Palestine occupée : la paix de la tombe ou de la corruption

Depuis la Révolution des Cactus et l’émergence des Pygmalions et après la Bataille du Forqane (Gaza), le plan de liquidation de la Cause palestinienne s’est mis en routine. Il s’agit :

  • De créer un Bantoustan pour les Palestiniens
  • De mettre sur place une OTAN arabo islamique jouant le rôle de gendarme dans le monde arabe et africain et de chair à canon dans une guerre contre l’Iran.
  • De préparer le retrait des Américains du monde arabe pour qu’ils se consacrent au Pacifique et à l’Eurasie pour contrer les géants chinois et russes
  • De consacrer l’entité sioniste comme gardien des « Dix commandements US » laissant les Arabes non seulement dans un dilemme insoluble, mais dans un état de ruines irréparables.

Il s’agit par la guerre ou par la violence d’une part et par la corruption et l’intimidation d’autre part de mettre fin à la Modernité et ses chimères de décolonisation et d’État-nation. Il n’y a qu’une force celle des USA, une seule loi celle du Dollar, une seule totalité celle du marché aux mains du complexe militaro-industriel-financier-médiatique qui contrôle les ressources, les mentalités et les planifications.

Ce phénomène, ni désolant ni révoltant, répond à la nature, à la logique et à la mécanique de l’empire. Il répond à notre mentalité de « tarés » incapables de connaitre la nature des choses, leur dynamique et leur devenir pour pouvoir résister en anticipant, en prenant l’initiative, en innovant nos moyens de lutte et de conscientisation.

Les élites arabes et musulmanes au lieu de se lamenter devraient se sentir humiliées. Les politiciens devraient se taire et ne plus faire diversion en dénonçant ce qu’ils ont contribué à se réaliser par leur corruption, leur lâcheté et leur médiocrité.

Les pseudo-savants de l’Islam se questionnent sur l’absence et le silence des masses arabes à chaque humiliation et à chaque catastrophe comme si leur incompétence à éduquer les gens et à parler vrai et avec responsabilité de la réalité n’était pas flagrante. Ils ont contribué à décerveler, au sens propre et figuré, les peuples musulmans en les poussant à croire aux miracles ou à s’entretuer.

Il nous reste une consolation voire un espoir : l’Iran. La nature a horreur du vide, là où les sunnites et les arabes ont été absents ou inconséquents, les Perses et les Chiites seront présents avec efficacité. Ils ont la culture de la minorité qui a appris à résister et le sens politique et géopolitique. Ils ont la profondeur civilisationnelle et la vision stratégique que l’esprit tribal ne peut posséder.

La loi de Dieu est inchangeable :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا مَن يَرْتَدَّ مِنكُمْ عَن دِينِهِ فَسَوْفَ يَأْتِي اللَّهُ بِقَوْمٍ يُحِبُّهُمْ وَيُحِبُّونَهُ أَذِلَّةٍ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ أَعِزَّةٍ عَلَى الْكَافِرِينَ يُجَاهِدُونَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ وَلَا يَخَافُونَ لَوْمَةَ لَائِمٍ ۚ ذَٰلِكَ فَضْلُ اللَّهِ يُؤْتِيهِ مَن يَشَاءُ ۚ وَاللَّهُ وَاسِعٌ عَلِيمٌ

{O vous qui croyez êtes devenus croyant ! Si l’un d’entre vous s’écarte de sa religion, qu’il sache que Dieu Allah fera quelque jour venir des hommes gens qu’Il aimera et qui, eux aussi, L’aimeront. Ils seront humbles envers les croyants, durs envers les mécréants négateurs ; ils combattront dans le chemin de Dieu ; ils ne craindront pas le blâme du détracteur. Ceci est une grâce de Dieu : Il la donne à qui Il il veut. Dieu est omniprésent, omniscient.} al maida 54

Pour résoudre le dilemme proposé par l’Empire nous soumettre à la corruption ou finir dans des tombes communes sans linceuls ni Fatiha, nous avons le devoir de restaurer nos mentalités corrompues et ignorantes. Nous devons avoir la culture efficace et la conscience lucide sur au moins quatre aspects de ce verset :

  • La foi n’est pas un acquis antiquaire, mais un engagement renouvelé et sincère. Ce n’est pas une inertie, mais un devenir et une présence efficace au sein de l’humanité. La foi n’est pas un état hérité par la génétique ou la culture sociale, mais un devenir conditionnel subordonné à l’excellence morale et au désir de faire le bien et de bien le faire.
  • Le sempiternel discours misogyne opposant les sexes ou donnant le primat à l’un sur l’autre est un archaïsme faux et fallacieux. Le Rajal et les Rijal ne sont pas des mâles, mais des personnes humaines debout, dynamiques et fortes. La langue arabe du Coran distingue les faibles et les soumis par le terme Nissa des dominants et des résolus par le terme Rijal. Foutons la paix au sexe « faible » et concentrons-nous sur les arrogants et les transgresseurs qui spolient nos terres et humilient nos frères et sœurs.
  • La bataille réelle n’est pas religieuse, entre croyant et mécréant, mais politique et existentielle entre croyant à la paix et partisans irréductibles de la guerre et de la violence qui dénient à l’autre le droit à la différence.
  • Ce n’est pas le désir de Dieu d’aimer arbitrairement ou de haïr injustement, mais le désir des gens qui interprètent le texte pour lui donner un sens favorable à leurs préjugés ou à leurs intérêts par calcul ou par ignorance. Chacun est à la fois apte et libre de disposer de la Grâce divine s’il en manifeste le désir c’est-à-dire l’élan spirituel qui met en mouvement le corps (social ou individuel) en marche vers le bien de sa communauté et de l’humanité sans exclusive ni exclusion.
  • L’Islam n’est la propriété de personne et Dieu n’attend pas de nous d’être des chiites ou des sunnites, des musulmans, des juifs ou des chrétiens et encore moins d’être sectaires :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا ارْكَعُوا وَاسْجُدُوا وَاعْبُدُوا رَبَّكُمْ وَافْعَلُوا الْخَيْرَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ وَجَاهِدُوا فِي اللَّهِ حَقَّ جِهَادِهِ ۚ هُوَ اجْتَبَاكُمْ وَمَا جَعَلَ عَلَيْكُمْ فِي الدِّينِ مِنْ حَرَجٍ ۚ مِّلَّةَ أَبِيكُمْ إِبْرَاهِيمَ ۚ هُوَ سَمَّاكُمُ الْمُسْلِمِينَ مِن قَبْلُ وَفِي هَٰذَا لِيَكُونَ الرَّسُولُ شَهِيدًا عَلَيْكُمْ وَتَكُونُوا شُهَدَاءَ عَلَى النَّاسِ ۚ فَأَقِيمُوا الصَّلَاةَ وَآتُوا الزَّكَاةَ وَاعْتَصِمُوا بِاللَّهِ هُوَ مَوْلَاكُمْ ۖ فَنِعْمَ الْمَوْلَىٰ وَنِعْمَ النَّصِيرُ

{O vous qui êtes devenus croyant ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Peut-être Ainsi vous atteindrez certainement le bonheur Falah. Menez pour Allah le combat qui lui est dû. C’est Lui qui vous a élus sans vous imposer un fardeau dans la religion, la Tradition de votre père Abraham. C’est Lui lui qui vous a dénommés  » Mouslimines « , autrefois déjà, puis ici même, afin que le Messager soit témoin auprès de vous et que vous soyez témoins auprès des hommes. Accomplissez donc la prière, faites l’aumône, et attachez-vous fermement à Dieu : il est votre Maître Soutien (Rassembleur), et quel excellent Maître Soutien (Rassembleur), quel excellent Défenseur !} al hadj 77-78

Comment triompher des agresseurs et des occupants alors que ce qui façonne notre mentalité, nos relations sociales et notre devenir est déformé, caricaturé, décontextualisé, rendu inopportun, impertinent et incohérent.

  • Là où Dieu s’adresse à nous comme des responsables itinérants vers Lui, nous osons nous dépeindre comme des serviteurs et des esclaves comme s’Il était indigent.
  • Là où Il nous promet son soutien victorieux ou bien Il nous annonce le rassemblement pour rendre compte de nos actes le Jour de la Résurrection, nous le transformons en relation de servitude cultuelle.
  • Là où il nous dit soyez mouslimines dans le sens de confiant en Dieu, ayant foi en Lui, donnant crédit à Sa Parole et à Son Prophète, s’en remettant à Lui pour triompher de nos égoïsmes, de nos peurs, de nos aliénations et de nos faiblesses, nous parlons de soumission, de rite, de bavardage sans lendemain.
  • Là où Il nous interpelle en qualité de Hanif (qui ne penche jamais du côté de l’injustice et du reniement) nous nous inventons des qualificatifs sectaires.
  • Là où Il nous demande d’être des témoins agissant et authentiques comme l’a été le Messager dans le sens d’un témoignage présentiel comme mémoire, comme parole et comme acte pour accompagner et guider nous faisons du Prophète un apothicaire, un gastronome, un couturier, un cabinet d’épilation, une légende…

Ce n’est pas avec cette mentalité de déchets humains phagocytés par les parasites et les cupides que nous pouvons résister aux néo évangélistes éradicateurs et aux sionistes usurpateurs.

L’Empire est en voie d’effondrement, de dissolution et de suicide par sa nature insensée et satanique. Dieu est Juste et sa Justice ne nous laisse aucun doute sur l’issue finale :

  • Ou bien la mort de l’Empire va nous entrainer dans un cataclysme infernal comme le ferait un géant tombant foudroyé sur des Lilliputiens.
  • Ou bien l’émergence d’une force crédible et viable qui terrasse cet empire totalitaire qui décide de l’avenir des peuples sans les consulter juste par combine électorale.

En d’autres termes ou bien c’est l’Apocalypse ou bien la résurgence de la Civilisation avec une autre race d’hommes mettant leurs pas sur ceux des Prophètes des Évangiles, des Psaumes, d la Thora et du Coran :

وَلَقَدْ كَتَبْنَا فِي الزَّبُورِ مِن بَعْدِ الذِّكْرِ أَنَّ الْأَرْضَ يَرِثُهَا عِبَادِيَ الصَّالِحُونَ

{Déjà, Nous avons écrit dans les Psaumes (al-Zabûr), après le Rappel la Proclamation (Dikr) que la terre serait l’héritage de Mes serviteurs vertueux.}

Encore une fois il ne s’agit ni d’une utopie moderniste des laïcistes ni d’une légende des islamistes antiquaires, mais de la rencontre ou la conjugaison entre deux processus civilisateurs :

  • Al Kitab. La compétence à lire les préceptes philosophiques, religieux, historiques, sociaux, économiques et scientifiques : Al Kitan n’est ni le décret qui s’impose arbitrairement ni le destin qui s’abat avec déterminisme implacable, mais le mode opératoire, les prescriptions et les relations entre causes et effet
  • Al Islah : la vertu (éthique, intellectuelle, esthétique) par laquelle on se motive pour faire le bien et pour réformer sans lesquels il n’y a ni progrès ni libération ni témoignage.

Qu’on ne se trompe pas de lutte. Il ne s’agit pas d’une guerre de religion, mais de libération. Le Prophète Choâib n’avait pas réclamé l’extermination des mécréants, mais la réforme contre le système totalitaire qui faisait de ses vices un modèle de vertu pour tous :

وَمَا أُرِيدُ أَنْ أُخَالِفَكُمْ إِلَىٰ مَا أَنْهَاكُمْ عَنْهُ ۚ إِنْ أُرِيدُ إِلَّا الْإِصْلَاحَ مَا اسْتَطَعْتُ ۚ وَمَا تَوْفِيقِي إِلَّا بِاللَّهِ ۚ عَلَيْهِ تَوَكَّلْتُ وَإِلَيْهِ أ أُنِيبُ

{Je ne cherche pas à vous contrarier en vous défendant quelque chose ; je ne veux que vous amender autant que je le puis, et mon succès ne dépend que de Dieu. Je m’en remets à Lui et c’est vers Lui que je reviens (je me retourne) .} Houd 11

Amender c’est plus que réformer. Réformer c’est une action politique, économique, technique ou éducative confinée dans une logique presque mécanique de type institutionnel ou technique. Elle reste superficielle et conjoncturelle. Amender c’est réformer ce qui doit être réformé dans une démarche plus noble, plus étendue, plus durable et plus profonde : redonner de la dignité à la condition humaine, améliorer les relations sociales, humaniser les rapports politiques, donner de la vertu, fertiliser les possibilités, potentialiser les compétences… Amender c’est aussi éradiquer les germes de la maladie et de la contamination en épurant, en filtrant et en isolant.

Pris par le mimétisme de l’Étranger et l’alignement idéologique sur les Orientalistes nous avons confondu Al Islah avec le réformisme religieux ou les réformes politiques occultant l’Homme dans ce qui fait son humanité c’est-à-dire sa liberté, son intelligence, son rapport à Dieu et à la nature, ainsi que son droit à la différence. Chaque fois que nous parlons de monothéisme ou que nous agissons en monothéistes nous ne devons jamais perdre de vue que l’Unicité de l’Être divin signifie en corollaire la multiplicité de Ses créatures. Toute lutte contre l’oppression est une lutte pour la dignité de l’homme. Il ne s’agit pas de remplacer un totalitarisme par un autre, une pensée unique par une autre. Il suffit de porter une gandoura ou un bonnet pour devenir un réformateur, il suffit de parler en français et d’user des termes de la Révolution française pour se croire Mirabeau au pays des indigènes.

Le Prophète Choâib se dirige vers Dieu, retourne vers Lui, cherche le soutien auprès de Lui alors que nous, nous cherchons refuge auprès des anciens colonisateurs et nous cherchons consolation et conseil auprès des charlatans en costume ou en gandoura.

Hélas depuis Annapolis, les élites palestiniennes et la classe moyenne ont été happées par la corruption et le vivre sans dignité et sans liberté aux frais des dons occidentaux. Les bédouins arabes leur ont légué l’esprit de réconciliation avec l’ennemi confondant Solh avec Islah. Des siècles de décadence et de trahison ne s’effacent pas à coup de gomme magique.

Je ne suis pas devin, mais la folie américaine face à la résistance tenace des Iraniens va sans doute produire un choc salutaire en nous proposant un nouveau choix « le martyr ou la dignité » au lieu de la paix des zombies. Sinon on va continuer à commémorer les catastrophes faute de mémoriel ou de mémorial.

Omar MAZRI

ALI GHEDIRI A LA JEUNESSE ALGÉRIENNE

Ce qui suit est la traduction de la vidéo de la rencontre entre Ali Ghediri et le Rassemblement de la Jeunesse Algérienne (RAJ) du 24 février.

Voir la vidéo

Préambule :

J’ai tenu à transcrire le plus fidèlement, sans littéralisme, les propos tenus par Ali Ghediri. J’ai exprimé mon intention de le soutenir comme candidat de la rupture et j’ai expliqué les raisons. Maintenant je m’exerce à un exercice d’appropriation de son discours pour mieux le comprendre et surtout tester mon adhésion sur le plan argumentaire. Homme d’écriture et d’analyse je vous livre ce que j’ai retenu de ses propos et qui me réconfortent davantage dans mon choix. Je ne donne pas de lettre de vertu, car ma conviction morale et religieuse m’impose de conserver une distance déontologique et un esprit critique voire une remise en cause lorsque je me trompe. L’appropriation s’est avérée facile, même si j’y ai passé plus de 24 heures de réflexion. Il s’agit du destin d’un pays, l’émotion et le sentiment doivent être subordonnés à la raison, les objectifs doivent être plus importants que les « éléments de langage » de communication. Ici il s’agit d’exposer les gros œuvres de l’édifice « Rupture » en attendant de voir les seconds œuvres comme l’économique et le social même si en dernière instance ils sont les plus déterminant en matière de réformes.

Omar Mazri

Voici le texte complet de l’intervention de Monsieur Ali Ghediri avec des libertés de traduction et d’interprétation :

Rupture avec le clientélisme, l’exclusion, la corruption, la bureaucratie, la gabegie, l’injustice…

Rupture avec le système, et renouvellement du serment national fait aux martyrs et réappropriation de l’esprit algérien de résistant au colonialisme. Non à ceux qui ont trahi la mémoire de ceux qui ont fait serment à Dieu, à la patrie et au peuple algérien de le servir et de mourir pour sa cause. Non à ceux qui ont asservi le peuple et abusé de l”appropriation illégitime et illégal des richesses nationales au détriment du peuple.

L’Algérie sera remise à la possession de tous ses enfants sans clivage idéologique, sans monopole ni exclusion ni exclusive.

Le Droit et la Justice au-dessus de tous. Nul ne sera protégé par l’impunité, le privilège et le passe-droit.

Séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Le juge libre et indépendant.

Ni la France coloniale ni le système répressif ne peuvent imposer leur matraque et bâillonner le peuple algérien lorsqu’il se décide à parler et à agir pour recouvrir sa liberté et sa dignité.

La responsabilité devant Dieu et devant le peuple algérien ainsi la honte qu’il fait endosser à ceux qui abusent de l’impotence du président en exercice pour ridiculiser l’Algérie et le peuple algérien.

Le devoir des autorités et du régime est de répondre rapidement à la manifestation pacifique et aux exigences du peuple algérien de choisir librement qui le gouverne et comment il veut être gouverné et comment il veut exercer sa souveraineté. Il cite le pète tunisien Abou Kacem Chebbi

إذا الشّعْبُ يَوْمَاً أرَادَ الْحَيَـاةَ فَلا بُدَّ أنْ يَسْتَجِيبَ القَـدَر

وَلا بُـدَّ لِلَّيـْلِ أنْ يَنْجَلِــي وَلا بُدَّ للقَيْدِ أَنْ يَـنْكَسِـر

Lorsque le peuple, un jour, exprime son désir de vivre (de liberté).
Forcément, le destin lui obéit
Et forcément, la nuit se dissipe
Et forcément, les chaines se brisent…

Le peuple algérien ne demande donc pas l’impossible… Il a attendu avec patience … Mais la patience a des limites et le flot a débordé. Stop ! Basta ! Changeons ! L’Algérie n’est pas un héritage à léguer à une poignée d’individus. L’Algérie a payé au prix de ses Martyrs et continuent encore à payer un lourd tribu d’effusion de sang pour la liberté et la dignité de son peuple. Ça suffit !

Les longues pages de sang qui a coulé en Algérie doivent être écrites. L’histoire apportera son jugement, même si les élites culturelles ont une part de responsabilité par leur défaillance et leurs clivages. L’Algérie ne sera apaisée que si elle se réapproprie son histoire réelle sans maquillage ni oubli. La solution est l’instauration d’un cadre de dialogue responsable et pérenne pour régler tous les différends et toutes les contradictions. Nous ne pouvons avancer avec la haine, la rancune et les préjugés. Il faut tout clarifier pour éclairer la route du devenir…. Nous avons commis des erreurs dont les conséquences sont tragiques. Cela est plus qu’un problème d’écriture de l’histoire, c’est une affaire de conscience. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas parlé de changement, mais de rupture. La Rupture c’est la naissance d’une seconde République, c’est briser les liens avec les anciennes pratiques et les anciennes méthodes.

Les urnes doivent être le discriminant entre les différentes visions et les différents programmes et c’est au peuple algérien de décider en toute liberté et c’est aux autres de s’incliner devant le choix du peuple et de le servir. Cela n’est possible que si les élections se réalisent en dehors de la fraude, la fraude ne peut être évitée que le peuple est conscient et engagé. Les fraudes électorales en Algérie sont une invention de la France qui intervient pour faire dévier le choix du peuple algérien et le maintenir en otage. Ceux qui revendiquent le patriotisme doivent divorcer avec la France et son héritage de fraude et de confiscation. Ils doivent jeter un coup d’œil sur les pratiques anglo-saxonnes en matière électives et faire objectivement la différence d’appréciation et d’inspiration.

Cela fait 57 ans que nous utilisons le système frauduleux français malgré que nous ayons dit à la France dégage ! La fraude se conjugue avec la rapine et la corruption ! Ils relèvent de la même logique et de la même pratique. Ce sont des problèmes de fond, leurs solutions passent par une expertise et un dialogue ouvert et responsable.

Sur la question de son statut de serviteur du régime en sa qualité de général, Ali Ghediri a tenu à préciser qu’il avait passé 42 ans de sa vie comme commis de l’État en travaillant dans l’institution militaire ce qui ne fait pas de lui le serviteur d’un régime. Il assume son ancien statut de militaire et revendique son devoir de servir la République ni plus ni moins. Après mon bac je me suis engagé par la grande porte sans effraction ni clandestin pour servir une institution et défendre la patrie. Où est le mal ? J’ai été formé dans les écoles figurant parmi les plus prestigieuses au monde pour apprendre l’art de défendre mon pays. J’ai agi par conviction et j’ai œuvré dans la totale probité. Interrogez ceux qui savent comment j’ai servi ? J’assume pleinement l’étiquette de militaires. Je n’ai pas servi l’institution militaire uniquement à Alger, mais j’ai eu un long parcours dans les confins retirés de l’intérieur de pays et du grand sud. J’ai vécu proche des Djounouds et des populations. Je suis militaire ne signifie pas que j’ai du mépris pour le civil ou que je prétends à être plus méritant que lui. Cela ne signifie pas que le civil est plus patriotique que le militaire. J’ai servi une armée dont la composante humaine est populaire. Je suis un home issu du peuple et je continue à vivre à proximité du peuple. Cette proximité conjuguée au patriotisme me dicte ma conduite et m’invite à poursuivre mon militantisme patriotique sans exclusive ni monopole. Ma retraite de général et la retraite de mon épouse me permettent de vivre dans le confort sans attendre autre chose qui viendrait d’un poste politique. L’amour de l’Algérie doit être notre dénominateur commun.

L’ANP est une armée républicaine au service de la nation, sinon il faut la requalifier de milice d’un clan. S’il y a un jugement il doit être porté sur des hommes et leurs comportements ou leurs positions et non sur l’institution. L’ANP est l’héritière de l’ANP même si certains de ses membres ont fauté. Une institution est une organisation régie par des valeurs, les valeurs de l’ANP sont celles des authentiques révolutionnaires libérateur du joug colonial.

Il ne faut pas donner au terme révolution un sens péjoratif ou galvaudé, mais le placer dans son véritable contexte qui était le nôtre face au colonialisme. Chaque algérien a un père, fils, un frère ou un membre de la famille ou du voisinage dans les rangs de l’ANP et à ce titre elle ne peut être comparée à des mercenaires comme certains y compris dans les partis politiques veulent le faire croire.

On désigne l’armée algérienne par la « grande muette » et on lui reproche sa participation dans la vie nationale faisant des conditions historiques de sa genèse et de sa sociologie comme si cette armée était importée et ne faisait pas partie du corps national avec ses forces et ses faiblesses. Pourquoi créer une dichotomie entre le militaire et le civil alors que notre parcours historique n’en n’a pas fait. Tous les présidents algériens ne sont-ils pas des militaires y compris Bouteflika ? Ait Ahmed fondateur et commandant de l’Organisation Spéciale (chef d’Etat-major de l’OS) n’était-il pas le premier militaire algérien ? C’est l’OS qui a donné naissance à l’ALN et au FLN. Nul ne peut évoluer en dehors de son contexte historique, nul ne peut se mouvoir en faisant abstraction des déterminismes historiques qui dictent son comportement et ses décisions. L’histoire configure et écrit le destin d’un peuple et d’une nation. L’Algérie ne peut faire exception. Toutes les grandes figures historiques de l’Algérie, même indépendante étaient des militaires, les uns en tenue, les autres en civils à l’instar de Mehri ou de Messaâdia produits par l’ALN.

Depuis 1962 à nos jours, ce sont les mêmes qui président à la destinée de l’Algérie. Je ne parle pas des exécutants, mais des têtes pensantes. Cette génération, issue de l’ALN, n’a pas changé. Il n’y a pas eu de changement majeur pour renouveler les mentalités et les élites. Si d’autres avaient pris le pouvoir, peut-être que les choses auraient changé.

Imaginer que je suis un crabe du système du fait de mon grade de général major est un raccourci et un biais qui occultent la véritable problématique du pouvoir et de la crise en Algérie. Avec tous le respect dû à nos ainées, il ne faut pas confondre les générations et encore moins nier le problème qui se pose entre les générations. Il ne faut pas oublier que l’intervention (l’irruption) de l’armée dans la vie politique a toujours été une réponse conjoncturelle à un évènement grave pour éviter le pire. Si des militaires se permettent de parler de la vie politicienne et de prendre position, ils le font à titre personnel, mais l’armée dans sa structure organique reste « la grande muette » qui veut servir l’Etat et la Défense Nationale. Si on doit parler vrai, alors je dis à ces politiciens qui parlent sans retenue sur l’armée s’ils ont le courage et les moyens de faire rentrer l’armée dans les casernes ou de faire dégager ceux qui parlent en son nom pour promouvoir tel candidat au lieu et place du peuple. Je leur dis davantage : pourquoi faire les grosses gueules alors que devant un haut gradé militaire vous vous mettez au garde-à-vous ? Seul un général peut faire évacuer la « politique » des casernes et la confiner à la vie civile. Je ferais cette évacuation et ce retrait si tel est le destin voulu pour moi par Allah. Elu président je confierais à l’armée la mission qui est la sienne et je la mettrais hors du champ politicien. Afin de lui redonner sa vocation : l’expression du peuple, l’émanation de la souveraineté du peuple, la force du peuple…

Toutes les armées du peuple ont un rôle prépondérant, mais dans les limites légales : protecteur respectable, mais non tuteur du peuple ou rival des autres institutions. C’est la nouvelle Constitution qui va redéfinir la place et le rôle de l’armée. La nouvelle Constitution n’est pas l’apanage des deux chambres actuelles, mais l’affaire du peuple qui la débat et l’adopte.

Nous ne pouvons demander le retrait total de l’armée et son confinement dans les casernes que lorsque le peuple éveille sa conscience et prend en main la responsabilité de sa propre destinée. Le problème n’est pas spécifique à l’armée, mais à l’ensemble des institutions qui doivent prendre la place qui leur revient constitutionnellement : le parlement occupe sa place et exerce ses fonctions, la justice de même, l’exécutif de même, l’armée de même, le Président de même, le peuple de même. Le Président, la plus haute autorité ne peut déroger à l’exercice de ses missions et outrepasser le cadre de ses prérogatives et de son autorité.

C’est à la nouvelle Constitution algérienne (2ème République) de fixer les règles et les prérogatives et c’est à chacun de les débattre avant la promulgation de la Loi et de les respecter après sa promulgation. Cette nouvelle Constitution devra être en harmonie avec la marche de l’Histoire et notamment tenir compte des réalités algériennes dont celle du poids de la jeunesse dans la démographie et la société algérienne. Les jeunes sont par essence porteurs de modernité et de progrès. Il y a une nécessité impérieuse de modernisation retardée par le système et il faut la relancer et l’accélérer pour redonner à l’Algérie la stature qui lui sied. Nous avons toutes les ressources pour le faire, mais il nous manque la confiance et le cadre politique. Il faut les créer. Notre première crise n’est pas d’ordre économique, mais politique. La crise politique peut être surmonté si on parvient à recréer les liens de confiance et les passerelles qui en découlent. Il faut parvenir à mettre fin à la méfiance, à la défiance et à la détestation que le système a mis entre les Algériens.

La position géostratégique, le sacrifice et l’histoire ont décidé que l’Algérie est condamnée à être puissante et souveraine ou à ne plus être. Avec l’agrément de Dieu et la volonté du peuple nous pouvons lui donner la place qui sied à sa grandeur et à la valeur de ses hommes. La jeunesse algérienne est à l’avant-garde de la reconquête de la grandeur de l’Algérie.

Lorsque je me suis engagé très jeune dans l’armée, je ne l’ai pas fait pour massacrer des Algériens. Je me suis engagé pour défendre les Algériens, leur vie, leurs biens et leur dignité. Il faut prendre en considération notre engagement pour ce qu’il était : nous avons fait don à la patrie de notre sang qu’elle peut faire verser pour sa défense contre l’occupant et l’ennemi. Notre vocation est d’éviter que les Algériens ne se fassent massacrer. Je tiens à rappeler qu’en 1963 en pleine guerre en Kabylie, les insurrectionnels kabyles ont jeté les armes pour rejoindre l’ANP et défendre la patrie contre les visées marocaines en 1963 et rejoindre le front de résistance nationale contre la guerre déclenchée à notre frontière. Le militaire, ici ou ailleurs, s’engage et est formé pour défendre l’intégrité du territoire et protéger l’Etat et la Nation. Les conditions et les crises peuvent provoquer des manquements, mais la règle fondamentale des armées demeure : faire barrage à l’étranger ennemi. Il s’est passé des tragédies où l’Algérien a tiré sur un autre algérien, mais ceci revêt un caractère exceptionnel et conjoncturel qui ne remet pas en cause la vocation fondamentale de l’ANP et l’engagement des militaires algériens à servir l’Algérie par le métier des armes. En tous les cas je suis le dernier à cautionner non seulement le massacre des Algériens, mais le massacre de tous les hommes y compris les étrangers. Même dans la guerre les armées professionnelles ont des règles de déontologie qu’elles ne peuvent transgresser quel que soit le motif. Dans un champ de bataille, c’est balle contre balle, attaque et contre-attaque, mais lorsque l’adversaire lève les bras ou hisse le drapeau blanc plus personne n’a le droit de continuer à tirer. Que penser alors lorsque le champ de bataille oppose des adversaires unis par les liens du sang, de la religion, de la langue et de la patrie.

Au sujet des élections de 2014, Ali Ghediri précise que l’Algérie (du système) ne s’exprime pas en terme de votants, mais en termes d’absentions dont le taux atteint les 85%. Sur les votants on peut dire que la majorité est contre le système. Ceux qui prétendent représenter la majorité ne sont que l’expression de la fraude et du mensonge.

إِنَّ اللّهَ لاَ يُغَيِّرُ مَا بِقَوْمٍ حَتَّى يُغَيِّرُواْ مَا بِأَنْفُسِهِمْ

Allah ne change point en la situation d’un peuple tant que celui-ci n’a pas changé ce qui est en lui.

Ce système a pour culture et pour pratique la fraude et le mensonge, soyez donc vigilants. Si vous décidez consciencieusement de la nécessité du changement il ne manquera pas inéluctablement de se produire.

A la question sur le mode du changement, Ali Ghediri précise que l’Algérie dispose du levier principal et du point d’appui pour opérer le changement : sa jeunesse. La révolution algérienne s’est appuyée sur la jeunesse, au début de l’indépendance elle s’est appuyé sur la jeunesse. Quelques années plus tard l’Algérie a commencé à tanguer et chavirer lorsqu’elle s’est appuyé sur les croulants qui se sont mis à stigmatiser la jeunesse, à la priver de ses droits et à lui interdire ses possibilités. Plus tard ils l’ont intimidé puis exercé sur lui la corruption et le chantage. On ose offrir un sandwich au jeune algérien à la Coupole d’Alger pour l’impliquer dans le soutien du candidat du système, quelle honte ! Le jeune algérien mérite mieux.

Le changement sera mené par un gouvernement de jeunes. Ils comprennent le langage de leur temps et sont aptes à tisser les ponts vers l’avenir. Ma génération et moi-même nous ne sommes qu’une passerelle transitionnelle, une période de transition.

Sur la compétition avec Bouteflika : je n’ai pas mis des conditions et je ne me suis pas positionné par rapport à sa candidature. Je le fais par conviction et responsabilité, les urnes doivent trancher. J’ai annoncé très tôt que je n’y allais pas pour jouer le lièvre ou pour faire illusion démocratique, mais pour gagner et faire gagner la jeunesse. Je porte un projet pour l’Algérie, et par conséquent les figures politiques et les devantures par personne interposée ne m’intéressent. Mon programme est un projet de rupture. Ce que le système de Bouteflika n’a pas fait en 20 ans avec 1000 milliards, il ne peut le faire aujourd’hui en si peu de temps et peu de moyens. Je dis donc non au projet d’une plateforme politicienne qui déciderait du destin de l’Algérie, il appartient aux Algériens de s’autodéterminer et de décider de leur avenir sans tutelle. La décision sur l’avenir ne peut être confisquée par ceux qui ont gaspillé les ressources nationales, qui ont hypothéqué l’avenir, qui ont méprisé le peuple, qui ont volé et corrompu.

Le boycott des élections n’est pas raisonnable, car ce régime s’en est accommodé depuis toujours et en profite pour accentuer la démission du peuple et la mise à l’écart de la jeunesse.

Sur la question des dettes, de la planche à billet, des finances publiques et du budget de la défense nationale, Ali Ghediri précise, sans détours, que lorsque les institutions sont démocratiques, le parlementaire et le maire des élus qui représentent légitimement et authentiquement le peuple et qui exercent leurs prérogatives légales, alors l’État peut non seulement exercer le contrôle transparent et efficace sur ses finances et ses budgets, mais veiller scrupuleusement aux intérêts du peuple. Celui qui n’a pas de foin dans le ventre ne craint pas le feu et celui qui accomplit son devoir sans corruption ne craint pas la casquette. C’est au peuple de décider des dépenses militaires. L’armée a pour vocation la défense de l’intégrité du territoire nationale, le citoyen celui d’exiger la défense de son pays et de contrôler les dépenses réalisées au nom de cette défense. La question primordiale n’est pas dans le montant des dépenses militaires, mais dans le pouvoir réel du peuple et dans sa jalousie à exercer ses prérogatives démocratiques y compris celle de son contrôle sur la Défense Nationale. Nos propos sont, par analogie, valables pour tous les secteurs d’activités et toutes les institutions qui doivent être sans exception soumises au contrôle populaire. L’exigence est double : rationalisation et optimisation des dépenses dans le cadre de la rigueur budgétaire avec en face exercice responsable du contrôle populaire dans le cadre de la rigueur démocratique. Ainsi on met fin à la gabegie. Cela signifie aussi l’exemplarité des gouvernants qui doivent être des modèles de vertu. Lorsque le peuple constate la modestie du train de vie des gouvernants et des élites alors il peut s’imposer à lui-même l’austérité et le refus du gaspillage. L’homme algérien est apte à se désister de son morceau de pain par solidarité si on lui donne l’exemple.

En ce qui concerne 92, Ghediri dit : ce n’est pas ma référence historique. Mon repère est le premier novembre 1954. C’est le manque de respect des idéaux de la révolution algérienne qui nous a conduit aux situations dans lesquelles on se débat aujourd’hui. L’effusion du sang algérien en 1963, 1965, 1967 et en 1988 nous interpelle aussi. Une nation pourrait-elle continuer à avancer avec les yeux rivés aux rétroviseurs. Edifier un Etat et une nation demande le règlement des contentieux et l’apaisement pour se remettre en état de marche vers l’avant et générer de l’espoir et de la confiance pour les nouvelles générations. Il n’est pas normal de continuer à livrer nos enfants en quête d’avenir aux flots de la mer qui les happent et les dévorent à 2 miles des côtes algériennes. Le drame c’est que nous dégustons à prix fort des crevettes et des crustacés qui se sont nourris de la chair de nos enfants. Ce n’est pas la quête d’avantages mondains qui a fait fuir les Algériens et particulièrement les meilleurs de son Elite, mais le désespoir.

En ce qui concerne la Ligue arabe : L’Algérie est membre de l’ONU, de l’OUA et de la Ligue arabe. Il est révoltant de voir notre position est notre rôle très en deçà des cartes stratégiques et des arguments politiques dont l’Algérie dispose et qu’elle aurait pu honorablement jouer, mais qu’elle n’a pas fait valoir. La présence algérienne dans les tribunes internationales n’a été ni suffisante ni efficiente. En matière de relations internationales, la politique de la chaise vide est-elle une attitude rationnelle et utile ? Dans la Ligue arabe nous devons avoir une voix forte et écoutée pour peser sur les décisions et exiger une réforme de ses structures et de ses prérogatives. Il en de même pour l’OUA et l’ONU. Pourquoi l’Algérie s’est exclue d’une présence influente et déterminante dans le concert des nations ? L’Algérie peut revendiquer une présence comme membre du Conseil de Sécurité. Les sacrifices, le potentiel et les ressources exigent le repositionnement de l’Algérie sur la scène internationale et régionale au niveau requis et lui permettent d’afficher de grandes prétentions politiques et de grandes dispositions diplomatiques et historiques. La puissance diplomatique et l’influence géostratégique passe d’abord par la maitrise des affaires nationales.

Le financement de la campagne médiatique : On prétend que je suis financé par Rebrab, celui-ci n’est-il pas un algérien ? Ne serait-il pas plus judicieux et honnête de se pencher sur les véritables financements des autres campagnes et en particulier celle du clan présidentiel. Où est la transparence du financement des meetings et des festivités organisées à travers l’ensemble du territoire national, quel est la source de leurs dépenses ? Le plus ironique dans l’affaire c’est que l’argent coule à flot alors que la campagne n’est pas encore lancée officiellement. Des moyens colossaux sont déployés : avion, bus, hôtels, terrains de jeux et salles de sport, collation… Notre campagne ne dispose d’aucun argent public, elle bénéficie de dons de particuliers en provenance du peuple algérien. Sans défendre Rebrab, je me pose la question sur leur attitude si Rebrab était partisan de leur clan ? Je vous invite donc à ne pas tomber dans le piège de la diversion. Plus grave que cela est le vol et le détournement de l’argent et des biens publics à des fins partisanes et personnelles.

Les soutiens : le peuple me soutien et j’y crois. Je ne dis pas que la manifestation du 22 février est l’expression d’un soutien en ma faveur, mais elle va dans le sens de ce que j’affiche : ma revendication de rupture converge avec celle du peuple. Pour moi le peuple est la grande force à mobiliser pour changer l’Algérie et il est l’artisan du changement. Ce peuple fait preuve de conscience politique élevée malgré qu’il soit tenu comme chose négligeable par le système.

Les promesses. Je n’ai pas de promesses électorales, comme celles de donner le Paradis aux Algériens, sauf celle de rendre la parole au peuple, de construire la seconde République. Je ne dispose pas de la manne de 1000 milliards de dollars qu’ils ont dilapidée par l’incompétence et la corruption. Avec mille milliard ou mois que cela une gouvernance sensée aurait édifié une seconde Algérie sur deux étages. Je ne dispose pas du sceau de Salomon pour réaliser des miracles, mais du constat de l’épuisement des caisses de l’État annoncé par les gouvernants qui ont recours à la planche à billets. Ce sont ces mêmes gouvernants en faillite qui annoncent la faillite de l’Algérie dans 2 ou 3 ans après l’épuisement des réserves monétaires placés à l’étranger. Le comble est qu’il ne propose aucune solution sauf recourir aux mensonges et aux promesses électoralistes. Je ne suis pas responsable de la faillite puisque ce sont eux qui sont aux commandes politiques, économiques et sociales.

La différence entre moi et ces gouvernants est dans le regard porté sur le peuple. Ils voient le peuple comme des pigeonneaux assistés et rentiers, moi je le vois à l’œuvre producteur de richesses. Les gens et la jeunesse, orientés dans la bonne direction et mobilisés pour la bonne cause, peuvent faire le miracle. Le problème fondamental et récurrent dans nos crises est d’ordre politique et non économique. L’urgence et l’esprit de sens consistent à reconsidéra le peuple algérien et à lui faire confiance en le laissant exercer ses responsabilités. L’habitant de n’importe quel quartier populaire, y compris le plus déshérité, doit se sentir concerné et participer à l’effort collectif de redressement du pays par une parole, un acte, une attitude d’autodétermination populaire.

Il faut juste imaginer la mise en valeur et l’occupation des terres algériennes de l’intérieur et du sud avec les conséquences en matière d’autosuffisance alimentaire et d’exportation. Il faut passer par la libération des forces productives et la mise en place d’un cadre efficient d’orientation populaire. Imaginez le potentiel d’édification rurale et urbaine que le territoire algérien permet et que le travail collectif peut réaliser. L’arrière-pays des Hauts plateaux jusqu’à Tin Zaouatine (située à Tamanrasset à la frontière avec le Mali) offre un gisement unique au monde pour le déploiement et la prospérité des Algériens. Imaginer le maillage de ce vaste pays en termes d’infrastructures et de voies de transport et de communication. Nous pouvons transformer ce pays, nous pouvons agir, il faut libérer les énergies qui vont transformer et réformer. Ceux qui ont la capacité d’apporter des valeurs ajoutées et des compétences qu’ils soient les bienvenus. Il faut mettre fin à cette dualité : le gouvernant qui méprise le peuple, et le peuple qui tourne le dos aux gouvernants en démissionnant.

Que faire en cas d’échec : Je n’envisage pas d’échec, la réussite doit être au rendez-vous pour réaliser la rupture que revendique le peuple. Je compte sur la jeunesse et je l’invite à ne pas avoir peur des intimidations et de la fraude. Si le peuple se mobilise pour voter et surveiller les bureaux de vote, ils ne peuvent pratiquer la fraude massive et confisquer le résultat des urnes ou le nier. Il faut assumer le sacrifice pour des élections transparentes, car l’urne est aujourd’hui la voie et la garantie de l’avenir de nos enfants et le devenir de notre patrie. J’appelle donc à une mobilisation de tous. Nous connaissons la nature de ce régime et la peur le fera reculer lorsqu’il voit que les Algériens sont prêts à défendre leur choix et à faire valoir le résultat des urnes. La balle n’est plus dans le camp du régime, ni dans celui d’un individu, mais dans celui du peuple qui doit prendre l’initiative et s’emparer de l’opportunité historique de se libérer et de devenir maitre de son destin. Que le peuple et la jeunesse assument leurs responsabilités historiques.

Face à la mobilisation populaire, le parti de la minorité ne peut rien oser, ne peut rien faire. Il est contraint de reculer, de se dérober et de perdre la partie. Les 10% ne peuvent ni terroriser ni vaincre les 90%. Hier ils n’ont pas autorisé la manifestation par amour et égard du peuple, mais par contrainte devant la déferlante populaire qu’ils ne peuvent plus arrêter. Ils sentent le Tsunami s’approcher. La manifestation du 22 février est une leçon de civisme et de responsabilité qui ne laisse personne insensible en Algérie et à l’Etranger. L’Algérien a montré sa grandeur d’homme civilisé, son sens des responsabilités et son esprit de dévouement. Ce peuple est capable de faire des miracles, alors arrêtez de le mépriser et de le maintenir dans l’exclusion. La France connait la valeur du peuple algérien et elle sait qu’il est capable de soulever des montagnes lorsque l’histoire exige de lui des sacrifices qu’il donne sans compter. Les Algériens après l’humiliation endurée se sont soulevés et ont assombri le visage de la France contrainte à la fuite.

Les signatures : Malgré la guerre menée contre moi, ma famille, mes proches et ceux qui m’ont soutenu, j’ai obtenu les signatures qui valident ma candidature et je peux donc les affronter sans peur. Les intimidations, les blocages bureaucratiques, les diversions n’ont pas pu me bloquer, c’est donc la première victoire avant la bataille ultime qui nous donnera à moi et au peuple algérien le triomphe pour libérer et édifier la patrie. Le peuple algérien est connu pour son entêtement et lorsqu’il s’entête il entre dans l’arène du combat et livre bataille avec âpreté et détermination pour gagner sans compter les coups et les sacrifices.

Le système : Le système on peut le définir d’une manière scientifique ou l’appréhender selon le sens commun que le peuple lui donne. Le système qui cesse de produire les conditions de sa propre reconduction (reproduction) est un système fini. Toute organisation inapte à garantir les moyens de sa survie est condamnée à disparaître.

Le système algérien, tel que nous l’avons connu, avait, comme tous les systèmes dans le monde, des règles, une idéologie et des acteurs, il disposait aussi d’attributs, de prérogatives et de données, il bénéficiait de cadre organique et de modes de gestion et d’administration, il planifiait des objectifs et définissait un cadre d’orientation, il avait recours à son code de déontologie, il était en phase avec ses input et ses output, il était en prise sur les facteurs internes et externes de son environnement. Indépendamment de notre jugement de valeur favorable ou défavorable, ce système fonctionnait et parvenait à garantir sa survie et à assurer sa reproduction. Il avait sa cohérence et sa logique que nous pouvons ne pas partager, mais il était présent et relativement efficace rendant difficile sa remise en cause ou sa contestation. Cependant ce système pouvait être soumis à l’étude, faire l’objet d’une évaluation et permettre à l’observateur interne ou externe de voir sa trajectoire, d’anticiper sur son devenir et d’entrevoir ses objectifs ou ses cibles. Maintenant c’est fini. Le système actuel est inerte depuis 20 ans.

Depuis 2014, l’inertie et la fin étaient visibles au commun et à l’expert, mais ce système est devenu opaque, stérile et incapable de se renouveler ou d’assurer les conditions de sa survie. Le plus grave c’est que ceux-là même qui étaient incapables de voir et d’annoncer sa fin et de chercher le salut par d’autres formes d’organisation, d’autres acteurs et d’autres idées continuent à réclamer de la pérennité contre le bon sens et contre la marche implacable de l’histoire. Ils veulent conserver le pouvoir alors qu’ils ont perdu les attributs qui font un système ainsi que l’idée et l’organisation qui le régénèrent ou le transforment et l’adaptent au nouvel environnement. Incapable d’assurer sa survie le système entre en crise d’existence. Parfois, faute d’idées et de conditions objectives, le système malade crée des crises pour faire diversion ou pour faire des blocages afin de demeurer au pouvoir alors qu’il n’est plus en situation de gouverner mettant cette fois ci en péril l’existence d’autrui pour donner l’illusion qu’il n’est pas en péril. Il y a un consensus scientifique dans les sciences politiques et sociales pour dire qu’on ne change pas de système par l’adoption d’un autre système en changeant les apparences, ou le discours ou les hommes.

Le changement de système est objectivement inévitable même si cela provoque une crise de coexistence à court ou moyen terme par les interférences entre les partisans du changement et les partisans du statu quo à l’intérieur du système finissant. Rester sans alternative de changement est mortifère pour tout système qui ne produit pas les conditions de son changement, de son évolution ou de son adaptation aux nouvelles données sociales et historiques. La crise algérienne est une crise du système dans le sens où l’Algérie a brisé l’ancien système sans donner naissance à un nouveau système générant ainsi une crise multiformes et étendue. Il n’y a pas d’Etat ou de nation humaine à travers la longue marche de l’humanité qui a émergé ou qui s’est maintenu sans système qui donne vocation, sens, orientation et idéologie. Il ne faut pas comprendre le système comme une donnée subjective ou péjorative, mais comme une réalité qui ne peut exister que dans un cadre, vivant fonctionnel, logique, cohérent et efficace abstraction faite de notre adhésion ou non à ce système. En Algérie le système a pris une dénotation négative, repoussante, car il a mal fonctionné et il n’a pas été changé.

La rupture c’est rompre avec ce système obsolète et mettre en place un autre système avec d’autres acteurs, un autre mode de fonctionnement, une nouvelle idéologie, un autre cadre d’orientation, une cohérence et une logique mieux adaptées à notre cadre d’existence. Le nouveau système a pour socle des mots à qui il faut donner un contenu vivant et un cadre efficace : Démocratie, Citoyenneté, Liberté individuelle, Droits de l’Homme.

La langue amazigh : Pas de surenchères idéologiques ou culturelles. Nous pouvons faire des erreurs et opposer la berbérité à l’Islam ou opposer d’autres aspects de l’identité algérienne. L’Algérianité est une et indivisible : berbérité, islamité et arabité. C’est plus qu’un dénominateur commun, c’est le socle de notre existence, c’est le fondement de la Nation algérienne. Personne n’a le droit de marchander, d’exercer un monopole ou de détruire ce que le peuple algérien considère comme étant ses fondamentaux. L’identité nationale n’est pas un produit marchand négociable, c’est un principe sacré inviolable. Nous sommes des Berbères que l’Islam a arabisés. Point final ! Évitons le sectarisme et l’exclusive. Cultivons ces traits d’union et refusons la désunion et le séparatisme. Sur ce point nous ne devons permettre ni la Ligue arabe ni à autre entité de faire irruption dans notre champ identitaire et fixer ses préférences ou nous imposer une ligne idéologique contraire à ce qui fait notre unité.

La diplomatie algérienne : Il nous faut être logique et cohérent dans nos attitudes et notre raisonnement. Faire partie de la Ligue arabe ne veut pas dire divorce avec notre berbérité. Se revendiquer de l’Africanité ne veut pas dire rompre avec notre cadre méditerranéen. Nous devons refuser la logique de l’exclusion et de l’isolement autarcique. Nous devons être présent là où notre présence est forte, respectable et utile sans concession sur nos principes, nos valeurs et notre identité nationale. Nous devons chercher la coopération et la complémentarité dans des cercles concentriques plus étendus dans lesquels nous devons nous déployer avec efficacité et intelligence. L’Algérie est ici avec le Maghreb et l’Afrique. Si le Pentagone américain a décidé de nous classe sur le plan géostratégique dans la zone du Moyen-Orient et nous situer sur ses cartes dans cette zone pourquoi alors nous exclure de ce que la réalité géographique et historique nous impose ? Ce serait insensé de considérer notre environnement naturel sous un angle étroit ! La responsabilité c’est agir dans le sens de nos intérêts et de se déployer dans le sens de notre influence qui doit dépasser le cercle immédiat. Nous devons raisonner en termes stratégiques de Nation et d’État et ne pas nous confiner dans le sectarisme idéologique ou culturel ou sociogéographique. Là où nous devons être présent par devoir ou par nécessité nous devons l’être en position de force. Nul ne doit nous imposer son existence au détriment de la nôtre ou nous placer dans des strapontins en marge de l’histoire. Notre place est au premier rang. Les places ne se distribuent pas comme une aumône, mais s’arrachent comme la reconnaissance légitime d’un mérite ou une exigence vitale pour exister et influer sur notre environnement maghrébin, africain et international. Pour occuper la place et le rang que nous méritons nous devons avoir un rempart national solide, ce rempart est la démocratie conjuguée à l’unisson gouvernants-gouvernés. Lorsque le peuple donne la légitimité à ses gouvernants sans peur, alors ils peuvent jouer leur rôle sans faiblesse. Avec des arrières fragiles et démobilisés, le front de lutte ne peut conserver un axe de résistance ni tenir une ligne d’offensive. La force est économique, sociale, politique et culturelle avec une fierté identitaire. Ce sont les facteurs de force qui vont imposer le respect et la considération.

Le Conseil constitutionnel : nous avons des convictions républicaines et démocratiques et nous voulons la promotion des institutions d’un Etat de droit, aussi nous espérons que l’actuel Conseil se hisse au niveau des attendus du peuple ; qu’il s’élève au-dessus des luttes partisanes et claniques ; et ne servir que l’Algérie. Sinon cela va conduire à une catastrophe dont les conséquences seront désastreuses.

Le consensus avec les partis politiques d’opposition : Ces partis ont leur cadre organique, leur mode de fonctionnement et leur politique politicienne que je ne partage pas. Je suis candidat indépendant et partisan de la rupture totale sans concession ni compromission. J’appartiens au peuple algérien et je revendique la souveraineté de ce peuple.

La justice

وإِنَّمَـا الأُمَـمُ الأَخْـلاقُ مَا بَقِيَـتْ***فَـإِنْ هُمُ ذَهَبَـتْ أَخْـلاقُهُمْ ذَهَبُـوا ( أحمد شوقي )

Les nations perdurent tant que perdure leur éthique.
Lorsque l’éthique disparait, les nations disparaissent.

Tant que la justice est rendue avec équité et impartialité une Nation peut être sauvée, mais lorsque la justice disparaît c’est l’anéantissement des Nations.

Nous sommes en principe tous innocents jusqu’à preuve du contraire, mais nous devons être tous potentiellement justiciables sans exception, personne ne doit donc être au-dessus des lois et à l’abri par l’impunité. La Justice doit être impartiale, équitable et exécutable pour tous les Algériens. Ce devoir de justice passe par l’indépendance de la Justice par rapport au pouvoir politique et par rapport à l’Exécutif. C’est la nouvelle Constitution débattue et adoptée par le peuple qui donnera les mécanismes et les garanties d’une Justice indépendante. Tout ce chantier de séparation des pouvoirs et de rééquilibrage des pouvoirs fait partie de l’édifice constitutionnel à reconstruire par la participation effective du peuple et par l’exercice plein de sa souveraineté. Ce que le peuple décidera sera !

Omar Mazri

Algérie Rupture

Le changement et l’universel pour l’Algérie

إن الله لا يغير ما بقوم حتى يغيروا ما بأنفسهم، وإذا أراد الله بقوم سوءا فلا مرد له وما لهم من دونه من وال  – الرعد 11.

Dieu ne change rien à la situation d’un peuple tant que les Hommes ne changent pas ce qui est en eux-mêmes. Quand Dieu décide un mal pour un peuple, rien ne peut le repousser et il n’existe en dehors de Lui aucun protecteur.

ذلك بأن الله لم يك مغيرا نعمة أنعمها على قوم حتى يغيروا ما بأنفسهم وأن الله سميع عليم  – الأنفال 53

Dieu ne change rien au bienfait dont Il a gratifié un peuple tant que ces gens ne changent pas ce qui est en eux-mêmes. Dieu, certes, entend tout, Il sait tout. Tel fut le sort des gens de Pharaon et de ceux qui les ont précédés. Ils ont nié les signes de leur Dieu, alors Nous les avons fait périr à cause de leurs péchés et Nous avons englouti les gens de Pharaon : tous étaient iniques.

Il est difficile de trouver le terme exacte pour rendre  plus significative l’Irada al Ilahiha ( الإراضة الإلاهية). Il ne s’agit pas d’élan volontaire, mais de parole actée, de sentence qui sanctionne, de lois qui s’exécutent, de justice qui s’exécute… Acceptons  le verbe décider en attendant meilleure inspiration. Ce n’est pas de la rhétorique (Ilm al Kalam), mais de la rigueur, la même que s’impose un professeur de mathématiques ou de philosophie dans son argumentaire. Ce n’est pas du bavardage, mais de la communication pour dire que nous sommes partisans du changement et de la rupture et que chaque mot devra être analysé avec justesse et que le débat ne puisse être contenu dans une chapelle idéologique aussi éclairée soit-elle. Il s’agit du devenir d’un peuple, celui dont nous sommes issus et celui que nous voulons servir.

Il faut changer ce qui est en l’état d’un peuple pour que Dieu change la situation d’un peuple. Il faut non seulement conserver intact la gratitude envers les bienfaits de Dieu, mais l’entretenir et la cultiver en partageant ses bienfaits avec l’ensemble de Ses créatures, en devenant responsables, refusant la corruption et l’injustice et en produisant de la pensée positive et de l’action efficace.

Comme les gens paresseux aiment des recettes toutes faites et faciles, ils attendent que le changement leur tombe du ciel ou qu’il sorte des urnes. Le changement est d’abord un changement de paradigme, c’est à dire un changement dans la représentation du monde, une manière de voir les choses différemment, un modèle de comportement différent. Il ne s’agit pas d’une formule magique, mais de la capacité de penser, de débattre. Il ne s’agit pas de débattre en politicien ou confiné au politique, mais de débattre sur tout sans tabou, sans exclusion en acceptant de quitter sa zone de confort intellectuel et social.

Le changement dont parle le Coran n’est pas le changement de Zaïm politique ou de marabout idéologique. Il n’est pas dans l’adoption d’une morale islamique confinée à des sociocodes et à des géocodes importés du monde des bédouins pour uniformiser la manière de se vêtir, de manger, d’échanger de petites politesses, de prier sans spiritualité, et de commercer sans transparence et sans payer ses impôts. Cheikh Al Qaradhaoui, prisonnier du paradigme des anciens et de l’idéologie frériste soutient que nous avons besoin de morale islamique comme le pensaient Ibn Thaymiya et tous les anciens traumatisés par la chute de l’Empire Abbasside dont ils n’ont jamais cherché à comprendre le processus sociologique, politique et économique de son anéantissement historique.

Le problème n’est pas de l’ordre de la morale religieuse, mais de l’Éthique comprise comme réflexion (philosophie) qui analyse les principes régulateurs de l’action et du comportement dans une société et dans une époque pour comprendre les motivations et les possibilités du changement ou de la régression. C’est aussi une science sociologique et politique qui étudie la réalité sociale et les conditions économiques et techniques de l’activité humaine pour en dégager les valeurs normatives et les référentiels culturels et idéologiques de la tribu, de la société, de l’État constitué… Il faut noter que le principe relève du sacré transcendant alors que la valeur est l’appropriation subjective et sociale de ce principe à un moment singulier de l’histoire. Le principe est structurant, fédérateur et fondateur alors que la valeur est un paradigme changeant. Le changement exige donc de voir l’essence des choses et leur interprétation à travers l’usage et l’appropriation. Lorsqu’on parle d’Islam, on doit distinguer le principe universel des valeurs historiques, culturelles et sociales. Il en est de même en matière de berbérité, d’arabité, d’algérianité, de liberté, d’humanité, de droit, de justice. Le principe est en quelque sorte l’archétype et la valeur l’interprétation de ce principe dans un territoire, une période, une mentalité, une praxis sociale… Se placer sur le terrain des valeurs c’est se placer sur le conjoncturel historique ou géographique et par conséquent se placer sur les paradigmes du dominant qui dispose de l’avantage médiatique et du rapport des forces. Se placer sur l’éthique, c’est se placer sur les principes universels sans frontières, sans restriction, sans tutelle, sans exclusive ni exclusivité. L’universel réside dans la diversité, la pluralité et la différence au service de la liberté et de la justice.

Le changement est donc un changement de valeur, un changement de paradigme, une refonte de l’Être pensant et agissant.  Changer la manière, la finalité et les méthodes de Croire, Savoir, Désirer, Pouvoir, Vouloir, Devoir et Agir. C’est ainsi que nous pouvons opérer une rupture avec nos limites, nos peurs et nos faiblesses et libérer une dynamique de rupture avec les valeurs acquises et périmées ou viciées. Seule la déconstruction de ces valeurs et de leurs édifices sociologiques, culturels, institutionnels, juridiques et économiques peut faire émerger de nouveau le principe universel commun à tous les hommes, toutes les croyances, toutes les religions, toutes les ethnies. L’acte libérateur et civilisateur en même temps est un témoignage présentiel au monde c’est-à-dire une présence authentique et communicative dans la pensée et l’activité humaine. Cette présence est un témoignage de gratitude c’est-à-dire une anagogie spirituelle et une empathie universelle (harmonie et bienveillance dans le monde). C’est avec cette disposition éthique que les hommes de bien construisent une dynamique de vertu qui terrasse les forces maléfiques.

Notre combat n’est pas pour disposer de quelques strapontins, de quelques miettes ou de quelques mesurettes, mais pour insuffler l’élan libérateur et civilisateur qui est la nature primordiale de l’Homme honoré par Dieu et qu’on appelle la Fitra et que les bigots ont confiné à la religiosité (religion primordiale) faute de se hisser à l’universel. Lorsque le Coran dit qu’Allah est Al-Fater (الفاطر) et qu’il a « initié » (فطر) les Cieux et la Terre, nous devons comprendre aisément qu’Il a doté chaque créature inerte ou vivante avec une nature singulière, diverse et obéissant à des lois objectives d’existence, de mouvement, d’évolution et de finitude. Croire ou ne pas croire ne modifie en rien l’état de la nature, par contre s’en inspirer donne un contenu non seulement spirituel, mais scientifique à notre regard sur le monde pour être plus humble et plus cohérent avec ce qui nous est donné à contempler, ce qui est nous est octroyé comme ressources pour vivre et partager. La nature de toute chose créée est à l’image de la balance : l’équité, la justice, l’équilibre sinon c’est l’entropie. La nature humaine ontologique et sociale n’échappe pas aux lois qui régissent l’universel du Rab Al 3Alamine (رب العالمين).

L’éthique est du domaine de l’intelligence en symbiose avec la spiritualité et en cohérence avec l’action. La morale est le formalisme discursif de l’inertie. L’énoncé coranique sur le changement ne s’adresse pas à des inerties ontologiques ou sociales, mais à des forces en mouvement en quête de progrès, de vérité, de justice et de beauté. A titre d’exemples, toutes les morales, religieuses, athées, ou agnostique, condamnent le mensonge, le vol, la corruption, le faux témoignage, l’abus de confiance, le viol, l’usurpation, la falsification. Ce sont des sermons de circonstances, des routines verbales qui ne s’impriment ni dans les consciences ni dans les pratiques sociales. L’éthique en tant qu’ingénierie sociale, juridique et économique va aller au-delà de la notion de bien ou de mal et de celle de Haram ou Halal pour étudier les circonstances du crime ou de la faute, comprendre les mécanismes psychologiques du criminel ou du délinquant, dérouler les mécanismes socio-économiques qui produisent et alimentent les crimes et délits non seulement pour les réprimer, mais pour les empêcher en promouvant d’autres pratiques ou en exigeant plus de transparence. Bien entendu la meilleure garantie est l’éducation qui donne le sens du beau et du laid, du bien et du mal, du juste et du faux. Il ne s’agit pas de remplir la tête des enfants de hadiths hors de leur contexte ou d’instruction civiques glorifiant le chauvinisme national et religieux. Quand on parle d’éducation, on parle d’ingénierie pédagogique et didactique. Il est illusoire d’amener l’enfant ou l’adolescent à bien s’éduquer avec des programmes surchargés et des livres mal faits qui fatiguent visuellement le regard et distraient l’attention. On devrait éduquer l’enfant comme un être libre et reconnaitre son droit à la différence, comme un être responsable à qui nous offrons au sens étymologique de la pédagogie un terrain à chaque fois plus fertile et plus grand pour son développent et son épanouissement. Nous pouvons dire la même chose sur la religion, la culture, les arts, l’urbanisme, la politique.

Les termes قيّم اخلاق (moralité, valeurs morales et morale) sont absents de la terminologie coranique du changement pour signifier que le changement n’est pas d’ordre bigot, mais un processus global, complexe qui demande une expertise, une ingénierie et une réalisation exigeant l’effort de tous, dans les registres ontologiques et dans tous les domaines d’activité. On ne peut pas être de bonne moralité dans la Mosquée et un tyran pour sa femme, ses enfants ou ses administrés. On ne peut pas être un dévot la nuit et un commerçant escroc ou un fonctionnaire véreux le jour. La société plurielle a ses escrocs, ses tyrans et ses névrosés, mais l’Éthique sociale et politique les empêche de nuire ou de demeurer impunis.  L’imam qui lit ses prêches ne fait que discourir sur des réalités d’une époque révolue et il n’a aucune influence sur la mentalité collective. Il les occupe un moment et leur vend des fantasmes à valeur de monnaie de singe, car il n’a ni connaissance ni prise sur la réalité du monde. Le changement est une affaire d’abord sociale (prise de conscience de la laideur et de l’oppression) et intellectuelle (pédagogie politique et philosophique) puis politique et institutionnelle (État) pour donner forme et consistance au désir collectif de changement.

En se focalisant sur la morale religieuse, sur la morale révolutionnaire et sur la morale libérale, la majorité des intellectuels n’ont pas vu comment le sionisme et le satanisme se sont appropriés les mots, les ont galvaudés puis les ont investis d’une mission de subversion idéologique et militaire contre les peuples. C’est ainsi que les notions de démocratie, de droits de l’homme, de peuple, de liberté, de progrès, d’humanitaire et d’égalité sont devenus des instruments de domination politique, de perversion morale et de manipulation médiatique. Le mot peuple est devenu une abstraction qui occulte l’humanité dans chaque individu, qui nie sa différence et en fait une entité à la fois indifférenciée par les tutelles et indifférente à ce qui l’opprime.  Derrière chaque mot, chaque idée, chaque projet et chaque concept nous devons trouver le contenu véhiculé et la finalité visée. L’universel est confiné à l’idéal sioniste raciste ou à l’idéal du bourgeois occidental décadent, immoral et avide.

Partout c’est le règne de la médiocrité et de la méchanceté qui se réclament des valeurs universelles c’est-à-dire de leurs représentations de la réalité ajustée à leurs appétits et à leur nuisance. En Algérie, les partis déliquescents et non représentatifs du peuple se mobilisent pour soutenir un sénile moribond en affichant les règles de leur partis fantoches : « القيم التي أنشا لأجلها ». Ils ont grandi dans une culture de narcissisme pervers qui leur masque la réalité et la vérité et les autorise impunément à mépriser l’intelligence et à humilier l’humain. La perversion narcissique va les conduire à l’effondrement après avoir commis d’autres crimes et d’autres monstruosités.

Nous aurons l’occasion de revenir, dans de prochains articles, sur les formes de l’oppression sociale, culturelle, idéologique, économique, car la question de la liberté et de la justice comme celle du changement ne peuvent se résumer au seul domaine politique. Nous reviendrons sur les formes post modernes à donner à l’État, à la démocratie et à la République.

Le changement comme la civilisation se réalise par la conjugaison des conditions subjectives et objectives. Le principal levier subjectif est l’âme d’un peuple. Un peuple vivant n’est pas une catégorie abstraite et inerte, mais un désir collectif, c’est-à-dire une volonté consciente, un imaginaire et un mouvement vers ce qu’il aime et ce dont il a besoin. Tout homme est originellement épris de sa liberté, de sa dignité et naturellement porté par sa quête de reconnaissance, de légitimité, de progrès, de responsabilité, de perfection. Les conditions objectives relèvent des circonstances historiques, du savoir, de l’ingénierie (c’est-à-dire de la technologie intellectuelle et organisationnelle) pour s’adapter et évoluer. C’est l’ingénierie qui rassemble les hommes compétents et mobilise les outils les plus efficaces. Sur ce terrain nul ne put faire l’économie de l’homme local ou se contenter d’importer des solutions du passé ou des voisins. L’État et l’homme d’État doivent justement apporter les garanties et les mécanismes tant politico-économiques que juridico-institutionnel pour que les conditions morales (subjectives) et matérielles (objectives) de la rupture avec ce qui s’oppose à la promotion de l’Homme puissent être réunies, respectées et améliorées avec efficacité et durabilité. Quelle que soit la manière de poser le problème ou de choisir la solution nous n’avons qu’une seule méthode et une seule voie : produire de la pensée avec la finalité de libération de l’homme de toute forme d’oppression y compris de l’oppression religieuse.

Les Algériens devraient choisir avec conscience le candidat qui peut provoquer la rupture. Ce candidat seul et isolé du peuple ne peut rien faire pour se hisser à son destin historique ni faire face à l’Étranger menaçant. La Syrie, hier, et le Venezuela, aujourd’hui, montrent qu’il faut redouter le pire et s’y préparer. Voilà pourquoi ces élections sont capitales pour nous.

Ceux qui veulent maintenir le statuquo et ceux qui ne s’engagent en faveur du changement vont porter la responsabilité de l’effondrement qui obéît à une loi universelle imparable et immuable :

{وإن من قرية، إلا نحن مهلكوها قبل يوم القيامة و مذبوها عذابا شديدا، كان ذلك في الكتاب مسطورا}. الإسراء 58.

Il n’est pas de Qaria que Nous ne détruirons avant le Jour de la Résurrection ou que Nous ne châtierons d’un châtiment sévère. C’est là un arrêt consigné dans le Livre.

{وكأين من قرية أمليت لها وهي ظالمة ثم أخذتها وإلي المصير}. الحج 48.

Combien de Qaria n’avons-Nous pas octroyé de l’abondance, mais elles étaient iniques (tyranniques). Nous les avons anéantis : elles sont maintenant désertes et ruinées. Que de puits sont abandonnés et de palais écroulés ! Ne parcourent-ils pas la terre ? N’ont-ils pas des intelligences avec lesquels comprendre et des oreilles avec lesquelles entendre ? Mais, en vérité, ce ne sont pas les yeux qui sont aveugles ; ce sont les entendements, sis dans les cranes, qui sont aveugles.

إِذَا أَرَدْنَا أَن نُّهْلِكَ قَرْيَةً أَمَرْنَا مُتْرَفِيهَا فَفَسَقُوا فِيهَا فَحَقَّ عَلَيْهَا الْقَوْلُ فَدَمَّرْنَاهَا تَدْمِيرًا –   الإسراء (16)

Nous n’avons jamais châtié un peuple avant de lui avoir préalablement envoyé un Messager (Avertisseur). Et quand Nous décidons d’anéantir une Qaria, Nous laissons les tenants de l’ordre inique se multiplier puis systématiser l’outrance. Alors la Parole prononcée contre elle se réalise, et Nous la détruisons totalement.

Nous avons l’habitude de présenter la recherche lexicale, sémantique et contextuelle par laquelle nous faisons la traduction et l’interprétation souvent en rupture avec l’orientalisme, l’islamologie officielle et le tafsir traditionnel des Anciens. Nous allons nous contenter de souligner quelques mots : Al-Kitab (لكتاب) « Qarya (قرية), Ammara (أمّر) et Moutrafoun (مثرفون), Dine Allah (دين الله), Qawm (قوم), Mouminines (الْمُؤْمِنِينَ) et Kafirine (الْكَافِرِينَ), Jahad (جهد), Al Hobb, l’Amour (الحب) Fassaqou (فَفَسَقُوا), Al-Kitab (لكتاب) difficiles à traduire sauf d’utiliser des périphrases. Derrière l’interprétation erronée des mots, il y a souvent des non-sens et des paradoxes inconciliables entre l’appel à la foi et l’appel au progrès et à la séparation de l’État et de la religion (nous reviendrons une autre fois sur la place du religieux dans l’édification de l’État de droit).

Ce sont des concepts qui expliquent des phénomènes complexes et qui invitent à méditer la dimension historique d’un événement et les lois sociologiques qui le gouvernement. Hors de la métaphysique ou de l’eschatologie, nous pouvons tous, croyants ou agnostiques, nous pencher sur le processus d’effondrement d’une civilisation et d’une nation ou de la disparition d’un peuple de la surface de la Terre.

Al-Kitab (لكتاب) ce sont les lois qui gouvernent l’existence et l’anéantissement et qui s’accomplissent selon les conditions et les possibilités que Dieu connait et qu’Il nous invite à découvrir. Parler de Livre, c’est réduire la Parole de Dieu à n’être qu’un Verbe alors qu’elle est Acte qui s’accomplit en toute justice et qui se déroule parfaitement. Le nombre incalculable de possibilités est plus impressionnant que l’exécution d’un décret ou d’un destin. La part de liberté humaine est en conséquence plus grande et plus responsable qu’un destin aveugle ou arbitraire.

« Qarya (قرية) n’est ni la cité ni le village ni la ville, c’est une entité humaine formant un pays ou un royaume qui a perdu les conditions morales et matérielles de la Civilisation par la domination systématique de l’injustice et du monopole. Elle s’oppose à la Madina (مدينة) qui exerce le pluralisme et la liberté sur tous les plans actanciels et sur tous les registres ontologiques. La Qarya porte en elle les germes de son anéantissement, Halak (هلاك) alors que la Madina porte en elle les ferments de la prospérité et du développement. Le Halak est la destruction totale, l’effacement de l’histoire humaine, l’éradication de l’existence sans espoir de retour. C’est ce qui nous attend si nous persistons dans l’aveuglement et la tutelle arbitraire et sans fondement. Il ne s’agit pas d’une question de foi ou de religiosité, mais soit du positionnement par rapport à l’universel (principes) sinon par rapport à l’utilité sociale ou anthropologique (développement économique, raffinement artistique, et progrès sur le plan éthique et scientifique). Celui qui est nuisible au genre humain et à l’environnement écologique mettant en péril l’existence du vivant est condamné à disparaitre. Sa disparition prendra toutes les formes possibles : guerre, cataclysme, effondrement social et économique. L’archéologie et l’anthropologie sociale montrent la loi de l’anéantissement des cités et des civilisations.

Moutrafoun (مثرفون) ne sont pas les riches opulents et ostentatoires ou la classe possédante comme il est admis dans le marxisme, mais les tenants du système idéologique, économique et politique de la Qarya. Ce sont les partisans de la rente, du privilège, de l’immobilisme, du monopole, de l’exclusion.  Les opprimés et les pauvres qui se soumettent à l’ordre établi inique font partie des Moutafroun et sont destinés à connaitre la même fin dans ce monde et la même punition dans l’autre monde, car ils se sont fait du tort en leur qualité de créature ingrate et démissionnaire de l’Honorificat originel qui a octroyé à l’Homme la parole, l’intelligence, la liberté, la responsabilité, la conscience, le sens éthique et esthétique… Leur situation est plus laide que celle de leur oppresseur qui peut trouver une excuse mondaine par la quête de jouissance et de puissance. La faiblesse de l’opprimé n’est pas une excuse pour sa lâcheté et sa soumission servile. L’opprimé, vaincu ou faible, mais qui ne se soumet pas à l’ordre inique au minimum par le cœur et la conscience, même s’il ne se soulève pas faute de courage ou de moyens, sera anéanti avec les autres, mais il sera racheté le Jour du Jugement dernier pour l’humanité qu’il a su conserver par son refus de l’arbitraire.  L’insouciant et le paresseux qui s’accommode de l’injustice et de la rente sans désirer s’émanciper et sans tenter d’exercer son devoir d’être socialement utile est coupable sur le plan éthique. Le Prophète nous a légué une sentence qui trouve tout son sens dans nos contrées :

« Le perdant (le perdu) est celui qui a troqué sa vie future pour la vie mondaine, le pire des perdants (perdus) est celui qui a troqué sa vie future pour la vie mondaine des autres ».

Ammara (أمّر) : Il ne s’agit pas de croire que Dieu donne aux Moutrafoune le pouvoir de répandre la perversion ou qu’il ordonne de commettre des turpitudes, mais il nous indique le processus socio-historique de ce que la pensée marxiste appelle la « reproduction élargie » c’est-à-dire la reconduction à plus grande échelle et à plus grande intensité de l’appropriation illégitime par les pratiques socio-économiques malsaines et arbitraires. Il nous indique le processus de « la spirale infernale du désir » qui provoque la violence politique et sociale que l’anthropologue René Girard a décrit dans les mécanismes de la rivalité mimétique entre les tenants de l’ordre et les aspirants aux acquis de la bourgeoisie, aux comportements outranciers et aux signes ostensibles d’opulence.

Le Coran, l’histoire des civilisations et la loi de l’évolution humaine nous montrent que le devenir peut se conjuguer à l’espoir s’il y a rupture avec la laideur, l’immobilisme et la méchanceté :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا مَن يَرْتَدَّ مِنكُمْ عَن دِينِهِ فَسَوْفَ يَأْتِي اللَّهُ بِقَوْمٍ يُحِبُّهُمْ وَيُحِبُّونَهُ أَذِلَّةٍ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ أَعِزَّةٍ عَلَى الْكَافِرِينَ يُجَاهِدُونَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ وَلَا يَخَافُونَ لَوْمَةَ لَائِمٍ ۚ ذَٰلِكَ فَضْلُ اللَّهِ يُؤْتِيهِ مَن يَشَاءُ ۚ وَاللَّهُ وَاسِعٌ عَلِيمٌ   المائدة: 54

Cet énoncé sublime a été vidé de sa signification et il faut redonner aux mots leur sens dans leur contexte et dans l’élan spirituel et libérateur qui les sous-tend :

Dine Allah (دين الله) n’est pas la religion ou la confession au sens strict, mais l’éthique de Dieu, c’est-à-dire l’ensemble de ses Attributs de divinité donnés à notre libre arbitre comme prescriptions à suivre ou à ne pas suivre, mais aussi des principes universels imposés par la Souveraineté de Dieu à notre nature originelle ainsi qu’à la totalité de ce à qui Il a donné existence.

Qawm (قوم) ne désigne pas les gens ou un peuple au sens commun, mais un territoire, une unité d’orientation, une unité linguistique, des ressources partagées et des principes communs. Ce Qawm est le peuple qui a vocation à se libérer de l’oppression et à libérer les opprimés, à se civiliser et à civiliser. Son fondement est la Madina. Si la Madina entre en décadence et devient Qaria, les hommes redeviennent des peuplades, des tribus, des errants, des tubes digestifs, des moelles épinières, des végétatifs…. L’inverse se produit lorsque les hommes se fédèrent et luttent pour des principes universels dont celui de la liberté de croire ou de ne pas croire, du partage des richesses équitablement et du triomphe de la justice sur l’arbitraire. Al Qawmiya comprise comme nationalisme en référence à l’État-nation occidental est une limitation symbolique et une réduction sémantique. Il ne s’agit pas d’afficher notre islamité, mais l’importance des concepts et du rôle fédérateur des concepts dans l’édification d’une Algérie estropiée par l’injustice, mais aussi par l’importation de concepts fabriqués par notre colonisateur dans nos géographies et nos mentalités. La rupture civilisationnelle doit être totale et sans concessions.

Jahad (جهد), c’est faire effort sur soi et lutter contre l’ennemi du Dine Allah c’est-à-dire lutter contre ceux qui s’opposent à la liberté, à la justice, à la miséricorde, à l’équité qui sont les Attributs de Dieu. L’homme est créature honorée et responsable par les attributs qu’il partage avec Dieu. Le seul Attribut qui est sans doute la nature de L’Être divin plus qu’un attribut est d’Être, sans existence, immuable, immortel, parfait, suffisant, totalement libre et absolument souverain.

Les termes de Mouminines (الْمُؤْمِنِينَ) et Kafirine (الْكَافِرِينَ) ne doivent pas être lus au sens de dévotion, de foi en Dieu ou de croyance. Allah (swt) n’a pas besoin de notre foi ou de notre mécréance, ni de notre soumission ou liberté pour rendre le combat de nature religieuse ou faire de l’homme un formalisme dogmatique. Il s’agit de la foi en l’Islam restauré, c’est-à-dire la conformité au Dine d’Allah que personne ne peut s’approprier ni utiliser à des fins politiciennes, ni interpréter comme sa vérité absolue autocratique. Le Dine Allah, c’est la liberté de croire ainsi que la réunion des conditions morales et matérielles pour libérer l’homme de l’idolâtrie et de la servitude qui sont une atteinte à la dignité humaine. Ces conditions d’ordre éthiques, juridique et institutionnel sont à la charge de l’Homme, de tous les hommes épris de bien, de liberté et de justice. Le bien, la liberté et la justice ne peuvent être confinés à un pays ou à une doctrine. Ils sont le patrimoine humain que chaque génération et sur toute géographie doit protéger et préserver. La vie sur terre sera toujours une confrontation entre Hizb Allah et Hizb as Chaytane, les uns symbolisant les attributs de Dieu et les autres ceux de Satan. Quiconque revendique ou exerce une domination arbitraire ou un pouvoir absolu est hors du cadre divin. Ici-bas, notre responsabilité est collective, là-bas, la responsabilité est individuelle. Dans ce monde nous récoltons ce que nous avons semé ensemble comme groupement humain vivant sur un territoire donné, à une époque donnée avec les ressources données. Ici-bas où bien le triomphe de la Justice de la Madina ou le chaos de la Qaria. Là-bas chacun sera son propre défenseur et son propre accusateur selon la responsabilité individuelle et les moyens dont il disposé ici-bas.

Fassaqou (فَفَسَقُوا ) est souvent présenté comme la pratique de la perversion morale (sexualité, luxure et autres vices). Toutes les sociétés ne sont pas parfaites et connaissent donc des périodes de vertu et des périodes de vice selon les conditions éthiques, sociales et économiques. La vertu n’est pas le propre du religieux et le vice n’est pas aussi le propre du non religieux.  Ainsi l’alcool, la drogue, la prostitution peuvent se développer sur un terrain de pauvreté, de frustration comme ils peuvent se développer dans des cercles opulents et oisifs en quête de nouvelle sensation même s’ils affichent la vertu comme façade sociale. Ce n’est cela qui met en péril l’existence sociale voire l’existence territoriale. Le péril est le Foussouq (الفسوق) compris comme pratique outrancière, exagération, excès, dépassement des limites. L’outrance est souvent dans l’accaparement illégitime et illégal du licite.

L’outrance est dans le monopole qui détruit la propriété individuelle et s’approprie les fruits d’autrui. Il est dans la rente, dans le gaspillage des ressources, dans la dilapidation des biens publics. A titre d’exemple, une société qui ne produit ni biens ni services ni savoir, mais qui vit au-dessus de ses moyens, qui répartit mal ses revenus, qui ne pratique que le négoce, qui imprime ses billets sans contrepartie de productivité de travail est une société outrancière qui va aller à sa ruine. L’outrance c’est persister dans l’extrême sans désir ni prise de conscience de la nécessité de réformer mutandis mutandis ce qui doit l’être sans attendre et sans se tromper de chemin ou de méthode.  La phase finale est lorsque le Messager, qui peut être l’éducateur, l’honnête homme ou le militant politique, avertit, mais que le regard social ou institutionnel ignore le message et continue de ne pas voir la ruine, ne pas entendre les bruits de l’effondrement. Le Foussouq c’est aussi l’entêtement à demeurer dans la transgression jusqu’à l’élimination de ceux qui refusent le dépassement des limites. L’entêtement est diabolique par son aspect narcissique et pervers qui refuse l’autre et fait tout pour le démolir croyant qu’il est le meilleur, le pur :

وَمِنَ ٱلنَّاسِ مَن يُعْجِبُكَ قَوْلُهُ فِي ٱلْحَيَٰوةِ ٱلدُّنْيَا وَيُشْهِدُ ٱللَّهَ عَلَىٰ مَا فِي قَلْبِهِ وَهُوَ أَلَدُّ ٱلْخِصَامِ

Parmi les gens, il y a celui dont le discours te plait lorsqu’il parle de la vie de ce monde. Il prend Dieu à témoin de ce que contient son cœur ; mais c’est le plus acharné des querelleurs. Dès qu’il te tourne le dos, il s’en va dans le pays pour y semer la corruption et détruire les récoltes et le bétail alors qu’Allah n’aime pas la corruption. Lorsqu’on lui dit :  » Prends garde à Dieu ! « , la superbe s’empare de lui et le pousse au péché. Ne lui suffit que la Géhenne : quel détestable lit de repos !

C’est dans cette insouciance générale que la loi de l’effondrement des civilisations s’accomplit. Ni le FMI, ni la Banque mondiale, ni le modèle démocratique occidental ne seront d’un quelconque secours, surtout en cette période qui annonce la fin des mythes et des utopies. Nietzche disait que « L’histoire ne s’écrit pas toujours à coup de cataclysme », car l’Homme poussé par son instinct de survie peut faire l’effort surhumain et sortir de l’abime. Dieu accorde toujours Sa Miséricorde à celui qui fait amende honorable. Il ne s’agit pas d’un comportement de bigoterie, mais d’un acte de Libération- Civilisation. On ne construit pas une civilisation, alors qu’on est privé de liberté, on ne se libère pas pour changer de maitre, mais pour un idéal de liberté et de justice c’est à dire pour un projet de civilisation.  La civilisation est un long chemin, souvent il est emprunté comme voie de salut.  Nous sommes dans cette alternative : sombrer ou se sauver par notre libre arbitre.

Al Hobb, l’Amour (الحب) ne signifie ni l’idolâtrie aveugle, ni la soumission dogmatique, ni une représentation anthropomorphique de Dieu. Il est incompatible avec l’idée que l’amour partagé, du fait de la dévotion, garantisse au dévot la détention de la vérité, la vision lucide de la réalité, ni l’idée de triompher en improvisant ou en vivant l’insouciance de la béatitude. Le contexte des versets et le sens des mots montrent qu’il s’agit de graines qui germent et qui montent vers le haut. Il s’agit de l’élan spirituel, de ce que Malek Bennabi appelle l’aspiration psycho-temporelle. Il s’agit en termes modernes d’anagogie et d’empathie universelle : répondre au bien et au beau et se mettre à disposition du vrai et du juste. La génération des libérateurs civilisateurs n’est pas une génération ex-nihilo, mais un édifice qui se construit, se consolide et s’exprime d’une manière visible et évidente comme les paraboles coraniques de l’arbre ou de l’épi de blé. C’est l’engagement solennel et efficace de faire le bien, de rendre justice, de dire la vérité, de témoigner avec preuves authentiques. Il s’agit de faire fusion avec les attributs divins jusqu’à devenir l’instrument de Sa Miséricorde. Nous devons nous interdire de dire que nous sommes l’instrument de Sa Puissance ou de Sa Justice, car nous prendrons le chemin de l’égarement et de la dérive démiurge. Notre voie est celle de l’universel que partage tous les hommes.

C’est l’engagement sur le respect de l’universel qui fera de nous un peuple civilisateur et une nation civilisée ou une horde de barbares qui, par complaisance à Rome et avidité du butin, a détruit Carthage et chassé Hannibal. Ce n’est pas de l’histoire ancienne : Libéraux, progressistes, islamistes, nous avons, hormis quelques hommes lucides, donné notre caution à l’OTAN pour détruire la Libye qui est sur le plan de la grammaire des civilisations notre profondeur stratégique du point de vue historique, géographique, économique et mental… Notre risquons de cautionner la destruction de notre pays.

Parler de changement et d’universel c’est s’engager pour la rupture la plus crédible.

Omar Mazri

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
  • Aimer : la voie coranique
  • Les dix commandements US et le dilemme Arabe
  • Béni soit-il ?
  • Dine ou religion ?
  • Révolution arabe : mythe ou mystique ?
  • Gaza : La bataille du Forqane
  • Islamophobie : Deus Machina
  • Coûts de production : méthodologie d’analyse
  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
  • Economie et post-Modernité
  • Didacticiel mathématiques : niveau brevet et CAP
  • Didacticiel anatomie dynamique du vivant

Publications numériques :

  • 250 articles sur le site libération des opprimés
  • 160 articles sur le site Justice et Vérité (site fermé)

En cours d’édition :

  • Abel et Caïn :  mobile du crime et psychologie de l’assassin.
  • Territoire de civilisation ou Etat islamique ?

 

La bureaucratie, la rente et le changement

Nous n’allons pas gloser (critiquer ou commenter de manière malveillante quelqu’un ou sa conduite) sur l’appel et le soutien de Ouyahia à la candidature d’un homme, aussi historique ou noble qu’on veuille ou qu’on puisse l’admettre, frappé à l’évidence d’incapacité à gouverner par l’âge, la maladie et le cumul anticonstitutionnel des mandats. Nous allons être brefs et souligner la mauvaise gouvernance de l’exécutif algérien sur un dossier pris au hasard. Par exemple le dossier des importations.

La manne financière étant tributaire du cours des hydrocarbures, l’exécutif faute de politique économique et de compétence à réformer, ajuste les transactions internationales par décision administrative, sans prise réelle et compétence sur les lois de l’économie et du marché. Une fois, on ouvre le robinet des importations, une autre fois on le ferme, administrant les pénuries et les rentes, continuant les politiques qui ont conduit à la dépréciation de la monnaie algérienne, au marasme économique et à l’achat de la paix sociale par corruption déguisée.

Les partisans de l’économie administrée et de la rente ne peuvent opérer une rupture avec la mentalité de monopole et de tutelle sur la pensée et la pratique sociale, politique et économique.

Dans une économie de marché, de transparence des prix et de régularité des transactions, l’importateur est un agent économique qui agit dans le cadre suivant :

  • Prise de risque
  • Concurrence
  • Esprit d’entreprise
  • Gains et rémunérations en contrepartie de l’effort réel (productivité du travail et valeur réelle produite par l’activité compétente du commerçant, de l’importateur, du distributeur qui se font payer leur prestation effective et leur compétence réelle sur le marché d’échange des biens et des services
  • Transparence et vérité des prix
  • Absence de Dol et de fardage
  • Toute sanction doit être prononcée par un juge et relever du code du commerce
  • Toute autorisation doit être accordée par le tribunal de commerce et conformément aux lois et règlements
  • Tout financement doit se faire sur les fonds propres du commerçant qui peut disposer de crédits bancaires ou de crédits fournisseurs. Les organes bancaires, normalement, vérifient la solvabilité, la transparence et la légalité de leurs clients.
  • S’acquitter des taxes douanières et des impôts.

L’Etat moderne n’est ni épicier, ni comptoir commercial ni administrateur des transactions : il met le cadre juridique et fait contrôler par des agents assermentés la fraude, la qualité et les prix, et bien entendu, il régule par la fiscalité et la redistribution des revenus afin de relancer la production nationale et protéger les faibles revenus.

Au lieu de limiter les importations à 800 produits, un gouvernant responsable et compétent, en rupture avec la rente et les privilèges occultes, aurait ouvert le marché à tous les Algériens pour instaurer une véritable concurrence, donner légitimité à l’appropriation et à l’enrichissement par la légalité, la non exclusivité et le refus d’exclusive ou d’exclusion.

Bien entendu, les mesures de relance de l’économie nationale ne sont pas prises. Bien entendu, on continue de pratiquer la rente de l’emploi jeune, gaspilleur d’argent et incitateur à la paresse et aux combines. Les gisements d’emploi en termes de coopératives et avec des microcrédits pour rendre fluide, concurrentiel et efficace les circuits de distribution ne sont jamais étudiés et favorisés. On préfère administrer l’économie, protéger les « milieux d’affaires » issus de la pénurie et adossés au non droit et aux clans « boulitiques ». Dans la même voie d’inepties économiques, financières, juridiques et commerciales, on laisse le marché aux mains de l’économie informelle et des monopoles. A titre d’exemple, et cela n’existe qu’en Algérie, à la Foire internationale d’Alger, vous ne trouvez aucune maison mère étrangère, mais des distributeurs algériens. Le comble de l’ironie, c’est que vous trouvez des grandes marques étrangères présentes sur trois ou quatre stands, comme si la culture occidentale est de se mettre en rivalité avec soi-même.

Chaque algérien devrait avoir le droit et les moyens de réaliser une ambition commerciale et économique s’il a les compétences requises et s’il œuvre dans la transparence et la concurrence.

On peut faire appel à Bouteflika pour un millième mandat et une millième rente, la réalité ne peut être masquée : aucun concessionnaire sérieux qui met son argent, son organisation et son savoir-faire dans une activité commerciale n’est réellement présent en Algérie pour exercer son métier comme il le fait en Europe ou aux Etats-Unis. Il accepte de présenter une vitrine qui ne sied pas à son image de marque et de cautionner des « dépositaires et des distributeurs » pourvu qu’il prenne une part de la rente. Il faut juste voir le marché de l’automobile et l’industrie mécanique. En 1962 Berliet, Citroën et Renault produisait des véhicules ; dans les années 70 et 80 SONACOME produisait des engrenages mécaniques complexes, de pièces de forge et remportait le prix Paris Dakar sur le camion en projet de fabrication nationale avec un partenariat allemand. Nous sommes revenus à la situation précoloniale…

La rente et l’intimidation ont transformé les organisations syndicales en grandes muettes. Les professeurs d’université, les imams, les médecins n’élèvent la voix que pour demander des avantages matériels. Les conditions sanitaires, pédagogiques et sociales du peuple sont méprisées et occultées. Voilà le système réalisé par la bureaucratie algérienne. Ils nous ont inculqué la culture de la préférence étrangère. Les éveillés doivent voir comment les pays démocratiques soutiennent les soulèvements contre les élections. Ils ne doivent pas perdre de vue que ces pays sont les parrains de nos élites, les corrupteurs de notre économie et les artisans du désordre mondial et que cela est en train de se retourner contre eux, dans leurs propres pays. Nos élites ont peur, parce qu’ils ressentent comme des reptiliens qu’il n’y a plus de refuge pour eux. Contrer les forces occultes, des forces sont en train d’agir et saper ce qui met en péril le devenir de l’humain.

Ouyahia ne nous affiche pas son soutien à Bouteflika et son refus de la rupture pour des raisons que personne n’ignore et que la décence doit taire, mais il annonce l’effondrement de l’Algérie. Imbu de leur suffisance et de leur incompétence, ils ne parviennent pas à voir qu’ils sont la risée du monde et qu’ils vont entrer dans le néant où il n’y a pas de retour en arrière. On peut mourir et ressusciter (dans cette vie après un coma ou dans l’autre vie après le Hashr), mais l’anéantissement (Al Halak) c’est l’exclusion totale et définitive de l’existence…

L’effondrement ne doit pas faire peur, car le peuple algérien n’est pas condamné par une fatalité absurde à devenir néant à cause des insensés qui le gouvernent. Il a survécu au colonialisme et à la décennie rouge et noire, il peut résister à d’autres catastrophes. Ceux qui seront sacrifiés seront portés au compte des pertes et profits de l’Histoire, les autres relèveront les défis historiques s’ils ne veulent pas rejoindre le déchet humain (al Wahn).

Le candidat de la rupture ne doit pas se contenter de dire que la crise est politique, car les dictatures économiques, culturelles et sociales sont plus perverses et plus durables. L’économique et la justice (sociale et judiciaire) doivent être remis à l’ordre du jour sur le plan pédagogique et sur le plan de l’engagement politique. Pour l’instant et depuis l’indépendance, l’économique est sous la tutelle de l’administration : cette pratique est le summum de l’arbitraire et de l’oppression. Boumediene a certes construit des usines et réalisé des plans quinquennaux, mais il a détruit l’homme. Al Mounadil de 1954 s’est transformé en vassal de 1967, les organes militaires, judiciaires et sécuritaires se sont transformés en instruments de domination et en agents du pouvoir. L’ANP a été expurgée de son encadrement et de sa doctrine ALN. Le FLN est devenu un appareil d’applaudissement et d’opportunisme.  Les structures qu’il a laissées ont fait émerger des appareils administratifs à la française et un jacobinisme bureaucratique qui ont écrasé le peuple algérien, lui confisquant ses libertés et son esprit d’initiative. L’Algérien non seulement n’est pas allé au paradis le ventre repu, mais il a oublié l’idée même de paradis. On ne peut pas construire l’Algérie sans les Algériens, ni la liberté sans la libération, ni le progrès sans effort laborieux récompensé. Les « Industries industrialisantes » du français De Bernis restaient une importation. Un peuple qui aspire à la pérennité et à la civilisation doit pouvoir produire et exporter ses idées. La meilleure idée que nous pouvions exporter et faire rayonner dans le monde était le capital de sympathie pour la Révolution algérienne. Nous lui avons préféré la clé en mains et la préférence étrangère qui a permis l’émergence de ces élites calamiteuses. L’Algérie avait besoin de militants de la cause nationale, on lui a donné les Énarques à l’image de l’ENA française qui savent réciter les formalises appris dans les écoles, mais incapables de formaliser une solution ou de tenir un engagement.

Une élection n’est donc pas la garantie nécessaire et suffisante pour mettre fin à l’arbitraire et à l’oppression. Il faut changer ce qui est en l’état d’un peuple pour que Dieu change la situation d’un peuple. Les gens aiment des recettes toutes faites pour le changement alors que celui-ci est d’abord un changement de paradigme, c’est à dire un changement dans la représentation du monde, une manière de voir les choses différemment, un modèle de comportement différent. Il ne s’agit pas d’une formule magique, mais de la capacité de penser, de débattre. Il ne s’agit pas de débattre en politicien ou confiné au politique, mais de débattre sur tout et quitter sa zone de confort intellectuel. La Renaissance européenne s’est faite sur une accumulation d’idées dans les arts, la philosophie, les savoirs. La Nahda musulmane n’a pas pu aboutir, car elle n’a fait que plagier le modèle occidental sans disposer de la quête de liberté de l’Occident et du désir de progrès. Elle ne pouvait qu’être un avortement idéologique et méthodologique, car elle ne s’est pas libérée des schémas mentaux de la décadence musulmane. L’action politique ou partisane n’est que l’étincelle d’une bougie d’allumage, mais l’ambiance sociale, culturelle, philosophique est le moteur du changement. L’ambiance sociale ou ontologique qui édifie le changement est complexe : changer la manière, la finalité et les méthodes de Croire, Savoir, Désirer, Pouvoir,Vouloir, Devoir et Agir. C’est ainsi que nous pouvons opérer une rupture avec nos limites, nos peurs et nos faiblesses et libérer une dynamique nietzschéenne : « Sortir du désespoir le plus profond, l’espoir le plus indicible »….

Le système en place, se découvre sans masques et il fait de l’élection d’Avril 2019 un événement historique majeur, car il panique faute de candidat et surtout faute d’idées et de probité. Comme al manchar, talegh yakoul wa yahgar, habet yakoul wa yahgar jusqu’à ne plus trouver de branches à scier et de rentes à distribuer.

Il faut bien qu’un jour on puisse avoir le comportement des gens normaux : travailler et rendre des comptes.  Nous avons trop souffert du culte de la personnalité et des rentiers. Cela ne peut plus continuer.

Il faut entamer la rupture la plus profonde. Cette rupture doit se faire non seulement en matière de programme politique, mais en termes d’idées et de symboles. Il faut avoir l’audace de rompre avec le discours du système et ses mots galvaudés. Heybat Ad Doula, l’autorité de L’État, n’est pas l’État, mais le régime de répression et de terreur que les « Janvieristes » et les partisans de l’alignement idéologique et sécuritaire sur la lutte antiterroriste menée par l’OTAN contre les peuples pour les intimider, les faire entrer de force dans l’ordre mondial et détruire ce qui restait de règlements sociaux, politiques et économiques en faveur des plus faibles. L’Etat n’est pas une affaire d’autorité, mais de compétence socialement reconnue c’est à dire de légitimité. Cette légitimité ne sera jamais remise en cause lorsque la Justice exerce ses prérogatives en toute équité, sans laisser quiconque sous l’impunité ou sous l’abus de pouvoir. Pour rompre avec Bouteflika, Nezzar, Sellal et Ouyahia, il faut rompre avec leur argumentaire et donner un sens aux mots. Du sens des mots non seulement dépend la liberté, mais la justice, voire l’existence… De nos objectifs et de leur noblesse dépend le salut. Il nous faut de grands desseins :

« Le plus grand danger pour la plupart d’entre nous n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions, mais qu’il soit trop bas et que nous l’atteignons. » – Michel-Ange

En observation, je note que le Général en retraite Ali Ghediri vient de déclarer son patrimoine. C’est un acte de transparence qui mérite d’être souligné et qui confirme une fois de plus ce que j’ai toujours défendu dans mes écrits : l’ANP dispose de cadres intègres et leur intégrité témoigne que le pouvoir réel est ailleurs. La confusion entretenue sur l’ANP doit être levée et bien entendu cet éclaircissement va déranger les tenants de la rente et de l’effondrement qui agissent et communiquent pour qu’aucune institution et aucun homme intègre ne puissent s’élever au-dessus des décombres pour dire sa vérité et éclairer le chemin de la reconstruction.

 

Omar Mazri

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
  • Aimer : la voie coranique
  • Les dix commandements US et le dilemme Arabe
  • Béni soit-il ?
  • Dine ou religion ?
  • Révolution arabe : mythe ou mystique ?
  • Gaza : La bataille du Forqane
  • Islamophobie : Deus Machina
  • Coûts de production : méthodologie d’analyse
  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
  • Economie et post-Modernité
  • Didacticiel mathématiques : niveau brevet et CAP
  • Didacticiel anatomie dynamique du vivant

Publications numériques :

  • 250 articles sur le site libération des opprimés
  • 160 articles sur le site Justice et Vérité (site fermé)

En cours d’édition :

  • Abel et Caïn :  mobile du crime et psychologie de l’assassin.
  • Territoire de civilisation ou Etat islamique ?

 

Le Général et les garanties qui manquent

Comment caractériser les élections dans une ambiance rose en surface et apocalyptique en profondeur au regard du chaos institutionnel, de la diversion politicienne, de l’exclusion, du retrait des poids lourds politiques, du discrédit incontestable des autorités, des crispations sociales avec des révoltes larvées, climat de fin de règne, contexte international chargé de menaces et d’imprévus politiques et géostratégiques. Nous revenons à la case de décembre 1991 : absence de garanties avec cette fois-ci absence du chef de l’État qui peut donner sa caution dans le sens d’une répression ou dans le sens de l’apaisement et du dialogue. En plus de la vacance au sommet de l’État, il y a un effritement des partis politiques qui ne peuvent se prévaloir du rôle d’interlocuteurs valides ou de relais au pouvoir. Les grandes puissances étrangères par leur silence médiatique semblent montrer un désintérêt manifeste pour l’Algérie la considérant ingérable pour faire d’une manière crédible et durable valoir leurs positions stratégiques sinon elles sont en attente de l’aboutissement du scénario de désintégration bien entamé qui arrange bien leurs affaires et au moment opportun ils viendront imposer une solution ou partitionner la géographie et le pouvoir politique pour continuer ce qu’ils n’ont pas réussi à faire en Syrie. Notre chaos n’est ni inédit, ni isolé, ni fortuit : il accompagne le désordre mondial qui annonce la fin de la modernité et l’émergence de la post modernité. Nos principaux partenaires, la France et les USA sont en décomposition, ils ne peuvent apporter ni secours ni feuille de route sauf le désordre, la voracité et l’incompétence…

One two tree viva l’Algérie ou Chaâb et Djeich tahya al Djazaïr ne seront plus un rempart contre l’efficacité de la subversion extérieure et la prédation des rentiers intérieurs qui sont appelés objectivent à converger puis à se coordonner. On peut tuer le général d’une armée mais non l’ambition dans le cœur des hommes enseignait Confucius. Où est notre ambition, où sont nos hommes ? La loi de l’existence des peuples et des nations est implacable et immuable : effondrement et disparition ou salut et renaissance. Oui le pire comme le meilleur sont des possibilités selon les conditions psycho-morales et les conditions matérielles du lieu et du moment. On ne peut pas dire que nos conditions sont bonnes ou en voie d’amélioration à moins de se mentir ou de croire aux fables. Ni le bouc-émissaire jeté en pâtures aux crédules ne nous donnera l’illusion de catharsis ni d’ailleurs l’homme messianique ou le Mahdi mountadar ne donnera l’illusion salutaire. Nous sommes une virtualité de désintégration, une entropie en puissance, une réalité morbide à qui manque le temps de réalisation pour qu’elle soit un réel actuel, une réalité tangible dans les faits sociaux, politiques, économiques et géostratégiques. Ce temps ou plus exactement le délai et le terme échappent à notre entendement humain, mais son processus est suffisamment avancé et ancré pour que les plus lucides le ressentent dans leur chair et le vivent déjà comme un cauchemar avec les yeux ouverts.

Le Coran nous enseigne que la défaite et les catastrophes ne sont pas un destin, mais l’œuvre des hommes mal pensant ou mal agissant. La catastrophe peut être évitée si les Algériens, tous sans exception, refusent l’écœurement actuel et acceptent le changement même s’il est difficile et confus. Ce qui se trame dépasse Bouteflika, l’armée algérienne et les élites civiles. Nous sommes sur le plan socio-politique dans ce que Antonio Gramsci a décrit comme un interrègne cette phase historique « où l’ancien meurt et où le nouveau ne peut pas naître… Une grande variété de symptômes morbides sont observés ». Dans de telles périodes, pour les tenants de la rente, le nouveau est non seulement insensé et dangereux mais impensable. Pour les partisans du changement, il est difficile de montrer la voie et de faire des promesses à un peuple nourri à la gamelle de la rente et à la fascination du zaïme. Nous sommes dans la phase de l’effondrement de la morale la plus basique qui montre que ce n’est plus Hizb frança qui gouverne, mais Hizb as Chaytane.

Jamais ne nous aurions imaginé, dans une situation « normale » que les seconds couteaux humilient, intimident et menacent publiquement et médiatiquement avec une ardeur de démons et avec l’assurance d’impunité des hommes de grand talent et de grande probité comme Hamrouche et le Général Ali Ghediri. Ceux qui croient encore que l’ANP est détentrice du pouvoir réel qu’ils s’interrogent comment un homme instruit, de bonne éducation, discipliné, laborieux ayant servi quarante ans puisse être traité de cette manière sans que ses pairs ne réagissent ? Combien d’officiers et de civils ont été contraints à l’exil ou à la réclusion à domicile. J’ai toujours pensé qu’on a fait payer à l’ANP le prix de la bravoure impardonnable de l’ALN. Le FLN a payé le prix. Le peuple a payé aussi le prix et ils vont continuer à payer le prix jusqu’à être discrédités pour effacer la mémoire de la résistance populaire et du sacrifice des martyrs. Ceux qui affichent leurs insultes ne sont pas le pouvoir réel, ils sont l’ombre de l’ombre de la revanche.

Que le président Bouteflika soit candidat, que l’armée ait son candidat, que tel parti ait son candidat, il n’y a pas de problème, nul ne doit être exclu tant qu’il est transparent et qu’il cherche la légitimité par les urnes, même si les urnes ne sont pas garant de la légitimité et ne peuvent donner la véritable légitimité lorsque les conditions et les garanties de l’expression sont noyés par la confusion, la suspicion, la haine et la panique pour certains.

Est-ce que les conditions actuelles de programmation des élections hâtives et presque clandestines ne vont-elle pas cristalliser les frustrations, les méfiances et les défiances et les transformer en rancunes, en contestation et en confrontation avec tous les débordements possibles et toutes les déflagrations possibles. La responsabilité morale, civile et politique est que sur le plan politique, sociale et sécuritaire l’élection ne soit pas l’exacerbation des contradictions, affichées ou occultées, mais l’instauration de la confiance pour préparer la fondation d’un nouveau pacte républicain. Entretenir l’illusion d’un nouveau premier novembre est une faute politique car la génération montante ne connait du premier novembre 54 que le récit scolaire tronqué et le triomphalisme chauvin. L’ancienne génération ne connait le premier novembre qu’à travers son prisme idéologique. Pour les uns c’est l’Etat-nation à la lumière du jacobinisme français, pour d’autres c’est l’islamisme de Benbadis, pour d’autres c’est le libéralisme américain. Chacun s’approprie une date comme un clocher de paroisse idéologique ou de secte partisane avec ses arrières pensées. Nous savons tous que l’impérialisme mène une guerre d’usure contre notre existence comme il mène une prédation sans limite contre nos ressources, nous savons aussi l’ampleur et l’intensité de nos clivages culturels et idéologiques et ce n’est pas en jetant des anathèmes que nous allons les surmonter. Le seul dépassement est de participer tous pour l’émergence du citoyen et que celui-ci aient non seulement le droit, mais les moyens de participer à la conduite des affaires publiques…

N’est-ce pas que Hamrouche et Ghediri sont dénoncés comme usurpateurs par des « partisans » du premier novembre alors qu’ils se réclament du premier novembre. Il y a volonté de brouiller toutes les cartes et toutes les représentations mentales sur l’avenir, le présent et le devenir de l’Algérien. Cette date historique et bénie fut paradoxalement à la fois l’élan libérateur contre le colonialisme et le socle fédérateur de tous les clivages idéologiques pour affronter le colonialisme en laissant en suspens l’édification nationale, la citoyenneté. L’Algérie était fracturée avant la révolution de libération nationale par des imaginaires incompatibles. L’incompatibilité est toujours ancrée dans notre imaginaire collectif. Nous pouvons envisager une nouvelle appropriation sociale, idéologique, culturelle et politique du premier novembre si nous prenons le temps de lui donner un nouveau contenu, une nouvelle perspective et surtout un nouveau socle rassembleur et résistant. Les mots, plus que jamais doivent coller à notre réalité actuelle et à nos défis présents : « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté » disait Confucius. Ce chantier de réappropriation historique et de remise à niveau idéologique n’est pas ouvert, car il n’y a ni débat ni conditions pour débattre. Il n’y a que des passions sur la culture, l’idéologie, le pouvoir et la rente.

La politique consiste à pratiquer l’État et à gérer le bien-être de la cité investie par des citoyens c’est-à-dire des hommes libres, consentant à vivre ensemble malgré leurs diversités, à exercer leurs devoirs de solidarité et à trouver un dénominateur commun qui transcende les clivages idéologiques. A deux mois avant l’élection – de tous les dangers – nous n’avons pas de débat autre que des déclarations d’intentions qui sont trainées dans la boue lorsqu’elle suggèrent la rupture, une nouvelle république. Je ne pense pas que la rupture avec Bouteflika soit l’essentiel de nos préoccupations, l’homme a accompli son temps et celui-ci sera témoin en sa faveur ou contre lui le Jour de la Justice suprême.

Pour l’instant nous n’avons pas d’engagement solennel de respecter le résultat des élections. Nous n’avons pas une vision philosophique, mais réaliste et partagée, sur l’État. Avec qui faire la rupture et contre qui débattre. Il n’y a rien de consistant, de cohérent, de sensé à part le cynisme et la méchanceté de ceux qui se sont imposés tuteurs des Algériens…

Pour le débat il est trop tard, par contre si on veut aller vers une élection sans grand enjeu civilisationnel ou stratégique, mais honnête et respectable en tant que processus « formel », il nous faut des garanties. Il nous faut admettre que le processus électoral n’est pas la démocratie et que la démocratie n’est pas la liberté. Un jour ou l’autre nous devons les débattre sereinement non plus sous la perspective de l’État nation hérité de la modernité française ou américaine qui arrive à son échéance historique et à sa décadence sur le plan civilisationnel. Ni dans celle de l’État islamique qui n’existe que dans le fantasmes de ceux qui pensent que « la solution islamique » peut faire l’économie d’une culture politique et d’une gouvernance scientifique. Dans les conditions actuelles de rente, d’arbitraire et d’inculture politique un tel débat finirait par le ridicule ou par la violence. Pour débattre, on ne vient pas avec l’idée d’éradiquer l’autre, d’imposer des solutions du passé des autres ou de s’accaparer un butin de guerre, mais communiquer, partager, tenter de convaincre avec empathie et responsabilité sur la vision qu’on a de l’avenir. Il y a un minimum procédurier à respecter faute de plateforme démocratique : présenter donc plusieurs garanties pour garantir la sécurité, la stabilité et la viabilité du processus qui semble non seulement improvisé, mais confus voire vicié et vicieux :

  • L’engagement formel par l’ensemble des corps constitués que l’expérience de 1991 ne sera pas reconduite et qu’il faut accepter et collaborer avec le président élu. Le candidat élu n’est pas autorité de droit divin, mais homme faible qui peut être révoqué par le peuple dans certaines conditions à définir juridiquement lorsqu’il met en péril l’existence de l’Algérie, sa souveraineté et sa cohésion sociale.
  • L’engagement formel par l’ensemble des candidats d’accepter le résultat des urnes. Si l’abstention dépasse un seuil intolérable alors le résultat devra être invalidé et les élections refaites dans un délai acceptable.
  • L’engagement formel par l’ensemble des corps constitués de servir l’État dans la forme institutionnelle qu’il a actuellement ou dans celle qu’il aura plus tard et non de servir des hommes, des clans, des rentes…
  • L’engagement formel par l’ensemble des corps constitués de laisser voter leurs personnels en public.
  • La mise en place d’une commission électorale indépendante et souveraine.
  • La liberté de parole, d’écriture et de rassemblement des Algériens libres de débattre, de s’organiser et d’exprimer leur soutien sans crainte pour leur vie et leur sécurité.
  • L’interdiction de la violence sous toutes ses formes. Toute forme d’éradication politique ou idéologique doit être interdite et punissable par la loi.
  • Donner le temps aux candidats de former leurs états- major, de débattre, de lever leur financement dans la transparence. L’État devra rembourser les dépenses de campagne au prorata des résultats. Aucune personnalité morale ne doit financer les candidats. Les dons relèvent des personnes physiques et doivent être plafonnés par la loi et sous le contrôle d’un organisme transparent.
  • Donner le temps aux candidats d’éditer leurs journaux ou de constituer une presse alternative.
  • Mettre fin aux rentes de publicité des médias actuels et mettre en place un comité indépendant d’éthique et de contrôle de l’information pour que chaque candidat ait le temps de parole équitable sans exclusivité ou exclusive.
  • Permettre aux algériens poursuivis pour motifs politique de rentrer en Algérie et de s’engager activement dans la vie politique.
  • Trouver un autre mécanisme de validation des candidatures, car l’administration et la rente omniprésentes vont invalider les candidats ou falsifier les parrainages. L’administration et les réseaux de rentes sont suffisamment établis et structurés pour rendre impossible la collecte des 60 mille voix.
  • Faire endosser aux corps sécuritaires et aux préfets de police la responsabilité du maintien de l’ordre pour éviter les dépassements et les intimidations. Les réseaux de l’argent noir peuvent entrer en contact avec la délinquance de toute nature et engager des épreuves de force contre ce qui reste de l’État ou contre les candidats. L’expérience égyptienne de la Baltajiya et du non-droit ne doit pas être sous-estimée en termes de violences et de nuisance.
  • Toutes les garanties doivent être données sous formes de lois, de décrets et d’arrêtés et relever de la Justice sous l’autorité d’un haut magistrat dont la nomination doit être transparente et à qui on donne les moyens d’exercice et les protections pour sa sécurité.
  • Dans un délai court convenu et sous les mêmes garanties l’élection présidentielle devra être élargie à toutes les représentations populaires en commençant par les échelons locaux. Les nouvelles élections effectuées doivent permettre la révision constitutionnelle qui ne doit pas être une affaire d’experts de droits dont la charge est de donner une forme juridique, mais une affaire de peuple qui donnera le contenu. Sur ce temps de deux ou trois ans les assises républicaines et démocratiques pour relancer l’Algérie devraient être réunies c’est à dire un cadre pour donner un contenu, une forme, des mécanismes et des garanties tant pour la définition de la République que de la Démocratie.

C’est un travail de titans qui exige la responsabilité, la liberté, la solidarité. Dans ce cadre apaisé alors les grandes questions d’identité peuvent être élaborées ainsi que la forme de gouvernance la plus adaptée à notre culture, à notre histoire et à notre vision de l’avenir. C’est ce cadre qui servira l’apaisement, par sa portée pédagogique et par sa dimension démocratique. Nul ne devrait être exclu et c’est le consensus qui doit primer sinon il faut faire des référendums ou recourir à la justice séparée de l’exécutif. Le président nommé devrait alors relancer sa propre candidature en compétition avec d’autres pour couronner le recadrage institutionnel et engager les grandes réformes sociales, éducatives, juridiques, économiques, la séparation des pouvoirs, ainsi que la révision des traités internationaux etc. … Chacun devrait sentir que l’Algérie lui appartient et qu’il a la responsabilité de s’engager à la servir ainsi que la légitimité de s’approprier des biens, des statuts et des compétences. Il faut souligner que la véritable légitimité qui résiste au temps et aux crises est celle de la reconnaissance sociale de la compétence. La compétence ne peut s’exprimer et se faire valoir que dans la transparence et la compétition équitable. Le contraire de la rente c’est le travail et la justice.

  • Les corps intermédiaires ne doivent pas interférer dans la campagne électorale, leur vocation est de défendre les intérêts sociaux et professionnels des corporations et non de désigner le personnel politique. Plus tard les Algériens doivent rompre avec toute forme de monopole pour promouvoir le principe de libre adhésion ou de contrat dont les fondements sont la liberté et la justice. La vocation de L’État et d’apporter les garanties à la liberté et à la justice ainsi que de réprimer toute atteinte à la liberté et à la justice.
  • Interdire et réprimer toute forme d’ingérence étrangère….
  • Sur le plan social et économique, la rente et le monopole sont les poumons du système algérien. La vraie politique c’est de s’engager à mettre fin à la rente, de mettre fin à l’effondrement du dinar et à l’absence de productivité du travail et d’efficacité économique et financière. Pour commencer, il faut déjà arrêter la planche à billet qui sert à financer la rente et octroyer des marchés aux rentiers. Sur ce terrain est ce que le futur président, en supposant qu’il est honnête et militant de la cause nationale, est capable de décider de la fiscalité, de la planche à biller, de nommer les cadres supérieurs, de nommer le directeur général de la douane…

Où sont les garanties de laisser l’élu ou le désigné de finir son mandat. L’expérience de Boudiaf n’est pas loin. Il avait naïvement l’intention de redresser l’Algérie, mais pour le système c’était le dernier personnage que le destin a offert pour cultiver la rente historique du premier novembre. Il a été effacé de notre mémoire. Le général Ali Ghediri est un retraité de l’armée, il est libre de disposer de son temps et de disposer de sa vision pour continuer à servir l’Algérie. Il devrait exiger un minimum de garanties sinon un maximum de solidarité de ses pairs devenus civils ou toujours en activité. Le soutien des militaires actifs ou en retraite pose cependant le problème du risque de division de l’armée et des implications négatives de l’armée dans ce qui n’est ni sa vocation ni son rôle. Le soutien des pairs signifie une protection contre les menées subversives venant de l’intérieur du système.L’idéal serait que l’armée exprime son refus de s’impliquer dans les processus electoraux. Le peuple doit exercer sa souveraineté sans tutelle et dans le cadre du multipartisme. Cela ne veut pas dire que l »ANP n’a aucune mission politique. Sa mission devrait être transparente et constitutionnelle sans être partisane. Construire une doctrine de défense nationale, une  économie de résistance nationale civile et militaire ainsi qu’une stratégie de sécurité nationale est une tâche éminemment politique et exigeant une grande expertise. Il ne nous importe pas de savoir ou de distinguer les statuts des hommes, mais leur programme et leur désir.

Je n’aurais pas l’indélicatesse de donner un conseil, mais il devrait aller au-delà de l’intention et ne pas chercher les appuis des puissants ou des riches pour mener campagne, mais partir en campagne comme un militaire qui livre bataille en allant chercher renfort et soutien auprès des Algériens sans dents et sans grades. C’est le peuple qui doit décider en premier de son devenir.

« Malheur à ceux qui nous portent secours, nous serons leur tentation » aimait dire Malek Bennabi lorsqu’il méditait la tragédie de l’Algérie. En effet il aurait fallu plus d’un an de préparation pour apporter le minimum de garanties sinon nous sommes dans la stratégie du fait accompli c’est à dire du choix entre nous et le chaos. Les diables sont experts en matière de chaos.

Omar MAZRI

 

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
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  • Islamophobie : Deus Machina
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  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
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Ombres et lumières

« On voit ceux qui sont dans la lumière et on ne voit pas ceux qui sont dans l’ombre » disait Bertolt Brecht. Il expliquait l’art de la scénographie qui ne peut se résumer ni au présentiel visible ni au discours dicible, mais à l’atmosphère qui dissimule, montre selon les intentions de l’auteur et le déroulement du scénario…

Il semble curieux que j’évoque Bertolt Brecht alors que je ne suis ni marxiste ni socialiste ni homme de théâtre. Je conserve sans doute quelques réminiscences de Kateb Yacine, mais surtout je suis horrifié par la tragédie bouffe des bouffons qui ne voient pas que derrière leur simulacre et leur inconstance il y a le drame des innocents qui n’ont pas demandé à naitre et à qui on offre un avenir sans paix ni gloire et peut être un devenir sans pain.  Je suis né bien avant le déclenchement de la guerre de libération nationale, avec le prix du sang, des larmes et de la sueur que ma famille a versé à flot pour la libération et l’édification de l’Algérie. Je pensais qu’avec une bonne éducation patriotique et un bon parcours scolaire et professionnel j’allais pouvoir servir la patrie de Ben M’hidi, de Benboulaid (pour ne citer que ceux que je vénérais alors que j’étais tout petit) et du peuple algérien qui a soutenu l’ALN et le FLN et leurs héros en donnant des martyrs, des internés, des réfugiés sans compter. Les rentiers, les insensés et les traîtres en ont décidé autrement. C’est comme dans les  lois de la physique et de la chimie, il faut la réunion de plusieurs conditions et la conjugaison de plusieurs facteurs pour qu’un processus se réalise. Il n’y a pas de prévalence entre la rente, l’insenséisme et la félonie. L’un engendre les autres. Mais une fois installés comme système, il faut les éradiquer tous en même temps et rapidement, sinon tout changement, tout effort est mené vers l’entropie par la régénération et la reproduction élargie de ces trois fléaux.

Lorsqu’on vit avec la conviction que Dieu est témoin par connaissance et par présence, il importe peu pour sa petite personne périssable qu’elle soit anonyme ou illustre, en réussite ou en échec, reconnue ou bannie, utile ou gaspillée… C’est la situation de Diogène le cynique lorsqu’il fut appelé pour sauver la Grèce avec sa phrase célèbre « ôtez-vous de mon soleil ». C’est la situation de la génération d’après-guerre qui n’avait pas le profil de l’idiot de service, du rentier, du salopard. Cette situation est vécue par de nombreux algériens civils et militaires, laïcs et islamistes, berbères et arabes, modernes et archaïques… N’étaient épargnés que les insouciants qui avaient des yeux, des oreilles et des cerveaux, mais ils n’avaient ni l’entendement ni le sens des responsabilités et encore moins la morale (religieuse ou révolutionnaire) … Et pourtant le théâtre d’ombres et de lumières pour dissimuler les acteurs du massacre de l’Algérie, livrer en pâture quelques bouc-émissaires (souvent innocents) ou mettre en valeur quelques comparses ou quelques imposteurs…

C’est ainsi que Feu Caïd Ahmed, ancien secrétaire général du FLN, a été désigné à la vindicte estudiantine pour lui faire porter toutes les tares de l’Algérie. On a SALI son nom, sa réputation et son militantisme pour dissimuler le système qui l’utilise à ses dépens. On a ainsi masqué le système qui a détruit l’homme algérien, qui pourtant a résisté glorieusement au colonialisme et qui a pris en charge honorablement l’auto gestion des fermes et des entreprises, biens vacants, pour continuer de produire sans détourner les biens publics et sans importer de l’étranger. Ceux-là mêmes qui ont produit l’assistanat social, la bureaucratie, le capitalisme d’État rentier et corrupteur ont été encensés et couverts de gloire. Ce sont les mêmes qui ont donné un pouvoir aux DAF et mis au ban les Moudjahidines de l’ALN et les militants de la cause nationale. Ce sont les mêmes qui ont confisqué l’histoire, la religion, le patriotisme, la langue, les ressources nationales et les ont transformés en rentes et en privilèges pour enfin dilapider la plus grande ressource de l’Algérie qui n’est pas le sous-sol riche en hydrocarbures, mais l’image de l’Algérie qui a triomphé sur le colonialisme et le pacte de l’OTAN. Ces mêmes saltimbanques veulent livrer l’ALN pour qu’elle soit auxiliaire militaire des colonies françaises et américaines et pour que l’Algérie soit un comptoir colonial.

Ce sont toujours les mêmes stratégies de dissimulation et de diversion qui veulent non seulement montrer que tous les officiers algériens sont des corrompus et que tous les généraux sont coupables de crime de guerre et responsables de la Gabegie nationale.  Pourquoi se focaliser sur l’armée et ses fonctionnaires alors que le pouvoir réel n’appartient pas à l’armée. Pourquoi présenter tous les gradés de l’armée comme des voyous sans morale alors que d’une part des civils en nombre plus important (ministres, préfets, haut-fonctionnaires, juges, entrepreneurs, commerçants, intellectuels) ont main mise sur les rentes, et d’autre part cela n’échappe à personne : des caporaux, des adjudants et de petits fonctionnaires de l’armée, de la police et des douanes – par leurs fonctions et leur immoralité –  ont amassé des biens mal-acquis et ruiné le patrimoine public.

Pourquoi mettre la lumière sur des gens alors que le système qui a produit les corrompus et les corrupteurs et qui n’a ni protégé ni promu les fonctionnaires intègres n’a jamais été dénoncé dans ses mécanismes et ses allégeances mafieuses intérieures et extérieures.

L’incurie politique du FIS et l’ivresse du pouvoir de ses chefs leur a fait présenter Chadli Bendjedid (Allah yarhmou) comme le clou à arracher alors qu’il a été coopté par le système par son grade le plus élevé et le plus ancien. C’est un choix simpliste pour un pays qui a de grandes aspirations, mais Chadli ne peut être le diable et endosser à lui seul les malheurs de l’Algérie. Il reste à mes yeux un homme brave et miséricordieux qui a tenté de servir l’Algérie selon ses moyens modestes sans méchanceté. Manipulé par les experts en subversion, ils ont fait le jeu de ceux qui voulaient anéantir l’Algérie. Aujourd’hui les rescapés du FIS ne tirent pas de leçons pour engager leur responsabilité politique et morale dans la tragédie et donner leur version objective des faits et les acteurs connus de la manipulation. Ils ont négligé les avantages pour l’Algérie d’une négociation avec les forces vives et compétentes comme Mehri du FLN, Aït Ahmed du FFS sans se bloquer sur le processus électorale vicié au départ. Ils continuent de vivre leur syndrome victimaire sans s’adapter sérieusement et aller au-delà de la critique maladive des généraux. Les élites, militaires et civils, qui avaient suffisamment de culture géostratégique portent une responsabilité morale et historique, car elles avaient les moyens intellectuels et la position sociale pour ne pas aller à l’effusion de sang qui arrangeait les partisans de l’éradication idéologique et du démantèlement de l’appareil industriel pour assouvir leurs appétits d’apprentis capitalistes. La pensée collective a fait défaut, l’intérêt national a été absent dans le jeu politicien. Même avec de grands diplômes, de grands postes et de grandes ambitions, on peut voir un pays comme une épicerie ou un souk el fellah. Le commis de l’État n’existe pas encore dans la culture algérienne. Lorsqu’on fait de grandes études, on le fait ni pour servir l’Algérie ni pour faire avancer la science, mais pour la reconnaissance sociale, le pain. Nous avons hérité de la culture bobo du socialisme français ou du gangster américain, mais pas de la culture de nos aïeux algériens qui même vaincus ne se soumettaient pas.

On a glosé sur le président Bouteflika, bien ou pas bien, calife du Prophète ou désintégrateur des généraux ou allié objectif du Makhzen marocain, mais on refuse de voir le système qui s’est servi de lui pour se donner une légitimité historique et internationale alors que ce système est en effondrement sur le plan moral, social, politique, diplomatique et économique même si on peut se vanter des réalisations immobilières et des infrastructures. Puisque on est dans le théâtre j’aime bien Bertolucci qui parle du nationalisme des canailles.

L’Algérie est remplie d’acteurs cyniques et de pièces de théâtre vaudevillesques. Il y a tellement de gâchis qu’on a envie de ricaner « jaunâtrement » jusqu’à attraper une hépatite. La question se pose toujours sur le metteur en scène. Un homme de théâtre a bien résumé ce qu’il faut chercher dans un scénario : « Dans toute idée, il faut chercher à qui elle va et de qui elle vient ; alors seulement on comprend son efficacité. »

En matière de trouvaille d’idées anciennes et de marionnettes qui n’amusent que les enfants et les gens d’esprit comme le dit George Sand, ils ont trouvé depuis la maladie du Président et la vacance du pouvoir incarné dans un Zaïm l’arbre qui cache la forêt, un symbole en l’occurrence de Saïd Bouteflika, le frère du président. Ainsi on dédouane le président de ses responsabilités, on masque le pouvoir occulte, on cristallise la crise sur un homme et ses acolytes (réels ou fictifs) du « pouvoir » économique. On aurait pu se focaliser sur Djéha ou sur Pinocchio, cela n’enlève rien à l’amère réalité et aux jours difficiles à venir.

Oui nous vivons des temps difficiles comme ceux vécus par la génération de Bertold Brecht qui anciens attendant la révolution internationale pour libérer les peuples alors que leurs élites les ont conduites au nazisme et aux guerres mondiales. Ces temps, Brecht les a dépeint ainsi « les temps se sont obscurcis autant qu’éclaircis, clarté et obscurité sont entremêlées au point que l’on ne peut les distinguer. » Il voyait avec lucidité l’ombre et ne s’aveuglait par la lumière des projecteurs, c’est un homme de théâtre, un artiste, un visionnaire. Les Frères musulmans algériens n’ont ni la compétence de vision ni la vocation d’éclairer. Ils sont dans ce que Malek Bennabi appelle l’idole de foire qui a pour mission d’humilier l’idée. Ils n’ont rien à voir avec la miséricorde du Prophète, ni avec sa lucidité ni avec l’enseignement du Coran. Ils sont à fond dans les affaires, les arrangements d’appareils et les acrobaties politiciennes. Comme tous les aveugles politiques, non seulement ils accréditent la thèse fallacieuse de Saïd Bouteflika, mais ils lui donnent une consistance politique jouant une fois de plus le rôle qui leur est dévolu, celui d’idiot de service ou d’interlocuteur valide. Ils n’ont tiré aucune leçon des drames récents et refusent de voir les drames à venir.  Les arrangements avec le général Tewfik leur a permis de protéger leurs cadres de l’éradication, mais qu’est-ce qu’ils ont fait de leur potentiel pour servir l’Algérie ? Qu’est-ce qu’ils ont fait de leurs postures dans les institutions algériennes pour promouvoir une dynamique de changement ou au moins inviter à un débat d’idées ?

L’ancien directeur général de l’Institut de stratégie globale, Si M’hamed Yazid ancien ministre de l’information du FLN, malgré la différence d’âge et de statut, qui nous sépare m’avait convié à un entretien individuel et confidentiel faisant confiance à mon jugement et à ma proximité des événements sans être partisan pour lui donner mon opinion sur l’issue des élections législatives de décembre 1991. Ses services lui ont donné le parti HAMAS vainqueur à 10%. Cette estimation reposait à mes yeux sur trois estimations que je considérais comme fausses. La première était la prise en considération du charisme de Mahfoud Nahnah et la culture algérienne du zaïmisme qui allait faire préférer le modéré Nahnah au fougueux Ali Benhadj. La réalité du mécontentement social et de l’envie de changer radicalement le système n’était même pas prise comme une hypothèse de travail et cette erreur est monumentale. La seconde c’était la culture du zèle des élites vassalisées qui ne disent pas la réalité, mais celle que leurs chefs veulent voir. La troisième était sans doute le choix étranger qui tolérait une représentation islamique du type frériste si elle demeure contenue dans son expression et son action politique, économique, sociale et idéologique, car on ne touche pas au mondialisme. On a faussé le curseur idéologique pour masquer les enjeux véritables. Le problème n’est pas entre croyants ou athées, progressistes ou religieux, il est de la même nature qu’avant le déclenchement de la révolution algérienne : Pour l’indépendance ou pour l’assimilation. Chaque camp a ses éradicateurs, ses insensés, mais aussi ses militants de la cause nationale, même si chacun s’approprie le premier novembre selon ses œillères idéologiques.

Ce sont les mêmes insenséismes des incompétents et les mêmes appétits occultes des fourbes qui ont conduit la commission nationale de restructuration industrielle en 1983, composée de militaires et de civils, à stopper l’investissent industriel et à mettre en place les IVPE (investissements de valorisation du patrimoine existant) qui devenaient inefficaces par la restructuration administrative des entreprises nationales. Ces entreprises publiques avaient besoin de retrouver leur vocation, celle d’entreprendre et de manager selon des stratégies métiers et selon la loi du marché. On se devait de maintenir l’effort industriel, d’investir selon les besoins, de créer de l’ingénierie nationale, de compter sur les bureaux d’études nationaux, de créer la concurrence en mettant fin aux monopoles, de trouver une solution radicale aux pénuries et à l’administration bureaucratique des entreprises. Les années 80 ont préparé la décennie noire puis celle des années 2000 à ce jour mettant l’Algérie en situation de dépendance alimentaire sans infrastructure de know-how produit ou de know-how production, faisant d’elle un satellite de consommation et un îlot de gaspillage, un isolat de désertification morale et économique : un parfait comme le néant. Chadli n’a pas les compétences pour voir le désastre en préparation, les islamistes étaient préoccupés par la sahwa religieuse et l’usage de la liberté vestimentaire… Les cadres qui avaient la « compétence » de dire et de faire et qui avaient en charge l’appareil industriel, financier, économique et institutionnel n’ont tiré aucune sonnette d’alarme. Ils ont vanté le libéralisme économique et chacun se voyait conduire une holding comme Marie et son pot au lait…

A propos de lait, il me vient à l’esprit la traite illégale des  vaches à lait. Il me vient à l’esprit le détournement de la vocation des offices algériens tels que l’ONAB, l’ONALAIT, l’OFLA, l’OAIC, l’ONSP… Ces offices avait pour mission le développement de la production nationale, l’organisation des secteurs et des branches, la recherche développement,  la promotion de l’effort national et l’accroissement des rendements et de l’efficacité du travail. Les budgets alloués et les hommes affectés ont été orientés d’abord, par la pratique bureaucratique, vers la facilité des importations tout azimut ensuite par la nuisance systématique vers la gestion de la pénurie et des rentes qui ont permis l’émergence de l’économie informelle et des grandes fortunes parasitaires. Depuis la décennie noire à ce jour le système bancaire et le crédit, après le démantèlement du secteur public, n’ont fait que financer les privilégiés et les détourneurs de la vocation des offices pour leurs profits personnels. Il est permis de faire un parallèle de situation et de proximité temporelle avec le démantèlement de l’appareil productif français depuis l’émergence de Laurent Fabius comme ministre de l’Economie puis Premier ministre avec en arrière-plan les Attali et consorts. Il y a une ligne de convergence idéologique et d’intérêts économiques à suivre… Les militaires algériens ne peuvent être tenus pour responsables directs de ce détournement même s’il profite à quelques militaires véreux. Les agents des douanes, du Fisc, du commerce, de l’Assemblée nationale, des Finances et des banques étaient occupés à quoi et étaient au service de qui?   On peut poser la question aux organes de sécurité et aux brigades économiques de la Police : pourquoi s’occuper des étudiants, des imams des mosquées, des journalistes et des bavards algériens et ne pas fouiner dans la gestion des biens publics. Incompétence, corruption, détournement de la mission, zèle des fonctionnaires, trahison ? Il appartient aux historiens, aux juges, aux journalistes, aux hommes politiques d’apporter les réponses lorsque l’Etat de droit sera instauré et la souveraineté de l’Algérie restaurée….

Pour l’instant, nous sommes dans des intentions de rupture. Je ne me prononcerais sur la faisabilité et la viabilité de rupture  lorsque le candidat bien intentionné annoncerait comment il compte mettre fin à l’opacité de la nomination des hauts cadres, comment mettre en compétition les compétences désireuses de servir L’État pour ne prendre que les meilleurs, quels mécanismes pour les identifier, les recruter et leur donner la garantie de travailler dans de bonnes conditions sans passer par le système de cooptation et de clientélisme. Le diable est dans les détails…

Pour rester dans le langage théâtral et « comique », leur solution islamique est comme les boniments des forains et des ensorceleurs du verbe comme le dit si bien Devos « Parce qu’il y a des magiciens qui vous promettent la lune… Moi, je vous promets le soleil ! »

Pour achever le tableau si peu reluisant des promesses électorales, des lièvres, des falsifications, je vous invite à lire mon texte sur le roi de Midas que j’ai arrangé pour le faire coller à la réalité algérienne. Si vous n’avez pas le temps de lires les âneries de la mythologie revisitée par la modernité algérienne alors « Fermer les yeux afin de pouvoir voir ». Berthold Brecht a fait l’expérience avant nous et à travers ses yeux, même s’il est athée, nous pouvons voir : « C’est la continuité qui engendre la destruction. Les caves ne sont pas encore vidées, et au-dessus d’elles on construit déjà des maisons ».

Peut-être que l’idée d’effondrement ultime nous donnera, faute de conscience politique, le désir de procéder à une véritable psychanalyse sociale et idéologique et deviner les raisons inconscientes de notre arrogance, de notre suffisance et de notre impossibilité à construire un État. Le désir est le mouvement volontaire vers ce qu’on aime ou ce qu’on imagine c’est-à-dire ce qui qui est construit par nos souvenirs et qui part à l’extérieur de soi pour partager, communiquer….

[bctt tweet= »Algérie : Ombres et lumières » username= »omar_mazri »]

Omar Mazri

Livres parus :

  • La République et le voile : Symboles et inversions
  • Aimer : la voie coranique
  • Les dix commandements US et le dilemme Arabe
  • Béni soit-il ?
  • Dine ou religion ?
  • Révolution arabe : mythe ou mystique ?
  • Gaza : La bataille du Forqane
  • Islamophobie : Deus Machina
  • Coûts de production : méthodologie d’analyse
  • L’art pédagogique : Etre et Faire.
  • Scénario de création des coopératives

Analyses et études :

  • Réforme de l’enseignement paramédical
  • Economie de défense : Rétrospectives et prospectives 1982-2002
  • Développement des  industries hauturières
  • Economie et post-Modernité
  • Didacticiel mathématiques : niveau brevet et CAP
  • Didacticiel anatomie dynamique du vivant

Publications numériques :

  • 250 articles sur le site libération des opprimés
  • 160 articles sur le site Justice et Vérité (site fermé)

En cours d’édition :

  • Abel et Caïn :  mobile du crime et psychologie de l’assassin.
  • Territoire de civilisation ou Etat islamique ?

 

Manifeste judéophile et islamophobe ou pure diversion ?

Le caractère manifestement islamophobe et judéophile des termes, des intentions et des figures des personnalités politico-médiatiques dénonçant «une épuration ethnique à bas bruit» pratiquée par les « islamistes radicaux » contre les bons citoyens juifs soulèvent quelques questions.

Les questions que nous soulevons ne cachent pas le caractère odieux de l’assassinat ou de la torture de onze juifs français par quelques musulmans français ou résidents en France. Elles ne se dressent pas contre la liberté, la légalité voire la légitimité de manifester ses opinions vraies ou fausses, de déclarer ses sentiments ou ses préjugés, d’afficher ses appartenances idéologiques ou religieuses. Les questions que nous soulevons manifestent notre liberté de pensée et notre devoir de clarification pour que ce qui ressemble à une vaste opération de communication ne soit pas vécue par la communauté la plus fragile de France comme une énième stigmatisation, une énième provocation, un énième amalgame, une sempiternelle diversion…

Les questions et les réponses à un problème factuel ou narratif ne doivent pas être prisonnier d’une imagination délirante et narcissique mise en scène et livrée à la consommation de masse pour fasciner, hypnotiser, leurrer, détourner, séduire, masquer.

Le problème, ses questions et ses réponses doivent répondre à :

  • La réalité (situation objective),
  • La vérité (se référer aux positions principielles les plus universelles ou aux affirmations catégoriques et explicites d’un texte sacré religieux ou profane fondateur d’une pensée ou d’une civilisation et non à des valeurs c’est-à-dire à des jugements, des interprétations et des opinions à portée limitée en termes de durée de temps, d’étendue d’espace)
  • Le contexte dans lequel se manifestent la réalité et la vérité pour s’imprimer dans la conscience humaine ou pour s’exprimer aux autres consciences.

Le contexte international :

L’échec en Syrie et la mise en évidence de plus en plus visible et de plus en plus crédible de l’implication occidentale dans la formation, le soutien et la manipulation des groupes terroristes nommés pour la « bonne cause » « islamistes » ou « djihadistes » impose de faire diversion.

L’impossibilité de cacher les manifestations des Palestiniens revendiquant toujours leur droit au retour avec détermination et conviction et la riposte sanglante et démesurée des forces d’occupation sioniste de la Palestine. A chaque agression sioniste et à chaque effort de résistance palestinienne le monde politico-médiatique vient apporter son soutien à l’entité sioniste et il n’échappe à personne la bataille qui veut confondre l’anti sionisme et le soutien à la résistance avec l’anti sémitisme. Le ridicule de qualifier un arabe d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient pourtant sémite que le juif d’Amérique, de France ou de Russie ne tue plus personne. Cette dérive « sémantique » porte préjudice aux Juifs eux-mêmes, mais eux aussi ils sont victimes des médias et du sionisme.

La réalité :

J’ai froid au dos et j’ai les limbes qui se transforment en morve lorsque je lis ce que les notables politico médiatiques français énoncent comme vérité sacrée :

«Les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans»,

«Dix pour cent des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République»,

«Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau.»

Le crime et le criminel comme objet de préoccupation intellectuelle n’est pas un fait nouveau, ce qui est nouveau et absurde c’est de l’imputer médiatiquement à une race, à une religion, à une communauté sans apporter de preuves scientifiques et de témoignages vérifiables et incontestables. Le crime et le criminel sont des choses graves et sérieuses, ils relèvent de la compétence des criminologistes, des juristes, des psychologues, des psychiatres. Dans le passé il y a eu des dérives racistes ou des incompétences intellectuelles pour imputer le crime à une race. Aujourd’hui la théorie dominante veut que le crime relève de déviance de la personnalité individuelle ou de troubles pathologiques que les conditions sociales, politiques, économiques et psychologiques aiguisent ou atténuent. On a montré également que l’ignorance des lois et l’irresponsabilité sociale favorisent la délinquance et le crime.

Il est du droit des personnalités ayant signé le manifeste d’exprimer leur peur ou de manifester leur sympathie pour les Juifs et leur antipathie pour les musulmans, mais il est de leur responsabilité morale et citoyenne de ne pas s’embarquer sur un terrain aussi complexe que la sociologie et la psychologie du crime. En France il y a un homme extrêmement compétent en matière de criminologie, en l’occurrence Alain Bauer, professeur de criminologie appliquée au Conservatoire national des arts et métiers, consultant national et international en sécurité, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages sur la criminalité et le terrorisme, descendant de parents juifs. Il serait intéressant, même s’il ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique, d’écouter son avis sur les assertions infondées et floues du dit manifeste. Il serait intéressant, même si certains lui reprochent sa « proximité avec l’extrême droite » ou  sa « haine des musulmans » de voir comment il explique les connexions du crime organisé et les solutions à apporter à la criminalité au lieu de juger et de punir des communautés sans argument scientifiques, sans volonté d’apaiser et de « civiliser ». Il pourrait nous expliquer pourquoi les « islamistes radicaux » ont droit d’expression sur l’Internet pourtant surveillée, pourquoi ils parviennent à passer à l’acte alors qu’ils sont fichés et surveillés et surtout pourquoi la majorité des ces « radicaux islamisés » proviennent de la délinquance ou du crime organisé ?

La réalité que les forces de l’ordre connaissent est bien celle du nombre d’arabes, d’africains et d’étrangers assassinés en France. Objectivement aller sur ce terrain et établir des ratios est dangereux, car la plupart des crimes et des agressions ne peuvent être attribués au racisme ou à l’islamophobie. Par ailleurs les ratios ne peuvent rien signifier lorsque l’on sait que les effectifs des communautés sont incomparables, les conditions sociales des communautés sont incomparables.

A titre d’illustration de la lutte idéologique et médiatique du manifeste et de ses affirmations fallacieuses comme celle-ci :  «Dix pour cent des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République». Tous les gens sensés des HLM, de la sociologie, de l’administration régionale et communale, de la démographie, de la géographie savent qu’il y a un processus d’infiltration et d’exfiltration communautaire dans les cités, les écoles, les lieux de travail par l’écrémage et la ségrégation du fait des conditions sociales, du communautarisme passif (celui mené par les politiques sociales et économiques en échec d’intégration et en confusion  sur le droit à la différence qui créé de la diversité et l’obligation d’indifférenciation qui multiplie les variétés dans les mêmes moules sociaux, politiques et médiatiques cultivant le même unanimisme et le même immobilisme). Il n’y a pas que les seuls Juifs qui ont déserté les « quartiers et les écoles de quartiers », mais tous les « européens » qui ont les moyens de partir et une minorité d’arabes et d’africains qui sont parvenus à une « intégration sociale » par le revenu.

L’autre réalité qui n’échappe à personne est le nombre de musulmans et d’arabes tués par le terrorisme « islamique ». Il ne s’agit pas de « onze » personnes, mais de millions de personnes en Irak, en Syrie, en Afghanistan depuis peu. Si nous devons comptabiliser les tués par la cupidité et la voracité des prédateurs occidentaux dans le monde il s’agit de centaines de millions. On s’interroge donc sur les mobiles des signataires du Manifeste contre l’antisémitisme lorsque l’un des signataires les plus influents et les plus prestigieux a mis à feu et à sang la Libye pour spolier ses richesses, punir les peuples qui résistent à l’ordre impérial et sioniste.

L’horreur de la réalité du Manifeste est exprimée par le journaliste Claude Askolovitch, qui dans les colonnes du site Slate, dit qu’il s’agit d’ «Une mise en accusation des musulmans de ce pays, réputés étrangers à une véritable identité française, sauf à renoncer à leur dignité». Il conteste la quintessence du message qui : «fait de la lutte pour les juifs une composante du combat identitaire français, et cette identité exclut.» Il en déduit que ce texte induit que «la défense du juif implique le refus de l’islam ».

Le politico-médiatique français n’a toujours pas compris que l’échec de l’esprit français en Algérie et son idéologie colonisatrice est dû principalement à sa stupide stratégie de monter le Juif contre le Musulman, le Berbère contre l’Arabe, l’assimilé contre l’indigène…

L’autre réalité est celle de la fiction d’un Islam français à opposer à l’Islam pour civiliser le monde. Les Américains veulent une OTAN arabe qui combat les arabes, les africains et les asiatiques pour le compte de l’empire au nom d’une certaine idée (fausse) de l’Islam. Ils fondent leur fiction sur la vassalité, la terreur ou la corruption des gouvernants arabes.  Les Français, forts de leur culture et de leur intelligence, veulent mieux faire : fabriquer un Islam français puis l’exporter comme on exporte une voiture ou des pommes de terre. Les uns et les autres se croient les dépositaires légaux de l’humanité et de l’universel.

«… que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par [le concile] Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime».

«Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie»

L’Islam au service des appétits impérialistes et de l’hégémonie culturelle de l’Occident athée et matérialiste nous l’avons vu en œuvre en terres d’Islam et nous avons vu ses bouffons en France. Il faut d’abord tenter de judaïser les Juifs et de christianiser les Chrétiens que vous connaissez mieux que les musulmans que vous voulez islamiser à la mode de Vatican II. Le manifeste pro sioniste et pro Netanyhou dans son contexte est dans sa réalité intrinsèque une référence à Vatican II pour une raison stratégique : la lutte idéologique.

Le Concile Vatican II (1962-1965) est une référence majeure sur le plan géopolitique : il déclare la guerre contre l’Islam jugé unique et solide rempart culturel, moral et spirituel à l’évangélisation de la planète. Pour s’attaquer à ce rempart Vatican II va réhabiliter les Juifs du meurtre de Jésus, ouvrir les passerelles vers l’Église orthodoxe d’Orient et de Russie, unifier les slaves contre l’union soviétique, considérer les musulmans comme sans Dieu, sans Livre et sans Prophète, considérer l’Islam comme une religion asiatique à l’image du bouddhisme, une spiritualité en retrait du monde… Contre la dialectique de l’existence qui refuse le monopole et le pouvoir unique Vatican II est en harmonie avec l’hégémonie impériale qui ne reconnait pas la diversité et la multipolarité. Le Vatican II est en harmonie avec le matérialisme impérialiste : l’Évangile, parole de Jésus d’inspiration divine est reconnu comme écriture humaine. Le Vatican II correspond à l’esprit de la post modernité : ni Dieu, ni centre, mais pouvoir temporel absolu et sans partage aux mains des communicants ( du nouvel ordre mondial). Le Vatican II est l’instrument de lutte idéologique le plus redoutable : il enlève à l’Islam son caractère divin et ferme la porte à un des messages les plus forts du Coran : les falsifications des écritures saintes et les crimes contre l’homme par les élites intellectuelles et politiques des Juifs et des Chrétiens qui instrumentalisaient la religion à des fins mondaines. Il évangélise les Chrétiens dans le sens où il les fait entrer massivement dans le giron de l’Église et enfin il leur demande de se désolidariser de la Palestine léguée aux Juifs qui ont le droit de la vider de ses occupants arabes et musulmans. Les Églises orthodoxes de Palestine, de Syrie, d’Irak et du Liban ont refusé cette reconnaissance. J’ai traduit et publié des textes sur l’arabité des chrétiens et leur attachement à la cause palestinienne. J’ai écrit sur le pape Benoit XVI, sur la visite d’Obama au Caire, sur les croisades : on trouve la même stratégie et la même communication : enlever aux indigènes leur droit à la patrie et former une élite musulmane médiocre et méprisable au service de l’envahisseur. La colonisation, l’évangélisation et l’Empire ne sont pas encore liquidés. Il y aura toujours des voix et des voies pour leur expression et leur désir de conquête et de vassalisation.

Le contexte national : La crise sociale, la crise civilisationnelle, la crise économique, les retombées de l’agression contre la Libye mettent à mal la cohésion politique et médiatique ainsi que sa crédibilité. La diversion et le spectacle sont des armes de manipulation de l’opinion et de désinformation.

Dans ce contexte international et national d’exaspération et de crise tout crime relevant du droit commun et inacceptable sur le plan de l’éthique et de la morale est instrumentalisé à des fins idéologiques et politico militaires. On confisque à la Justice, à la Police et à la conscience humaine leur devoir de questeur de vérité et de réalité. Lorsque le Manifeste dit «Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard, avant que la France ne soit plus la France» nous disons que ce n’est pas ainsi que l’idéal républicain et démocratique sera restauré ou promu. On ne peut ni promouvoir ni partager ce qui est confisqué ou pris en otage.

« Une civilisation démocratique ne pourra se sauver que si elle fait du langage de l’image un stimulant pour la réflexion critique, pas une invitation à l’hypnose ». Umberto Eco

J’ai largement abordé ce thème dans l’article : Je suis une image ( https://liberation-opprimes.net/je-suis-une-image/ ). Je suis heureux de constater que malgré la désinformation il y a toujours des honnêtes gens qui osent dire “ne parlez pas en notre nom” et ne travestissez pas la vérité. Voir l’article «Mise en accusation des musulmans» ? Des voix dénoncent la tribune contre le «nouvel antisémitisme» ( https://francais.rt.com/france/50093-voix-denoncent-tribune-contre-nouvel-antisemitisme )

La vérité : La négation de l’Islam et la stigmatisation des musulmans s’imaginent occulter la vérité en déclarant :

« que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques »

Il ne s’agit pas de vérité mais de syllogisme fallacieux :

1 – Sur un plan procédurier il n’appartient pas à l’accusé d’un délit ou d’un crime de défendre mon innocence, mais il appartient à ses accusateurs d’apporter leurs preuves et leurs arguments sur sa criminalité et les incitations aux crimes de sa religion, de son idéologie.

2 – Pour l’instant ils ne produisent qu’une doxa politico médiatique qui se veut casuistique docte. La casuistique se fonde sur le principe général pour juger du particulier alors qu’ici on émet une opinion infondée et ignare pour donner l’illusion de juger le principe général (le Coran) à partir du singulier (le musulman déviant et agressif). On ne peut raisonnablement imputer au Coran et aux musulmans qui peuplent la planète les malheurs qui s’abattent sur les Juifs et les Chrétiens et se taire sur les agissements d’une secte ou d’une monarchie incitant à la haine et au crime. Il est facile de se taire sur les agissements du corrupteur et de pourfendre le faible et le sans voix.

3 – Sur le plan logique, abstraction de la réalité et de la véracité, on ne peut demander à une autorité religieuse de frapper de caducité une partie ou l’ensemble de sa référence religieuse ou doctrinale à moins qu’elle ne soit déjà dans un processus de remise en cause de ses fondamentaux ou qu’elle ne soit dans une position de vassalisation telle que le reniement identitaire et religieux ne peut être évité. Les seules autorités religieuses qui sont capables de ce reniement sont celles de l’Arabie saoudite, car elles sont inféodées à la rente et au pouvoir du sultan. Les seules autorités religieuses qui sont capables de ce reniement sont celles sur qui pèsent l’accusation de terrorisme ou d’incitation au terrorisme et qui ont contribué à l’effort de guerre occidental contre la Libye et la Syrie par leurs moratoires criminels. Les renversements idéologiques et culturels en Arabie saoudite annoncent le néo wahhabisme ouvertement sionisant ou une guerre civile entre les libéraux et les archaïques.

4 – Les Occidentaux les plus éclairés et les plus honnêtes se laissent piéger par la doxa des savants et prédicateurs musulmans ou par celle des orientalistes. Les trois grands empires musulmans, les Omeyades, les Abbassides et les Ottomans ont légué aux musulmans et aux occidentaux une culture d’empire avec ses moratoires religieux pour justifier les colonisations ou pour contrer les envahisseurs étrangers dans une époque de confrontation politique et militaire. Le religieux a été instrumentalisé à des fins politiques et historiques. On peut leur trouver une justification ou une explication comme on peut les réfuter et les critiquer cela fait partie de la pensée humaine sur la politique, les relations internationales, l’histoire, l’économique, la géographie et la sociologie. L’immobilisme et la décadence musulmane ont érigé, à tort, le patrimoine historique et le fait coutumier d’une époque singulière ou d’une géographie  particulière en dogmes religieux inviolables. La conjugaison de la tyrannie politique dans le monde musulman, de sa paresse intellectuelle et du son mimétisme religieux des Juifs et des Chrétiens a gommé le sens coranique et son caractère universel. La colonisation a accentué ce gommage en aiguisant le refus du colonisateur non seulement en sa qualité idéologique et militaire mais en sa qualité humaine et dans ses valeurs morales et sociales.

Aussi les musulmans conscients et responsables doivent prendre leurs legs religieux avec esprit critique en puisant directement dans la source du Coran et dans le comportement du Prophète (saws) pour témoigner de la vérité et vivre dans leur réalité. Ils ne doivent pas continuer à vivre en marge du monde comme des reclus ou des bannis ou des accusés qui réagissent sans peser sur leur destin et celui des autres humains. Ils doivent mettre fin au mythe du musulman parfait car l’Islam est parfait qui les rend incapables de se prendre en charge dans un monde en mouvement et dont le mouvement est alimenté par la dialectique des crises. Pour ne plus être objet de manipulation nous devons agir comme acteur avec nos moyens et nos ressources pour nous libérer de l’oppression et de l’humiliation dans ce monde et dans l’autre.

Plusieurs voies s’offrent à nous, pour ma part j’en voie quatre  :

  1. Régler le sens de l’allégeance et de l’appartenance. Pour l’homme cultivé et intelligent, conscient et responsable de sa vie sur terre, les sphères, registres et niveaux d’allégeance et d’appartenance sont relatifs, non exclusifs. Nous pouvons les concevoir et les vivre sans contradiction, sans schizophrénie et sans anarchie si nous parvenons à les définir, à les délimiter et à les agencer dans des priorités. Sur ce terrain les Juifs ont réglé leurs problèmes. Athées ou croyants, communs ou élite, ils parviennent à vivre en harmonie et à faire front en bloc à l’adversité sans bruits et avec efficacité. Toutes les communautés humaines en minorité, par la loi de l’adaptation et du changement parviennent à trouver leurs marques et à vivre au sein des autres respectés et respectueux.
  2. Comprendre le rapport des forces. Nous vivons dans un pays où la charité répond à des impératifs politiques et idéologiques, mais où aussi le respect accordé et la voix permise sont fonction du poids électoral, social, politique, médiatique, culturel et économique. Pour des raisons historiques nous sommes absents sur ces terrains et nous ne pesons rien dans le rapport des forces. Le minimum requis, même si la démocratie est dévoyée par les médias, est de participer efficacement et massivement. Il ne s’agit pas d’un vote communautariste, mais d’un vote citoyen donc utile pour la vie sociale et économique du citoyen, utile pour les libertés fondamentales, utile pour la justice, utile pour la paix. Le Halal et le Haram ont été définis d’une manière explicite par le Coran, il serait vain d’en faire des masques pour cacher notre indigence et notre paresse. On peut décider de s’abstenir de voter par acte politique et c’est un choix respectable. Le faire par motif religieux est une ignorance de la religion et une inféodation à une secte ou une allégeance à un pays étranger.
  3. S’approprier le savoir et la connaissance. En qualité de musulman je me dois de connaitre un minimum du Coran pour vivre apaisé, libre et responsable. En qualité de citoyen ou de résident je me dois de connaitre un minimum de la culture, de la géographie et de l’histoire du peuple ou de la communauté avec qui je partage le temps et le lieu de vie.
  4. Réclamer pour nous et pour les autres la liberté et le droit à la différence. Il ne s’agit pas dans nos rapports avec les autres, musulmans ou non musulmans, de nous focaliser sur les questions d’exégèse ou de rite, mais de liberté, de responsabilité, de savoir, de dignité humaine. Nous ne pouvons inviter à la foi que par notre pratique quotidienne de la vertu. Nous devons penser, dire et agir en termes de liberté et de responsabilité. Tous les énoncés coraniques où il est question de châtiment divin ou de Jihad (lutte ou plus précisément effort sur soi) ont pour vocation la défense de la liberté et de l’expression plurielle. Seul Dieu est Un, Immuable, Absolu et Parfait avec pour corollaire tout ce qui n’est pas Dieu est divers et varié, changeant, relatif et imparfait. Nos réponses et nos positions en matière de liberté et de droit à la différence ne peuvent être tactiques, conjoncturelles ou superficielles : elles découlent du credo de notre foi monothéiste.
    Tous les Prophètes autorisés à prendre les armes et tous les châtiments venant du ciel répondent au seul impératif de défendre la liberté et de refuser le monopole y compris en matière de conscience et de pensée. L’ordre coranique de tuer les Juifs n’est pas un ordre arbitraire, inique et raciste que donnerait un tyran judéophobe contre tous les juifs pour leur race ou leur religion, mais la suite logique et historique qui a été réservée à une tribu juive qui a trahi le pacte de non-agression établi avec le Messager Mohamed (saws), qui a comploté avec les Arabes oppresseurs et qui a tué les émissaires de paix envoyé vers eux par le Prophète. Contre les traitres et les transgresseurs ce ne fut pas la loi coranique qui a été appliquée, mais la loi mosaïque dure et impitoyable. Le peuple de Sodome et Gomorrhe (peuple de Loth) n’a pas été exterminé, comme le disent la Bible et certains imitateurs musulmans pour ses méfaits moraux (homosexualité), mais pour son refus de la différence de Loth qui ne pratiquait pas l’homosexualité et qui risquait l’expulsion de la cité. Il en fut de même pour le peuple de Salah dont les élites ont confisqué les terres et l’eau pour le profit exclusif des nantis. Il en fut de même pour le peuple de Choaib dont le peuple a été exterminé pour le monopole du commerce et l’usage frauduleux des instruments de pesage et de mesure. David a combattu les envahisseurs tyranniques (jabbarines). Résister à un ordre inique et lutter pour sa liberté et celle des autres y compris pour la préservation de leurs lieux de culte et de leurs temples est un principe coranique universel que pratiquent tous les hommes épris de liberté et de justice. C’est ce que nous voyons en Palestine et ailleurs dans le monde. Le châtiment divin frappe aussi tous les hommes et tous les pouvoirs qui ont une dérive démiurge comme Pharaon.

Au lieu de verser dans des formulations infondées et tendancieuses, les signataires du Manifeste auraient trouvé plus d’écho et meilleur écoute s’il n’avait pas reproduit une fois de plus le monopole de la souffrance du peuple juif comme si les autres peuples n’ont pas de souffrance, comme si les Juifs de France ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes que les autres français. Le moment et les propos du manifeste du nouvel antisémitisme mettent l’accent sur les clivages et les haines et à ce titre ils ne servent ni les intérêts de la République ni ceux de la Démocratie ni ceux de la Liberté ni ceux de l’impartialité et de la neutralité de la Justice.

Les défenseurs laïcistes de la République et les pourfendeurs islamistes de la République tombent dans le même travers psittaciste qui consiste à répéter inlassablement, comme des perroquets savants, le même discours alors que la réalité, la vérité et le contexte les contredisent. Selon l’expression de Malek Benabi le côté pile et le côté face de la même fausse monnaie intellectuelle peuvent représenter deux figures différentes, mais représenter le même symbole de l’échange ou de l’accord. Ces termes de l’échange ou de l’accord nous les avons vu et nous les continuons de les voir dans les agissements des terroristes pseudo islamistes qui terrorisent les populations musulmanes, mais qui ne mènent aucune attaque verbale ou physique contre l’occupant sioniste. Les uns et les autres pratiquent l’art de la diversion dans leur propre camp et avec leurs propres rhétoriques. En France les élites musulmanes participent au même psittacisme : bavarder et se disputer des rentes de positions sociales ou intellectuelles alors qu’aucune action sérieuse de pédagogie ou d’édification civilisationnelle (fondations caritatives, institut de formation, magazine, édition …) n’a été entreprise.

Conclusion :

La loi coranique suprême stipule que

« Quiconque attente, sans droit, à la vie d’un homme c’est comme s’il avait attenté sur l’humanité entière« .

Cette loi est universelle. L’unique dérogation est le droit de défendre la vie ou la liberté lorsqu’elles sont menacées ou bafouées. Le seul droit est celui de la légitime défense, celui de la résistance contre n envahisseur, celui de la lutte contre un oppresseur usant de violence ou celui d’un acte de justice rendu par un tribunal légal et constitué qui accorde au justiciable toutes les garanties pour se défendre ou d’être défendu. En matière de justice, le Coran autorise la peine de mort comme hadd c’est à dire limite supérieure qu’il ne faut pas transgresser et il recommande le pardon et la remise de peine s’il y a repentir. Le fanatique qui tue au nom de Dieu ou de la religion est un criminel qui doit répondre de ses actes devant un tribunal et nul autre que lui ne doit porter le fardeau de son crime. Le fanatique qui impute à quelqu’un la responsabilité du crime commis par un autre est criminel lui aussi car son faux témoignage peut conduire au meurtre et à l’iniquité envers un homme ou une communauté d’hommes. Celui qui parvient à me prouver que le Coran dit le contraire je m’engage à échanger ma foi contre la sienne et à faire du sionisme l’amour de ma vie.

L’attaque prévue a bien eu lieu et après !

 

L’attaque prévue a bien eu lieu ce samedi 14 avril 2018.

Elle confirme ce que nous savons déjà :

– Les armées occidentales ne combattent plus pour les causes classiques occidentales impérialistes de conquête de territoires et de gains commerciaux ou pour l’idéal des droits de l’homme et du triomphe de la liberté et de la démocratie, mais agressent les peuples que les médias désignent pour cible et agissent comme des mercenaires. Il n’échappe à personne que les pays qui ont participé à l’agression contre la Syrie ont été largement arrosés par le prince Mohamed Salman agissant comme un insensé arrogant et gaspilleur.

– L’armée arabe syrienne, le pouvoir politique syrien et les populations syriennes ne baissent pas les bras et affichent leur détermination à résister et à remporter d’autres victoires contre les terroristes que les saoudiens, les qataris, les turcs, les américains, les français et les anglais ont recrutés, mobilisés et équipés.

– Les russes ne sont pas intervenus, nonobstant les cris de victoire des médias occidentaux, car l’évaluation de la situation a été correcte de leur part : l’attaque a valeur symbolique et il appartient aux seuls syriens d’y répondre pour montrer leur compétence intrinsèque de combativité et leur maitrise technologique.

– L’armée syrienne a réalisé un excellent score en abattant 71 Cruise missiles sur les 103 lancés. C’est un taux de réussite de 70%. Résultat prodigieux que les médias vont mépriser, mais que les “alliés” et l’entité sioniste vont analyser avec effroi. La Syrie l’a réalisé seule sans le concours des russes. Cela montre l’intelligence stratégique des Russes. Cela laisse penser que les Russes avaient déjà livré et installé les systèmes de défense et que les Syriens les ont déjà intégré. Personne ne sait comment vont évoluer l’intensité des frappes et la durée de l’agression, mais nous pouvons dire sans risque de nous tromper que si l’agression est symbolique, elle ne change rien à l’équation du terrain : la Syrie a remporté une victoire qui va changer la donne internationale et régionale et réaliser la fin de l’hégémonie américaine devenue une hyperpuissance super impuissante. Si l’agression continue, la Russie et les forces de résistance en Syrie et ailleurs vont entrer dans le conflit et contraindre les américains et leurs vassaux français et anglais à négocier en position d’humiliation et de défaite. L’avenir de Trump est plus incertain que celui de Bachar al Assad.

– Si le conflit venait à s’étendre et à s’intensifier, même si le rapport des forces est en faveur de la coalition des mercenaires, la Syrie est capable de résister. La Serbie, isolée, a résisté vaillamment avant de capituler. La Syrie n’est pas seule et elle n’a pas encore épuisé son potentiel de défense.

– Enfin bombarder de loin et détruire des infrastructures militaires et civiles avec les moyens les plus destructeurs ne suffit pas pour gagner une guerre. Pour gagner la guerre il faut réaliser deux objectifs : occuper le sol, faire taire la voix de son ennemi. Pour l’instant les images montrées révèlent des lieux désaffectés : les images de l’enfer de Bagdad et de Belgrade ne sont pas là. On ne peut faire confiance aux mercenaires, mais tout indique que les frappes ont visé l’opinion publique et ont cherché à sortir de l’impasse diplomatique et de l’escalade militaire sans trop d’humiliation.

– La confusion et le chaos de l’administration américaine vont apparaitre plus évidents et plus dramatiques montrant la défaite psychologique, politique, militaire, économique, social et culturel du modèle atlantiste.

– Les médias de l’entité sioniste sont déçus de l’attaque signifiant la déception du renseignement sioniste sur l’efficacité des frappes contre la Syrie. Ils sont habitués à voir des corps déchiquetés et brulés et là ils ne voient que de vieux bâtiments ébréchés dont certains ont déjà été évacués et d’autres ne sont probablement que des leurres rendant l’efficacité des frappes inférieure à 10%. Ils craignent que les frappes ne soient que symboliques et la panique de gérer un avenir à portée des missiles syriens et iraniens et des infiltrations du Hezbollah frappant leurs arrières. L’avenir est sombre pour l’entité sioniste.

– La France a perdu l’ultime chance de jouer un rôle positif dans le monde arabe. Les peuples n’oublieront jamais.

– Les agresseurs ne pourront jamais apporter de preuve sur l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien à Douma. Une fois les passions apaisées et les fascinations oubliées, la question majeure se posera de nouveau : pourquoi “punir” sans preuve, pourquoi tant de guerres. Les Occidentaux finiront par avoir la nausée devant le cynisme et la nuisance maléfique de leurs dirigeants et de leurs médias. Leur nausée sera plus grande lorsqu’ils comprendront que les grands politiques de ce monde avec leurs grandes armées, leurs grands services de renseignements et leurs grandes ressources scientifiques et technologiques se sont fait leurrés par de petits informateurs et de minables terroristes. Le général Mattis, secrétaire à la Défense, à quelques heures de l’attaque contre Damas déclarait aux législateurs américains jeudi que le Pentagone n’avait aucune preuve que le chlore ou le sarin avait été utilisé à Douma et que la majorité des revendications provenaient des médias et des médias sociaux. Alors que Emmanuel Macron depuis un petit bourg de France, dans une petite école maternelle et face à un petit journaliste affirmait qu’il avait la preuve que des armes chimiques ont été utilisées par le régime de Bachar Al-Assad. Ce sont ces contradictions risibles qui nous permettent d’affirmer que c’est la fin des rigolos qui hélas vont se permettre d’occire des millions de vies humaines par leur folie et leur insouciance.

– La folie et l’insouciance ne vont pas s’arrêter à la Syrie si l’escalade ne venait pas à être stoppée tout de suite mais s’étendre à l’Iran, la Russie puis la Chine. L’équation à ce niveau est simple ou c’est le triomphe des forces maléfiques et de Satan ou l’effondrement de l’Empire atlantiste et émergence d’un nouvel ordre mondial sur les décombres de l’ancien. Il ne s’agit pas de vœux, mais de lois dialectiques objectives qui gouvernent l’Histoire et l’alternance des civilisations humaines. Jamais Dieu ne permettra le triomphe de Satan sur l’Homme, il ne reste donc que l’effondrement de l’Empire qui va de plus en plus vite et de plus en plus chaotique vers sa fin. Ils sont amenés  graduellement et progressivement vers leur perte sans s’apercevoir et sans le ressentir de telle façon qu’ils n’ont aucune possibilité de trouver parade ou de trouver amendement : c’est la Sunna d’al Istidraj

وَالَّذِينَ كَذَّبُوا بِآيَاتِنَا سَنَسْتَدْرِجُهُمْ مِنْ حَيْثُ لَا يَعْلَمُونَ * وَأُمْلِي لَهُمْ إِنَّ كَيْدِي مَتِينٌ

– Quel est l’après-frappe ? Si le quatuor USA, France, Angleterre et entité sioniste n’a effectivement réalisé aucun de ses objectifs, le quatuor Syrie, Russie, Iran et Hezbollah vont achever leur maîtrise totale sur la Syrie en ouvrant trois nouveaux fronts et liquider les trois bastions de subversion : Idlib près de la frontière turque, Derâa près de la frontière jordanienne et les bases de déploiement américain en Syrie. En dehors de la Syrie nous verrons des opérations militaires qualitatives au Yémen et en Afghanistan. Nous verrons également une collaboration économique et financière sino-russe fragilisant l’ancien ordre mondial atlantiste. Pour l’instant le président Bachar al Assad sort renforcé dans sa légitimité et sa crédibilité par un soutien populaire arabe et syrien et sans doute une grande considération auprès des couches populaires mondiales. Après le tapage triomphaliste et dés-informateur des médias occidentaux et des bédouins nous verrons le retrait total des soldats américains de la Syrie et de l’Irak et l’isolement du Qatar et de l’Arabie saoudite.

Agression de la Syrie : diversion ou dérision ?

Le Hezbollah confronté aux pervers narcissiques

Les grands pervers narcissiques viennent d’imposer leur folie destructrice aux minuscules et insignifiantes marionnettes du monde arabe :

1 – Ils criminalisent le Hezbollah libanais faisant de lui un terroriste ouvrant ainsi la porte à la négation de toutes les résistances arabes contre l’occupant sioniste actuelle et l’occupant à venir et qui pointe déjà son nez et ses oreilles.

2 – Ils reconnaissent implicitement l’entité « Israël » qui se voit reconnaître comme « État » et non plus comme « ennemi » ouvrant ainsi la normalisation des relations avec le sionisme. En faisant du Hezbollah une milice terroriste, on occulte le terrorisme du sionisme contre les Palestiniens et on passe sous silence la violence et le chaos des mouvements d’inspiration wahhabite contre les Musulmans et les Arabes. Je continue d’affirmer que la guerre menée contre la Libye et celles menées contre la Syrie visent à disloquer la mentalité, le territoire, l’ histoire et l’économie des Arabes pour que Israël reste hégémonique dans la région sans crainte d’une opposition ou d’une rivalité.

3 – Ils condamnent l’Iran lui reprochant d’avoir de l’influence géostratégique reconnaissant ainsi qu’ils sont sans influence malgré leur manne financière et leur puissance médiatique.

4 – Ils préconisent la guerre civile au Liban faisant semblant d’oublier que le Hezbollah est non seulement un constituant majeur de la vie politique, institutionnelle et sociale du Liban, mais le maillon le plus fort, le plus structuré et le plus décisif.

Si en Syrie et en Libye les compromissions ont donné caution morale, religieuse et diplomatique à l’intervention directe ou déguisé de l’OTAN, cette-fois c’est la même caution qui est donnée à l’entité sioniste contre la résistance libanaise et palestinienne. On peut reprocher au Hezbollah la croyance au Faqih dirigeant, c’est sa foi on peut lui opposer une autre vision du monde. On peut reprocher au Hezbollah sa présence en Syrie et dans ce cas on peut lui faire des reproches acceptables et tolérables. Même sur ce plan, assez tôt j’ai expliqué, avant qu’il ne prenne sa décision d’intervenir en Syrie, que le Hezbollah allait être conduit objectivement et inévitablement à se déployer militairement en Syrie. En plus de la nécessité vitale, l’expérience va lui donner une autre compétence militaire contre l’entité sioniste. Par ailleurs il dispose de la légalité d’intervenir, à l’instar des Iraniens et des Russes, puisque c’est le régime syrien, toujours en place et toujours légitime, a fait appel à lui. Les Saoudiens, les Turcs et leurs mentors occidentaux en supervisant la rébellion armée sont en réalité dans l’illégalité la plus totale si on se réfère au droit international et à l’ONU. Comme les camélidés, les gouvernants arabes écrasent sous leurs pattes ce qui leur est donné à cultiver. Leur vocation est de porter les fardeaux d’autrui.

Nos analyses antérieures nous montraient la constitution d’une armée arabe sous commandement de l’OTAN, les choses sont en train de se précipiter : nous assistons à l’émergence d’une arabité sionisante qui est née depuis longtemps déjà en parvenant à cacher sa présence et sa nuisance sous les habillages religieux et nationalistes. Ce qui nous surprend c’est le pourquoi de cette manifestation en ces moments singuliers où l’avenir du monde est en train réellement de se jouer.

Il est vrai que les bédouins pseudo sunnites ont une haine politique, idéologique et militaire à l’égard du Hezbollah chiite qui va les conduire à l’humiliation, car à chaque confrontation ils sortent perdants et sans boussole. La position algérienne devrait revenir à plus d’objectivité et d’impartialité. Les Algériens ne sont pas des mendiants attendant la charité saoudienne.

Les Saoudiens sont en train de révéler chaque jour, après la Libye, la Syrie et le Yémen, leur laideur et leur imbécillité politique et médiatique. Je continue à croire et à défendre mes arguments exposés depuis 2010 : l’islamophobie est la compétence diabolique à saper les musulmans et à les pousser à produire de la méfiance entre eux et à susciter de la défiance de la part des autres dans le seul but : ne plus inspirer de la pitié lorsque leurs territoires seront disloqués et leurs corps mutilés. Humiliés et anéantis ils ne peuvent prétendre à aucun rôle civilisationnel sauf celui d’être comptoir commercial ou base coloniale.

Peut-être que ce qui se passe est un bien pour nous. Ainsi on arrête de vivre les fantasmes que le passé décadent et l’Empire ont cultivé en nous : l’arabisme et l’islamisme. Libérés de nos utopies et de nos instrumentalisations de la religion et de la patrie peut-être  que nous aurions plus de dispositions intellectuelles et géopolitiques à nous fédérer avec les peuples du voisinage sur la base de la proximité des géographies, des aspirations populaires et des interactions sociales et économiques. Les Libanais qui connaissent le prix de la guerre civile ne vont pas laisser les « sunnites » inféodés à l’Arabie saoudite agir comme des insensés et leur retenue va frapper comme une gifle cinglante les « Serviteurs des lieux saints de l’Islam » qui ont trahi Al Qods autre lieu saint, la première Qibla du Prophète (saws). On ne sait plus s’il faut verser des larmes de torrents à force de  pleurer devant tant de malheurs  ou de rire devant tant de stupidités.

Peut-être que nous reviendrons à une compréhension saine et efficace de l’Islam pour lui redonner sa vocation libératrice et civilisationnelle.  Tout change sauf la Parole d’Allah (Acte et  verbe) immuable :

{Si vous vous détournez, Il vous remplacera par un autre peuple, et ces gens ne vous ressembleront pas.} Mohammed 38

[bctt tweet= »Le Hezbollah confronté aux pervers narcissiques »]

PS : Les médias algériens nous informent que les autorités algériennes, par la bouche du MAE, ne sont pas engagées  par le communiqué de la Ligue arabe et sa position néfaste à l’égard de la résistance palestinienne et du Hezbollah.  Il en serait de même de la Tunisie.

De la culture du management du changement

Pour approfondir la notion de compétence au changement, prenons comme base d’étude la parabole coranique de l’arbre :

{N’as-tu pas vu comment Allah fourni une parabole ? Une bonne parole est comme un arbre bon : sa racine est stable et sa ramure est au ciel. Il donne ses fruits en chaque saison, par le Vouloir de son Dieu. Et Allah fournit les paraboles pour les hommes, peut-être se souviendraient-ils. Et la semblance d’une mauvaise parole est comme un arbre mauvais, qui fut arraché de sur la terre, qui n’a nulle stabilité.} Coran

Cet arbre ou cet homme est d’abord un potentiel voulu par Allah. Il est créé et doté de capacités qui le rendent apte à produire des fruits avec chacun de ses fruits l’aptitude à produire d’autres arbres dans un cycle de reproduction élargie pour davantage de biens. Cet arbre ou cet homme peut ne porter aucune semence d’avenir, car il n’en a pas les capacités. Il végète et il finit par perdre sa vitalité et perdre les raisons mêmes de son existence. La volonté d’Allah est que l’arbre soit bon, stable et utile. Allah ne rattache pas le mauvais arbre à Sa Volonté pour signifier la responsabilité de l’être à se cultiver lui-même et celle de la terre qui le porte à lui apporter ce qui lui donne vitalité et stabilité.

À titre d’exemple, Abraham a utilisé son potentiel pour partir très jeune à la quête de la vérité et se forger une réputation de contradicteur contre le mensonge, Mohamed a lui aussi utilisé son potentiel pour chercher la vérité et se forger une réputation d’honnête homme loyal et digne de confiance. Dans cette production de singularités humaines, Allah va choisir les plus aptes à porter Son Message et à réformer la société en leur donnant des capacités plus grandes et des moyens plus efficaces. Voici ce qu’Il dit au sujet de Moïse :

{Et quand il eut atteint sa maturité et sa forme, Nous lui avons accordé sagesse et science. Et c’est ainsi que Nous récompensons ceux agissent au mieux.} Coran

{Et Je t’ai comblé d’amour de Moi-même, pour que tu sois formé sous Ma Surveillance} Coran

Les Prophètes comme les arbres n’ont pas tous trouvé l’environnement favorable. Il en sera ainsi pour les hommes de bonne volonté. Dans l’existence moderne et sous toutes ses facettes toute capacité réelle ne devient pas une compétence ou une autorité qui conduit un projet, une réforme ou État. Une compétence est une capacité reconnue comme telle par ses pairs ou par son environnement qui lui donne ainsi une légitimité symbolique. Dans une société corrompue et dans un environnement hostile, une capacité non seulement n’est pas investie de légitimité, mais elle risque d’être présentée comme médiocre ou nuisible qu’il faut éliminer :

{Et Pharaon dit : « Laissez-moi tuer Moïse et qu’il invoque alors son Dieu ! Moi, j’ai peur qu’il n’altère votre religion ou qu’il ne fasse paraître la corruption de par la terre ».} Coran

Dans une telle situation, la lucidité ne consiste pas à surenchérir ou à chercher des justifications pour répondre à l’amour propre blessé par un déni de considération et de reconnaissance, mais à adopter la posture musulmane :

{Et Moïse dit : « Moi, j’ai cherché refuge auprès de mon Dieu, et votre Dieu, de tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement ».} Coran

Moïse va se focaliser sur la défense de la vérité qui terrasse tous les mensonges de Pharaon et de ses courtisans. La reconnaissance viendra de ceux qui reconnaissent la vérité à travers lui. En tous les cas Moïse ne l’a pas cherché.

Souvent, la compétence n’est pas une capacité, mais une imposture que le système crée pour donner l’illusion de légitimité en faisant reconnaitre par lui, par l’environnement ou par quelques rentiers de la société un de ses agents ou un de ses communicants. Pharaon va tenter de faire diversion sur la capacité de Moïse à argumenter sur la vérité et à fédérer le peuple opprimé en donnant légitimité technique et symbolique à son administrateur investi du pouvoir d’atteindre le ciel et de rendre Dieu accessible à sa vision et à celle de ses courtisans alors qu’il sait en son for intérieur l’impossibilité de sa prétention :

{Et Pharaon dit « O Hamana, construis-moi une tour, peut-être atteindrais-je les chemins, les chemins des Cieux, alors je verrai la divinité de Moïse, et je pense sûrement qu’il est menteur ».} Coran

Les diversions sur la compétence sont nombreuses et elles font partie de la lutte idéologique. Une autre diversion consiste à confondre le pouvoir avec l’autorité. Pour un grand nombre de linguistes, l’autorité morale, intellectuelle et artistique est celle d’un « auctor » c’est-à-dire d’un producteur d’idées, d’un fabricant d’événements ou d’un stimulant moral et spirituel qui pousse à agir au sens latin « augeo, augere »  qui signifie « faire croître, développer ». L’auteur et l’autorité sont les initiateurs d’action et de sentiments créatifs et inventifs. L’écrivain, le metteur en scène, l’artiste sont des auteurs parce qu’ils créent des personnages, des décors, des récits. Un personnage exerce une autorité, car il a une influence morale et intellectuelle par son charisme et son savoir qui stimulent la créativité et la coopération dans un groupe et font de l’auteur une référence pour le conseil, l’arbitrage sans qu’il ne bénéficie d’un statut privilégié ni d’une position de commandement. L’auteur et l’autorité sont du point de vue de la créativité la manifestation d’une compétence c’est-à-dire d’une capacité légitime qui donne à son tour l’inspiration à d’autres capacités patentes ou latentes.

La notion d’autorité devient pouvoir exercé sur les autres et commandement du type militaire du fait de la position hiérarchique militaire, sociale ou politique d’un personnage. L’imperator est le général en chef ayant reçu les honneurs pour « imperare » c’est-à-dire ordonner ce qui doit être dit et fait en sa qualité de « princeps » c’est à dire de somment de la hiérarchie que lui confère la Res Publica (chose publique) qui reconnait ainsi sa légitimité de premier. De cette légitimité (par la force et le droit) découlent les attributs de mérite que le premier chef est censé avoir dans sa posture d’élu, de modèle. Dans le dédale des mots il est donc difficile de distinguer le privé du public, le droit de la force et la dérive démiurge de l’homme de la grandeur de la cité. Auctoritas, dans Rome, est le pouvoir judiciaire, militaire et administratif conféré à l’Empereur romain. L’Empire romain a codifié l’exercice du pouvoir dans des principes et des hiérarchies administratives qui sont devenus des principes de jacobinisme et de républicanisme par excellence. Ces principes ont pénétré les colonies de l’Empire romain, l’Église, les Empires musulmans, la modernité occidentale, les colonies européennes, et le mondialisme.

La prédation et le mouvement de l’argent, des idées et des faits scientifiques et techniques qui ont donné naissance au capitalisme ont fait coexister les deux notions d’autorité. Ainsi pouvoir et créativité ainsi que compétences et positions administratives en Occident collaborent ou entrent en rivalité dans une logique cohérente, car elle correspond à la culture, à l’histoire et à l’économique qui façonnent le sol et la mentalité d’une civilisation. Chez nous l’esprit du Janissaire et du colon ont laissé une incohérence telle que nous ne produisons que des autoritarismes et des servitudes y compris dans le domaine de la culture et de la religion. Dans cet esprit ce sont les hiérarchies militaires, administratives et judiciaires héritées du colonialisme qui vont choisir les hommes qui seront aux commandes de l’État, qui vont déterminer le profil des élites des corps de métier, les programmes religieux et éducatifs, et qui vont configurer les cinq maitrises du territoire dans tous les domaines en l’occurrence l’usage, la propriété, la conception, l’exécution et l’expertise du développement, de la culture et des ressources.

Dénoncer un général ou contester un président ne suffit pas à mettre en marche le changement et à libérer l’intellectuel lorsque la mentalité de César et de légionnaire au sommet rencontre celle de la plèbe dans les jeux de cirque et la distribution de pain. Voter pour un président ou pour une assemblée nationale ne change rien à l’organisation et au fonctionnement des institutions ni au rapport des gouvernants aux gouvernés lorsque le principe d’autorité de l’empereur romain, le premier citoyen de Rome, est reconduit en concentrant les pouvoirs militaires, judiciaires, politiques et administratifs, en maintenant leur pyramide et en faisant des parlements et des sénats des chambres de rhétorique et des justificatifs légaux.  Notre bataille ne doit donc pas se focaliser sur les aspects formels, conjoncturels ou personnels, mais sur les dimensions historiques et psychologiques structurelles et les idées qui éclairent les mentalités et les invitent à changer leur mode de représentation des élites et des pouvoirs.  Toutes les notions de droit, de justice, de propriété, de pouvoir, d’administration, de démocratie et de gouvernance doivent être expurgées non seulement de leurs références impériales et capitalistes, mais de leurs sources judéo-chrétiennes et gréco-romaines en tant que prétention à représenter l’universel et le mérite.

En Occident, la question de l’intellectuel se pose dans le jeu de rivalités entre l’autorité du marché et de l’administration et les auteurs qui ont une autre vision de la Post modernité, de la liberté et de la créativité. On ne peut donc poser la question chez nous de la même façon sauf si on opte pour un alignement parfait et définitif sur l’Occident ce qui est impossible, ou bien si on revient à l’esprit originel de l’Islam qui demeure une possibilité réalisable si on parvient à la rendre pensable et souhaitée par une société ou par une élite qui aspire à s’émanciper de l’oppression, de la corruption, de la rente et de la médiocrité. Je ne pense pas que la société doive attendre la venue du Mahdi, le retour du Messie ou l’émergence d’une élite « reconnue » pour connaitre les évidences et les devoirs de sa religion :

« L’image des Croyants dans les liens d’amour, de miséricorde et de compassion qui les unissent les uns aux autres est celle du corps : «dès que l’un de ses membres se plaint de quelque mal, tout le reste du corps accourt à son secours par la veille et la fièvre ».

 « Le croyant par rapport au croyant est comme la construction dont tous les éléments se soutiennent »

La réalité politique et idéologique ainsi que la complexité socio psychologique font que la capacité intellectuelle ne trouve pas le champ favorable pour s’exprimer, ne trouve pas les forces pour agir et ne trouve pas de protection contre le système dominant qui non seulement lui refuse la reconnaissance et la légitimité, mais lui refuse les moyens élémentaires de subsistance et d’expression. Malek Bennabi a décrit la solitude et le doute qui risquent de paralyser la pensée et de la pousser à démissionner, à composer ou à se soumettre. Il a décrit comment la lutte idéologique est armée pour conduire un homme à l’isolement pour qu’il soit facilement mis au silence. L’intimidation et les menaces peuvent renforcer la conviction et l’acharnement d’un homme, mais la frustration peut le plonger dans le désarroi et la désespérance. La quête de légitimité, de reconnaissance, de considération et de reproduction est un sentiment et une revendication sociale qui existe chez l’animal le moins sociable. Comment jouer son rôle d’intellectuel du changement alors que les conditions qui s’opposent au changement sont génératrices d’angoisse, de doute, de déni de reconnaissance ?

Le seul chemin est celui de la foi lorsqu’elle est agissante. Le Coran nous invite à méditer la situation psychologique du Prophète Mohamed (saws) mis au ban. Il faut de la vertu et de la force mentale pour ne pas s’effondrer devant l’arrogance de la bêtise et la laideur de la méchanceté :

{Patiente ! Certes ta persévérance tient d’Allah. Ne t’afflige donc point pour eux, et ne t’angoisse point de ce qu’ils rusent.} Coran

Le seul chemin est celui de la foi lorsqu’elle est réformatrice. Le Coran nous invite à prendre exemple sur le Prophète Choâyb :

{Je ne veux que la réforme autant que je puisse}

Proposer et conduire des réformes n’exigent pas obligatoirement des appareils d’État ou partisans ou des lois et des codes. Bien sûr qu’il faut moderniser les législations et les dispositifs techniques et administratifs, mais chacun peut participer à la réforme de son environnement immédiat. L’usager peut faire usage de façon plus convenable et plus modérée. Le concepteur peut proposer des concepts et des dispositifs plus innovants et plus efficaces. Le réalisateur et l’exécutant peuvent faire des choses plus belles, plus sures et moins couteuses.  A titre d’illustration, les réformes du gouvernement Hamrouche étaient intéressantes, mais elles étaient condamnées à échouer. Le premier échec est dû à l’absence d’assise populaire pour les porter, on ne peut modifier radicalement la devanture d’un pays sans changer son âme et on ne peut imposer des réformes d’en haut. Le second échec était dû à l’opposition des rentiers et des bureaucrates au sein des appareils et dans leur périphérie. Le troisième était dû aux technocrates censés les conduire. Le quatrième était dû à la fragilité et à la dispersion du front national occupé à lutter pour le pouvoir alors que les forces étrangères torpillaient toute idée de changement en Algérie. Le cinquième et non des moindres était l’obstruction du FIS. Le volontarisme politique ne suffit pas.

Le volontarisme a laissé derrière lui des ruines : révolution agraire, révolution industrielle, révolution culturelle (arabisation), restructuration industrielle. Dans quelques années nous verrons d’une manière tragique les catastrophes actuelles que la chute du prix de pétrole va dévoiler malgré les masques de la propagande, de la répression et de la corruption. Pour l’instant les Algériens ne rejettent la responsabilité de l’échec sans que chacun n’assume sa part et ne se réforme lui-même en commençant par l’autocritique. C’est l’autocritique qui aiguise le sens des responsabilités et donne crédibilité à long terme.

La foi donne un sens métaphysique à la lutte et libère le croyant de la réussite mondaine. Son combat n’est pas pour-soi, mais pour une idée et un principe. Son combat n’est pas pour un parti ou un peuple, mais pour l’Homme créature honorée par Dieu, son combat n’est pas pour la seule réussite dans ce monde, mais pour le salut ultime. C’est la finalité à laquelle l’intellectuel a dédié son intelligence et son existence qui le met dans un regard positif sur lui-même, que les conditions soient favorables ou défavorables : il a la conscience du privilège de ne pas être médiocre, de ne pas être corrompu et d’obtenir sa récompense :

{Nous ne faisons pas perdre la récompense de quiconque agit bien} Coran

{Allah ne manque jamais à Sa Promesse} Coran

Il faudrait travailler plus en profondeur pour comprendre les mécanismes qui ont fait des compagnons du Prophète (saws) une élite qui transcende les conditions défavorables et qui parvient à faire du peu de possibilités que leur donnaient le sol et le temps un puissant mouvement historique qui a transformé l’histoire du monde en 20 ans face aux inerties considérables des Arabes, des Perses et des Byzantins. Il faudrait aussi travailler sur la sémantique coranique et civilisationnelle pour voir si leurs possibilités peuvent être les nôtres et sous quelles conditions :

{Vous êtes la meilleure Communauté produite pour les hommes : vous commandez le bon usage, vous interdisez le répréhensible et vous croyez en Allah.} Coran

Lorsque le musulman des temps présents se croit parfait, le légataire des compagnons du Prophète ou le dépositaire exclusif et infaillible de l’Islam il se met dans la situation de celui qui ne peut ni prétendre à la perfection pour réformer les autres, ni avoir l’objectivité de voir les tares et les défauts de sa régression pour se réformer. Lorsque l’esprit partisan ou sectaire vient conjuguer l’empressement et lorsque la démagogie fait oublier le devoir de patience face au déni de reconnaissance et au déni de légitimité, alors la violence et l’effusion de sang deviennent le refuge des désespérés qui deviennent ainsi les artisans de l’immobilisme et de l’entropie alors qu’ils prétendaient être des réformateurs. La politique est un des moyens de la réforme et du changement. Elle ne peut être le seul moyen et encore moins la finalité. Le statut d’imam, d’élite, pour guider intellectuellement ou pour gouverner politiquement est un don qu’Allah accorde, une récompense venant de lui :

{Nous avons établi certains d’entre eux en qualité de Guides qui dirigent suivant Nos Ordres, dès qu’ils se sont montrés persévérants et croyants avec certitude en Nos Signes.} Coran

Dans les priorités du comment et du pourquoi des conditions de l’émergence de l’intellectuel et de son efficacité sociale et intellectuelle dans nos pays il y a donc celles qui consistent à s’impliquer nous-mêmes dans l’effort de purification personnelle, de quête de l’amour divin et de témoignage en faveur de la vertu et de la vérité. Il s’agit de s’inscrire soit même comme un virtuel de pionniers dans la réforme voulue par Allah, de chercher à devenir un arbre bon, créatif et généreux puis laisser la Providence décider si on mérite d’être choisi ou non et confier à l’histoire le soin de conclure si les conditions ont été favorables ou non.  Notre devoir est de mobiliser tout ce qui est dans nos capacités de la manière la plus juste et la plus efficace. Dans l’adversité et le malheur les plus sombres, les portes de l’espérance demeurent totalement ouvertes :

{Quant à ceux qui s’efforcent en Nous, certes Nous les guiderons vers Nos voies. Vraiment Allah est avec ceux qui agissent au mieux.} Coran

Après cette brève analyse sur l’intellectuel nous pouvons revenir à la parabole coranique de l’arbre par laquelle Allah (swt) montre les qualités requises pour devenir un modèle de conduite : être Tayyib c’est-à-dire bon et beau dans son essence, sa forme, sa stabilité, ses effets et dans ses fruits. Cela ne s’improvise pas d’être bon, beau, utile, riche et enrichissant dans sa parole, sa pensée, son comportement et son acte. Cela ne suffit pas d’avoir les qualités requises du tayyib, il faudrait avoir celle du thabàt, la fermeté, l’endurance et la pérennité. Le changement ne se décrète pas et ne se réalise pas comme un coup de baguette magique : il s’inscrit dans une continuité historique et dans une culture qui rendent difficile le déracinement, la discontinuité, le dépérissement, la disparition ou l’anéantissement. La fermeté et la constance sont aussi l’expression d’une foi certaine et d’une science bien établie à propos de Dieu. L’élévation dans le ciel indique la perfection, la pureté et la transcendance alors que l’attachement à la terre indique le réalisme. La production de fruits indique l’utilité intrinsèque et l’efficience. La noblesse et la générosité sont une force d’attraction pour l’ensemble des créatures qui ne doivent pas être rebutées par la stérilité et la laideur qui font fuir.

L’arbre a vocation d’offrir des fruits pour donner envie dans l’immédiat et pour annoncer les récoltes a venir. Le fruit n’est pas seulement le résultat de l’action qui se donne aux autres, c’est aussi le goût esthétique et spirituel que la foi agissante donne à l’être comme une récompense intérieure. Le fruit comme aboutissement de l’arbre est symboliquement la symbiose entre la sensation, la perception et la pensée de la synthèse de la beauté, de la bonté et de l’utilité pour soi et pour les autres. Si la saveur, l’odeur et la vision du fruit peuvent être altérées, oubliées, dénaturées ou assouvies, l’amour d’Allah, l’ardeur spirituelle, et la miséricorde envers les créatures sont inépuisables et extensibles.

L’arbre dont il s’agit est l’Islam indestructible, inaltérable et bénéfique sur tous les plans. Sa vocation est d’être visible sans dissimulation et d’avoir des effets de miséricorde pour tous. Le musulman doit donc s’apparenter au bon et au beau qui inspirent la confiance et l’espoir, à la fermeté et la continuité qui préservent de l’inefficacité et de l’incertitude, à l’élévation qui préserve de la souillure et qui permet d’avoir une vision haute et dégagée, et enfin à l’enracinement dans son milieu hors de toute utopie pour demeurer une offre de paix et de sécurité, une initiative de prospérité…. Le rapport entre la terre et le ciel de l’arbre est aussi dans le rapport entre l’expérience terrestre et le message coranique. L’expérience mobilise les possibilités du territoire de vie alors que le Coran apporte la finalité, la lumière et le sens à l’existence. Pour se déraciner et tomber, il faut donc avoir démérité ou être irrécupérable. Cette parabole sur l’arbre laisse grandes ouvertes les portes de l’espoir que le Coran exprime de différentes manières :

{… comme une semence qui fit sortir ses rameaux, puis les renforce, puis les grossit, puis elle s’égalise sur ses tiges, donnant plaisir aux cultivateurs} Coran

{… comme l’exemple d’une graine qui a germé sept épis de blé, chaque épi renfermant cent graines. Et Allah multiplie à qui Il veut.} Coran

Après avoir énoncé la parabole de l’arbre et les qualités requises qualités de l’arbre, le Coran donne la configuration de l’élite qui peut représenter l’Islam : produire de belles idées et de belles paroles avec la volonté de chercher le salut dans la vie future et le bel avenir dans ce monde :

{Allah affermit ceux qui sont devenus croyants, par la ferme parole, dans la vie terrestre et dans la vie future. Et Allah fourvoie les injustes. Allah fait ce qu’Il veut.} Coran

Lorsqu’un homme se réclame de l’Islam et ne trouve pas de cadre qui le met en valeur et lui donne l’opportunité et la pertinence de s’exprimer et d’agir, il doit s’interroger sur sa propre valeur et se questionner sur les mouvements se réclamant de l’Islam si par hasard ils n’ont pas corrompu le champ social et le monde des idées par leurs divergences et leurs incohérences. Dans un cas comme de l’autre, il y a un travail de culture au sens propre et figuré.

Lorsque l’arbre est contrarié ou menacé dans son existence, alors non seulement Dieu intervient dans l’histoire pour la réguler et la réajuster en accordant des dons et des possibilités favorables à d’autres hommes, mais Il y intervient pour inverser les tendances et changer radicalement le cours et le sens de l’histoire. Il rend ainsi les instigateurs du mal désemparés et impuissants tout en offrant aux bonnes intentions les possibilités inédites du salut et du renouveau :

{Et ils ourdirent un puissant stratagème, mais Nous planifiâmes un autre stratagème sans qu’ils s’en rendent compte. Regarde alors quel est le résultat de leur ruse : Nous les avons détruits, eux et leurs gens, en totalité. Voilà donc leurs demeures désertes, en raison de ce qu’ils furent injustes. Certes, il y a en cela un Signe pour des gens qui savent.}

Il ne s’agit donc pas d’une invitation à la résignation ou au fatalisme, mais d’une méditation sur le sens de l’histoire et sur la finalité de l’activité humaine afin de trouver le ressort spirituel et psychologique pour changer ce qui doit être changé et faire que le changement ne soit pas déboité de la quête du salut ultime. C’est en s’inscrivant dans la quête de salut que le Qui, le Quoi et le Comment du changement deviennent repérables et mobilisables dans le temps et l’espace de leurs expressions.

Les Prophètes incarnent le mieux la symbolique de l’arbre coranique :

{N’as-tu pas vu comment Allah fourni une parabole ? Une bonne parole est comme un arbre bon : sa racine est stable et sa ramure est au ciel. Il donne ses fruits en chaque saison, par le Vouloir de son Dieu.}

Il m’arrive souvent de méditer leurs vies et leurs œuvres en contemplant un jeune plant ou une jeune pousse un jour de givre ou de gel : comment résister à cette pression et à ce froid pour survivre et enfin garder miraculeusement une stabilité et un élancement si majestueux ? Celui qui a donné à ce plant l’énergie et la vitalité pour réaliser sa vocation est Celui qui a donné aux Prophètes le courage et la fermeté d’endurer d’une âme égale et avec constance les coups de l’adversité alors que toutes les forces du mal et de l’oppression se liguaient contre eux. Souvent nous répétons des formules coraniques apprises par cœur sans les situer dans leur contexte et sans tirer profit de leur sémantique. Prenons par exemple cette expression :

وَيَقُولُ الَّذِينَ كَفَرُوا لَسْتَ مُرْسَلًا ۚ قُلْ كَفَىٰ بِاللَّهِ شَهِيدًا بَيْنِي وَبَيْنَكُمْ وَمَنْ عِندَهُ عِلْمُ الْكِتَابِ

{Les négateurs disent : « Tu n’es pas envoyé ! » Dis : « Dieu suffit comme témoin entre moi et vous, Lui et ceux qui possèdent la science du Livre »} Ar Raâd 42.

Il faut se mettre dans la posture sociale et l’état psychologique et affectif de celui qui est sûr et certain de la vérité qu’il transmet sans rien demander en échange, car sa vocation est de transmettre fidèlement la vérité qui lui a été révélée, et qui se trouve nié, démenti, raillé, traité de fou, d’imposteur, de magicien, de menteur alors que sa vie connue de tous est irréprochable sur le plan moral, social et intellectuel. Il y a de quoi perdre la raison et la foi pour celui dont la vérité est incertaine ou pour celui qui poursuit un but mondain.

Que dire et que faire lorsque nous subissons un déni de reconnaissance sociale ou une injustice que personne ne peut ou ne veut réparer. Que dire et que faire lorsque nous sommes désavoués par des sots et des ignorants. Que dire et que faire lorsque nous nous trouvons confrontés à l’impuissance de nos actes et de nos paroles alors que nous avons consacré notre vie au service de la vérité et de la justice. Que dire et que faire lorsque nous voyons les parvenus recevoir des félicitations et des promotions alors que notre travail est demeuré vain, notre sacrifice sans reconnaissance, notre vie sans achèvement, notre vérité occultée ? Se lamenter pitoyablement ou implorer la miséricorde d’Allah comme l’a fait le Prophète (saws) maltraité par les va-nu-pieds que les influents de Taef ont mobilisé contre lui :

« Ô Allah, mon Dieu, je me plains à Toi de ma faiblesse, de mon peu de pouvoir et du peu de considération que les gens ont pour moi.  O Toi Le Plus Miséricordieux des miséricordieux, tu es mon Dieu et celui des faibles. Fais-moi Miséricorde. À qui m’abandonnes-tu ? À un étranger qui m’attaque ou un ennemi de qui Tu me fais dépendre ? Si Tu n’es pas en colère contre moi cela m’est égal. Cependant Ta clémence est plus généreuse envers moi. Je me réfugie vers Ta face pour laquelle les ombres se sont dissipées et qui a ajusté tout ce qui concerne ce monde ici-bas et celui de l’au-delà, contre le fait d’encourir sur moi Ta colère ou de me faire parvenir Ton désagrément. Je supporterai tout reproche jusqu’à ce que Tu sois Satisfait et il n’y a de Pouvoir ni de Puissance qu’en Toi. »

Allah qui lui a inspiré cette prière la plus émouvante qui soit lui dit de répondre à ses détracteurs :

{Dieu suffit comme témoin entre moi et vous}

La quête de reconnaissance est sans doute la plus demandée après celle de l’amour, mais elle s’efface lorsque l’homme fait de la vérité sa préoccupation majeure. C’est la certitude de la vérité trouvée ou acquise qui forge les caractères et c’est la paix intérieure que procure l’accession à cette vérité avec la crainte de la perdre qui rend l’heureux acquéreur tolérant envers l’ingratitude et le déni de reconnaissance. Il ne s’agit pas de devenir insensible, désabusé et cynique, mais au contraire d’être très réaliste en relativisant les choses et en agençant les priorités.

C’est Allah Vérité Réalité qui atteste que Mohamed (saws) dit la vérité et qu’il est et vit dans le réel alors que les autres sont dans le mensonge et la fiction. Cela fait partie de l’ordre des choses même si cela semble absurde et cruel.

Focalisons notre attention sur la précision lexicale et sémantique entre Chahid (شهيدًا) et Chàhed (شاهدًا).

Le Chàhed est le témoin véridique qui témoigne de ce qu’il a vu, entendu ou fait, directement en sa présence ou rapporté à lui par information ou par déduction. Le Chahid est un témoin singularisé par son présentiel et sa proximité. Allah signifie au Prophète qu’Il est témoin, présent et proche : Il est avec lui en permanence même si la réalité perçue par les autres est faillible, car il leur manque tant l’acuité de la réalité totale que la connaissance de la vérité intrinsèque. L’ingrat est privé du bonheur de la gratitude, le client du système est privé de l’effort méritoire, le menteur est privé de la vérité, le fasciné est privé de la réalité. Celui qui s’est approché de la vérité et de la réalité a perçu des secrets indicibles et inimaginables même si la solitude et le désaveu le désignent comme paria social.

C’est bien d’avoir un programme de changement politique et de réformes sociales et économiques, mais c’est insuffisant s’il n’y a pas un courant populaire qui pousse au changement des mentalités et des comportements.

Ne plus dépendre de la reconnaissance sociale est sans doute l’acte libertaire le plus difficile, mais le plus salutaire pour celui qui a pour projet de se réformer et de réformer la cité des hommes : rien n’a prise sur lui sauf la mort et le destin décrété pour lui. Dans ces conditions il n’y a ni empressement qui mène à la guerre civile ni compromissions qui mènent au reniement de soi.

{Dieu suffit comme témoin entre moi et vous}

N’est pas une formule pour afficher son islamité alors que tout notre comportement prouve que nous sommes loin de la vérité et de la réalité ; c’est le comportement par excellence de celui qui se revendique de la voie prophétique même si les mots et les habits pour le dire « islamiquement » font défaut.

Focalisons notre attention sur les subtilités du langage coranique :

{Dis : « Dieu suffit comme témoin entre moi et vous, Lui et ceux qui possèdent la science du Livre »}

Une fois que le Prophète est réconforté par la présence divine qui confirme que la Parole du Prophète est vérité et que cette vérité lui suffit pour s’émanciper de la considération sociale ou de la crainte des négateurs, il est fait appel au témoignage des savants juifs et chrétiens. Ils sont dans le rang de Chahid (شهيدًا) par leur proximité avec l’événement signifiant à la fois que Mohamed n’est pas un plagiaire qui aurait entendu, mais un réformateur qui vient corriger les falsifications, que les Savants savent que Mohamed est bien réel, car la parcelle de vérité qu’ils détiennent l’a annoncé. Mohamed (saws) était attendu et connu, mais la proximité avec la vérité et la réalité n’est pas une garantie pour vaincre les préjugés et amorcer le changement. Les savants juifs et chrétiens ont nié Mohamed alors qu’ils savaient qu’il était le Prophète annoncé et attendu, car il n’était pas « savant comme eux,  n’était pas de leur clan ni de leur confession. Le déni de vérité et de réalité est souvent dû à la persistance des fausses représentations et des fausses attentes. La vérité et la réalité ne sont pas toujours conformes à nos désirs et à nos ambitions. Le rang de savant et la proximité de l’évènement ne sont pas suffisants pour accepter le changement.

Par ailleurs ce verset discrédite les élites juives et chrétiennes qui croyaient se distinguer des Arabes païens par la gnose religieuse et l’attente du Prophète de la fin des temps alors qu’une fois la vérité venue les voici la nier. Les Arabes illettrés et inconnaissants  des réalités religieuses peuvent trouver excuse à ne pas saisir la vérité lorsqu’elle s’annonce à eux, mais une fois que la vérité se cristallise dans leur for intérieur et dans leur champ social ils sont bien obligés de constater le faux témoignage des savants religieux.  On peut transposer cette réalité historique aux expériences « démocratiques » dans le monde arabe pour voir que les élites nationalistes et laïcs se comportement de la même façon que les savants juifs et chrétiens lorsque les choix des populations ne sont pas en leur faveur.

Ce verset nous montre d’une manière magistrale comment un Prophète isolé peut se trouver à contre-courant des idées de son époque et comment par son courage et par la foi il peut surmonter les obstacles dressés contre sa prédication. Il nous montre aussi comment ceux qui prétendent incarner la vérité et représenter l’avant-garde intellectuelle ou religieuse peuvent nier la vérité et la réalité lorsqu’elles ne correspondent pas à leurs ambitions et à leurs systèmes de représentations du monde pour se retrouver fatalement en situation de contre-courant contre l’innovation et la réforme.

Ce verset nous met face à une autre problématique de la pédagogie du changement : le véritable changement ne commence pas par la revendication de changement de régime et la construction d’appareils, mais par la déconstruction des fausses représentations. Nous croyons à tort que la vocation humaine est la politique dans le sens de prise de pouvoir ou d’exercice de pouvoir. Le pouvoir est un accessoire dans le changement. Le changement s’amorce et s’amplifie au niveau philosophique, culturel, artistique, scientifique, technologique, social et économique. C’est la conjugaison des faits progressistes et de la pensée humaniste dans ce qui fait une nation (gouvernants et gouvernés) qui provoque le changement à tous les niveaux de la société et dans tous les registres d’existence et d’expression. Ainsi les couches aisées et les masses populaires sont emportées par la même dynamique, un monarque absolu peut conduire des réformes de progrès, une aristocratie peut approuver des réformes. La prospérité d’un peuple n’est pas obligatoirement liée à une forme singulière de souveraineté (monarchie, anarchie ou république) et de gouvernance  (démocratie, polyarchie ou autocratie). Elle dépend surtout du consensus social sur lequel se construit, évolue et se raffine par la qualité du débat philosophique (artistes, philosophes, scientifiques, religieux, homme d’État…) et le niveau de participation des populations ou du moins des couches moyennes à ce débat.

C’est ainsi que les choses se sont passées en Grèce, à Rome, en Perse, dans la modernité ou dans la civilisation islamique. Accessoirement on peut servir ou dénoncer le pouvoir, mais fondamentalement on débat sur les idéaux de vérité, de justice, de beauté, de liberté et d’efficacité. En Algérie, c’est faire diversion que de se focaliser sur la personne du Président sachant que le pouvoir réel est informel sans centre. Nous sommes face à l’Hydre à plusieurs têtes. Je ne crois pas que la vocation du réformateur est d’être un héros mythologique à l’image d’Hercule accomplissant ses douze travaux. La vocation principielle de l’Homme est de se mettre en quête de sens par sa nature spirituelle. Lorsqu’il établit cette quête alors le pouvoir politique joue le rôle d’adjuvant ou d’opposant, de commanditaire ou de bénéficiaire.

C’est cette quête perpétuelle qui crée le mouvement, l’entretient et l’accélère. Les forces qui expriment le mouvement vont fatalement s’opposer à celles qui préfèrent l’immobilisme. Dans les moments de crise, les hommes de valeur vont se trouver contraints de marcher à contre-courant du système en place (dans ses composantes philosophiques, religieuses, politiques et socio-économiques).  On ne se met pas à contre-courant par mimétisme, par provocation, par goût du désordre ou par intérêt, mais parce que le courant du changement est plus profond, plus juste, plus vrai, plus utile à la société. Croire que la vocation de ce courant est de s’accaparer les appareils et d’exercer le pouvoir c’est fatalement entraîner le mouvement de changement dans la paresse, les sacrifices vains et les luttes de pouvoir. Les Prophètes, les philosophes, les artistes et les vertueux ne se préoccupent pas des appareils, mais de pédagogie de changement. Pourquoi et comment changer ? Il ne s’agit pas d’infantiliser les gens ou de les mettre sous sa tutelle, mais de les aider à explorer les chemins et à expérimenter les méthodes et les usages. L’essentiel étant de parvenir à connaitre et à distinguer laideur et beauté, vérité et mensonge, justice et injustice, liberté et oppression, sens et absurde, réalité et fiction, égalité et privilège.

Les gens sensés ne devraient pas s’autoriser ou autoriser de mener des expérimentations idéologiques et politiques ruineuses et catastrophiques à l’échelle d’une nation ou d’une région. Le bon sens voudrait que les gens qui ont montré leurs capacités raisonnables à expérimenter efficacement sur de petites entreprises et de petits projets puissent progressivement passer à des projets plus grands. À l’inverse si les inexpérimentés doivent faire leurs preuves à échelle réduite, ceux qui ont failli ne doivent absolument pas s’engager sur des échelles plus larges. Cela n’est possible que lorsque la culture entrepreneuriale l’emporte sur la culture de la rente, de la bureaucratie, de la cooptation et du clientélisme. La culture entrepreneuriale ne devient valeur nationale que si et seulement si la notion de bien public et de responsabilité (de responsa : rendre compte, donner réponse sur ses actes et ses décisions) dans tous les registres existentiels et à tous les niveaux hiérarchiques. C’est une autre application du droit et de la justice appliquée à destination d’une personnalité morale en l’occurrence la cité des hommes.

C’est d’abord et avant tout un débat d’idées et de représentations mentales sur le devenir. Il est par essence subversif, car il bouleverse les immobilismes et les conservatismes. Il demande plus d’effort, de courage et de lucidité que les revendications politiciennes ou corporatistes sujettes à la corruption et à la répression. Faire le bien et dire vrai sont l’excellence du comportement, de la parole et de l’idée de l’aspirant réformateur, du pédagogue du changement. C’est la vocation de l’universel. Les conditions des hommes, du lieu et du temps vont colorer localement cet universel humain. La lumière est l’universel, la couleur est le local et le temporaire.

Se focaliser sur le pouvoir politique c’est détruire l’idée, la réalité et la vérité, complexes, du changement. Ignorer les contraintes et les limites imposées par le pouvoir politique c’est manquer de réalisme. Le Prophète (saws) est l’expression de la vérité agissant sur le réel :

« Allah mon Dieu faites-moi voir Al Haqq (vérité-réalité) comme haqq (vrai-réel) puis accordez-moi la faculté de m’y conformer ; fais-moi voir Al Batil (mensonge-faux) comme Batil (mensonger-fallacieux) puis accordes-moi la faculté de m’en détourner »

« Allah mon Dieu! Accordez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en discerner la différence »

 Il faut être un homme libre et responsable pour affronter le monde avec autant de courage et de lucidité. Il faut être dans la proximité vraie et réelle pour que le débat qui concerne le devenir des peuples ne soit pas monopolisé par les célébrités médiatiques, les leaders politiques et les rentiers du pouvoir ou de la religion. La proximité –  la capacité à être ensemble et de débattre des valeurs partagées et des intérêts communs ainsi que des divergences et des différences – exige de gommer le clivage idéologique et politique pour se consacrer à la culture du changement dans une orientation à visage humain ouvrant la voie à tous sans exclusion ni exclusive.

Méditer ces implorations prophétiques mène vers la réflexion philosophique même si on n’est ni professionnel de la philosophie ni diplômé de la Sorbonne. La démarche philosophique ou la quête de sens va se retrouver face à la question de savoir si le changement est affaire de masse par une révolution qui détruit l’ordre ancien ou affaire d’individualité par la foi qui attend l’ordre nouveau qui ne manquerait pas de venir lorsque les êtres sont prêts moralement et spirituellement à l’accueillir? La nature nous donne la réponse édifiante. Il faut voir comment des montagnes se désagrègent sous l’effet du soleil, du vent et de la pluie pour se transformer en grains de sable qui vont à leur tour éroder des rochers, des montagnes et transformer radicalement les paysages. Il en de même pour le cycle de l’eau. Même s’il y a une grande masse de granit ou d’eau qui semble donner des résultats, dans la réalité ce sont les grains de sable et les gouttes d’eau qui agissent laborieusement et inlassablement pour façonner de nouveaux reliefs à l’échelle géologique. Pour l’humain c’est la même chose avec un temps historique.

On est en droit de se poser légitimement la question sur le qualificatif du changement, politique et démocratique ou global et socio-culturel ? Bien entendu il faut envisager le changement à tous les niveaux, mais sans perdre de vue que l’intensité, l’amplitude, la profondeur et la pérennité du registre socio-culturel sont plus grande et plus complexes que celles du registre politique. Le moteur du changement est l’être, ontologique et social, alors que les activismes politiques sont des impulsions, des accessoires, des accompagnateurs, des instruments d’observation et de régulation.

Dans cet ordre d’idées on peut se questionner sur la validité et l’efficience d’un élan spirituel pour le changement lorsque le champ politique et médiatique est fermé par la répression ou lorsque la crise ne peut être surmontée que par l’agitation politique et sociale pour donner conscience, mobiliser, informer et revendiquer. Bien entendu les tenants de l’ordre en place vont trouver les « clergés » qui vont émettre des Fatwas pour interdire les grèves, les manifestations, les critiques et les associations citoyennes sous prétexte de la préservation de la sacralité des personnes et des biens oubliant que la liberté, la dignité et la marche vers le progrès sont aussi sacrées et que réprimer la revendication d’un droit ou interdire l’exercice d’un devoir est une violation de l’honorariat confiée par Dieu à l’Homme pour qu’il exerce les fonctions de liberté, de justice, de vérité et de responsabilité sur ses choix et ses actes tout simplement parce qu’il est homme et c’est sa vocation d’être honorée et d’exiger le respect et la liberté. Ce sont nos principes. La réalité peut imposer ses règles, car les contradictions sont exacerbées et ne peuvent trouver aboutissement que par le conflit et le rapport de force. Dans ce cas les principes exigent que la force ne doit pas être démesurée et disproportionnée pour ne pas se transformer en chaos ou en effusion de sang et pour ne pas donner la fausse illusion que tous les problèmes se règlent par la force dans la démarche activiste du « tout ici et tout maintenant » comme si l’histoire humaine pouvait être un achèvement définitif ou un renversement radical.

Le Coran et les implorations du Prophète (saws) s’ils accordent le droit à l’opprimé de se défendre lorsqu’il est agressé, ils refusent l’activisme cynique et l’agitation subversive. L’Islam, les religions et les spiritualités du monde nous disent que le changement est un processus naturel qu’il ne faut pas comprendre comme agression de l’homme devenu idole sur le monde devenu esclave, mais comme transformation de l’homme. Cet homme n’est pas un être abstrait désincarné sur lequel on spécule, mais un être concret, vivant avec un visage et une singularité qui le distingue des autres. C’est cet homme qui doit parler de ses besoins, de ses attentes et qui doit s’impliquer dans le changement des conditions de son existence. Les idéologues du progressisme et ceux du maraboutisme ont gommé l’existence de cet homme et son droit à l’expression. Il faut voir et entendre les gesticulations et les manœuvres des orchestres  du « Panem et circenses » pour se rendre compte que ces malheureux sont loin de méditer où ils ont conduit l’Algérie et où ils ont mené les Algériens.

Le premier acte de transformation est la méditation-contemplation pour comprendre les finalités ultimes et y adapter ses démarches et ses moyens :

{Certes, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a en vérité des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allah et méditent sur la création des cieux et de la terre :  » Notre Seigneur! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi! Garde-nous du châtiment du Feu.}  Al-Imran, 190-191

L’homme contemplatif et méditatif finit par comprendre que toutes les créatures ont leur place et leur rôle dans la création divine. Personnellement, au cours de mes pérégrinations sur le territoire national et en voyage ou au travail je n’ai jamais manqué de contempler un paysage ou un visage en me posant des questions sur leur vocation, leur richesse, leur diversité, leur sens. Est-il possible que ces gens, ces reliefs et ces moments soient absurdes et que nous-mêmes soyons des insensés au point de ne pas en prendre soin pour les fructifier, pour en faire des symboles de témoignage de notre gratitude et de notre devoir de bien faire. Aujourd’hui, à distance, je médite les gargarismes de ceux qui brûlait le matin ce qu’ils avaient adoré la nuit et qui adorent le soir ce qu’ils avaient brûlé le matin par opportunisme, hypocrisie et nationalisme des canailles. Comme est belle et exacte cette parabole de Jalal Eddine Roumi :

Si ta pensée est une fleur, tu es un parterre fleuri

Mais si elle est faite d’épines, tu n’es que ronces à brûler.

Tu n’es pas un corps tu es un œil spirituel.

Ce que ton œil a contemplé tu le deviens…

Le changement est d’abord qualitatif pour mieux vivre, mieux se respecter, mieux se connaitre, mieux partager. Il est dans l’anagogie c’est à-dire dans l’élan spirituel et la sympathie, l’ardeur psycho-temporelle et la bienveillance, l’intelligence et l’amour… Le changement n’est pas dans la seule alternance politique. Il ne s’agit pas de constituer une alternative à un pouvoir en place, mais une alternative à un système voire plus une revivification de la société qui se remet à produire ses idées, son élite, son argent, son organisation, ses produits. Ce n’est pas la révolution française, c’est l’autogestion lors de l’indépendance nationale, c’est la fraternisation lors de la guerre de libération nationale. L’idée qu’Allah fait changer par le pouvoir (la force ou le gouvernement) ce qu’Il ne change pas par le Coran est fausse même si elle est attribuée au Calife Otman. Cette conception, jacobine et kharijite, est un désaveu de la Puissance d’Allah et une dérive démiurge de la capacité humaine alors que l’homme, par essence, est faible et  imparfait, par sa finitude et sa faillibilité, est limité et impuissant. Cette conception du changement par le haut semblable au centralisme bureaucratique fait croire que le peuple exercerait le pouvoir et que la cité vertueuse se réaliserait en confiant les rênes du pouvoir à une bande de despotes illuminés, laïcs ou religieux, qui ne manqueraient certainement pas d’éradiquer leurs opposants, de remplir les prisons et de vider les caisses de l’État. Ce sont des utopies contre nature et dangereuses. Ces utopies sont des machines à fabriquer le consentement populaire et l’aliénation, car imbues de leur suffisance et de leur arrogance elles vont se couper des réalités et inventer de faux syllogismes idéologiques et religieux pour se maintenir au pouvoir.

On entend des prédicateurs citer David et Salomon comme modèles de changement par le haut et c’est faux, car le pouvoir qu’ils ont détenu est venu comme récompense de leur vertu et de leur sens de la justice et de l’équité. Par ailleurs le récit coranique nous donne leur contexte historique et territorial : le conflit avec des armées puissantes capables de les envahir et de les soumettre. A ce propos, si les Algériens, gouvernants et gouvernés, ne mettent pas le curseur sur la priorité centrale en l’occurrence la prédation étrangère et les retombées géopolitiques des agressions de la Syrie et de la Libye, la lutte du pouvoir sera l’occasion de fragmenter l’unité nationale fragile, de disloquer l’économie nationale précaire et de déchirer le tissu social en décomposition morale. L’ivresse de l’argent facile et de la consommation effrénée empêche les algériens d’écouter la vérité et de voir la réalité : nous sommes un comptoir commercial destiné à devenir une base coloniale. Au-delà du discours triomphaliste et arrogant, nous n’avons pas les moyens de résister dans les conditions actuelles d’immobilisme et d’irresponsabilité.

Le véritable changement commence lorsque chacun refuse la prédation vorace et cupide, la laideur et l’injustice ou s’indigne devant leur spectacle. La plus grande injustice c’est de croire que la laideur et l’injustice des gouvernants autorisent celles des gouvernés. Le plus grand mensonge c’est de croire que les manifestations spectacles ou les actions d’éclat sont une réponse à l’indignation alors que ce qui nous indigne n’est pas suffisamment compris dans sa genèse ni résolu dans sa mesure la plus appropriée pour lui apporter la solution qu’il mérite. Alors quel changement ? Allah y répond :

{ En vérité, Allah ne change point un peuple tant que celui-ci n’a point changé ce qui est en lui} Ar Raäd 11

Les bigots et les moralisateurs ont pensé que le changement s’opère par le zèle cultuel, les soufies par le spiritualisme, les jihadistes par la violence armée, les salafistes wahhabites par le commerce et la mode vestimentaire. Chacun y va de l’interprétation. Nous mettons l’accent sur des pratiques alors qu’il s’agit de transformer l’être c’est-à-dire transformer son rapport à la vérité et à la réalité en transformant ses représentations mentales et idéologiques, ses comportements, sa conscience, son sens des responsabilités. La transformation de l’être n’est pas d’ordre religieux ou politique, mais d’ordre intérieur. C’est l’homme qui doit se libérer de ce qui l’aliène pour se hisser à sa vocation humaine :

{Certes, Allah commande l’équité, la bienfaisance et l’assistance aux proches. Et Il interdit la turpitude, l’acte répréhensible et la rébellion. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez.}  an-Nahl, 90

Lorsque chacun se discipline à bien penser, à bien agir, à bien aimer, à bien se comporter, à bien croire en Dieu alors il devient un rayonnement spirituel c’est-à-dire une intelligence rayonnante de bonté, d’amour, de vérité. La vérité que nous sollicitons n’est pas un concept abstrait ou une fascination médiatique, c’est un fait qui témoigne de son authenticité et un être qui témoigne de sa véracité. Ce sont ces faits et ces êtres avec les idées qui les génèrent et qui en découlent qui sont les vecteurs du rayonnement moral et spirituel. La dynamique du changement est lorsque l’acte de bien bonifie l’être qui a son tour inspire autrui à bien agir dans le respect des différences qui peuplent la cité. La cité peuplée de gens rayonnants sera alors un pôle de rayonnement universel qui ne connait ni l’humiliation, ni l’insécurité, ni la faim, ni une mauvaise gouvernance :

{Nous avons fait de vous une Communauté centrale (rayonnante) afin que vous portiez témoignage auprès des hommes (sur les hommes), et que le Messager soit témoin auprès de vous (sur vous).} Al Baqara 143

Ce rayonnement n’est pas le fait d’une puissance d’État ou d’un appareil politique qui ordonne d’en haut comme Pharaon, mais le fait d’hommes humbles qui agissent d’en bas avec humilité et dans la proximité des gens et des problèmes de la cité. Nul ne peut témoigner aux hommes s’il n’occupe pas une position centrale, une posture dominante, un rôle rayonnant sur le plan spirituel, moral, social et civilisationnel, ainsi qu’une proximité sociale et affective avec l’humain. Dans nos pays musulmans nous avons le centre de rayonnement par excellence dans la mosquée qui a vocation à fédérer les diversités, à transcender les différences, à établir du lien social de proximité, mais elle est devenue une tribune pour des imams qui y lisent des livres anciens ou des auxiliaires de l’administration qui maintiennent les gens dans le déni de penser et de parler. Le second lieu est la famille, elle est devenue une cellule consumériste. Le troisième lieu est l’école, elle fabrique le mimétisme et la rivalité au lieu de former des esprits à penser librement et efficacement.

Partout où l’homme se trouve, il dispose de moyens d’action s’il consent à agir après avoir médité les fins, s’il fait de la vérité et de la réalité ses critères de décision, de la proximité et de l’amour son périmètre de rayonnement, de ses possibilités la multiplicité et l’ampleur de ses efforts. L’imam, l’enseignant et le parent peuvent, sans éclat, transformer radicalement la société si quelques-uns d’entre eux appliquent scrupuleusement le principe prophétique de refuser le conformisme qui consiste « Il faut faire le bien lorsque la majorité des gens font le bien, mais il ne faut pas faire le mal sous le prétexte que la majorité des gens font le mal ».

Qu’il soit microcosme comme un grain de sable négligeable ou macrocosme comme une multitude incommensurable, Allah le jugera selon l’intention de son œuvre. L’individu croyant rayonnant est pour sa communauté de foi, puis cette communauté de foi est pour l’humanité ce que sont l’arbre pour le jardin et les jardins pour les créatures :

{Une bonne parole est comme un arbre bon : sa racine est stable et sa ramure est au ciel. Il donne ses fruits en chaque saison, par le Vouloir de son Dieu.}

La priorité, en tout lieu, tout temps et toute condition, est de semer sa propre graine, d’entretenir sa germination et d’espérer d’Allah qu’elle produise arbre et fruits avec générosité et bénédiction. Le Coran est cohérent et éloquent dans son lexique, sa sémantique, ses métaphores et sa symbolique : il est toujours question de culture c’est-à-dire de croissance du bas vers le haut, dans son propre milieu et avec ses propres possibilités :

فَأَمَّا مَن تَابَ وَآمَنَ وَعَمِلَ صَالِحاً فَعَسَىٰ أَن يَكُونَ مِنَ ٱلْمُفْلِحِينَ

{Quant à celui qui se sera repenti, qui sera devenu croyant et qui aura pratiqué le bien, certainement il sera parmi ceux qui cultivent…} Al Qassas 67

Le Falah (فلح) coranique est la culture du bonheur et du salut. C’est cette culture qui produit le changement. Il n’y a ni ressentiment ni fantasme, mais labeur assidu et honnête. Il n’y a attente ni de salaire, ni de reconnaissance, ni de gloire, ni de peur, mais exigence impartiale de vérité et respect strict de la réalité. Il serait illusoire de croire que la prise de pouvoir et l’exercice du pouvoir sont la voie la plus efficace du changement. La culture du changement exige une terre fertile, une disponibilité à semer et l’attente espérant que l’effort non seulement ne soit pas vain, mais qu’il soit béni. C’est un peu le sens de la parabole de Jésus fils de Marie :

« Écoutez ! Voici que le semeur sortit pour semer.
Comme il semait, du grain est tombé au bord du chemin ; les oiseaux sont venus et ils ont tout mangé.
Du grain est tombé aussi sur du sol pierreux, où il n’avait pas beaucoup de terre ; il a levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde ; et lorsque le soleil s’est levé, ce grain a brûlé et, faute de racines, il a séché.
Du grain est tombé aussi dans les ronces, les ronces ont poussé, l’ont étouffé, et il n’a pas donné de fruit.
Mais d’autres grains sont tombés dans la bonne terre ; ils ont donné du fruit en poussant et en se développant, et ils ont produit trente, soixante, cent, pour un. »

La démarche intellectuelle consiste justement à manager le changement et la culture qu’il exige et celle qu’il produit. De bonnes intentions ont été horrifiées de me voir utiliser le verbe manager lorsque j’ai abordé la compétence du changement. Le verbe manager issu du latin « maneggiare » signifie manier du latin manus (la main). Le manager a donc pour vocation initiale de prendre la main dans un processus en se chargeant (ou en étant chargé) de se familiariser avec quelqu’un ou de s’occuper de quelque chose pour qu’être et choses arrivent à leur destination, trouvent leur place et prennent leur dû. Le manager c’est aussi celui qui a vocation de faire tourner le manège c’est à dire de huiler les mécanismes pour garantir le fonctionnement, faciliter le mouvement, la cohérence et la fiabilité des dispositifs destinés à l’usage public.

Aussi bien chez les latins que chez les anglo-saxons il y a une différence entre le manager et le director (le directeur). Le manager est un animateur, un conseiller, qui agit par délégation, par représentation sans être le maitre des lieux. Sa conscience peut être le commanditaire de ses idées, de ses paroles et de ses prises de position. Le « directeur » est celui qui, souvent seul, possède la charge et la responsabilité de donner des ordres, d’indiquer la direction à suivre et le cas échéant de rendre compte s’il agit pour le compte d’un maitre d’ouvrage ou d’un maitre des lieux qui le commandite. Il n’y a pas d’équivalent managérial aux statuts de directeur qui peut être directeur de conscience, directeur spirituel, directeur de recherche, directeur d’entreprise, chef d’un directoire ou d’un exécutif. Le directeur est l’autorité hiérarchique à qui revient la décision finale. Le manager n’est pas dans la décision, il est dans la médiation où il peut jouer le rôle de facilitateur dans le transport de l’information et dans l’intermédiation où il peut jouer le rôle de garant entre des parties contractantes pour sceller un accord ou divergentes pour régler un litige. Si la direction renvoie à la notion de maitre qui ordonne, le management renvoie à la notion de servant qui rapproche. Si la direction renvoie à l’imposition pour réaliser un objectif, le management renvoie à la bienveillance pour rendre les choses compatibles et mettre les hommes en harmonie.

Manager implique donc la réflexion systématique, l’information fiable, la responsabilité morale, la connaissance des règles de l’art, la proximité, la médiation et la communication. C’est ce que fait l’artiste lorsqu’il livre son interprétation du réel. C’est ce que fait l’intellectuel lorsqu’il n’est pas auxiliaire de service ou interlocuteur valide des services. C’est ce que doivent faire ceux qui sont concernés par le changement. Les technocrates du capitalisme et les  bureaucrates du centralisme bolchevique convertis aux affaires ont confiné le management au commandement des hommes et à la gestion des budgets. Les « cadres » qui ont coulé le secteur public n’ont retenu du management que  la direction d’une affaire ou d’un service ou l’entretien des relations d’intérêts.

Ne peuvent donc manager les affaires publiques ceux qui sont au service d’intérêts privés ou aliénés par leur appartenance idéologique. Ceux qui veulent concilier et réconcilier les Algériens à faire de la Politique au sens noble du terme doivent s’exclure du pouvoir et des partis pour se consacrer exclusivement au management du changement par lequel on évite l’effusion de sang et la ruine. Pour ceux qui ne parviennent pas à saisir le sens de mes propos et qui m’attribuent des buts inavoués, je dois avouer que la richesse et les subtilités du langage traduisent exactement la pensée de ma pensée et visent à montrer que la culture du changement, la pédagogie du changement ou le management du changement est avant tout une affaire de liberté de parole et c’est cette liberté qui doit transcender les idéologies et les partis pour que la cité devienne un lieu de management ouvert à tous et profitable à tous.

La voie anagogique, aspiration vertueuse dans la cité des hommes et empathie pour la création de Dieu, est difficile à concevoir tant par les partisans de l’immobilisme et de la rente que par les agitateurs extrémistes et nihilistes. Le prophète qui demande la vertu est raillé et expulsé. Le Prophète qui demande la patience est raillé et expulsé.

La clé du changement historique qui met fin à l’injustice et au mensonge du capitalisme et de ses vassaux despotiques dans le monde musulman est la résilience. Le mot résilience désigne la capacité d’un organisme à s’adapter à un environnement hostile, perturbant ou changeant. C’est la compétence de refuser de s’aligner sur le modèle dominant tout en cherchant les formes d’organisation et les mécanisme de production et de répartition qui libèrent l’homme de la prédation C’est la compétence de récupérer son énergie vitale et son fonctionnement normal après un choc, une déformation, une usure ou une panne.

La volonté des populations musulmanes de résister au colonialisme et leur persistance à croire à un autre destin autre que l’indépendance inachevée et confisquée témoigne  que l’âme humaine est indestructible, il suffit donc que cette âme entre en contact avec Dieu et porter fidèlement et efficacement la foi ou que cette âme comprenne les  vocations de l’Islam pour qu’elle devienne l’instrument de Dieu par lequel Allah déjoue et châtie les comploteurs selon un principe irréfutable :

{La Parole de ton Dieu s’est accomplie véritablement et justement. Rien ne peut changer Ses paroles.} Coran

La résilience est sans doute le terme qui traduit le mieux le terme coranique Sabr, cette compétence spirituelle et psychologique d’endurer les épreuves et de réagir avec intelligence et détermination sans empressement ni improvisation. Demeurez constant et persévérant sans céder au mimétisme et à l’alignement exige une élévation morale et spirituelle, une connaissance des vrais enjeux, et l’attente du changement dans l’espérance :

{Suis ce qui t’est révélé et persévère jusqu’à ce qu’Allah juge (décide, Il est le meilleur des juges (décideur).} Coran

Demeurez constant et persévérant sans céder au désespoir est la résilience qui permet de maintenir intact son état moral et de conserver son potentiel d’action pour résister et agir sur son environnement hostile. Elle exige une aspiration spirituelle et un niveau de certitude tel que le renoncement à la corruption lorsqu’il devient un refus collectif provoque la fracture puis l’effondrement de l’oppresseur au moment le plus inattendu et de la façon la plus dramatique :

{Ne faiblissez donc pas, et ne vous chagrinez pas, alors que vous êtes les plus élevés} Coran

Bien entendu l’élévation peut être comprise à tort comme l’arrogance du « peuple élu » et des « bien-aimés de Dieu » alors qu’il s’agit de l’aspiration morale et spirituelle à la perfection dans ce monde et au salut dans l’autre. L’élévation peut être comprise comme un discours moralisateur pour se croire le meilleur, en adoptant quelques postures religieuses ou en mimant quelques socio codes du passé quelques et géocodes d’Arabie, alors qu’il s’agit de créer les meilleures conditions et les meilleures possibilités pour se hisser au rang qu’exige la foi : témoigner avec efficacité et justesse de ce que la foi authentique peut réaliser en termes de libération et de civilisation.

Construire l’ambiance psychologique et spirituelle de sa résilience et de son espérance est aussi important sinon plus qu’agir sur les conditions objectives et les possibilités matérielles de sa résistance ou de son émancipation. Un peuple livré à lui-même ne peut s’organiser en résilience. Il lui faut de la foi et une guidance qui l’éduque et le prépare. Les moyens objectifs doivent être mobilisés, mais ils ne peuvent remplacer la dimension spirituelle et psychologique qui donne la finalité, le sens et le rythme soutenu et assidu de l’effort ainsi que l’acceptation des sacrifices et des épreuves.

Les appareils disposent des dispositifs et des intelligences de corruption et de fabrication du désespoir qui brisent facilement un mouvement dont l’inspiration et l’activité ne sont que politique ou idéologique. Devant la puissance et l’impunité d’un système dominant et arrogant il n’y a que la démission ou la violence à laquelle ceux qui ont oublié Dieu ont recourt par impuissance. Ceux qui ont préparé leur résistance en se remettant totalement à Dieu ne compte pas sur leurs forces et n’escomptent leurs résultats : ils s’inscrivent dans une logique qui transcende l’histoire immédiate en prenant acte des facteurs de puissance et d’impuissance pour adapter leur formes de résistance et construire leur espérance.

Personne n’a de réponse individuelle ni de recette miracle contre le désespoir et le désenchantement. Le Coran invite à l’espoir par la vie spirituelle et la connaissance de la réalité telle qu’elle est sans idéalisme romantique ni nihilisme cynique. L’expérience humaine invite au partage, à la solidarité et à la communion. Lorsqu’on conjugue le Coran et l’expérience on trouve réponse dans l’enseignement prophétique qui demande la coopération de tous pour lui trouver une configuration sociale et politique, individuelle, collective et environnementale faisant transformer le désespoir en mouvement historique de changement :

« Allah mon Dieu ! Je cherche refuge auprès de Toi contre l’affliction et le chagrin, contre l’indigence et la paresse, contre la lâcheté et l’avarice, contre l’endettement et l’oppression des hommes »

Sans ce cheminement nous resterons dans l’importation des utopies et l’improvisation des échecs. La lutte idéologique consiste, sur cet aspect de la résistance intellectuelle et sociale à se focaliser sur une solution qui viendrait comme une recette de cuisine alors que la réalité et la complexité exigent de s’inscrire dans une praxis. La praxis c’est penser et agir socialement hors de l’utopie et de l’idée facile du droit à revendiquer ou du mal à dénoncer. La praxis c’est aussi penser et agir à la fois sur des concepts et sur la conceptualisation du retour d’expériences accumulées. Pour l’instant nous ne produisons pas suffisamment de pensée et d’efficacité dans l’action sociale et politique. Le pire c’est que nous ne faisons ni évaluation ni critique du peu de pensées et d’actions entreprises. Nous sommes des utopies spontanées, atomisées et dispersées sans dénominateur commun, sans lien fédérateur, sans champ social, sans perspective politique.

La foi, l’idée ou la démarche de civilisation ne peut être enfermée dans une mosquée, confiné dans un parti politique, mise en spectacle dans un média, ou instrumentalisé par un pouvoir. Elle a vocation spirituelle, sociale, libératrice et civilisatrice. Elle demande du temps, de l’énergie, du champ social et de la profondeur intellectuelle. La mission de l’intellectuel est de rappeler cette vocation, de l’expliciter, de refuser son instrumentalisation politicienne ou idéologique, de la protéger tant du populisme infantile que de l’idéalisme utopique. L’intellectuel ne peut se limiter à l’instant présent, sa vocation est de s’inscrire dans le temps historique.

Sans la grâce divine, l’homme et la société ne peuvent pas trouver le salut, et sans la raison ils ne peuvent prétendre à la grâce divine qui leur a fait don de la raison pour qu’ils soient des témoins reconnaissants et agissants. Saint Augustin a fait de l’esthétique la manifestation du bonheur. Le beau est aimable, l’aimable est embelli. Le croyant ne peut vider son idée, sa parole et son acte de leur dimension esthétique. Des idées laides, des comportements grossiers et des paroles vulgaires ne peuvent engendrer des projets nobles ou des actions belles :

{Et dites aux hommes de bonnes paroles} Coran

{Vers Lui monte la bonne parole, et l’œuvre vertueuse, Il l’élève.} Coran

Dans les cas désespérés, la belle parole de politesse est un encouragement, une charité, un appel à s’élever vers un sens éthique et du devoir plus élevé fermant la porte aux dérives de l’indifférence et du mépris. Lorsqu’il n’y a rien à donner l’écoute bienveillante et le partage des souffrances est une bonne parole silencieuse qui laissent les coeurs communiquer et se soutenir en attendant que les jours amènent la guérison et la lumière.

Sans l’esthétique, cette conscience du beau, la morale serait austère et froide où il ne se serait question que de châtiment, de malédiction et de renoncement laissant non seulement l’ignorant dans ses ténèbres, mais laissant l’âme et l’intelligence frustrées de ne pouvoir répondre à l’appel intérieur et extérieur vers plus de perfection. Le berbérisme athée qui s’attaque avec laideur et bêtise à la foi du peuple algérien devrait relire l’histoire de l’Algérie. Nos gouvernants qui nous insultent et nous méprisent devraient s’inspirer de la noblesse et de la beauté de ce pays au lieu de la méchanceté et de la médiocrité de leur arrivisme et de leur cupidité vorace.

Au lieu d’opposer berbérité et arabité, modernité et islamité, l’histoire et l’intelligence auraient dû se mettre au service de la conscience algérienne et lui donner le sens du devoir et du travail en montrant comment le sol nord-africain avait enfanté des grandes idées et de grands hommes. Notre solution est dans le débat et dans l’enrichissement mutuel et non dans le dénigrement des autres ou dans le déni de vérité en faisant de notre passé, de notre présent et de notre avenir un tabou dont l’évocation dérangerait nos consciences. Lorsque le premier ministre algérien compare le Coran à de la poésie ou lorsqu’il prétend que le pays n’a pas besoin de poètes et de philosophes, il ne reflète que l’inconscience d’un système moribond et inculte que rien ne vient déchirer, raisonner ou éclairer :

{Leur exemple est comme celui qui alluma un feu, et lorsqu’il éclaira les alentours, Allah dissipa leur lumière et les laissa dans des ténèbres, ne voyant rien : sourds, muets, aveugles, c’est pourquoi ils n’en reviennent pas} Coran

{Certes, les pires des bêtes, pour Allah, sont les sourds, les muets, qui ne raisonnent point. Si Allah avait trouvé en eux quelque bien, Il les aurait fait entendre.} Coran

C’est la désacralisation et la profanation des principes qui font que l’homme au lieu de subordonner ses idées et ses actes aux principes, il subordonne ses fins et ses intentions à ses désirs. Le pire des désirs est la dérive démiurge qui donne l’illusion à l’homme qu’il est un dieu sur terre à l’image de Pharaon ne rendant compte qu’à lui-même ou un esclave de Pharaon soumis aux désirs de Pharaon et de sa cour. Contre Pharaon, Moïse, en plus des Signes annonciateurs de la fin et de l’assistance de son frère avait grandi dans l’amour d’une mère, d’une sœur et de l’épouse de Pharaon. Il avait été comblé par l’amour de Dieu.

Saint Augustin a dit que la mesure de l’amour est l’amour lui-même et que chacun sera rempli à sa mesure comme l’avait dit Jésus (saws). L’amour de Dieu et la compassion pour la créature de Dieu donnent le sens du sacrifice et l’énergie pour imaginer et entreprendre un projet de libération, de dignité, de justice, de solidarité. L’intelligence seule ne peut dépasser le stade de la technique impuissante à saisir l’humain. L’oppresseur fait tout son possible pour amener l’opprimé à son niveau de déshumanisation pour partager avec lui la même malédiction et pour empêcher que les liens d’amour ne se tissent et ne deviennent des liens de solidarité.

L’amour pervers, mégalomaniaque et narcissique conduit au suicide collectif par l’injustice, les souffrances, l’arrogance envers autrui et la spoliation de ses droits et de ses ressources. La miséricorde, l’empathie, la quête du salut, l’attente du Jugement dernier, l’espérance conduisent l’homme à l’humilité c’est-à-dire à prendre conscience de sa petitesse ou du moins de sa position relative dans cette existence. Il n’est ni dieu, ni ange, ni bête, ni démon, mais profondément et tragiquement humain. Il tombe et se relève, il faute et se repent… Il cherche la voie des justes jusqu’à trouver la vérité ou trouver la mort apaisé et réconcilié avec lui-même.

Ce cheminement à la fois spirituel, culturel, intellectuel et actanciel dans la foi et dans l’existence temporelle n’est pas facile, car il est contrarié par les difficultés, les obstacles, les échecs et même par les réussites et les tentations mondaines. Le philosophe peut devenir fou et se suicider lorsqu’il rate la réponse à son questionnement comme Nietzsche : « Comment sortir du désespoir le plus profond l’espoir le plus indicible ». Le croyant peut perdre la foi lorsqu’il ne voit pas la justice divine se manifester derrière la cruauté et le hasard en apparence :

{A quand la victoire de Dieu} Coran

L’intégriste islamiste est empressé à conquérir le pouvoir et à soumettre les populations à sa mode religieuse pour éprouver de la miséricorde ou de l’intelligence envers le monde. Le mécréant transgresseur est dans l’impossibilité intellectuelle et morale d’imaginer sa déchéance tant il est imbu de son impunité apparente comme il est dans l’incapacité totale de voir un instant la victoire de l’opprimé autre que dans la violence révolutionnaire ou dans la loi du marché selon son appartenance idéologique :

{Quiconque croit qu’Allah ne lui donnerait pas victoire (au Prophète), dans le monde et dans la vie future, qu’il tende alors une corde vers le toit, ensuite qu’il se pende, puis qu’il regarde si sa ruse a dissipé ce qui l’enrage !} Coran

L’homme en devenant sa propre mesure, sa propre norme, sa propre valeur s’éloigne des principes et il peut se croire réformateur alors qu’il est corrupteur ennemi de l’humanité et de la création. Lorsqu’il ne trouve pas de contradiction et de résistance pour le freiner dans ses crimes et démasquer ses syllogismes fallacieux, idéologiques et religieux, et ses utopies destructrices alors il se transforme en tyran démoniaque. La société et les élites qui ont laissé faire ou qui ont participé à l’émergence de la monstruosité partagent la responsabilité des crimes avec le tyran et son système corrupteur :

{Que n’y avait-il pas, dans les générations précédentes, des gens de bien qui interdisent la corruption de par la terre : Mais peu nombreux l’étaient parmi ceux que Nous avons sauvés. Alors ceux qui étaient injustes ont été poursuivis par ce qui les a fait périr, car ils étaient des malfaiteurs.} Coran

Si les élites algériennes avaient un sens des responsabilités jamais elles n’auraient laissé le pays sombrer dans la décennie rouge et noire. Les élites libyennes et syriennes n’auraient jamais toléré que leurs pays soient la visée de l’OTAN même si les pseudo savants musulmans ont rendu licite l’effusion de sang et la mise en ruine de ces pays.

Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de la résilience. Il ne s’agit pas d’attendre le retour du Messie ou la venue du Mahdi, mais de donner de l’espoir, de semer des initiatives, d’ouvrir de nouvelles perspectives. Si le pouvoir algérien, ses opposants politiques et la classe moyenne lettrée ne lisent pas la violence qui est en train de s’installer en Algérie comme moyen « normal » de négociation pour obtenir un travail, un logement, un investissement, une route, une rente, un droit, cette violence larvée va devenir incendie. S’ils ne voient pas les compétences des maffias de l’économie à recruter des démunis et des désœuvrés pour les mobiliser en des armées de « Baltagia » à l’égyptienne, la violence va devenir l’instrumentalisation politique de la société pour que la rente demeure le monopole des brigands d’autant plus que les sources de la rente sont en train de s’assécher considérablement.

Il est plus que jamais urgent de manager le changement. Les managers du changement sont les semeurs de bonnes paroles et de bonnes intentions. Est-ce qu’ils sont compris ou compréhensibles cela est une autre affaire comme l’explicite Jésus fils de Marie :

« Vous ne saisissez pas cette parabole ? Alors, comment comprendrez-vous toutes les paraboles ?
Le semeur sème la Parole.
Il y a ceux qui sont au bord du chemin où la Parole est semée : quand ils l’entendent, Satan vient aussitôt et enlève la Parole semée en eux.
Et de même, il y a ceux qui ont reçu la semence dans les endroits pierreux : ceux-là, quand ils entendent la Parole, ils la reçoivent aussitôt avec joie ; mais ils n’ont pas en eux de racine, ce sont les gens d’un moment ; que vienne la détresse ou la persécution à cause de la Parole, ils trébuchent aussitôt.
Et il y en a d’autres qui ont reçu la semence dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis du monde, la séduction de la richesse et toutes les autres convoitises les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit.
Et il y a ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre : ceux-là entendent la Parole, ils l’accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent, pour un. »

 Lorsqu’on inscrit ses pas dans la continuité prophétique, alors on se libère des limites actuelles pour se hisser aux possibilités infinies :

{N’as-tu pas vu comment Allah fourni une parabole ? Une bonne parole est comme un arbre bon : sa racine est stable et sa ramure est au ciel. Il donne ses fruits en chaque saison, par le Vouloir de son Dieu. Et Allah fournit les paraboles pour les hommes, peut-être se souviendraient-ils. Et la semblance d’une mauvaise parole est comme un arbre mauvais, qui fut arraché de sur la terre, qui n’a nulle stabilité.} Coran

En effet nous pouvons imaginer le nombre de fruits dans un arbre, les cueillir ou les laisser pourrir, nous pouvons protéger l’arbre ou le détruire, mais personne ne peut imaginer les arbres contenus dans les grains ni les conditions et le moment de leur ensemencement.

[bctt tweet= »De la culture du management du changement »]

Omar MAZRI

Source : De la culture du management du changement