par Amr Moussa, le Secrétaire général de la Ligue arabe. Les masses égyptiennes ne se laisseront pas duper et les Frères Musulmans vont se trouver dans un aiguisement des contradictions qui vont les pousser à apporter tout leur poids social, politique et organique au triomphe du combat des masses sinon ils vont imploser de l’intérieur ou se couper entre base militante et vielle hiérarchie des compromis. Plus le rythme s’accélère et plus la radicalité s’impose, plus les intérêts des partenaires économiques et politiques du régime sont en jeux et plus ils vont lâcher ce régime ou du moins s’en éloigner. Si les savants salafistes saoudiens entrent dans la danse pour discréditer la révolution et les savants religieux qui la soutiennent cela signifie l’isolement de plus en plus grand du régime égyptien et la panique de ses alliés, les monarchies arabes vassales de l’empire américain. Effectivement la faute est commise : Les prédicateurs saoudiens prennent le risque d’aller à contre courant de la volonté des peuples car il y a le feu en leur demeure. Le peuple égyptien vient enfin de se libérer de la fascination des savants saoudiens et de la hiérarchie des Frères musulmans. Les voies de communication entre le pouvoir et le peuple, entre l’Amérique et le peuple sont fermées.

Il ne reste que la confrontation ou la réconciliation entre le peuple et l’armée. Les Égyptiens ont gagné la première bataille politique et psychologique. Ils ne doivent pas faire comme le FIS algérien en donnant à l’armée l’occasion de remporter sur eux une victoire militaire car ils perdraient non seulement la victoire politique mais ils iraient là où l’Amérique et le sionisme veulent les conduire : Un déchirement sanglant et long ou tous, armée, partis politiques et peuple seront les perdants.

Dans ces moments cruciaux nous voyons certains musulmans céder à l’euphorie en se contentant de juger les façades sans voir les enjeux stratégiques et d’autres céder à la polémique en faisant des espaces de liberté en Occident des forums de désinformation sur l’Islam ou de haine contre les peuples occidentaux en faussant le rapport de l’Islam à la liberté et à la démocratie. Quelque soit le cours des événements dans les heures ou dans les jours à venir la situation reste encore hors de contrôle des Administrations sionistes et impérialistes et elle le restera longtemps encore si les Arabes et les Musulmans surmontent le Wahn et l’Euphorie. Le Wahn comme l’euphorie rendent toute chose impossible à réaliser car la dimension rationnelle est amputée de l’action, la finalité est absente et les moyens adéquats ne sont pas mobilisés avec pertinence (adaptation au lieu), opportunité (adaptation au moment historique) et cohérence (nos valeurs et nos stratégies dans une représentation saine et globale de la réalité)… Contre le Wahn et l’euphorie nous assistons à un déploiement efficace des assemblées et des comités des jeunes révolutionnaires. Si jamais la révolution égyptienne avorte, jamais l’Occident ni Israël ni le régime égyptien ne pardonneront aux égyptiens de les avoir défié. Les Baltajias, les escadrons de la terreur, n’étaient qu’un aperçu de la vengeance brutale qui attend son heure comme un myriapode à plusieurs têtes et à plusieurs mains dont les principales sont bien cachées en Occident.

Plus le temps passe, plus le peuple se nourrit de sa propre dynamique et les troupes militaires issues du peuples se restructurent mentalement soit par la sympathie pour le peuple soit par l’usure car une armée a pour vocation de livrer bataille sur un terrain militaire et non de rester confinée dans des places publiques isolées de ses bases arrières. Un char Abra doit se sentir petit et isolé dans la marée humaine qui l’encercle.

La restructuration en cours dans le champ politique et social va inévitablement se transformer en exigences idéologiques, politiques et économiques de démantèlement du régime de fond en comble. On voit déjà la liberté, la solidarité sociale et le multipartisme s’imposer de fait dans le champ et la dynamique des manifestations sociales et politiques rendant le retour en arrière presque impossible même si le prix du sang à payer sera exorbitant.

L’acte de fraternisation qui casse les barrières sociales, les tabous politiques et les carcans totémiques se réalise non par le discours religieux sur la fraternité islamique mais par la praxis sociale c’est-à-dire par le partage des mêmes revendications, de la même souffrance et du même strict minimum vital pour dormir et manger. Le sentiment de justice sociale qui crée la fratrie religieuse, sociale et humaine se réalise au quotidien par la solidarité dans l’épreuve et dans le partage. Vouloir vivre ensemble en tant qu’être humain dans la liberté, la dignité et le respect mutuel est le plus grand acquis quand ce vouloir vivre ne gomme pas la pluralité et la diversité.

Submergé par le ras de marée humaine, l’armée fut mise dans l’incapacité de réprimer l’insurrection du fait du contact prolongé des troupes avec la population et non du caractère républicain de l’armée comme le patriotisme exacerbé pouvait le laisser croire. Le commandement de l’armée égyptienne a pensé réussir un coup de génie en faisant démettre le président pour sauver le système et éviter la répétition du scénario des jeunes colonels et de Nasser tout en donnant l’impression que la révolution menée par le peuple a réussi. D’ailleurs Clinton ne cache ni son soulagement ni sa satisfaction: « Je pense que les militaires égyptiens ont fait montre, par leur retenue et leur appui à la liberté de rassemblement, d’un engagement très fort auprès du peuple égyptien ». Pour l’instant l’armée va trop lentement avec un but évident d’enliser la révolution populaire dans la diversion, la dispersion et de donner au parti unique de Moubarak le temps de reprendre son souffle, son courage et récupérer sa main mise sur le pays à travers ses appareils communicationnels, économiques et sécuritaires.

Il est vrai que les tyrans qui nous gouvernent et l’impérialisme qui les commandent connaissent la psychologie du Wahn des peuples arabes et musulmans qu’ils ont façonnés, humiliés, asservis et aliénés. A peine la « démission » de Moubarak annoncée voila que la rue égyptienne perd toute retenue et toute compétence de raisonnement, de vigilance et de continuité dans les exigences de renverser le régime. Comme en Algérie en 1962, le peuple s’est mis à chanter, à danser et à transformer une révolution larvée en kermesse. Le lendemain, les millions de personnes retournent chez eux pour vaquer à leur occupations comme si de rien n’était. Dimanche, le conseil suprême des forces armées a indiqué que « il prenait en charge la direction des affaires du pays provisoirement pendant six mois, ou jusqu’à la fin des élections législatives et pour la présidence de la République ». Le carré des meneurs de la révolution fut manu-militari expulsé de la place Tahrir. Clinton semble féliciter l’armée égyptienne et rassurer le congrès américain en déclarant : « Ils ont jusqu’à présent fait la preuve de leur sérieux et de leur engagement en faveur d’une transition qui conduira, nous l’espérons, à des élections libres et équitables ».

Dans ce moment où l’Amérique pensait avoir récupéré la mise en faisant baisser la tension, Obama fait la promesse d’apporter son soutien à la démocratie égyptienne sous forme d’aide financière et d’expertise politique et juridique à ses valets présents dans les partis politiques et les élites économiques et culturelles. En donnant importance au respect aux traités internationaux et en laissant les revendications populaires dans le flou, l’inconnu et des termes de temps sans limites et sans calendrier, le Conseil militaire aiguise les contradictions contre sa propre existence et sa propre légitimité. Les révolutionnaires en contre partie exigent des garanties dont notamment un directoire présidentiel de transition dans lequel l’armée aurait un membre à côté d’un membre de l’institution judiciaire et le reste composé des représentants élus par la révolution. Clinton de son côté exige plus : « Les mesures qu’ils ont prises jusqu’à présent sont rassurantes mais il y reste beaucoup à faire ».

Le bras de fer entre le peuple et l’armée n’est pas achevé

Je continue à livrer quelques extraits de mon analyse au quotidien pour comprendre le rapport – armée / peuple – et – armée / États-Unis – qui rend la théorie non violente un conte de fées, une diversion idéologique.

A travers l’inefficacité de l’armée égyptienne, non préparée à ce scénario dramatique, c’est encore une fois l’Amérique qui monte au créneau pour fixer le cap en se prétendant être à la fois la feuille de route, la boussole, le gouvernail et la vigie d’un bateau égyptien qui a pris le large défiant le destin et à l’insu du chef de comptoir colonial. C’est toujours Clinton qui tente de se rassurer : « Le moment est très difficile pour les militaires égyptiens ». Comment ne le serait-il pas quand les élites et le peuple égyptien reprennent leur esprit et commencent à s’organiser organiquement et intellectuellement avec des questions lancinantes : Pourquoi continuer à vivre sous l’ancien régime, pourquoi laisser l’armée continuer à exercer sa tutelle, comment le peuple doit exercer sa souveraineté, pourquoi se référer à une légitimité autre que la révolution populaire elle-même sans autre tutelle que le peuple, comment représenter ce peuple et garantir la pérennité de la révolution dans sa dynamique de transformation politique et sociale ?

Le commandement supérieur de l’armée tenue dans une vie de rente, sans doctrine militaire et sans contact avec la population égyptienne dont il ignore la vie, les malheurs et les revendications en se mettant en première ligne a été surpris par l’ampleur et la radicalité des revendications sociales. Ces revendications sociales légitimes et contenues depuis trente ans pouvaient faire dévier la révolution ou la noyer sous les exigences corporatistes mais le conseil militaire en « confisquant la révolution » se trouve confronté à la colère de la rue, une colère qui est d’ordre social, économique et qui demande à être réglée d’urgence. Ce n’est pas la vocation de l’armée que de superviser la restructuration syndicale et de canaliser les exigences populaires vers plus de liberté syndicales, plus de démocratie participative et plus de justice sociale. Elle n’a ni l’expérience ni la logistique ni le champ libre face aux forces économiques et idéologiques contre révolutionnaires de s’engager dans l’humanitaire et l’aide sociale à moins de s’appuyer sur le réseau caritatif des Frères Musulmans. Dans ce dernier cas ce serait une révolution dans la révolution ! Le Conseil supérieur s’est mis donc dans la situation du serpent qui se mord la queue. Clinton et l’Administration américaine assiste de plus en plus impuissant à un scénario qui leur échappe : « On leur demande à présent d’assumer une responsabilité qui ne figure pas dans le manuel des jeunes officiers : Comment mener un pays à la démocratie par une transition pacifique et en bon ordre ». L’inquiétude américaine cache une menace : Les USA combattront la démocratie qui mettrait en péril leurs intérêts et l’existence de leur gendarme.

L’armée égyptienne ne peut prendre le risque d’aiguiser les contradictions politiques et sociales et d’entrer en conflit ouvert avec le peuple et perdre non seulement le prestige hérité de la guerre et de Nasser mais perdre la bataille contre un peuple qui ne veut pas être dépossédé de sa révolution. En tous les cas, la crise qui est s’est installée entre d’une part l’assemblée générale des différents comités, secrétariats et conseil de la révolution et d’autre part le conseil suprême des forces armées va sans doute libérer le peuple égyptien et arabe du patriotisme infantile qui glorifie la patrie et l’armée au détriment de la glorification des idéaux de foi, de liberté, de dignité.

Ce sont quelques extraits de mes chroniques des heures et des jours de veille sur la révolution égyptienne. J’ai fait exactement la même chose sur la Tunisie et la Libye. Je l’ai fait pour ma conscience, ma foi, ma dignité et je l’ai partagé avec mes lecteurs. Ici je n’ai livré que quelques extraits pour appuyer ma contradiction à Tariq Ramadan et à ses visions réductrices. Par respect pour cette révolution, j’ai écrit un livre dans lequel je n’ai mentionné aucune ligne des centaines de pages que j’ai tenues sur les révolutions arabes. Ce livre donnait une lecture coranique d’un mouvement révolutionnaire qui pouvait se donner toutes les chances de réussir n’importe où et dans n’importe quelles conditions ainsi que les les risques de dérapages qui peuvent arriver et qui sont arrivées en Libye quand on respecte pas scrupuleusement les règles coraniques et les principes mohammadiens.

Il est inutile de citer d’autres extraits de mon analyse en temps réel de la situation égyptienne. Le commandement des forces armées égyptiennes s’est institué en pouvoir provisoire mais jusqu’à ce jour la révolution égyptienne n’a pas baissé les bras. Les luttes de pouvoir s’aiguisent, la légitimité de l’armée et de son rôle hors de ses casernes et du champ de bataille miliaire se pose avec sérieux à la conscience sociale et populaire qui a rompu avec la vision idyllique et patriotique romantique. Il y a des manifestations, des affrontements et des revendications demandant le départ du maréchal Tantaoui qui veut s’instaurer comme tuteur de l’État Égyptien pour le compte des États-Unis. Ce qui confirme une fois de plus que la lutte entre les peuples arabes et l’Amérique n’est pas achevée. Ce qui confirme une fois de plus qu’il faut continuer de supporter et d’entretenir la flamme révolutionnaire dans le monde arabe et ne pas la discréditer. L’intellectuel a le devoir de rappeler que le clivage ne doit pas se faire entre islamistes et non islamistes et autres étiquettes mais entre souveraineté nationale et liberté des peuples d’une part et tutelle étrangère, dictature des militaires et monopole économique du marché capitaliste d’autre part. Dans un clan comme dans l’autre nous trouverons des islamistes, des nationalistes, des libéraux, des laïcs.

L’intellectuel doit aider à clarifier le clivage et l’aiguiser sur l’essentiel et le prioritaire. A la veille des élections, le peuple égyptien lance une offensive contre le maréchal Tantaoui pour que l’armée ne soit plus la tutelle du peuple, de la Constitution et de la gouvernance, en un mot le peuple est conscient de livrer une bataille contre la tutelle de l’Amérique. Il n’y a pas une bataille ni un front de bataille mais dix… Le temps qui a dévoilé la vérité de BHL vient de dévoiler les contre vérités de nos intellectuels qui méprisent les Arabes et leur révolution. La colère gronde de plus en plus contre le Conseil suprême des forces armées égyptiennes qui s’est installé avec le consentement des salafistes et d’une partie des Frères Musulmans comme tuteur de la révolution, de la Constitution et de l’avenir de l’Égypte.

Comme c’était prévisible pour celui qui lit la littérature égyptienne et qui retrouve dans son propre pays les mêmes contradictions sociales et politiques au sein de la société égyptienne, les Apparatchiks de l’armée sont de nouveau face à la fronde populaire qui remet en question le pouvoir de l’armée et le retour de la politique de répression de l’ère Moubarak. Le vice premier ministre a mis le feu au poudre dans une Égypte qui a renoué avec la répression et les tribunaux militaires. Il avait annoncé deux graves décisions jugées inacceptables : La décision de conférer une immunité tacite à l’armée en la soustrayant au contrôle du Parlement ; lui donner le droit de regard sur la rédaction de la Constitution en accordant à l’armée de nommer les trois quarts de la constituante au lieu d’être tous issus du futur Parlement. La révolution populaire n’est pas linéaire comme la théorie de la non-violence pratiquée par Lech Valesa en Pologne ni celle pratiquée en Roumanie ni celle pratiquée en Georgie . Elle a ses pics de violence, ses accalmies, ses percées, ses reculs, sa propre dialectique. Encore une fois il ne s’agit pas d’exonérer l’Amérique de ses mensonges mais de ne pas spolier les peuples arabes de leurs luttes. L’Algérie a payé comme prix de la contre révolution organisée par la France et les Etats-Unis : 200000 morts, 20000 disparus, 1 million de populations déplacées, une économie moribonde malgré les réserves astronomiques… Même si l’Amérique a comploté, le peuple arabe n’est pas dupe et il continue de livrer bataille.

Si «Le régime militaire est mort, est mort» ainsi que «Liberté, liberté !» sont les nouveaux slogans des manifestants, « Nous sommes profondément inquiets des violences » est par contre l’inquiétude qui s’empare de nouveau de la Maison Blanche, s’exprimant par son porte-parole Jay Carney. Les Américains comme au début ne maitrisent pas l’agenda et désespérément font appel à « toutes les parties à la retenue » ont peur de voir le processus qui a fait tomber Moubarak leur échapper de nouveau « il est important que l’Égypte continue à progresser [vers la démocratie]. »

Assam Charaf celui qui a été plébiscité par la place Tahrir pour être installé comme chef du gouvernement est contesté au même titre que l’armée pour la lenteur de ses réformes. Le mouvement de contestation prend des formes de plus en plus violentes de part et d’autres et s’étend sur l’ensemble de l’Égypte et tout particulièrement au Caire et à Alexandrie car la révolution savait qu’elle a fait tomber un emblème et qu’elle donnait le temps pour un changement pacifique. Rien ne peut s’opposer à la volonté populaire : Ni pourrissement voulu par l’armée, ni le jeu maladroit de ‘Amr Khaled de remettre le peuple en état de travailler en proposant des arrangements d’appareils, des médiatisations de l’armée faisant du social, en galvanisant le patriotisme teinté d’Islam pour remettre l’appareil économique à produire alors que les antagonismes de classes sont toujours présents, l’injustice sociale est présente avec ses causes et ses processus…Le véritable danger est de voir le scénario FIS / Hamrouche / Nezzar se reproduire avec le scénario rue égyptienne / Assam Charef / Tantaoui avec une annulation des élections, leur trucage ou leur contestation pour amener l’Egypte à une guerre civile.

Les Égyptiens reviennent aux slogans du début de la révolution : Un conseil révolutionnaire pour gérer l’après Moubarak, l’élection rapide d’un Président de la République ayant plein pouvoir et l’armée qui devient une structure au service de la défense du territoire et non une institution au dessus des lois et supervisant l’État. J’avais écrit au début de la révolution que les Égyptiens devaient tirer les leçons algériennes d’octobre 88 et de Janvier 92 qui consistent à faire avorter en même temps les réformes politiques et économiques et la confiscation de la souveraineté du peuple. Ce langage n’est pas celui relayé par Cheikh Google, Facebook et Twitter mais celui porté par les mentalités collectives arabes qui suivent chaque événement, chaque défaite, chaque victoire, chaque erreur dans le monde arabe et l’emmagasine dans leur existentialité. C’est mépriser le peuple que de voir en lui cet être que l’oppression a rendu amorphe, apathique, inerte et ne pas voir en lui l’ingénieur ingénieux qui construit sa mécanique interne de résistance et de changement dès qu’il entrevoit la faille pour s’y engouffrer et ouvrir la brèche pour lui et pour les autres peuples en alerte.

Tous nous savons ce que veulent les États-Unis, Israël et les armées arabes : Fermer les brèches et caporaliser la dynamique populaire ou la criminaliser pour qu’elle ne fasse pas tâche d’huile mais peu d’intellectuels arabes savent ce que veut réellement le peuple arabe qui mène depuis des décades des luttes pour retrouver sa liberté, sa dignité et sa souveraineté. Encore une fois la problématique n’est pas dans les termes révolution ou soulèvement mais dans l’expression d’un peuple, sous forme de manifestation ou sous forme de résistance passive ou violente, qui prend son destin en main. C’est ce que vient de confirmer la Place Tahrir ou un interviewé dit : «On débat de la question de savoir si c’est la deuxième révolution. Mais, pour les gens dans la foule, c’est toujours la première : Ils pensent qu’ils n’ont eu qu’une demi-révolution et qu’elle s’est terminée par un coup d’Etat». Encore une fois l’intellectuel, généré par la douleur du peuple et enfanté par la dynamique populaire, lutte pour redonner à ce peuple l’initiative historique lorsque que celle-ci lui est confisquée et proclame tout haut et tout fort que quelque soit le temps mis pour accomplir cette initiative de son expression libertaire à l’exercice de la liberté par des institutions et des gouvernants qui garantissent cette expression et son exercice authentique.

Il faut du temps au temps car le Temps est une créature d’Allah qui entre en scène, vit et meurt comme toute créature qui a un destin à accomplir et une mission à réaliser et à cet effet elle est facilitée vers ce pourquoi elle a été existentialisée ici et pas ailleurs, en ce moment et pas en un autre. La naissance, la vie et la mort des moments mystiques dans la vie d’un peuple sont l’occasion de se réapproprier sa liberté, sa dignité, sa mémoire, son identité, son appartenance civilisationnelle. Plus le moment mystique ressurgit comme une résurrection plus l’intellectuel doit apporter sa voix pour donner un contenu plus idéologique, plus politique et plus institutionnel à la liberté, à la « démocratie », à l’égalité, à la dignité, à la souveraineté du peuple pour qu’ils ne soient pas confisqués une nouvelle fois par l’Occident néo colonisateur et son mondialisme « indifférenciateur » et négateur des civilisations. La plus grande bataille que doit livrer l’intellectuel est de dire et de faire comprendre aux autres que la véritable liberté est celle de penser, de dire et de faire en dehors des appareils de l’État. Ce n’est pas un mouvement vers l’anarchie mais la confirmation de la socialisation c’est-à-dire donner plus de poids à la société et faire de l’État une chose publique qui rend justice, qui arbitre entre les différents intérêts légitimes et légaux et qui défend la société. La vocation de l’intellectuel n’est pas de haranguer un public ou de l’inciter à la confrontation s’il n’a pas qualité d’orateur ou s’il n’a pas de présentiel dans une manifestation ou un soulèvement. Sa vocation est de dire c’est-à-dire de nommer les choses comme elles doivent être nommées.

En acceptant le dialogue avec Omar Suleyman, en acceptant le dialogue avec l’armée, en refusant la constituante au nom du maintien de l’Islam comme religion de l’État, les Frères Musulmans ont accrédité l’idée que la révolution égyptienne est une conspiration américaine ou un complot israélien pour exclure le peuple égyptien et les autres peuples du débat sur les enjeux majeurs de ce troisième millénaire. Dans cette théorie du complot, il y a ceux qui présentent les Frères Musulmans comme alliés de la conspiration de Satan et il y a les autres qui les présentent comme victimes sacrificielles car ils vont donner excuse à une intervention étrangère violente. Le peuple en intervenant dans le débat reprend l’initiative et remet les pendules à l’heure et les enjeux dans leur centre de gravité. Malgré les manœuvres de diversion et le sentiment patriotique des canailles que l’armée a su cultiver pendant 60 ans, le peuple égyptien vient de réaliser que le maréchal, ses généraux et l’institution fantoche qu’ils viennent de créer pour satisfaire les États-Unis sont le coeur du problème et non sa solution. Tout le système mis en place par les 10 commandements américains, à travers les réajustements structurels du FMI et le tout sécuritaire, est en train de s’effondrer comme un chateau de cartes. L’armée arabe dans sa configuration actuelle est le problème majeur. Chaque défaite politique et économique infligée à la hiérarchie militaire est une défaite de l’impérialisme.

L’ancien diplomate Abdallah al Achaal, futur candidat aux présidentielles, se distingue de ‘Amr Moussa et de Mohamed ElBaradeï avant le soulèvement et jusqu’à ce jour comme anti sioniste et anti impérialiste. Il revient en force pour revendiquer un État de droit indépendant de l’hégémonie américaine, d’Israël et de l’armée. Il est bon de retenir les positions d’Al Achaal sur les négociations arabes et le processus de paix avec Israël pour comprendre sa position et son engagement dans le combat qu’il mène auprès du peuple égyptien sans avoir la même médiatisation :

« … le problème est que le processus de paix qui est bâti sur la négociation conformément à la partie arabe, diffère de celle d’Israël et ses points forts avec en tête la répression militaire, la procuration politique qu’il reçoit des habitants d’Israël et enfin le soutien américain illimité. Plus important encore est l’objectif déclaré, à savoir celui de réaliser le plan d’Israël uniquement, de manière à ce que le processus soit un outil pour revêtir son plan de la légitimité requise. C’est effectivement ce scénario qui a abouti. Nous avons alors été témoins d’un recul de la volonté arabe collective, de la vision arabe globale de la gestion du processus de paix avec Israël. Sans oublier bien sûr le rôle primordial joué par Washington au niveau des pressions exercées sur tout le monde pour empêcher une cristallisation de la vision arabe. Ce qui aboutirait par conséquent à une perte d’Al-Aqsa, à la judaïsation de Jérusalem et de la Cisjordanie… La division arabe est inhérente au plan israélien qui estime que la réconciliation serait établie automatiquement si une volonté arabe globale existait en vue d’isoler Israël de la région dans un affrontement arabe global. Raison pour laquelle le plus dangereux dans cette pérennité du conflit arabo-israélien, vieux de 40 ans, est qu’Israël et ses symboles sont devenus des faits habituels dans les consciences arabes. »

Si les intellectuels arabes voient la main de l’Amérique qui anime un processus de non-violence ce n’est pas le cas des sionistes. C’est le ministre chargé de la Défense passive, Matan Vilnaï, qui a exprimé, mercredi, son desespoir à ne pas voir le maréchal Tantaoui maîtriser le nouvel élan révolutionnaire : « La situation est problématique, sensible et pas claire. Tantaoui tente d’éviter le chaos et de transmettre le pouvoir de la façon la plus ordonnée possible. Nous espérons qu’il va réussir et les Egyptiens doivent aussi l’espérer, sinon ce sera le chaos général et ce sera très mauvais, pour l’Égypte ».

Entre les déclarations de l’Arabe Abdallah al Achaal et celles du sioniste Matan Vilnaï se jouent les véritables enjeux que notre intellectuel ne peut ni voir ni entendre car sa culture du compromis l’a amené à s’assoir à la même table que les sionistes qui hantent les médias français. Ayant du mal à se positionner sur l’échiquier idéologique, notre intellectuel ne voit pas la tragédie du « un pas en avant, deux pas en arrière » des Frères Musulmans qui faussent toutes les lectures politiques car ils sont dans l’incapacité de fixer le marqueur politique depuis la révolution contre le roi Farouk à ce jour sur une ligne stable et affichée autour de laquelle les Egyptiens peuvent se fédérer : Pour, contre ou en situation de soutien critique. Ils subissent la répression, ils sont incapables de sortir de l’impasse et lorsque les militaires ou le peuple mène sa révolution ils se retrouvent en retrait, encombrant le champ de vision et puis surgissant de nouveau pour tout brouiller. Celà n’est pas le résultat de la théorie de la non violence américaine mais leur incapacité à créer un cadre d’orientation idéologique où les clivages socio-historiques se font au delà du conjoncturel, de l’esprit partisan et du simple fait religieux. La maladie provient de l’absence de transparence et de pratique démocratique dans un mouvement qui fonctionne comme une confrérie presque maraboutique étouffant l’immense talent et l’immense réservoir de ses cadres amenés à composer avec le pouvoir et à faire de l’humanitaire social sans imprimer la marche de l’histoire vers la libération du peuple du despotisme et l’émancipation du capitalisme.

Le pronostic
Dans le nouveau bras de fer qui oppose les forces islamistes et les forces de gauche à l’armée, celle-ci va rester dans une posture qui va la fragiliser politiquement et la pousser à être un coup d’état ou à faire des concessions. Pour l’instant son maréchal Tantaoui demande à Mohamed El-Baradei et ‘Amr Moussa, deux figures influentes sur une frange de la scène politique mais non déterminantes, de soutenir le nouveau Premier ministre désigné Kamal el-Ganzouri et de contenir à la fois la foule hostile et garantir la tenue des éléctions souhaitant ne pas vouloir une majorité aux islamistes. La confusion défavorise l’Amérique car l’armée et ses deux fers Mohamed El-Baradei et ‘Amr Moussa vont être discrédités au profit de revendications plus radicales. Le serpent va se mordre la queue et va contraindre les Frères musulmans à réaliser un sursaut d’ouverture et de clivage non « classisites » faussant les faux clivages et les faux espoirs américains. La ligne de démarcation et le curseur idéologique seront sur la lutte anti impérialiste. C’est sur ce terrain que dans les prochains jours, les prochains mois on aura la tendance réelle sur la victoire ou la défaite de l’ingérence américaine.

Le Fou, le Stratège et le Grand Échiquier

Dans une stratégie de communication redoutable et malhonnête, Tariq Ramadan s’attaque au dossier libyen en se déchargeant, sur plan religieux, sur Qaradhawi et sa Fatwa demandant l’assassinat de Kadhafi. La probité morale pour celui qui prend position en faveur de l’homosexualité, de l’avortement, de l’annulation de la lapidation et de la polygamie et du doute sur l’obligation de porter le voile est de prendre position sur le plan religieux sur une Fatwa assassine qui s’est appuyée sur une opinion partisane et une manipulation sans doute de l’entourage libyen de Qaradhawi qui ont joué sur ses sentiments en lui montrant des images affreuses supposées commises par Kadhafi ou son régime contre les Frères Musulmans de Libye. La vérité est au delà des passions, des intérêts et des traitements selectifs! Où sont les arguments religieux donnant alibi religieux à un mouvement séditieux armé par un savant qui a consacré sa vie à réfuter les arguments religieux et politiques des Kharijites? Où sont les arguments religieux donnant autorisation à l’ingérence étrangère ?

Tariq Ramadan est subtil, volatil, il pose la Fatwa de Qaradhawi comme un axiome philosophique : Vérité évidente mais non démontrable donc non discutable. Elle lui donne légitimité tout en lui permettant d’échapper au débat religieux et de se retrouver sous l’étiquette d’islamiste ou de Frère Musulman que lui cherchent Christine, Marine et consœurs . Il est dans de la casuistique cléricale , l’art de persuader et non l’obligation de parler vrai comme l’exige l’Islam.

Mais dans son raisonnement et son discours, il va explicitement non seulement donner crédit à la Fatwa de Qaradhawi mais à l’agression de l’OTAN qu’il ne condamne ni sur le plan juridique ni sur le plan philosophique en invoquant Kant et la paix perpétuelle faute d’invoquer l’Islam et ses règles à un public qui est en attente de connaitre l’Islam dans sa Grandeur, son humanisme par un grand intellectuel mondialement reconnu par son intelligence et son talent. En effet s’il ne peut prendre le risque de « choquer » ou d’entrer dans un « débat tranchant » sur l’Islam, il a en sa qualité de philosophe « la paix perpétuelle » de Kant pour répondre indirectement à BHL, à Obama, à Sarkozy et à tous ses transgresseurs du droit international qu’ils ont tissé et approuvé.

Il sait comme tout philosophe que Kant était en opposition intellectuelle et courageuse avec l’idée répandue chez les ignorants et les belliqueux qui pensent que la paix n’est qu’un intermède utopique et éphémère entre des guerres perpétuelles. Pour lui, si la guerre est l’état naturelle, la paix est l’état du civilisé qui l’instaure par le droit dans un effort humain, juridique, intellectuel, philosophique et diplomatique à inscrire comme idéal humain et social à atteindre. Kant va donner à l’Occident guerrier et belliqueux le principe de l’avènement du droit comme salut politique et la foi dans l’application stricte de ce droit comme règle de conduite pour fonder et préserver la paix. C’est ce principe et cette foi partagés qui vont faire de la paix entre les États un projet réaliste, une réalité perpétuelle et non une armistice que les intérêts des puissants violent à chaque occasion. En symbiose avec Rousseau et son « Contrat social », il pose les fondements de sa théorie de paix en s’attaquant au problème de la guerre qui est essentiellement la propriété qui doit se poser non plus en termes de possession mais en termes de droit. Le principe de citoyen du monde, de mondialisation est annoncé comme le triomphe du respect du citoyen et du droit.

L’intellectuel musulman vivant en Occident a matière pour argumenter sur le plan philosophique tout en étant en paix avec sa foi et à l’abri des islamophobes. Il peut se monter plus singulier et se mettre sur le plan strictement de la logique humaine en disant que la guerre sans raison valable et sans agenda affiché ne peut mener qu’à l’entropie et conduire à une autre guerre en réponse à cette guerre ou à l’exportation de cette guerre ailleurs sans droit ni justice ni morale. Ce qui est vrai par la logique impériale, historique et que confirme les événements tragiques en Libye. Qu’il vive en Occident dans un microcosme médiatique adulé par des fans en quête d’idoles, il ne peut se dérober à la règle des savants de l’Islam comme celle émise par Mohamed Al Ghazali : « Si la voix de la religion ne résonne point dans le combat pour la liberté, quand pourra-t-elle se faire entendre ? […] L’expulsion des colonisateurs-voleurs est une obligation inéluctable pour chaque musulman […] A ceux qui restent en arrière, incombe la tâche de purifier le front interne pour soutenir les combattants, et barrer chaque complot qui donne accès à l’occupant d’usurper les biens du pays, ce genre de Jihad, s’il est accomplit sincèrement, représente une participation effective avec les combattants, qui affrontent les colonisateurs ». Il n’est pas attendu de l’intellectuel d’enfoncer des portes ouvertes mais de donner sa lecture, même si elle est imparfaite, comment mettre en place des gouvernants légitimes en encadrant, en encourageant et en donnant du combustible idéologique, intellectuel et politique aux soulèvement arabes.

Mohamed Al Ghazali montre le cadre dans lequel s’inscrit l’engagement de l’intellectuel musulman pour contrecarrer le colonialisme et son vassal intérieur le despotisme intérieur : « … l’illumination du cœur, et l’éveil de la conscience […] Refouler l’injuste ; Prendre la défense de l’opprimé ; Inciter autrui à participer au refoulement de l’agression et de la fraude. »

On n’entend ni la voix de Hassan Al Banna ni celle de Mohamed Al Ghazali quand on est dominé par l’arrogance et flatté par le culte de l’idolâtrie de personnes en mal d’identité, en mal d’expression, en mal de connaissance de l’Islam. La logique d’arrogance de se planter comme le monopole du savoir et de la raison fait que Tariq Ramadan et ses semblables dans le monde musulman ne voient plus ceux qui vont tuer sous un étendard de confusion et de Jahiliya comme illégitimes et ne voient plus ceux qui vont se faire assassiner par le même étendard de confusion comme des êtres humains, des musulmans et que l’assassinat d’un « fou » ne se justifie pas et s’il se justifie, il ne peut être une raison pour se taire et occulter les milliers de morts innocents qu’il faut assassiner et les villes à détruire avant de trouver la cible désignée comme folle. L’humilité qui rend l’homme sensible au battement du coeur du monde aurait fait entendre à l’intellectuel l’analyse du psychiatre et sémiologue Serge Tisseron sur la « vache folle » dont le terme folie, la traque des bêtes dans les fermes, leur traitement dans les abattoirs et la traction voyeuriste devant les caméras de télévision sont une intrusion invasive sur le psychisme de l’individu qui conserve dans l’inconscient collectif les drames de l’Europe médiévale avec la peste qui décime d’un côté et les tribunaux de l’inquisition qui déciment de l’autre, mutilant le mental et fragmentant le corps social privé de compassion, de solution, d’espoir et de perspectives d’avenir autres que les hécatombes et les malheurs. Si tel est le dégât de l’image de la vache folle on peut imaginer le dégât du traitement infligé à un chef d’état arabe et musulman présenté comme fou et traité sans aucune compassion ni égard pour son rang ni pour son statut d’humain allant jusqu’à lui nier la symbolique du rituel mortuaire auquel a droit tout musulman sur cette terre.

En traitant Kadhafi de « fou », Tariq Ramadan entretient les traumas judéo-chrétiens du Moyen-age et ceux des Croisades, fermant la porte à tout raisonnement lucide, rationnel pour laisser sortir les peurs et les démons des sociétés occidentales privées de leur humanité par le capitalisme, le crédit, les nouvelles maladies, la peur du lendemain, les guerres mondiales. Pire il défonce la porte sur plusieurs fautes graves.

  • La première c’est qu’il s’inscrit, alors que rien en apparence ne l’oblige, dans la logique de diabolisation de l’Occident de présenter l’homme à abattre comme un « fou ». Dans l’objectif de guerre médiatique, psychologique et militaire, l’occident ne dit pas que Kadhafi est « aliéné, malade mental » comme cela se dit de toute personne souffrant d’altération pathologique des facultés mentales. Il dit en termes allégorique de symbolisation inversée que Kadhafi est dénué de bon sens car son intérêt est de céder, il est dénué de prudence et nous allons avoir le dessus sur lui, il va à l’encontre d’un exil doré qui est la chose la plus raisonnable pour lui au lieu de finir lynché.
  • La seconde c’est qu’il relaie les médias qui veulent présenter Kadhafi comme un homme qui mérite de mourir de la manière la plus abjecte car dépossédé de la raison, il est dépossédé non seulement de son statut de chef d’État mais de son humanité qui lui préserve un minimum de dignité et de compassion.
  • Tariq Ramadan fait la troisième faute en s’inscrivant comme « idiot utile » comme si son QI a chuté devant le matraquage médiatique et se met à relayer le terme non de dément mais de fou dans le sens que Kadhafi a dépassé la mesure considérée par la norme occidentale comme convenable. La violence et l’intensité des propos inconsidérés de Kadhafi dénonçant une Croisade contre la Libye et acceptant de se soumettre aux décisions de l’Union africaine ou de Hugo Chavez mais pas à celle de l’Occident prouve le désordre mental de Kadhaffi qui ne se soumet pas au rapport de force en sa défaveur et il faut en finir avec lui car il peut causer des désordres à d’autres.
  • La quatrième faute aussi vile et impardonnable pour un intellectuel se réclamant de l’Islam, c’est qu’il se met sur le terrain des jugements de valeur alors que la vocation d’un intellectuel, froid et calculateur comme lui, se veut d’être objective, déductive et non subjective.
  • La cinquième faute est qu’il lui reconnait paradoxalement sa compétence de fin stratège. Soyons sérieux, il est rare de trouver un fou privé de raison et du sens de ses intérêts et doté des compétences d’élaborer des stratégies. Et c’est là où le discours est vicieux et ne correspond ni à l’éthique ni à l’esthétique d’un intellectuel se réclamant de surcroit musulman. En effet, faire admettre à une assistance que nous avons face à nous un fou, et que ce fou soit un stratège, cela signifie tout simplement qu’il fait admettre à l’auditoire naïf que ce personnage ne mérite ni pitié ni compassion humaine car il est capable de toutes les monstruosités, de toutes les nuisances. Kadhafi = pouvoir politique + génie machiavélique + pschychopate = Danger pour tous! Ce travail de connotation de mots et d’images est celui des laboratoires de psychologie et de traitement de choc de la CIA et de l’armée américaine. L’intellectuel doit savoir qu’il s’aventure ici sur un terrain miné, subversif… Il n’a pas le droit de prendre les choses à la légère. Ainsi non seulement la Fatwa de Qaradhawi est sensée mais celle de l’OTAN de mettre sa tête mise à prix mort ou vif comme un bandit dangereux pour son propre pays, ses voisins et pour la communauté internationale est la plus sensée, la plus juste, la plus légale. Pour la paix et la sécurité du monde, il faut vite en finir avec un fou stratège. Le crime est justifié, la mise sous camisole de force des consciences est effectuée par les médias et les « intellectuels ».
Nous sommes dans le discours des éradicateurs de l’OTAN, des psychologues de la CIA, des plateaux d’al Jazeera et d’al Arabia et non dans celui d’un Musulman, d’un philosophe, d’un pacifique faisant la promotion de la mobilisation non violente. Encore une fois ce n’est pas la rhétorique qu’il faut écouter et la prestance charismatique qu’il faut voir mais la cohérence interne du discours. Il donne crédit et se fait le porte parole des médias mensonges qui couvrent non des vues de l’esprit mais une réalité tangible et criminelle : L’agression de l’Otan contre un petit pays et contre un homme isolé par une communauté folle et des « fous de Dieu ». Nous sommes dans une tragédie kafkaienne : En désignant un homme comme fou on fait l’impasse sur les preuves des prétendus massacres réalisés par son régime et on occulte ses réalisations sociales et économiques qu’il ne faut pas évoquer. Il faut juste se contenter de tourner en boucle et de faire répéter par les idiots utiles la folie affirmée par des amalgames et des séquences de discours exaltés sans citer le contenu des discours anti impérialistes ni débattre de la démocratie participative mise en place. L’image du petit écran montrant un homme présenté par une voix off comme un dictateur endiablé « se comportant comme un fou ». Le hors champs de l’image que l’intellectuel doit explorer pour ne pas succomber à la magie de la télévision comme le ferait un esprit niais n’est pas dans le schéma logique de l’Arabe de service. Ce schéma de mental colonisé n’intègre dans sa logique ni la dialectique de l’histoire qui se déroule sur fond géostratégique et civilisationnel, ni la subversion par l’image qui sape l’intelligence et manipule l’émotion, ni la contradiction entre le in champ médiatique et le hors champ réel. Le bavardage, y compris le sien, devient plus qu’un « haro » , un réel plus tangible que la réalité, un vraisemblable plus convaincant que la vérité.

Le temps a montré comment le « fou » a fini dans une opération médiatique de désymbolisation qui a violé la compétence symbolique de l’homme de tisser du sens et l’ a entrainé par l’œil de la caméra du non sens à un orgiasme satanique où on cultive la jouissance bestiale et le festif des cérémonies de catharsis et d’exorcisme des foules païennes. Si c’est cela le travail et la déontologie d’un intellectuel, de surcroit musulman, et si c’est cela la signification des applaudissements des fans en quête d’idole et non en quête de vérité alors chaque musulman sincère devrait se mettre à pleurer sur son sort car c’est le règne des démons et des illusionnistes qui ont fait de la parole un bavardage de justification idéologique et non un canevas des idées de la Nahda ou de l’Islah dont a besoin le monde arabe pour s’émanciper de la prédation vorace du capitalisme et du satanisme des dominants qui ne respectent ni pacte, ni intelligence, ni sensibilité, ni droits ni humanité. L’imam Ali a laissé cette sentence : « A chaque fois qu’une tradition du Noble Prophète (saws) vous est rapportée, examinez-la, ne soyez pas satisfaits de la seule répétition textuelle de celle-ci, car il y a de nombreuses personnes qui répètent les mots contenant un savoir mais seuls quelques uns méditent sur eux et essayent de saisir pleinement le sens qu’ils transportent« . Que penser alors de ceux qui propagent les idées et les plans du colonialisme et du capitalisme sans en vérifier la véracité, la portée dans les esprits des Musulmans et la dimension dans la configuration de l’histoire qui se joue entre un colosse rationnel, réveillé et cruel et les peuples musulmans crédules, irrationnels et somnolents. Quel est le rôle de l’intellectuel : Éveiller les consciences, aiguiser les contradictions, inciter à la lutte pour s’inscrire dans l’avenir maitre de son destin ou se livrer à Satan?

Le temps, cet inconnu, maitre des sages et des fous, dévoile Bernard-Henry Lévy qui vient de faire l’aveu superbe et arrogant de sa raison dans la médiatisation de la déraison et du lynchage de Kadhafi ainsi que son rôle dans l’agression de la Libye : « Cette raison est que je suis juif, et c’est en qualité de juif que j’ai participé dans cette aventure politique… J’ai pris comme étendard la fidélité à mon nom, je l’ai fait en qualité de juif. Ma volonté d’illustrer ce nom et ma fidélité au sionisme et à Israël. Ce que j’ai fait pendant tous ces mois, je l’ai fait comme juif. Et comme tous les juifs du monde, j’étais préoccupé. Malgré cette anxiété légitime, il y avait une rébellion qu’il était nécessaire de recevoir favorablement : Ce que c’était avant était l’un des pires ennemis d’Israël » En qualité de quoi Tariq Ramadhan, Qaradhawi, l’Émir du Qatar se sont-ils faits les porte-paroles de ce que le Prophète a qualifié de l’étendard de la Jahiliya que revendique BHL sans se cacher car il agit au nom d’une légitimité alors que les notres agissent au nom de la clandestinité et contre les intérêts suprêmes de la oumma. BHL reste fin stratège, il s’annonce comme juif non qu’il soit pratiquant du judaïsme mais pour se donner les garanties au nom de l’antisémitisme de ne pas être attaqué d’agent du colonialisme ou de faire de la diversion idéologique en se plaçant sur le terrain du religieux alors que le combat est sur le terrain de la confrontation entre l’impérialisme et ceux qui lui résistent. Qaradhawi et Tariq Ramadan ont-ils des stratégies islamiques pour contrer les césures dans les mentalités collectives, les espaces géographiques et l’histoire commune du monde arabe et musulman?
Si on suit les conseils de l’Imam Ali on pourrait voir au delà du terme « fou » la stratégie de Zbigniew Brzezinski dans le « Grand Échiquier » et les membres de la ligue arabe, les intellectuels musulmans et les monarchies s’empresser de sacrifier le fou pour sauver une reine ou un roi mis en échec par la stratégie de l’adversaire qui ne voit plus la stratégie et qui se trouve livré à sacrifier ses pièces maitresses alors que ses pions ont pris position stratégique sur le terrain. Encore une fois il faut lire la carte du monde, les dix commandements américains et la théorie de l’idiot utile pour comprendre le sens de ces sacrifices et la communication qui les précède, les accompagne et les poursuit. Il faut accepter un part de vérité dans le discours de Tariq Ramadan et aller à la découverte du « Grand Échiquier » qui annonce la diversité du monde arabe : « Il n’y a pas d’islamisme global » signifiant que l’islam sans politique, sans idéologie, sans souveraineté nationale, sans stratégie de développement, consumériste, cultivant le spectacle et rendant culte aux idoles médiatiques, sans confrontation avec l’Amérique, est le meilleur allié dans la garantie de préserver l’hégémonie américaine sur l’histoire humaine . L’intelligence cynique consiste à faire cohabiter toutes les idéologies qui traversent les sociétés musulmanes au service de la grandeur de l’empire et faire face à la véritable menace sino russe. L’appareil du pouvoir du Pakistan est retourné comme bon musulman contre les folies des Talibans considérés comme mauvais musulmans. Le pouvoir algérien, son armée et l’opposition réconciliés comme de bons musulmans seront les gendarmes contre les fous de l’Aqmi crées et instrumentalisés pour gérer le chaos dans la région et faire de l’Algérie un gendarme de l’Otan dans les pays du Sahel et dans le territoire libyen.

Le Musulman qui ne rentre pas comme pion dans le jeu d’échec est assassiné comme Abdelkader Hachani ou mis dans la position de fou comme Ali Belhadj. L’Algérie avait déjà inventé le concept de bon Musulmans et de mauvais musulmans, de bons fils de Chahid et de mauvais fils de Chahid. Celà va continuer tant que le peuple musulman prolonge son long sommeil. Hélas lorsqu’il se réveille et se met en révolution il se trouve face à ceux qui le font douter, diaboliser sa révolution ou la récupérer en faisant semblant de la porter. Malek Bennabi a fait le fou en disant cette phrase géniale que nos élites n’arrivent pas à interpréter dans le théâtre de folie qu’est devenu le monde : « On pare l’idole pour humilier l’idée« . L’intellectuel ne doit pas servir l’idole ni avoir peur de dénoncer le fétichisme de l’idée ou de la personne comme l’avait souligné Mohamed Al Ghazali en s’attaquant à ceux qui croient défendre l’Islam et qui en réalité, consciemment ou inconsciemment le desserve :  » Ils sont tels des gens qui bloquent une route sans en ouvrir une autre […] D’autres également ne font point de distinction entre les problèmes périphériques et les problèmes centraux, ni entre les sujets fondamentaux et les branches secondaires, ni entre les problèmes majeurs et ceux qui sont mineurs. Ils dépenseraient toute leur énergie pour combattre les problèmes secondaires. Ainsi, il est probable qu’ils attaquent par la mauvaise direction, là où le véritable ennemi attaque par une autre direction. Il leur arrive parfois d’attaquer même des ennemis imaginaires. Tous ces prêcheurs sont un pénible fardeau pour la Prédication Islamique. Ceux-là doivent être corrigés, tout comme ceux qui prêchent pour leurs profits personnels et non pour des principes islamiques sincères« .

Ali Belhadj est une personnalité sincère qui a payé un lourd tribut pour sa liberté de parole. Je ne suis ni son tuteur ni son mentor mais il doit faire mieux puisqu’il est un Moussabil dans la cause de l’Islam : S’entourer d’une bonne équipe qui lui donne une vision globale sur l’économie, la géostratégie et les jeux de pouvoir. Il doit écrire ses mémoires en écrivant au peuple algérien pour témoigner de sa vérité comme s’il était devant le Jour du Jugement dernier pour que les nouvelles générations tirent enseignement et qu’ils dévoilent les gens de l’ombre dans son camp et dans l’autre camp qui ont tissé ensemble la toile d’araignée pour diaboliser l’Islam et faire payer au peuple algérien le prix de ce qu’il voyait comme une révolution qui allait toucher les intérêts des rentiers et ceux du colonialisme. Il doit se libérer du rôle du fou dans lequel le régime l’a installé et dans lequel il semble se complaire. En étant complaisant dans le rôle taillé pour lui, il s’est mis, même s’il veut mourir en Chahid, dans deux postures qui ne servent pas sa cause :

  • Être livré aux confréries maraboutiques et aux salafistes apologétiques de la monarchie saoudienne qui le traitent déjà de Kharidjite et qui n’attendent que l’ordre de le lyncher
  • Être désavoué de ses anciens frères de combats impliqués dans le partage de la rente, l’importation et Houb ad Douniya
  • Exprimer une haine et un esprit revanchard contre le régime en la retournant contre le régime libyen dont il a très peu de connaissances à part le discours des « islamistes » qui se sont fait les alliés de Satan. Le régime prépare sa succession dans des arrangements d’appareils et des combinaisons idéologiques où il pourrait servir de lapin aux éradicateurs et de test pour les Américains. Le Croyant ne se fait pas piquer deux fois par le même serpent…

L’intellectuel musulman est au service de la vérité et non au service du pragmatisme. Il doit indiquer le Taghut qui porte aujourd’hui d’autres noms et emploient d’autres méthodes et arguments. Il doit indiquer les voies pour se libérer du Taghut. Pour cela il doit construire sa propre grille de lecture ou choisir une autre grille de lecture mais il ne peut utiliser celle des ennemis déclarés de sa foi et de son peuple. Parmi ces grilles nous avons Shakespeare et ses fous. Le « fou » dans la tragédie shakespearienne est présenté dans un état d’humiliation et de déraison pour pouvoir dire et faire admettre la vérité la plus cruelle mais la plus vraie à un monde pris dans ses convenances, ses arrangements, ses combinaisons et sa déchéance morale. Ceux qui ont approché, même de près les tragédies de Shakespeare savent que les fous sont les seuls personnages qui disent la vérité avant de disparaitre comme le malheureux Macbeth  » La vie n’est qu’un fantôme errant, un misérable comédien qui se pavane et s’affaire une heure sur la scène, et puis on n’entend plus … C’est une histoire dite par un idiot, plein de bruit et de fumée, et qui ne signifie rien ». Dans une Angleterre qui livre bataille contre elle même à l’intérieur de ses frontière et contre les autres à l’extérieur l’histoire sanglante devient un roman saignant qu’une plume trempée dans le rouge des lynchés et des décapités traduit en folie que n’arrêtent ni le destin ni le jeu des dieux. C’est l’histoire des anglo-saxons dans la cité et dans les palais royaux ; en mettant en scène l’extravagance du fou dans le palais royal, Shakespeare place le fou dans une sorte de contre pouvoir, un autre pouvoir en perspective moins factice, une image d’un garde-fou contre la folie et la cruauté du pouvoir.

La littérature algérienne de langue francophone a repris le thème du fou pour lui faire dire les vérités sur le colonialisme comme par exemple Mohammed Dib dans l’incendie ou non seulement il y a le fou « prophétique » mais la maison arabe qui devient asile psychiatrique, symbole de toutes les privations, de toutes les frustrations et annonce de tous les désirs les plus fous comme manger à sa faim tout simplement (Dar Sbitar). L’entité sioniste en s’enfermant au sens propre et figuré, envoie le roi des fous, son excellence, BHL, communiquer sur l’invasion de la Libye pour non seulement couper la mémoire et la mentalité collective arabe mais préparer une base ouest pour prendre en étau l’armée égyptienne condamnée à revenir, par le poids de la continuité historique et de la volonté populaire à livrer bataille au nom des Arabes.
Je suis au service des Arabes du peuple et je ne suis pas au service des nantis. Cette sincérité que Dhoul Noun l’Egyptien qualifie d’épée de Dieu qui finit par trancher  » m’a dévoilé la vérité comme une Bassira en provenance d’Allah et que me confirme une lectrice que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, Aïcha Lemsine :  » « Si el Kadhafi avait une quelconque intention à sa succession, c’était plutôt en sa fille Aicha. » C´est étrange et troublant… Car, je l`avais écrit le 9 décembre 2007, dans mon blog en langue espagnole. C´était à l`occasion d´un voyage officiel de Mouamar Khadafi – rahimou Allah- en Espagne. A cette époque, j`avais des relations avec Aïcha… ce qui m´avait permis de laisser entrevoir la « certitude » de sa préparation à prendre la relève de son père déjà affaibli par un début de diabète et ses problèmes cardiaques dont peu de gens étaient au courant. » Voilà encore une vérité que j’étale à votre impudicité qui a toléré le lynchage d’un Musulman car l’impérialisme a décidé de le lyncher. Nous sommes une minorité partisans de la vérité et Allah nous donnera victoire contre vos lâchetés, vos mensonges et vos arrogances de pseudo intellectuels, pseudo savants mais authentiques voix de leurs maitres le Taghut.

Géostratégie exclue, économie tronquée

Quand Tariq Ramadan exclut de l’analyse la géostratégie, tronque l’économie, n’évoque pas la dimension civilisationnelle, il s’est privé et il a privé son auditeur d’une clé qui explique la tragédie de la Libye et du monde Musulman. Les États-Unis font des concessions ou des suspensions sur certains de leur 10 commandements mais ils ne font aucune sur leur monnaie, sur leur zone d’influence, sur Israël, sur la résistance d’un homme au nouvel ordre économique allant jusqu’à assassiner un chef d’État et assassiner son peuple de la manière qui les rend passibles de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le sang froid cynique d’un rhéteur habile fait perdre le sens de la mesure, de la dignité et de l’amour propre quand il ne trouve pas de détraction et se croit tout permis.

Quand on a tout perdu de ce qui fait l’émotion, l’intelligence on ne voit pas les objectifs cachés de guerre qui coïncide étrangement avec l’annonce de l’assassinat de Ben Laden et la difficulté impérialiste de contenir l’Égypte que le Prophète (saws) a qualifié de carquois de l’Islam. L’impérialisme ne joue pas à l’intellectualisme, il est efficace. Il annonce la mort de Ben Laden pour qu’aucun sosie ne viennent annoncer le Djihad contre les mécréants et le Croisés en Libye et fausser toute la couverture de la ligue arabe, des monarchies, des Djihadistes ignorants la réalité, des mercenaires rentiers du Djihad et des agents de la CIA qui combattent sous l’étendard de la confusion et détruisent un pays qui vivaient en paix.

Tariq Ramadan est un combattant comme les autres qui intervient sous l’étendard de la confusion car ses arguments qui cautionnent l’intervention étrangère et l’assassinat d’un dirigeant « fou » sont inacceptables sur le plan de la religion, de la logique historique, de la dignité humaine et des enjeux civilisationnels. Il faut étudier ce que les savants musulmans confrontés à l’impérialisme et au colonialisme avant de se prononcer. Ces enjeux sont liés à la fin de l’histoire de Fukuyama. Le clash des civilisations a conduit l’Amérique à des guerres qu’elle a perdues et dont elle va sortir épuisée et humiliée. Elle a le temps de construire grâce à l’intégration de la France à l’OTAN, de la vassalisation de la ligue arabe une autre guerre idéologique et médiatique derrière la guerre réelle : Combattre l’Islam par l’Islamophobie en montrant le musulman fourbe, lâche, traître, déloyal, haineux, barbare, profanateur de toutes les valeurs de l’humanité. Le CNT libyen et ses troupes nous sont présentés comme le plus grand laboratoire vivant à ciel ouvert et en temps réel. Tariq Ramadan spécialiste de l’acrobatie médiatique annonce son désaccord avec l’impérialisme mais il parvient à le sublimer et à le présenter comme le seul modèle dominant. Et c’est ce que veut entendre l’Occident civilisé, humaniste et ethnocentriste. L’Islam est l’épouvantail présenté dans sa forme naïve et brutale ou dans sa forme subtile et raffinée. Cet Islam là doit proclamer la grandeur et la puissance de l’Occident qui lui donne la victoire et lui donne de l’audience comme il lui donne l’aide alimentaire et l’instruction à la délation.

Pour l’instant, trop préoccupé à vendre son discours et à en garder le monopole même s’il ne tient que sur du déjà entendu de la bouche de Hillary Clinton, il ne voit pas le gaspillage de vie humaines et l’échec encore flagrant de l’Occident et le déclin de l’Amérique. Contre tous leurs matraquages psychologiques, militaires et idéologiques, la Tunisie va aller vers un Islam plus présent dans la vie sociale, politique et civilisationnelle même si Ennahda fait des concessions idéologiques et politiques. Ces concessions politiques, économiques et idéologiques font partie de la culture des Frères Musulmans et de leur engouement soudain pour le modèle turc dont ils ne voient pas les soubassements géostratégiques ou feignent de ne pas les voir croyant se donner une liberté de manoeuvre contre Satan. Je ne suis ni moralisateur ni dans leur position difficile. Je suis dans celle de l’observateur averti qui fait davantage confiance au peuple musulman de Tunisie qu’à Ennahda. L’urgent est de consolider les acquis « démocratiques » et d’aller vers la continuité de la révolution qui va continuer car les contradictions nationales et internationales sont toujours présentes avec cette fois-ci un peuple qui s’est libéré de la peur et qui a su prendre l’initiative historique. Ennahda n’a pas la majorité absolue pour imposer ses concessions et ses compromis avec l’ingérence étrangère. Le clivage sur l’ingérence étrangère se fera au sein de ses propres rangs et se fera à l’extérieur de ses rangs tant au niveau de la gauche tunisienne que du mouvement islamique qui pour l’instant n’est pas porté par un mouvement populaire soit par méconnaissance soit par l’utopie de son programme de Khalifat qui doit passer par « la grammaire » et la conjugaison des phénomènes de civilisation. Allah leur a mis l’épreuve de la Libye comme épreuve dans leur tentative du Tamkine. Encore une fois le débat doit être remis au peuple et la révolution doit être comprise comme mouvement populaire de reconquête de la dignité, de la liberté, du droit de participer à l’Islah et de débattre de la Nahda et du Khalifat. Cela prendra du temps et nous ne devons jamais perdre de l’esprit que nous sommes une communauté du Sabr, celle qui agit avec constance, endurance et espérance…

L’Égypte ne va pas déroger à la règle. Le Yemen suivra la même logique. En Libye, le scénario le plus probable, si elle n’entre pas en guerre civile la conduisant à un démantèlement qui va déstabiliser l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, est une résistance à caractère islamique qui va se radicaliser contre l’Occident. Dans toute cette entropie, Israël perdra le rôle et la place de centre du monde arabe car le Chaos comme la confusion n’ont pas vocation à perdurer sur terre. Pour l’instant les prévisions de voir Al Kadhafi mourir comme un fou ou venir comme un lâche se sont avérés fausses. L’homme tant décrié est certes mort d’une mort violente mais après 7 mois de résistance héroïque à l’OTAN ce qui le fait rentrer dans la légende du monde arabe et musulman n’en déplaise aux spécialistes des anathèmes ou des vues occidentales. Insulter le fils comme fou fils de fou c’est encore une fois faire preuve d’une courte vue, d’une mauvaise information et répéter sans discernement ce que dit l’Occident dans sa guerre psychologique et idéologique contre la Libye.

L’intellectuel froid et lucide ne doit pas tomber dans ce piège que j’ai souligné dans l’article « Libye : Révélations sur Seif-A-Islam et lutte idéologique«  et qui s’est révélé vrai dans les quinze jours qui ont suivi, par l’arrestation de Seïf al-Islam, montrant qu’il est lui aussi une victime de la mise en scène du « fou fils d’un fou » alors que la réalité démontre qu’il a toujours agit comme un grand naïf . Encore une fois, il faudrait peut-être sortir de la politique et des médias et relire le Roi Lear de Shakespeare pour voir Saïf al-Islam dans un personnage qui briguait la place de son père poussé par le « Griffon ». Un intellectuel ne doit pas, pour sa crédibilité, se substituer aux psychiatres ni faire dans le sensationnel et encore moins juger sur la doxa au lieu d’étudier la praxis. Ce qui est attendu de lui est de faire des analyses et même s’il se trompe, personne ne lui en voudra car tous nous subissons les événements, le manque d’informations et il est encore loin le temps où nous ferons l’histoire. Nous avons conscience de la subir mais la dignité et le devoir nous commande d’éclairer les générations montantes. Ce sont ces générations qui vont faire l’histoire. L’analyse que j’avais faite sur la lutte idéologique présentant Seïf al-Islam comme une figure politique pour faire diversion vient d’être confirmée par la voix de la résistance libyenne qui reproche à ce « naïf » d’avoir frappé le guide libyen dans son dos en répondant aux sirènes occidentales mais qu’il s’est racheté en livrant bataille sans déserter. L’histoire ne retiendra pas de lui « Al Firar Youm al Zahf ».

La Syrie et la vision mécaniste de la révolution

En dernier point de son intervention Tariq Ramadan adopte un raisonnement sans nuances sur la Syrie en faisant trois mensonges qui circulent dans tous les forums des apologues de la monarchie despotique, de l’Islam infantile et du sionisme.

  • Dire que la Syrie ne livre pas bataille contre Israël c’est colporter la guerre psychologique et la diversion américano-sioniste et arabo-sioniste. Tout homme possédant un minimum de culture militaire consulte une revue de défense et fait un tableau de rapport de forces. La Syrie dans l’état actuel de ses forces n’est pas en mesure de livrer bataille contre un ennemi plus puissant et disposant du soutien inconditionnel de la communauté internationale. Sa doctrine militaire est fondée sur la défense et cette défense coûte cher à un pays disposant de ressources pas très importantes. Toute guerre ouverte et déclarée par la Syrie contre Israël en ferait dans la configuration du monde actuel un champ de ruines auquel toute la communauté internationale participerait. Que ces propos soient tenus dans un bistrot de village serait compréhensible mais là ça devient risible. Par ailleurs la Syrie joue convenablement son rôle en matière de renseignement, de logistique et d’appui politique et diplomatique avec la résistance libanaise et palestinienne. La pression qui s’exerce sur elle est de se soumettre aux 10 commandements américains et de tourner le dos à l’Iran et à la résistance arabe. Son problème intérieur avec l’opposition est une affaire intérieure. Il est du droit de l’opposition de demander des réformes politiques et économiques. Comme en Libye, l’ingérence étrangère est inacceptable ?
  • Dire que l’Amérique soutient le régime syrien car il travaille ses intérêts c’est stupide et risible. La Syrie ne répond pas aux dix commandements pour être un allié des États-Unis. Les États-Unis mènent une subversion en Syrie faisant participer certains éléments du Liban, les monarchies arabes, les Frères Musulmans et les agents de la CIA. L’Amérique a trouvé trois os. L’expérience du régime syrien face à la déstabilisation américaine ; les savants syriens ont de l’autorité et du savoir et la Syrie ne peut être livrée à l’irresponsabilité des savants du Golfe ou d’Al Jazeera ; la couche moyenne reste attachée à l’unité du pays car elle n’est pas sûre de gagner dans le changement du régime provoqué par l’Occident, elle soutient la résistance ; elle est consciente de la partition du pays et surtout elle est le témoin au quotidien des malheurs du peuple irakien dont des millions vivent réfugiés sur son sol.
  • Le troisième mensonge est d’occulter le travail de la Syrie dans la stabilisation du Liban. Le Liban est la porte de contact entre l’Orient et l’Occident, entre les Chrétiens et les Musulmans. Si le Liban tombe aux mains des sionistes ou aux mains des Américains et des Français, le monde arabe reviendrait à la période ante Salah Eddine avec des principautés de princes arabes féodaux alliés des Croisés. L’esprit sectaire et partisan de certains musulmans les rend dociles et manipulables. Une fois de plus il ne s’agit pas d’intelligence, de diplômes ou de statut d’intellectuel mais de la fibre musulmane, de la sensibilité humaine qu’ils ont perdu à force de tricher ou de se mirer dans leur nombril au lieu de voir leur devoir et la souffrance des autres. En effet la foi en Islam est une conscience intellectuelle qui n’est pas prisonnière de l’instant ou d’une portion de territoire. Elle est une durée qui s’inscrit dans l’étendue de l’aire musulmane pour en exprimer les contradictions, les espoirs mais aussi montrer les faux chemins, les faux calculs, les fausses priorités, les faux discours, les faux combats…

Il est à remarquer que la Turquie dispose de 4 drones américains de type « Predator » déplacé d’Irak à sa base aérienne d’Incirlik dans sa lutte contre les rebelles kurdes du PKK ainsi que de colossaux investissements qataris pour financer la station de gaz liquéfié et le gazoline reliant la région du Golfe aux pays de l’Union européenne. Ankara et Tayeb Erdogan répondent aux « Dix Commandements » de Washington et agissent comme auxiliaires de l’OTAN. Dans la division internationale du « Soft Power » ils deviennent l’instrument de mobilisation des Frères Musulmans syriens et de la déstabilisation de la Syrie prenant le risque d’une confrontation armée et d’une intervention turque en territoire syrien. Sous les apparences d’Islamisme modéré, le modèle turc est un nationalisme turc exacerbé mis au service de l’impérialisme et de la liquidation de l’axe de la résistance au Moyen-Orient. Si on comprend la stratégie turque on ne peut comprendre celle de Tariq Ramadan qui traduit médiatiquement la volonté anglo-saxonne et la vend non seulement aux Arabes de services en France mais la vend aux Français.

Les millions de Syriens qui manifestent pour demander des réformes tout en dénonçant l’ingérence américaine et la politique de la Ligue arabe contre l’axe de la résistance ne semblent pas interpeller les consciences de Qaradhawi ni Tariq Ramadan et pourtant si nous devons rester neutre nous ne pouvons soutenir à grands cris la minorité armée par Washington et oublier la présence en Syrie de la majorité qui défile pacifiquement sous le slogan « Assurer l’unité du pays face au complot extérieur« .

Il faut être fada pour se mettre du côté de la ligue arabe qui a détruit l’Irak, la Libye et qui veut détruire la Syrie mais qui se tait face à la répression au Bahreïn. Si la ligue arabe avait une politique de libération nationale et d’édification nationale nous aurions compris ceux qui se font les portes voix arabes menaçant de suspendre les vols aériens avec la Syrie, de geler les avoirs syriens dans leurs banques, de suspendre leurs échanges commerciaux et de demander aux Nations unies de prendre les mesures nécessaires pour faire pression sur Damas pour préparer comme en Libye une intervention militaire ou un embargo diplomatique et économique. Quand la voix d’un intellectuel arabe ou musulman est tolérée ou invitée à s’exprimer pour dire la même chose que la ligue arabe, la conférence internationale islamique ou la diplomatie américaine et française, nous disons non ça suffit ! L’intellectuel ne voit pas la déconstruction dans le lexique et la grammaire des civilisations arabo-musulmanes pour que la verrue incrustée dans le cœur du monde arabe puisse réaliser par l’influence médiatique et diplomatique ce qu’elle n’a pas pu réaliser dans les mentalités et les géographies arabes : Le vœux avoué des sionistes d’agrandir l’état d’Israël du Nil à l’Euphrate et de Dahrane à Wahrane.

Encore une fois, non seulement en Syrie, en Algérie, en Arabie saoudite la révolution est nécessaire mais également en France et aux États-Unis pour redonner la parole et la dignité aux peuples. Encore une fois il faut se mettre d’accord sur la définition de la révolution. Encore une fois il faut se libérer d’une lecture mécaniste et formaliste de la révolution, du soulèvement ou de la réforme qui ne suivent ni nos désirs d’intellectuels ni les lignes tracées par les officines. Il y a des conditions objectives et subjectives qui agissent pour lui donner naissance et il y a des possibilités qui agissent comme accoucheurs et comme adjuvants mais ils existent aussi des contre synergies et des contre adjuvants objectifs et subjectifs qui peuvent freiner ou faire avorter une révolution. L’intellectuel peut donner son avis personnel dans un cercle privé mais dès qu’il s’adresse à un auditoire il n’est plus dans la doxa personnelle mais dans l’analyse dialectique des conditions, des possibilités, des contradictions sans esprit partisan car il agit davantage comme médecin qui pose un diagnostic que comme un soldat dans un champ de bataille dont il est trop près pour voir les lignes de fronts, les rapports de force et les stratégies qui se font dans les états-majors. L’intellectuel a une mission qui relève de celle des Prophète et non des apprentis sorciers. Les apprentis sorciers occidentaux et sionistes depuis les années 80 ont développé le droit d’ingérence humanitaire et ils vont le mettre en application contre la Syrie.

Pygmalion, aliénation ou libération

Il nous faut malgré nos peurs et nos angoisses rester optimiste sans être naïfs ou crédules. Des résultats ont été obtenus, d’autres résultats sont en voie si la contre révolution ne trouve pas de terreau fertile et si les intellectuels musulmans ne remplacent pas les Cassandre médiévaux de l’Occident et se mettre à dénigrer ce qu’ils n’avaient ni prévu ni organisé ni encadré ni conseillé et puis se retrouver par la puissance du verbe et la force des moyens en train de mener la lutte idéologique contre les mouvements populaires arabes au lieu et place de l’impérialisme avec peut être plus de mépris et de dédain dans une stratégie de communication qui relève du processus mis en jeu pour fabriquer l’indigène et l’empêcher de voir la lumière à laquelle Allah l’appelle pour défendre son droit au sens et son devoir à la dignité et à l’usage de ses sens : Séduire ou stigmatiser.
L’intellectuel Musulman loin du combat est comme le mythe de Pygmalion, roi de Chypre, célibataire misogyne, qui sculpta une statue dont il tomba amoureux. Il la nomme Galatée, l’habille et la pare richement. Follement épris de sa créature il demanda à la déesse Aphrodite de lui donner apparence humaine et vie. Pygmalion finit par épouser sa statue incarnée.

L’aspect édificateur du mythe dans sa version positive ou dans sa version inversée montre que c’est par le regard de l’autre sur nous que nous sommes ainsi sublimés ou diabolisés selon que le regard soit un regard d’empathie qui fait d’un tronc d’arbre une femme belle et désirable ou que le regard soit celui du haineux qui transforme des fragments d’humanités blessés et humiliés en symboles de provocation, de diabolisation pour appeler le mépris et l’exclusion. Le psychopédagogue américain Rosenthal reprenant à son compte les travaux du sociologue Robert Merton sur le mythe de Pygmalion en tant qu’influence de l’attente sur le comportement, avait fait une expérience sur des rats et constaté que ceux qualifiés de « brillants » avaient donné deux fois plus de réponses correctes, dans un test de labyrinthe, que ceux désignés comme « stupides ». Il énonce sa découverte : « Si des animaux considérés comme plus brillants par leurs dresseurs devenaient effectivement plus brillants grâce aux préjugés favorables de ceux-ci, cela pouvait être vrai aussi pour les écoliers ».

En manipulant les instituteurs de plusieurs écoles en leur livrant de faux tests psychotechniques et de fausses analyses du QI, il a poussé les maîtres d’écoles à changer leur regard sur leurs élèves. Un an après les élèves désignés comme « aptes » repassent le test d’intelligence avec des résultats évalués réellement qui montrent le bond prodigieux que ces élèves ont fait dans leur capacité cognitive par le simple fait du bond prodigieux qu’ils ont auparavant fait dans le regard de leurs maîtres. En psychologie on appelle cet effet l’effet Pygmalion positif qui refuse de désigner à la stigmatisation des maîtres des élèves qu’il aurait pu présenter comme cancres ou retardés mentaux et qu’il a choisi de présenter à l’insu du système pédagogique comme des excellents. La psychologie cognitive et la psychologie sociale peuvent inverser les travaux de Rosenthal et produire l’effet Pygmalion inversé pour stigmatiser. Dans un cas comme dans l’autre on est en présence d’une intention active et d’un regard en attente du regard posé sur lui. Il faut jouer sur le regard ou la parole qui accompagne ce regard pour produire de la libération ou de l’aliénation selon l’intention du maître de jeu sur l’échiquier du destin des hommes sans repères.

L’intellectuel, au service d’une communauté stigmatisée est plus qu’un médecin rassurant au chevet d’un malade pris de vertiges ou de convulsions réelles ou provoquées par un agent hallucinogène exogène. Il doit être un pédagogue social qui effectue exactement les mêmes postures et les mêmes méthodes de l’effet Pygmalion positif face à un étudiant en butte à une équation dont il ne trouve pas la clé de résolution. Il ne doit ni lui donner la solution ni le dénigrer en lui disant que la solution est ailleurs dans le livre du maitre d’hier ou d’aujourd’hui. Il doit en premier lieu l’aider à reconstruire toute la démarche du raisonnement et acquérir tous les prérequis qu’il a oublié ou qu’il n’a jamais eu. Il ne peut l’aider à reconstruire s’il construit sur ses blessures et sur ses cicatrices. Il doit construire à côté ou loin de ses stigmates et de ses traumas. Il doit construire non pas en lui livrant le problème comme insoluble ou inaccessible car relevant des grands stratèges qui savent manipuler les axiomes, les postulats, les syllogismes et les théorèmes dont la démonstration ou la mise en application est fastidieuse. Il doit l’aider à construire de petites réussites qui lui redonnent courage, confiance en soi et envie de continuer. C’est en l’impliquant dans cette dynamique pédagogique de transposition du facile au plus difficile, de la souffrance à moins de souffrance, de la blessure à la cicatrisation, de l’échec à la réussite, de l’assistanat à l’autonomie que l’intellectuel va jouer son rôle maïeutique d’accoucheur de consciences, d’accompagnateurs de révolutions, de contradicteurs à ceux qui s’opposent à l’émancipation des peuples et nient l’islamité de leur âme.
La psychologie sociale au service de la lutte idéologique fabrique par le même procédé inversé ce que Malek Bennabi appelle « l’interlocuteur valide » qui est une autre forme de la malédiction qui lie l’indigène se croyant musulman civilisé au désintégrateur se croyant humaniste civilisateur. Au lieu de fabriquer l’excellence comme l’effet Pygmalion positif – on fabrique par Pygmalion inversé de la médiocrité et de l’infériorité à travers « l’interlocuteur valide » dans le regard des indigènes fascinés par un des leurs qui en réalité n’explique pas les enjeux ni n’anticipe pour armer les colonisés à se défendre mais se contente d’ouvrir des portes ouvertes, de faire de la compilation de l’information véhiculées par l’idéologie occidentale puis de la livrer sous le label de « l’intellectuel musulman » qui joue en réalité le rôle de l’intellectuel organique au service du système dominant. Pris sous les feux de la rampe du fabricant d’idole et sous le regard fasciné de celui qui est en quête d’idole, l’intellectuel de service n’est pas dans une dialectique colonisé – colonisateur, dominants – exclus. Il a pour mission de remplir le vide et non de chercher la déconstruction de l’esprit colonisé pour le libérer du colonisateur. Il cherche la fascination de son auditoire et la complaisance au lieu d’œuvrer pour l’Islah, la renaissance de l’esprit libéré et civilisateur qui ressuscite l’homme dans sa dignité et l’aime comme un humain et non comme audience fascinée par les syllogismes fallacieux de la rhétorique du verbe puissant et du charisme du personnage.

Sayed Qutb fût un des premiers à voir ce qu’on appelle en France, l’Islam de France, lui il l’a vu aux États-Unis et l’a dénoncé car contre l’Islam authentique, la seule arme efficace où on n’entend ni les bombes ni les morts ni les blessés ni on ne voit les ruines des consciences, c’est l’Islam américanisé : « Ces jours-ci, il semble que les Américains se sont rappelés de nouveau de l’Islam. En effet, c’est parce qu’ils ont besoin de l’Islam. Ils ont besoin de l’Islam pour pouvoir se battre contre le communisme dans les pays de la région du Moyen-Orient, dans les pays musulmans de l’Asie et de l’Afrique… Cependant, il faut savoir que l’Islam que les États-Unis et leurs alliés occidentaux colonialistes souhaitent voir développer dans les pays du Moyen-Orient, n’est pas du tout le même Islam qui se bat contre les puissances colonialistes et contre les gouvernements despotiques. En effet, Ils souhaitent que l’Islam se batte uniquement contre le communisme. Ils ne veulent pas de cet Islam qui est capable de gouverner, car en réalité ils ne peuvent pas du tout supporter l’existence d’un État islamique. En réalité, si l’Islam prenait le pouvoir pour fonder un État islamique, il formerait une nouvelle Oumma et il apprendra aux peuples qu’ils devraient absolument devenir puissants pour rejeter le colonialisme. En tout état de cause, le communisme n’est pas différent du colonialisme, car tous les deux sont ennemis et usurpateurs. ».

Tous les penseurs musulmans ont rencontré sur leurs chemins les intellectuels de service et ont invité les Musulmans à s’en prémunir comme ici Malek Bennabi dans témoin d’un siècle « Les “intellectomanes“ que le colonialisme a lâchés dans le Souk idéologique du pays et qui monopolisent grâce à lui, les moyens d’expressions, ont faussés les idées les plus fondamentales. » Malek Bennabi dans « la lutte idéologique » montre comment le colonialisme intervient pour contrer l’idée imprimée dans la conscience du peuple (ici la révolution par le peuple pour le peuple) en se faisant le promoteur de l’idée exprimée par le verbe (ici la révolution planifiée par les États-Unis au profit des États-Unis). Pierre Bourdieu nous donne une définition de ce que fait l’intellectuel de service : « Opération de basse police symbolique, antithèse absolue de tout ce qui définit l’intellectuel, la liberté à l’égard des pouvoirs, la critique des idées reçues, la démolition des alternatives simplistes et la restitution de la complexité des problèmes ».

L’interlocuteur valide, l’intellectomane, l’intellectuel organique pour masquer le travail idéologique de dissimulation des souffrances et des victoires potentielles du peuple arabe, de négation de ses efforts méritoires et de la justesse de son combat, va tout simplement évoquer ce qu’il tient implicitement pour évident en l’occurrence la conspiration tout en explicitant son rejet de la thèse du complot et n’apportant en définitive ni explication ni anticipation ni prise de position. Il cultive les évidences et la confusion… Et c’est ce qu’attend l’impérialisme dans la pensée musulmane : Produire ici une attente messianique, produire à côté une culture eschatologique, produire un peu plus loin un apologue d’une civilisation disparue, produire dans un détour un polémiste sur le sexe de la fourmi de Salomon, produire au dessus un sublimé qui fascine par ses paroles, produire dans une cave un exorciste qui islamise les Kabbales, afficher une librairie islamique qui vend du henné et des gandouras à côté de traductions de versets du Coran dont certains sont traduit comme blasphémation, mettre en scène la vanité de faire une révolution qui finit dans la tragédie ou qui finit entre les mains du conspirateur même lorsque, pour une fois, cette révolution est vraie. En réalité il cultive en nous ce qui fait notre colonisabilité, l’acceptation de la colonisation des mentalités et des géographies : Nous vendre comme le souligne Malek Bennabi deux mythes dans le souk de la Baraka du colonisé :

  • Le mythe de la chose facile qui engendre la paresse et la non nécessité de faire un Ijtihad ou un Jihad,
  • Le mythe de la chose difficile qui sape les efforts et rend vain l’idée même de l’Ijtihad ou du Jihad
En réalité il cultive les maladies qui sont en nous et qui font que nous lui imputons nos échecs, nos victoires, notre paradis et notre enfer dans un souk ou s’entassent les fausses vertus, les fausses solutions et les faux problèmes. Le colonialisme veut inlassablement réédifier le panthéon que porte notre culture de décadent. Dans ce souk de la Baraka indigène Tariq Ramadan fait office d’un indigène civilisé et fort sympathique, tolérable dans ce monde de grisaille intellectuelle. Lui et ses fans le voient comme une icône mais en réalité il est présence tolérée tant qu’elle répond aux visées de la lutte idéologique. En le prenant comme cible ce n’est pas une volonté de se faire du Tariq Ramadan mais il n’y a pas de production intellectuelle hors une médiocrité ou hors zéro de l’infini qui puisse servir de cas d’école. Ce n’est pas ma critique ou les rares brillances par-ci par-là qui vont le contredire ou démentir l’atmosphère en amont et en aval qui fabrique la médiocrité, la servitude, le consentement et l’esprit taghutique. Il nous reste à jouer le fou qui dit la vérité dans l’espoir de reculer ou de conjurer l’anéantissement.
Il est du devoir de l’intellectuel de briser les idoles, les fétiches, les totems et libérer son Moi de toute emprise aliénante ou aliénée pour conserver sa liberté de parole et sa vocation de libérateur et de civilisateur à l’image des Prophètes. Mais de la même manière que Malek Bennabi a vu le ferment de la révolution algérienne dans la sombre nuit du colonialisme, nous voyons le même ferment que le colonialisme tente de dénaturer en présentant la vie intellectuelle des musulmans sous forme d’une simple fermentation pour distiller certaines idées que le colonisateur recueille soigneusement pour en faire les idées directrices de la «boulitique». Astuce d’ailleurs cousue de fil blanc, et capable tout au plus d’abuser ses auteurs, qui sonnent inlassablement les douze coups fatidiques de minuit en croyant encore pouvoir assoupir la conscience musulmane. Naïf et entêté, le machiavélisme colonialiste ne se laisse abattre par aucun échec et mobilise encore et tous les jours des sonneurs de minuit, à qui l’on distribue des sommes importantes au lieu de les consacrer à des tâches plus utiles[…] Le colonialisme et ses intellectuels font encore sonner minuit, mais dans le monde musulman l’heure du sommeil et des fantômes est passée, sans rémission.. »

L’interlocuteur valide pour vérifier sa montre et celle des peuples arabes doit tenter une expérience simple : Franchir les lignes rouges du système et dire la vérité toute la vérité et oser comme Marx « provoquer le scandale pour ne pas devenir sa proie » en dénonçant l’ingérence en Libye comme agression coloniale, en présentant l’assassinat de Kadhafi comme inacceptable sur le plan moral religieux et juridique, en présentant le soulèvement arabe comme menace perçue par Israël qui a dépêché ses plus grands experts pour se joindre à ceux de l’empire pour mettre en place la contre révolution et déjà ne pas donner suite aux promesses égyptiennes d’ouvrir la frontière de Rafah avec toutes les conséquences sur le plan humanitaire sioniste qui consiste à affamer la population de Gaza, à corrompre la population de Ramallah et à faire passer la cause palestinienne d’un fait colonial qui exige une résistance à une question de sac de riz qui exige une administration comme celle des Bureaux aux affaires arabes dans les anciennes colonies françaises. Il verrait alors le mythe de Pygmalion dans ce que la tragédie grecque sait mettre en scène pour montrer le destin implacable et les jeux pervers des divinités de l’Olympe : Les deux filles née de l’union de Pygmalion avec son adorable sculpture Galatée eurent un comportement rebelle envers la déesse Aphrodite qui les châtia en allumant dans leur cœur le feu de l’impudicité. Après s’être assurée que les dégâts moraux et sociaux de la progéniture d’un amour hors norme leur ont fait perdre toute crédibilité et toute audience, Aphrodite transforma alors leurs corps en rochers inertes.

Nos « interlocuteurs valides » verraient alors les mythes fondateurs de l’Occident dans toute leur étendue et leur symbolisme : La punition exemplaire et impitoyable des dieux cruels et vengeurs contre ceux qui cherchent à aimer ce qu’ils ont façonné de leurs mains. Ils verraient alors la malédiction des dieux s’abattre contre ceux qui tentent de posséder, dans un processus de libération et de civilisation, le cœur et le miroir du regard d’autrui qui rendent le moi aimable à ses propres yeux et l’ipséité respectable à autres yeux libérés de la fascination, de la fabulation et de la dérive démiurge laïque ou judéo-chrétienne qui se partagent trois monopoles : l’humanitaire, l’intelligence ethnocentriste et la lutte idéologique menée contre l’Islam.

A nous de choisir notre regard sur le monde : Le regard endogène ou le regard exogène, le regard vassal qui se résigne au destin construit par les autres ou le regard actantiel qui opère sa mue ontologique et sociale pour se libérer de sa colonisabilité, le regard empathique de Pygmalion positif ou le regard indifférent et autodestructeur de Pygmalion négatif et inversé ? Le choix est dans notre intention, notre visée du cœur, notre aspiration, il n’est pas chez les autres. Les autres n’ont que le pouvoir de fasciner ou d’intimider. Nous avons celui de construire notre destin selon la méthodologie du Prophète (saws).

Omar Mazri

Tariq Ramadan et les Révolutions arabes (1/3)

Tariq Ramadan et les Révolutions arabes (2/3)