Préjugés et ruines de l’esprit

J’ai cherché une raison ou une argumentation – religieuse, politique ou géopolitique – dans le discours, le comportement et les actions des islamistes (takfiristes, freristes et salafistes wahabbistes) pour justifier la Fitna en Syrie et la confrontation armée entre confessions musulmanes, je n’ai pas trouvé. Je ne trouve que la vague d’insenséisme qui englouti l’ensemble du monde arabe. Les insensés livrent aux peuples incultes et crédules des préjugés et des opinions sans fondements religieux et en contradiction avec les intérêts moraux et stratégiques du monde musulman. Il y a longtemps que j’ai exprimé mon positionnement religieux : je suis musulman comme Allah m’a nommé dans le verset 78 de la sourate Al Hajj.

Formatés par leur inculture politique et imbus de leurs savoirs remplis de préjugés, les savants et les élites sabordent l’Islam et sapent toute perspective de renaissance de la société musulmane. Ils refusent tout débat sur le curseur idéologique dans cette étape cruciale.  Ces imposteurs de l’Islam non seulement ils ont confisqué les tribunes pour propager leur préjugés et en faire une idéologie de combat au service d’un esprit partisan qui sert les intérêts d’Israël et de ses vassaux arabes, mais ils sont devenus Dieu ou ses mandataires ayant droit de vie et de mort sur les pauvres créatures qui ne s’insèrent pas dans leur nouvel ordre mortifère.

Je vous livre quelques citations de notre ami Albert Einstein et sans préjugés religieux et idéologiques essayer d’y retrouver quelques figures charismatiques du désordre qui sévit de plus en plus dans le monde musulman en parallèle à celui du despotisme politique des gouvernants en place (y compris ceux portés par la « révolution arabe ») :

Rares sont les gens capables d’exprimer avec impartialité des opinions qui diffèrent des préjugés qu’on a dans leur milieu social. La plupart des gens sont même incapables de concevoir pareilles opinions.

Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé.

Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement.

Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.

Bien entendu  je vais être traité  de sioniste par les uns et d’ignorant par les autres sous prétexte qu’Einstein était sioniste et qu’en qualité de musulman je dois me contenter de dire « Allah a dit et le Prophète a dit » sans tenir compte de nos préjugés qui pourtant détournent le sens du Coran et de la Sunna. Au Nom d’Allah (swt),  les fabricants et les rentiers de préjugés nous   poussent à faire de la diversion ou de la subversion selon le schéma tracé  par l’Empire et le sionisme. En tous les cas faire entendre ou faire voir une certaine lecture du Coran ou des Hadiths déboîtés de leur contexte socio-historique et de leur enchaînement logique textuel puis faire valoir une opinion à une époque comme étant le consensus de la Oumma  est la manifestation la plus  stupide et la plus tragique de ce qu’on appelle le préjugé et en même temps l’instrumentalisation la plus éhontée de la religion pour cultiver le préjugé dans une société qui a perdu tout sens critique et tout effort de connaissance.

Voici la définition la plus répandue (sur le net) du préjugé :

 Comme le mot l’indique, un préjugé est un jugement porté d’avance, « avant ». Avant quoi ? L’examen, la vérification ou le constat qui le justifieraient. Préjuger signifie donc : tenir pour acquis quelque chose qui, objectivement, ne l’est pas ; ou tenir pour vraie une affirmation qui, en fait, reste douteuse. C’est pourquoi  le préjugé semble bien être illégitime par définition : il consiste en une précipitation de l’esprit dans le jugement, opérée plus ou moins de bonne foi, et peu importe à cet égard qu’il soit « favorable » ou « défavorable ».

Opinion hâtive et préconçue souvent imposée par le milieu, l’époque, l’éducation, ou due à la généralisation d’une expérience personnelle ou d’un cas particulier

Le Coran a interdit le préjugé (Dhan = Ithm » et a exigé d’apporter preuve (Borhane) et de distinguer le vrai du faux avant de prendre position ou de prendre la parole  (Tabayyanou).

{O vous qui êtes devenus croyants , évitez beaucoup de conjectures : certaines conjectures sont des péchés.} Al Houjourat 12

La pédagogie et le sublime du Coran ne consistent pas à interdire ou à recommander, laissant ainsi la place au littéralisme froid et à l’interprétation erronée des insensés, mais à brosser l’image la plus complète de la situation à laquelle conduit le préjugé, l’opinion ou la conjecture :

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{O vous qui êtes devenus croyants , évitez beaucoup de conjectures : certaines conjectures sont des péchés. N’espionnez pas et ne médisez pas les uns des autres. Est-ce que l’un d’entre vous aimerait manger la chair de son frère  mort ? Cela, vous l’avez haï. Et prenez garde à Allah. Certes, Allah est Rémissif, Miséricordieux. O vous qui êtes devenus croyants  : Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous fassiez connaissance. Certes, le plus élevé d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Certes, Allah Est Tout-Scient, Omnisavant.} Al Houjourat 12

Le préjugé et l’opinion conduisent à des catastrophes et rompent l’unité qu’Allah a voulu entre musulmans et entre musulmans et autres communautés. Les versets sont évidents et ils ne demandent pas de tafsir ou de recours à un savantissime clerc de l’Islam.  La pédagogie et le sublime du Coran montrent non seulement définissent le préjugé et étalent ses conséquences mais montrent comment éviter le préjugé par l’esprit de sens et le principe  de justesse qui consistent à analyser, à évaluer et à faire preuve de discernement par la connaissance des faits réels au delà des rumeurs, des opinions. Le Coran nous montre que  lorsque l’esprit de sens disparaît chez les élites et s’installe la confusion dans la société alors domine  la culture de l’insenséisme, de la rumeur,  de la propagande et de la casuistique religieuse qui conduisent à l’anathème, au déchirement et au clivage idéologique partisan ne tenant  compte ni des réalités, ni des priorités, ni de la vérité…

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{O vous qui êtes devenus croyants , si un perverti vous apporte une nouvelle, examinez-la pour que vous ne portiez point atteinte à des gens par ignorance, et que vous ne vous repentiez de ce que vous avez fait.} Al Houjourat 6

Le pervers est , dans les temps contemporains, celui qui déchire la communauté ou qui refuse sa fédération et se laisse tenter par les sirènes  qui appellent à une guerre de religion à l’intérieur de l’Islam pour le bon heur de Satan, du sionisme et de l’Empire. Les mêmes qui ont organisé la lutte fratricide et nuisible entre l’Irak et l’Iran sont les mêmes qui appellent aujourd’hui à une guerre entre sunnites et chiites ou qui veulent donner un caractère confessionnel à l’anarchie qui règne en Syrie lui occultant sa véritable dimension qui est géopolitique.

L’Islam est la culture de la responsabilité. Il ne tolère ni improvisation, ni anarchie, ni recours aux arguments fallacieux pour se justifier. La pédagogie et le sublime du Coran ont montré que le suivi du Coran et de la Sunna sont les garants de l’esprit de sens, du devoir de justice et du principe de justesse que doit posséder le musulman, gouvernant ou gouverné, dans l’aisance ou dans la difficulté, face à ses amis ou en guerre contre ses ennemis. Ainsi le discours coranique sur le préjugé et ses conséquences s’ouvrent par l’énoncé d’une règle que nul ne doit transgresser :

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{O vous qui êtes devenus croyants , ne devancez pas Allah et Son Messager dans le jugement. Craignez Allah. Certes, Allah Est Omni-Audient, Tout-Scient. O vous qui êtes devenus croyants , n’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne faites pas retentir la voix en lui parlant, comme le retentissement de voix que vous vous faites les uns aux autres, afin que vos œuvres ne soient pas vaines, sans vous en rendre compte. Certes, ceux qui baissent leurs voix auprès du Messager d’Allah, ceux-là sont ceux dont Allah A Éprouvé les cœurs pour la piété. Ils auront une absolution et une immense rétribution. Certes, ceux qui t’appellent par derrière les chambres, la plupart d’entre eux ne raisonnent pas.} Al Houjourat 1

Sur le plan de la métaphore « devancer Allah (swt) » ou « élever la voix au dessus de celle de Son Prophète (saws) » c’est non seulement tourner le dos à l’Islam, mais émettre des opinions contraire à la lettre et à l’esprit de l’Islam. Le pire c’est de saper l’Islam en donnant des contre sens au Coran et aux Hadiths ou de faire valoir l’opinion d’un homme, vivant ou décédé, pour occulter la vérité, servir des intérêts partisans ou conduire la communauté musulmane au sectarisme, au déchirement, à la marginalisation, à l’insenséisme des divergences et des fausses querelles qui  épuisent le monde musulman  incapable de faire face face à ses prédateurs organisés et impitoyables.

Sur le plan du contexte de la Révélation certains exégètes relatent le contentieux qui a opposé Omar Ibn Al Khattab et Abou Bakr qui voulaient faire valoir leurs arguments pour la désignation d’un gouverneur autre que celui que le Prophète avait choisi. Omar et Abou Bakr ne sont pas des gens du commun, ils représentent l’excellence de l’élite musulmane, les authentiques Khalifes du Prophète (saws) qui ont gouverné selon la vertu et la compétence des mahdiyines ( bien guidés et bien sensés). Les gens de l’élite peuvent avoir des opinions différentes, mais jamais ils ne doivent laisser leurs opinions les dominer au point d’oublier les préceptes coraniques et les enseignements prophétiques. Si Omar et Abou Bakr sont tenus à l’humilité devant le Prophète et à l’obéissance stricte , il ne peut être permis de croire que le savoir ou la réputation d’un savant, d’un intellectuel ou d’un homme politique autorisent des innovations ou des libertés qui vont à l’encontre des règles de l’Islam.

Il y a bien longtemps qu’on ne se fait plus d’illusions sur les ignorants et les incultes qui nous gouvernent et nous trahissent, mais nous pouvons leur trouver des excuses : l’ignorance, le despotisme, la vassalisation, la rente. Le cactus arabe a montré toutes ses épines. Les élites religieuses sont celles qui provoquent le plus de dégâts. Les premiers souillent les territoires, les seconds nos esprits et notre devenir.  Nous ne pouvons trouver aucune excuse à nos docteurs en foi. L’Islam et les Musulmans doivent se libérer de toutes les rentes et de tous les totems. Le chemin est long, il exige de la patience et de la constance dans nos efforts et l’espérance dans la Miséricorde divine :

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{Et s’ils avaient patienté jusqu’à ce que tu sortes vers eux, cela aurait été meilleur pour eux. Allah Est Absoluteur, Miséricordieux.} Al Houjourat 5

Ceux qui devancent Allah et précèdent le Prophète perdent patience et ne se résignent pas au Jugement d’Allah. Ils croient qu’il peuvent impunément contourner, détourner, retourner ou faire accelerer  l’histoire à n’importe quel prix. Observez les révolutions arabes confisquées par les insensés et les assoiffés de pouvoir, au nom de l’Islam, et vous verrez  la vérité coranique se manifester sans voile : les imposteurs ne cherchent ni le bien des musulmans ni celui de l’humanité, mais la revanche sur les gouvernants et le triomphe de leur parti sectaire et inculte :

{Dis : « Allez-vous apprendre à Allah quelle est votre religion, alors qu’Allah Sait ce qui est dans les Cieux et ce qui est en la terre ? » Allah Est Tout-Scient de toute chose. Ils pensent te faire une faveur d’avoir adopté l’Islam ! Dis : « Vous ne me faites aucune faveur avec votre adoption de l’Islam. Mais c’est Allah qui vous fait une faveur en vous guidant vers la foi, si vous êtes véridiques ». Certes, Allah Sait l’Occulte des Cieux et de la terre. Et Allah voit tout ce que vous faites.} Al Houjourat 16

C’est ainsi que se termine la sourate Al Houjourat.

 

Derniers rounds de la révolution en Egypte

Je réactualise l’analyse que j’ai faite il y a quelques mois pour conclure sur l’achèvement attendue de la révolution égyptienne :

La révolution égyptienne round 1

Il y a eu lieu un authentique mouvement populaire de changement en Égypte impulsé par des conditions objectives et subjectives. Nous pouvons diverger sur la nature de ce mouvement, révolution, révolte, insurrection, mais nous ne pouvons par respect pour la vérité et pour les sacrifices du peuple égyptien accepter de dire que ce mouvement est fomenté par les États-Unis qui ont envie de remplacer Moubarak et qui ont lancé une opération facebook et tweeter. Les fuites sur les mémoires de Moubarak disent clairement que Clinton lui a donné 72 h pour mater le mouvement populaire en vain.

L’idée farfelue de Cheikh Hussein Imran que la révolution est un piège tendu par Israël ne tient pas la route car il n’est pas dans l’intérêt du sionisme de changer un vassal acquis contre une incertitude et de plus la nature belliqueuse et criminelle de l’entité sioniste n’a pas besoin de prétexte pour déclarer la guerre si dans sa stratégie cette guerre vise à terroriser, à punir ou à s’étendre. Les prédictions bibliques et talmudiques ne font pas partie de ma culture musulmane qui me commande le réalisme, la dialectique et la globalité.

La faiblesse de la « révolution égyptienne » réside dans l’absence de cadre d’orientation idéologique et de l’absence de l’émergence d’une direction politique qui fixe les objectifs, les rythmes et l’imposition de l’initiative historique à un système qui devait être totalement démantelé dans ses appareils, sa culture d’état, son fonctionnement bureaucratique, clientéliste et rentier et sa stratégie répressive contre un peuple paupérisé. Les appareils d’opposition traditionnels noyautés par le système Moubarak deviennent davantage un boulet pour la « révolution » qu’un allié stratégique ou tactique.

La révolution égyptienne round 2

Les Frères Musulmans ont fait capoter la révolution en la confisquant au lieu d’en être partie prenante. Ils ont introduit le biais partisan et ont fait peser l’appareil de la confrérie sur une révolution sans appareil, sans direction, sans organisation, sans programme autre que le départ du président ou la chute du régime personnalisé en des hommes et non en des processus pervertis de gestion des appareils d’État.

L’absence de vision géopolitique, le jeu d’arrangement des appareils, le curseur d’analyse sociopolitique mis sur de faux clivages idéologiques, l’enfermement dans des slogans hors de toute ingénierie de sortie de crise, l’infantilisme et l’inculture politique qui conduisent des tactiques politiciennes inconséquentes, la rupture avec les classes populaires ont non seulement permis de stopper la révolution égyptienne, mais de boucher les horizons de Gaza, livrée à elle-même face à la barbarie sioniste.

Comme longuement expliqué dans la conférence à Bordeau sur les révolutions arabes et la question palestinienne et comme mis en exergue dans le livre « Le dilemme arabe et les 10 Commandements US », les Frères Musulmans ont provoqué l’impasse, mais de façon plus rapide et plus dramatique que prévue. Non seulement l’esprit partisan a pris le dessus mais les arrangements d’appareils et les compromis contre nature avec l’armée ont semé le trouble et divisé les rangs. Occupés à confisquer le pouvoir aux jeunes qui ont conduit la révolution, les Frères Musulmans ont fait preuve non seulement d’amateurisme mais de contre révolution. La logique était dans la continuité, l’approfondissement, l’élargissement et la radicalisation sociale et politique de la révolution populaire sans tomber dans une confrontation armée. Elle était dans la mise en place d’un conseil de la révolution, dans le retrait de l’armée de la vie politique alors qu’elle était mise en déroute par le peuple, dans la rédaction et le vote d’une constituante sans précipitation, dans l’instauration d’une période de transition qui replace dans la conscience sociale l’exercice de la souveraineté du peuple sur la politique, l’économique et l’information, qui revitalise la culture de résistance contre l’impérialisme et le sionisme, et qui renoue le lien stratégique avec les aires de déploiement économique et diplomatique libérées du sionisme et de l’impérialisme dans le monde arabe musulman, eurasiatique et latino américaine. Les Frères Musulmans, contre toute logique et sans doute par inculture politique et géopolitique ont précipité les choses, fragmenté les rangs et redonné un repositionnement stratégique à l’armée qui est sortie défaite de la confrontation avec le peuple. L’esprit partisan doublé de la bureaucratie confrérique et l’empressement de prendre le pouvoir, jouant sur la fibre religieuse d’un peuple certes musulman mais ignorant tout de l’Islam comme système global, a creusé la fosse de la révolution et des Frères Musulmans qui ne parviennent toujours pas à prendre l’initiative historique et à imposer leur agenda sauf à faire des déclarations confuses et contradictoires.

Parmi ces contradictions ubuesques, on présente l’Islam comme la solution alors la priorité islamique est de fédérer le peuple musulman sur des valeurs communes comme la souveraineté du peuple, les libertés individuelles et publiques, la relance de l’économie hors du FMI et de l’aide américaine, la mise en place d’une nouvelle doctrine militaire pour l’armée, la création d’une résistance populaire contre le sionisme et l’impérialisme, la jonction avec les grands axes arabes et musulmans de la résistance : l’Iran, le Liban, Gaza et la Syrie. Bien entendu dans le démantèlement de l’ancien régime, il fallait favoriser l’émergence des corps intermédiaires inexistants pour que le front de lutte soit à la fois idéologique, politique, économique et social. C’est dans ce climat expurgé de l’ancien système et fédéré autour des valeurs universelles que l’Islam authentique peut trouver terrain favorable pour débattre, convaincre, produire des idées, construire des ingénieries où chacun trouve intérêt à l’adopter sinon à cohabiter sans remettre en question l’islamité et l’arabité de l’Egypte. Les islamistes doivent apprendre à réfléchir en terme de citoyenneté, de géopolitique et d’Etat de droit : l’Islam ne s’en portera que mieux.

La révolution égyptienne round 3

Tant dans mon livre que dans mes conférences, j’avais annoncé des rebondissements spectaculaires lors de l’élection présidentielle. Les événements m’ont donné raison même si des esprits politiquement incultes continuent de voir en Morsi un Phd scientifique ou technologique américain qui serait par ce titre universitaire détenteur du sceau de Salomom ou de la pierre philosophale qui va transformer l’inculture politique en génie de gouvernance. La réalité est tout autre.

Les résultats sont dramatiques et annoncent les signes de l’écrasement de la révolution : même si les Frères Musulmans ont appelé le peuple égyptien à défendre la révolution et imposer leur candidat, ils ont fait une démonstration de force impressionnante mais qui ne cache pas deux erreurs stratégiques. La première est de se confondre avec la révolution ou d’en être le monopole fuyant leur responsabilité et leur place en chute libre dans l’échiquier politique. La seconde c’est qu’ils ont rendu visible leur encadrement qui a mobilisé les manifestants venus de toute l’Egypte aux regards invisibles de l’ancien régime qui sont toujours en position de force sécuritaire, militaire et médiatique. Ils sont exposés à une chasse à l’homme comme l’éradication qu’a connu l’Algérie. Pour éviter la confrontation qui ne sera pas à leur avantage, ils seront et sont déjà contraints de faire des concessions jusqu’à devenir des coquilles vide. En effet au premier tour des élections présidentielles, considérées dans les systèmes traditionnellement despotiques comme cruciales, ils n’obtiennent que 25% du suffrage. Ce taux faible est un coup de semonce qui annonçait la fin de jeu. Il annonçait aussi l’urgence de redistribuer les cartes, après une clarification sur le clivage idéologique et les alliances dans un front révolutionnaire regroupant les nationalistes et la gauche égyptienne, mais après accord sur un projet de gouvernance.

Le score honorable du dissident islamiste Moun’âm Abdel Foutouh montre la scission au sein des Frères Musulmans et l’émergence de nouvelles forces qui vont peser dans l’échiquier politique sur lequel les Frères Musulmans non seulement n’ont pas le monopole mais risquent de perdre les « acquis » précipitamment obtenus. Le discours actuel de Morsi sur la justice sociale et l’édification de l’Etat de droit ne peut compenser le déficit de l’axe de résistance qu’aurait donné un front populaire fédérant tous les égyptiens désireux d’opérer une rupture radicale, irrévocable et irréversible avec l’ancien système despotique et le nouvel ordre mondial impérial.

Au lieu d’opérer un renversement stratégique qui prend de vitesse l’armée et l’Empire qui ont perdu l’habitude de voir les élites arabes prendre leur décision en autonomie, avec vitesse et efficacité, les Frères Musulmans ont préféré jouer sur trois registres : faire de la dramatisation communicationnelle envers les monarchies du golfe, jouer à la victime devant l’armée qu’ils ont remis en selle alors qu’elle avait perdu la confrontation avec le peuple à la place Tahrir, faire de Hosni Moubarak un point de focalisation jusqu’à devenir une diversion politique qui interdit de se poser la véritable question : où va l’Egypte ? Dans cette confusion, les Frères Musulmans en rajoutent en apportant leur soutien à leur confrérie syrienne qui dérive vers le terrorisme et le sectarisme les plus odieux tout en tournant leur dos à la résistance palestinienne qui continue de payer le prix de la trahison des Musulmans et des Arabes.

C’est par cette confusion sur le cap, sur la carte de navigation, sur la boussole, sur le gouvernail et sur la vigie du processus dialectique que les Frères Musulmans, qu’il y ait triche ou honnêteté dans le second tour, ont gagné (dans un autre arrangement in extrémis) la présidence. S’ils gagnent la présidence, ils ont perdu le parlement qu’ils ont gagné dans la précipitation ainsi que les prérogatives du président qui reviennent à l’armée. J’avais annoncé que nous allions assister à un scénario dramatique : « qui perd gagne » car la victoire ne s’intégrait dans aucune stratégie à long terme, dans aucune clarification, dans aucun programme. Les militaires ont gagné trois choses inespérées. La première c’est d’être les rédacteurs de la future constitution qui va définir les pouvoirs et l’exercice du pouvoir dans six mois. Tout ce temps gaspillé est de la dissipation d’énergie qui use, poussant la démission du peuple et qui produit très peu d’efficacité politique et sociale et surtout remet en marche arrière les acquis du début d’une révolution. Sur le plan tactique, ce temps est mis à profit par l’armée pour se convertir en force sécuritaire sous la supervision impérialiste pour ne pas faire les mêmes fautes qu’à la place tahrir et donner des coups mortels sans aller à la guerre civile comme en Algérie. Les choses se passeront en douceur et les Etats-Unis chassés d’Egypte reprendront le contrôle et imposeront de manière drastique leurs dix commandements à l’Afrique du Nord quand on relie l’Egypte à l’entropie en Libye, au comportement peu honorable du gouvernement tunisien et au laxisme de l’Etat algérien plongé dans un coma de séniles.

Sur un autre plan, la défaite du Général Chafik d’à peine 4 points, n’a de signification que par trois éléments : l’ancien système est encore présent avec ses appareils bureaucratiques et ses clients rentiers que la polyarchie en place ou le vote ne peuvent gommer, car un bulletin de vote ne suffit pas à changer les mœurs politiques et les alliances construites pendant 60 ans de dictature militaire ; les limitations du pouvoir du président (les Frères Musulmans croyaient naïvement qu’avec un président et une suprématie sur le parlement avec de plus en plus de prérogatives sont les garants contre la tyrannie). Malgré les bons sourires et les discours de circonstances, les Frères Musulmans sont dans la situation du serpent qui se mort la queue. En voulant jouer seul et se croyant les dépositaires exclusifs de l’Islam, ils se retrouvent isolés face à l’armée, remis en cause par les coptes qui sont les véritables détenteurs du pouvoir économique et otages des nationalistes et progressistes qui sont détenteurs de quelques leviers de commandes politiques et administratives dans les appareils de puissance publique alors que les Frères Musulmans ayant connu la répression sont exclus des appareils de l’Etat dont ils ignorent l’état des lieux et les mécanismes du jeu de pouvoir.

C’est dramatique, car l’Egypte a consommé du temps politique sans efficacité, elle a offert des jeunes en sacrifice sans récolte, elle s’est mise par l’incohérence et l’infantilisme de l’esprit confrérique qui croit qu’il suffit de dire l’Islam est la Solution pour que les Anges descendent du ciel et livrent la lutte idéologique, les luttes citoyennes, les luttes politiques, l’affrontement militaire et la bataille d’édification et d’aménagement du Territoire. Il est dramatique de voir la politique de séduction de ‘Amr Khaled envers l’armée présentée par lui comme l’armée du salut. Le romantisme politique n’est pas payant. Le réalisme politique a montré dans l’histoire des révolutions que la victoire se construit par « Un pas en arrière, deux pas en avant » et non le contraire.

La politique n’est pas encore dans le monde arabe et musulman un art qui se rapproche du scientifique mais du théâtre où la place est au ressenti et à l’émotionnel. Est-ce qu’on a donné au peuple le temps, l’information et la culture pour dépasser l’émotionnel ? Non !

Les Frères Musulmans élitistes sont habitués à faire payer à leurs cadres de terrain le prix de la répression du fait que leurs élites se sont toujours montrées incapables de saisir les opportunités dans une stratégie cohérente, ambitieuse. Ils ont eu des occasions de conquête du pouvoir avec Nasser et contre Nasser, Avec Sadate et contre Sadate, mais aucune n’a abouti car la culture confrérique qui donne au chef un pouvoir de gourou quand elle se conjugue à la culture de l’improvisation opportuniste que facilite d’ailleurs la démission des cadres embourgeoisés mais qui restent présent faisant de l’obstruction contre leur propre camp et se limitant à la dénonciation ou à l’indignation ou au silence après négociations sur des contradictions secondaires produisant ainsi inertie sociale et inculture politique devant un régime prédateur aux aguets qui défend son système par l’encassetement des militaires et des élites ou la répression de ses opposants. Pour avoir une image de la culture confrérique assassine de la pensée politique, il faut jeter un coup d’œil sur les Jama’âtes islamiques du Pakistan qui donnent l’image d’isolats folkloriques singuliers fi falakine yasbahoune… Il faut voir la tragédie des Frères Musulmans à la conférence d’Istanbul de 2010 qui ont ouvert la porte à l’idée de détacher le HAMAS de son « obsession » à la lutte armée. Il faut voir les Frères Musulmans en Algérie œuvrant à côté des services de sécurité contre le camp des islamistes qui ont remporté les élections législatives et les voir maintenant entachés de scandale de corruption et les voir poussés vers la porte de sortie politique par le FLN car leur rhétorique verbale n’est plus nécessaire pour acheter la paix sociale obtenue par la force des armes, la gestion maffieuse des pénuries et la distribution parcimonieuse de la rente à un peuple, en sauve qui peut social, sans opposition qui lui apporte la guidance et lui indique les moyens de lutte autre que la dénonciation et l’indignation des concierges.

Le début fracassant de Morsi s’est fait dans la culture de la confusion. Il y a une semaine, l’agence de presse iranienne invoquant une interview exclusive de Morsi annonçait son intention de réexaminer l’accord de paix avec Israël, le renforcement des relations avec l’Iran et la prise en considération urgente de la question palestinienne. Quelques jours plus tard, les autorités égyptiennes et l’agence égyptienne MENA assurent que le nouveau président n’a pas donné d’interview à l’agence de nouvelles iranienne et qu’il envisage de poursuivre l’agence de nouvelles iranienne Fars en justice, qui aurait publié des déclarations qu’il n’a jamais faites.

La révolution égyptienne round 4

Dans les mois du semestre à venir il faudrait suivre la compétence de créativité, de vitesse et de prise de risque des Frères Musulmans et de leur président face à l’armée, à la nouvelle constitution, aux forces politiques égyptiennes, à l’Iran, à la Syrie et à la Palestine. La logique veut qu’il y aura un KO technique à la fin du quatrième round sinon au cinquième à moins qu’il y ait un sursaut révolutionnaire qui remet le curseur idéologique et politique sur la bonne grille de lecture et les bonnes décisions à prendre pour s’engager dans le démantèlement du système et mobiliser un front national de résistance contre l’Empire et le sionisme étendu à d’autres pays de la région. Je ne peux prédire l’avenir mais s’il y a une étincelle qui relancera la révolution elle ne pourra venir que de Palestine.

Égypte doit se réveiller et oublier le mythe de oum dounya et le patriotisme de canaille que lui a légué une génération de militaires incapables de remporter une guerre contre un ennemi qui va commettre la faute de les humilier et de les provoquer car il ne peut vivre en paix tant que l’allégeance à son égard n’est pas prononcée et prouvée d’une manière concrète. A ce niveau de violence en Palestine, palestiniens opprimés ou occupants arrogants, le peuple égyptien sera contraint de se remettre à l’heure du temps et tourner le dos aux chimères.

La révolution égyptienne : round 5

Nous allons sans doute nous diriger vers une polyarchie où le pouvoir réel sera entre les mains des militaires soutenus par les États-Unis et le parti de l’administration, de la rente et de l’économie informelle. Toute confrontation armée et toute violence ne servira que les États-Unis et le sionisme. Les forces vives de l’Égypte qui croient encore au changement et qui ne baissent pas les bras devant la fatalité et les erreurs stratégiques et opportunistes des Frères Musulmans peuvent construire un front national de résistance contre l’Empire et ses valets et une dynamique révolutionnaire pacifique. Ces forces sont sur le terrain dont elles connaissent les contradictions, les conditions, les possibilités d’actions.

Sur le plan de la pensée et ayant suivi de près la situation égyptienne, je vois quelques perspectives de luttes qui peuvent être étudiées et mises en ingénierie d’application sur le terrain :

  • Idéologie : Le peuple doit être impliqué dans le débat idéologique sur les voies de changement et c’est par le débat et le savoir que l’idée de liberté, l’action de libération et l’usage anticipé de la libération comme projet d’édification nationale et de résistance contre l’empire et le sionisme peuvent se cristalliser et s’étendre dans le temps, l’espace et les consciences.
  • Politique : c’est le moment où il faut dépasser les clivages partisans et les appareils et poser l’exercice souverain du peuple dans un schéma qui met fin à la reproduction capitaliste de la démocratie occidentale. Contre la force et la violence des appareils et des bureaucrates de l’Etat sans culture de Commis de l’Etats et de service public du fait des traditions de cooptation, il y a lieu d’explorer le potentiel de la Choura à instaurer sous forme de Jamahiriya sur le modèle libyen sans la culture messianique du guide. L’avenir est au peuple qui doit prendre l’initiative en s’organisant d’une manière non partisane dans des assemblées citoyennes ascendantes et s’imposer comme nouvelle culture politique.
  • Sociale : Les forces vives doivent contribuer à l’emergence de syndicats autonomes non partisans dont le but suprême est la défense des intérêts du travailleur contre le capital. Les progressistes et les islamistes peuvent trouver le dénominateur commun autour de la dignité de l’homme et du travail comme producteur de richesses et source d’appropriation
  • Economique : Pour ne pas se cantonner dans la dénonciation stérile et l’indignation puérile ou dans  les manifestations qui arrivent à une impasse qu’il faut dépasser soit par un renoncement soit par le recours à la violence, l’économique est un terrain déterminant en termes de libération ou en termes de souveraineté populaire. L’expérience acquise par les Frères musulmans en matière d’ihsane (bienfaisance et résaux sociaux caritatifs) ne doit plus être un allègement des obligations de l’Etat envers les pauvres et les nécessiteux mais devenir une force d’émancipation de la société de l’Etat et du capital étranger capitaliste.  La société doit trouver tous les espaces de libertés, les niches juridiques et les opportunités d’affaires pour construire une résistance économique et une émancipation socio économique contre le capitalisme et ses vassaux. Tous les gisements de mutualisation du capital national, de capitalisation de l’épargne populaire, de montage d’économie coopérative et solidaire,  de dépasser l’infantilisme des banques islamiques focalisées sur la Mourabaha dans la consommation et le court terme pour s’ouvrir vers la Moudharaba et la Moucharaka orientées vers l’investissement productif.

 La révolution égyptienne round 6

La Turquie est un modèle que l’Empire a voulu vendre et continue de vendre au monde arabe. Il l’a vendue dans son modèle laïciste et franc maçonnique d’Atatürk aux démocrates et modernistes arabes ainsi qu’aux partisans français du régime militaire pour les pays arabes comme Chevènement. Ce modèle est vendu sous l’apparence de l’Islam modéré, laïc et consumériste d’Erdogan aux Frères Musulmans et aux élites qui cherchent la collaboration avec l’OTAN si elles y trouvent des intérêts géostratégiques et une préservation de leur rente économique et religieuse. Ce modèle a commencé à Istanbul par l’invitation de Qaradhawi et des factions palestiniennes et des penseurs attitrés de l’Islam qui ont préconisé la vanité de la résistance armée en Palestine comme le stratège koweïtien An Nafissi. La question palestinienne et l’encadrement des « révolutions arabes » par la branche musulmane de l’OTAN s’est appuyé sur un ravalement de façade : la mise en arrière des généraux turcs et la mise en avant du parti « islamique d’Erdogan » le pragmatique.

Cette expérience est reconduite en Tunisie et en Egypte où les forces de sécurité et l’armée sont en train de s’effacer au profit  des civils « islamistes » coopératifs, collaboratifs qui réalisent quatre objectifs :

  • Donner l’illusion du changement pour calmer la rue.
  • Reprendre en main les cartes redistribuées dans la précipitation pour contrer la révolution populaire.
  • Empêcher la cristallisation de ce qui pourrait refaire  l’embryon de la renaissance de la civilisation islamique et qui se réalise par la mise en commun des mentalités collectives forgées par la langue arabe et la religion, des espaces géographiques contigües, des complémentarités économiques, des expériences historiques réalisées par  l’Islam et par  les luttes d’indépendance contre le colonialisme.  Il faut donner l’illusion de force et de cohérence aux pragmatismes post révolutionnaires  afin d’opérer leur intégration dans le nouvel ordre économique sans heurt ni remise en cause.
  • Disloquer le monde arabe en  faisant des nouvelles élites dirigeantes des alliés objectifs par les liens financiers et idéologiques à l’Arabie saoudite et au Qatar. Cette dislocation qui est un véritable Sykes-Picot bis  vise d’abord à démanteler la Syrie et a briser les maillons de la chaine idéologique, politique et logistique de la résistance constitué par l’axe Hezbollah, Palestine, Syrie, Irak, Iran. Cet axe est présenté à tort par les Frères musulmans comme étant le croisant chiite. Les Frères Musulmans préfèrent ne pas voir les dérives meurtrières de leur imam cheikh Youssef al Qaradhawi ni ne voir qu’ils sont devenus à l’instar d’al Qaeda des instruments de discorde et des agents de subversion idéologique et militaire  contre la Syrie après avoir fait tomber le régime de Kadhafi. Cette stratégie, celle « du Soft powerment » est celle de Brezinski et de Levis qui sont les artisans de la nouvelle doctrine américaine au niveau diplomatique et militaire qui consiste à alterner la stratégie du « choc et de la stupeur » par le bombardement massif et disproportionné avec la stratégie du choc entre musulmans sunnites chiites et sunnites entre eux. La Syrie est un cas d’école.

Lorsque les objectifs deviennent trop visibles ou lorsqu’ils sont contrariés, l’Empire a recours à ce qu’il maitrise bien et à ce qui nous manœuvre le mieux et le plus : la diversion. Les Caricatures comme instrument pour faire diversion, pour tester la capacité des nouveaux gouvernants à contrôler la rue en cas d’agression contre le Liban, la Syrie ou l’Iran.

 Conclusion :

Nous sommes en Égypte et nous avons le récit coranique sur Moise. Moise n’était pas Spartacus en révolte contre Rome qui finit par le mater dans un bain de sang. Moise avait à conduire un peuple asservi vers la liberté et face à lui il avait non seulement Pharaon comme divinité mais un système construit sur plus de 500 divinités pour régenter les esprits et des corps spécialisés de clercs, de prêtres, de notables, de technologues, de magiciens, d’armées et de castes pour aspirer le profit et maintenir le système de domination. Moise à cassé le système en mobilisant les jeunes esclaves fils d’esclaves à ne plus prendre Pharaon et son système comme norme, comme référence, comme objet de fascination et d’aliénation :

{Et Nous avons inspiré  à Moise et à son frère: « Prenez, vous deux, pour vos gens, des demeures à l’avant en Egypte. Et faites de vos demeures une Qibla, accomplissez la prière, et annonce la Bonne Nouvelle aux croyants ».

Et Moïse dit : « Notre Seigneur, Tu As Accordé à Pharaon et son élite aisance et biens dans la vie terrestre, notre Seigneur, afin qu’ils se fourvoient de Ta voie ! Notre Seigneur, Supprime leurs biens et Endurcis leurs cœurs, de sorte qu’ils ne deviennent pas croyants jusqu’à ce qu’ils voient le châtiment douloureux ».

Il Dit : « Votre invocation, à vous deux, est exaucée. Suivez alors, tous deux, la rectitude et ne suivez surtout pas la voie de ceux qui ne savent point. »} Younès  86

Il y a une différence fondamentale entre chercher le pouvoir et construire un projet de libération des opprimés. Dans le dernier cas, face à un système corrompu, perfide, oppresseur produisant de la confusion et de l’inertie, il faut lui opposer idéologiquement, socialement et politiquement de l’intelligence, de la vertu, de la créativité, de l’unité, de la vitesse et de l’initiative. Tout le combat de Mohamed (saws)  contre le système du Taghut de la Jahiliya est un combat d’idées, d’initiatives et d’innovation. Tout le récit coranique sur les Prophètes est une quête de salut menée à grande vitesse et à grands déplacements. Il n’y a pas de place à l’immobilisme stérile ni au statut quo mortel et mortifère.

 

Omar Mazri – liberation-opprimes.net

 

Qaradhawi : Pourquoi ce reniement ?

J’avais lu et étudié un certain nombres de livres et de publication du Dr Youssef Qaradhawi qui m’avaient impressionné par son érudition et sa position sage. Depuis les « révolutions arabes » je n’arrive plus à reconnaître le même personnage ni à comprendre sa haine démesurée contre Kadhafi et Bachar Al Assad. Dans mon livre  » Le dilemme arabe et les dix commandements US » j’ai apporté quelques éléments d’analyse idéologique et politique. J’ai ensuite entrepris de comparer la logique interne de ce savant qui était une de nos références religieuses avec ces derniers écrits et ces derniers prêches. Cet homme est devenu fou, sénile ou manipulé par une taupe sioniste. Il n’a plus le droit de parler en notre nom car il nous conduit vers la catastrophe dans ce monde et vers la perdition en Enfer vu l’effusion de sang qu’il légitime.

A voir la vidéo ci-dessous que j’ai réalisée:

 

Télécharger la traduction et les commentaires ici >>>>

Benjamin Stora et le relais de BHL dans le jeu de dominos

Le journal Al Moujahid écrit à la une du  14 mai 2012 : « Dans un entretien au journal en ligne «Mediapart», Benjamin Stora : “Hollande doit faire des gestes d’apaisement mémoriel avec l’Algérie” ». J’en profite pour répondre à notre valeureux journal et au grand Benjamin stora en publiant de nouveau un ancien article sur son évaluation de l’Algérie

Benjamin Stora, universitaire « spécialisé » sur le Maghreb, monte au créneau au Figaro suite à l’agression franco atlantiste contre la Libye pour décréter que les dirigeants algériens donnent l’impression de ne pas tenir compte de la nouvelle donne géopolitique et que «Le régime algérien fait preuve de myopie». Son article plein de « trous noirs » mérite d’être d’être corrigé et refocalisé pour nous éviter les ténèbres qui nous sont promis et que relaye la presse algérienne comme si l’éditeur en chef est BHL, Benjamin Stora ou un adjudant chef des « Think Tank » français.

Je me rappelle qu’en début des années 2000 le Point avait écrit un article, avec comme tête d’affiche le Général Lamari et comme titre « Harro sur les Généraux ». Le Général algérien croyait que l’interview était à son honneur et qu’il s’adressait au peuple algérien mais la subtilité de la langue française lui a manqué pour comprendre que « Haro » est le cri poussé  par quelqu’un pour attirer l’attention sur le coupable d’un forfait ou le cri lancé par les Seigneurs pour galvaniser leurs chiens lancés dans la chasse à courre contre le gros gibier. Quelques mois plus tard le Général Lamari appris la langue française à ses dépens malgré de longs et loyaux services. Le Figaro veut rééditer le coup du Point et Benjamin Stora celui du  coup de Tripoli et ainsi préparer la mise  à la tête de l’État algérien d’un « plus français que moi tu meurs ». BHL est appelé, pour l’instant à travailler dans les coulisses auprès de ses réseaux algériens. Il est trop ivre par son succès libyen pour apparaitre en plein jour avec une gueule de bois et il risque de froisser la sensibilité des algériens. Entre l’article du Point et celui du Figaro l’Algérie a beaucoup changé mais les fichiers français ne sont pas à jour car l’effet pygmalion joue en leur défaveur : les Algériens qui les renseignent sont déconnectés de la réalité et à leur tour ils ont le regard perverti par le regard porté sur eux par leur manipulateur qu’ils ont informé.

 

Notre ami et cousin Benjamin Stora veut sans doute envoyer un message aux « Juifs convertis à l’Islam »[i] de l’Algérie post coloniale comme BHL l’a fait à ceux de Misrata en Libye pour faire au sol ce que les bombardements aériens et le pilonnage naval ont préparé à Tripoli

 

En synthèse de son interview il dit aux algériens d’oublier les réminiscences anti impérialistes et qu’il faut être réaliste «  La matrice culturelle du régime algérien a peu changé depuis l’époque Boumediene. Le fer de lance de la diplomatie algérienne, c’est encore en grande partie l’anti-impérialisme des années 1970. Cela peut paraître difficile à croire, mais les dirigeants algériens donnent l’impression de ne pas tenir compte de la nouvelle donne géopolitique, qu’il s’agisse de la chute du mur de Berlin, de la fin de la guerre froide, de l’élection de Barack Obama… » Un universitaire français qui croit au Messianisme obamique, aux fabulations et aux superstitions. Boumediene reste une épine dans la gorge. J’avais pensé que la pensée française avait plus de talent et de subtilités pour exprimer ses haines et ses peurs mais nous avons une fois de plus la confirmation de la mort de l’intelligentsia en France. Il n’y a que les Algériens de Liberté, d’Al Watan et d’autres canailleries à y croire. La référence à la chute du mur de Berlin n’est pas fortuite elle témoigne l’idée dominante en Occident qui se résume en trois points :

–       La fin des pôles idéologiques et le triomphe définitif du sionisme et de l’impérialisme ;

–       L’axe Vatican CIA a fait tomber le mur de Berlin par le noyautage des mouvements protestataires et « démocratiques » dans les syndicats et dans la société civile ;

–       Les Arabes et les Musulmans sont les artisans de la chute de l’URSS et ils restent le fer de lance de la recomposition du monde par leur inculture politique et leur convulsion émotionnelle :

  1. Les Moudjahiddines arabes et afghans qui ont poussé l’URSS à un effort de guerre insoutenable
  2. L’Arabie saoudite qui a fait couler les recettes  pétrole   de l’URSS ;

Il nous demande de reconnaitre le nouvel ordre mondial et de nous soumettre à la théorie de la domination impérialo sioniste défendue par les néo conservateurs américains et dont les Européens sont devenus les exécutants. Cette théorie est celle de Francis Fukuyama « La fin de l’Histoire ». Il faut nous soumettre au triomphe arrogant du capitalisme, du mode de vie américain et de la domination du sionisme. Il faut nous plier au remodelage du monde musulman selon des schémas  ethniques, confessionnels, topographiques dans un Syse Picot 2 qui réalise six objectifs :

–       La main mise sur les ressources du sous sol au profit des appétits prédateurs de l’Occident,

–       L’impossibilité du monde musulman ou arabe de créer une unité civilisationnelle en disloquant et en fragmentant ce qui est latent à la renaissance islamique en l’occurrence la contigüité spatiale, la continuité historique, la mémoire collective, le devenir commun,

–       Le chaos constructeur d’un patchwork à façade démocratique où chaque élément du puzzle disloqué est un comptoir commercial comme dans les traditions des comptoirs anglais, hollandais ou français en Asie et en Afrique ;

–       L’installation de bases militaires

–       La prise de contrôle du continent africain comme réservoir de matière premières et gisements de marché de consommation pour les biens et services industriels ou domestiques obsolètes

–       Encercler la Chine et interdire l’émergence des projets  de l’organisation de l’alliance de Shanghai (Russie-Chine) et sa mise en réseau avec les pays du BRIC.

Benjamin Stora dit : « c’est un nationalisme exacerbé qui rejette le principe du droit d’ingérence. Enfin, un certain nombre de responsables algériens redoutent que ce printemps arabe ne fasse le jeu d’un islam radical qu’ils ont combattu tout au long des années 1990. Il est clair que le pouvoir est divisé sur la conduite à adopter. Le courant conservateur tient la corde, mais il ne représente pas forcément l’armée. Il y a des islamo-conservateurs ou de vieux nationalistes arabes qui sont toujours au pouvoir, qui s’accrochent au passé et qui ne comprennent pas les aspirations aux changements de la jeunesse arabe, en particulier de la jeunesse berbère, nombreuse, éduquée et à l’affût des bruits du monde. » Sans commentaire : le nationalisme de canaille, l’islamisme infantile, le berbérisme sectaire sont les portes d’entrées de l’ingérence française en Algérie

Comme toujours il attise les particularismes locaux contre l’unité nationale : « Un espace immense et une population hétérogène qui se compose de Sahariens, de Mozabites, de Kabyles, d’Algérois, d’Oranais qui ne marchent pas forcément du même pas. » Vous reconnaitrez avec moi que depuis qu’il a fuit l’Algérie sa vision sur l’Algérie  devient de l’emporte pièces. Oranais et Algérois c’est des ethnies, des confessions, des doctrines, des territoires, des cultures ou des vues d’un esprit qui veut montrer les divisions en Algérie comme insurmontable pour que les Algériens vivent en paix ensemble  et qu’il faut partitionner le pays pour le rendre gérable, gouvernable, démocratique et séculier

Cerise sur la tarte storaïque : « En outre, l’Algérie est un pays très riche et le pouvoir dispose de ressources financières considérables de nature à empêcher qu’un mouvement de revendications sociales ne se transforme en contestation politique. Malgré cela, les Algériens sont de plus en plus choqués par la répression en Syrie, suivent avec intérêt le processus de démocratisation en Tunisie, et craignent également un possible isolement de leur pays sur la scène internationale. Comment, dans ces conditions, ne pas croire à un changement démocratique en Algérie? »

Je ne vais pas lui livrer toutes mes cartes et toutes mes connaissances sur un pays que j’ai honorablement servi et loyalement critiqué mais dire au public français : attention les nostalgiques de l’Algérie française  vous invitent à une aventure qui va vous couter cher ! Je m’explique sans rentrer dans les détails que vos spécialistes connaissent mais que votre actuel gouvernement belliqueux peut ignorer pour des considérations électorales ou de géostratégie ( le front atlantiste et le front sioniste) :

–       Ce n’est plus le même personnel militaire qui dirige l’Algérie. Les seconds couteaux qui ont mené la lutte antiterroriste se considèrent comme légitimes et comme les Messies Sauveurs de l’Algérie. Vous avez créé les conditions politiques et géopolitiques pour qu’il y ait une guerre civile en Algérie. Ces Militaires ont maté les Algériens et tout particulièrement les Maquis islamiques ou pseudo islamiques. Ils se considèrent comme les véritables détenteurs du pouvoir réel et comme les plus méritants à user de la rente de l’Algérie. Qui touchera à leurs privilèges se mordra les dents car ils sont aguerris à mener de longues opérations militaires sans pitié.

–       La mentalité du régime algérien vous échappe. La France et les lobbies pro français en Algérie pensent que les décideurs algériens sont inféodés à la France alors qu’ils ne sont inféodés qu’à leur logique interne : la survie de la meute et le maintien de l’Algérie sous chasse gardée privée. La France a été un auxiliaire et non le donneur d’ordres. Quand les décideurs algériens ont liquidé les réseaux islamiques ils se sont tournés vers un autre auxiliaire : les États-Unis. Ces derniers ont raflé toutes les mises stratégiques. Quand les États-Unis ont voulu imposer leur agenda les Algériens se sont tournés vers les Russes et les Chinois.

–       La culture politique algérienne, après la force, est la corruption. Elle a commencé par corrompre tous les laïcs qui ont vécu à l’ombre de la rente dans le service public et les as laissé divaguer dans leurs journaux.

–       Les Algériens ont développé un réseau de clientélisme et de corruption en France par l’intermédiaire des laïcs éradicateurs qui le moment venu sont obligés de défendre le régime algérien que de prendre le risque de tout perdre. Ils n’ont pas d’idéal mais des intérêts. Les intérêts liés à la corruption entre l’Algérie et la France vont entrer en jeu lorsque le conflit monte au degré intenable

–       Les Algériens disposent de cellules nés du FLN et de l’amicale des Algériens en France capables de mobiliser l’émigration musulmane et de mener une lutte sociale, politique, religieuse et armée en France. Tout le drame des jeunes nés de parents algériens en France est la hantise des Français de le voir se retourner contre eux. Cette hantise tient davantage à l’esprit revanchard et nostalgique de la guerre d’Algérie que des Algériens. Les Français ont semé le vent les décideurs algériens peuvent produire la tempête quand ils le veulent.

–       Le peuple algérien est épuisé par deux décennies qui ont le mérite de lui dévoiler la vérité sur ses gouvernants, les opposants et les élites. Il est en stand by. Il attend le retour du Mahdi ou la refondation du mouvement islamique sur une base saine débarrassé des débris de l’incompétence et de l’improvisation.

–       La topographie de l’Algérie est complexe ;

–       Les Algériens ont pratiqué la France pendant 132 ans de colonisation et 50 ans de post colonisation : ils connaissent son discours, ses actes et ses intentions

Dans mes  livres « Le dilemme arabe et les 10 commandements US » et dans « Islamophobie : Deus Machina » j’ai montré le rôle du Qatar dans la récupération de la jeunesse des banlieues et des universitaires en quête de reconnaissance sociale afin de faciliter l’implantation du sionisme dans les banlieues qui n’a jamais peu avoir lieu par le passé; j’ai montré également le rôle que veut jouer le Qatar pour gagner l’opinion d’origine arabe en France dans l’éventualité d’une guerre contre la Syrie, l’Iran et l’Algérie.

Le peuple Algérien a une longue expérience de résistance passive et celui qui l’a pratiqué sait que ce n’est pas un tube digestif ni une foule (Ghachi) mais une intelligence politique qui va exprimer un sursaut de conscience et de vigilance à la lumière des événements de Libye, de Syrie, de Palestine.  Il sait que la révolution tunisienne a été confisquée par des arrangements d’appareils avec l’armée tunisienne et les caciques de Bourguiba sous les auspices de la France et des États-Unis. Il attend un sursaut révolutionnaire en Tunisie et une poursuite de la Révolution en Égypte. Le deal passé entre l’armée égyptienne, les Frères Musulmans et la Turquie allié de l’OTAN ne passe pas inaperçu aux algériens qui ont vu les Frères Musulmans étaler leur corruption et leurs alliances contre nature.

Enfin un dernier mot : Benjamin Stora et BHL à l’instar de Sarkosy et des monarchies arabes font de l’intox en prenant leurs désirs pour des réalités. Le temps va nous montrer que l’affaire libyenne n’est qu’à son début et que la braise sous la cendre est comme un Phénix. Le temps va nous montrer que le colonialisme anglais a su atteindre ses objectif au Machrek par son intelligence et sa gestion par vassal interposé alors que le colonialisme français court à sa perte par son arrogance, sa stupidité et son ignorance. Dieu merci.  Le temps va nous montrer qui va sortir gagnant de la bataille que vont se livrer les services français et algériens pour le contrôle et l’instrumentalisation de l’Aqmi.

Les peuples libyens, tunisiens et égyptiens eux aussi n’ont pas dit leur dernier mot. Les peuples maghrébins comme leurs gouvernants savent jouer aux dominos. C’est moins raffiné et plus bruyant que le jeu d’échec mais il y a des combinaisons intéressantes pour fermer ou ouvrir le jeu et c’est le seul jeu où il arrive au gagnant de perdre s’il n’a pas joué tous ses dominos. Il n’est pas dit que les armes disponibles en Libye vont aller uniquement en Algérie. Il y a d’autres destinations : Gaza, l’Afghanistan, le Maroc et même la France…

{Dis : « Contemplez ce qu’il y a dans les Cieux et la terre. A quoi serviraient les Signes et les avertissements à des gens qui ne sont pas croyants ? S’attendent-ils à autre chose que comme les jours de ceux qui passèrent avant eux ? Dis : « Attendez, je suis avec vous de ceux qui attendent. »} Younes 101

 

Omar Mazri


[i] Information donnée par le journaliste français Thierry Meyssan de retour de Tripoli

Ahmadinejad à la Mecque : « Nous sommes tombés dans le piège de nos ennemis »

Au cours d’une allocution, à la Conférence de l’OCI, à la Mecque, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a brossé un tableau pessimiste sur la situation régionale, allant jusqu’à vilipender certains rois arabes qui jouent le jeu des ennemis en Syrie alors que leur peuple les refuse! « J’ai un amer constat à faire : malheureusement, nous, les Musulmans, nous sommes tombés dans le piège que nos ennemis nous ont tendus! Nous entrons de plein pied dans une guerre totale, dévastatrice et vaine, une guerre à caractère fratricide, ethnique et tribale, qui pourrait durer des dizaines d’années. Malheureusement, certains pays jouent le jeu des ennemis a déclaré le président iranien » ! …

Et de poursuivre: « Ceux qui étaient arrivés au pouvoir, pour changer la politique hégémonique des Etats Unis envers notre région, ont tourné leur veste et ils veulent changer notre région, ils nous menacent de guerre…je vous renvoie à l’Afghanistan, à l’Irak, la Libye, la Syrie, à Bahrein, au Yémen ….dans ces pays qui tire sur qui ? « ….

« Si nous acceptons que la justice et l’égalité sont le droit de tout un chacun, alors, nous allons accepter que nous sommes tous dans le même bateau, nos destins sont liés. Nous devons nous serrer les coudes, nous entre-aider, pour faire face à l’ennemi commun; nous devons faire front commun face à nos ennemis », a encore affirmé Ahmadinejad.

« L’OTAN rêve de s’emparer de notre région et nous, au lieu d’affronter ce danger, sur la foi de faux arguments, inventés ou imaginaires, ethniques ou tribaux nous sommes devenus ennemis, sans savoir que ces hostilités gratuites offrent la meilleure occasion à nos vrais ennemis, pour nous envahir a regretté le président iranien. »

Observer la Syrie et se rappeler le Nicaragua

Le parallèle entre les évènements de Syrie actuels et la tragédie du Nicaragua au début des années 1980 se trouve être de plus en plus d’actualité. L’ASL est l’équivalent des Contras, escadrons de la mort formés, financés et armés par la CIA, encadrés par la CIA, les forces spéciales américaines et les anciens cadres de la garde nationale déchue du dictateur Somoza, soutenu par les Etats-Unis.

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