Témoin, mémoire, culte et Jihad (suite 2/2)

Dans l’énoncé de la sourate Al Bouroudj, nous ne sommes pas dans un tribunal humain avec ses mensonges, ses rhétoriques, sa casuistique, ses défaillances, ses lacunes, sa subjectivité et sa partialité. Nous sommes face à Allah le Témoin, le Juste, l’Équitable qui a annoncé l’organisation du procès parfait, infaillible, irrévocable et irréversible :
{Le Jour où leurs langues, leurs mains et leurs pieds témoigneront de ce qu’ils faisaient, ce jour-là, Allah leur Donnera complètement leur vraie rétribution et ils sauront qu’Allah Est la Vérité incontestable.} An Nur 24{Aujourd’hui Nous Scellons leurs bouches : leurs mains Nous parleront, et leurs pieds témoigneront de ce qu’ils acquéraient. Et si Nous le Voulions, Nous Effacerions leurs yeux : alors ils se bousculèrent sur le pont de l’Enfer. Comment donc verront-ils ?} Yacine 65Nous ne sommes dans un tribunal humain nous sommes dans l’incomparable Justice et équité d’Allah qui les soutient par Sa Puissance, Son Témoignage, Sa Vérité et Son Invincibilité infaillible et incontestable :{Et le Jour où les ennemis d’Allah seront rassemblés au Feu, conduits par rangs, jusqu’à ce qu’ils y arrivent : leurs ouïes, leurs vues, et leurs peaux témoigneront contre eux de ce qu’ils faisaient. Et ils dirent à leurs peaux : « Pourquoi avez-vous témoigné contre nous ? » Elles dirent : « Allah, Celui qui Fait parler toute chose, nous fit parler. Et c’est Lui qui vous A Créés la première fois, et vers Lui vous serez ramenés. Et vous ne cherchiez pas à vous cacher, de sorte que ni vos ouïes, ni vos vues, ni vos peaux ne puissent témoigner contre vous, mais vous avez pensé qu’Allah ne Sait pas beaucoup de ce que vous faites. Cela était la pensée que vous pensiez de votre Seigneur, elle vous a détruits, alors vous êtes devenus du nombre des perdus ». S’ils persévèrent, le Feu est une demeure pour eux, et s’ils s’excusent, ils ne seront point du nombre des excusés.} Fussilat 19

Dans ces versets de la Sourate Fussilat « les détaillées » nous sommes effectivement face au témoignage exemplaire et à la justice idéale que chaque coupable craint et souhaite ne pas y penser ni y croire et que chaque victime réclame et attend avec espoir et espérance sa survenue. Il ne s’agit pas d’une connaissance narrative, intuitive ou subjective de la vérité historique, factuelle et psycho affective des acteurs et des victimes des crimes, des atrocités, des souffrances et de leurs stigmates sur la vie et dans la mémoire. Mais il s’agit d’une parole divine qui fait le serment sur le témoignage et ses actants en l’occurrence l’accusé et l’accusateur, le coupable et la victime ainsi que la nature de la tragédie, le moment, le lieu et les circonstances qui les ont uni. Ce sont donc les membres, les facultés de perception et les compétences d’entendement qui vont garder mémoire indélébile, au détriment de leur conscience, pour venir confirmer la véracité de ce que l’on a vu, entendu, perçu, compris et vécu. Le témoignage devient révélation et authentification incontestable. Aucun injuste, aucun transgresseur, aucun renégat, aucun traitre ne peut échapper à la reddition des comptes si dans cette vie il ne s’est pas prémuni contre lui même en prenant garde à Allah et en se montrant miséricordieux envers les Créatures d’Allah :

{La punition d’un mal est un mal pareil. Quiconque pardonne et s’amende, sa rémunération incombe alors à Allah. Il n’Aime pas les injustes. Et quiconque triomphe après avoir subi une injustice : ceux-là alors ne leur incombe aucune responsabilité. Mais la responsabilité incombe à ceux qui sont injustes envers les gens, et qui tyrannisent de par la terre sans juste cause. Ceux-là auront un douloureux châtiment. } As Shura 40

Nous conservons cette idée d’authentification, de confrontation, de révélateur, de mémorabilité, de témoignage sur un crime commis contre une communauté de foi dont le Coran tait la date et le lieu et le nom pour mettre en exergue le crime, ses actants et la Justice immanente en un Jour proche et inéluctable. Nous pouvons donc avoir recours à d’autres traductions qui respectent le sens des versets coraniques, le style du Coran et son pouvoir évocateur sur notre imagination, notre mémoire et notre quête d’idéal que le Coran révèle en une fraction de seconde par un énoncé clair, concis et signifiant :

{Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et un mémorable} Al Bouroudj 1
{Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et un révélateur} Al Bouroudj 1
{Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et un accusateur} Al Bouroudj 1

Le jour du crime est mémorable ! Le Jour du Jugement dernier est mémorable ! Les atrocités commises sont mémorisées dans les cellules humaines et dans les atomes de la création qui viennent témoigner ! Al Mizane, la Balance divine, qui pèse et évalue les actions, les intentions et les comportements est un révélateur ! La victime en demandant Justice est un révélateur ! La victime en demandant Justice est un accusateur. Ce qui vient renforcer cette lecture est bien entendu le récit coranique et prophétique sur les أَصْحَـٰبُ ٱلْأُخْدُودِ « les gens du fossé ». Ce qui vient renforcer cette lecture est aussi la réponse subtile aux trois serments

قُـتِـل : لقد لُعِنَ أشدَّ اللَّعْنِ (جواب القسم

Les assassins ne sont donc évoqués que dans une forme allusive et intransitive qui les exclut, par la subtilité grammaticale coranique, de la miséricorde divine : ils deviennent des maudits. Celui qui est frappé de la Malédiction divine a perdu en lui toute forme de miséricorde et a perdu non seulement le bénéfice de la Miséricorde divine mais le regard, l’écoute et l’attention d’Allah le Miséricordeur. Il ne pourra trouver le Jour du Jugement dernier nul intercesseur en sa faveur et nul défenseur et nulle action qui puisse bénéficier en sa faveur, lui donner des circonstances atténuantes, alléger ou raccourcir son séjour en Enfer.
Nous ne sommes donc plus dans une lecture « les gens du Fossé ont été tués » mais « les gens du Fossé ont été maudits ». Les gens du fossé ne sont pas les victimes mais les assassins sur lesquels la justice humaine n’a pas eu prise. Nous ne savons pas exactement si les martyrs sont ceux qui ont été jetés dans le fossé remplis de combustibles ou si les martyrs sont des morts inconnus alors que le fossé rempli de combustible désigne l’enfer destiné aux assassins conformément au verset :

النَّارَ الَّتِي وَقُودُهَا النَّاسُ وَالْحِجَارَةُ
{le Feu dont le combustible proviendra des Hommes et des pierres, préparé pour les mécréants.} Al Baqara 24

وَأُولَٰئِكَ هُمْ وَقُودُ النَّارِ
{Et ceux-là sont le combustible du Feu.} Al ‘Imrane 10

L’impunité, l’injustice et la cruauté de leur mort ne relèvent plus des hommes mais de la Justice divine. Leur dossier sur le plan de l’existence terrestre est fermé. Les informations qui nous parviennent de l’histoire sont fragmentées, rares et imparfaites. Par conséquent nul ne peut les réhabiliter ni leur rendre justice sur le plan des livres d’histoire ni sur le plan pénal ni sur le plan du dédommagement de leurs descendants.

Cette lecture coranique permet de conclure à un massacre total de la fratrie de foi par des gens maudits. Ce massacre est sous-entendu par le Coran mais qu’Allah par Sa Miséricorde nous a épargné ses détails contrairement aux images horribles qui font réjouir et jouir les « Musulmans » comme s’ils étaient des forcenés – entre les mains de la guerre psychologique, médiatique et idéologique – destinés à haïr et à se faire haïr.

En effet il est impensable qu’Allah nous donne une description des « gens du fossé » comme celle de victimes massacrées dans un panorama paisible ou comme s’ils étaient des bouddhistes s’immolant par le feu après une longue méditation ou l’absorption d’une drogue anesthésiante. Les « gens du fossé » ne sont pas assis sur le feu mais assis près, à côté, au dessus ou sur le fossé ou sur le lieu du massacre agissant en témoins du massacre qu’ils ont commis ou qu’ils sont en train de commettre :

إِذْ هُمْ عَلَيْهَا قُعُودٌۭ
{Lorsqu’ils y étaient assis} Al Bouroudj 6

Ceux qui sont assis se sont les témoins ou les acteurs du massacre et non les massacrés.

Il faudrait sur le plan de la logique sémantique que le massacre soit total, massif, impitoyable, monstrueux pour qu’Allah en fasse le serment sur Lui-même en tant que Témoin, sur les constellations cosmiques qui gardent trace mnésique de cette monstruosité humaine et sur le Jour du Jugement dernier qui viendra rendre justice aux massacrés et châtier les massacreurs. L’énoncé coranique qui vient par la suite dans la sourate Al Bouroudj milite en faveur de cette lecture qui fait d’une part d’Allah le Témoin et des massacreurs les témoins sur leur massacre et d’autre part des victimes massacrées, brulées, torturées ou crucifiées les accusateurs :

وَهُمْ عَلَىٰ مَا يَفْعَلُونَ بِٱلْمُؤْمِنِينَ شُهُودٌۭ

Chouhoud est le pluriel de Chahid :

{…et eux sont témoins de ce qu’ils faisaient des croyants} Al Bouroudj 7

وَٱللَّهُ عَلَىٰ كُلِّ شَىْءٍۢ شَهِيدٌ
{Et Allah Est Témoin sur toute chose} Al Bouroudj 9

C’est en même temps une ouverture du temps humain à l’espérance que Justice sera rendue même si cela doit se faire dans mille ans ou un million d’années ou plus ou moins. C’est cette foi et cette espérance qui donnent au croyant la résignation devant le destin qui semble cruel, la patience devant l’adversité, le contentement dans l’épreuve, le consentement face au Décret divin, l’attente du secours venant d’Allah et non de la providence messianique sous la forme de l’OTAN ou du Dajjal (l’antéchrist)…

Nous sommes donc mis d’emblée dans le panorama du Jugement dernier avec le Chahed شاهد qui est ici Allah le Témoin Justicier qui va mettre en procès les criminels qui vont venir comme témoins de leur actes portant atteinte à la sacralité de la vie humaine et de sa liberté de conscience, de ceux qui n’ont ni assisté ni vus mais qui ont commandité la torture et l’assassinat des croyants qui refusent d’abjurer leur foi, de ceux qui n’ont pas participé par leurs actes mais qui sont coupables par leur silence complice ainsi que ceux contraints d’assister et qui croient que la contrainte absous alors que le cœur et la conscience habitués aux massacres et aux tortures ne désavouent pas en leur for intérieur comme le spécifie le Hadith :

« Qui a vu (assisté à), parmi vous, une chose blâmable qu’il lutte pour le changer par sa main (en luttant par la force physique ou matérielle), par sa langue (en le dénonçant par le verbe et l’écrit), sinon par le cœur (en le désapprouvant intérieurement) et ceci est le niveau le plus bas de la foi »

Le Mashoud مَشْهُود : la victime accusatrice viendra le Jour du Jugement dernier comme le martyr ensanglanté non seulement apporter son témoignage mais le porter devant une audience composée de l’Humanité ressuscitée, des Anges Scribes qui écrivent nos actes. En arabe ou en français on arrive à une convergence sur le sens accusation : incrimination, dénonciation, révélation, indication, mémoire témoignant, apport de preuves…

{Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et un accusateur. Maudits soient les gens du Fossé : Ils sont le combustible du Feu lorsqu’ils viendraient l’alimenter et eux sont alors témoins de ce qu’ils faisaient des croyants dont ils se sont vengés que parce qu’ils croyaient en Allah, l’Invincible, le Tout-Louable; Celui auquel appartient le Royaume des Cieux et de la terre. Et Allah Est Témoin sur toute chose.} Al Bouroudj 1

La lecture coranique banni le temps et l’espace pour nous focaliser sur l’essentiel en nous situant dans la transcendance et l’imminence du Jugement dernier. Nos visées, nos actes et nos fréquentations doivent être confrontés non au succès mondain et à la réussite sociale mais au salut ou à la perdition ultime. D’ailleurs nous en avons confirmation par la lettre et l’esprit des versets où sont proclamés les Serments divins dans le Coran :

{Par le Ciel et son remaniement, et par la terre et ses fissures, c’est une parole décrétée, et ce n’est point une plaisanterie. Eux, sans doute, ils projettent de perfides ruses, mais Je Planifie d’invincibles stratagèmes. Accorde donc un délai aux renégats, accorde-leur un long sursis.} At Tariq 11

Allah lance un avertissement valide jusqu’à la nuit des temps :

إِنَّ ٱلَّذِينَ فَتَنُوا۟ ٱلْمُؤْمِنِينَ وَٱلْمُؤْمِنَـٰتِ ثُمَّ لَمْ يَتُوبُوا۟ فَلَهُمْ عَذَابُ جَهَنَّمَ وَلَهُمْ عَذَابُ ٱلْحَرِيقِ
{Certes, ceux qui ont éprouvé les croyants et les croyantes, ensuite ne se sont pas repentis, ils auront le châtiment de la Géhenne, et ils auront le châtiment du Feu ardent.} Al Bouroudj 10

Cet appel comme je l’ai montré dans mon livre « Aimer : la Voie coranique » n’est pas celui d’un dieu vengeur et cruel mais Celui d’Allah qui n’Aime pas l’injustice mais qui Aime Ses Créatures et leur témoigne Son Amour, Sa Miséricorde en sollicitant leur mémoire, leur vigilance, leur compassion, leur humanité miséricordieuse, leur compétence à méditer, leur facultés à tirer enseignement et leurs responsabilités à assumer les actes qu’ils ont accompli librement :

وَهُوَ ٱلْغَفُورُ ٱلْوَدُودُ
{Il Est le Pardonneur, l’Aimant Affectueux} Al Bouroudj 10

Sur le plan de la cohérence peut-on être aimé par Allah ou prétendre aimer Allah et solliciter l’aide économique, culturelle, sociale, militaire et idéologique des ennemis d’Allah et de ce ceux qu’il a en aversion car ils sont agresseurs, transgresseurs, renégats et alliés de Satan ?
Sur un plan logique, cultuel, social, humaniste et religieux quelle est la signification de notre témoignage par la prière du « Chahed et Mashoud » comprise comme prière à la Mecque, oraison du Vendredi, prière en assemblée, oraison de l’Aïd, prédication invitant à l’Islam si nous ratons l’essentiel qui fait notre islamité : notre humanité, la Justice de l’Islam et l’Amour d’Allah. Quelle est la signification ostensible (qui veut être visible) et ostentatoire (qui se montre avec éclat) de nos rites transformés en festivités alors que nos cœurs sont vides et nos territoires sont occupés par l’impérialisme et remplis de haine, de vengeance, d’injustice, d’absence de vertu, de paresse, de fragments de Wahn.

Pourquoi dans les moments cruciaux de l’histoire les savants et les prédicateurs musulmans ne voient cette sourate que comme un devoir de témoignage rituel et non comme une interrogation à nos consciences sur l’injustice dans ce monde ainsi qu’une préparation ontologique et sociale à l’interrogatoire et à la justice équitable du Jour de la reddition des comptes. Face aux exactions d’Al Hajjaj et aux abus des omeyades et des Abbassides on trouverait sans doute des lectures strictement cultuelles et spirituelles du Coran de la même façon que lors du massacre de l’Imam Al Hussein et la descendance du Prophète (saws), de l’invasion de l’Algérie, de l’occupation de la Palestine, des nouvelles invasions de l’Irak et de l’Afghanistan, de l’agression colonialiste contre la Libye, de la préparation d’autres agressions. C’est ainsi que j’ai reçu le message sur « la prière du Chahed et du Mashhoud ». Est-ce que nous sommes conscients de la diversion idéologique et médiatique, de l’instrumentalisation de la religion et de notre comportement irresponsable et autiste qui ne voit ni n’entend les souffrances du monde musulman ni sa livraison comme une proie facile aux colonialistes ces prédateurs voraces et insatiables…

Pour rester dans l’esprit et les messages transmis par les Serments divins il faut nous interroger sur le mal qui nous ronge et les solutions que nous ne savons pas imaginer. Dans tous les serments coraniques que je viens de citer existe-t-il une explication eschatologique de l’histoire ou une solution métaphysique en dehors de notre engagement qui transforme notre être ontologique c’est-à-dire notre croire, notre savoir, notre devoir, notre pouvoir, notre vouloir et notre libre agir ? A ceux qui veulent faire du Dine une religion d’aliénation, un opium des peuples ou une fuite vers ce qui échappe à notre volonté, à notre intention et à notre action ? Allah dans un de Ses serments, en l’occurrence la Sourate An Nazi’âte, les Anges qui arrachent la vie du corps humain, réfute et condamne tout recours à ce comportement malsain et infantile qu’on ne trouve d’ailleurs que dans les périodes obscures de la civilisation musulmane où les Musulmans se partagent en sectes fanatiques, fatalistes, défaitistes c’est-à-dire en « sauve-qui-peut-social » devenant des primitifs, des fétichistes, des totémistes et non plus des monothéistes raisonnables. Sobhane Allah le Coran est le récit le plus facile et le plus évident mais nous le délaissons pour des hadiths compliqués. Allah ouvre la Sourate par un Serment et l’annonce de la Résurrection :

وَٱلنَّـٰزِعَـٰتِ غَرْقًۭا ﴿1﴾ وَٱلنَّـٰشِطَـٰتِ نَشْطًۭا ﴿2﴾ وَٱلسَّـٰبِحَـٰتِ سَبْحًۭا ﴿3﴾ فَٱلسَّـٰبِقَـٰتِ سَبْقًۭا ﴿4﴾ فَٱلْمُدَبِّرَ‌ٰتِ أَمْرًۭا ﴿5﴾ يَوْمَ تَرْجُفُ ٱلرَّاجِفَةُ ﴿6﴾ تَتْبَعُهَا ٱلرَّادِفَةُ ﴿7﴾ قُلُوبٌۭ يَوْمَئِذٍۢ وَاجِفَةٌ ﴿8﴾ أَبْصَـٰرُهَا خَـٰشِعَةٌۭ ﴿9﴾ يَقُولُونَ أَءِنَّا لَمَرْدُودُونَ فِى ٱلْحَافِرَةِ ﴿10﴾ أَءِذَا كُنَّا عِظَـٰمًۭا نَّخِرَةًۭ ﴿11﴾ قَالُوا۟ تِلْكَ إِذًۭا كَرَّةٌ خَاسِرَةٌۭ ﴿12﴾ فَإِنَّمَا هِىَ زَجْرَةٌۭ وَ‌ٰحِدَةٌۭ ﴿13﴾ فَإِذَا هُم بِٱلسَّاهِرَةِ

{Par les Anges qui arrachent avec violence, et par ceux qui enlèvent avec douceur, et par ceux qui se meuvent dans le ciel en voguant, puis, par ceux qui devancent à toute vitesse, puis, par ceux qui exécutent par derrière les ordres ultimes : Le Jour où surviendra le Tremblement, accompagné par le tremblement suivant, des cœurs, ce Jour-là, seront bouleversés, leurs regards désemparés, disant : « Serons-nous effectivement ramenés à la vie, même si nous étions des os rongés ? » Ils dirent : « Ce sera alors un retour perdant ! » Ce ne sera qu’un seul Cri, et voilà qu’ils sont tous au Rassemblement} An Nazi’ate 1

Et il la clôture par

يَسْـَٔلُونَكَ عَنِ ٱلسَّاعَةِ أَيَّانَ مُرْسَىٰهَا ﴿42﴾ فِيمَ أَنتَ مِن ذِكْرَىٰهَآ ﴿43﴾ إِلَىٰ رَبِّكَ مُنتَهَىٰهَآ ﴿44﴾ إِنَّمَآ أَنتَ مُنذِرُ مَن يَخْشَىٰهَا ﴿45﴾ كَأَنَّهُمْ يَوْمَ يَرَوْنَهَا لَمْ يَلْبَثُوٓا۟ إِلَّا عَشِيَّةً أَوْ ضُحَىٰهَا

{Ils t’interrogent sur l’Heure : « A quelle époque est-elle fixée ? » Qu’as-tu à faire de son moment ? C’est vers ton Seigneur son terme. Mais toi, tu n’as qu’à avertir celui qui la craint. Le Jour où ils la verront, on dirait qu’ils ne sont restés qu’une soirée ou sa matinée !} An Nazi’ate 40

Entre l’annonce du Rassemblement précédant le Jugement dernier et le séjour éphémère sur terre ou dans la tombe Allah non seulement cache le terme de chaque existence ainsi que le moment de l’Heure (la fin du monde) mais il introduit une vie de Jihad que le croyant doit mener contre l’injustice, l’oppression, l’ignorance et le Taghut, en annonçant les événements et les luttes qui découlent de la mission confiée à Moise, la même confié à Mohamed (saws) et à nous tous :

هَلْ أَتَىٰكَ حَدِيثُ مُوسَىٰٓ إِذْ نَادَىٰهُ رَبُّهُۥ بِٱلْوَادِ ٱلْمُقَدَّسِ ٱذْهَبْ إِلَىٰ فِرْعَوْنَ إِنَّهُۥ طَغَىٰ فَقُلْ هَل لَّكَ إِلَىٰٓ أَن تَزَكَّىٰ وَأَهْدِيَكَ إِلَىٰ رَبِّكَ

{L’histoire de Moïse t’est-elle parvenue ? Lorsque son Seigneur l’Appela dans la vallée sacrée Tuwâ : « Va vers Pharaon, il outrepassa, et dit : “ Es-tu prêt à te purifier, et que je te guide vers ton Seigneur…} An Nazi’ate 15

Est-ce les récits des Prophètes et leur enseignement ont été abolis par le temps ? Existe-t-il une autre solution que l’exercice normale et correcte de notre vocation d’humain qui a reçu le privilège d’être éduqué par le Coran, d’être honoré par Allah et de se ressourcer par l’Islam ? Existe-t-il une autre solution que la fédération de notre être social ? Existe-il un autre Coran, un autre Prophète, un autre Islam, un autre passé et un autre devenir pour que nous ayons l’excuse morale et la compétence légitime de diverger si radicalement sur notre situation au point de ne plus chercher la solution de nos problèmes dans nos sources et dans nos idées mais dans l’importation des idées des autres y compris de leur mythologie, de leur surnaturel, de leur vision biblique, talmudique et otanesque. Prenons un autre serment divin et méditons avec sérénité et méthode son contenu et mettons-le en application :

{Par le soleil, et par le matin qu’il éclot, et par la lune quand elle le suit, et par le jour quand il l’éclaire, et par la nuit quand elle l’enveloppe, et par le ciel, et par Celui qui l’a élevé, et par la terre, et par Celui qui l’a étendue, et par l’être humain, et par Celui qui l’a parfait, et lui a donné son impudence et sa piété. A effectivement cultivé, celui qui a  épuré son ego ; et a effectivement perdu, celui qui l’a souillée.} As Shams 1

{Par la nuit quand elle enveloppe, et par le jour quand il s’éclaire, et par Celui qui a créé le mâle et la femelle, certes, vos efforts sont sûrement variés} Al Layl 1

{Par le matin, et par la nuit quand elle se répand, ton Seigneur ne t’A ni Abandonné, ni Pris en aversion. Et la vie Future est sûrement meilleure, pour toi, que la vie première. Et ton Seigneur te Donnera sûrement, et tu seras satisfait. Ne t’A-t-Il pas Trouvé orphelin et Il t’Abrita ? Et Il t’A Trouvé égaré, et te Guida ? Et Il t’A Trouvé ayant à nourrir, et Il t’A Enrichi ? Quant à l’orphelin, ne le réprime point, et quant au nécessiteux, ne le repousse point, et quant aux bienfaits de ton Seigneur, alors parles-en.} Ad Duha 1

{Par le figuier, et par l’olivier, et par at-Tùr du Sinaï, et par ce pays sécurisé, Nous avons Créé l’Homme, en fait, dans la meilleure forme, ensuite, Nous l’avons Ramené au plus bas des niveaux. Sauf ceux qui sont devenus croyants et ont fait les œuvres méritoires, ils auront alors une rémunération ininterrompue.} At Tin 1

{Par le temps ! Certes, l’être humain est sûrement en perdition : sauf ceux qui sont devenus croyants et ont fait les œuvres méritoires, et se conseillent la vérité, et se conseillent la persévérance.} Al ‘Asr 1

Nous sommes en présence de Serments solennels qui nous montrent l’étendue des efforts attendus de l’homme comme ils nous montrent ses efforts sont bénis dans ce monde et évalués dans l’autre monde selon le degré d’obédience à Allah, mais nous sommes insouciants, inconséquents et incohérents car nous marchons la tête en bas et nous cherchons midi à quatorze heures par confusion, par paresse et par cette culture que le colonialisme et le despotisme ont enraciné en nous : l’irresponsabilité et le fatalisme.

Il est remarquable de constater que la sourate Al Bouroudj qui parle du Chahed et du Mashoud au début de son énoncé évoque vers sa fin :

هَلْ أَتَىٰكَ حَدِيثُ ٱلْجُنُودِ ﴿17﴾ فِرْعَوْنَ وَثَمُودَ ﴿18﴾ بَلِ ٱلَّذِينَ كَفَرُوا۟ فِى تَكْذِيبٍۢ ﴿19﴾ وَٱللَّهُ مِن وَرَآئِهِم مُّحِيطٌۢ

{L’histoire des soldats t’est-elle parvenue ? Pharaon et Thamùd ? Mais ceux qui sont devenus mécréants ne cessent de démentir. Et Allah par derrière eux, Est Dominant.} Al Bouroudj 17

Allah relance le récit dans une autre perspective explicative de l’histoire. Allah est l’Auteur de l’histoire humaine car Il crée ses causes, ses motivations, ses acteurs, ses interprètes et ses conséquences. Allah est Le Riche, L’Innovateur et le Dominant. Par conséquent faire une lecture simpliste ou mécaniste de l’histoire humaine c’est faire preuve d’ignorance non seulement de l’Histoire mais d’Allah et de Son Livre qui dévoile des situations diverses. Le changement ou la révolution n’est pas agitation ou trouble mais lecture correcte de l’histoire et en même temps réforme intérieure, celle du Moi et celle de la société qui doit cultiver la solidarité humaine comme facteur de résistance contre la déshumanisation et la corruption des colonisateurs et des tyrans. Cette vérité est énoncée dans un autre serment divin :

{Par l’aube, et par dix nuits, et par le pair et l’impair, et par la nuit quand elle passe, y a-t-il en cela un serment pour tout Homme doué de bon sens ? N’as-tu donc pas vu ce que ton Seigneur a fait des ‘Ad ? Iram aux colonnes, dont jamais de pareille n’a été créé au monde. Et les Thamùd, qui creusèrent des maisons dans la Vallée, et Pharaon aux obélisques : ceux qui outrepassèrent dans le pays, et y multiplièrent la corruption. Ton Seigneur alors Déversa sur eux le fouet du châtiment. Certes, ton Seigneur Est aux aguets. Quant à l’Homme, si son Seigneur l’ éprouve, puis l’honore et le comble de grâce, alors il dit : « Mon Seigneur m’a honoré ». Et s’Il l’éprouve, et qu’Il lui réduit sa subsistance, alors il dit : « Mon Seigneur m’a humilié ! » Non ! Bien au contraire: vous n’honorez pas l’orphelin, et vous n’incitez pas à nourrir le miséreux, et vous usurpez intégralement l’héritage, et vous aimez les richesses d’un  amour, avide.} Al Fajr 1

Il relance le récit en rappelant aux Juifs de ne pas se montrer ingrats envers Allah, moqueurs envers Mohamed (saws) et arrogants envers l’humanité faisant de leur statut de victime un fonds de commerce pour cultiver le culte du veau d’or :

{Et lorsque Nous vous Sauvâmes des gens de Pharaon, qui vous infligeaient le pire des châtiments, qui massacraient vos fils et épargnaient vos filles; et il y a en cela une rude épreuve de la part de votre Seigneur. Et lorsque Nous fendîmes la mer pour vous, alors Nous vous Sauvâmes et Engloutîmes les gens de Pharaon pendant que vous regardiez. Et lorsque Nous Prîmes, avec Moïse, un engagement de quarante nuits, puis vous avez adopté le veau dès son départ en étant injustes.} Al Baqara 49

Il relance le récit en confirmant la loi divine de l’alternance des civilisations et des pouvoirs qui s’alternent comme le jour et la nuit apportant la lumière et les ténèbres pour éprouver les hommes et les faire témoigner contre eux-mêmes :

{Nous les Engloutîmes dans la mer en raison de ce qu’ils ont démenti Nos Signes et y furent inattentifs. Et Nous Fîmes hériter les gens, qui étaient opprimés, les levants de la terre et ses ponants, que Nous Avions Bénis.} Al A’raf 138

Il relance le récit en confirmant le sens du témoignage dans cette sourate : nous sommes dans un panorama de confrontation entre le bien et le mal. Le culte est un adjuvant spirituel et social dans le combat que livre le bien contre le mal, le juste contre l’injuste, le beau contre le laid, le vrai contre le faux, le vertueux contre l’immoral, le croyant loyal contre le renégat transgresseur. Pharaon est un autre témoin dans le double sens de jalon dans l’histoire de l’humanité et de témoin contre son oppression et sa dérive démiurge. C’est un signe qui devient signifiant c’est-à-dire porteur de symbole et de témoignage que s’il y a rupture c’est à dire désacralisation et profanation provoquant la confrontation implacable entre la thèse, ici le Prophète Moise, et son anti thèse, ici Pharaon, et la résolution dialectique par un nouveau cycle historique :

{Et Moïse dit : « Notre Seigneur, Tu As Accordé à Pharaon et son élite aisance et biens dans la vie terrestre, notre Seigneur, afin qu’ils se fourvoient de Ta voie ! Notre Seigneur, Supprime leurs biens et Endurcis leurs cœurs, de sorte qu’ils ne deviennent pas croyants jusqu’à ce qu’ils voient le châtiment douloureux ». Il Dit : « Votre invocation, à vous deux, est exaucée. Suivez alors, tous deux, la rectitude et ne suivez surtout pas la voie de ceux qui ne savent point. » Et Nous Fîmes traverser la mer à la postérité d’Israël, alors Pharaon et ses soldats les suivirent, par tyrannie et agressivité, jusqu’à ce qu’il fût atteint par la noyade, il dit : « Je crois qu’il n’y a d’autre Dieu que Celui en lequel eut foi la postérité d’Israël, et je suis parmi les musulmans. » Est-ce maintenant, et tu te rebellais auparavant ? Et tu fus des corrupteurs ! Aujourd’hui donc Nous te Sauverons, en ton corps, afin que tu sois un signe pour ceux qui viennent après toi. En fait, beaucoup d’Hommes sont inattentifs à Nos Signes. Et Nous Instituâmes la postérité d’Israël en une position de force, et leur Octroyâmes de bonnes choses, mais ils ne divergèrent que lorsque la science leur a été donnée. Ton Seigneur Tranchera sûrement entre eux, le jour de la Résurrection, sur ce dont ils divergeaient.} Yunus 93

Ceci vient renforcer le caractère de mémorabilité et de témoignage de la sourate Al Bouroudj qui cite Pharaon que nous avons vu à travers quelques extraits de sourates comme un personnage témoin et mémorable tant par sa puissance, sa dérive démiurge et sa fin qui relève du miracle imprimé dans la conscience collective de l’humanité. Si nous ne sommes pas capables de faire la distinction de ce qui relève du miracle divin de ce qui relève du devoir de l’homme nous devons épurer notre raison et relire notre religion. Si nous ne sommes pas capables de distinguer l’ami de l’allié ni notre opinion de la parole divine en matière d’alliance stratégique nous devons faire une pause et faire ce que faisaient les Salafs : un examen de conscience pour pouvoir disposer de la faculté, de la compétence et de la crédibilité de témoigner avec authenticité, fiabilité et sincérité : témoigner pour Allah. L’erreur d’appréciation ou de décision d’un sot sans responsabilité et sans audience importe peu mais celle d’un savant, d’un gouvernant ou d’un représentant d’une élite ou d’une opposition est catastrophique et en aucun cas elle ne peut être considérée comme un Ijtihad qui a raté sa cible. Nous devons la considérer comme une faute gravissime rendant son auteur passible de justice ou comme le dit la Charia islamique dépossédé de ses droits civiques et tout particulièrement celui de témoigner dans n’importe quelle affaire familiale, civile ou pénale, sociale, politique, économique ou militaire. Le jour où la communauté musulmane exercera son devoir de rompre avec les défaillants et les insensés elle se portera mieux.

Allah (swt) s’adresse à Mohamed (saws) alors qu’il est faible, opprimé sans ressources le projetant dans une histoire à écrire comme nouveau témoignage à l’humanité qui a perdu ses repères : Mohamed tu auras la victoire, tes ennemis et tes adversaires ne pourront jamais te massacrer ni éradiquer ta communauté de foi car vous êtes destinés à porter le flambeau de la foi, de la vérité et de la justice. C’est ce que Mohamed (saws) a authentifié dans un hadith unanimement reconnu comme authentique :

« Cette Religion continuera d’exister et un groupe de ma communauté continuera à combattre pour Sa protection jusqu’à l’arrivée de l’Heure. Ce groupe de ma communauté restera toujours triomphant sur le droit chemin et continuera à l’être contre ses opposants. Ceux qui les trahiront seront incapables de leur causer le moindre tort. Ces musulmans resteront sur ces positions jusqu’à ce que les ordres d’Allah soient exécutés (la fin du monde) »

Il relance le récit dans la perspective de la civilisation islamique qui va émerger avec son potentiel de libération et son potentiel de civilisation que Pharaon et Thamud évoquent en Égypte ou en Arabie. Les Byzantins et les Perses ne sont rien en comparaison des civilisations disparues ou anéanties par Allah. Quand on sait que ce récit est révélé à Mohamed (saws) le Prophète illettré, méconnaissant les Écritures, et qu’Allah lui accorde la plus sublime des qualifications « envoyé comme Miséricorde pour les univers » on comprend la correspondance entre le verset suivant traitant du Coran et de l’Histoire humaine et la fin de la sourate al Bouroudj:

{Il y a sûrement dans leurs récits une leçon pour les doués d’entendement. Ce n’était point un discours controuvé, mais une corroboration de ce qui a été révélé avant, une précision de toute chose, une Direction infaillible et une miséricorde pour des gens qui croient.} Youssef 111

بَلْ هُوَ قُرْءَانٌۭ مَّجِيدٌۭ ﴿21﴾ فِى لَوْحٍۢ مَّحْفُوظٍۭ
{Plutôt, c’est un Coran sublime, dans un Livre préservé.} Al Bouroudj 21

Les massacres de Bentalha, de Beni Messous et de lieux anonymes peuvent être pour les Algériens insouciants des faits immémorables. L’iniquité des hommes et l’adversité du temps peuvent occulter les victimes et leurs droits et laisser les criminels jouir de leur impunité. L’ironie du sort peut même édifier des mémoriaux et célébrer des commémorations pour les assassins, les traitres et les artisans ou commanditaires de massacres. La même ironie peut jeter dans l’oubli, dans la honte et à la haine public des femmes et des hommes qui ont consacré leur vie au bien, à la lutte contre l’injustice. Cette existence terrestre est une série de cycles et d’alternances pour tirer enseignement des épreuves et garder espérance en Allah le Témoin qui fera du Jour du Jugement dernier un jour mémorable pour l’éternité et pour la mémoire de la victime qui viendra en accusateur et du coupable qui viendra en témoin. Ce jour là est le jour de vérité. En attendant d’affronter ce jour luttons pour notre dignité et pour notre foi car la perte de dignité, l’ignorance, la pauvreté, la corruption et l’oppression non seulement favorisent la confusion et le doute mais peuvent conduire au suicide, à la folie et au scepticisme perdant dans cette vie et perdu dans l’autre.

Le Coran nous réserve une surprise de taille : le témoignage par le présentiel réel, au sens coranique, ne se fait pas toujours par le Chahed mais aussi par le Mashhoud. Ce qui semble dérouter le conformisme des traducteurs et des lecteurs. A titre d’exemple :

وذلك يومٌ مَشْهودٌ

{Certes, il y a en cela un exemple pour quiconque redoute le châtiment de la vie Future. C’est un jour pour lequel les Hommes seront réunis, et c’est un jour qui sera vu.} Hud 103

إِنَّ قرآن الفجر كان مشهوداً

{Accomplis la prière, dès que le soleil baisse jusqu’à l’obscurité de la nuit, et le Coran de l’aube. Certes, le Coran de l’aube est attesté par des témoins* .Accomplis la prière, dès que le soleil baisse jusqu’à l’obscurité de la nuit, et le Coran de l’aube. Certes, le Coran de l’aube est attesté par des témoins} AL Isra 73

les Témoins ici sont les Anges de la Miséricorde.

Une fois de plus nous constatons la polysémie coranique qui déroute la lecture formaliste et litéraliste rendons pratiquement l’accession au sens interdite aux islamologues orientalistes, aux hypocrites même s’ils sont érudits. Les compagnons avaient peu de savoir religieux sauf la posession de la langue arabe et une sincérité à faire briser les montagnes : le Coran s’est offert à eux comme outil d’adoration et méthodologie de libération et de civlisation. Ceci renforce notre foi, notre espérance en Allah et notre sentiment que les victimes des sévices, de la torture, des viols, de l’aliénation, des massacres, des exécutions sommaires sans procès, des spoliés sont entourés des Anges de la Miséricordes qui leur apporte du confort, de la fermeté et qui imprime dans leurs conscience qu’ils n’ont pas été abandonnés par Dieu et qu’ils sont ses témoins en plus de son témoignage et qu’ils viendront témoigner en toute justice et toute impartialité. C’est sans doute ce dialogue de l’ange qui arrache avec précaution l’âme ou la vie d’un persécuté, d’une victime qui laisse l’empreinte de sérénité sur le défunt et la détermination des présents à ne pas baisser les bras :

{Certes, ceux qui dirent : « Notre Seigneur Est Allah », ensuite se sont conduits avec rectitude, les Anges seront ordonnés de descendre sur eux : « N’ayez point peur, ne vous affligez point, et réjouissez-vous de la bonne nouvelle du Paradis que l’on vous promettait.} Fussilat 30
En conclusion j’ai tenté d’apporter une démarche pédagogique à la question de « la prière du Chahed et Mashhoud » en jouant sur la polysémie, les contradictions apparentes, le sens caché pour montrer que la voie coranique est la voie de l’intelligence, de la cohérence, de la pertinence et de l’opportunité par sa richesse d’approches répondant aux différents contextes textuels ou réels. Nous manquons de réalisme et d’efficacité pour construire un Fiqh géopolitique et un Fiqh des Priorités. Être docteur en Usul al Fiqh mais ne pas comprendre la réalité et les priorités et confondre les alliances et les désaveux c’est être selon l’expression coranique  » l’âne qui porte des livres ».

En me promenant dans cet océan de « Chahed et Mashhoud) Allah m’a dirigé vers un verset pour lui apporter une correction dans la traduction :

شَهِدَ اللَّهُ أَنَّهُ لَا إِلَٰهَ إِلَّا هُوَ وَالْمَلَائِكَةُ وَأُولُو الْعِلْمِ قَائِمًا بِالْقِسْطِ لَا إِلَٰهَ إِلَّا هُوَ الْعَزِيزُ الْحَكِيمُ

« Allah atteste, et aussi les Anges et les doués de science, qu’il n’y a point de divinité à part Lui, le Mainteneur de la justice. Point de divinité à part Lui, le Puissant, le Sage! »

Allah (swst) ne peut ni témoigner devant un Tribunal ni attester devant un auditoire qu’Il est le Dieu Unique mais Il le Manifeste à travers Ses Signes, Sa création et Son Livre,sans faille qui témoignent et attestent qu’ils ne peuvent être créés ou gouvernées par plusieurs divinités ce qui poserait un problème de gestion équitable des créatures ainsi que la faillite et la disparition de la pseudo divinité par ses propres lacunes et ses luttes de pouvoir. Par ailleurs le monothéisme nous apprend que la Justice d’Allah est relative dans ce monde puisque la justice absolue sera rendue dans l’autre monde. A la traduction de la version saoudienne je propose ma version qui se libère du littéralisme des mots pour aller à la signification théologique, sémantique et logique.

On traduit imparfaitement par Allah atteste ou témoigne alors que le sens réel du verset est donné par Abou al ‘Abbas قال أَبو العباس: شهد الله، بيَّن الله وأَظهر
{Allah Manifeste ostensiblement qu’il n’y a de Dieu que Lui – de même les Anges et les doués de Science – qu’Il Est Immuable avec équité. Il n’y a nul autre die u que Lui : L’Invincible, Le Sage.} Al ‘Imrane 18

J’ai utilisé le terme ostensible qui signifie visible, qui ne peut être caché en opposition avec le Kofr qui signifie cacher la vérité, occulter le visible, masquer le réel. Le Coran est rempli d’images antagonistes et d’oxymores pour mettre en relief la vérité et il faut respecter son sens et son style.

Enfin dans cette démarche sur le « Chahed et Meshhoud » il y a celle qui va s’imposer de nouveau tant qu’on ne voit pas de solutions à nos problèmes pourtant visibles et témoignant notre regression flagrante : que faire?Cheikh Abou al Wafa Ibn ‘Aqil a répondu il y a déjà plusieurs siècles sur la vérité limpide que nous transgressons aujourd’hui dans tous les registres de notre existence et sur tous les lieux de cette planète : « Si tu veux savoir quelle est la solution pour l’islam de nos jours, alors ne regarde pas vers les foules de gens vers la mosquée, ni leurs cris lorsqu’ils disent Labaïk, mais regarde leurs réactions face aux ennemis de la Charia. Le vrai abri est dans la forteresse du Dine : s’attacher au câble d’Allah qui est clair, être en faveur de l’alliance entre croyants, être vigilant sur les ennemis qui sèment la discorde, et savoir que le meilleur moyen de s’approcher d’Allah, c’est de détester quiconque transgresse les limites d’Allah et de son Prophète, de les combattre avec la main, la langue, et le cœur, autant que l’on peut.»Malek Benabi y a répondu à sa manière il n’y a pas si longtemps :  » L’avenir est un but lointain, il faut des voies nettes et des vocations puissantes pour y parvenir… Les mots devraient jalonner ces voies et contenir le ferment béni de ces vocations… »
J’ai abordé à plusieurs reprises la question du marché du halal en France. Le halal ne s’improvise pas selon la loi du marché capitaliste. La définition du halal, les procédures de contrôle et de certification, renvoient à la notion de témoignage « shahâda » en islam. Le musulman témoigne qu’il a mangé licitement, l’animal créé pour être une parure et une nourriture témoigne qu’il a été sacrifié licitement. Si le musulman se comporte comme un mouton il perd sa compétence de témoigner. Le mouton, la poule ou la vache viendront témoigner contre lui… Il est donc inadmissible que la communauté musulmane se fasse déposséder de son devoir de témoignage au profit d’une culture consumériste insouciante ou au profit d’opérateurs mercantilistes qui « achètent » la certification halal et font de gros bénéfices alors que le musulman n’a en fin de parcours ni halal ni zakat sur le « marché du halal » pour témoigner de sa solidarité sociale et religieuse aux plus démunis et aux plus fragiles comme le lui commande sa religion.
Allah a donné la réponse dans l’ éternité à toutes nos questions et à tout nos manquements :

{Et Allah Est Témoin sur toute chose.}

Alors que nous, qui prétendons à la foi, nous sommes – sur le plan tant du texte coranique que de la réalité socio-politique – dans l’incapacité intellectuelle et morale de distinguer le Chahed du Mashhoud, l’agressé de l’agresseur, la victime du coupable, l’allié de l’ennemi, la Fawa religieuse de l’opinion partisane, le témoin de l’accusé, l’accusé de l’accusateur, l’essentiel de l’accessoire… Nous allons  témoigner sur quoi et comment dans ce monde ! Tout faux témoignage est un péché majeur.

Témoin, mémoire, culte et Jihad 1/2

{وَالسَّمَاءِ ذَاتِ الْبُرُوجِ وَالْيَوْمِ الْمَوْعُودِ وَشَاهِدٍ وَمَشْهُودٍ}

Le Chahed et Mashhoud (وَشَاهِدٍ وَمَشْهُودٍ ) évoquent le serment solennel de la sourate « Les Constellations (Al Bouroudj سورة البروج) qui vient dans une série de serments qu’Allah fait sur Ses Créations qui témoignent de Sa Présence, de Sa Grandeur, de Sa Sagesse, de Sa Science, de Sa compétence à créer, à existentialiser et à innover selon le Dessein qu’Il s’est fixé dans les Univers.

Nous avons les traductions suivantes parmi les plus « respectables » :

« Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et ce dont on témoigne »
« Par le ciel orné de douze signes du zodiaque, par le Jour promis, par un témoin et par le témoignage »

Après celle de Jacque Berques dont le titre est titre : les chateaux :
« par le ciel et ses châteaux ; par le jour et la promesse ; par témoignant et témoigné »
Sur le plan littéral le Chahed est le témoignant celui qui témoigne alors que le Mashhoud est le témoigné celui contre qui qui on apporte le témoignage.

Pour l’instant laissons la complexité de la traduction, de sa sémantique et de son style et consacrons nous à décoder le sens de ce verset.
La mémoire, la mienne, revient et je me rappelle avoir lu et entendu des sermons, des prêches, des analyses sur la Sourate Al Bouroudj et sur ses Chahed et Mashhoud (وَشَاهِدٍ وَمَشْهُودٍ ). Faisant du Tadabbur, la recherche du sens caché dans le Coran et par le Coran, non plus une conjugaison de sens mais une liaison de termes lexicaux les analyses parviennent à donner plusieurs explications.

La première catégorie d’explication repose sur le sens d’être présent que la langue arabe donne au verbe Chahada. Par le présentiel l’homme marque son consentement à un rite, à une pratique, à un comportement et il devra en rendre compte. Ainsi l’Islam a marqué de son sceau plusieurs présentiels dans la vie du croyant :

  • Le Chahed َشَاهِد est l’ensemble des créatures qui viennent témoigner après la Résurrection alors que le Mashhoud مَشْهُود est le jour du Jugement dernier.
  • Le Chahed َشَاهِد est l’ensemble des créatures dans leur rapport de lecture et de compréhension du Coran alors que le Mashhoud مَشْهُود est le Coran lu ou délaissé.
  • Le Chahed َشَاهِد est l’ensemble des Musulmans qui ont adopté l’Islam comme religion alors que le Mashhoud مَشْهُود est le Prophète Mohamed (saws) suivi ou délaissé en sa qualité de modèle par excellence
  • Le Chahed َشَاهِد est l’ensemble des Orants priant en assemblée collective (Djama’a) alors que le Mashhoud مَشْهُود est la fratrie de foi qui lie et fédère les Croyants à travers l’acte de prière qui est une Iqama c’est-à-dire une édification mystico temporelle, une institution socio spirituelle, une résidence permanente dans une socialité colorée par l’islamité, la Sibghate Allah ou esthétique d’Allah qui colore l’existence du Musulman et tous ses registres ontologiques et sociaux. Le Mashhoud مَشْهُود est tout particulièrement le Vendredi au moment où l’imam prend place sur la tribune instituée par le Prophète (saws)
  • Le Chahed َشَاهِد est l’ensemble des Musulmans accomplissant en communauté de foi la prière de l’Aïd pour célébrer un rite musulman celui du sacrifice du mouton et de l’évocation d’Abraham et d’Ismaël alors que le Mashhoud مَشْهُود est l’oraison de l’Aïd ainsi que les premières gouttes de sang versé par la bête immolé au Nom d’Allah.
  • Le Chahed َشَاهِد est cette communauté internationale de Musulmans de Pèlerins qui accomplissent le cinquième pilier de l’Islam, le Mashhoud مَشْهُود est le pèlerinage lui-même, la Kaaba, Arafa, les différents rites du Hadj, les dix premiers jours du mois sacré de Dhu-al-Hijja ou le mois sacré dans lequel faire couler le sang ou livrer bataille est interdit. Si nous prenons l’énoncé coranique dans son intégralité nous trouvons un serment divin qui fait allusion directe aux dix premiers jours de Dhu-al-Hijja, dont le moment culminant est pèlerinage, et s’achevant quasiment par la fête qui suit le sacrifice d’une bête :

 {Par l’aube, et par dix nuits, et par le pair et l’impair, et par la nuit quand elle passe, y a-t-il en cela un serment pour tout Homme doué de bon sens ?} Al Fajr 1

D’autres savants ne se focalise pas sur le présentiel physique de la Chahada. Il lui donne le sens d’une vision ou d’une audition qui permet d’établir le témoignage en faveur d’une victime, contre un coupable, apporter une assistance favorable ou défavorable à un accusateur ou à un accusé. Il s’agit de prendre position et d’apporter un témoignage vrai et authentique :

{Et n’usurpez pas vos richesses entre vous, illicitement, et ne vous en servez pas pour soudoyer les juges, afin d’usurper une partie des richesses des Hommes, par iniquité, alors que vous savez.} Al Baqara 188

{O vous qui êtes devenus croyants, si vous contractez une dette à terme déterminé, écrivez-la : qu’un scribe l’écrive parmi vous en toute équité. Qu’aucun scribe ne se refuse à l’écrire comme Allah le lui A Enseigné. Qu’il écrive, et que le débiteur dicte, qu’il prenne garde à Allah son Seigneur et qu’il n’en diminue rien. Si alors le débiteur est insensé ou ignorant, ou qu’il ne puisse pas dicter personnellement, que son tuteur dicte en toute équité. Et faites témoigner deux témoins de vos hommes; et à défaut de deux hommes, alors un homme et deux femmes parmi ceux que vous agréez comme témoins, de sorte que si l’une d’entre elles travestit les faits, l’autre les lui rappelle. Et que les témoins ne se refusent point s’ils sont convoqués. Ne vous lassez pas de l’écrire, petite ou grande, jusqu’à son terme. Cela est plus équitable auprès d’Allah, plus efficace pour le témoignage, et plus susceptible d’épargner le doute. A moins que ce ne soit un commerce présent que vous négociez entre vous. Là alors nulle faute ne vous incombe de ne pas l’écrire. Et si vous faites une transaction, prenez des témoins. Que nul scribe ou témoin ne subisse une nuisance. Et si vous le faites, ce sera alors de la perversité en vous. Prenez garde à Allah, afin qu’Allah vous Enseigne. Allah Est Omniscient de toute chose.} Al Baqara 282

{Et si vous vous faites confiance, que celui à qui on a fait confiance restitue ce qu’on lui a confié et qu’il prenne garde à Allah son Seigneur. Ne taisez pas le témoignage, car celui qui le tait a sûrement un cœur pécheur. Allah Est Omniscient de ce que vous faites.} Al Baqara 283
{Accomplissez le témoignage envers Allah. C’est à cela qu’est exhorté quiconque croit en Allah et au Jour Dernier. Et quiconque prend garde à Allah, Il lui Procurera une issue, et le Pourvoira par où il ne comptait pas. Et quiconque se fie à Allah : Il Est sa suffisance. Certes, Allah Réalisera Sa Parole. Allah A Établi une mesure pour toute chose.} At Talaq 2

Il ne peut y avoir commerce équitable, relation durable, contrat respecté, progrès social ni civilisation durable sans justice ni équité ni confiance ni le témoignage qui apporte les preuves et les arguments pour la justice, l’équité, le bon conseil et l’expertise. Quand une société cultive le faux témoignage ou le refus de témoigner donc de prendre position non par intérêt mais par esprit de justice, par souci de vérité, par conscience sociale et morale alors s’installe la corruption, la perversité et la haine dans les cœurs. Quand une communauté refuse d’exprimer sa voie pour refuser l’oppression et la régression et soutenir le libérateur ou le civilisateur alors Allah lui fera subir les affres de la tyrannie, des fléaux sociaux et des catastrophes sanitaires et écologiques. En effet des cœurs devenus pêcheurs, dans le sens où ils deviennent laxistes, insouciants, perfides, fourbes, déloyaux, corrompus, lâches et veules, produisent une société qui vit dans la défiance et la méfiance. Sans confiance c’est la fin de la sécurité et de la solidarité mais c’est le règne de l’individualisme le plus bestial, de la peur et de la mise en autarcie de la société qui se ferme sur elle-même puis se divise en groupuscules sectaires, en fragments de Wahn que l’ennemi vorace dévore les uns après les autres :

{Nous ne tairons point le témoignage d’Allah, sinon nous serions du nombre des pécheurs} Al Maidah 107

{Qu’ils jurent par Allah : « Notre témoignage est plus vrai que leur témoignage, et nous n’avons point transgressé, sinon nous serions des injustes ».} Al Maidah 107

Dans ce cadre les savants partisans du témoignage ne se placent plus sur l’aspect cultuel mais sur l’aspect fondateur de la société : la Justice et le témoignage avec ce qu’il sous-entend comme culture intellectuelle, sociale et politique qui ne peut coexister avec l’ignorance ni avec l’insouciance ni avec l’insenséisme ni avec le cynisme ou le nihilisme.

  • Le Chahed َشَاهِد est le voyant ou l’audient par lequel se réalise le témoignage c’est à dire l’attestation de vérité sur le vrai ou l’attestation de mensonge contre le faux. C’est le Chahed qui va confirmer ou infirmer un accusateur ou un accusé, un persécuteur ou un persécuté, un coupable ou une victime, un mensonge ou une vérité. Dans ces conditions le Mashhoud مَشْهُود est ce qui donne foi au témoignage, ce qui reste en mémoire pour faciliter et donner crédit au témoin même si le témoignage est différé dans le lieu, le temps et les circonstances. Le Mashhoud مَشْهُود est ce qui va valider, donner crédit par sa mémoire, sa respectabilité, son historicité, sa fiabilité, sa tangibilité irréfutable.

Dans ces conditions le Chahed َشَاهِد est compris, dans la Sourate Al Bouroudj, comme étant Allah alors que le Mashhoud مَشْهُود est ce qui donne attestation de foi en l’occurrence le Tawhid, le monothéisme pur et parfait. Les savants parviennent à cette déduction par le lien lexical :

قُلْ أَيُّ شَيْءٍ أَكْبَرُ شَهَادَةً قُلِ اللَّهُ شَهِيدٌ بَيْنِي وَبَيْنَكُمْ

{Dis : « Quel est le plus grand en témoignage ? » Dis : « Allah. Il Est Témoin entre vous et moi. Il m’A Inspiré ce Coran pour vous en avertir, vous et ceux à qui il parviendra. Allez-vous donc témoigner qu’il y a d’autres dieux avec Allah ? » Dis : « Je ne témoignerai point ». Dis : « Il n’Est qu’un Dieu Unique et je suis innocent de ce que vous Lui associez ». Ceux à qui Nous Avons Révélé le Livre connaissent le Prophète Muammad comme ils connaissent leurs propres enfants. Ceux qui ont perdu leurs âmes, eux, ils n’ont pas foi.} Al An’âme 19

Allah témoin de la lutte entre les partisans de la foi et les renégats met Ses Signes (le Coran et la Création) comme médiateurs manifestant l’authenticité du monothéisme sinon on serait présence d’un faux témoignage que le cœur, la raison, la science et la foi intime vont contredire. Tout indique dans ce Livre et dans cet Univers l’esprit de justesse, d’équité, d’harmonie, d’Unicité le monothéisme comme « ce dont on témoigne » et qui n’est en réalité que le Signe divin qui se manifeste sous forme de Dikr (mémoire, souvenir, rappel, évocation de l’existence et de la présence d’un Dieu Unique, Créateur et le Seul à être Adoré comme le Seul a énoncer ce Coran et à la préserver). Ce même signe divin se manifeste non seulement dans la diversité des lettres, des mots et des énoncés mais il se manifeste à travers les signes cosmiques mémorables et les panoramas inoubliables de l’inerte et du vivant mis sous nos yeux pour être vus et devenir prétexte à témoigner de la Perfection, de l’immuabilité, de la Grandeur, de l’Omnipotence, de la Sagesse, de la Justice, de l’Équité et de la Miséricorde d’Allah.

Effectivement ce qui est frappant c’est que ces Serments interviennent à la fin du Coran et au sein d’une série de sourates qui se suivent pour exprimer à la fois des Serments divins et des panoramas inoubliables tant dans l’impact de notre imagination que lors de la réalisation du cataclysme final et ce qui le suit. Il s’agit donc de signifier l’importance, la gravité et le caractère solennel et véridique de ce Coran qui est entre nos mains mais aussi de l’énoncé qui suit ces serments et ce panorama mémorable de l’Apocalypse en l’occurrence la Résurrection et le Jour du Jugement dernier auquel fait allusion la contemplation des cycles incessant de la vie et de la mort dans la création assujettie à notre vision et à notre entendement :

{Quand le soleil sera ployé, et quand les étoiles s’effondreront, et quand les montagnes seront mises en mouvement, et quand les chamelles deviendront stériles, et quand les fauves seront rassemblés, et quand les mers seront enflammées, et quand les âmes seront unies aux corps, et quand l’enterrée vivante sera questionnée : « Pour quelle faute a-t-elle été tuée ? » Et quand les registres seront ouverts, et quand le ciel sera ôté, et quand la Géhenne sera embrasée, et quand le Paradis sera rapproché, chaque personne saura ce qu’elle a fait ! Je Jure formellement par les planètes qui s’éclipsent, qui courent, qui disparaissent ; et par la nuit quand elle envahit ; et par le matin quand il éclot ; c’est la parole d’un noble Messager} At Takwir 1

{Par les Anges qui arrachent avec violence, et par ceux qui enlèvent avec douceur, et par ceux qui se meuvent dans le ciel en voguant, puis, par ceux qui devancent à toute vitesse, puis, par ceux qui exécutent par derrière les ordres ultimes : Le Jour où tremblera la terre} An Nazi’ates 1

{Quand le ciel se fendra, et quand les planètes se répandront, et quand les mers seront explosées, et quand les tombes seront dispersées, toute personne saura ce qu’elle a fait et ce qu’elle a délaissé.} Al Infitar 1

{Quand le ciel sera fissuré, répondant aux ordres de son Seigneur avec obéissance consentante, et quand la terre sera aplanie, et qu’elle rejettera ce qu’elle renferme et en sera vidée répondant ainsi aux ordres de son Seigneur avec obéissance consentante. O Homme ! Toi qui t’efforces avec ardeur de rencontrer ton Seigneur, tu vas alors Le rencontrer.} Al Inshiqaq 1

{Je Jure formellement par le Crépuscule, et par la nuit et ce qu’elle englobe, et par la lune quand elle s’accomplit, vous passerez sûrement d’état en état. Qu’ont-ils donc à ne pas croire ?} Al Inshiqaq 16

{Par le Ciel et par la Pulsatrice ! Et que sais-tu de la Pulsatrice ? C’est l’étoile perforante. Certes, chaque personne a certainement un gardien. Que l’Homme regarde de quoi il a été créé ! Il a été créé d’une eau éjaculée, qui sort d’entre le dos (de l’Homme) et les côtes (de la femme). Quant à le ressusciter, Il en Est sûrement Tout-Puissant.} At Tariq 1

{Le récit du Cataclysme t’est-il parvenu ? Des visages, ce Jour-là, humiliés, bâtés et épuisés, seront enfoncés en un Feu brûlant. On leur donnera à boire d’une source bouillante. Ils n’auront de nourriture que des épines, qui n’engraissent ni n’apaisent la faim. Des visages, ce Jour-là, resplendissant de joie, satisfaits de leurs efforts, seront dans un Paradis élevé} Al Ghachiya 1

Avant de continuer à citer ses versets qui vont donner le sens profond du Chahed َشَاهِد et du Mashhoud مَشْهُود ainsi que ses conséquences spirituelles et idéologiques poursuivons l’analyse faite par les savants dans les livres d’exégèse coranique :

  • Mohamed (saws) est « l’auxiliaire » d’Allah pour le témoignage monothéiste. Nous lui devons le même amour et la même obéissance qu’Allah en sa qualité de médiateur, de transmetteur de la Révélation sans jamais lui attribuer un caractère divin. Dans ces conditions le Chahed شَاهِد est compris, dans la Sourate Al Bouroudj, comme étant Mohamed (saws) alors que le Mashhoud مَشْهُود est l’humanité appelée communauté d’appel à l’Islam. D’ailleurs le Coran et le Hadith le spécifient explicitement cette vocation islamique :

فَكَيْفَ إِذَا جِئْنَا مِنْ كُلِّ أُمَّةٍ بِشَهِيدٍ وَجِئْنَا بِكَ عَلَى هَؤُلاءِ شَهِيدًا
{Qu’en sera-t-il alors lorsque Nous Apporterons de chaque Communauté un témoin, et que Nous t’Apporterons comme témoin contre ceux-là?} An Nissa 41

أنتم شهداء الله في الأرض
« Vous êtes les témoins d’Allah sur terre »

La communauté qui répond devient une communauté de réponse et donc une communauté qui a la charge de témoigner aux autres le monothéisme en « auxiliaires » du Prophète (saws). La communauté qui refuse de réponde devient mécréante et elle devient la communauté contre laquelle Mohamed (saws) et la fratrie de foi communicante prendront communauté contre laquelle ils témoigneront devant Allah le Juge Expert, Impartial, Juste et Équitable. Ce qui est confirmé par les versets suivants :

هُوَ سَمَّاكُمُ الْمُسْلِمِينَ مِنْ قَبْلُ وَفِي هَٰذَا لِيَكُونَ الرَّسُولُ شَهِيدًا عَلَيْكُمْ وَتَكُونُوا شُهَدَاءَ عَلَى النَّاسِ

On trouve dans les traductions de ce verset cette expression qui est un parti pris contre les gens, un préjugé qui sape la valeur pédagogique, idéologique et morale du Coran : « afin que le Messager soit témoin contre vous, et que vous soyez vous-mêmes témoins contre les gens ». Nous ne pouvons être témoin contre les gens à priori ni nous ne pouvons certifier ce qui relève de la foi car il relève du cœur et le cœur relève d’Allah. Nous témoignons sur une chose ou sur quelqu’un dans le sens ou à la fois nous lui transmettons la vérité, les informations et les faits qui sont en notre possession et plus tard nous déposons comme des témoins justes pour révéler ce que nous savons en toute objectivité et vérité. Dans l’immédiat nous ne pouvons savoir si notre témoignage sera en faveur ou sera contre quelqu’un mais par contre nous devons savoir que notre devoir est de témoigner sur notre religion aux autres et de témoigner sur nos forces et faiblesses entre nous pour ne pas être otage des prédateurs ni proie de nos égos et de nos intérêts égoïstes. Notre vocation s’inscrit dans le prolongement fidèle de celle de Mohamed (saws) :

C’est Lui [Allah] qui vous A déjà Nommés musulmans, auparavant, et dans ceci [le Coran] : afin que le Messager soit témoin sur vous et que vous soyez témoins sur les Hommes.} Al Hadj 78

Cette vocation de témoignage du monothéisme à l’humanité est partie intégrale et indissociable de l’Islam. Nous ne pouvons accomplir cette vocation de témoignage que si nous accomplissons l’Islam dans sa globalité ou du moins si nous visons, malgré les difficultés du temps et les iniquités des dominants, à demeurer sur le plan de l’intention, de la réflexion, de l’organisation, du comportement et de l’action le maximum de cohérence avec le cadre religieux, spirituel et idéologique de notre vocation :

{O vous qui êtes devenus croyants, inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur et faites le bien, afin que vous cultiviez. Et luttez pour Allah comme il se doit de lutter pour Lui. Il vous A Élus et ne vous Imposa nulle gêne en religion, la confession de votre père Abraham. C’est Lui [Allah] qui vous A déjà Nommés musulmans, auparavant, et dans ceci [le Coran] : afin que le Messager soit témoin sur vous et que vous soyez témoins sur les Hommes. Accomplissez donc la prière, acquittez-vous de la Zakat, attachez-vous à Allah, Il Est votre Protecteur, le meilleur Protecteur et le meilleur Défenseur.} Al Hadj 77

Ceci dit nous devons conserver deux mots que nous avons utilisé dans notre argumentaire : mémoire et révéler sur lesquels nous allons consacrer quelques lignes. Tout d’abord il faut rappeler le cadre général de la sourate al Bouroudj : Allah fait le serment sur des créatures objets ou phénomènes grandioses par leur grandeur, leur conséquence, leur complexité réelle et leur impression dans notre imagination, notre pensée, notre intelligence et notre conscience. Tous les versets que nous avons cités évoquent des panoramas cosmiques, des cataclysmes qui ont la particularité de s’inscrire dans notre être à la fois comme mémorable et comme révélateur d’une vérité ignorée, oubliée ou considérée comme sans importance par manque de vigilance, par manque de certitude dans la foi. Dans ces conditions et avec tout ce qu’on a dit sur le témoignage des Signes du Coran et du Cosmos sur l’ultime vérité celle de la fin du monde et sa révélation sur notre mémoire qui va nous revenir pour témoigner sur nous et sur les autres le Jour du Jugement dernier je peux apporter, par la Grâce d’Allah, une nouvelle pierre à l’édifice de traduction du sens des versets du Coran. Si nous devons accepter toutes les pistes offertes par l’exégèse coranique de la Sourate Al Bouroudj, il nous faut aller à un terme générique sur le Chahed َشَاهِد compris alors comme le témoin, et sur le Mashhoud مَشْهُود compris alors comme mémorable ou révélateur.

Le verset suivant
بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَٰنِ الرَّحِيمِ والسماء ذات البروج واليوم الموعود وشاهد ومشهود
Devrait par conséquent se lire sous l’une des deux formes :

{Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et un mémorable} Al Bouroudj 1
{Par le ciel aux constellations, et par le Jour promis, et par un témoin et un révélateur} Al Bouroudj 1

La déduction logique, l’analyse exégétique ainsi que les versets coraniques qui tissent avec la sourate Al Bouroudj un réseau de significations sur la gravité et la dimension des Serments divins qui s’enchaînent militent pour que le Mashhoud مَشْهُود soit le mémorable ou le révélateur ou les deux en même temps. Si nous prenons le plaisir spirituel et intellectuel de continuer notre lecture sur ces Serments divins énoncés à la fin du Coran nous trouvons des clés de compréhension confirmant que le Coran s’explique par le Coran mais qu’il reste hermétique aux mécréants même s’ils maitrisent la langue source et la langue cible dans la traduction du Coran. En effet les versets suivants mentionnent les notions de mémorabilité et de révélateur tout en confirmant la notion de témoignage le Jour du Jugement dernier :

{Par l’aube, et par dix nuits, et par le pair et l’impair, et par la nuit quand elle passe, y a-t-il en cela un serment pour tout Homme doué de bon sens ? N’as-tu donc pas vu ce que ton Seigneur A Fait des ‘Ad ? […] l’Homme se souviendra} Al Fajr 1 et 23

{Je Jure formellement par cette Cité ! Et toi tu es présent en cette Cité. Et par un père, et par ce qu’il a engendré ! En vérité, Nous Avons Créé l’Homme capable d’endurer peine et efforts. Pense-t-il que personne n’aura de prise sur lui ? Il dit : « J’ai anéanti des biens immenses ». Pense-t-il que personne ne l’a vu ?} Al Balad 1

{Par les destriers en sueur, puis, par ceux qui font jaillir des étincelles, puis, par ceux qui foncent au matin, en y soulevant une poussière, et en pénétrant avec au milieu des troupes : l’être humain est sûrement ingrat envers son Seigneur ! Et il est sûrement témoin de cela. Et de l’amour des richesses, il est sûrement avide ! Ne sait-il donc pas que lorsque ce qui est dans les tombes sera bouleversé, et que ce qui est dans les cœurs sera dévoilé, que leur Seigneur, ce Jour-là, Est certes parfaitement Renseigné?} Al ‘Adiyat 1

{Par le Ciel et son remaniement, et par la terre et ses fissures, c’est une parole décrétée, et ce n’est point une plaisanterie. Eux, sans doute, ils projettent de perfides ruses, mais Je Planifie d’invincibles stratagèmes. Accorde donc un délai aux renégats, accorde-leur un long sursis.} At Tariq 11

En méditant le lynchage et la sodomisation de feu Mouammar Al Kadhafi que des savants, prédicateurs et foules fanatisés par l’instrumentalisation de l’Islam par la CIA et l’Otan considèrent comme Youm Mashhoud مَشْهُود je me suis encore posé la question qui me traverse l’esprit depuis des années déjà : Est-ce que nous vivons dans une époque mémorable par une Sahwa chantée comme fut chanté la Nahda et l’Islah qui ont comme la montagne stérile accouché de poussières et de tempêtes de sables ? Est-ce que nous vivons des moments révélateurs de notre déshumanisation qui font que malgré l’habillage islamique de nos discours, de nos apparats vestimentaires, de nos temples nous sommes loin voire à l’opposé de ce qu’Allah a gratifié l’humain dans son Honorificat originel, dans son Khalifat sur terre et dans son adoration monothéiste. Mohamed (saws) a montré que l’Islamité se rajoute à l’humanité pour produire l’excellence: « Le meilleur d’entre vous dans l’obscurantisme pré islamique est le meilleur d’entre vous dans l’Islam s’il fait l’effort de comprendre son Dine ! »
Est-ce que ce ne sont pas les pires d’entre nous qui ont pris en otage la religion pour l’instrumentaliser à des fins partisanes, mondaines sans faire l’effort d’en comprendre et d’en appliquer ses fondamentaux en terme d’humanisme, de respect de la vie humaine, d’humilité ? Est-ce que l’arrogant, le triomphaliste, l’allié des ennemis d’Allah peut devenir un libérateur puis un civilisateur ? Est-ce que le voyeurisme mis en scène médiatiquement, militairement, idéologiquement et religieusement relève de l’éthique et de l’esthétique musulmane du  » Chahed et Mashhoud »? Quel est le sens et la validité d’un témoignage, d’une accusation qui détruit un pays et tue des milliers de personnes par les forces de l’OTAN appuyé par des troupes « musulmanes » pour le libérer de la dictature d’un seul homme?

J’ai apporté, par la Grâce d’Allah, quelques réponses opportunes, pertinentes et cohérentes mêmes si elles sont incomplètes et imparfaites dans mon dernier livre « Les Révolutions arabes : Mystique ou mystification ? ». Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je suis un réaliste qui pose les problèmes dans leur globalité, leur dynamique et leurs interactions comme l’exige la culture islamique. Je ne revendique ni le statut de savant, ni de penseur, ni de guide, ni de représentant du peuple ni d’élu dans l’opposition. Je fais parti des Ghorabas, les gens étrangers à leur époque, à leur communauté, les sans patrie, sans parti et hors système mais en quête de la vérité ne la sollicitant qu’auprès d’Allah.

Cette parenthèse m’amène à aborder l’autre élément flagrant dans la sourate al Bouroudj que les prédicateurs et savants anciens et nouveaux occultent est qui se rapporte au récit mémorable et révélateur à la fois de la cruauté des païens envers les croyants et de la patience courageuse des croyants persécutés et massacrés. Pour cela il faut faire une lecture globale de la sourate sans perdre de vue les liens de sens avec les Serments coraniques des autres sourates :

وَٱلسَّمَآءِ ذَاتِ ٱلْبُرُوجِ ﴿1﴾ وَٱلْيَوْمِ ٱلْمَوْعُودِ ﴿2﴾ وَشَاهِدٍۢ وَمَشْهُودٍۢ ﴿3﴾ قُتِلَ أَصْحَـٰبُ ٱلْأُخْدُودِ ﴿4﴾ ٱلنَّارِ ذَاتِ ٱلْوَقُودِ ﴿5﴾ إِذْ هُمْ عَلَيْهَا قُعُودٌۭ ﴿6﴾ وَهُمْ عَلَىٰ مَا يَفْعَلُونَ بِٱلْمُؤْمِنِينَ شُهُودٌۭ ﴿7﴾ وَمَا نَقَمُوا۟ مِنْهُمْ إِلَّآ أَن يُؤْمِنُوا۟ بِٱللَّهِ ٱلْعَزِيزِ ٱلْحَمِيدِ ﴿8﴾ ٱلَّذِى لَهُۥ مُلْكُ ٱلسَّمَـٰوَ‌ٰتِ وَٱلْأَرْضِ ۚ وَٱللَّهُ عَلَىٰ كُلِّ شَىْءٍۢ شَهِيدٌ ﴿9﴾ إِنَّ ٱلَّذِينَ فَتَنُوا۟ ٱلْمُؤْمِنِينَ وَٱلْمُؤْمِنَـٰتِ ثُمَّ لَمْ يَتُوبُوا۟ فَلَهُمْ عَذَابُ جَهَنَّمَ وَلَهُمْ عَذَابُ ٱلْحَرِيقِ ﴿10﴾ إِنَّ ٱلَّذِينَ ءَامَنُوا۟ وَعَمِلُوا۟ ٱلصَّـٰلِحَـٰتِ لَهُمْ جَنَّـٰتٌۭ تَجْرِى مِن تَحْتِهَا ٱلْأَنْهَـٰرُ ۚ ذَ‌ٰلِكَ ٱلْفَوْزُ ٱلْكَبِيرُ ﴿11﴾ إِنَّ بَطْشَ رَبِّكَ لَشَدِيدٌ ﴿12﴾ إِنَّهُۥ هُوَ يُبْدِئُ وَيُعِيدُ ﴿13﴾ وَهُوَ ٱلْغَفُورُ ٱلْوَدُودُ ﴿14﴾ ذُو ٱلْعَرْشِ ٱلْمَجِيدُ ﴿15﴾ فَعَّالٌۭ لِّمَا يُرِيدُ ﴿16﴾ هَلْ أَتَىٰكَ حَدِيثُ ٱلْجُنُودِ ﴿17﴾ فِرْعَوْنَ وَثَمُودَ ﴿18﴾ بَلِ ٱلَّذِينَ كَفَرُوا۟ فِى تَكْذِيبٍۢ ﴿19﴾ وَٱللَّهُ مِن وَرَآئِهِم مُّحِيطٌۢ ﴿20﴾ بَلْ هُوَ قُرْءَانٌۭ مَّجِيدٌۭ ﴿21﴾ فِى لَوْحٍۢ مَّحْفُوظٍۭ ﴿22﴾

 

  • اليوم الموعود : يومِ القيامة

Le Jour promis : le Jour du Jugement dernier

  • شاهد : من يَشهدُ على غيرِه فيه

Chahed : Celui qui témoigne contre autrui lors du Jugement dernier et prend le statut d’accusateur qui demande justice, qui incrimine, qui révèle

  • مشهودٍ : من يَشهدُ عليه غيرُه فيه

Mashoud : Celui est qui est l’objet de témoignage, l’objet d’une plainte, l’objet d’une accusation. Celui dont on exige que justice soit faite contre lui. Il est l’accusé des crimes, des torts, des dommages et des préjudices qu’il a commis dans cette vie.

 

Cette lecture juste met en liaison dans un procès juste et équitable l’accusé face à son accusateur et traduit la justesse du témoignage qui met en scène la confrontation de deux parties l’accusation et la défense sauf que le Jugement dernier Allah est le Procureur, le Témoin et la Défense et tous les participants au procès qu’ils soient coupables ou victimes ne diront que la stricte vérité face à Allah qui s’est défini par ses Versets :

{N’as-tu pas su qu’Allah est Omnipuissant sur toute chose ? N’as-tu pas su qu’à Allah appartient le Règne des Cieux et de la terre, et que vous n’avez à l’exclusion d’Allah ni protecteur ni Défenseur ?} Al Baqara 107

{Les injustes n’ont point de Défenseurs.} Al Baqara 270

{Certes, ceux qui mécroient en les Signes d’Allah, qui tuent les Prophètes sans aucune juste cause et tuent ceux parmi les Hommes qui commandent l’équité, annonce-leur alors un douloureux châtiment. Ceux-là, vaines ont été leurs actions dans le monde, et dans la vie Future, ils n’auront point de Défenseurs.} Al ‘Imrane 21

{Sans aucun doute, Allah Est votre Protecteur et Il Est le meilleur des Défenseurs.} Al ‘Imrane 150

{Ceux-là sont ceux qu’Allah A Maudits, et celui qu’Allah Maudit, tu ne lui trouveras point de Défenseur.} Al Maidah 52

{Quiconque commet un mal en sera puni et ne trouvera, à l’exclusion d’Allah, ni protecteur ni Défenseur. Et quiconque fait des œuvres méritoires, que ce soit un homme ou une femme, tout en étant croyant, ceux-là entreront au Paradis et ne subiront point un micropyle d’injustice.} Al Maidah 123

Omar Mazri

[information]Lire la partie 2 : Témoin, mémoire, culte et Jihad  2/2[/information]

La douce mutation du HAMAS par le « printemps arabe »

 

Le HAMAS semble en pleine mutation qu’accélère le « printemps arabe ». Depuis l’agression contre la Libye facilitée  par la Fatwa meurtrière  du Dr Qaradhawi qui a fait prévaloir son positionnement partisan de « Frères musulmans »  sur son devoir de savant Rabbaniy, le HAMAS s’est rangé furtivement derrière le « printemps arabe » et les pétrodollars faisant de moins en moins cas de la résistance, de l’unité nationale, du retour des exilés, de la terre palestinienne dans son intégralité. Au moment où Israël est en difficulté il consent à lui accorder une trêve sans contrepartie évidente. Au moment où l’Autorité palestinienne est discréditée, agonisante et mise au placard sur le plan internationale il lui accorde des concessions allant jusqu’à promettre des élections « démocratiques » menées conjointement.

La présence de la direction du  HAMAS n’est plus concentrée à Damas mais elle est devenue une boutique itinérante entre Istanbul, Tunis et Qatar. Des informations sérieuses provenant de Syrie affirment que près de 500 combattants du HAMAS combattent au côté des « révolutionnaires » internationaux qui cherchent la chute du régime, la guerre civile et la partition de la Syrie  en conformité avec l’agenda sioniste et américain. En 2010 à la conférence d’Istanbul présidée par le Cheikh Qaradhawi le Kowétien An Nafissi expert en géopolitique a dit à haute voix ce que les organisateurs de la conférence pensaient tout bas : il n’y a plus de nécessité à la lutte armée.

Dans le piège de l’administration du Gazastan, le HAMAS a  imposé son organisation, sa vision et son schéma tactique à l’ensemble de la population allant jusqu’à combattre des factions armées ne partageant pas son idéologie et expulsant les militants du FATAH alors que dans la Sharia islamique combattre le musulman ou l’expulser de sa maison ou de son territoire est une transgression grave. Après la liquidation des deux faucons et hommes clé de la résistance armée  Saïd Siam et Nizar Ryan par Tsahal lors de la guerre « opération plomb durci » de décembre 2009, et après la mise à l’écart de Mohamed Nezzal du Bureau poliique, le HAMAS se trouve conduit par Mechâal proche de Qaradhawi et par Haniya un pragmatique assez sympathique qui se contente de son petit khalifat de Gaza.  Nezzar qui fait office de ministre des affaires étrangères, en réalité sans poste et sans prérogatives, est de fait écarté de l’équation stratégique. Il est remarquable de le voir à Téhéran reçu par le guide de la République islamique pour rappeler les fondamentaux du HAMAS au moment où les autres sont en pérégrinations vers les capitales arabes qui sont en train de faire allégeance à l’Empire au nom du pragmatisme et de l’illusion de se débarrasser des tyrans de Libye et de Syrie avant d’affronter Israël.

On remarque que  la Syrie qui a supporté l’effort de guerre des Palestiniens et des Libanais, se trouve, dans ces moments tragiques de subversion qui risque de lui couter son existence sinon sa paix civile, devant un silence ingrat du HAMAS. Ce silence ne peut s’expliquer lorsque le Hezbollah affiche son soutien ferme et indéfectible à la Syrie et  sa disponibilité à être partie prenante dans le conflit qui oppose la Syrie à l’agenda impérialiste et sioniste. Il ne peut s’expliquer lorsque le Front démocratique de la libération de la Palestine commandée par Ahmed Jibril prend position en mettant ses combattants et son armement basés en Syrie au service de l’Etat syrien. Il ne s’expliquer lorsque Ramadan Shallah chef du Jihad Islamique de la Palestine informe l’opinion publique de son refus de quitter la Syrie malgré les propositions d’accueil du Qatar et ses pétrodollars.

Que fait donc le HAMAS? Le HAMAS, devenu pragmatique et gestionnaire se prépare à l’après Bachar al Assad et revient donc au giron des Frères Musulmans égyptiens dont il est l’émanation idéologique. S’inscrivant dans l’illusion d’une hégémonie des Frères Musulmans il se prépare à faire des concessions majeures. Pour l’instant les observateurs arabes, avisés et informés, voient le HAMAS se rapprocher de l’Occident. Ce rapprochement ne vise pas seulement à ce qu’il en soit plus perçu comme une organisation terroriste mais comme une triple voie menant vers :

        La reconnaissance de l’Etat d’Israel

        Un printemps arabe qu’il conduirait en Cisjordanie lui donnant les clés de Ramallah et de l’Autorité palestinienne

        La liquidation définitive de l’OLP.

De la même façon que l’Empire et le sionisme peuvent cohabiter avec des régimes se disant islamiques si ces derniers ne remettent pas en cause l’existence et la paix  d’Israël ainsi que  le nouvel ordre mondial. Ils peuvent construire des mosquées, s’habiller en gandoura et en Niqab et même faire des invocations contre les USA à condition de ne pas s’occuper de géopolitique, de souveraineté du peuple, d’indépendance économique et de participation à un front mondial de résistance contre le sionisme et le capitalisme. Le HAMAS parrainé par le Qatar, la Turquie, la Tunisie et l’Egypte pourrait gouverner l’ensemble des isolats et des ilotismes territoriaux de ce qui reste de la Palestine.  Brejinsky partisan de la collaboration des USA avec les mouvements islamiques affaiblis et infantilisés est partisan de la doctrine du « soft powerment » qui préconise de laisser les Etats-Unis gérer les conflits selon ses intérêts en supervisant les autres dans leur engagement même si les autres sont des groupes, des organisations ou des Etats islamiques. Pour l’instant cela marche bien. La gesticulation des partisans de la « solution islamique »   ou le sensationnel de l’explication eschatologique de l’histoire ne change rien à la validité et à l’efficacité de la doctrine. Il faut espérer qu’Israël fondée sur la violence et habituée à la transgression et à l’agression ne prennent l’initiative de mener une nouvelle guerre et ainsi réveiller les consciences arabes et acculer les Etats-Unis et leurs vassaux à  entrer comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.  

Ceci ne reste qu’une analyse qui s’inscrit dans les conséquences néfastes des révolutions arabes menées sans cadre d’orientation idéologique et récupérées par des arrangements d’appareils qui se sont   trouvés confrontés à un état des lieux les poussant vers la facilité qui consiste à revenir vers le giron du nouvel ordre mondial et conserver le pouvoir à l’aide des pétro dollars et solliciter  l’intermédiation politique et diplomatique des monarques vassaux de l’Empire. Isolé le HAMAS se trouve donc comme une aiguille aimantée dans un champ magnétique contraint de s’aligner sur les lignes de forces les plus fortes en tout pragmatisme. Le HAMAS se trouve aussi vieilli, épuisé par le pouvoir car il n’a pas évalué à sa juste conséquence l’impossible conciliation de la résistance et de la gouvernance ou n’a pas innové en trouvant une organisation inédite qui lui permet de gouverner et de mener la lutte dans un axe de résistance multiforme ouvert à tous les Palestiniens.

Le président égyptien, frère musulman, vient enfin d’autoriser l’ouverture des postes frontalier avec Gaza. C’est bien mais insuffisant, car cela ne pourrait être qu’une devanture. L’essentiel est ailleurs : Gaza doit être considérée comme la profondeur stratégique de l’Egypte et à ce titre sa reconstruction, son approvisionnement et sa défense sont l’affaire de l’Egypte. Faudrait-il que l’Egypte ait les moyens et la liberté de sa politique. Pour cela il faudrait qu’elle soit adossée à l’axe de résistance mondiale contre le sionisme et l’impérialisme qui va lui assurer à son tour la profondeur stratégique pour faire face à l’Empire et à ses alliés.

En dernier ressort la Ligue arabe avec ses trahisons a poussé le monde arabe à perdre ses repères et à cultiver la démission et la défaite, et à préférer le consumérisme capitaliste à la résistance lorsqu’il ne préfère pas l’OTAN à la souveraineté nationale. Le jour où les gouvernants et les élites se réveilleront ils constateront que tous les pays et les organisations qui se sont opposés à Camp David seront décapités par la règle simple, celle de la mémoire cultivée comme une idole et de la revanche comme culte. Les Arabes n’ont ni mémoire, ni culte, ni dignité à moins qu’Allah ne fasse émerger des utérus de nos femmes des hommes, des vrais :

{O vous qui êtes devenus  croyants, quiconque d’entre vous renie sa Religion, Allah fera venir des gens qu’Il Aime et qui L’aiment, humbles à l’égard des croyants, fermes à l’égard des renégats, qui s’efforce dans  la voie d’Allah et ne redoutent point le blâme d’un censeur. Cela est la Munificence d’Allah, Il l’Accorde à qui Il Veut.} Al Maidah 54 

Omar Mazri 

liberation-opprimes.net

Quel est notre devoir face aux schismes ?

La prescription coranique

{Certes, cette communauté qui est la vôtre est une communauté unique, et Je suis votre Seigneur. Adorez-Moi donc.}  Al Anbiya 92

{C’est Lui (Allah) qui vous A déjà nommés musulmans, auparavant, et dans ceci (le Coran) : afin que le Messager soit témoin auprès de vous et que vous soyez témoins auprès des hommes.} Al Hadj 78

Le Coran nous ordonne d’être une communauté de musulmans sans esprit partisan ni confessionnel. Toute autre démarche est une transgression au Coran. Nous avons montré l’ineptie de ceux qui se cachent derrière un hadith faible et qui même s’il était authentique a un autre sens que la divergence est une miséricorde. C’est plus qu’une transgression c’est un Takkabur, une arrogance, une surenchère sur Allah qui nous a nommé Musulman et qui a voulu que nous soyons une seule communauté unie derrière un même Coran et un même Prophète.

 

La réalité

Nous nous comportons, de fait, comme les égarés et les fourvoyés que le Coran nous a interdit de suivre :

{Les Juifs ont dit : « Les Nazaréens ne tiennent sur rien », et les Nazaréens ont dit : « Les Juifs ne tiennent sur rien », et ils récitent le Livre! Ainsi dirent aussi, les mêmes paroles, ceux qui ne savent pas. Mais Allah Jugera alors entre eux, le Jour de la Résurrection, sur ce dont ils divergeaient.} Al Baqarah 112

La réalité est en contradiction totale avec ce verset. Comment espérer la quiétude, la paix, la prospérité, la liberté et la dignité alors que nous sommes dans une réalité contradictoire avec  l’esprit et la lettre du Coran. Cette réalité n’est pas une imposition de l’extérieur qui peut donner justification à notre stupidité ou à notre pragmatisme, c’est un processus historique et idéique que nous avons réalisé depuis des siècles qui nous a amené à cette situation de Wahn, de divergences, d’obscurantisme ouvrant la porte au colonialisme qui a finit de détruire ce qui restait comme noblesse et lumière en nous. Libéré de ce colonialisme par la grâce de Dieu nous sommes revenus au même état qui a précédé le colonialisme : l’esprit atomiste et tribal que condamne l’Islam même s’ils prennent le nom de confessions, de doctrines, de nations…

Confrontant l’image de la réalité avec l’image du devoir coranique notre vision mentale devient floue par la superposition de l’espoir qui émane du Qur’àn et de celle du  « cynisme » qui habite notre imagination modelée par le regard qui ne voit que la laideur, le mensonge, l’hypocrisie,  l’ego narcissique dupliqué dans les élites et les peuples. Nous sommes fragmentés à l’image de ce puzzle issu de  Sykes Picot puis de l’implantation sioniste que Sheikh Azzedine Al-Qassam a décrit : «Sans l’Islam, nous ne sommes que des tribus sans lien, chacune préoccupée par ses propres considérations étroites. »

Comme en proie à des troubles oculaires nous sommes obligés de fermer un œil pour ne voir que d’un seul œil mais l’image qui  bouleverse notre vision  est  totalement incrustée en toile de fond : la réalité des schismes et du wahn qui nous enveloppent au quotidien.

A quelle perspective  s’attendre ? Faudrait-il tout  reconstruire pour éviter les mauvaises surprises ? Peut-on reconstruire sans déconstruire ? Peut-on déconstruire et reconstruire dans l’anarchie et les divergences ? Faut-il faire de l’attaque des schismes une priorité dans le travail de déconstruction reconstruction ?

Je  ne pense pas, honnêtement,   qu’il soit utile d’ouvrir le dossier des schismes au niveau intermédiaire des associations musulmanes. En plus de notre déficit de compétence il y a la douleur de la plaie qui rend difficile le regard froid et lucide sur les manifestations du mal qui nous ronge. Il y a  aussi l’expérience sociale, politique et professionnelle qui témoigne qu’il ne faut ni déblayer ni construire sur une plaie ontologique ou sociale ni dans son voisinage mais qu’il faut construire ailleurs le temps que…

Mohamed (saws) s’est trouvé confronté aux plaies béantes de l’idolâtrie et de l’injustice en Arabie pré islamique. Il ne s’est pas attaqué aux idoles ni au système oppressif avant d’édifier  l’homme qui s’en libère en construisant dans la partie intacte et saine (sa Fitra) l’amour de la vérité qui chasse le mensonge. Il y a un énorme travail de déconstruction de la décadene musulmane et de la mentalité de colonisé  puis de reconstruction de l’être musulman libéré du fétichisme des doctrines et de l’esprit partisan et sectaire :

{C’est Lui qui A Envoyé, parmi les analphabètes, un Messager d’entre eux, qui leur récite Ses Versets, qui les épure, qui leur apprend le Livre et la Sagesse, bien qu’ils fussent sûrement, auparavant, dans un fourvoiement évident. Et d’autres, parmi eux, qui ne les ont pas encore suivis. Et Il Est l’Invincible, le Sage.} Al Jumu’a 2

{Et avertis ton clan : les plus proches, et sois modeste envers ceux qui t’ont suivi des croyants. S’ils se rebellent contre toi, alors dit : « Je suis innocent de ce que vous commettez ». Et fie-toi à l’Invincible, au Miséricordieux} As Chu’ara 214

S’appuyant sur une avant-garde de sacrifice et d’endurance  il a construit l’homme Mohammadien le civilisé et le civilisateur au Nom d’Allah. Cet homme nouveau est sorti de sa torpeur par « Lis ! Lis au Nom de ton Seigneur » pour entrer dans le monde de l’épreuve qui forge les volontés et trie les déterminations et les compétences au contact de l’oppression. Le musulman connaissant son Dieu est tout de suite confronté à sa  vocation et à ses missions : résister à l’oppresseur, nier la Jahiliya et fédérer d’autres avant-gardes jusqu’à faire émerger la communauté de foi libérée de l’oppression et de la « hamiyat al Jahiliya », le fanatisme de l’obscurantisme ante islamique. Ce ne sont pas les défis, les causes de résistances, la fondation communautaire sur le Tawhid qui manquent mais la volonté et le savoir. Ce n’est qu’une fois qu’on a fait triompher l’idée que les idoles tombent malgré leur parure, leur fardage, la surface de leur socle et la hauteur de leur mémorial. Il ne s’agit pas de reprendre à zéro mais de restaurer la foi en modifiant le système de représentation du monde : quelle est le sens de ma vie, quelle est la finalité de mon action, quel est le but de mon argent, de mes relations, de mon pouvoir et de mon intelligence, quel est le modèle de mon existence…

{Certes, Allah A Racheté des croyants leur vie et leurs biens, par le Paradis qui sera à eux. Ils combattent pour la Cause d’Allah} At Tawbah 111

Il y a derrière ces questions  plusieurs autres raisons multiples, objectives et subjectives, qui exigent la prudence et la circonspection avant de se prononcer sur les schismes et les divergences qui font que les réponses attendues sont en deçà ou hors sujet. Les idées de la Jahiliya étaient simples et primitives et ne portaient que les contradictions de la Jahiliya alors que celles d’aujourd’hui sont complexes structurées et portant les contractions d’une civilisation islamique infantilisée, dévoyée dissolue dans la civilisation occidentale elle-même en dissolution et en contradiction mais toujours puissante pour imprimer ses idées au monde dominé par sa technologie, sa technique, sa science, ses médias ; et stigmatisé par les séquelles de sa colonisation sur les territoires et sur les  mentalités. La situation est complexe car elle repose sur des mythes qui sont entretenus comme figures historiques, comme vérités islamiques, comme relevant du sacré indiscutable. Tant que le sang du musulman ne reprenne pas sa sacralité et tant que les priorités face à l’agresseur extérieur ne sont pas admis par tous pour faire front commun il serait vain de débattre des causes du schismes et des moyens de le surmonter. Comment le surmonter alors que nous voyons dans ces moments difficiles de Fitna interne et d’agression  externe les savants musulmans, les intellectuels musulmans et les médias musulmans faire l’apologie d’une école doctrinaire contre une autre,  accentuer le cliavage  confessionnel, ethnique et linguistique.

Nous allons passer en revue, d’une manière non exhaustive, les raisons qui militent de chercher autrement la solution aux problèmes des schismes et des divergences que dans les réponses simplistes et polémiques. Dans ce cadre nous avons choisi 6 axes :

1/ la distinction  entre diversité et divergences; 2/ les schismes et l’instrumentalisation du  religieux ; 3/ Les divisions sont profondes à l’intérieur des schismes;  4/  Se consacrer à la lutte idéologique menée contre l’Islam en exprimant l’islam authentique est la priorités; 5/ la liberté doit être notre préoccupation majeure; 6/ relais de communication des savants fédérateurs nous devons conserver notre objectivité et  nous déployer sur plusieurs  directions pour défendre l’Islam

Distinction  entre diversité et divergences.

Il est dramatique de confondre la richesse et la complémentarité dans la  diversité avec la pauvreté et la contradiction dans la divergence. Allah montre que la diversité gouverne les univers  dans l’unité et y croire fait partie de la foi monothéiste.

{Les Hommes ne formaient qu’une seule communauté, mais ils divergèrent. Et n’était-ce un Décret préalable de ton Seigneur, c’en aurait été fait entre eux sur ce dont ils divergeaient.} Younes 19

{Et parmi Ses Signes : la Création des Cieux et de la terre, et la diversité de vos langages et de vos couleurs. Certes, il y a en cela des Signes pour les savants.} Ar Rum 22

Contester cette loi c’est nier le monothéisme ou se rebeller contre la sagesse divine. La sagesse divine a voulu que la diversité des idées, des formes, des contenus, des cultures crée la complémentarité ou l’attraction/répulsion pour que la dynamique et le changement permanent soient  le moteur de la vie, du progrès ainsi que l’épreuve  pour distinguer le bien du mal, le vrai du faux, le juste de l’injuste, le méritant du déméritant, le croyant du mécréant:

{C’est Lui qui Fit de vous des remplaçants sur terre, et Éleva certains d’entre vous au-dessus d’autres, de quelques degrés, pour vous Éprouver en ce qu’Il vous A Donné.} Al An’âm 165

{C’est Lui qui vous A Créés : il est parmi vous le mécréant, et il est parmi vous le croyant. Et Allah Omni-Voit ce que vous faites…} At Taghabun 2

{Si ton Seigneur Voulait, Il Aurait Fait les Hommes une seule communauté. Et ils continuent à diverger. Sauf ceux que ton Seigneur Prit en Sa Miséricorde. Et c’est pour cela qu’Il les A Créés.} Hud 118

Sur ce verset à titre d’exemple nous pouvons à la suite des savants et des exégètes avoir des interprétations différentes sur le sens de la création humaine : pour adorer Dieu, pour bénéficier de Sa Miséricorde ou pour être divergent sur la foi, le culte et la charia ? La diversité de lecture ne peut amener à la divergence. La divergence c’est de refuser l’inégalité dans l’intelligence, la sensibilité et la compétence de lire et tirer signification. La diversité c’est accepter toutes les lectures puisque l’essentiel n’est pas nié en l’occurrence : Allah est le Créateur, Allah est l’Adoré, Allah est le Miséricordieux ; l’homme est la créature devant adorer Allah, l’indigent qui a besoin de la miséricorde divine, l’intelligence qui cherche à comprendre et qui  se distingue  dans la manière,  le contenu  et la finalité de sa compréhension et de ses sources de savoir.

La divergence c’est quand il n’y a plus de convergence sur les références du savoir et de l’action, la finalité des buts et l’éthique des moyens. La divergence c’est quand il n’y a plus d’accord sur le sens à donner, la voie à emprunter, la solution à choisir du fait de l’ignorance ou de la confusion sur la compréhension des prescriptions divines et des enseignements mohammadiens allant à la fracture sociale, à la discorde, à la haine et à la violence verbale ou physique :

{Et ne soyez pas comme ceux qui se désunirent et divergèrent à partir du moment que leur vinrent les évidences.} Al ‘Imrane 105

«  Ne devenez pas après moi des mécréants. Les uns tuant les autres » Hadith

{Que prennent garde alors ceux qui contreviennent à son ordre, qu’ils ne soient atteints d’une épreuve, ou qu’ils ne soient atteints d’un douloureux châtiment.} An Nur 63

La divergence n’est pas dans la diversité ou la différence de comprendre une partie du Qur’àn, de  la Sunna  et de la réalité sociale, économique  ou politique. La divergence est dans le refus de recourir aux évidences (les versets coraniques) et se contenter de répéter comme « parole d’évangile » l’avis d’un Sheikh ou d’un chef de parti et d’entrer en dissidence contre les intérêts stratégiques de la communauté musulmane. La divergence n’est pas contre l’orthodoxie sunnite ou chiite car l’Islam n’a pas de clergé mais des savants qui font effort intellectuel de comprendre, d’apporter des interprétations et des solutions. La divergence c’est de faire de ces savants une orthodoxie, un clergé, une référence infaillible et irréfutable. La divergence c’est donner plus d’importance aux différences tolérables sur les questions de Fiqh (jurisprudence) au point de nuire à l’unité sacrée des musulmans,  à occulter la parole de Dieu, à la confisquer comme une rente religieuse ou à l’instrumentaliser à des fins politiques et mondaines. L’union se fait sur des bases saines et claires :

{Attachez-vous tous au lien (habl) d’Allah et ne vous désunissez point. Rappelez-vous la Grâce d’Allah envers vous lorsque vous étiez des ennemis, qu’Il Unit entre vos cœurs et vous devîntes frères, par Sa Grâce; lorsque vous étiez au bord d’un abîme du Feu et qu’Il vous en Sauva. Ainsi Allah vous Démontre Ses Signes, pour que vous deveniez  guidés. Et qu’il y ait parmi vous une Communauté : qui incitent au bien, commandent le bon usage, et interdisent ce qui est répréhensible. Ceux-là sont ceux qui cultivent.} Al ‘Imrane 103

La communauté musulmane entre en divergence si elle perd le sens du Qur’àn et de la Sunna,  si elle perd la signification de sa vocation « al amr bil ma’rouf wal nahay ‘anil mounkar » et si elle perd la compréhension du « ma’rouf » (convenable) ou du « mounkar » (répréhensible). Sans références elle perd ses repères, ses membres se « sectarisent » et la divergence remplace la différence. Elle devient semblable aux communautés qui ont perdu leur vitalité civilisationnelle et dont chaque partie a voulu tyranniser l’autre au nom de la religion, de la morale, de l’ethnie, de la classe, du pouvoir, du savoir ou de l’idole :

{Les Hommes étaient une seule communauté. Alors Allah Envoya les Prophètes annonciateurs et avertisseurs, et Révéla avec eux le Livre, en Vérité, pour qu’il juge parmi les Hommes sur ce dont ils divergèrent. Et n’y divergea, par tyrannie entre eux, que ceux qui le reçurent, après que leur vinrent les évidences. Alors Allah A Guidé, par Son Vouloir, ceux qui devinrent croyants, vers la Vérité sur laquelle ils divergeaient. Allah guide qui Il Veut vers un chemin de rectitude.} Al Baqara 213

Ce n’est pas la servitude aux gens ou le mimétisme des gens qui est garant de la vérité mais la conformité aux évidences. C’est la tyrannie des despotes religieux ou politiques qui va saper la concorde sociale et corrompre le climat favorable au savoir, à la compassion, à la fraternité et à la miséricorde. Il ne s’agit pas de devenir savant mais de connaître l’essentiel de sa religion pour ne pas succomber au fanatisme et au chauvinisme comme l’a montré l’Imam Ali : « On ne connaît pas la vérité grâce aux gens ! Connais la vérité, et dès lors tu connaîtras ceux qui la suivent »

Ignorant la vérité et les réseaux de relation des versets coraniques les uns aux autres nous pouvons avoir des lectures différentes qui amènent à la divergence et aux schismes dans la lecture de quelques versets :

{O vous qui êtes devenus croyants, obéissez à Allah, obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité. Et si vous êtes en contestation sur quelque chose, référez-le à Allah et au Messager, si vous croyez en Allah et au Jour Dernier. Cela est un bien et d’une meilleure interprétation.} An Nissa 59

« Celui qui m’a obéit, a obéit à Allah. Celui qui me désobéit, a désobéit à Allah. Celui qui obéit au dirigeant, m’a obéit. Et celui qui désobéit au dirigeant, m’a désobéit. »

« Il ne te faut absolument pas te séparer de la communauté des musulmans et de leur dirigeant. »

Que les musulmans ne soient pas d’accord sur la nature et la composition de l’élite constituée par  les détenteurs de l’autorité (awli al amr) : autorité politique, autorité religieuse, autorité sociale, autorité mixte cela ne pose pas de problème. Qu’ils aient des approches plurielles et diverses sur les formes institutionnelles de l’exercice de l’autorité et de sa représentativité ne pose pas de problèmes sur le plan idéique ou religieux. Le problème qui crée la divergence est l’aveuglement qui fait accepter l’absolutisme politique au point de ne reconnaître l’autorité que celle qui détient le pouvoir politique sans légitimité sociale et politique, sans recours à la Choura,  sans acceptation de débattre du sens de minkoum (l’élite détentrice de l’autorité ou du commandement d’entre vous, de parmi vous signifiant sa représentativité et sa conformité aux valeurs de la communauté musulmane). Ne pas comprendre et ne pas chercher à comprendre un sens consensuel sur la signification de « Awli al Amr) est catastrophique : détenteurs de l’autorité (laquelle), chargé des affaires publiques, gouvernant et sur cette confusion continuer de confondre les affaires privées avec les affaires publics, le despotisme avec l’islam c’est continuer à tolérer que la corruption, la malversation et la dignité du musulman soient bafouées par le despote et le colonisateur.

Le verset qui parle d’obeissance aux awli al amr a t-il une portée portée politique stricte? Si c’est oui attribuer le pouvoir aux savants n’est-ce pas donner crédit à la théocratie? Si c’est non quelle est la place du savant religieux? Le verset ne pose-t-il pas un problème de gouvernance globale dans une société islamique qui ne fait pas de séparation entre le politique et le religieux, le profane et le sacré et qui exige la formation d’une élite plurielle dont la légitimité est davantage sociale que politique ou religieuse? La légitimité est une question de reconnaissance sur le plan de la probité, du mérité, du dévouement, de l’équité, de la compétence pour représenter dignement et fidèlement la communauté de foi! Qui doit trancher en cas de divergence ? Le Qur’àn ou le despote et ses courtisans ? Le Qur’àn a-t-il un énoncé équivoque sur le desptotisme

{Et lorsqu’ils se disputent dans le Feu, et que les faibles disent à ceux qui s’enorgueillirent : Nous, nous étions vos suiveurs, pouvez-vous alors nous préserver d’une part du Feu ? Ceux qui s’enorgueillir dirent : Nous y sommes tous. Allah A effectivement jugé entre les serviteurs} Ghafir, 47, 48.

Omar a-t-il été despote en demandant au peuple  lors de son élection : « Si ma conduite est irréprochable, aidez-moi ; si j’agis mal corrigez-moi ».

Le pire dans la divergence est de refuser  le droit au peuple à l’expression libre qui peut contester, sans entrer en sédition, la politique  sociale et économique. C’est  un principe islamique normal né de la diversité et de la légitimité de la représentativité qui peut être gagnée ou perdu. Il ne s’agit pas de fomenter une révolution sanglante ni un coup d’état ni une rebéllion pacifique ou armée, mais de pouvoir débattre et chercher ensemble la meilleure solution  par exigence de la vérité et pour les intérêts de la communauté  :

« Et si vous êtes en contestation sur quelque chose, référez-le à Allah et au Messager ».

Ce verset qui autorise la contestation montre que le détenteur de l’autorité religieuse, politique, sociale ou judiciaire n’est ni infaillible ni irréversible. Tout est sujet à débat et au libre choix  à l’exception des vérités scientifiques et des prescriptions de la religion. L’arbitrage par le recours au Qur’àn et à la Sunna sous-entend la recherche d’un nouveau  consensus politique et d’un nouveau pacte social. Si le consensus politique et le pacte social ne sont pas renégociés par la Choura il n’y a que deux voies possibles : la tyrannie ou l’épreuve de force. L’Islam refuse la tyrannie et refuse l’épreuve de force non par amour  des gouvernants ou des gouvernés mais par respect de la sacralité du sang des musulmans, de leur dignité et de leur paix sociale.   Les voies du despotisme et de la force pour s’imposer contre son peuple favorisent les dissensions idéologiques,  politiques et sociales et produisent de la violence.  Il en est de même  pour un parti ou une foule en colère qui veut s’imposer par le chantage ou la force aux gouvernants en place sinon les destituer même si celà doit mettre le pays à feu et à sang puis le soumettre à l’intervention étrangère. Toutes les catastrophes du monde musulman sont liées à cette incapacité à traduire la Choura (démocratie islamique) en institution alors que l’Islam en a fait la contigüité socio politique de la prière et de la Sunna :

{C’est grâce à la Miséricorde d’Allah que tu es doux envers eux. Si tu étais brutal, rude de cœur, ils se seraient détachés de toi. Pardonne-leur donc, implore pour eux l’absolution, et consulte-les dans l’affaire publique. Et si tu prends ta décision, alors fie-toi à Allah. Certes, Allah Aime ceux qui se fient à Lui.} Al ‘Imrane 159

{Et ce qui est auprès d’Allah est meilleur et plus permanent, pour ceux qui devinrent croyants et se fient à leur Seigneur, et ceux qui évitent les plus graves des péchés et les paillardises, et qui, s’ils se mettent en colère, absolvent. Et ceux qui ont répondu (favorablement) à leur Seigneur, qui ont accompli la prière, et dont leur affaire est une consultation entre eux, et qui dépensent de ce que Nous leur Octroyâmes, et ceux qui, s’ils sont frappés de tyrannie, triomphent.}

Les Hadiths confirment le refus de la tyrannie et de l’erreur du savant qui conduisent aux schismes :

« Je crains pour ma Oumma de trois actes : l’erreur d’un savant, un gouvernant tyrannique, un caprice que l’on se met à suivre ».

« La pierre meulière de l’Islam tourne, tournez donc avec l’Islam où il se dirige. A savoir : le Qur’àn et le gouvernant se sépareront, ne vous séparez point du Livre. Vous aurez des gouvernants dévoyeurs, qui réalisent pour eux-mêmes ce qu’ils ne font point pour vous ; si vous leur obéissez ils vous égarent, et si vous leur désobéissez ils vous tuent ».

L’erreur du politique n’a de portée que sur le monde temporel et n’a d’étendue sur le plan de la durée et de l’espace qu’une portion limitée alors que celle du savant conduit à la catastrophe car elle est plus suivie mais aussi plus sujette à divergence vu les controverses théologiques instituées dans la communauté musulmane comme une innovation hérétique.

 

 les schismes, d’origine politique  et doctrinale instrumentalisent le religieux

les schismes, d’origine politique  et doctrinale instrumentalisent le religieux pour faire triompher une opinion ou une école sur une autre au lieu de servir la vérité comme l’ont fait les « fondateurs » des doctrines et des confessions. Les Malek, Ibn Hanbal, Abou Hanifa, As Shafi’i et Ja’âfar pour ce citer que ceux là n’ont sans doute jamais imaginé créer des écoles avec des adeptes fanatiques qui allient saper l’unité de la communauté musulmane. Ils ont produit un Ijtihad en quête de savoir et de vérité. Leur héritage scientifique est considérable mais sa valeur ne donne aucune légitimité religieuse à leurs adeptes de s’enfermer dans les écoles doctrinales traditionnelles réduisant ainsi la richesse de l’Islam et le présentant comme incapable de faire face aux défis du temps en rassemblant les énergies et en produisant un nouvel Ijtihad qui tiennent compte du lieu, du temps, des idées, des circonstances politico historiques, des conditions socio économiques et de la situation psycho spirituelle.

Il ne s’agit pas de fermer ou d’effacer les pages du passé des sciences religieuses mais il s’agit d’en ouvrir d’autres pages blanches pour y inscrire de nouveau sens comme d’actualiser aussi les vielles pages en adaptant le sens ou en actualisant la lecture aux nouveaux contextes et aux nouveau défis. Il ne s’agit pas de contester l’existence des divergences mais de se poser des questions comment se prétendre musulman et faire de la surenchère sur la Parole divine en se donnant des attributions et des titres alors qu’Allah lui-même a choisi depuis l’origine des temps de nous appeler « Musulman » ? Comment se diverger ou se donner les raison se divergences alors que le Tawhid repose sur le Tawhid de la divinité que sur celui de la communauté de foi ? Comment s’enfermer dans des traditions reposant sur une culture propre à des ancêtres qui ont épuisé leur capital de vie et sont déjà en train de répondre de leurs actes et de leurs paroles alors que le Qur’àn nous demande de ne pas nous conformer aux traditions et au mimétisme. Chacun de nous devra compte individuellement de sa foi et de son cheminement spirituel. Il ne s’agit pas de promouvoir l’anarchie mais de dénoncer le chauvinisme qui nuit à l’unité du monde musulman. Si l’unité « religieuse » comporte des biais l’unité politique et idéologique va comporter des biais plus grands et plus nombreux.

Le défi le plus grand est de mettre fin à la dislocation des rangs et à la perte d’autorité des savants religieux sur les gouvernants,  sur les élites politiques et intellectuelles, et sur les populaces. Tendre la main aux gouvernants et prôner la réconciliation sans tenir compte des conditions politiques et économiques qui ont mis en place les despotes dans le monde musulman et la vassalisation de celui-ci à l’Occident c’est faire un vœu pieu et rejeter les échéances inévitables : la libération des peuples qui est la condition fondamentale pour l’exercice d’un Islam authentique et celui-ci est la seule voie de mobilisation pour la  libération de la Palestine et des terres musulmanes occupées et pour l’édification d’une civilisation de spiritualité monothéiste, d’éthique morale, de liberté politique, de progrès social, et de prospérité économique.

Il est simpliste d’accepter le fait accompli de l’atomicité de la communauté qui réjouit ses ennemis et lui facilite la tâche de pénétration impérialiste par la colonisation ou par l’invasion culturelle ou par la création du chaos dans le domaine des idées y compris celles liées à la religion et ses impacts sur la vie sociale et politique. Quel sens donné à ce syndrome de soumission à l’ordre établi : « Al Ikhtilaf rahma » confondant la diversité dans la concorde sociale au sein d’une civilisation avec les divergences par la discorde au sein d’une régression ?

Il serait suicidaire pour nous qui n’avons ni autorité religieuse, ni légitimité sociale ni compétence intellectuelle d’intervenir au niveau de la base populaire ou des jeunes en quête de réponse et d’apporter une réponse ou un argumentaire qui met fin aux schismes dans la communauté musulmane. Il y a trop de déficit de dialogue, de liberté et de culture de la quête de la vérité sans qu’un mot, une phrase, une intention et une prise de position ne soit pas automatiquement mis en défiance et catalogués comme sectaire ou servant une doctrine voire servant le sionisme. Dire la vérité ne suffit pas il faut que la voix qui porte soit légitime et surtout qu’elle soit écoutée sinon la vérité dite ne fait qu’empirer les clivages idéologiques, les controverses thologiques et les confusions partisanes.  Il y a des moments historiques où ni la légitimé ni la probité ni la compétence ni la valeur des hommes ne peuvent résoudre les contradictions sociales et politiques qui prennent des formes religieuses et doctrinales. Le cas le plus flagrant est celui des valeureux et vénérables petits fils du Prophète (saws) les Imams Al Hussein et Al Hassan. Chacun a fait une lecture correcte des événements et chacun a répondu selon les circonstances particulières et selon la nature de sa personnalité conduisant l’un à la radicalité et au martyre et conduisant l’autre à la paix au détriment de ses droits. Ni l’un ni l’autre ne pouvait inverser le cours fatal de l’histoire d’un peuple qui s’est assoupi ou qui s’est mis en quête des choses au détriment des idées et des valeurs. Il y a une loi qui gouverne l’histoire : Al Istibdal, la substitution des générations

{Et si vous vous détournez, Il Substituera un autre peuple que vous, ensuite, ils ne seront pas comme vous.} Muhammad 38

Que signifie « ils ne seront pas comme vous » ? Sans inventer une lecture singulière du Qur’àn ou revendiquer une compétence en exégèse la différence va résider dans la qualité de la foi, dans la propension à faire don de soi pour le « Sabile Allah », dans la capacité à surmonter les divergences qui sapent l’unité et la cohésion, dans la vision lucide qui consiste à ne pas se tromper de cible ni de méthode en l’occurrence ne pas se contenter de vivre dans l’apologie du passé ou dans la polémique avec les adversaires de l’Islam mais de construire les instruments de force de la communauté en lui redonnant la conscience de ses devoirs, la connaissance sur ses déficit et la manière de les combler, et la globalité de l’approche islamique. L’histoire de l’Istibdal dans le lieu le plus symbolique de la civilisation musulmane est dans l’alternance et la fragmentation des dynasties d’Andalousie annonçant et puis donnant le coup fatal de la Reconquista espagnol et chrétienne qui correspond à la période post almohade.  Les divergences religieuses, les contradictions des intérêts économiques  et les divergences politiques s’auto alimentent et s’auto instrumentalisent.

Ibn Khaldoun en a dressé un tableau sans complaisance.  Les opposant parvenaient au pouvoir tant que leur revendication politico était fondée sur une noble et saine revendication religieuse visant la libération de la pensée islamique de la stagnation du Fiqh et de la dispersion de la communauté sur des détails juridiques et cultuels qui mettaient le Qur’àn et la a Sunna dans la périphérie de l’Islam au lieu d’en être le centre. Dès que les intérêts politiques et économiques prenaient le pas sur les intérêts de la communauté la préséance revenait aux jurisconsultes et aux détails et l’exclusion du Qur’àn et de la Sunna de l’âme de la cité confiné au monde des choses et des détails.  Ceux qui se réclament du Qur’àn ont eu la fâcheuse tendance de dériver vers la théosophie d’inspiration chrétienne et grecque et se mettre à spéculer dans le vide sans aborder les problèmes inédits et les défis du temps. L’Islam confisqué par les pouvoirs politiques, les théologiens et les Faqihs perdait son caractère social et sa dimension pédagogique d’éducation, de libération et de civilisation des peuples. Il devenait une banale religion, celle du dévot,  des confréries  maraboutiques, des  factions et des sectes. Le colonialisme a rencontré le monde musulman dans cet état et il a maintenu, entretenu et développé cet état en greffant sur les parasites traditionnels de l’Islam d’autres parasites inféodés aux choses de sa  modernité sans en avoir les concepts et les valeurs. Le temps d’un réveil il y a une insurrection, une guerre de libération mais l’esprit sectaire atomiste et schizophrène entre deux cultures l’une apologétique et l’autre polémiste vont coexister et se focaliser sur le passé islamique ou sur la modernité occidentale. Dans ce déchirement le monde musulman va se fragmenter territorialement, socialement, politiquement, idéologiquement et même sur le plan de la religion.

Les schismes présent surtout depuis la colonisabilité du monde musulman c’est-à-dire depuis déjà l’éclatement du monde musulman en principautés despotiques et en courants de pensée sectaires est trop ancien dans les mœurs culturelles pour qu’ils soient traités judicieusement. Trop anciens et trop durables  Les schismes sont devenus sédiments culturels, mémoire collective, inconscient collectif, pensée commune. Ni un article ni un livre ni une encyclopédie ni un savant ne changera les choses. Les schismes ne relèvent plus du conjoncturel ou du partiel mais du structurel c’est-à-dire d’une réponse globale et prolongée sur l’ensembles des sphères religieuses, intellectuelles, politiques, économiques, culturelles et sociales pour réhabiliter les principes fondamentaux de l’Islam sur lesquels il n’y a pour l’instant ni débat en interne ni communication à destination du non musulman. Une société malade comme un corps malade ne produit que de la faiblesse et des douleurs. Ce n’est pas un antalgique ou l’ablation d’un organe malade qui va redonner la vitalité. Il faut régénérer tout le corps ou produire une nouvelle génération avec ses élites, ses savants et ses couches sociales.

La régénération sociale peut se réaliser en opérant une rupture avec le statut quo et en changeant tout ce qui doit être changé : notre rapport au pouvoir, notre rapport au temps, notre rapport au savoir, notre rapport à l’autorité, notre rapport à la religion, notre rapport au savoir, notre rapport au passé et notre rapport aux autres. C’est se leurrer que de continuer à croire que nous pouvons continuer à vivre sur les deux rentes qui sont l’apologie du passé glorieux du Salaf As Salah et la polémique contre l’Occident ou contre ceux qui ne partagent ni notre foi ni nos idées. La rupture et le changement ne peuvent se réaliser que si et seulement si nous analysons sans complaisance la situation du Wahn qui nous habite. Il ne s’agit plus de rejeter la faute sur autrui mais de disséquer froidement notre Wahn comme le fait un médecin légiste sur un cadavre lors d’une autopsie. Ce travail s’appelle l’examen de conscience. Sur le plan individuel l’examen de conscience est difficile car il malmène l’ego qui se replie et se ferme. Il faut beaucoup de hauteur, de distanciation et de méthode pour fouiller dans ses propres méandres limbiques. C’est sans doute davantage plus difficile pour l’ego social, politique ou le corps religieux (si on admet qu’en islam il y a des dignitaires religieux et ceci est un autre problème)

Ceci c’est pour dire combien est complexe le problème des schismes et comment on peut involontairement faire une erreur. Le mieux est de laisser aux savants le devoir de prendre leur responsabilité et aux historiens de clarifier avec documents l’histoire musulmane y compris ses aspects sombres car elle reste l’histoire non de Mohamed ou du Qur’àn mais d’hommes qui sont venus après.

Les schismes sont enracinés dans l’élite versée dans les sciences religieuses qui à contrario des anciens qui avaient le Coran et la Sunna comme seuls référents ont des centaines de milliers de thèmes de Fiqh et chaque thème faisant l’objet de dizaines et de centaines de controverses. L’étudiant et le diplômé en sciences religieuses est par conséquent lui-même un véhicule de schisme par sa formation focalisée sur des particularismes controversées et non plus sur les fondamentaux de l’Islam tels qu’appris et mis en pratique par le Prophète et ses compagnons. Tout notre référentiel idéique ainsi que notre système universitaire et accadémique est à réformer de fond en comble pour retrouver la pureté et la simplicité de l’Islam ainsi que ses priorités dont l’union et la fédération de la communauté.

Les divergences et les controverses ont contaminé les  partisans à l’intérieur des schismes confessionnels ou doctrinaux sont divisés

Les partisans à l’intérieur des schismes confessionnels ou doctrinaux sont divisés en dizaine de sous famille à qui il est presque impossible de répondre d’une manière sereine et crédible sans soulever une tempête de controverses ou de critiques acerbes. Ce serait stupide que d’entrer dans un débat ou une lutte en marge de la marche de l’histoire ou hors des enjeux essentiels. La lutte idéologique menée contre les musulmans consiste à nous faire voir midi à quatorze heures, la marge comme le centre et le futile comme la priorité des priorités.

La communauté est difractée, dispersée et atomisée et cela n’est pas seulement au niveau des jeunes ou des musulmans lambda mais au niveau des élites. Rien n’arrive à se faire en entrainant l’adhésion de la majorité des musulmans. Tous les courants musulmans pour des raisons doctrinales, sentimentales, politiques et nationalistes (?!) concourent à rendre stériles les efforts et à multiplier et élargir les zones de divergence. Cela fait au moins un quart de siècle que je cherche à comprendre comment les savants musulmans et les élites puissent être leurrés par le nombre massif de réactifs convulsifs mais improductifs qui leur fait dire que la communauté musulmane se porte bien. La réalité sociale prouve le contraire. S’il y a des priorités ce sont celles-ci : les savants musulmans se doivent de régler leur divergence et de se montrer unifiés comme ils se doivent de prendre la tête du mouvement du changement social et politique dans un cadre démocratique pour que l’aventurisme et l’improvisation ne conduisent pas à des horizons bouchés, à des effusions de sang inutiles ou a des félonies qui ajoutent à la dispersion des efforts  et à la perte des énergies. Les partisans de la base ne trouveront plus d’alibi pour faire valoir des divergences doctrinales ou confessionnelles.

L’erreur à ne pas commettre : se focaliser sur les groupuscules minoritaires mais hyper visibles et occulter les causes qui ont donné naissance à la culture de la divergence et de l’anathème

Il serait faux de se consacrer à lutter contre les « déviances » et les sectes organisées. Il serait faux aussi de croire que les groupes de Musulmans fanatiques ou laxistes sont à l’origine de la fragmentation du monde musulman. Il est vrai que nous assistons ici et là à des extrémismes, des fanatismes et leurs corollaires des permissivités contraires à la lettre et à l’esprit de l’Islam. Ces dérives ne sont pas la cause principale mais l’effet le plus spectaculaire de la décomposition du monde musulman. L’arriération religieuse, intellectuelle, culturelle, sociale et politique est la cause principale qui rend le monde musulman inapte à comprendre l’Islam, son Qur’àn et sa Sunna. Dans cette inaptitude globale ce serait aller vers une autre errance que de se mettre à dénoncer et à combattre les « déviants ». Cette errance est l’objectif de la lutte idéologique menée contre l’Islam. La lutte idéologique veut nous occuper à nous déchirer et à n’aborder que les contradictions secondaires sans aller au fond de nos problèmes et réaliser la renaissance ou le réveil des consciences musulmanes. Il s’agit donc de nous empêcher de nous concentrer sur les problèmes majeurs qui sont la fédération des énergies, le développement social et économique, la résistance contre l’impérialisme et le sionisme, la lutte contre le despotisme politique et la protection des peuples musulmans de la prévarication et de la captation  économiques. Nous ne devons pas perdre le cap principal : régénérer les consciences musulmanes en interpellant leur Fitra par le langage le plus clair et le plus authentique sur l’Islam et sur la vocation des musulmans dans l’histoire de l’humanité. Au lieu de s’épuiser à répondre à tous les négateurs ou de chercher à concilier tous les divergents il est plus utile et plus urgent d’expliquer et de diffuser le contenu et la dimension de l’Islam pour que le musulman ne soit pris ni par le doute ni par la confusion :

{Ce Livre-là, sans aucun doute, est une Direction infaillible pour les pieux… Ceux-là sont sous une Direction infaillible de leur Seigneur, et ceux-là sont ceux qui cultivent. } Al Baqarah 2 et 5

Cultiver et faire cultiver la foi dans le cœur et dans la cité ainsi que la piété, la vertu, l’intelligence, le travail, le progrès, la solidarité, la justice, la liberté sont les terrains que nous n’occupons que très peu tant dans l’action que dans la réflexion. La liberté de penser et de s’exprimer sans peur pour ses idées et sa personne est une vertu islamique qui ne s’accommode de la fermeture aux autres,  de la lâcheté de refuser de confronter ses arguments aux autres ou de se croire le seul à avoir raison. L’Islam par sa méthodologie du Taffakur (pensée méditative sur les signes de la création), du Taddabur (pensée contemplative sur le sens des versets coraniques et de leur liaison sémantique) et du Burhane (argumenter avec preuve et logique) ne craint aucun détracteur. Il ne s’agit pas de protéger l’Islam en faisant l’apologie du passé ou versant abusivement dans  la polémique contre l’Occident, et les sectes et le chauvinisme des partisans d’écoles ou de doctrines musulmanes. Il s’agit de lutter contre ceux qui portent préjudice à l’Islam en faisant justement la promotion de la foi et de la raison. Ce n’est pas en bridant la raison que les Musulmans ont triomphé mais en lui donnant tout son cadre d’expansion sans limites et en lui offrant le terrain fertile de son émergence et de son développement : l’authenticité et la sincérité de la connaissance.

Le problème n’est pas dans l’existence des différences mais dans trois problèmes qui relèvent de l’incompréhension de la diversité : Al Ijtihad, l’indifférenciation et le Taffakuf

Al Ijtihad : les écoles doctrinales sont nées de l’Ijtihad, l’effort intellectuel pour comprendre la réalité du monde et le questionnement des musulmans et leur apporter des réponses opportunes, pertinentes et cohérentes à la lumière du Qur’àn et de la Sunna. Cet Ijtihad ne doit ni répondre aux normes du Qiyas (analogie) ni du Ijma’â (consensus),  mais s’inscrire dans la conformité au Coran et à la Sunna du Prophète.  Si l’Ijtihad sans référents fixes est préjudiciables à la communauté musulmane alors lorsque la communauté de savant et d’intellectuels ne   produit plus de l’Ijtihad, mais  se contente du Taqlid aveugle (imitation servile) qui devient une forme de dogmatisme mais surtout une forme de paresse intellectuelle, sociale et politique. L’ironie du sort c’est que le Taqlid pour éviter l’Ijtihad trouve prétexte à se cacher derrière les schismes alors qu’il en est un  des  initiateurs par absence de probité intellectuelle et d’examen de conscience qui a caractérisé les compagnons du Prophète qui navaient pas peu de se désavouer et de reconnaitre publiquement leurs erreurs ou leurs oublis. Le schismes deviennent écran ou fuite pour ne pas s’engager dans la quête de la vérité en posant de nouveau la pertinence, l’opportunité et la cohérence du mode de lecture et de compréhension tant de la réalité que des référents religieux et idéologiques. Aujourd’hui la technologie et le savoir humain sont capables de ne plus se contenter de l’Isnad d’un hadith pour vérifier l’authenticité de sa chaine de transmission sans laquelle le Hadith devient douteux. Il est possible d’aller vers davantage d’exigence comme cela se fait dans les laboratoires de recherche les plus sophistioqués dans le monde pour conduire un projet de recherche : l’analyse de contenu, l’analyse du contexte et l’analyse des référents. Pour nous les référents sont les versets coraniques. Mohamed (saws) est l’incarnation du Coran, son explicitation, son modèle de mise en oeuvre. C’est la démarche globale avec la conscience d’agir pour Allah et Son Prophète qui peuvent nous faire sortir des controverses futiles, des pièges de l’interpréation de l’histoire écrite d’une manière contradictoire par les vainqueurs et par la minorité vaincue. Il est impossible de concilier les passions et les opinions sur l’histoire à  moins de fonder une véritable accadémie de recherche historique qui a vocation scientifique : servir la vérité avec méthode scientifique hors de tout esprit partisan, confessionnel ou sectaire. Cette accadémie ne verra le jour que lorsque les Musulmans épuisent leurs contradictions et prennent enfin conscience de la voie du salut.

Dans les phases de régression intellectuelle ou de despotisme politique  Il est plus simple et moins risqué d’engager une polémique avec son frère le musulman que d’aborder une réflexion autonome et innovatrice pour solutionner les problèmes des musulmans. Au lieu de réaliser al Ijtihad on pratique de la polémique, de la diversion ou de la surenchère idéologique ou religieuse. Parfois cela prend la forme de la culture de la rente qui investit le domaine religieux comme tous les domaines de l’activité humaine.

L’indifférenciation : Quand un avis religieux, juridique ou politique refuse la contradiction et ne pratique pas l’auto critique il sombre dans le processus d’indiférenciation qui consiste à refuser la différence et la diversité. L’indifférenciation est à la fois dans la banalisation d’une idée au point de lui faire perdre sa vitalité et son efficacité ou dans le despotisme d’une autre qui s’impose non par son argumentation mais par la force de ses adhérents. Le paradoxe veut que quand la culture de l’indifférenciation est dominante jusqu’à devenir exclusion ou marginalisation de l’autre, cet autre va exprimer son existence et son ipséité en se singularisant, en accentuant les diférences au point de devenir une minorité qui a la vitalité et l’instinct de conservation d’une minorité persécutée ou niée. C’est l’altérité qui est le rempart contre l’indifférenciation si elle est reconnaissance des différences idéiques. Les idées se déplacent, mutent, évoluent ou se fossilisent. La convergence est dans l’ouverture et non dans la fermeture ou le déni de reconnaissance de la différence et de la diversité.

Le Taffakuf fi Dine : La communauté musulmane a la responsabilité de produire son élite verséé dans les sciences religieuses. Bien que je ne sois ni  arabisant ni linguiste je sens intuitivement la différence entre Tafqih (comme Ta’âlim, Tadkir, Tafkir) et Taffakur (comme Ta’âlloum, Taddakur et Taffakur). Le terme Taf’îl évoque à la fois l’idée d’horizontalité, d’extériorité, d’actualisation, de mise en vigueur d’un verbe d’action, de mobilisation de moyens au service d’une cause supérieure qui est la finalité de l’action et qui passe par le tafa’ul ou l’interaction des actants avec leur environnement. Le Tafa’ûl a davantage un sens de verticalité, d’intériorité, d’interactivité, de quête et de créativité en faisant l’effort sur soi et en produisant une nouvelle action ou un nouveau sens ou une  nouvelle portée à l’action et une nouvelle dimension à l’idée. Le Taf’il est l’accessoire du  tafa’oul. Les logiques ontologiques, intellectuelles et actantielles ne sont donc pas les mêmes entre Tafqih et Tafaqquh. Le sens coranique de Taffakuh dépasse le sens d’acquisition passive de la science religieuse  (Tafqih) et sa transmission horizontale il est l’obligation de produire un effort intellectuelle pour produire de la connaissance nouvelle pour faire face aux problèmes nouveaux. Le verbe Yataffaqahou fi Dine dans l’énoncé coranique est cité dans un contexte du Jihad. Face au destin de la communauté musulmane d’affronter en permanence des ennemis qui veulent la détourner de sa religion  et face à la vocation civilisatrice de la communauté musulmane il est dit clairement dans l’énoncé coranique que la communauté doit se spécialiser d’une part entre ceux qui fournissent l’effort économique et financier du Jihad et ceux qui fournissent l’effort physique et intellectuel du Jihad.

{Il n’appartenait pas aux habitants d’al-Madinah, ni aux nomades du désert qui sont autour d’eux, de rester à l’arrière du Messager d’Allah, ni de préférer leurs vies à sa vie. Cela, parce qu’ils ne seront saisis ni de soif, ni de fatigue, ni de faim, (en combattant) pour la Cause d’Allah ; ni ils ne fouleront aucun sol qui fasse enrager les mécréants, ni ils n’obtiendront nul avantage sur l’ennemi, sans que cela ne leur soit inscrit comme œuvre méritoire. Certes, Allah ne Perd point la rémunération de ceux qui font le meilleur. Et ils ne dépenseront nulle dépense, petite ou grande, ni ne franchiront nulle vallée sans que cela ne soit inscrit en leur faveur, afin qu’Allah les Récompense par le meilleur de ce qu’ils faisaient. Et il n’appartenait pas aux croyants de se ruer en totalité. Que ne se rua-t-il, de chaque troupe d’entre eux, un groupe : qu’ils soient versés dans le Dine, et pour avertir leurs gens, quand ils retournent à eux, pour qu’ils se méfient.} At Tawba 120

Quand on laisse son imagination entrer dans le champ de bataille et voir mentalement Mohamed (saws) et ses compagnons dans la pratique du Dine à la fois Tadayyun (investissement spirituel,  ferveur et implication religieuse, dévotion)  et Dounya (monde existentiel, social, écologique, politique, économique, militaire, scientifique et intellectuel) on ne peut une fois de plus comprendre le Fiqh qui découle du Taffaquh que comme production intellectuelle pour la sauvegarde et la promotion de la communauté musulmane. Il s’agit d’innovation qui ne va ni contre le credo islamique ni dans le sens de Bid’âa (innovation dans la pratique religieuse et la croyance).  Le débat focalisé uniquement sur le savant ou sur les sciences religieuses fausse la problématique sociale et idéologique des avantages et des inconvénients des diversités. Il faut revenir aux conditions sociales, économiques et politiques c’est-à-dire à l’opportunité, la pertinence et l’acuité des problèmes qui se posent à la société musulmane et voir s’il y a réponse ou non, s’il y a urgence à répondre ou non, s’il y a necesssité de produire de nouvelles connaissances, d’actualiser les anciennes ou d’imiter les anciens ? Le débat ne concerne pas seulement les sciences religieuses il concerne la science et les élites, toutes les élites de la société musulmane.

La gestion des problèmes liés à al Ijtihad, l’indifférenciation et le Taffakuf ne peut être heuristique, hasardeuse mais répondre aux normes coraniques,  à des critères scientifiques et surtout à une volonté de vivre ensemble comme communauté de foi et comme citoyens partageant la même religion et la même cité ou la même terre. Le vouloir vivre ensemble appartient à la société mais il appartient aussi au devoir des élites et des gouvernants, mais en particulier aux savants qui ont la lourde responsabilité de créer du lien fédérateur, de sauvegarder les valeurs qui donnent sens commun et orientation commune à la nation. Si l’état est illégitime, despote et en plus vassal aux ennemis de l’Islam le résultat ne peut qu’être Taqlid boiteux et tronqué, indifférenciation sociale et intellectuelle. On assiste même à l’anarchie entretenue pour que la communauté musulmane ne produise pas la diversité enrichissante et ne produisent pas de l’innovation. Nous maintenir dans un état de fossiles est un objectif fondamental dans la lutte idéologique menée par l’impérialisme. Nous voyons hélas des « Faqihs » demander l’uniformité des écoles de pensée dans le monde musulman et une certaine rigidité de la pensée mais ils font semblant de ne pas voir le fondement : la légitimité de celui qui va décider de l’uniformisation ou de donner le primat à tel courant sur un autre alors que la dynamique universelle veut que les idées les plus nobles, les plus généreuses et les plus efficaces s’implantent normalement quand elles trouvent un cadre favorable, celui de la liberté et de l’esprit en quête de savoir et de vérité. La question qui fait peur aux rentiers est  posée sans détours : quel  est  le mécanisme religieux, social, politique et intellectuel des Sahabas et des Tàbi’ines  qui leur a permis de produire une civilisation ? La réponse est dans l’unité mais aussi dans cette éthique morale de ne pas convoiter les autres.

La liberté et l’Etat de droit doivent  être notre préoccupation majeure

Je pense que la liberté doit être notre préoccupation majeure. Il ne s’agit pas de s’aligner sur les slogans libertaires occidentaux qui finissent en permissivité d’user et d’abuser sans morale. Il s’agit d’engager un processus de libération de l’homme pour que celui exerce sa liberté. La liberté est compromise par la  situation subjective de prendre une décision autonome (aliénation au marché,  aux médias et aux sectes). Elle est compromise par les conditions psycho cognitives (l’étendue, le contenu et la signification des savoirs et savoirs faire ainsi que les sentiments de peur ou d’oppression ou leur contraire). Elle est surtout compromise par les  conditions objectives (physiques, sociales et politiques) d’autonomie économique,  de dignité sociale, de droits politiques et de rationalité dans la prise de décision par l’ouverture, la perturbation ou la fermeture des accès à l’information fiables et à son traitement crédible, pertinent et opportun. La liberté favorise la sécurité et la confiance favorables à l’acquisition et au transfert des connaissances. Contre le repli sur soi qui favorise la méfiance et la défiance il n’y a pas d’autre attitude que l’ouverture d’esprit et la liberté. Les élites doivent pratiquer et montrer aux jeunes générations la culture du dialogue, la recherche du consensus par l’argumentation, la reconnaissance de l’erreur et la proclamation de la vérité (relative) même si elle provient d’autrui.

Plus l’objectif est noble et grand plus l’homme prend de la hauteur sur les détails insignifiants et inconséquents pour se consacrer à l’essentiel et ne pas être détourné par les futilités. L’imam Ali a montré la voie de l’excellence dans la distanciation pour se libérer du biais cognitif et du biais affectif qui faussent notre regard et nous font perdre l’objectivité : «…quiconque souhaite se garder des vices et des péchés devra chercher les vraies causes de l’infatuation et les vraies voies pour les combattre. Et pour trouver ces vraies voies, quelqu’un doit les chercher avec l’aide de la connaissance. Quiconque acquiert complètement plusieurs branches de la connaissance prendra des leçons de la vie et quiconque essaye de prendre des leçons de la vie est en réalité engagé dans l’étude des causes de l’élévation et de la tombée des civilisations précédentes. »

La vérité que nous possédons est relative et parcellaire car elle dépend de notre assise intellectuelle et morale ainsi que de culture qui fait que nous pratiquons la raison avec efficience ou nous la délaissons pour le conformisme et le suivisme. Le piège fatal pour notre intelligence et notre dynamisme social et politique c’est de se croire capable tout seul de  cerner la totalité. Nos erreurs et nos faiblesses exploitées par la lutte idéologique est l’atomicité des efforts qui fait que chacun est persuadé qu’il est de son devoir de répondre à tout et de donner réponse totale sur une problématique.  Il faut arriver à se libérer de la fascination y compris la sienne de croire apporter la détraction définitive aux sophismes qui sont alimentent les schismes. Des exemples simples de sophisme sur lesquels se construisent les sophismes dans le monde musulman montrent la difficulté de répondre. Nous pouvons  démontrer l’absence de logique et de vérité dans les assertions fallacieuses qui partent pourtant d’un esprit vrai mais qu’elles ont perverti :

L’islam est parfait.
Nous sommes musulmans.
Nous sommes donc parfaits.

 

La communauté mohammadienne se divisera en 72 factions.
Toutes les factions sont condamnées à l’Enfer sauf la faction sauvée.
Nous sommes la faction mohammadienne authentique
Nous sommes donc la faction sauvée.

 

Les lettres mystérieuses du Coran sont des nombres cachés
Les nombres sont la clé mathématique du secret coranique
Les versets et les lettres obéissent à des séries de nombres multiples
Les séries mathématiques dans le Coran auraient du être  parfaites
Il y a eu donc ajout ou retraits  de versets, de lettres ou d’erreurs syntaxiques
Par conséquent : déduisez le reste…

 

Mais que va nous apporter le raisonnement logique fallacieux  dans un système qui a perdu la logique de l’entendement et qui fonctionne sur la conjugaison de la rhétorique du verbe des prédicateurs  et de l’émotionnel des auditeurs ? Il nous faudrait d’abord posséder et partager les mêmes critères de vérité, de validité et de culture islamique… Si on se limite au territoire français et si on se met à l’étude des intérêts idéologiques, économiques et politiques il nous faudrait passer en revue l’histoire de la décadence du monde musulman et celle de la colonisation pour répondre  aux syllogismes qui sont derrière la fabrication de l’ islam des Bachagas et de l’aristocratie, l’islam festif, islam maraboutique, l’islam sionisant, l’islam de France, l’islam laïc, l’islam progressiste, l’islam boudhisant, l’islam salafiste anarchiste, l’islam salafiste monarchiste, les islam sectaires type  coraniste, l’islam sunnite, l’islam chiite, l’islam hanafite, l’islam malékite, l’islam hanbalite, l’islam ibadite…

Il nous faut redonner à la génération montante six motivations  en plus du gout de la vertu morale et de la probité intellectuelle et de l’ardeur spirituelle :

  • La lecture du Qur’àn et sa compréhension. Le Qur’àn met l’individu en situation de gymnastique des facultés cognitives et mnésiques
  • La logique par les mathématiques. Il ne s’agit pas de sombrer dans les arguments fallacieux de la prétention des défenseurs du miracle mathématique du Qur’àn et leurs dérives idéologiques et religieuses. Il s’agit d’éduquer l’esprit à la discipline de la pensée pour qu’il ne tombe pas dans les pièges de la raison ou dans les manipulations par les   faux syllogismes.
  • Le Taddabur ou  lecture méditative  pour développer la compétence visuelle à fouiller un texte et y trouver les signes et les indices pour construire un sens de plus en plus complexe qui dépasse le mot, la phrase, le paragraphe, le chapitre pour aller à l’idée, à sa genèse, à ses conséquences, à sa structuration et à ses articulations avec d’autres idées.  Dans ce cadre l’histoire des civilisations et le récit des Prophètes constituent les meilleures pistes.
  • Chercher la vérité pour la vérité conformément au hadith du Prophète qui dit que nous n’aurions point la foi tant que nous n’aurions pas inspiré aux autres l’amour de la vérité.
  • Mettre en application le savoir et les résultats dans la quête de la vérité pour changer mutadis mutandis ce qui doit être changé en chacun de nous à titre individuel et social et devenir ainsi receptif et réactif à l’appel du divin au lieux des appels partisans et sectaires.
  • Oeuvrer pour la fédération des  communautés musulmanes avec l’idée que cette oeuvre est un acte de dévotion, une obligation religieuse.

Nous qui sommes relais de communication des  savants fédérateurs nous devons conserver notre objectivité et agir sur au moins sept  directions :

a) appeler et pratiquer l’unité des rangs. Sortir de cette unité des rangs c’est mettre en cause l’Islam lui-même. Les fondateurs des grandes écoles qui perdurent ou des écoles éphémères qui ont accompli ou non accompli leur mission historique ont répondu à une problématique intellectuelle, religieuse, politique  ou sociale en produisant de la pensée. Cette pensée n’est pas totalement fossile, une grande partie est sans doute encore vive et il appartient aux spécialistes de puiser dans ce réservoir d’idées et dans ce patrimoine scientifique. Le condamnable est, par principe, l’idée anti coranique qui consiste à se donner ou à donner à un maitre des titres d’infaillibilité avec ses dérives démiurges.    Le Qur’àn refuse aux croyants le droit de se donner des titres de vertus. Pourquoi sacraliser un homme ou son œuvre alors que l’islam nous ordonne d’argumenter sans cesse pour arriver à la vérité et à mettre en ébullition notre pensée pour faire face aux défis de l’homme, du lieu et du temps. La raison humaine a été créée pour fonctionner dans des conditions extrêmes. Nos frères et nos sœurs qui préfèrent la polémique qui épuisent la langue et les nerfs sans mettre à dure épreuve la capacité de réfléchir ne sont pas dans le vrai mais s’épuiser à le répéter c’est faire preuve de déraison.

b) Considérer l’islam comme le cadre global qui permet de tenir un discours et une pratique qui met en valeur un seul Qur’àn, un seul Prophète, une seule Qibla, une seule destinée et un seul ennemi. Dans ce cadre la vision élitiste des microcosmes ne conduit pas à donner à l’Islam son prolongement social. La démarche populiste conduit aux mêmes dérives que la démarche élitaire avec peut-être plus de tapage médiatique pour montrer les « haillons » de l’Islam à la conquête du pouvoir et liguer contre eux tous les intérêts de classe y compris ceux de la bourgeoisie musulmane qui n’a paris de l’islam que le bigotisme des pharisiens juifs. Le modèle est devant nos yeux : Mohamed et ses compagnons. Les pauvres qui l’ont soutenu et vénéré n’étaient pas des anarchistes mais des civilisés, des projets de civilisation, des croyants que la foi a transcendé leurs conditions sociales. Les riches qui ont soutenu Mohamed (saws) ont transcendé leur appartenance sociale ou intellectuelle par la foi qui les mis au service de la fratrie de foi et non au service de leurs intérêts qui les auraient obligé à éprouver du mépris pour les pauvres et les « misérables ». Le problème est plus complexe que les schismes : il est dans la perte de vocation du musulman qui a permis l’émergence des schismes et des classes. S’attaquer aux apparences des schismes c’est vouloir redresser un tronc tordu en s’attaquant  à son ombre ou à ses rameaux. Il faut rester patient et disponible pour  s’ouvrir aux autres et les pousser à l’ouverture à condition qu’il y ait un avantage bénéfique mutuel sur le plan de la foi et non une polémique stérile.

c)- Se focaliser à corriger ce qui touche au credo de la foi, inviter à donner à la foi un contenu idéologique, social et politique, soutenir la libération des pays musulmans, défendre la dignité de la minorité musulmane et lui donner sa place en Europe, former les jeunes générations à avoir une pensée islamique globale qui conjugue la spiritualité et la raison et qui fuit à la fois l’apologie du passé et la polémique avec les autres. Construire maillon par maillon l’action sociale et politique tout en  tricotant le tissu idéique et idéologique des jeunes pour qu’ils puissent se faire leur propre opinion libérée de la manipulation et de la contrainte. La liberté de choisir se construit en cultivant le sens de la responsabilité. La responsabilité se construit sur le sens de la justice, de l’équité, de la probité et de l’éthique. Il ne peut y avoir liberté de choix, de renoncement ou de rupture si les conditions subjectives et objectives de la liberté sont inexistantes ou aliénées.

Quand la liberté et ses conditions sont clairement définies alors il reste à tracer le chemin et les étapes pour atteindre la liberté. Ce chemin s’appelle la libération. Si le Taghut désigne l’idolâtrie, la laideur, la servitude, l’oppression, la corruption, l’ignorance,  alors le « Sabile Allah » ou la voie de Dieu s’appelle le monothéisme, la liberté, la justice, l’équité, la science, la perfection, la beauté, la solidarité sociale, la paix. La libération est ce chemin qui consiste à passer du Taghut à Allah et à se maintenir dans la voie d’Allah sans fléchir ni faiblir ni dévier. C’est le discours et la praxis du changement c’est-à-dire de la libération qui fait défaut et sans doute ce sont ce discours et cette praxis qui vont réveiller, fédérer, mobiliser et faire agir d’une manière diverse mais harmonieuse et convergente non seulement toutes les énergies musulmanes mais toutes celles qui ne trouvent plus de justification morale, économique, sociale et politique au capitalisme, à l’impérialisme, à l’évangélisation et au sionisme… C’est la vocation de missionné missionnaire qu’il faut réhabiliter pour remettre le musulman dans la quête inscrite dans sa foi : se civiliser et civiliser pour un humanisme relevant du divin qui s’appelle l’Honorificat originel d’Adam et sa mission de Khalifa sur terre.

d) Dégager notre responsabilité envers Allah en agissant pour l’unité sans être de ceux « qui allument le feu de la Fitna » en croyant bien faire. Dégager notre responsabilité c’est rester sur le dénominateur commun et dans l’espace social et idéique de ce dénominateur commun défendre ceux qui le défendent et attaquer ceux qui le sapent. Nous pouvons nous tromper à notre niveau et l’erreur peut être réduite si nous inscrivons nos pas dans ceux des  Savants et des élites. Même s’il n’y a pas de voie unifiante chacun doit agir selon sa conscience religieuse, morale, sociale et politique pour se  fixer un cap réaliste et tenir le gouvernail sur ce cap. Avoir un bon cap et un gouvernail n’est pas suffisant pour conduire un bateau il faudrait se reporter à une boussole (mesurer par rapport à un référentiel unique), une carte de navigation (disposer d’un  parcours fixant les étapes et les écueils entre la provenance et la destination pour ne pas se croiser ni se télescoper ni dupliquer à l’identique) et une vigie (la veille stratégique pour voir de loin). La bonne et sincère volonté ne suffit pas à combler les lacunes, les rancœurs, les incompréhensions d’une culture musulmane décadente qui refuse le dialogue, l’écoute et surtout qui ne fait pas  le bilan de la situation d’une manière récurrente et stratégique pour  construire une prospective où chacun joue sa partition sur son terrain, sa spécialité, sa préoccupation et son niveau d’intervention ou de réflexion stratégique, tactique ou opérationnelle. Il ne faut pas se focaliser sur la dénonciation des gouvernants et des autres confessions encore moins tomber dans la discorde et la sédition armée car ces gouverants et ces confessions  sont le reflet de notre moi collectif. Jamais Allah ne donne suprématie d’un méchant sur un bon musulman sauf s’il a voulu éprouver le Musulman. Dans un cas comme dans l’autre nous sommes tenus de faire preuve d’endurance car l’ordre dans son intégralité relève d’Allah. Occupons-nous de ce qui relève de nos compétences : réformer la société en réformant notre moi individuel.

e) Former les élites dès leur jeune âge. Ceux qui ont en charge la formation et l’éducation des jeunes ne doivent pas perdre de vue que les remplir de connaissance sans développer en eux l’esprit de compréhension,  le sens critique et l’analyse contradictoire des sources c’est les livrer demain à la paresse intellectuelle, au formalisme et à la soumission à la voix la plus forte, la plus séduisante ou la plus médiatisée au lieu d’adhérer à la voix la plus raisonnable et la plus sincère. Voila plus de quarante que nous assistons au gaspillage des énergies : En effet des jeunes assoiffés de connaissance et de religion se trouvent embrigadées dans des voies maraboutiques ou charlatanesques qui leur font perdre le gout de l’effort intellectuel et le sens des défis. Cette nouvelle génération comme l’était la notre est une génération pure et saine qui veut accomplir son destin en faisant face non seulement à ses défis de travail de formation, d’étude et de dignité mais aux défis lancés à l’Islam partout dans le monde. Il est de notre devoir de lui montrer la fausseté des récits légendaires et des attitudes apologétiques ou polémistes, et des explications eschatologiques de l’Histoire humaine comme il est de notre devoir de lui apprendre aussi bien les voies de sa liberté que celles de son aliénation. Nous devons lui apprendre sa religion authentique et comment une fois armée d’une foi saine et pure elle peut construire dans le dialogue et l’argumentation la réfutation des détracteurs mais surtout les forces de propositions pour l’avenir d’une manière raisonnable, impartiale, équitable, objective et efficace.

Aucune religion aucune philosophie et aucune civilisation n’a cultivé la pratique de la raison comme l’Islam. Les seules limites à la parole et à la pensée sont le blasphème, l’hérésie et l’atteinte à la vie, à l’intimité, à l’honneur ou à la dignité des gens.  Mohamed al Ghazali dans « l’Islam et le despotisme politique » a indiqué une voie toujours d’actualité : « Veiller à l’éducation musulmane d’un être est une charge multi fonctionnelle : charge qui comprend : la rectitude personnelle, l’éveil de la conscience, l’esprit de fidélité sociale, l’élément de dévouement pour la réalisation du message divin ».

Pour cultiver l’amour de la vérité dans l’apprentissage des textes musulmans et en même temps apprendre le Qur’àn et le Hadith dans l’esprit islamique authentique toujours en quête de vérité il faut se libérer de la pression de ceux qui veulent limiter l’apprentissage aux seuls versets coraniques comme de ceux qui ont exclu le Qur’àn pour se contenter du Hadith. Mohamed (saws) ne faisait pas apprendre à ses compagnons le Hadith puisqu’il était le locuteur, le modèle, le pédagogue. Pour retenir ses paroles il fallait une grande dose d’amour, de vénération et d’implication. Sans ces dispositions, le jeune immergé dans le monde moderne de la facilité médiatique se fatigue et se lasse. La neuro pédagogie montre qu’en apprend mieux que si on est impliqué dans ce qu’on apprend d’abord en le comprenant ensuite en s’y projetant comme futur acteur qui va rejouer le rôle devant d’autres. Ainsi il est plus facile d’apprendre les contes de grand mère ou les blagues du copain que les récitations de l’école. Dans le premier cas il y a un projet d’évocation. Dans le second il y a une obligation qui trouve résistance mentale et oubli devant l’enseignant, la feuille d’examen ou l’épreuve du temps qui efface ce qui est appris superficiellement.  Dans le premier cas il y a un projet : faire plus tard, raconter à d’autres, être le narrateur ou l’actant qui interprète. La pédagogie moderne appelle ce principe de projet d’évocation, la sollicitation de l’imagination qui explore les possibilités du devenir et construit le personnage de l’ego qui va s’approprier le réel pour le revisiter plus tard. Nos savants, nos intellectuels et prédicateurs qui ont choisi le système  américain des shows évangélistes doivent se réveiller et comprendre que la formation d’une génération ne se fait pas par la fascination et l’hypnose mais par le parler vrai et par l’exemple qui se donne non en spectacle mais en pédagogue posant les problèmes, apportant les solutions et évaluant l’efficacité de ces solutions ainsi que leur conséquences afin de promouvoir des responsables et non des handicapés ou des mimétistes qui peuvent se faire du tort et porter préjudice à la communaité musulmane alors qu’ils s’imaginent être les héros de Badr ou de Tabouk.

Ce principe de projet et d’évocation Mohamed (saws) l’a appliqué durant les 23 ans sans relâche. Il récitait 10 versets, les expliquait et les faisait apprendre avec le projet d’évocation pour que chacun les fasse apprendre à d’autre et en même temps chacun en devenait le responsable qui mettait en exercice, en vie, en pratique. Il repassait dans la vie quotidienne et au sermon pour rappeler et fixer les repères pour ne pas oublier sur le plan de la mémoire mais surtout sur le plan de la pratique. C’est cette piste qu’il faut privilégier en l’adaptant au Qur’àn et à la Sunna pour raconter le monde, l’expliquer et explorer les solutions de changement ou d’adaptation. Il faut donc susciter le thème par les apprenants eux mêmes pour les impliquer dans la quête de sens et dans la construction de l’imaginaire. Sur le thème choisi il faut parvenir à faire revivre la stratégie pédagogique mohammadienne : un verset coranique avec une explication dans laquelle il y a un hadith qui explique accompagné d’un récit événementiel   ou biographique soit du Prophète soit un de ses compagnons ou de ses épouses. Les plus doués vont  comprendre,  retenir et en faire la norme de leur réflexion, les moins doués vont comprendre et appliquer, les plus faibles vont retenir l’essentiel c’est à dire la morale du récit, l’émotion de l’événement, les mots les plus signifiants et c’est pour eux assez suffisant pour construire une personnalité de base qui conjugue la mémoire et la réflexion, le passé et le présent, le réel et le devenir.

Il ne faut jamais perdre de vue l’essentiel : quand on étudie sommairement le Hadith on voit que souvent il répond à une question ou apporte une solution mais parfois il prévient ou annonce un problème qu’il faut traiter par anticipation. En tous les cas le verset coranique ou le hadith  était précurseur de la communication moderne dans le sens où autour d’une action majeure il y a trois messages : un  qui prépare, un qui accompagne et un qui conclut. Chaque message répond à la même préoccupation de base mais en adoptant des perspectives de vues différentes selon l’intérêt visé et le contexte. Il s’agit d’une pédagogie différenciée qui utilise la répétition pour éclairer un aspect  Mohamed (saws) maniant le Qur’àn et ce qui va constituer sa Sunna (ses paroles, ses postures, ses comportements, ses silences, son mode de vie…) était littéralement une parole bue ses compagnons. Son discours répondait à plusieurs  critères d’efficacité: la vérité, la compétence, la sincérité, la pertinence et l’opportunité sociale, politique, religieuse ou militaire en collant à la réalité du terrain. A l’amour et à la  vénération de Mohamed (saws) nous devons ajouter le réalisme social et politique pour projeter le Qur’àn et la Sunna sur le vécu. Ce vécu était présent au point que Mohamed de son Minbar répondaient aux interrogations ou sollicitaient les questions de ses compagnons qui  voyaient en lui le modèle incontestable de la miséricorde et de  la vérité.

Voici une des sentences de l’imam Ali qui témoigne d’une  justesse et d’une sagesse de vue née dans l’école mohammadienne qu’il a fréquenté avec Abu Bakr, Omar et les autres compagnons :

« Voici quatre causes d’infidélité et de perte de la croyance en Allah : le désir de caprices, la passion de contester tout argument, la déviation de la vérité, et la dissension, car quiconque a envie de caprices ne s’incline pas en direction de la vérité. Quiconque ne cesse de contester tout argument compte tenu de son ignorance restera toujours aveugle à la vérité. Quiconque dévie de la vérité en raison de l’ignorance prendra toujours pour bien le mal et pour mal le bien et il restera toujours intoxiqué avec égarement. Et quiconque crée une brèche (avec Allah et Son Messager), sa voie devient difficile, ses affaires deviendront compliquées et son chemin à la délivrance sera incertain.

De façon similaire, le doute a aussi quatre aspects : le raisonnement insensé, la vacillation et l’hésitation, et l’abandon irraisonnable à l’infidélité, parce que celui qui s’est accoutumé à des discussions déraisonnables et absurdes ne verra jamais la Lumière de la Vérité et vivra toujours dans l’obscurité de l’ignorance. Celui qui a peur de faire face à des faits (de la vie, de la mort et de la vie après la mort) s’éloignera toujours de la réalité absolue. Celui qui permet les doutes et l’incertitude de le faire vaciller sera toujours sous le contrôle de Satan. Et celui qui se rend à l’infidélité accepte la malédiction dans les deux mondes »

f) Mette en œuvre la fraternisation au lieu de se contenter des slogans de fraternité. Il faut donc favoriser le travail collaboratif et coopératif entre associations musulmanes pour cultiver la confiance et la connaissance réciproque hors des préjugés, des clichés et des stéréotypes qui ne reposent souvent que sur des spéculations de la lutte idéologique ou des vestiges de l’incompréhension héritée depuis trop longtemps. Il y a plusieurs facilitations que la mise en commun des efforts et des moyens peut apporter : Sortir de l’autarcie et de l’isolement en se libérant de la solitude de l’errance en vase clos qui a marqué la personnalité du musulman depuis la décadence de la civilisation musulmane et son corollaire la colonisation. Sortir de la culture de la défiance en se libérant de la peur et de la perte de confiance, héritée du despotisme politique, du matraquage idéologique et des schismes devenus phénomènes culturels voire des formes d’atavisme « islamique ». Le travail en commun élaboré dans un cadre « démocratique » crée de la transparence, le sens de la responsabilité collective et fait renaître la force fédératrice de l’Islam : la fraternisation et la solidarité. S’impliquer dans un travail planifié avec des objectifs clairs et des résultats mesurables et vérifiables permet de se libérer de la polémique des oisifs et des paresseux pour se consacrer au « ‘Amal Salah »

g) Se conformer à la voix des savants non seulement les plus représentatifs par leur conformité exemplaire au Coran et à la Sunna mais ceux qui établissent et diffusent  les cartes de navigation les plus pertinentes, les plus opportunes, les plus cohérentes, les plus fiables et les plus efficaces pour faire face aux défis de notre époque.

J’ai lu un article de feu Mohamed Fadhlallah qui a eu le courage d’aller au fond du problème en le situant dans le « zaïmisme » de la culture arabo musulmane décadente qui fait que chaque savant, chaque homme politique, chaque intellectuel se croit le Zaïm messianique, la référence absolue pour ses partisans et qui ne dialogue avec les autres Zaïms que par courtoisie ou par hypocrisie alors qu’il s’agit d’aller vers le peuple  et lui demander de dépasser les cadres partisans et de s’inscrire dans la grandeur et dans l’unité de l’Islam : « Si nous sommes convaincus du principe de l’unité islamique, nous devrions descendre vers nos bases. Mais il se pourrait que ces bases que nous avons éduquées avec la nourriture de la haine nous lancent des pierres et nous lapident. Nous devrions considérer ces pierres comme des médailles qui nous décorent car ce qui te lapide est l’arriération et non pas la conscience. L’arriération, c’est elle qui a lapidé les prophètes tout au long de l’histoire. »

J’ai lu le livre de Youssef Al Qaradhaoui «  al Ikhtilaf rahma » qui insiste sur insiste sur la règle d’or dans la vie intellectuelle et religieuse de l’Islam qui a favorisé la diversité : « Agissons de concert pour tout ce qui fait objet de notre accord et que chacun trouve en l’autre une excuse pour son opinion contradictoire dans l’attente d’un dialogue pour mettre fin au désaccord  et d’un cadre pour nous unir et nous réunir davantage.». La diversité qui donne naissance à la divergence et aux schismes n’est pas louable. Le temps a montré que devant l’épreuve les mots bien écrits s’effacent et ne restent que les prises de décision regrettables qui font couler le sang et provoquer la discorde.

J’ai lu aussi l’analyse du penseur  Al Ghanouchi  sur le fonctionnement et les contradictions au sein de la Fédération Internationale des Savants Musulmans. J’ai lu avec attention les réactions que son article a suscité qui vont de l’apologie à la déception en passant par la diversion. Il y avait  des questions légitimes et sérieuses qui demandent réponse et clarification. Parmi ces questions se trouvent en priorité la libération du monde musulman du colonialisme et du despotisme, la question palestinienne, l’émergence de la Turquie et de l’Iran comme forces régionales qui doivent se conjuguer par l’apport des Arabes pour fédérer les peuples musulmans et les engager sur la voie de la libération de l’hégémonie impérialisme et du développement socio économique. Là aussi il y a loin de la coupe aux lèvres. Ce ne sont pas les beaux discours mais les justes positions qu’on attend d’un guide musulman. Si Qaradhawi et Ghanouchi avaient pris une position juste et courageuse  sur la Libye et la Syrie en totale conformité avec les références islamiques qu’ils font semblant de ne plus connaitre alors on aurait eu sans doute des conséquences désastruses pour l’Empire et ses vassaux européens et arabes.

Dans ces conditions de contradictions, de changement en fonction des intérêts partisans comment prétendre qu’il y  a plus de raisons de s’unir que de raisons de se désunir?

Dans la perspective de voir des changements historiques dans le monde musulman – menés par les savants musulmans – l’imagination se trouve en exploration de sa mémoire et se met à produire des images d’espoir qui se superposent sur des images de déception sans les effacer. Elles peuvent s’effacer si nous nous impliquons tous dans une seule et même orientation comme une composition harmonieuse avec ses diversités et respectant la loi de l’unité et des accords :

{Qui donc est meilleur que celui qui incite vers Allah, qui fait œuvre méritoire et dit : « Je suis du nombre des musulmans ? ». L’œuvre méritoire et l’œuvre vile ne sont point égales. Avance celle qui est la meilleure (pour repousser le mal), et voilà que celui avec qui il y a une animosité entre toi et lui, devient comme s’il était un ami chaleureux. Et ne l’obtiendront que ceux qui ont persévéré, et ne l’obtiendra que celui qui a une chance immense.} Fussilat 34

 

Le plus dangereux des défis ce sont les pratiques religieuses corrompues.

Mohamed Al Ghazali a écrit dans la bataille du sens :

« Après quarante ans de travail dans la prédication islamique, je réalise que le plus dangereux des défis ce sont les pratiques religieuses corrompues. Cela englobe le travail pour les caprices et les illusions, ainsi que le travail pour les désirs et bénéfices personnels.

La foi est une conscience intellectuelle, mais ces gens sont intellectuellement et continuellement inconscients. La foi mène à un cœur pur, mais ces gens ont des cœurs malades. Leurs cœurs sont terriblement malades. Dévoiler des pratiques religieuses altérées nécessite une étude détaillée afin de cerner les raisons mentales et psychologiques les sous-tendant. Abû Hâmid Al-Ghazâli a dédié une grande partie de son livre, La  Revivification, pour donner le remède à ses maladies et en avertir les gens. Ibn Al-Jawzî écrivit la Déception d’Iblis pour dévoiler les différentes formes de pratiques religieuses altérées et pour prévenir les gens.

Certes, ces mauvaises pratiques greffées sur la religion conduisent à une image erronée de l’islam dans l’esprit de nombreuses personnes douées de sens. Ces gens découvrent l’Islam à travers le comportement et attitudes de ses adeptes. En effet, quelques musulmans — que ce soient dans les époques passées ou contemporaine — sont une disgrâce pour leur religion elle-même.

J’ai constaté que de nombreuses personnes, travaillant dans le champ de la Da`wah, font du tort à l’islam. Certains concentrent leurs efforts en permanence sur l’interdiction des choses. On entend d’eux que le fait que la religion interdit ceci ou cela. Ils ne se soucient même pas de donner une alternative dont les gens auraient besoin. Ils sont tels des gens qui bloquent une route sans en ouvrir une autre.

D’autres prédicateurs vivent encore dans le passé et non dans le présent ou le futur, comme si l’Islam était une religion historique. C’est un spectacle saisissant que de le voir débattre avec, par exemple, les Mu`tazélites ou les Jahmites. Il peut avoir raison dans ce qu’il dit, mais il ignore complètement que les ennemis de l’islam porte aujourd’hui d’autres noms et emploient d’autres méthodes et arguments.

D’autres également ne font point de distinction entre les problèmes périphériques et les problèmes centraux, ni entre les sujets fondamentaux et les branches secondaires, ni entre les problèmes majeurs et ceux qui sont mineurs. Ils dépenseraient toute leur énergie pour combattre les problèmes secondaires. Ainsi, il est probable qu’ils attaquent par la mauvaise direction, là où le véritable ennemi attaque par une autre direction. Il leur arrive parfois d’attaquer même des ennemis imaginaires.

Tous ces prêcheurs sont un pénible fardeau pour la Prédication Islamique. Ceux-là doivent être corrigés, tout comme ceux qui prêchent pour leurs profits personnels et non pour des principes islamiques sincères. Travailler pour les valeurs islamiques est bien différent du travail pour des désirs personnels.

Mohamed Fadhlallah écrit dans la bataille pour l’unité islamique :

« Regardons cette réalité islamique. Nous avons tant et tant parlé de la Palestine, et la Palestine est perdue. Nous avons tant et tant parlé d’Afghanistan, et l’Afghanistan est perdu. Eux, ils planifient. Quant à nous, nous crions des slogans. Eux ils nous envahissent. Quant à nous, nous nous disputons. Notre problème c’est que nous flottons en surface. Nous nous laissons guider par des paroles…

Musulmans de toutes les confessions ! Vous voulez l’Islam ou vos égoïsmes ? Le monde déclare la guerre contre l’Islam. Nous devons nous apprêter au combat. L’unité islamique devrait constituer le sens de l’Islam en nous. Soyez des Musulmans sunnites et des Musulmans chiites, car en mettant de côté votre appartenance à l’Islam, vous ne faites que privilégier la confession au détriment de l’Islam. La place présente beaucoup de contradictions. Les perspectives s’ouvrent à beaucoup d’espoir. Accourez vers la réalité, pour planifier, œuvrer et craindre Dieu dans notre présent et notre avenir. Réfléchissons longuement et profondément à notre avenir ! »       

Je pense qu’il serait plus utile de se consacrer à l’étude et à la diffusion de la part de vérité à laquelle nous avons pu accéder par la Grâce divine que de s’épuiser à convaincre autrui de la fausseté de son argumentation ou de son école. L’Islam du temps du Prophète et des premiers Califes a été compris totalement comme si la communauté était un même esprit malgré quelques différences d’opinions et d’interprétations qui fondaient comme glace devant le rayonnement intellectuel et spirituel des illustres compagnons et successeurs. C’est cet esprit rayonant et diffus dans la société qui serait la garantie d’avoir un seul et grand  esprit anagogique et empathique refusant la prolifération des partis politiques et des pseudos écoles de pensée. Ce n’est pas la diversité des écoles de pensées qui est remise en cause c’est l’atomicité et les faux syllogismes qui naissent dans l’esprit des suiveurs qui se trouvent davantage au service d’une culture d’école qu’au service de l’Islam ou qui se trouvent davantage dans la reproduction d’une école et ses sources internes que dans l’étude du Qur’àn et de la Sunna à l’époque des nouveaux défis scientifiques et technologiques et des apports de la psychologie, de la psychologie sociale, de la sociologie, de l’histoire,  de la médecine et de tant de sciences qui apportent des éclairages nouveaux sur la lecture du monde et les comportements humains. Ce n’est pas l’association des hommes autour de problèmes politiques ou économiques à résoudre qui posent problèmes c’est l’esprit partisan qui devient lui même un clivage idéologique entre les différents partis politiques se réclamant de l’Islam et qui  paradoxalement se déchirent et trahissent le principe d’unité et d’union.

La priorité est de faire naitre l’amour du Qur’àn et de connaître les hadiths mais en les lisant dans le contexte de leur énonciation. Il s’agit bien d’énonciation et non d’énoncé. L’énonciation donne à un énoncé ses conditions socio historiques et politico culturelles. Le hadith se libère ainsi du caractère « fictif » de sa narration pour prendre en charge les aspects diégétiques c’est-à-dire l’évocation de l’univers du hadith en l’occurrence la psychologie du Prophète face aux événements et aux hommes qui l’ont poussé à adopter telle attitude. Il ne s’agit pas de le faire pour les dizaines de milliers de hadiths mais pour ceux dont la compréhension est difficile,  porte à confusion  ou dans la porté est limitée et le caractère singulier. Dieu est plus savant.  A titre d’illustration comment comprendre ce hadith « Écoute et obéis même si on te frappe et qu’on te prend tes biens. »  qui semble en apparence confirmer la négation du principe de la Choura coranique que le Prophète a appliqué ou avec la notion de martyr qu’il a expliqué en l’étendant  à celui qui est tué en défendant ses biens ? Il faut que les Musulmans comprennent qu’Allah et Son  Prophète (saws) n’aiment pas l’injustice mais la sacralité du Musulman, sa vie, son sang, ses biens, sa dignité, sa quiétude, sont plus précieux que la lutte pour le pouvoir mondain éphémère. Jamais  Allah et le Prophète ne donneraient raison à celui qui rend licite le sang versé d’un musulman quelque soit le prétexte.

C’est l’énonciation qui change le sens du hadith et malheureusement c’est autour du Hadith que se réalise les plus grandes divergences alors que le Prophète (saws) a été le rassembleur, l’unificateur et le fédérateur des Arabes divergents autour d’une idée fédératrice l’islam. C’est trahir ce Prophète que de diverger ou de traiter les uns les autres de mécréants au lieu de construire une communauté soudée qui a la compétence de l’aimer, de le vénérer et de le suivre dans l’esprit et la manière qu’il traitait les problèmes et les hommes. A titre d’illustration on voit des musulmans se haïr et ne plus se parler pour un problème de  longueur de pantalon, de Qamis ou de teinture des cheveux. Ali Ibn Abi Taleb fut questionné sur ce hadith : « Avec la coloration des cheveux, changez le vieil âge en jeunesse afin de ne pas ressembler aux Juifs ». Il donna cette réponse : «  A la première époque de l’Islam, il y avait très peu de Musulmans. Le Noble Prophète (saws) leur conseilla de paraître jeunes et énergétiques et de ne pas adopter la mode des (prêtres) Juifs ayant de longues barbes blanches effervescentes. Mais les Musulmans n’étaient ensuite plus en minorité, leur État était fort et puissant, ils pouvaient prendre le style qu’ils souhaitaient ». Qui empêche les musulmans de vérifier ces dires. Il ne s’agit pas de réfuter mais de préciser le contexte et la portée sociale ou politique d’un hadith. Il ne s’agit pas de ne plus  réaliser de nouvelles compilations sur les dizaines de milliers de hadiths mais de donner la priorité à l’étude sémantique et historique du hadith pour en faire de nouveau un « Qur’àn marchant entre les gens ».  Bukhari, Muslim, Malek et nos vénérables maitres ont prouvé leur compétence intellectuelle, leur probité morale et leur scrupule consciencieux pour sauver le Hadith de l’oubli et le protéger de la falsification. Il appartient aux spécialistes du Hadith de parachever ce travail en donnant au musulman l’exégèse scientifique et historique pour que le Hadith devienne une « science appliquée » et non une connaissance récitée.

Le scrupule (Al War’â) indispensable à la formation intellectuelle de qualité ne nait pas des fausses croyances mais des véritables certitudes qui naissent dans le doute non de la parole d’Allah mais dans le doute de soi, de sa compréhension, de sa compétence à donner un contenu, une dimension et une portée esthétique, sociale, politique et intellectuelle à la parole de vérité car nous restons des interprètes imparfaits et changeants. L’imperfection tient à notre nature humaine. La qualité du musulman n’est pas dans sa prétention à être parfait mais dans sa reconnaissance à être perfectible. N’est perfectible que celui qui reconnait son erreur et qui dans la pratique médiatique, sociale ou politique est plus interpellé par la faute à corriger et à en comprendre les origines, les mécanismes et les conséquences qu’à trouver le  fautif et se contenter de le blâmer ou de l’incriminer. N’est perfectible  que celui qui prodigue le bon conseil et l’accepte venant des autres si bien entendu le conseil ne vise pas à humilier ou à perturber mais à contribuer à la promotion de la vérité et du mérite.

Le changement que fait activer le scrupule tient à l’expérience personnelle et sociale ainsi qu’à l’effet du temps et du savoir sur la communauté dans laquelle nous vivons. C’est ce scrupule relativisant notre savoir et celui  des autres qui nous rend à la fois des communicants échangeant les informations pour chercher la vérité sans chauvinisme et des consciences vives qui réalisent l’auto critique pour se redéfinir dans le rapport à la vérité, à la quête de savoir et notre relation avec les autres. Pour que le scrupule soit la culture du salut il faudrait sans doute redonner au « Nafs al Lawàma » le sens de l’ego insatisfait dans l’accomplissement de son devoir et qui se met par la voie critique dans celle de la perfectibilité qui lui donne le rang de « Nafs Mutma’ina » l’être apaisé non dans cette vie mais dans la phase ultime de sa vie et dans sa ressuscitation.  « Nafs al Lawàma » ne sera pas opposée à « Nafs Mutma’ina » mais à « Nafs al Amàra bi Sou’ » l’ego incitateur au mal, inspirateur de la laideur sans conscience sans sens des responsabilités.

Nous inscrivant dans la perfectibilité et l’examen de conscience sans doute nous serions plus exigeants envers notre ego qu’envers les autres, plus indulgent avec ses contradicteurs qu’avec le fardage des complaisants envers le Moi. Une chose semble certaine, à la lumière du Qur’àn, nous serions des croyants dans leur dimension humaine qui peuvent espérer s’améliorer sans jeter l’anathème sur les autres pour le seul motif qu’ils ne partagent pas notre école de pensée ou notre doctrine ou notre association. Dans ce nouvel état d’esprit nous pouvons tous être des dispensateurs de savoir envers ceux qui ont le plus de disponibilités à recevoir le savoir et en faire un cadre d’expansion de leur vie, ou être des demandeurs de savoir qui vont le chercher auprès des élites du passé ou du présent, morte ou vivantes. Dans ce rôle double de « stratégie pédagogique » pour donner et de « stratégie d’apprentissage » pour recevoir que chaque musulman doit porter nous pouvons nous inscrire dans la hiérarchie du savoir et du don loin des faux  clivages doctrinaux, confessionnels, factionnels ou sectaires. Il suffit de revenir à la lettre et à l’esprit du Qur’àn : sous la même bannière de l’Islam Allah a distingué les croyants selon leur œuvre et non selon leur appartenance sociale ou doctrinale :

أورثنا الكتاب الذين اصطفينا من عبادنا فمنهم ظالم لنفسه ومنهم مقتصد ومنهم سابق بالخيرات بإذن الله ذلك هو الفضل الكبير

{Nous avons donné en héritage le Livre à ceux que Nous avons élus de Nos créatures. Il est alors, d’entre eux, celui qui se fait injustice à lui-même, il est d’entre eux  celui qui est passable, et il est d’entre eux qui s’empresse aux œuvres d’excellence par le Vouloir d’Allah, cela est la grande Munificence.} Fater 32

Le rapport des musulmans dans une communauté vivante n’est pas dans entre le riche et le pauvre, le fort et le puissant, l’instruit et l’analphabète ni entre partisans entre telle école ou telle confession. Le rapport est un rapport entre croyants actants sociaux confrontés dans le sens et la mise en application de la foi, du savoir, du pouvoir, du devoir, du vouloir et de l’action. Ce rapport n’est pas livré aux conjonctures de puissance politique ou économique sinon ce serait un rapport profane entre mécréants matérialistes. Ce rapport est subordonné aux finalités de la religion islamique et relativisé par sa confrontation au référentiel islamique : Le Qur’àn et la Sunna. Plus le monde musulman s’approche de son référentiel plus il s’implique dans une quête psycho temporelle qui l’élève et élève les autres vers le modèle mohammadien. Le riche qui n’enrichit pas autrui est pauvre mais le pauvre qui enrichit autrui est plus que riche il est enrichissant. Le fort qui ne soutien pas le faible est faible mais le faible qui soutient l’opprimé est un soutien. Le savant qui n’apprend pas à l’ignorant est un ignorant. L’ignorant qui cherche à apprendre est sur la voie de la sagesse, sur la voie du martyr. Quand la communauté est malade, désarticulée ou disloquée les rapports ne peuvent être ni construits ni évalués sur la vertu et la foi mais sur les conditions historiques, sociales et politiques qui ont corrompu la vertu et occulté la foi.

L’absence de quête vers la foi, la vertu et l’excellence rabaisse les gens vers les instincts primaires. La perte de conscience sociale conduit à la marginalité et la fragmentation qui sapent davantage la religion et sa morale. L’ennemi de l’Islam qui observe et mesure les mouvements sociaux et les phénomènes de la spiritualité sait où se situe le centre de gravité social, moral et intellectuel et agit avec intelligence subtil pour déplacer le centre de gravité vers le niveau le plus bas et c’est à ce niveau le plus fragile que les schismes vont être maintenus ou recréés. Le niveau le plus bas n’est pas à voir dans la hiérarchie formelle mais dans cette stratification coranique : les hypocrites, les injustices à eux-mêmes, les passables, et ceux qui s’empressent aux œuvres d’excellence.  Le centre de gravité tient davantage à la force d’expression et de pression sociale qu’au nombre numérique. Une communauté qui n’a pas de centre de gravité est non seulement instable mais sans repères pour s’analyser et fixer son cap et son mouvement du fait d’ailleurs de son instabilité qui lui fait changer son référentiel ou les coordonnées de son référentiel. Ainsi la majorité des membres peut se prétendre appartenir au Qur’àn et à la Sunna mais chacun dans son système mental et psycho social porte un regard différent sur le Qur’àn et la Sunna.

L’absence de centre de gravité qui donne un référentiel stable et commun fait que d’une part chacun s’imagine être lui-même la coordonnée et la seule et d’autre part la communauté ou bien cultive la défiance entre ses membres et la méfiance envers autrui ou bien tombe sous la fascination des idées et des choses étrangères à l’Islam. Comme les Pharisiens de Babel dans la Bible nous parlons une seule et  même langue mais celle-ci ayant perdu sa signification pour tous elle engendre l’incompréhension d’abord et la violence ensuite. Il suffit à l’ennemi de l’Islam de donner la voix à un mécréant ou à un membre de la minorité d’hypocrite et de les médiatiser pour que la communauté redéploye le centre de gravité de ses préoccupations. Nous passons ainsi de l’apologie du passé, à la polémique entre nous au dénigrement des autres sans discerner les priorités et surtout sans accepter de voir la priorité : nous reconstruire après un travail de déconstruction. Il suffit qu’un seul ose s’engager sur l’auto critique ou demander l’examen de conscience pour recentrer nos problèmes à l’intérieur de nous-mêmes pour que des voix s’élèvent et pratiquent l’intimidation et le totalitarisme qui ont miné la civilisation islamique : « qui est tu toi pour dire ceci ou cela ? ». La culture messianique de la décadence est dans la contradiction d’attendre le sauveur et refuser tout débat constructif, et de ramener un problème d’idée, de lecture, d’interprétation non à son argumentation mais à un problème de personne ou de rang social ou religieux.

C’est ainsi qu’seul coraniste en France disposant du soutien médiatique et bénéficiant du laxisme de la communauté fera plus de dégâts dans la communauté qu’un loup dans une bergerie. La véritable bataille n’est pas contre le coraniste et les autres sectes et encore moins contre les divergences doctrinales et confessionnelle mais dans l’effort de tous à mettre le curseur social au centre de gravité et le centre de gravité au cœur de l’élite celle que le Qur’àn a qualifié de « qui s’empresse aux œuvres d’excellence par le Vouloir d’Allah »

Le bien et le mal peuvent se trouver réunis avec une domination du mal sur le bien dans une strate sociale ou politique ou dans l’ensemble de la société comme l’a souligné Omar Ibn Al Khattab (que Dieu lui accorde Sa satisfaction) qui dit une fois à l’un de ses compagnons: « Sais-tu ce qui démolit l’Islam? » L’autre dit: « Non ». Il lui dit: la faute des savants, la polémique des hypocrites et le gouvernement des chefs qui détournent leurs administrés du droit chemin » – Riyad as-Salihin (Les Jardins des vertueux).

Ce hadith de Omar est le vaste chantier qui attend la jeune génération montante si elle se donne le courage et l’intelligence de le préparer avant de l’aborder. Il  implique un effort massif assidu et conséquent sur plusieurs années, sur tous les domaines d’activités ; sur tous les registres  de formation de la conscience, religieuse, morale, sociale et politique ; et sur toutes les sphères de la décision politique et sociale. Il s’agit du changement :

{Certes, Allah ne Modifie rien en un peuple jusqu’à ce qu’ils changent ce qui est en eux-mêmes.} Ar Ra’âd 11

Sur la voie de la libération de Jérusalem Salah Eddine a compris les raisons du Wahn et de la débâcle devant les croisés et il a agit sur les causes et non sur les effets pour obtenir des résultats tangibles. Voici une partie de la lettre de Salah Eddine envoyée au calife et que rapporte l’ historien égyptien Qassem Abdou Qassem :

« Si les affaires de la guerre trouvaient solution dans la pluralité des  participations   on n’aurait pas manqué sans doute la gloire qui nous fait défaut au vu de l’importance du nombre de prétendants autonomes chacun réclamant pour lui l’autorité. On n’aurait pas été amené à subir des préjudices s’il était naturel que le monde supporte la coexistence de plusieurs autorités contradictoires. Mais la vérité que nous ne pouvons ni occulter ni fuir sans préjudices et dommages et que les affaires de la guerre exigent une longue préparation et une excellente planification qui ne peuvent se passer de l’unité de commandement militaire et de l’unité de décision politique. Si la question du commandement est réglée et la planification politique tranchée il ne reste alors que la mise en place des organes consultatifs sur les questions de mobilisation  des moyens pour mener les combats victorieux… »

Conclusion :

Quand j’étais jeune j’entendais Cheikh Qaradhawi dire que la communauté se portait bien (oumma bi khayr) et que la Sahwa (l’éveil islamique) s’étendait  sur l’ensemble du monde musulman. La réalité pourtant dans le lieu de travail, dans la famille, dans la cité, dans la culture, dans l’université et dans l’économie et la politique montrait le contraire. Qui avait raison : la réalité objective ou les souhaits d’un savant coupé de la réalité. Le temps est toujours là pour témoigner de notre réalité morbide, cette fois-ci il témoigne contre nos savants qui ont vendu du vent et des faux rêves à des jeunes épris de liberté, de connaissance et du désir de servir l’Islam.

Il nous faut dépasser les clivages religieux et revenir au « Nous » de la sourate Al Fatiha qui inaugure le Coran pour le résumer et fixer les normes que nul ne peut transgresser. La sourate al Baqarah qui décrit l’humanité et ses défauts à travers le récit détaillé sur Bani Israël  nous met en garde contre le schisme des Juifs et des Chrétiens  et leur prétention à faire d’Abraham leur icone religieuse sans avoir de lien religieux ni spirituel ni moral avec lui.  Abraham (saws)  dont les Musulmans se réclament comme héritiers à la suite de Mohamed (saws)  et qu’ils citent à chaque salat est cité au début de la sourate Al Baqarah ainsi que d’autres Prophètes (as) comme porteurs du titre exclusif de Musulmans :

{Et lorsque Abraham élevait les assises de la Maison ainsi qu’Ismaël : « Notre Seigneur, Agrée de nous, Tu es Toi L’Omni-Audient, Le Tout-Scient ; notre Maitre, fais que nous nous remettions à Toi, et fais de  notre descendance  un peuple qui Te soit musulman. Montre-nous nos rites, Fais-nous Rémission, Tu Es Toi Le Rémissif, Le Miséricordieux. Notre Maitre envoie-leur un Messager d’entre eux, qui leur récite Tes Versets, qui leur apprenne le Livre et la Sagesse, et qui les épure. Tu Es Toi L’Invincible, Le Sage ». Qui donc ne voudrait pas de la Confession d’Abraham à moins d’avoir perdu son âme ? Effectivement, Nous l’avons élu dans le monde, et dans la vie Future il sera certainement du nombre des Vertueux. Et lorsque son Seigneur lui Dit : « Adopte l’Islam », il dit : « Je me remets au Maitre des Univers ». Et c’est ce qu’Abraham a recommandé à ses enfants; Jacob en fit de même : « O mes enfants, certes, Allah A Choisi pour vous la religion, ne mourez donc pas sans que vous soyez musulmans ».} Al Baqarah 127

Voici la controverse des Juis et des Chrétiens qui les a conduit au schisme religieux et doctrinaires : nous sommes entrain d’adopter le même comportement et les mêmes qualificatifs qu’ils choisissent pour leurs sectes, leurs écoles et leur clergé. Allah nous donne la réponse salutaire :

{Et ils dirent : « Soyez juifs ou nazaréens, vous serez guidés ». Dis : « Bien au contraire : la confession d’Abraham, pur monothéiste, et qui ne fut point du nombre des polythéistes ». Dites : « Nous sommes devenus  croyants en Allah, en ce qui nous a été Révélé, et en ce qui a été Révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Maitre. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ». S’ils croient en cela même que vous croyez, ils se sont effectivement bien guidés, et s’ils s’en détournent, c’est qu’ils sont en schisme} Al Baqarah 133

 

Omar Mazri

 

Le Divin « piégé » ?! Partie 3/3

« Pratiquer » le  Coran dans sa propre langue

Même en possession de la meilleure traduction nulle ne peut faire l’impasse s’il veut travailleur sur des thèmes concernant l’islam et les musulmans de « pratiquer » le Coran  dans sa propre langue : l’Arabe. La sonorité, le rythme, la grammaire, le style, les pauses, les liens de sens, les jonctions de mots, les contextes sont autant d’indices dans la compréhension du Qur’ân.

Il ne doit pas y avoir doute, incertitude ou polysémie contradictoire dans la lecture du Qur’ân.

Ce verset

{0 vous qui croyez! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien laáalakoum thouflihoune !} 22,77

Ne peut s’accommoder d’une traduction simpliste et erronée comme celles-ci

{0 vous qui croyez! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Ainsi réussirez-vous !} 22,77

{0 vous qui croyez! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Peut-etre réussirez-vous !}

Le Qur’ân provoque une attention soutenue par la sonorité des mots, la force des syllabes, la polysémie des mots et la déconstruction grammaticale. L’énonciataire est mis dans une nouvelle situation d’énonciation, une nouvelle perspective que le non musulman a du mal à saisir n’y voyant que la redondance. Quand le non musulman encadre un musulman sur ce terrain de thèses universitaires alors  tous les dérapages objectifs et subjectifs sont possibles. Chaque fois que le récitant, connaissant la langue arabe, est « déstabilisé » par une syntaxe,  un mot ou une phrase il sait qu’il est en présence d’une nouvelle ou d’une particularité dans l’énonciation qui rend l’énoncé plus grave, plus solennel, plus imposant et plus entrainant dans l’’effort du Tadabour (réflexion a l’intérieur du Qur’ân) et du Tafakour (réflexion sur le monde et sur l’homme hors du Qur’ân, mais sucité par le Qur’ân) auquel tel ou tel autre passage du Qur’ân invite.

L’exercice spirituelle et intellectuel sans dualité entre foi et raison par la conjugaison du Tadabbour et du Tafakkour donne le sens de l’universel, le sens du monothéisme pur, parfait et sincère : L’unicité du verbe de Dieu qui se fait parole Qur’ânique dans le cœur de Mohamed (saws), Jésus dans la matrice de Marie et création dans toute sa splendeur et ses mystères dans l’instant Azaliy (pré éternité sans finitude) et l’instant Abadiy ( l’éternité dans l’ infini) qui ne font qu’Un pour le Créateur du temps et de l’espace et qu’aucun lieu ou étendue ni moment ou durée  ne peuvent contenir. La même loi qui régit l’univers visible et invisible témoigne de l’Unicité du Créateur, Ordonnateur et Gouvernant à la fois Immuable et Suffisant sans qu’il ne soit nécessaire à la raison de Lui donner rival, associé et encore moins une compagne ou un fils.

Quand la langue s’inspire des fondements mythologiques grecs ou romains qui la sous tendent elle ne peut traduire l’exactitude de la foi comme elle ne peut empêcher à la raison de dériver et au sens de se corrompre. La langue véhicule un imaginaire c’est-à-dire une compétence symbolique à évoquer le passé, à explorer le présent et à anticiper sur l’avenir. Lorsque cet imaginaire est peuplé de mythes il ne peut logiquement se prévaloir d’une suprématie de rationalité sur la langue d’autrui et son système de pensée. Quand l’imaginaire sur lequel s’appuie l’expression de la foi et de la raison s’investit dans le devenir de l’homme depuis Adam jusqu’à Mohamed (saws) en passant par les chemins empruntés par tous les Prophètes et Messager alors il devient Lumière qui éclaire la compétence de nommer de tous les hommes de foi par laquelle passent et la parole et le savoir :

{Et Il apprit à Adam tous les noms} al Baqara 31

La compétence de nommer se corrompt au contact du paganisme intellectuel qui pare l’idole pour humilier l’idée, qui magnifie le mensonge pour cacher la vérité, qui falsifie la parole pour éteindre la vérité émanant de  Dieu. Le paganisme ne peut être l’interprète des désirs de l’humain, de son imagination et de son devenir et encore moins le critère d’évaluation de la raison humaine, de sa foi et de la traduction de la parole de Dieu infalsifiable et inaltérable qui se nomme le Qur’ân :

{Dis: ‹Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous: que nous n’adorions qu’Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d’Allah›. Puis, s’ils tournent le dos, dites: ‹Soyez témoins que nous, nous sommes soumis›.} ali ‘imrane 64

Nous avons pris, dans la partie précédente,  comme exemple la Sourah ahl al Kaf (la caverne) vous pouvez faire l’essai de lire le texte jusqu’au récit de Moise et là vous sentez que vous êtes emporté dans une autre dimension, un autre message. Continuez et vous rentrez dans le récit de Dhoul Qarnayn c’est encore une autre dynamique, d’autres enseignements. Cette pluralité répond à des exigences de narration qui dépasse l’entendement humain car elle garde le principe d’unité par le pouvoir d’évocation, la sonorité et le rappel des mots, la similitude des situations et surtout le message fondamental : l’Unicité de Dieu incomparable et qui défie tous les esprits qui refusent de se prosterner.

Il est donc vain de parler d’Ijtihad si ses instruments, le Tadabour et le Tafakour ne relèvent leur subtilité qu’à travers la langue arabe ou à travers une longue pratique du Qur’ân inspirée par la foi ou et le  désir sincère de chercher la vérité pour comprendre le Qur’ân :

{Nous l’avons fait descendre, un Qur’ân en langue arabe, laâalakoum vous raisonniez.} Youssef 12

Si nous acceptons cette lecture de « laâla » comme attitude spirituelle, cognitive, comportementale, intellectuelle en quête de l’espérance dans la rencontre imminente de Dieu et en crainte de son châtiment ou de la frustration d’être privé de sa rencontre alors le raisonnement, la méditation, la production intellectuelle ne sont ni un luxe ni  un privilège mais une exigence. La résonnance dramatique de « laâalakoum » d’un Dieu à la fois immanent et transcendant qui nous interpelle dans un langage d’amour qui ne veut pas voir son aimé privé de Sa Miséricorde ne peut être traduite par une autre langue que la langue originelle du Qur’ân.

Comment peut-on imaginer Allah Al Wadoud traiter son bien aimé Mohamed (saws) comme chose insignifiante et le laisser cultiver le doute sur sa destinée alors qu’il a consacré sa vie au service de Dieu jusqu’à être l’incarnation d’un Qur’ân en marche :

{Supporte patiemment leurs propos ! Célèbre les louanges de ton Seigneur avant le lever et le coucher du soleil ! Glorifie-Le au cours de la nuit ainsi qu’aux extrémités de la journée ! Peut-être seras-tu agréé.} Ta-ha – 130

II nous faut lire et traiter les thèmes se rapportant a l’islam et aux musulmans en nous impliquant dans le sens Qur’ânique comme si le Qur’ân nous interpellait personnellement. L’implication est spirituelle, cognitive, affective, imaginative, symbolique, lexicale et sémantique. L’imam Ali le Sage a dit : « Il n’y a rien de bon dans la lecture du Qur’ân qui ne soit pas méditée ».

Le Qur’ân et la langue arabe  ne sont pas  difficiles si on y entre avec sincérité au-delà de la sanction universitaire, des préjugés, des traductions imparfaites. Les premiers compagnons étaient en général de simples bergers, de petits commerçants, de modestes cultivateurs ils ont su vivre avec le Qur’ân et le Qur’ân a su les récompenser en contrepartie de leurs efforts :

{En effet, Nous avons rendu le Qur’ân facile pour la méditation. Y a-t-il quelqu’un pour reflechir?} Al-Qamar  17

Maitriser l’arabe, ses mots et sa grammaire ne suffit pas pour comprendre le Qur’ân. Il faut le lire comme une dévotion, comme un dialogue intime avec Dieu pour comprendre et sentir le miracle s’opérer : le trésor s’ouvre et offre ses joyaux inestimables même si nous ne pouvons pas voir toutes les subtilités, tous les sens, toute la vérité et celà en dépit que certaines expressions ou certains mots restent hors de notre portée comme d’autres l’ont été pour nos prédécessuers :

{Et quant a ceux qui s’efforcent en Nous, Nous les guiderons certes sur Nos sentiers, Allah est en vérité avec les bienfaisants.} al ankabout 69

Le devoir de bon conseil est de dire que le Qur’ân ne se lit pas comme un traité scientifique, une encyclopédie, un récit, mais comme la Parole de Dieu qui pénètre les cœurs pieux et les comportements vertueux. Il  peut rester fermé, inaccessible et incompréhensible aux plus intelligents et aux plus lettrés si la foi et sa douceur sont absentes de leurs cœurs :

(Nous avons mis des voiles sur leurs cœurs, de sorte qu’ils ne le comprennent pas: et dans leurs oreilles, une lourdeur. Et quand, dans le Qur’ân, tu évoques Ton Seigneur l’Unique, ils tournent le dos par répulsion.) Al Isra 46

L’étude de la langue française nous montre pourtant que le conditionnel en sa qualité de valeur temporelle  et de valeur modale peut transcrire le la’alakoum à la fois comme potentiel d’action ( il est toujours temps de croire et de faire dans une continuité qui va du présent au futur et qui ne prend fin qu’avec la fin de l’être) et comme conditions préalable c’est-à-dire comme un  futur hypothétique dont la réalisation, l’accomplissement et le devenir sont soumis à la crainte révérencieuse de Dieu et à l’espérance en Lui :

La’alakoum tataqoun est à lire « ainsi vous prendriez garde à Allah »

La’alakoum touflihoun est à lire  » ainsi vous réussiriez ».

Dans « Leçons de linguistique générale – Esquisse d’une grammaire descriptive » –  Gustave Guillaume nous fait une analyse sur le futur hypothétique comme valeur temporelle, ce conditionnel, qui  a valeur de futur inclusif par rapport au présent. Nous y trouvons le « vous réussiriez »  comme  valeur de signification à volonté de présent et de futur. Cette valeur temporelle donne à « vous réussiriez » le sens de réussir tout de suite, dans le présent même, ou dans l’avenir, réussir plus tard, mais dans telles ou telles autre circonstances favorables de réussite qui peuvent être hors d’actualité dans le présent et d’actualité dans le futur. Ceci est également valable pour le verbe craindre.

Nous ne serons plus  pris au piège de l’incertitude et de l’incertitude de la réalité et de l’énoncé qur’ânique mais nous serons dans l’ouverture idéique et spirituel à l’actuel et au virtuel (le réel en potentiel et qui n’est pas encore actuel) par dévoilement graduel ou par choc avec la réalité :

{Nous leurs vous montrerons Nos signes à l’horizon (l’Univers en dévoilement)  et en eux-mêmes jusqu’à ce que ceci (le Qur’ân, la Vérité, le Réel se dévoile} Foussilat

Nous seront aussi en phase avec l’esprit et la lettre coranique qui affirment  que le Qur’ân  est facile à lire, à prononcer, à réciter  à mémoriser et à comprendre.

Il n’y a ni certitude ni incertitude  mais projet d’idéation qui invite à un procès d’actualisation. Actualisation est le processus psycho temporel qui donne  actualité à un potentiel existant en nous et dont nous sommes les auteurs. Les circonstances ne sont uniquement que des facilitateurs à saisir  ou des réducteurs à surmonter ou à contourner. L’homme est au cœur du débat sur son devenir. Dieu est Celui qui pardonne, qui donne Miséricorde et qui agrée les œuvres. C’est le même et Unique Dieu aussi qui accorde à l’Homme ce pouvoir redoutable du libre arbitre par lequel il construit son destin et son avenir en actualisant le mal ou le bien qu’il porte en lui… Tout est ouvert jusqu’à l’ultime fin qui se prépare assez tôt dés le plus jeune âge :

{Allah accueille seulement le repentir de ceux qui font le mal par ignorance et qui aussitôt se repentent. Voilà ceux de qui Allah accueille le repentir. Et Allah est Omniscient et Sage. Mais l’absolution n’est point destinée à ceux qui font de mauvaises actions jusqu’au moment où la mort se présente à l’un d’eux, et qui s’écrie: ‹Certes, je me repens maintenant› – non plus pour ceux qui meurent mécréants. Et c’est pour eux que Nous avons préparé un châtiment douloureux. } an nissa 18

Si nous passons en revue tous les « Laâlakoum » ils expriment soit une injonction soit un conditionnel soit un subjonctif mettant le doute sur l’événement ou le comportement des mécréants. Les seuls fois où il prend le sens de « peut-être »  c’est quand il est attribué à des individus soumis au doute de la foi ou celui de la cupidité comme les courtisans et le peuple de Pharaon. En aucun cas le doute ou le peut-être ne peuvent être attribués à la parole divine et nous pouvons l’affirmer sans aucun doute, preuves à l’appui.

La culture et le Falah

Dans ce réquisitoire linguistique contre la lutte idéologique, la guerre subversive et les manœuvres de diversion  contre l’Islam nous ne pouvons le fermer sans évoquer la subtilité du terme Falah qui est escamoté dans les traductions et qui s’inscrit aussi comme une sorte de lapsus mental et langagier pour signifier que l’islam est révolu. En traduisant le « Touflihoun » qui suit « La’âlakoum » par réussir ou succès on transpose le modèle consumériste et matérialiste de la pensée occidentale qui ne voit la vie que comme réussite sociale et succès mondain.  Dieu serait donc astreint à nous offrir en récompense de notre Jihad spirituel, moral, social et politique ou militaire que les biens terrestres palpables comme butin de guerre. Nous sommes dans la logique de l’amalgame Islam Epée de Mohamed si nous refusons celui du matérialisme capitaliste.

Touflihoun ne peut être traduit par succès ou réussite du fait des amalgames entretenus mais surtout du fait que ces notions entretiennent la notion d’un constat qui se consomme et s’achève et non comme un devenir en perfection, en expansion. Dans la langue originelle du Qur’ân  touflihoun vient de Falah, cultiver qui donne Fallah, cultivateur, et ainsi le sens prend une autre signification plus large que le succès et la réussite. Il s’agit d’inscrire le Falah ou la culture ou le verbe cultiver dans la conscience du croyant pour qu’il inscrive son être spirituel, ontologique et social dans un Ijtihad permanent, un Jihad conséquent sur lui-même pour entretenir sa foi, sa personnalité, sa vertu et sa mission de Vicaire agissant  et récolter ainsi les fruits moraux, spirituels et matériels de son labeur ici et dans l’au-delà dans un processus incessant comme un devenir vers plus de perfection, plus d’efficacité, plus de sincérité, plus d’engagement et plus de purification de l’ego orgueilleux, belliqueux ou paresseux.

Il est remarquable de souligner que jusqu’au milieu du siècle dernier les Arabes se croyaient sans équivalent de culture et ils ont emprunté à un littéraire (Tewfik al Hakim si je ne m’abuse) le terme Taqafa qui est un néologisme qu’il a forgé pensant se mettre au niveau de la modernité occidentale. Il a fallu attendre Malek Bennabi pour dénoncer ce mimétisme et pour montrer que la culture est une ambiance générale qui fait que l’ensemble de la société est alignée sur une même visée, un même objectif dans un sillon droit qui rappelle les sillons des champs de choux. Malek Bennabi n’est ni un arabisant  ni un éxégète du Coran mais sa rationalité fondée sur la foi et la quête de la vérité lui a montré la culture dans sa dimension coranique de Falah et de cultivateur qui fait l’effort de semer, de desherber, de parcourir son champ, d’aligner ses plants et de les arroser, de contempler l’oeuvre d’Allah qui fait sortir de la terre ce qui donne subistance aux bouches à nourir et ravissement aux yeux en quête de signes.

Toutes les paraboles du Qur’an citant l’effort de l’homme dans sa lutte pour le bien et la foi ont la nature pour champ d’expression : la pluie, l’arbre, la fourmi, l’abeille, ces vivants qui produisent du bien en respectant leur Fitra qui leur commande de se soumettre à Allah. La nature en œuvre  incite à cette aspiration mystico temporelle et psycho spirituelle à laquelle le Qurân invite l’homme de foi à se cultiver c’est-à-dire à semer avant de récolter et à long terme à se civiliser pour devenir civilisateur :

{N’as-tu pas vu comment Allah A Fourni une parabole ? Une bonne parole est comme un arbre bon : sa racine est stable et sa ramure est au ciel. Il donne ses fruits en chaque saison, par le Vouloir de son Seigneur. Et Allah fournit les paraboles pour les hommes, pour qu’ils se souviennent. Et la semblance d’une mauvaise parole est comme un arbre mauvais, qui fut arraché de sur la terre, qui n’a nulle stabilité. Allah Affermit ceux qui devinrent croyants, par la ferme parole, dans la vie terrestre et dans la vie Future. Et Allah Fourvoie les injustes.} Ibrahim 24

{N’ont-ils donc pas vu que Nous Conduisons l’eau vers la terre aride, puis, Nous Faisons pousser avec des plantes dont se nourrissent leur bétail et eux-mêmes ? Ne le voient-ils donc pas !} Sajda 27

Partant de la règle d’or islamique qui dit que le Qur’ân explique le Qur’an on ne peut que rester ébahi par l’évidence qui se dégage du verset suivant qui définit l’effort de cultiver et ses fruits qui ne sont pas seulement matériels :

{Muhammad est le Messager d’Allah, et ceux qui sont avec lui sont durs envers les mécréants, miséricordieux entre eux. Tu les vois inclinés, prosternés, aspirant à une Munificence de la part d’Allah et un agrément. Leurs signes sont sur leurs visages, comme trace de la prosternation. Cela est leur exemple dans la Torah. Et leur exemple dans l’Évangile : comme une semence qui fit sortir ses rameaux, puis les renforce, puis les grossit, puis elle s’égalise sur ses tiges, donnant plaisir aux cultivateurs, afin qu’Il Fasse exaspérer ceux qui devinrent mécréants. Allah A Promis à ceux qui devinrent croyants et ceux d’entre eux qui ont fait les œuvres méritoires, une absolution et une immense rémunération.} Al Fath 29

Dans cette sourate al Fath, l’Ouverture de la Mecque et  le Triomphe de la foi, il n’ y a ni butin à partager, ni attitude triomphaliste ni  réussite mondaine ni succès guerrier mais bel et bien la double inscription de l’effort dans la continuité des Prophètes et dans l’harmonie avec la nature : cultiver la foi, cultiver la vie, cultiver son Paradis, la récompense appartient à Dieu : l’absolution et une immense rémunération que seule Dieu connait et que le Qur’âne révèle sous des formes variées. La plus grande rémunération dans cette vie est conserver une foi pure et sincère, dans l’au-delà est de contempler la Beauté absolue sans voile. La’âlakoum Touflihoun sont indissociables dans l’énoncé que nous avons traité pour l’exemple. Pour cet exemple et  les autres que nous n’avons pas cité il ne faut pas perdre de vue que tout est soumis à la volonté de Dieu y compris l’effort de cultiver ou de récolter les fruits comme le mentionne le Qur’âne :

{Dites-moi donc, ce que vous labourez, est-ce vous qui le cultivez ou bien est-ce Nous le Cultivateur ? Si Nous Voulions, Nous le Réduirions en débris …} Al Waqui’a 67

Cette réflexion ayant pris son essor dans la défense d’un pilier de l’Islam, Al Hajj, il est important de souligner que le pèlerinage est valide s’il a rempli les conditions cultuelles et celles de son intention. Seul son acceptation par Dieu  en fait un rite agrée et méritoire. Dieu dans Sa Bonté nous a montré les signes de l’acceptation du Hajj : se cultiver c’est-à-dire agir après l’accomplissement du pèlerinage comme un croyant qui a renouvelé son alliance avec Dieu et qui fait effort de cultiver sa foi, son savoir, sa probité, sa sincérité, son devoir, ses relations humaines, son travail avec la même ferveur que celle qu’il avait manifesté lors de son séjour aux Lieux saints. Une fois de plus ce n’est pas notre interprétation qui fait foi mais la lettre du Qur’an :

{Le Pèlerinage : ce sont des mois connus. Quiconque s’y impose le Pèlerinage, alors pas de jouissance, de perversité ou de controverse durant le Pèlerinage. Ce que vous faites de bien, Allah le Sait. Et approvisionnez-vous. Oui, sans doute, le meilleur approvisionnement, c’est la piété. Et craignez Allah, ô doués d’entendement.} Al Baqara 197

 

« Il faut savoir provoquer le scandale pour ne pas devenir sa proie ».

 

Nous n’allons pas comme K. Marx provoquer du scandale en ouvrant feu et pamphlet contre les collaborateurs de classes et les philosophes qui ne veulent pas changer le monde se contentant juste de la décrire. Et pourtant le scandale est salutaire comme les catastrophes naturelles : réveiller les consciences. Nous allons rester dans le cadre de notre éthique musulmane et dire ce que le  Prophète (saws)  a dit trois fois de suite :

« La religion c’est le bon conseil sincère. »

À la troisième fois on lui demanda : « Envers qui ô Messager d’Allah? » Il dit :

« Envers Allah, Son Livre, Son Messager, les gouvernants et l’ensemble de la communauté. «

Il n’est pas dans nos intentions d’accuser ou de jeter l’anathème sur quiconque mais de défendre l’islam et exercer notre devoir de bon conseil aux jeunes qui veulent nous écouter et profiter de nos expériences. Ceux qui veulent mettre en défi le Qur’ân et lui trouver une faille pour le tourner en dérision ou le proposer à la réforme comme chose obsolète nous n’avons ni le pouvoir ni l’envie de leur dire non. Bien au contraire nous leur souhaitons d’aller jusqu’au bout de leur logique, la’âlahom, peut-être qu’ils parviendront à l’impasse ou qu’ils découvriront ce que des esprits intègres ont découvert : la beauté incomparable et la vérité inégalée de ce Livre et que cette découverte leur fasse découvrir le gout spirituel et cette soif de chercher la proximité divine qui leur donne une autre vocation à leur intelligence hors du commun :

{Qui donc est meilleur que celui qui incite vers Allah, qui fait œuvre méritoire et dit : « Je suis du nombre des musulmans ? ». L’œuvre méritoire et l’œuvre vile ne sont point égales. Avance celle qui est la meilleure (pour repousser le mal), et voilà que celui avec qui il y a une animosité entre toi et lui, devient comme s’il était un ami chaleureux. Et ne l’obtiendront que ceux qui ont persévéré, et ne l’obtiendra que celui qui a une chance immense.} fussilat 33

Ceux qui, au nom d’un néo soufisme, veulent appliquer au texte sacré les travaux de l’herméneutique ou de la sémiologie nous n’avons aucun préjugé ni qualification pour confirmer ou réfuter cette approche. Nous tenons juste à souligner que l’herméneutique peut se fixer comme objectif une démarche philosophique, chercher le sens. Maintenant si on veut absolument donner un sens ésotérique réservé aux initiés faisant une fois encore le jeu des partisans des islams fragmentés, un islam pour la plèbe et un islam pour les érudits versés dans les sciences occultes, ceci est un autre débat. La voie mystique, des anciens est un cheminement d’étapes en étapes spirituelle ou de station spirituelle vers des stations plus élevées conduite par le Zuhd (le renoncement au monde) et les prières assidues et le secret révélé aux maitres n’est pas du ressort de l’herméneutique mais du secret de la retraite spirituelle. Ce secret ne se divulgue pas car le commun ne comprendrait pas. Ne pouvant se communiquer il n’est d’aucun intérêt dans la conduite des mouvements de libération à moins qu’il ne se présente comme l’Emir Abdelkader à l’avant-garde du combat contre l’occupant.

L’herméneutique ou science de déchiffrement des réalités au-delà du signe n’est pas une mais un ensemble multiple. Il nous faut une précision sur le type d’ herméneutique qu’on applique  pour faire dire au Qu’rân ce qu’il cache ou ce qu’il dit avec limpidité et dont le sens nous échappe car le Dessein de Dieu nous échappe: celle de l’esthétique, celle de l’historicité, celle de la syntaxe, celle des paraboles, celle de l’ontologie, celle de la métaphysique, celles des cabales judaïques, celle de la scolastique cléricale, celle de l’astrologie médiévale…Précisons les concepts, les méthodes et l’objet d’exploration.

Le Qur’ân a déjà libéré l’homme des mythes, des idoles, du messianisme et de l’ésotérisme pour en faire un croyant honoré et missionné. Le combat réel est comment lui redonner les moyens concrets pour lutter contre ce qui l’aliène, l’agresse et dénature son droit au sens et son devoir d’agir comme Abou dherr al Ghifari ou Mou’âd Ibn Jabal ou al Rumi ou al Farissi et tant de compagnons qui ont pris la défense de l’islam sans faux fuyant et sans casuistique pour cacher leur peur d’affronter les négateurs de l’Islam et les colonisateurs des musulmans.

Ce n’est pas le cas des élites « franco musulmanes » qui se veulent une nouvelle vocation : réinterpréter le Qur’ân ou le traduire à leur guise dans la continuité des orientalistes en confirmant la volonté idéologique de banaliser le texte comme si c’était la prose de monsieur Jourdain.  Chacun y va de son Ijtihad en  cherchant des signes cabalistiques, un sens ésotérique, un complexe d’Œdipe inversé. La majorité, en réalité, ne cherchent  que les oripeaux brillants de la mondanité intellectualiste pour gagner du pain et un prestige social. Combien elle est belle cette métaphore de Jalal Eddine Rumi dans ce panier à crabes :  « Le miroir ne peut redevenir du fer et le pain ne peut ne peut redevenir du blé mais toi si tu te vois fleur tu es parterre fleuri, si tu te vois âme tu es royaume de l’âme, tu es ce que ton œil à contemplé ». Par oeil il entend non l’organe mais le regard spirituel.

Dans la lutte idéologique il faut insister sur une évidence qui pourtant nous échappe : nous devons être toujours mis en diversion sur des problèmes complexes,  byzantins ou dépassant notre compétence pour ne pas nous occuper des problèmes flagrants qui produisent notre sous-développement : le despotisme intérieur et le colonialisme extérieur alliés pour laisser les musulmans dans une ignorance sur leur propre problèmes,  leur propre devenir et leurs ennemis qui leur invente des problèmes et leur bouche l’horizon.

Nous laissons le soin à Dhoul Noun al Masri, considéré comme l’un des plus grands maitres mystiques,  de répondre sur toutes ces pistes d’Ijtihad (qui donnent le vertige au musulman)  :

« La sincérité est le sabre de Dieu sur la terre ; où qu’elle soit appliquée, elle ne peut que trancher ».

Il ne peut que se prononcer en conformité avec la lettre et l’esprit du Coran :

{Certes, ce Coran  relate à la postérité d’Israël la plupart de ce en quoi ils divergent. Et il est sûrement une Direction infaillible et une Miséricorde pour les croyants. Certes, ton Seigneur Tranchera entre eux par Son Jugement et Il Est, Lui, l’Invincible, le Tout-Scient. Fie-toi donc à Allah : tu es certainement dans le vrai évident. Toi, tu ne peux faire entendre les morts, et tu ne peux faire entendre l’appel aux sourds quand ils s’écartent en fuyant. Et tu ne peux, toi, guider les aveugles loin de leur fourvoiement. Tu ne peux faire entendre que celui qui croit en Nos Versets, et de fait sont musulmans.} Al Qasas 76

{Il Connaît la traîtrise du regard furtif, et ce que cachent les consciences.Et Allah Tranche en toute Vérité. Et ceux qu’ils invoquent à l’exclusion de Lui ne tranchent rien. Certes, Allah Est l’Omni-Audient, l’Omnivoyant.} Ghafir 19

Il est plus simple et plus efficace de revenir à l’esprit de l’Islam matinal que de se fourvoyer en doctes sectes entre soufis herméneutes et islamologues modernistes.

Ceux qui nous ont légué l’Islam, religion et civilisation, se font appelés Musulmans ou Croyants. La seule distinction entre ses croyants et ses musulmans qui ont donné naissance à l’homme nouveau post Hégirien, le civilisé civilisateur, est le titre pour les uns de Mouhajirines et pour les autres d’Ançars, ou le titre de prédécessuers et de successeurs dans la foi . Les uns ont abandonné vie, patrie, biens et famille pour suivre Mohamed (saws), les autres ont offert vie  patrie, biens et famille pour accueillir l’islam. Les uns ont suivi le Prophète lui faisant confiance et les autres ont suivi le message du Prophète sans jamais le voir se fiant à son oeuvre et à celle de ses compagnons et tirant les enseignements du Coran et de la Sunna. Ils se rejoignent tous dans le même sacrifice, le même amour, le même pacte : la fratrie en Dieu. Don ou abandon de soi telle est la voie de l’Islam.

 

Trouver excuse à la jeunesse et lui témoigner nos encouragements malgré les erreurs, les oublis et les fautes des uns et des autres

 

La probité morale et intellectuelle exige de chercher une excuse pour nos jeunes dont il faut reconnaître le talent d’écriture et l’effort de production intellectuelle même si nous ne partageons pas leur vision en l’état actuel des choses. Notre démarche avait un but didactique :  prendre pour prétexte quelques  lacunes et non sens trouvés dans des travaux universitaires pour attirer l’attention sur la vigilance que l’esprit musulman doit avoir pour traiter des problèmes relevant de sa religion et de sa communauté musulmane pour que la lutte idéologique ne le coopte pas et en fasse un clerc au service de la manipulation ou le coupe de sa base populaire qui attend l’émergence d’élites nobles et généreuses portant  en charge les soucis, les désirs et les ambitions d’une communauté qui n’arrive pas à constituer sa conscience de communauté du fait des séquelles de l’émigration, de la colonisation et de l’exclusion. La discrimination positive ne consiste pas à reconnaitre la communauté mais à l’écrémer, en garder ce qui est bon pour la République et rejeter le reste dans le ghetto urbain, culturel et social au nom de Liberté, égalité, fraternité.

Nous avons donc témoigné selon notre style et notre façon d’aimer sans complaisance et sans fard et nous avons tenté d’attirer l’’attention des jeunes universitaires français qui travaillent, animés d’une bonne intention, sur des thèmes islamiques et qui se piègent par le recours a une mauvaise traduction ou a une mauvaise connaissance du Qur’ân. Se piégeant ils dénaturent le sens et induisent d’autres dans l’erreur ou l’égarement. Pour enlever toute équivoque nos  observations aussi acerbes soient-elles ne nous interdisent pas de trouver et reconnaître dans les travaux consultés des mérites et des efforts qui ont malgré toutes leurs imperfections notre estime et nos encouragements.

Dans la défense de l’islam les jeunes se doivent d’apprendre l’Arabe et le faire aimer à leurs enfants. Etre biculturel est une force et cette force se décuple quand elle s’inscrit dans une cause : le devenir de la oumma musulmane.

Il ne faut pas considérer l’apprentissage de la langue Arabe comme un luxe mais comme un fard (obligation) comme le stipule la Fatwa de Cheikh al Islam Ibn Taymiya dans « Se conformer au chemin de la rectitude » :

«  […] Le meilleur chemin est devenir habitué à parler l’arabe afin que les jeunes gens l’apprennent dans leurs maisons et à l’école, afin que le symbole de l’Islam et ses gens prédominent. Cela facilitera l’apprentissage du Coran et de la Sunna pour les gens de l’islam, et les mots des Salafs […]  Sachez qu’être habitué à utiliser une langue a un effet clair et fort sur notre mode de penser, notre comportement et notre engagement religieux. Il a aussi un effet en nous faisant ressembler aux premières générations de cet oummah, les Compagnons et les Taabi’in. Être comme eux améliore notre mode de penser, notre engagement religieux et notre comportement. De plus, la langue arabe elle-même fait partie de l’Islam, et parler l’arabe est un devoir obligatoire. Si c’est un devoir de comprendre le Coran et Sunna, alors ils ne peuvent pas être compris sans parler l’arabe, alors les moyens qui sont exigés afin de réaliser ce devoir devient lui aussi obligatoire […] Omar a ordonné  à Abou Moussa al-Ash’ari : “Apprenez la Sounnah et apprenez l’arabe; apprenez le Coran en arabe car il est en arabe.” D’après un autre hadith rapporté par Omar : “Apprenez l’arabe car cela fait partie de votre Religion, et apprenez comment la propriété du défunt devra être divisée (faraa‘id) car cela fait partie de votre Religion.” […] Cet ordre de ‘ Omar, d’apprendre l’arabe et la  Shari’a combine les choses qui sont exigées pour la Religion qui implique la compréhension des mots et des actions. Comprendre l’arabe est la façon de comprendre les mots de l’Islam, et comprendre la Sunnah est la façon de comprendre les actions d’Islam… »

En attendant l’apprentissage de la langue Arabe nous recommandons au jeune en quête de compréhension du Qur’ân de le lire avec les yeux d’un vivant comme si le livre s’adresse directement à lui et surtout qu’il ne perde pas de vue que ce Livre est la parole d’Allah et à ce titre il faut le lire, le comprendre dans le cadre du Tawhid, le monothéisme pur, parfait et sincère qui exige le Tanzih c’est-à-dire la vigilance pour garder la pureté et l’esprit sain sur tout ce qui touche  à la parole ou aux attributs d’Allah qui ne peuvent être rabaissés ou escamotés ou tronqués : A Allah revient la perfection et l’absolu.

{A Lui appartient tout ce qui est dans les Cieux et la terre, tous L’invoquent. Et c’est Lui qui Commence la Création ensuite la Ramène, et cela Lui est bien plus facile. Et a Lui appartient la Perfection dans les Cieux et la terre, et Il Est l’Invincible, le Sage.} Ar Rum 27

Dans notre article, la guerre contre l’Arabe, nous avons montré la lutte contre l’Arabe comme lutte idéologique pour casser le lien qui unit le Qur’ân à l’Arabe. Pour comprendre le Coran et en faire le canevas objectif et subjectif de nos idées, de nos intentions, de nos actions, de nos ambitions et de nos désirs il faut le lire avec des yeux de vivant comme si nous vivions l’époque et le lieu de sa révélation et comme si en étions le premier destinataire qui en prend connaissance pour la première fois avec crainte et émerveillement. L’indien Al  Mawdudi qui fait partie de cet héritage du siècle dernier qui a formé des générations de militants et de penseurs musulmans nous donne la clé, dans son livre « Comprendre le Coran », pour  entendre, voir , sentir, frémir  et vivre le Coran. Nous en avons publié quelques extraits sur ce site.

 Avec ou sans la maîtrise de la langue Arabe il est utile de rappeler, le rappel est bénéfique pour les croyants,  que la seconde clé pour comprendre le sens du Coran, avec bien entendu une bonne traduction si on est francophone, est la Biographie scientifique du Prophète car la Sunnah est l’incarnation du Qur’ân en la personne de Mohamed (saws) le meilleur homme que la terre à porté.

Nous sommes partis dans un procès contre les dérives mises à profit pour saper un pilier important de l’Islam : Al Hadj. Nous avons la conviction que la lutte idéologique menée contre l’islam cherchera d’autres batailles, d’autres symboles, d’autres piliers à ébranler en ébranlant notre propre lecture du Qur’ân. Pour des raisons de déontologie nous n’avons cité aucun nom, aucun titre d’article, aucune université, aucun étudiant ni professeur mais nous pouvons citer quelques versets de la Sourah al Hadj qui mettrait de l’effroi dans le cœur de tout croyant instrumentalisant l’islam, la communauté,  un pilier ou un rite à sa réussite sociale, politique ou intellectuelle :

 {Tel, parmi les hommes, discute au sujet de Dieu sans détenir la moindre connaissance, et se laisse entraîner par tout démon rebelle} 6

{Tel, parmi les hommes, discute de Dieu sans aucune connaissance, sans direction et sans livre pour éclairer sa lanterne} 8

Mohamed (saws) a dit : « Rien n’est plus pernicieux pour la religion islamique que ces trois choses :

–  Un savant en religion dévergondé,

–  Un gouvernant despotique,

–  Un ignare interprétant le texte Qur’ânique

Ses trois catégories de personnes on les voit en œuvre dans le monde musulman et dans le monde occidental pour saper au nom de la modernité, du berbérisme et du pharaonisme le socle de l’islam : la langue arabe.

Nous trouvons excuse à la jeunesse musulmane francophone  de tronquer le message coranique par ses lacunes sur la langue Arabe. C’est notre amour pour cette jeunesse et le potentiel qu’elle porte que nous avons décidé de sortir de notre réserve et d’avertir. Il ne faut pas se laisser leurrer par les titres, les positions sociales, les publications, la rhétorique et surtout la mise sous les feux de la rampe par la lutte idéologique qui sait occulter ses adversaires et magnifier ses alliés comme le dit le metteur en scène Berthold Brecht « On voit ceux qui sont sous la lumière et on ne voit pas  ceux qui sont dans l’ombre ».

Notre boussole idéique doit être orientée non sur les hommes mais sur la vérité. C’est la vérité qui fait découvrir les hommes et non l’inverse. La vérité dans le Qur’ân nous montre les enjeux et les pièges de la lutte idéologique ainsi que la conduite à tenir pour rester un homme libre maitre de son destin, de ses choix et de ses convictions:

{Prenez garde à Allah et sachez que vous serez tous conduits vers Lui. Il est parmi les hommes celui dont les paroles dans la vie terrestre te plaisent, qui prend Allah en témoin sur ses bonnes intentions, alors qu’il est le pire des ennemis ; et s’il se détourne, il s’évertue de par la terre pour y corrompre, détruire la récolte et le bétail, mais Allah n’Aime pas la corruption. Et si on lui dit : « Crains Allah », il est pris d’orgueil par sa coulpe. Que la Géhenne lui suffise donc, et quelles piètres couches ! Et il est parmi les hommes : celui qui se sacrifie pour l’agrément d’Allah. Allah Est Compatissant pour Ses créatures. O vous qui devîntes croyants, entrez dans la paix en totalité et ne suivez point les pas de Satan. Il est pour vous un ennemi évident.} Al Baqara 203

La vérité émanant du Qur’ân nous appelle à être vigilant avant de donner des titres de vertus ou jeter l’anathème sur autrui : il faut le pratiquer, le comparer, l’examiner dans sa cohérence interne (sa logique de conception et de conviction) et dans sa cohérence externe (la conformité entre le dire et le faire), tenir du crédit de ses sources et de ses motivations ainsi que des forces qui l’animent dans telle ou telle autre direction. Le Qur’ân nous appelle à la vigilance pour ne pas confondre l’ami et l’ennemi, l’allié et l’adversaire dans cette lutte idéologique qui vise à conquérir le monde des idées et des croyances :

{O vous qui êtes devenus  croyants, si vous vous lancez pour la cause d’Allah, discernez bien et ne dites pas à qui vous offre la paix : « Tu n’es pas croyant », aspirant aux vanités de la vie terrestre, alors qu’Allah Possède d’innombrables biens. Ainsi étiez-vous auparavant, mais Allah vous A Gratifiés. Discernez bien.} An Nissa 94

{O vous qui êtes devenus  croyants, si un perverti vous apporte une nouvelle, examinez-la pour que vous ne portiez atteinte à des gens par ignorance, et que vous ne vous repentiez de ce que vous avez fait. Et sachez que le Messager d’Allah est parmi vous. S’il vous obéissait en beaucoup de choses, vous vous en ressentiriez, mais Allah vous A Fait aimer la foi, et l’A Embellie en vos cœurs, et vous A Fait haïr la mécréance, la perversité et la désobéissance. Ceux-là sont ceux qui suivent le droit chemin} Al Hujurat 6

Malgré le matraquage médiatique la France reste relativement un pays de relative liberté. Même si les espaces de manœuvre sont limités il est possible de comparer, de trouver des alternatives. Ce n’est pas le cas dans les pays arabes ou le travail de sape est un travail délibéré orienté contre la personnalité musulmane et celle-ci n’a aucun espace de liberté pour se défendre ou être une force de proposition sans risquer sa vie ou mettre en péril sa subssitance.

 La décolonisation de la langue et des mots est, après le constat culturel de l’indépendance inachevée, plus important que la décolonisation de la terre.

L’instruction, fondée sur le dénigrement ou la caricature de l’islam par les intellectomanes modernistes qui supervisent l’administration et les grands commis de la pédagogie nationale ont produit ce que Malek Bennabi surnomme l’Alpha-bêtisme. Au porteur de haillons de la période coloniale ils  lui ont  ajouté le porteur de lambeaux scientifiques en délabrant le système d’enseignement et en s’attaquant à l’œuvre nationale d’Arabisation. L’intellectomane de Malek Bennabi, l’intellectuel négatif de Bourdieu ou l’intellectuel organique de Gramsci, sous la couverture de leurs diplômes et de leur rang social et politique, leurrent le peuple en devenant eux-mêmes des instruments consentant de la diversion idéologique menée par le colonialisme. Leurs cerveaux ne sont pas élaborés pour produire des idées et de la science utile à la société mais des discours au service de la mal gouvernance. Leur savoir sans conscience en fait d’eux, dans le meilleur des cas des rentiers et au pire des ramasses miettes, des symboles de  la déliquescence morale, de faces brillantes de la fausse monnaie intellectuelle…

Une politique d’alphabétisation et d’arabisation conduite par les analpha-bêtes sans conscience et sans morale politique ne peut que conduire à la ruine de la nation et à l’abêtissement de ses individus qui perdent la compétence adamique de nommer non seulement les idées et les sentiments mais les choses et les lieux. Le parler algérien par exemple n’est ni du berbère ni de l’arabe mais du FLE terme inventé par les pédagogues en France pour « Français langue étrangère ». Pour illustrer le fossé culturel et idéologique entre les pays arabes et le France dans la prise en charge de l’enseignement de la langue nationale nous citons quelques  paragraphes du Livre blanc de la Culture-Langue française :

« La didactique du français langue étrangère (FLE), du français langue seconde ou de scolarisation (FLS) est au cœur du dispositif qui touche à ce domaine de l’enseignement de la langue et de la culture française, tant en France qu’à l’étranger – accueil des migrants, des étrangers ou actualisation des compétences de communication de Français en difficultés – pour soutenir le rayonnement culturel, linguistique et économique de notre pays (…) S’engager dans l’enseignement-apprentissage d’une langue-culture étrangère ou seconde (le français en l’occurrence) implique par conséquent des choix à la fois sociétaux, professionnels et éthiques (…) La valorisation de l’intégration par l’étude des langues-cultures constitue aussi de nos jours un enjeu quant à la participation positive et constructive des populations (migrantes ou non) et de leurs descendants à la vie de la société dans laquelle ils vivent. »

Ce n’est pas le cas des pays arabes qui font des concessions au Français, à l’Anglais et au dialecte au détriment de la langue Arabe. Il leur manque la vision française, par exemple, celle du devoir national de soutenir le rayonnement culturel, linguistique et économique de leur nation. Il leur manque le débat démocratique sur le principe de sens qui donne naissance au développement économique, à l’indépendance politique et au rayonnement culturel…

Ignorant le travail qui produit la liberté, la liberté  qui donne les garanties à la dignité humaine, et l’élégance qui donne respect et admiration mais aussi incitation à écouter son témoignage de foi ils ne peuvent qu’ignorer la signification de la langue et de la parole.

La parole traduit aussi bien l’efficience de l’idée que l’efficacité du travail. Le travail taylorisé ne peut se contenter de mots vagues et de phrases de badinage. L’usine, le laboratoire, le centre de recherche développement, l’amphithéâtre d’université ont besoin de la logique de la pensée et cette logique ne peut naitre que si elle est portée par une logique de la langue. La logique exige qu’il y ait des emprunts mais elle refuse qu’il y ait confusion. Entre l’être et l’agir, tous les deux sous-tendus par la langue, on a tendance à oublier que l’être est l’intériorisation de l’action et l’action extériorisation de l’être et qu’il suffit que la langue qui est à la  fois le lien de communication et le ciment de fédération entre l’intérieur et l’extérieur, soit corrompue ou lacunaire pour que l’être et son action soient déficient dans leur expression et entropique dans leur relation.

Ni la politique ni l’économique ne peuvent se passer de la culture et de son socle linguistique pour créer la tension de l’être, de l’action et de la communication qui produisent et accompagnent l’élan civilisateur d’une société. L’école, l’université, l’administration et l’usine ne peuvent se résumer à n’être que  des lieux de communication d’un alphabet tronqué ou confus mais des temples où la conscience reçoit la parole  et les valeurs véhiculées par cette parole sans interférences d’inculture ou de brigandage sur la langue. L’espace ne devient temple que s’il inscrit la civilisation dans le temps. Il n’y a civilisation que s’il y a au préalable décolonisation des mentalités qui donne à l’homme la conscience du devoir d’inscrire le sens avec les signes de sa langue. Pour nous les signes sont ceux de la langue arabe, langue du Qur’ân.

La décolonisation de la langue et des mots est, après le constat culturel de l’indépendance inachevée, plus important que la décolonisation de la terre. Malek Bennabi a montré le changement de paradigme par le changement des mots et son exemple a toute sa signification ici : « Les mots marquent des positions idéologiques déterminées… Si on les modifie, le changement d’un terme ne marquera pas seulement l’abandon d’une position idéologique qu’il désignait, mais il marquera aussi un changement dans le comportement révolutionnaire lui-même. Quand le combattant cesse de se nommer « El Moudjahid » c’est le comportement du « troufion » qui réapparait, comme dans un régime de tirailleurs »… Une révolution doit maintenir sa rigueur même dans le langage pour garder sa portée rédemptrice sur l’homme. Certaines licences de langage – qui se veulent audaces révolutionnaires – ne sont en fait que des trahisons de la révolution dans son objet essentiel : la transformation de l’homme selon la loi coranique. »

Tous les penseurs musulmans, d’exprimant en arabe, en français, en anglais, en persan, en kurde ou dans une langue d’Asie, sont remplies de  vérité sur la question linguale et son rapport à la personnalité. Tous ils s’inspirent de la vigilance coranique qui met en garde contre le laxisme langagier qui fait naitre des contre sens et des dérives idéologiques, culturelles et civilisationnelles catastrophiques :

{Les nomades affirment : «Nous croyons en Dieu !» Dis-leur : «Vous n’avez pas encore la foi ! Dites plutôt : “Nous nous sommes en apparence soumis”, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos cœurs.} Al-Hujurat – 14.

{Parmi les Juifs, il en est qui altèrent le sens du discours, et disent : «Nous avons entendu et nous refusons d’obéir. Écoute ! Puisses-tu ne rien entendre !» Et ils ajoutent : «Aie des égards pour nous !», en employant le terme équivoque râ`inâ, avec l’intention de dénigrer la religion. Que ne disent-ils plutôt : «Nous avons entendu et nous avons obéi ! Écoute et regarde-nous !» C’eût été préférable pour eux et plus loyal. Mais Allah les a maudits pour leur impiété et pour la tiédeur de leur croyance.} An-Nisaa – 46.

{C’est en raison de leur iniquité et du grand nombre de gens qu’ils ont détournés de la Voie d’Allah que Nous avons interdit aux Juifs l’usage d’excellentes nourritures autrefois autorisées.} An-Nisaa – 160.

 

Lever les équivoques fait partie de l’éthique et de l’esthétique de l’Islam.

L’éthique et l’esthétique de l’Islam que les Maîtres spirituels de l’Islam appellent les règles de Bienséance de l’Ego envers Allah exigent du croyant un cœur qui tangue entre la Taqwa (crainte révérencieuse de Dieu) et l’Espérance qui donne courage de lutter en s’accrochant à la Miséricorde divine qui s’interpose entre l’homme et le désespoir ou l’abandon. Le grand théologien de l’examen de conscience, Al Muhasibi, met l’accent sur la connaissance de Dieu et le respect que celle-ci confère au croyant dans ses pensées comme dans ses actes, le moteur de ce respect est justement la crainte et l’espérance :

« Sache ! ô mon frère que les gens ne sont autant sincères dans leurs œuvres que selon le degré de la connaissance qu’ils ont de Dieu, qu’ils ne sont humbles devant Lui que selon le degré de leur connaissance à Son sujet, qu’ils ne Lui rendent grâce pour Ses bienfaits que selon le degré de leur connaissance à Son sujet, qu’ils craignent et espèrent en Lui qu’en fonction du degré de cette connaissance. Qu’ils ont une bonne opinion de Lui en fonction du degré de cette connaissance, qu’ils endurent Son obéissance, évitent Sa désobéissance et supportent la dissimulation de Son obéissance et les épreuves que leur imposent ses Arrêts en fonction du degré de la connaissance qu’ils ont de Dieu, qu’ils aiment ce qu’Il aime et abhorrent ce qu’Il déteste en fonction de degré de cette connaissance. Dieu s’expose à la déficience dans tout ce que nous avons indiqué selon ce qu’il a raté de cette connaissance et selon ce qu’il en a reçu. Il en va de même de sa part en matière de bien et de mal.

Aussi, cherche ô mon frère cette connaissance auprès de celui qui la possède avec l’attitude de l’humble qui ne la mérite pas si l’on se tient à sa propre valeur. Car les savants n’ont atteint autant de sommets en matière de savoir que grâce à leur sincérité dans la recherche et au fait qu’ils accordent aux choses leurs justes places… »

Comme Al Muhasibi, Ibn Al Qayyim Al Jawziya met en relief l’auto critique (al mouhasabah) qui témoigne de la Taqwa des cœurs (la piété des cœurs) et qui prend racine  dans la crainte (al Khawf) et l’Espérance (ar Raja) lesquelles prennent à leur tour racine dans la Promesse (al Wa’d) et la Menace (al Wa’id). Dans « Le sentier des itinérants » il montre que la station spirituelle de la crainte est la plus bénéfique pour le cœur du croyant en plus qu’elle est la plus obligatoire comme le stipule le verset

{Ne le craignez pas, craignez-Moi si vous êtes croyants} ali ‘imrane 175

Dans toutes nos actions, écrire, travailler, parler ou lutter, nous sommes soumis à cette règle de la crainte de déplaire à Dieu si nous voulons mériter le titre de croyants : Crainte de désobéir, de trahir, d’être déloyal, insouciant, de manquer de vigilance, de perdre le sens …

{Ceux qui, de la crainte de leur Seigneur, sont pénétrés,  qui croient aux versets de leur Seigneur,   qui n’associent rien à leur Seigneur,  qui donnent ce qu’ils donnent, tandis que leurs cœurs sont pleins de crainte [à la pensée] qu’ils doivent retourner à leur Seigneur.  Ceux-là se précipitent vers les bonnes actions et sont les premiers à les accomplir.  Nous n’imposons à personne que selon sa capacité. Et auprès de Nous existe un Livre qui dit la vérité, et ils ne seront pas lésés.} al Mouminoun 57 à 62

Il montre que l’Espérance est une étape spirituelle qui conduit le croyant vers l’amour en lui facilitant le cheminement jusqu’à l’aboutissement final comme le signifie d’ailleurs le verset suivant clôturant la Surah de la Caverne  et donnant sens ultime à toutes les péripéties et actions des récits qu’elle a narré se rapportant aux grands défis de l’homme et de la civilisation que lui posent la foi, la science, la technologie, la bonne gouvernance et la langue :

{Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur, qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration aucun à son Seigneur›.} al Kahf 110

Ibn Al Qayyim montre la différence entre le cœur vaillant mis en mouvement sur le chemin de Dieu et le cœur défaillant mis en inertie par le fatalisme hérité de la conjugaison de la décadence musulmane et de la colonisation occidentale :

« Mais la différence entre l’espérance (al-rajâ’) et le faux espoir (tamannî), c’est que le tamannî s’accompagne de la paresse. Il ne mène pas son auteur sur la voie du sérieux et de l’effort, contrairement à l’espérance qui implique le déploiement de l’effort et de la bonne remise confiante (al-tawakkul). Ainsi, le premier s’apparente à l’état de celui qui souhaite avoir une terre pour la semer et la moissonner, tandis que l’état du second s’apparente à celui qui laboure son terrain, le prépare et l’ensemence avec l’espoir que sa culture va pousser et grandir, Voilà pourquoi les maîtres de la connaissance sont unanimes pour affirmer que l’espérance n’est valable que si elle est accompagnée de l’action.

Il faut savoir que l’itinérant possède deux regards. Par l’un d’eux il voit son âme, ses défauts et les fléaux qui détruisent ses œuvres et se donne une ouverture sur la crainte pour puiser auprès des faveurs de Son Seigneur, de Sa générosité et de Sa libéralité. Par l’autre regard il se donne une ouverture sur l’espérance.

C’est pourquoi on a dit à propos de la définition de l’espérance que c’est la vision de l’ampleur de la miséricorde divine.

Pour sa part Abû ‘Ali al-Rûdhabârî a dit : « L’espérance et la crainte s’apparentent aux deux ailes de l’oiseau. Lorsqu’elles se déploient parfaitement l’oiseau retrouve son équilibre en vol. Lorsque l’une d’elles se déploie imparfaitement son vol s’en ressent. Et lorsqu’elles se détériorent l’oiseau s’expose à sa perte ».

Dans ce cheminement spirituel Ibn al Qayyim montre le chemin celui de la fuite vers Dieu, le même que celui de la partance vers Dieu :

{Fuyez vers Dieu}

Il s’agit de fuir les réprouvés et les fourvoyés décrits dans la Fâtiha (l’Inaugurale du Qur’ân). La fuite n’est pas physique mais spirituelle, mentale, comportementale, idéique pour une partance vers Dieu :

{Je suis partant vers Dieu, Il me guidera certainement}

La partance est résumé dans la Fâtiha par :

{C’est Toi que nous adorons, c’est Toi que nous implorons à notre secours, guide-nous sur la voie de la rectitude}.

La voie de la rectitude, celle de la certitude, qui prend appui sur la crainte d’être parmi les réprouvés et les fourvoyés et l’espérance d’être agréé parmi les Croyants bien guidés, confirme une fois de plus notre refus de traduire « la’alakoum » par « peut être » ou par « ainsi ». Entre la crainte et l’espérance il n’y a pas de place aux dérives spirituelles et praxitiques car il n’y a pas de place, du point de vue linguistique comme du point de vue religieux à l’incertitude dans l’énoncé de l’énonciateur divin ni de certitude dans l’énoncé de l’énonciataire humain il y a un conditionnel : mus à la fois  par la crainte de l’insuffisance de nos œuvres et par l’Espérance en  la miséricorde divine nous pourrions atteindre  la piété du cœur, la réussite dans ce monde et le salut dans l’autre, sinon  aspirer à s’en approcher le plus fidèlement et le plus sincèrement.

{Et redoutez le jour où nulle âme ne suffira en quoi que ce soit à une autre; où l’on n’acceptera d’elle aucune intercession; et où on ne recevra d’elle aucune compensation. Et ils ne seront point secourus.} al Baqara  48

{Et votre Seigneur dit: ‹Appelez-Moi, Je vous répondrai. Ceux qui, par orgueil, se refusent à M’adorer entreront bientòt dans l’Enfer, humiliés›.} Ghafir 60

 

 La clé pour comprendre le Coran : la Taqwah

 

La clé pour comprendre la lecture du Qur’ân dans n’importe quelle langue et agir en se conformant à ses injonctions dans n’importe quel endroit du monde est la Taqwa qu’on traduit par crainte, crainte révérencieuse ou crainte espérante.

Bien entendu le mot Taqwa du Qur’ân nécessite un développement particulier que nous ne ferons pas ici. Il faut juste retenir que ce développement s’inscrit toujours dans le cadre du Monothéisme islamique qui donne sens au contexte, à la phrase et au mot dans l’énoncé Qur’ânique.

La compréhension du monothéisme, qui semble échapper aux stylistes qui brodent sur l’islam des mensonges, est dans la réponse à ce questionnement que les illustres doctes doivent préparer avant que ne survienne le jour inéluctable qui demandera des comptes à leur intellect:

{Ont-ils pris des divinités qui peuvent ressusciter les morts de la terre ?  S’il y avait dans le ciel et la terre des divinités autre qu’Allah, tous deux seraient certes dans le désordre. Gloire, donc à Allah, Seigneur du Trône; Il est au- dessus de ce qu’ils Lui attribuent!  Il n’est pas interrogé sur ce qu’Il fait, mais ce sont eux qui devront rendre compte de leurs actes.  Ont-ils pris des divinités en dehors de Lui? Dis: ‹Apportez votre preuve›.} Al Anbiya (les Prophètes)  21

{Allah ne S’est point attribué d’enfant et il n’existe point de divinité avec Lui; sinon, chaque divinité s’en irait avec ce qu’elle a créé et certaines seraient supérieures aux autres. (Gloire et pureté) à Allah! Il est au dessus de tout ce qu’ils décrivent.} Al Mouminoune (les Croyants) 91

{Qui est le mieux : des Seigneurs éparpillés ou Allah l’Unique} Yusuf 39

Qui est le mieux ? Quelle est la meilleure communauté ? Quelle est la meilleure récitation du Qur’ân ? Quelle est la meilleure traduction du Qur’ân ? Tant de questions et tant de réponses qu’il est impossible d’en faire l’inventaire ici. Nous nous contenterons d’inviter celui qui est en quête de détails, d’arguments plus approfondis et mieux fournis sur la thématique de la traduction du Qur’ân  à tirer profit de ll’esprit scientifique que l’islam a cultivé chez le lecteur et le récitant du Qur’ân :

{Apportez vos preuves si vous êtes véridiques}

Il vient après une série de défis à la raison :

{N’est-ce pas Lui qui a créé les cieux et la terre et qui vous a fait descendre du ciel une eau avec laquelle Nous avons fait pousser des jardins pleins de beauté. Vous n’étiez nullement capables de faire pousser leurs arbres. Y-a-t-il donc une divinité avec Allah? } an naml 60

{N’est-ce pas Lui qui a établi la terre comme lieu de séjour, placé des rivières à travers elle, lui a assigné des montagnes fermes et établi une séparation entre les deux mers, – Y a-t-il donc une divinité avec Allah?} an naml 61

{N’est-ce pas Lui qui répond à l’angoissé quand il L’invoque, et qui enlève le mal, et qui vous fait succéder sur la terre, génération après génération, – Y a-t-il donc une divinité avec Allah?} an naml 62

{N’est-ce pas Lui qui vous guide dans les ténèbres de la terre et de la mer, et qui envoie les vents, comme une bonne annonce précédant Sa grâce. – Y a-t-il donc une divinité avec Allah? } an naml 63

{N’est-ce pas Lui qui commence la création, puis la refait, et qui vous nourrit du ciel et de la terre. Y a-t-il donc une divinité avec Allah? Dis: ‹Apportez votre preuve, si vous êtes véridiques!› } an naml 64

L’argumentation spirituelle, éthique, esthétique, scientifique et linguistique met dos au mur les doxas religieuses et idéologiques dans toutes les langues.

Nous avons répondu à l’interrogation et à l’exclamation sur le Divin « piégé » par la traduction. Cette réponse serait imparfaite et incomplète si nous ne donnions pas la source sur laquelle nous nous appuyons et le mobile qui nous a guidé :

{O vous qui devîntes croyants, ne trahissez point Allah et le Messager et ne trahissez pas ce qu’on vous a confié, tout en le sachant. Et sachez que vos biens et vos enfants ne sont qu’une tentation, et qu’Allah Possède  une immense rémunération. O vous qui devîntes croyants, si vous craignez Allah, Il vous Accordera un Critère, vous Expiera vos mauvaises actions et vous Absoudra. Allah Possède la Munificence immense. Et lorsque ceux qui devinrent mécréants planifiaient contre toi pour t’emprisonner, ou te tuer, ou te chasser. Ils rusent et Allah Planifie, mais Allah Est le Meilleur des Planificateurs.} Al Anfal 27

 

Le Divin « piégé » ?! Partie 1/3

Le Divin « piégé » ?! Partie 2/3

Le Divin « piégé » ?! Partie 2/3

Cohérence de l’Islam

Si nous voulons traiter de l’islam et de ses thèmes il faut donc le traiter dans sa propre cohérence et avec la signification de sa spiritualité et de son système idéique et civilisationnel. Opérer un transfert de concepts et de méthodes de l’Eglise et de la laïcité vers l’Islam est une trahison envers le contenant et le contenu Qur’ânique : l’Arabe et l’Islam.

C’est l’amour de la vérité et le droit à la différence qui nous donnent le devoir de témoigner contre cette trahison volontaire ou inconsciente et d’appeler à plus de vigilance au sein des jeunes qui vivent dans un monde qui n’a plus le temps de lire ou de chercher le sens pris par  le spectacle des produits de  la civilisation matérialiste mis en scène par les spécialistes qui savant manier les signes et les symboles arrivent à manipuler  le public même si ce public est un amphithéâtre universitaire et non pas des  gradins d’un stade de football ou une  salle d’un dancing ou d’un casino.

La différence en Islam atteint un seuil de justice nulle part connu : chaque communauté vivant sous une gouvernance islamique n’a pas le statut de minorité mais de communauté qui a non seulement sa liberté de culte et de croyance mais son droit de recourir à ses propres références culturelles et idéologiques en matière de droit personnel et familial et même en matière de  justice. Un chrétien ou un juif avait le choix entre un juge et des lois musulmans ou de son propre culte. La Chariâa musulmane tant décriée ne s’applique pas d’une manière indifférenciée et forcée sur le musulman et le non musulman. C’était le temps où l’humanité ne connaissait qu’un seul Islam celui enseigné par Mohamed et transmis par ses compagnons qui ne sortaient ni de la Sorbonne ni d’Al Azhar ni d’ Oum al Qora.

Accepter la différence c’est vivre avec l’exigence de justice et d’équité en tenant compte des besoins réels et des possibilités réelles. La véritable égalité est dans le droit à la différence. La véritable sagesse est dans la reconnaissance de cette différence et non d’imposer une égalité indifférenciée qui finit par détruire l’esprit d’émulation, la revendication légitime au mérite et met fin à l’esprit de justice et d’équité. L’être rationnel et dont la rationalité est quantitative commet une injustice quand il  prive l’homme de sa liberté d’être lui-même et le prive de sa sanction personnalisée mais juste (conforme à l’esprit de justesse et à l’esprit de loi) et équitable (la justice appliquée comme elle a été rendue sans oubli, sans dénaturation et avec le même souci d’être impartial mais humain) :

{En vérité, les propos que vous tenez sont pleins de contradictions  et seul un dévoyé se détourne de la Révélation !  Périssent donc les menteurs qui, indifférents à leur sort, se laissent distraire par leurs passions} az Dhariyat 9

Cette différence n’exclue pas le dénominateur commun et sacré entre tous les hommes qu’on retrouve dans l’appel Qur’ânique al Insane ou dans celui de Nafs cette entité globale qui fait de l’être un corps de chair, un esprit, une respiration vitale, une conscience  et une âme et chaque partie a sa nourriture et chaque partie œuvre pour la cohérence et la cohésion du tout inséparable d’aucune de ses parties.  Cette Nafs, par sa foi mais aussi par  son déploiement praxitique de la foi est une conscience individuelle, spirituelle, sociale, politique et morale qui se blâme, qui s’auto critique, qui s’évalue, qui faute, qui se repentit, qui fait effort de s’améliorer, qui doute de soi, qui est prise entre la crainte et l’espérance est une lutte incessante entre le bien et le mal entre la vrai et la faux, entre la détermination et l’irrésolution, entre la constance et la tentation : elle vit le drame humain dans sa splendeur, dans sa grandeur, dans cette vérité qui a fait que Dieu s’exprime par un serment pour montrer le caractère solennel et grave du drame humain qui se joue dans la conscience humaine source de son salut ou de sa perdition :

{Je Jure formellement par le Jour de la Résurrection ! Et Je Jure formellement par la conscience en blâme continuellement !} al Qiyama 1

Cette conscience vigilante, celle du croyant agissant pour le bien, malgré ses souffrances dans sa quête de vérité et sa lutte pour la justice, trouve l’apaisement du juste, du bien guidé dans cette vie et au moment ultime lorsqu’il faut quitter cette vie pour une autre éternelle :

{Et Nous Donnâmes, en fait, à Moïse et à Aaron le Critère comme Lumière et Rappel pour les pieux : ceux qui craignent leur Seigneur en conscience et prennent garde de l’Heure.} al anbiya 48

{O toi, âme tranquille, reviens à ton Seigneur satisfaite d’Allah, et satisfaite par Lui. Entre donc parmi Mes serviteurs (bien-aimés), et entre dans Mon Paradis.} al Fajr 27

En opposition à cette Nafs en Jihad permanent il y a celle des insouciants, des mécréants, des hypocrites, des  fauteurs de troubles, des corrompus et corrupteurs, tous ceux qui ont une conscience sans scrupules, sans foi, sans frein contre les incitations au mal et au mensonge :

{Certes, l’ego insiste sur le mal, sauf celui qu’Allah A Pris en Sa Miséricorde. Certes, mon Seigneur Est Absoluteur, Miséricordieux.} Yussef 53

Ce sont les réprouvés et les fourvoyés de la Fatiha, puisse Dieu nous épargner leur sort, nous éviter leur compagnie et nous purifier de leurs travers.

 Les dérives du rationalisme qui font perdre à la raison toute rationalité, à la conscience toute vigilance et à l’érudit toute crédibilité:

Comment un esprit « rationnel » formaté dans l’idéologique égalitariste peut-il voir l’équité et l’égalité (ou l’inégalité)  entre les sacrifices et les risques du Pèlerin d’un coté et les bienfaits divins de l’autre :

{Appelle les hommes au pèlerinage hajj ! Ils répondront à ton appel, à pied et sur toute monture, venant des contrées les plus éloignées, pour participer aux bienfaits du pèlerinage et invoquer le Nom du Seigneur aux jours fixés, en immolant la bête prise sur le bétail que Dieu leur a accordé. Mangez-en vous-mêmes et donnez-en à manger aux pauvres démunis.} al hadj 28

Quand les musulmans font  du zèle en transformant la vocation du pèlerinage « parcours du combattant » pour la défense de la foi, de l’islam, de la communauté musulmane en  supplices, en arnaques, en mensonges, en négligence, en business…ils perdent les bienfaits et la récompense. Tous à un titre ou à un autre nous sommes redevables du bon accomplissement du Hadj. Dans le passé les véritables serviteurs (servants) des lieux saints étaient les Moutawifs et les Zamzami qui se consacraient au service du pèlerin par amour de Dieu et par respect des traditions abrahamiques et mohammadiennes. Pourtant le Qur’ân, du vivant du Prophète,  ne leur a pas donné un statut égal à ceux qui se consacrent à la cause de la vérité et des droits de l’homme :

{Comment pouvez-vous assimiler celui qui est chargé de distribuer l’eau aux pèlerins ou d’entretenir la Mosquée sacrée à celui qui croit en Dieu, au Jugement dernier et qui combat pour la Cause de Dieu? Non, ils ne sont pas égaux devant Dieu, et Dieu ne guide point les injustes.} At-Tauba – 19.

Aujourd’hui tout est devenu rentabilité, productivité, gain, bénéfices sous  la domination de la  culture moderne  capitalise qui favorise l’émergence de courtiers, de rentiers, de traders de voyagistes attirés par le gain facile et la naïveté des pèlerins souvent vieux et ignorants des rites.

Sur ce terrain les associations musulmanes, les représentants de l’état, les imams méritent un procès verbal de carence et d’incompétence. Sur le plan de la pensée politique et économique nous sommes en réalité, même si nous admettons l’opportunité et la pertinence des termes de théomarketing et d’économie de dévotion, loin des problèmes essentiels que les véreux ne peuvent cacher en l’occurrence les ravages de l’économie mondiale dans les esprits du musulman qui est amené sur l’autel du monothéisme du marché à renier sa foi et ses valeurs par l’adoption d’un modèle consumériste et financier fondé sur le Riba et l’exploitation de l’homme. On ne peut poursuivre un but aussi noble soit-il si on se trompe de priorité et de cibles en tentant de redresser l’ombre au lieu de l’arbre tordu.

Les trois représentations  les plus connues en France, la GMP, le CFCM ET l’UOIF portent la responsabilité la plus importante. Nous en portons une partie moindre certes car nous n’avons ni mandat ni représentativité mais en vertu du fard kifaya la défaillance des uns engage la responsabilité des autres. Dans l’islam la communauté en aucun moment de son existence et des ses circonstances ne peut être dégagée de ses responsabilités car sa vitalité, sa considération, sa promotion, son déploiement, sa survie même dépendent de sa vigilance et de sa compétence à assumer ses responsabilités. Par cette contribution nous participons au débat et nous invitons chaque musulman et chaque être libre et conscient d’y souscrire pour la dignité de l’homme, pour la promotion de la vérité, pour donner sens à la parole…

Notre défaillance, nos problèmes hérités de la décadence de la civilisation musulmane et de la colonisation ne peuvent nous faire oublier que la raison éclairée ne peut construire un argumentaire fallacieux sous prétexte qu’une agence de voyage ou un guide mal intentionné a arnaqué de vieux pèlerins. Il est honteux sur le plan intellectuel de confondre intentionnellement le contrat entre le pèlerin et le voyagiste ou le guide et le contrat avec Dieu. Il est honteux pour un intellectuel de profiter de ces défaillances pour étaler notre misère que nul n’ignore et oublier l’essentiel : la défaillance de l’état français qui laisse les musulmans français ou résidents sur son sol vivre comme des citoyens bannis des lieux de la loi et livré aux trafiquants de tout genre dans le marché du hallal et dans l’accomplissement des rites du Hadj et de la Omra.

Ce sont les conditions sociologiques et l’amalgame entretenu qui font que l’esprit rationnel du mécréant perfide et la foi raisonnée du croyant  sincère se trouve face à la même énigme devant l’organisation et le déroulement du pèlerinage chaque année mais avec des mobiles opposés : «  sacrifices de quelques jours éphémères en échange du Paradis  eternel ?»

On veut nous faire croire que notre religion est aussi une utopie spirituelle dont la réalité n’est que magouilles et intérêts sordides. Dans la lutte idéologique contre l’islam rien n’est gratuit. Il s’agit sans doute de faire  perdre aux piliers de l’islam leur crédibilité en s’appuyant un peu sur la  dérive de certains de nos coreligionnaires et beaucoup plus sur la  dérive sémantique et le matraquage idéologique des écrivaillons sur l’islam. Les démagogues de l’islam ont tout fait pour présenter Mohamed comme un miracle impossible à réaliser. Un passé fabuleux, certes, mais un passé dépassé qu’il faut surmonter en s’ancrant dans la modernité et l’Occident. Les musulmans francisés pris dans les limites de la connaissance de leur propre langue et de la langue française qui n’est pas leur langue maternelle tombent dans le piège de la raison et de la traduction qui devient arme idéologique de subversion contre la foi. A titre d’exemple : l’appel Qur’ânique qui fait frémir les cœurs et jaillir des perles de pluie des yeux éveillés YA ÂYOUHA LAZINA ÂMAOU est traduit par « O vous qui  avez cru ». Des islamologues académiciens et des grammairiens avertis utilisent le passé composé sachant que dans la langue française, si riche et si complexe, le passé composé exprime une action ponctuelle qui s’est déroulée et achevée dans le passé laissant ainsi sous entendre que  cette croyance est passagère, consommée dans le temps et le lieu du bédouin arabe. L’islam serait une illumination volatile dans le désert d’Arabie comme l’est la mémoire d’un poisson rouge dans un bocal.

Dans la langue coranique le passé ou Madhi est un accompli qui peut continuer à s’accomplir,  ce n’est pas un passé révolu comme le passé simple ou le passé composé de la langue française. La posture cognitive de l’accomplissement et celle du révolu ne peuvent se représenter le monde de la même manière du fait de leur culture différente laquelle culture repose sur des syntaxes et des langues différentes. Quand l’islam dit que le hokm Allah est madhi fina celà ne veut pas dire qu’il est passé mais qu’il est immuable de l’aube à la nuit des temps.

Le dernier bastion de la foi musulmane, ne faisant pas de distinguo entre le temporel et le spirituel, serait  tombé avec la chute du Khalifat Ottoman et le partage du monde musulman par les accords de Sykes-Picot : l’islam dans l’imaginaire du colonialisme ne devrait se conjuguer qu’au passé composé et au passé simple, une finitude consommée dans le temps et l’espace sans présent ni devenir. Dans l’esprit du colonisé qui fréquente l’école de la République on lui assène le passé composé et le passé simple  comme une réclusion historique dont il ne devrait pas sortir. La foi comme le Message Mohammadien sont implicitement enracinés dans notre imaginaire, dans notre reflexe langagier et idéique comme phénomène  passager comme on aurait dit vulgairement « O tu as cru ceci et cela … sans suite, sans vocation, sans continuité… » L’islam et le Coran seraient donc des  événements  comme la Bible et la Thora  déroulés à un moment du passé, qui peut ne pas être précisé ni connu précisément. Ce qui est faux ! Le but du jeu est de créer une falsification imaginaire en jouant sur l’impact de la langue dans notre perception des événements, des idées et des choses. La langue n’est pas neutre, elle est message ou témoignage : un parti pris.

Traduire cet appel Qur’ânique par

{ O vous qui êtes devenus croyants}

Nous sommes dans le passé  non historique mais narratif et ontologique. La narration nous informe qu’un événement durable a eu lieu au passé et que cet événement est essentiel dans la trame narrative ou dans le canevas historique. Il va être déterminant pour la suite des événements. Il s’inscrit dans un devenir, dans un projet… Sur le plan ontologique le passédans la langue arabe signifie que la foi est achevée et non dépassée. Elle est achevée, il n’y a plus de doute ni confusion. D’ailleurs le Qur’an signifie cet achèvement de la foi comme un parachèvement et dans l’histoire du monothéisme il y aura pour l’individu un avant la foi et un après la foi et pour l’histoire de l’humanité il y  au  un avant  et il y aura un après pour  l’islam et pour le processus prophétique; il y a eu  un avant Mohamed (saws) et il y aura  un après Mohamed (saws) :

{Aujourd’hui, ceux qui devinrent mécréants ont désespéré de votre religion, ne les craignez donc plus et craignez Moi. Aujourd’hui, J’Ai Parachevé pour vous votre religion, J’Ai Parfait ma Grâce envers vous, et J’Ai Agréé pour vous l’Islam comme religion.} Al Maidah 3

Dans la langue arabe le verbe croire ou avoir la foi est conjugué dans le Màdhi (passé) pour signifier que l’action ou l’événement est antérieur non au présent  des convertis  mais à la narration sur leur conversion pour devenir phénomène historique s’inscrivant dans la conituité du temps hors du lieu et du moment des sujets incarnés en ce moment et en ce lieu. Les compagnons du Prophète deviennent ainsi des modèles c’est à dire des schémas de conduite et de pensée reproductibles en tout lieu et tout moment dans le monde en reproduisant leur motivation, la posture  du Prophète (saws) qui les a mis en mouvement et le discours du Coran qui les a réveillés et les a guidés. Il n’y a pas signification une fois de plus de finitude mais d’antériorité qui réconforte l’idée que Dieu est savant d’une part et qu’il confirme la conversion à l’islam introduisant ainsi la joie, la sérénité et l’espérance dans le cœur des croyants appelés à jouer un rôle majeur dans l’histoire de l’humanité. Le doute n’est plus permis sur la foi des convertis à l’islam. Le même passé va être utilisé pour les Mécréants et les hypocrites signifiant qu’il n’y a plus de doute sur leur mauvaise foi par l’attestation solennel d’Allah l’Omniscient.

Par ailleurs la formule « O vous qui êtes devenus croyants » introduit le verbe devenir pour confirmer la transition historique et ontologique du croyant entre un passé achevé mais non révolu et un avenir où la question fondamentale n’est plus croire mais agir animé par la foi, agir pour la foi ce que Roger Raja Garaudy nomme « qu’as-tu fait pour ta foi et qu’a fait de toi ta foi ? ». Donc il y a mise en exergue de l’option résolu du croyant transformé par la foi en devenir, en projet c’est-à-dire une idée prenant racine dans le passé et se projetant dans le présent et l’avenir à la fois comme mémoire, attention et attente ou espérance. Le temps de l’insouciance et de la marginalisation dans l’histoire  est révolu c’est l’ère des croyants résolus à témoigner de leur foi et de la transformation de leur être par cette foi dans la vie sociale, culturelle, spirituelle, artistique, politique… La foi comme œuvre civilisatrice. L’être est en devenir ainsi que sa foi et le cadre d’expression de sa foi : le social, le politique, l’idéologique, le culturel, le scientifique et la civilisation. Après l’affirmation de l’appartenance au monothéisme il faut passer à une seconde étape celle de l’implication pour le monothéisme dans le devenir de soi et de l’humanité par le témoignage (Chahada) de ce qu’on fait de sa vie, de son temps, de son argent, de son intelligence, de son pouvoir…

Par le passé de la conjugaison arabe  on crée aussi une liaison avec l’humanité achevée avec ses Prophètes et leurs disciples et une continuité avec  les générations à venir liées par le même pacte de foi transcendant les frontières du temps et de l’espace et ce   depuis Adam  jusqu’au retour de Jésus comme le fait la sourah al Baqara du début à la fin et la sourate AT Tawbah à titre d’illustration :

{Ce Livre-là, sans aucun doute, est une Direction infaillible pour les pieux, ceux qui croient en l’Occulte, accomplissent la prière et dépensent de ce que Nous leur Avons Octroyé, et ceux qui croient en ce qui t’as été Révélé, en ce qui a été Révélé avant toi, et qui croient  foncièrement en la vie Future. Ceux-là sont sous une Direction infaillible de leur Seigneur, et ceux-là sont ceux qui cultivent.} al baqarah 2

{Le Messager eut foi en ce qui lui a été Révélé par son Seigneur, ainsi que les croyants. Chacun devint croyant en Allah, en ses Anges, en ses Livres et en ses Messagers : Nous ne faisons de distinction entre aucun de ses Messagers. Et ils dirent : « Nous avons écouté et nous avons obéi. Ton Absolution, Notre Seigneur, c’est vers Toi le Devenir ».} al Baqarah 284

{Les prédécesseurs, les tout premiers parmi les Mouhajirines et les Ançars, et ceux qui les ont suivi au mieux, Allah est satisfait d’eux et ils sont satisfaits de Lui. Il leur a préparé des Paradis sous lesquels coulent les fleuves. Ils s’y éterniseront à jamais. Cela est le triomphe grandiose.} At Tawbah 100

On introduit ainsi le sens de la continuité visée par le Qur’ân. On introduit la quête, l’aboutissement et la sanction de cette quête dans un devenir de lutte pour la foi, pour la vérité, pour le témoignage sans discontinuité, sans relâche, sans autre alternative que continuer à croire en Dieu, Son Messager Mohamed et Son Livre. La phonétique arabe prend tout son sens dans ce Âmanou, le « ou » prolongé final signifiant la continuité dans le temps et non un simple  constat dépassé. Nous sommes mis en face à nos responsabilités de croyant : durabilité ou réversibilité.  Pour Dieu, Allah al Hay le Vivant, la règle est de faire vivre la foi dans le cœur, dans l’esprit, dans la langue et dans l’être social pour revivre dans l’éternité dans la gloire et le bonheur :

{Dieu ne saurait laisser les croyants dans l’état difficile où vous vous trouvez que le temps de distinguer le bon du mauvais, de même qu’Il ne saurait vous dévoiler l’Occulte. Mais Il choisit, à cet effet, parmi Ses messagers qui Il veut. Ayez donc foi en Dieu et en Ses prophètes, car si vous croyez en Dieu et si vous Le craignez, une généreuse récompense vous sera attribuée.} Al-i’Imran – 179.

La durabilité de la foi dans l’appel Qur’ânique – que les spécialistes tronquent et déforment- vise aussi à mettre en exergue l’aspiration naturelle de l’âme qui entend comme souvenir, comme rappel le divin qu’elle porte en elle comme Souffle de vie et qui pousse l’être humain à se libérer de son animalité et des contingences du temps et du lieu pour s’inscrire dans une aspiration psycho spirituelle : être en devenir de perfection, en quête de la récompense divine, en quête du salut, en quête du meilleur rang  le plus élevé au Paradis :

{Hâtez-vous de mériter l’absolution de votre Seigneur et un Paradis aussi vaste que les Cieux et la Terre, destiné à ceux qui craignent Dieu} Al-i’Imran – 133.

{Voilà ceux qui, en récompense de leur endurance, occuperont les lieux les plus élevés du Paradis, et y seront accueillis par des vœux de salut et de paix.} Al-Furqan – .75.

Ce devenir promu est occulté par l’amalgame des détracteurs de l’islam mais aussi par les partisans de la lettre qui ont tout fait pour donner au culte et au Fiqh (jurisprudence islamique) plus d’importance que la lutte du musulman pour le savoir, la liberté, la dignité humaine et la foi sincère. En mettant l’accent sur la morale et la loi ils ont oublié l’essentiel de l’islam : la conscience des  responsabilités qui découlent de la foi et l’amour de Dieu qui donnent à la morale une justification, une conduite, un pathos. Dans la décadence des uns et l’expansionnisme raciste des autres  le colonisable rencontre le colonisateur dans la même supercherie et les mêmes dérives qui dénaturent le sens et briment les vocations. Le terme Fiqh – qui signifie compréhension du verbe faqiha comprendre et tafaqaha faire effort de comprendre – est galvaudé dans les traductions qui en font jurisprudence islamique et dans la routine mimétique  du musulman qui en fait une doctrine ou des écoles doctrinaire focalisés sur le rite. Et pourtant le Qur’ân qui le référent vise autre chose de plus complexe et de plus vital pour la communauté : comprendre pour être guidé vers ce qui est sensé,  pour témoigner de la vérité et s’acquitter de sa mission de libérateur, d’édificateur, de civilisateur :

C’est l’invocation de Moise qui résume la trame :

{Il dit : « Mon Seigneur, Épanouis mon cœur, facilite ma mission, et délie une défectuosité de ma langue, afin qu’ils comprennent ce que je dis, et Donne-moi un assistant de ma famille, Aaron mon frère, pour me donner courage, et Fais-le participer à ma Mission, afin que nous T’exaltions beaucoup, et que nous T’invoquions beaucoup} TAHA 24 à 34

C’est le sens du hadith :

« Le meilleur d’entre vous dans la Jahiliya (le paganisme ante islamique) est le meilleur d’entre vous dans l’Islam s’il fait l’effort de comprendre sa religion »

L’évidence simple et concise. C’est la même évidence pour la Shari’a qu’on a déformée en ahkam (lois islamiques, code pénal) alors que les lois ne représentent qu’une infime partie du Qur’ân qui est lui-même dans son intégralité Shari’a dans sa signification arabe de « Minhaj » la Méthode, la Voie ou la Direction à suivre dans son intégralité :

{Ensuite, Nous t’Avons Mis sur une voie claire en ce qui concerne la constitution de la Religion. Suis-la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas.} Al Jatiya  18

{Et Nous te Révélâmes le Livre en vérité, corroborant ce qui le précéda du Livre, et le contrôlant. Juge donc entre eux d’après ce qu’Allah A Révélé. Ne suis pas leurs passions au lieu de ce que tu as reçu de la Vérité. A chacun d’entre vous Nous Fîmes une Loi et une Méthode. Si Allah le Voulait, Il vous Aurait Fait une seule communauté, mais c’est pour vous éprouver en ce qu’Il vous A Donné. Concourez donc en œuvres de bienfaisance.} Al-Maidah  48

Comme le dit hegel « On entend l’arbre qui tombe mais on ne voit pas la forêt qui pousse », on agrandit les peines et on crie contre la Shari’a sans voir la Miséricorde, la sagesse et la vérité qui enveloppe tout le texte Qur’ânique comme une symphonie d’espérance qui prend son essor et sa voix à chaque page lue et comprise chantant les Louanges du Seigneur des mondes et appelant les hommes à témoigner de leur humanité, de leur islamité qui leur donne dignité dans ce monde et salut dans l’autre.

Mêmes les intellectuels musulmans, les plus brillants, se laissent détourner de leur vocation de témoigner pour se laisser entraîner dans un débat secondaire sur les lois de l’Islam oubliant que ces lois n’ont pour l’instant ni territoire ni tribune et que la priorité n’est pas de prononcer des moratoires contre la lapidation, la polygamie  ou le voile mais de conduire la renaissance musulmane et  la défendre contre les prédateurs. La priorité est de faire reprendre conscience aux musulmans leur devoir de Vicaire de Dieu et de Soumis à Dieu : mission et soumission sont indissociables pour former la conscience. La morale est le contenant. Le monothéisme est le contenu. La priorité est au contenu de la vocation du musulman. L’islam est vivant dans le cœur des musulmans, la tâche est de le faire sortir des cœurs pour le placer dans la cité des hommes pour témoigner de son efficacité et de son universalité à soulager l’humanité souffrante et en panne de projet de vie.

Après les premières fascinations devant le  Hadj et devant l’ampleur du phénomène des jeunes qui effectuent le pèlerinage pour compléter leur religion et non comme des vieux retraités qui vont laver leurs os,   l’Occident a compris ce que nous n’avons toujours pas compris : la force de fédération internationale des musulmans lors de ce congrès annuel des musulmans qui se regroupent transcendant sans les nier ou les indifférencier toutes les différences ethniques, géographiques, linguistiques, sociales, sexuelles, générationnelles pour proclamer la grandeur d’Allah, pour témoigner de l’Unicité de la Oumma islamique, pour accomplir un pilier de l’islam qui est le dernier pilier de l’islam qui couronne l’appartenance à l’islam et non une corvée ou un accessoire de l’islam. L’Occident avait compris ce phénomène lors de la colonisation et il avait mis ses espions, ses orientalistes, ses experts de la guerre psychologique pour encadrer, profaner et détourner les saintes pérégrinations des indigènes qui pourraient devenir porteur d’un projet fédérateur de résistance comme l’ont été ceux qui les ont précédé dans les mouvements insurrectionnels et qui tous portaient le titre de Hadj comme symbole de purification de toute souillure y compris celle de la colonisation. La situation, aujourd’hui,  est plus névralgique car il ne s’agit pas de vieux os mais de jeunes cerveaux qui vont accomplir le pèlerinage comme pilier porteur de l’islam.

Il faut lire la seule Sourah qui porte le nom d’un pilier porteur de l’islam en l’occurrence Al Hadj pour comprendre la portée de ce pilier  dans le Djihad an nafs et le Djihad contre l’ennemi : Satan dans ses version de Djinn et d’Ins. Nous les musulmans nous ne voyons que la partie visible en l’occurrence le rite. L’esprit occidental cartésien, rationnel et efficace voit la portée du pèlerinage, son influence, sa dynamique sociale et politique. Il a ses officines qui lui traduisent les commentaires de la Sourah al Hadj où il est question de monothéisme et de Jihad, de résurrection et du devoir de témoignage :

{Soyez exclusivement acquis à la religion d’Allah ne Lui associez rien; car quiconque associe à Allah, c’est comme s’il tombait du haut du ciel et que les oiseaux le happaient, ou que le vent le précipitait dans un abîme très profond.  Voilà ce qui est prescrit. Et quiconque exalte les injonctions sacrées d’Allah, s’inspire en effet de la piété des cœurs.} al hadj 31

{Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués de se défendre – parce que vraiment ils sont lésés; et Allah est certes Capable de les secourir –  ceux qui ont été expulsés de leurs demeures, – contre toute justice, simplement parce qu’ils disaient: ‹Allah est notre Seigneur›. – Si Allah ne repoussait pas les gens les uns par les autres, les ermitages seraient démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom d’Allah est beaucoup invoqué. Allah soutient, certes, ceux qui soutiennent (Sa Religion). Allah est assurément Fort et Puissant,  ceux qui, si Nous leur donnons la puissance sur terre, accomplissent la Salat, acquittent la Zakat, ordonnent le convenable et interdisent le blâmable. Cependant, l’issue finale de toute chose appartient à Allah. } al hadj 39

{Ceux à qui le savoir a été donné sachent que (le Qur’ân) est en effet, la Vérité venant de ton Seigneur, qu’ils y croient alors, et que leurs cœurs s’y soumettent en toute humilité. Allah guide certes vers le droit chemin ceux qui croient.} al hadj 54

{Ô vous qui croyez! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Pour cultiver!   Et luttez pour Allah avec tout l’effort qu’Il mérite. C’est Lui qui vous a élus; et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion, celle de votre père Abraham, lequel vous a déjà nommés ‹Musulmans› avant (ce Livre) et dans ce (Livre), afin que le Messager soit témoin contre vous, et que vous soyez vous-mêmes témoins contre les gens. Accomplissez donc la Salat, acquittez la Zakat et attachez-vous fortement à Allah. C’est Lui votre Maître. Et quel Excellent Maître! Et quel Excellent soutien! } al hadj 77

Décryptant nos signes, nos symboles, nos textes et nos références ils anticipent pour nous livrer à toutes les sauces de leur propre signification pour créer écran entre nous et le principe de sens. La colère qui nous anime ici n’est pas contre le procédé qui est légitime pour eux puisque nous sommes perçus comme un danger potentiel, des infidèles, des insoumis mais contre le liant de la sauce qui la rend attrayante et digeste : notre propre chair (jaldatina). Elle est plus liant mais aussi  ingrédient et servitude aux ordres de son maitre par inconscience, par incompétence ou par concupiscence.

Que ceux qui opèrent des transferts « républicanisés » ou latinisés  pour dénigrer un pilier de l’islam, semer la confusion ou spéculer sur ce qu’ils ignorent pour fabriquer des produits intellectuels musulmans politiquement corrects comme pour nous même qui tentons de comprendre et de réagir il y a urgence à méditer cette sentence qui donne le frisson et l’envie de ne plus dire du  mal gratuitement ou d’instrumentaliser l’islam à des fins personnelles ou partisanes : « Quelle terre me portera et quel ciel me protègera si je ne  fais qu’exprimer mon opinion personnelle dans interprétation du Qur’ân ? »

 Quelle interprétation donner au verset sous entendu par les détracteurs des rites musulmans et en particulier du Hadj assimilé à une économie de la dévotion ou à un tourisme cultuel du pèlerinage

Quand Allah dit :

{Certes, Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis.)

L’énonciation qui parle d’achat, de vente et d’échange est de l’ordre de l’allégorique pour rendre l’énoncé accessible et attirant a l’âme et a la conscience. Même si la suite des versets donne l’impression qu’il y ait une transaction d’égal a égal il ne peut y avoir entre Dieu et l’homme dans leur essence, leurs attributs, leur offre et leur demande ni égalité ni inégalité ni différences mais incomparabilité totale. L’allégorie est la pour rendre l’incomparable (donc l’inaccessible, l’invisible,  et l’indicible) facilement imaginable et compréhensible :

{Certes, Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier Allah: ils tuent, et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’ill a prise sur Lui-même dans la Thora, l’Evangile et le Qur’ân. Et qui est plus fidele qu’Allah a son engagement? Réjouissez-vous donc de l’echange (vente) que vous avez fait: Et c’est la le très grand succès. Ils sont ceux qui se repentent, qui adorent, qui louent, qui parcourent la terre (ou qui jeûnent), qui s’inclinent, qui se prosternent, qui commandent le convenable et interdisent le blâmable et qui observent les lois Allah. Et fais bonne annonce aux croyants. } at thawba 111

C’est sous la même perspective qu’il faut lire les versets suivants :

{Parmi Ses dévoués, seuls les savants craignent Allah. Allah est, certes, Puissant et Pardonneur. Ceux qui récitent le Livre Allah, accomplissent la Salat, et dépensent, en secret et en public de ce que Nous leur avons attribué, espèrent ainsi faire un commerce qui ne périra jamais. Afin qu’Allah les récompense pleinement et leur ajoute Sa grâce.} Fatir 28

{O vous qui avez cru! Vous indiquerai-je un commerce qui vous sauvera d’un châtiment douloureux? Vous croyez en Allah et en Son messager et vous combattez avec vos biens et vos personnes dans le chemin Allah, et cela vous est bien meilleur, si vous saviez! Il vous pardonnera vos péchés et vous fera entrer dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, et dans des demeures agréables dans les jardins d’Eden? Voila l’énorme succès et il vous accordera d’autres choses encore que vous aimez bien: un secours venant Allah et une victoire prochaine. Et annonce la bonne nouvelle aux croyants.} As-Saff 10

Il y a incomparabilité entre les cocontractants en leurs qualités respectives d’être divin et d’être humain. Même si nous prenons au sens littéral l’échange celui-ci demeure inégale et cette inégalité est tellement grande qu’elle devient incomparable, non mesurable. Quelle est la valeur de la vraie vie éternelle dans le bonheur ? Inestimable ! Quelle est la valeur de notre dévotion, de nos sacrifices, de nos souffrances éphémères face à l’étendue d’un Paradis eternel aussi vaste que les cieux et la terre avec des délices incomparables en beauté, en goût, en innovation  à ceux connus sur terre ? Quelle est la signification de la transaction quand Celui qui propose la transaction incomparable est le créateur de l’homme partenaire de la transaction, de ses œuvres objet de la transaction et du Paradis  récompense de la transaction ? La miséricorde divine ! Quel est notre part dans cette transaction ? Un infiniment petit de patience dans le malheur et de gratitude dans le bonheur sur cette terre qui ne vaut pas l’aile d’un moustique ou d’un moucheron comparativement à la valeur de la vraie vie. Mathématiquement parlant notre part est équivalent au rapport d’une valeur par rapport à l’infini c’est-à-dire zéro ce qui ne signifie pas rien ou le vide absolu mais le pas de valeur.

Dans la question de l’échange égal ou inégal avec Dieu nous ne devons jamais perdre de vue l’humilité et la crainte révérencieuse que nous devons avoir dès qu’il s’agit de Dieu. II est incomparable et son incomparabilité même dans les attributs divins qu’il a fait connaitre dépasse notre entendement car nous proclamons Allah Akbar : Dieu est le plus grand dans toutes nos conceptions, nos imaginations et nos rapports à Sa Beauté, a Sa Perfection, a Sa Puissance, a Sa Science, a Sa miséricorde. Allah est plus grand que tout ce que nous pouvons imaginer, il est au dessus de toute comparaison, il est comme le dit l’imam Ali créateur du lieu et du temps sans être soumis lui-même aux notions de temps et de lieux sur lesquels nous construisons notre jugement et notre système de comparaison et d’évaluation.

C’est sa Miséricorde qui nous fait entrer au Paradis, ce ne sont pas nos œuvres. Nos œuvres ne sont rien en égard aux bienfaits de la vision des formes et des couleurs du Paradis, de l’amour du bien aimé, de l’intelligence libérée de toute forme de bridage, des sens nouveaux pour apprécier l’odeur, la vision, le  gout des saveurs et de ce qui est impossible a recenser car il relève encore du Ghayb auquel nous croyons. Nos oeuvres les plus ferventes et les plus sincères, dans une vie aussi courte que la notre et dans laquelle nous passons plus de 90% de notre temps a s’occuper de nos affaires mondaines, sont insignifiantes par rapport aux délices du Paradis eternel.

Le Paradis lui même n’est rien devant la rencontre de Dieu et la vie en  sa proximité sans voile : amour sur amour, beauté sur beauté dans une dialectique inédite dont parle Ibn Arabi : «  L’amour éperdu de beauté et la beauté inspirant un amour plus grand et elle-même sublimée par l’amour pour être plus embellie : et ceci à l’infini, sans se rassasier ». Parler d’échange égal ou  inégal c’est faire preuve de manquement d’égard a Celui qui nous a créés et ne pas comprendre la vocation et la mission pour laquelle nous avons été existenciés.

{Ils n’ont pas estimé Allah comme Il devrait l’être alors qu’au Jour de la Resurrection, Il fera de la terre entière une poignée, et les cieux seront pliés dans sa main droite. Gloire a Lui! Il est au-dessus de ce qu’ils Lui associent.) Az-Zumar 67

Il est au dessus de tout : Il est incomparable ! Par conséquent, le libre arbitre de croire ou de ne pas croire, de dire ou de ne pas dire, de faire ou de ne pas faire a des limites. Ces limites découlent du rapport entre le Créateur et le créé, entre l’ordonnateur et l’ordonné, entre l’Adore et l’adorateur, entre le Sanctionneur et le sanctionné, entre le Bienfaiteur et le nécessiteux… Pour l’islam la parole est divine, sacrée, responsable, sensée et pertinente :

{O vous qui devîntes croyants, craignez Allah et dites de vraies paroles pertinentes, Il vous Amendera vos œuvres et vous Absoudra vos péchés. Et quiconque obéi à Allah et à Son Messager, il a gagné un vrai immense gain.} al ahzab 70

{O vous qui devîntes croyants : si vous faites triompher la Cause d’Allah, Il vous Fera triompher et Affermira vos pas.} Mohamed 7

Vouloir se situer a tout prix d’égalité entre le sacré et le profane, le temporel et le spirituel, le mondain et l’au delà, l’homme et Dieu est du non sens. Il n’y a pas d’égalité entre le Bienfaiteur généreux et les pauvres que nous sommes  mais incitation à  faire de bonnes œuvres pour s’inspirer des attributs divins :

{Et obéissez à Allah et au Messager afin qu’il vous soit fait miséricorde! Et concourez au pardon de votre Seigneur, et a un Jardin (paradis) large comme les cieux et la terre} ali imrane, 132

{Aucun être ne sait ce qu’on a réservé pour eux comme réjouissance pour les yeux, en récompense de ce qu’ils œuvraient!} As-Sajda 17

 

L’Arabe est le référent linguistique pour interpréter le Coran

Pour étudier le Coran ou le Hadith les grands savants musulmans – qui ont laissé l’empreinte de leur savoir jusqu’à nos jours – même s’ils n’étaient pas d’origine arabe apprenaient l’Arabe et en maitrisait la syntaxe, la grammaire, le style et le lexique. Ce fut le cas du plus grand grammairien arabe Sibaweyh d’origine persane et Buhkhari l’un des plus grands spécialistes des hadiths d’origine du Khorasan en extrême orient de l’Iran. Nos vénérables savants confirmant la règle mohammadienne : « est Arabe celui qui parle l’Arabe ».

En effet le sens se corrompt quand le référent linguistique fait défaut. En voulant rendre justice aux efforts faits et en cherchant où se trouve la faille du dérapage nous avons trouvé, entre autres, le problème de la traduction des versets Qur’âniques et en particulier celui du terme  « laâalakoum » par «peut-être » qui fait dire a certains que la relation entre d’homme et Dieu est inégalitaire pour ne pas dire arbitraire voire inique. Nous pouvons croire sans exercice de culte, sans épreuves, sans destin sans obligations oubliant que Dieu peut se passer de nous et Il n’a pas besoin ni de nos rites ni de notre dévotion. Le rite et la dévotion sont un lien (religare) pour garder le contact avec Dieu et pour nourrir l’âme de nourritures spirituelles. Sans nourritures l’âme s’épuise et seule l’animalité du corps répond aux impulsions de la moelle épinière et aux tempêtes de l’esprit. C’est dans cet esprit que Jésus a dit dans le sermon sur le Montagne « Bienheureux sont les faibles d’esprit ». L’esprit, spiritus, ici est la tempête dans le crane, le vent de folie de la pensée et cette idolâtrie de l’idée et du moi pensant qui croit savoir mieux que Dieu ce qui convient ou ne convient pas à l’homme, qui « pense comprendre » les Desseins de Dieu sans lire le Qur’ân. Ce paganisme intellectuel est proscrit par l’Islam monothéiste.

Aucun Prophète n’a invité à faire le culte des sots et des niais mais à cultiver la sagesse cet esprit qui sait  apprendre à donner à chaque chose sa juste place, à chaque être son juste rang et à chaque événement sa juste priorité. L’esprit de justesse s’apparente à l’esprit de sens sans se confondre avec lui. A Dieu lui revient le rang et la place qu’Il s’est donné Lui et non ce que nous imaginons en confondant la mythologie grecque, les influences des Saintes Ecritures falisifiées  et le Qur’ân. Même sa Sainteté le Pape, intellectuel de premier plan, s’est laissé piégé dans une lecture qui présente les musulmans comme des croyants irrationnels, sans raison,  devant ce qu’il ne nomme pas mais qu’il sous entend en l’’occurrence « l’arbitraire » de l’Absolu du Dieu des musulmans.

Un dialogue débile, que sépare une décade mouvementée entre son déroulement, en 1390, et sa rédaction aux toutes dernières années du XIVe siècle, comme dit Théodore Khawam à l’introduction du livre. Bien plus, « Manuel affirme en effet qu’il va citer les paroles des uns et des autres aussi fidèlement que sa mémoire le lui permettra » (p. 27). Aveu qui supprime toute crédibilité à ce texte. Rédiger un dialogue aussi long, de mémoire, sur un sujet aussi crucial, et opposé, avec « des interprètes qui n’entendaient pas le grec, qui n’étaient pas de bons théologiens ou des personnes compétentes en matières religieuses » (p. 118), et Manuel Paléologue ignorant leur langue, refusant de reconnaître l’authenticité de la Mission de Mohammad, et l’interlocuteur parlant arabe, on ne peut qu’affirmer : c’est un texte de prosélytisme pour sauver la chrétienté de Byzance.

C’est bien dommage que sa Sainteté, malgré une érudition académique applaudie, ait recourt à un texte qui relève plutôt de la contrefaçon, pour mener sa guerre contre l’Islam. La probité intellectuelle et le devoir religieux dans leur volonté d’apporter la détraction à l’islam auraient été bien inspirés par la raison dont se réclame le professeur émérite de démontrer la fausseté du message Qur’ânique avec des arguments historiques et religieux lorsque ce message fait le procès des Rabbins et docteurs chrétiens de la foi au lieu de recourir à l’amalgame facile. L’intelligence, la rationalité, l’historicité qui permettent de faire intrusion dans le champ sémantique islamique pour le dénigrer auraient du inspirer les négateurs à chercher comme le dit Jésus lui-même la poutre qui est dans leur œil au lieu de chercher la paille qui est dans l’œil du voisin. Ce voisin vous dit sans détours répondez à ces accusations que les musulmans « colportent » et apportez vos justifications :

{Et tu verras beaucoup d’entre eux se précipiter vers le péché et l’iniquité, et manger des gains illicites. Comme est donc mauvais ce qu’ils œuvrent! Pourquoi les rabbins et les docteurs (de la Loi religieuse) ne les empêchent-ils pas de tenir des propos mensongers et de manger des gains illicites? Que leurs actions sont donc mauvaises!} Al-Maidah – 62.

{Ils ont élevé au rang de divinités en dehors de Dieu leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Messie, fils de Marie, alors qu’ils avaient reçu ordre de n’adorer que Dieu l’Unique} At-Tauba – 9.31

Pouvons nous croire un instant, sans blasphémer, que Dieu Omniscient, Omnipotent, Justice et Vérité  puisse s’exprimer comme un philosophe sceptique, un cynique ou un  désabusé créant le doute et la confusion dans l’’esprit du croyant ? C’est ce doute entretenu par des traductions fausses qui dénaturent le sens de certains versets et entrainent certains a parler d’échange inéquitable, sous entendant arbitraire. Par exemple le verset 9 de la Sourah al Al-Jumuâa est traduit dans certaines versions françaises du Qur’ân ainsi :

{O vous qui avez cru! Quand on appelle a la Salat du jour du Vendredi, accourez à l’invocation Allah et laissez tout négoce. Cela est Bien meilleur pour vous, si vous saviez ! Puis quand la Salat est achevée, dispersez-vous sur la terre, et recherchez quelque faveur de la grâce d’Allah, et invoquez beaucoup Allah peut-étre réussirez vous (laaalakoum thouflihoune)} 62, 9

Avant d’apporter de la lumière sur la subtilité de ce verset et de tant d’autres il nous faut une fois de plus confirmer la règle fondamentale : l’incomparabilité de Dieu et non l’égalité ou l’inégalité dans le rapport Dieu homme englobe son être, ses attributs, sa création, son verbe et sa parole

{Il n’y a rien qui Lui ressemble} As Choura 11

C’est toujours avec l’esprit de ce verset qu’il faut lire le Qur’ân et appréhender ses allégories, ses paraboles et ses signes. Il faut donc lire le Qur’ân convenablement et ne pas se contenter de n’importe quelle traduction quitte a se faire assister par un musulman arabophone qui connait l’exégèse Qur’ânique ou qui sait consulter les ouvrages des exégètes musulmans pour donner aux versets le sens le plus proche dans la langue française. La langue arabe est une des langues les plus vielles de l’humanité et c’est le Qur’ân qui lui a donné sa syntaxe moderne. L’Arabe utilise la syntaxe générale avec très peu d’exceptions et de dérogations comme la langue française mais Dieu n’est pas contraint à cette restriction car Il est  créateur de la lettre, de son signe, de son signifiant, de sa sémantique, de son lexique et de sa syntaxe. Ce n’est pas de l’arbitraire mais le prodige de la Révélation Qur’ânique d’être aussi riche, accessible au commun des mortels et un défi pour l’expert scientifique et le grammairien.  En révélant le Qur’ân dans une dualité exceptionnelle contenu riche transcendant le temps et l’espace et  forme figée immuable il pose un défi linguistique, grammatical, symbolique, allégorique, sémantique à toutes les générations pratiquant l’arabe avec l’excellence du lettré savant :

{C’est Lui qui t’a révélé le Livre contenant des versets à la fois clairs et précis, qui en constituent la base même, ainsi que d’autres versets susceptibles d’être différemment interprétés. Et c’est à ces derniers versets que les sceptiques, avides de discorde, prêtent des interprétations tendancieuses, alors que nul autre que Dieu n’en connaît la signification exacte. Quant aux vrais initiés, ils se contentent de dire : «Nous croyons en ce Livre, car tout ce qu’il renferme vient de notre Seigneur.» Ainsi, seuls sont enclins à méditer ceux qui sont doués d’intelligence.} Al-imran 7.

{Et si vous êtes dans le doute au sujet de ce que Nous avons révélé à Notre Serviteur, essayez donc de composer une seule Sourah semblable à une Sourah du Qur’ân, et faites venir les témoins que vous vous êtes donnés en dehors de Dieu, si vous êtes véridiques.} Al-Baqara 23.

{S’ils disent : «C’est cet homme qui l’a inventé», réponds-leur : «Composez donc une seule Sourah semblable à celles de ce Livre, et faites-vous aider, pour ce faire, de qui vous voudrez, en dehors de Dieu, si vous détenez réellement la Vérité !»} Yunus 38.

Dieu, gloire et pureté à Lui est Vérité et sa parole est la vérité que ni le mensonge ni la falsification ne peuvent corrompre Il ne peut donc sur le plan logique prononcer une parole qui sème le doute dans le cœur du croyant ou porter à confusion par le potentiel d’incertitude qu’elle contient. Le « laâalakoum thouflihoune » ne peut sur le plan logique et stylistique être traduit pas peut être réussirez-vous. Le lire et l’accepter ainsi c’est faire de tous les versets qui parlent de crainte révérencieuse c’est-à-dire de la quintessence du Qur’ân en l’occurrence la Thaqwa de putatif, incertain, inaccessible et arbitraire par l’incertitude soulevée car tous les versets relatifs à la Thaqwa s’énonce par le «laâalakoum thathaqoune. La thaqwa est le signe de la progression de la foi vers davantage de certitude et de sérénité.

Pour les grammairiens arabes  le « laâalakoum touflihoun » ou le « laâalakoum thathaqoun » doivent être traduit par « Afin que vous obtenez la réussite » et « afin que vous obtenez la piété ».

Tout l’arbitraire supposé dans ces versets et dans les autres disparait et la théorie de l’échange égal ou inégal disparaît. Nous serions face à un troc direct : donnant donnant. En vérité il n’y a pas de donnant donnant mais d’option. La langue française si riche avec son conditionnel et son subjonctif exprimant des futurs hypothétiques n’a pas la compétence à exprimer l’optionnel comme le fait le Coran. C’est avec un regard sur l’option et l’alternative que le Coran propose aux croyants et aux futurs croyants qu’il faut lire le verset coranique qui semble un conditionnel ou une proposition avec un adverbe introduisant en apparence le doute :

{Et invoquez beaucoup Allah ainsi vous réussirez (laáalakoum thouflihoune)} 62, 9

Dieu ne peut donc être un énonciateur « putatif » entretenant le doute dans le cœur et l’esprit d’un énonciataire confus qui serait conduit à être mené à craindre  un Dieu inique, arbitraire et imprévisible au lieu d’aimer un Dieu  Miséricordieux (Rahim) et Aimant (Wadoud).

La langue Qur’ânique est la langue arabe dans sa forme la plus raffinée et la plus subtile et la plus évocatrice de sens en s’adressant à l’homme sous toutes ses facettes ontologiques, cognitives, affectives, spirituelles, sociales, temporelles et spatiales. Elle n’est pas la langue du désert de l’Arabie et du bédouin arabe mais la langue du renoncement de l’homme aux idoles et fantasmes qui peuplent ses mondanités, ses illusions et ses rapport tant avec Dieu qu’avec l’humanité

Faudrait-il pour autant accepter le sens obligatoire de certitude pour l’homme qui reçoit l’énoncé divin. La richesse, la subtilité du Qur’ân est de parvenir dans un énoncé bref à toucher la fibre de l’énonciataire pour cela il faut comme pour tout style narratif travailler sur l’énoncé et l’énonciation c’est-à-dire toutes les conditions de la communication de l’énoncé. L’homme recevant l’énoncé Qur’ânique peut être réceptif, rebelle, méritant ou déméritant et dans cette situation d’incertitude de la condition de l’énonciataire qui n’échappe pas à Dieu bien avant que le lecteur du Qur’ân ne soit existencié. Dieu sait avec certitude et sa Parole est certitude mais l’homme qui reçoit le message ne peut recevoir, par l’exigence de l’épreuve à accomplir au préalable,  le résultat avant l’accomplissement de l’épreuve. Traduire  donc le verset par :

{Et invoquez beaucoup Allah ainsi vous réussirez (laáalakoum thouflihoune)} 62, 9

Est sémantiquement faux car la décision finale appartient à Dieu. Il nous appartient dans tout ce que nous entreprenons, sans aucun intermédiaire, d’être sincère dans nos intentions mais si nous pouvons nous prononcer sur la  validité formelle de nos intentions et de nos actions nous ne pouvons nous prononcer sur leur validité et leur agrément par Dieu. Que faire pour avoir une bonne traduction qui reflète le sens subtil. Cherchons dans le Qur’ân quelques pistes remarquables par leur évidence. Il n’ y a pas de meilleure évidence que la proximité des Prophètes :

{Et pendant qu’Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Ka`ba, ils disaient : «Seigneur ! Daigne accepter de nous cet ouvrage ! Tu es l’Audient, Tu es l’Omniscient !} Al-Baqara 127.

{La femme d’Imran dit un jour : «Seigneur ! Je Te voue en toute exclusivité l’enfant que je porte en mon sein (Marie) ! Daigne, Seigneur, l’accepter! Tu es, en vérité, Celui qui entend tout, qui sait tout.»} Al-i’Imran 35.

L’exemple le plus édifiant est celui de Salomon, roi prophète et doué de savoir et de pouvoir, qui se trouve dans l’incapacité à exprimer sa reconnaissance à Allah pour les faveurs dont Il l’a comblé et qui sollicite Allah de lui inspirer l’évocation qui sied à la grandeur d’Allah et à Sa qualité de donnateur sans laquelle nous ne serions ni capable de nous exprimer ni d’agir ni d’être reconnaissant et de prétendre à accéder au Paradis :

 وَقَالَ رَبِّ أَوْزِعْنِيۤ أَنْ أَشْكُرَ نِعْمَتَكَ ٱلَّتِيۤ أَنْعَمْتَ عَلَيَّ وَعَلَىٰ وَالِدَيَّ وَأَنْ أَعْمَلَ صَالِحاً تَرْضَاهُ وَأَدْخِلْنِي بِرَحْمَتِكَ فِي عِبَادِكَ ٱلصَّالِحِينَ

{… il dit : « Mon Seigneur, Aide-moi à être reconnaissant de la Grâce dont tu m’As Gratifié, moi et mes père et mère, et à ce que je fasse œuvre méritoire que Tu Agrées, et Fais-moi entrer, par Ta Miséricorde, parmi Tes serviteurs vertueux ».} An Naml 17

Le Qouboul ou l’acceptation est une prérogative divine et non humaine c’est ce que le Prophète Choaib a proclamé comme  vérité qui relève du Thawhid dans sa compréhension la plus saine : tout doit revenir à Dieu :

{Je ne veux que la réforme dans la limite de mes capacités et ma réussite ne dépend que de Dieu}

C’est cet esprit monothéiste qui fait défaut dans beaucoup de traduction du Qur’ân et qui laisse un chercheur perplexe entre la certitude et l’incertitude, entre la justice et l’arbitraire, entre l’égalité et l’incomparabilité de ses déductions et de ses implications non seulement spirituelles mais aussi intellectuelles, politiques, sociales, culturelles et ontologiques.

Entre la certitude de la vérité divine comme énonciateur de la vérité et l’incertitude de l’accomplissement de l’épreuve par l’énonciataire il y a l’énonciation et dans le Qur’ân elle est la culture du musulman qui tangue entre le Raja (l’espérance dans la miséricorde de Dieu) et  Al Khawf min al Jalil (la crainte de Dieu), entre le Tharghib (la bonne nouvelle) et le tharhib   (l’avertissement).

Si les Prophètes par amour et respect de Dieu cherchent son consentement, son contentement et son acceptation de leur dévotion, de leurs œuvres, de leur vie et de leur mort que dire du simple mortel qui passe sa vie entre le péché et l’insouciance et quelque fois le repentir. Dieu répond au commun par ce verset magistral :

{Ne vous attribuez pas des titres de vertu}.

En clair nous ne pouvons ni préjuger de l’acceptation de nos œuvres ni de celles des autres comme nous ne pouvons jeter l’anathème sur autrui nous considérant supérieur ou ayant fait quelque chose d’exceptionnel qui nous met au dessus des autres et qui rend Dieu obligé envers nous : Il serait redevable envers notre  dévotion au lieu que ce soit nous qui lui sommes redevables de notre existence, de nos dons et de sa Miséricorde. Cette redevance rend une fois de plus l’échange entre Dieu et l’homme incomparable même s’il y a des Hadiths qui disent que Dieu a des devoirs envers l’homme et l’homme a des devoirs envers Dieu. Leur lecture est symbolique et non littérale.

Laâalakoum dans la parole de Dieu s’il n’est pas « un peut être » il n’est pas une « certitude » mais une invitation à l’espérance et à la crainte pour agir en ascension spirituelle car telle est d’une part la vocation de notre vie sur terre et d’autre part la Justice divine qui ne peut pratiquer l’indifférenciation en donnant accès au Paradis d’une manière égalitariste sans tenir compte des mérites :

{Ceux des croyants qui restent tranquillement chez eux, sans y être astreints par une incapacité  quelconque, ne peuvent être considérés comme égaux aux croyants qui, dans le combat qu’ils mènent au service de Dieu, s’exposent aux dangers corps et biens. Aussi Dieu tient-Il en plus grande estime ceux qui Lui sacrifient leurs biens et leurs personnes. Et bien que les promesses divines s’étendent aux uns et aux autres, un rang infiniment supérieur est réservé  aux combattants, ainsi qu’une récompense sans limite.} An-Nisaa 95.

{Ceux qui ont cru, qui ont émigré et qui ont combattu au service de Dieu, par leurs biens et leurs personnes, ceux-là occuperont auprès de Lui un très haut rang, et ce sont ceux-là  qui seront les victorieux.} At-Tauba 20.

{Ô  vous qui croyez ! Lorsqu’on vous dit : «Faites place aux autres dans les assemblées !», faites-le, Dieu vous mettra à l’aise au Paradis ! Et lorsqu’on vous dit : «Levez-vous !», faites-le, Dieu élèvera de plusieurs rangs ceux d’entre vous qui ont la foi et qui ont reçu la science. Dieu est parfaitement Informé de ce que vous faites.} Al-Mujadila 11

{A chacun le rang qui correspond à son œuvre (action)}

Dans ce dernier verset la graduation est vers le haut (le paradis) et vers le bas (l’Enfer) en vertu du principe de justice divine infaillible, équitable et impartiale.

Quand on a compris l’énonciation on comprend le sens du hadith prophétique :

« Quelle belle situation que celle du musulman, s’il lui arrive un bien et rends grâce à Dieu (Louanges) c’est un bienfait pour lui, et s’il lui arrive un malheur et endure avec patience c’est un bienfait pour lui »

Le malheur est pour l’ingrat, le rebelle, le transgresseur, le négateur des bienfaits et celui qui incrimine Dieu de ce que lui-même s’est occasionné à lui et à autrui comme torts et préjudices.

Dans le langage occidental il y a sans doute Nietzche qui a approché cette réalité : « Sortir du désespoir le plus profond l’espoir le plus indicible » par le surpassement de soi, par l’action sur son environnement sans se soumettre à la fatalité et au fait accompli.

Si dans la langue arabe classique le laâala signifie « peut-être », dans le Qur’ân il signifie éprouver en même temps ou en fonction de la situation l’espérance, la crainte ou les deux en même temps. Nous sommes en présence d’un état spirituel particulier : l’abandon avec confiance aux mains de Dieu tout en agissant pour mériter son amour, sa miséricorde et son repentir pour gagner son salut final.  Comment le traduire en langue française ?

Toute l’expérience du Pèlerinage se résume à cette équation : la validation de l’examen. Pour le savoir c’est simple il faut se voir agissant, réfléchissant et méditant dans les nouvelles épreuves car rien n’est acquis définitivement ni irréversible mais tout est en devenir.

Le miracle Qur’ânique en sa qualité de défi littéraire et grammaticale  pour les arabes maitrisant la langue arabe doit inciter les francophones à ne pas prendre pour argent comptant n’importe quelle traduction.  Surtout lorsqu’on apprend que « sous l’influence de Rome, et du Pape, Pierre le Vénérable, à la faveur d’un voyage en Espagne entre 1141 et 1143, conçut l’idée de faire traduire en latin, par Robert de Rétines, assisté de moines de l’ordre de Cîteaux, le livre révéré des Sarazins ; l’initiative procédait à la fois de l’esprit de croisade, comme le prouve la lettre que Pierre le Vénérable adressa à saint Bernard avec une copie de la traduction effectuée, et d’autre part du besoin d’effacer de l’esprit de convertis musulmans, tout vestige de leur fois première » (Régis Blachère, Le Qur’ân, p. 9).

Sur ce terme Sarrazin qui a été  collé à la peau des musulmans durant les Croisades comme une gale contagieuse il est intéressant de noter  qu’il est antérieur aux Croisades. Des recherches étymologiques occidentales semblent converger vers l’Evêque Isidore de Séville (570- 636) dans son traité  Étymologies qui aurait dit parlant des arabes ou des musulmans « Les Sarrasins ainsi nommés soit parce qu’ils se prétendent descendants de Sara, soit, au dire des païens, parce qu’ils sont d’origine syrienne. Ils habitent un très vaste désert. On les appelle Ismaélites parce qu’ils sont issus d’Ismaël. Ou encore Cedar du nom d’un fils d’Ismaël. Ou encore Agaréniens d’après Agar. On les appelle à tort Sarrasins parce qu’ils se vantent de descendre de Sara. »

C’est confus mais ça explique la confusion du terme Sarrazin : Sarracenus (pluriel: Sarraceni). Sarra pour Sarah et Cene pour peuple ou fils. Confusion étymologique et historique et par conséquent erreur de traduction puisque les Arabes descendants d’Ismaël sont fils de Hagar (Hajar) et non de Sarah et aucun Arabe ou Musulman lettré ou illettré n’a prétendu le contraire s’il connait un tant soit peu la biographie  du Prophète Mohamed (saws). C’est toujours cet esprit gréco romain et judéo chrétien de suffisance qui méprise les autres et viole leur identité pour les bannir sur des préjugés de race. Ce sont ces préjugés qui ont donné justification morale aux Croisades, au colonialisme. La référence de ses errements se trouve  dans  la Genèse Livre 21 qui a le mérite de ne pas confondre Sarah et Hajar :

« L’Éternel se souvint de ce qu’il avait dit à Sara, et l’Éternel accomplit pour Sara ce qu’il avait promis. Sara devint enceinte, et elle enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé. Abraham donna le nom d’Isaac au fils qui lui était né, que Sara lui avait enfanté [ …] Sara vit rire le fils qu’Agar, l’Égyptienne, avait enfanté à Abraham ; et elle dit à Abraham : Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n’héritera pas avec mon fils, avec Isaac. Cette parole déplut fort aux yeux d’Abraham, à cause de son fils. Mais Dieu dit à Abraham : Que cela ne déplaise pas à tes yeux, à cause de l’enfant et de ta servante. Accorde à Sara tout ce qu’elle te demandera ; car c’est d’Isaac que sortira une postérité qui te sera propre. »

Nous sommes dans une spirale de traduction de l’araméen au grec, du grec au latin et du latin au français en passant par une série de copies et de traductions les unes différentes des autres dans le style et le contenu. Le Coran dans son unique version en langue arabe non seulement  les met en défi d’apporter une preuve authentique mais dévoile leur racisme et leur sectarisme :

{Les Juifs et les Nazaréens ont dit : « Nous sommes les fils d’Allah et Ses bien-aimés » ! Dis : « Pourquoi alors vous Châtie-t-Il en raison de vos péchés ? » Bien au contraire, vous êtes des êtres humains de parmi ceux qu’Il A créés.} Al Maida 18

{Les Juifs ont dit : « ‘Uzayr est fils d’Allah », et les Nazaréens ont dit : « Le Messie est fils d’Allah ». Ce sont leurs paroles de leurs propres bouches. Ils imitent les dires de ceux qui devinrent mécréants auparavant. Qu’Allah les Combatte où qu’ils louvoient !  Ils ont pris leurs savants, leurs moines, et le Messie fils de Marie comme Seigneurs, à l’exception d’Allah, alors qu’il ne leur a été ordonné que d’adorer un Dieu Unique.} at Tawba 30

{O gens du Livre, pourquoi disputez-vous d’Abraham alors que la Torah et l’Évangile ne furent Révélés qu’après lui : Ne raisonnez-vous donc pas!} Al ‘Imrane  65

 

Le défi de la rationalité est renvoyé aux accusateurs :

{Et ils dirent : « Soyez juifs ou nazaréens, vous serez guidés ». Dis : « Bien au contraire : la confession d’Abraham, pur monothéiste, et qui ne fut point du nombre des polythéistes ». Dites : « Nous devînmes croyants en Allah, en ce qui nous a été Révélé, et en ce qui a été Révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été Révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été Révélé aux Prophètes par leur Seigneur. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ».} al Baqarah 135

Le jour où ils assumeront leurs contradictions avec le monothéisme ils reconnaitront Mohamed (saws) comme l’Ultime Prophète et à ce moment là les préjugés sauteront les uns après les autres dans une fratrie universelle qui interdira la volonté de bannissement du musulman dans sa colonie ou dans banlieue. Aucun interprète ne viendra fausser la loi générale de l’harmonie à laquelle le Qur’ân convie :

{Dis : « O gens du Livre, venez-en à une parole normative entre nous et vous : de n’adorer qu’Allah, de ne rien Lui associer, et que nous ne nous prenions point les uns les autres pour Seigneurs à l’exclusion d’Allah ». Et s’ils s’en détournent, alors dites : « Témoignez que nous sommes musulmans ».} Al ‘Imrane  65

Omar Mazri et Zeineb Abdelaziz

Le Divin « piégé » ?! Partie 1/3

Le Divin « piégé » ?! Partie 3/3

Le Divin « piégé » ?! Partie 1/3

Depuis la colonisation jusqu’à aujourd’hui, ce qu’on appelle « l’islam français » tente incessamment de se manifester  en se cherchant une légitimité, une vocation, une stratégie, une audience.  Comme la République des Césars a récupéré puis instrumentalisé le message de Jésus la République tente de récupérer et d’instrumentaliser l’islam originel. L’œuvre n’est pas inédite, elle se manifestait déjà à la Renaissance en latinisant le nom des savants musulmans pour éradiquer la source arabe et islamique  quand il était impossible d’occulter purement et simplement leur existence faisant abstraction de mille ans d’apports scientifiques et civilisationnels de l’Orient musulman promouvant sa modernité à l’Occident judéo chrétien enfoncé dans son obscurantisme médiéval et à l’Occident gréco romain englouti dans ses mythologies . O tempora, o mores !

Nourris à l’école Mohammadienne nous avons foi en la parole divine :

{Vous attendez-vous donc à ce qu’ils vous croient, alors qu’un groupe d’entre eux : ils entendaient les paroles d’Allah puis les falsifiaient après les avoir raisonnées, en le sachant ?} al Baqra 79

Cette foi nous oblige, tout particulièrement  dans cette période du Pèlerinage à pointer du doigt quelques problèmes récurrents dont il faudrait un jour ou l’autre s’en débarrasser avant d’aller à l’essentiel de notre vocation.

  1. Emergence programmée des islams contre l’Islam
  2. La manipulation des concepts et le détournement des idées par le maniement de la langue : une voie de sape  parmi tant d’autres
  3. Nos responsabilités
  4. L’influence de la pensée cléricale et laïque dans les thèses sur l’Islam et dans la vision de l’homme dans le monde
  5. Les dérives du rationalisme qui font perdre à la raison toute rationalité, à la conscience toute vigilance et à l’érudit toute crédibilité
  6. Quelle interprétation donner au verset sous entendu par les détracteurs des rites musulmans et en particulier du Hadj assimilé à une économie de la dévotion ou à un tourisme cultuel
  7. L’Arabe est le référent linguistique pour interpréter le Qur’ân
  8. « Il faut savoir provoquer le scandale pour ne pas devenir sa proie ».
  9. Trouver excuse à la jeunesse et lui témoigner nos encouragements malgré les erreurs et les fautes
  10. La décolonisation de la langue et des mots est, après le constat culturel de l’indépendance inachevée, plus important que la décolonisation de la terre.
  11. Lever les équivoques fait partie de l’éthique et de l’esthétique de l’Islam.

 

Emergence programmée des islams contre l’Islam

Ainsi on assiste à l’émergence d’un islam  progressiste, d’un islam libéral voire un islam laïc comme si l’islam ne peut exister en France qu’avec les attributs historiques de la République française et non avec ses propres valeurs, ses propres attributs et ses propres références Qur’âniques et mohammadiennes : Din al Qayyim ou la religion de la rectitude,   Fitra d’Allah ou religion naturelle et conscience innée de Dieu qui met fin au débat sur la transcendance et l’immanence. Les musulmans n’ont ni à craindre ces débats stériles ni les calomnies qui les sous-tendent :

{Quelle injustice plus flagrante que celle que commet celui qui tisse des mensonges sur Dieu au moment même où il est convié à l’islam? Dieu ne guide point les êtres iniques qui veulent éteindre la lumière de Dieu par leurs calomnies, mais Dieu parachèvera Sa lumière, dussent les infidèles en souffrir ! C’est Lui qui a envoyé Son Prophète pour tracer la voie à suivre et prêcher la vraie religion qu’Il élèvera au-dessus de toute autre croyance, dussent les idolâtres en souffrir !} As-Saff 7

{Ne les craignez plus ! Mais craignez-Moi ! Aujourd’hui, J’ai amené votre religion à son point de perfection, Je vous ai accordé Ma grâce tout entière et J’ai agréé l’islam pour vous comme religion !} al maida 3

On assiste également à l’émergence d’un islam lyrico mystique qui  cherche un rapprochement avec  le «mysticisme » chrétien et  la mode bouddhiste de plus en vogue dans un monde occidental de plus en plus  face à la prophétie de Malraux : « Le nouveau millénaire sera spirituel ou ne sera pas ».  L’islam s’il n’est pas vu comme une spiritualité suffisante  par ignorance et préjugés est surtout perçu  comme un potentiel de Jihad qu’il faut anesthésier par crainte de perdre les Colonies. L’expérience des Croisades qui ont mis l’Occident judéo chrétien  monolâtrie païenne   en contact violent avec l’Orient musulman monothéiste reste une cicatrice béante qui ne peut se fermer que par la négation de l’islam et des musulmans.  Le musulman ne doit pas perdre de vue cette vérité :

{Tu ne seras agréé ni des juifs ni des chrétiens que lorsque tu auras suivi leur confession. Dis : «Il n’est d’autre voie de la vérité que Celle de Dieu !» Cependant, si par hasard tu accédais à leurs désirs, après la science que tu as reçue, tu te trouverais devant Dieu sans défense ni secours.} Al-Baqara – 120.

L’effort de « bouddhisation »  est bien réel, il est aussi réel que la « sionisation » de certains intellectuels et politiciens du monde arabe et musulman. Pour les musulmans sionisant il faut lire leurs écrits dans la presse et voir leurs interventions sur les médias ou mieux encore se rendre sur le site des Affaires Etrangères de l’occupant sioniste pour voir s’afficher le nom des bons arabes et des bons musulmans « amis » d’Israël. L’islam « bouddhiste » se contente de revendiquer une pure spiritualité sans obligation de rites, sans conformités aux normes religieuses, sans Jihad, sans politique, sans communauté de foi autre que la confrérie maraboutique… Une errance vers le Nirvana.

La France  a depuis longtemps joué un rang de premier plan dans la formation des élites musulmanes de langue française, une sorte de faculté franco musulmane où il est question d’islamologie, d’orientalisme à destination, aujourd’hui,  non plus des missionnaires, des évangélistes et des  idéologues colonisateurs, colonisables ou colonisés mais des  français allogènes d’extraction musulmane et des  indigènes en voyage d’études islamiques comme si le cœur de l’islam n’est plus la Mecque et sa périphérie culturelle et spirituelle :  le Caire, Damas, Bagdad et Téhéran mais Paris.

Il s’agit de favoriser la division et l’incohérence dans les rangs musulmans déjà fragilisés par une décadence ni assumée ni surmontée d’une part et d’une colonisation dont la libération n’est pas encore achevée d’autre part. Dans cet effort de « diviser pour régner » il est normal de voir l’apparition d’absurdité langagière telle que : islam français, musulmans non pratiquants, islam démocratique, islam égyptien, islam algérien, islam iranien. Il y a autant d’islam que d’enjeux géo stratégiques ou de manœuvres tactiques sur une carte du monde qui échappe à notre regard de musulmans confinés dans les débats stériles sur la barbe, le nikab et la longueur du pantalon.

Ceci est normal dans l’histoire des religions et des civilisations. Du vivant de Mohamed (saws) et  de ses successeurs qualifiés pour leur bonne gouvernance ( Khoulafa rachidiyoun) il fallait combattre les idoles, l’obscurantisme des lettrés arabes, la falsification des docteurs en lois juives et chrétiennes et l’apparition des faux prophètes. Il est donc normal que dans leur continuité nous dénoncions les dérives sectaires de certains musulmans  et la lutte idéologique menée par les officines sous couvert du culturel, du cultuel et de la science qui prennent comme fer de lance des musulmans suffisamment naïfs ou foncièrement véreux.

Ce qui n’est pas normal c’est  de voir des entités se réclamant de l’islam se faire ou l’écho de ce beau monde   ou le silence total sous prétexte de véhiculer le véritable message de l’islam et de combattre par exemple le wahhabisme en France sans se donner la peine de lire les écrits de l’imam Abdelawab et  de comprendre ses motivations et les défis de son temps : le néo  paganisme de l’Arabie déjà en proie aux appétits des empires colonialistes. Sous prétexte de lutter contre le Wahhâbisme on fait l’impasse sur la récupération politicienne des rois et princes saoudiens de sa vie et de son œuvre pour cacher leur vassalité à l’Amérique et on change de vocabulaire dans la lutte menée contre ce qu’on appelle les « fondamentalistes » musulmans. Bien entendu on accrédite la thèse d’un autre islam : l’islam saoudien.

Cultivant l’esprit tribal et despotique des actuelles élites arabes et musulmanes les spécialistes de la lutte idéologique nous rendent stériles en cultivant en nous la rivalité entre ces islams qui prennent racine tant en Occident qu’en Orient nous rendant non seulement vulnérables mais en contradiction avec la foi et la parole du Qur’ân :

{O vous qui devîntes croyants, inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur et faites le bien, afin que vous cultiviez. Et luttez pour Allah comme il se doit de lutter pour Lui. Il vous A Élus et ne vous Imposa nulle gêne en religion, la confession de votre père Abraham. C’est Lui qui vous A déjà Nommés musulmans, auparavant, et dans ceci (le Qur’ān) : afin que le Messager soit témoin sur vous et que vous soyez témoins sur les hommes. Accomplissez donc la prière, acquittez-vous de la Zakāt, attachez-vous à Allah, Il Est votre Protecteur, le meilleur Protecteur et le meilleur Partisan.} al Hajj 77

Cette contradiction, qui nous fait fuir l’attribut de musulman vers d’autres attributs, n’est pas une invention du colonialisme mais une faille dans notre système de pensée qui croit qu’en changeant les mots nous allions changer  la tragédie de notre présent et inventer un avenir radieux pour nos enfants. Surfant sur nos failles et nos défaillances le spécialiste de la lutte idéologique ne fait que nous renvoyer le miroir qui renvoie nos reflets qu’il se charge d’embellir ou d’enlaidir selon les nécessités et les circonstances de la lutte. L’efficacité et la crédibilité ne leur permettent pas de travailler sur les leurres de leur imagination mais sur nos illusions et nos représentations. Pour l’instant les enjeux fondamentaux sont le terme « muslimine » qui est fédérateur dans le sens Qu’rânique et qui doit devenir, dans l’espace social, cultuel et politique, sujet de doute, de controverse et d’anathème  pour disloquer la communauté musulmane en petites tribus et sectes autarciques faciles à gérer et à mater. Le second enjeu est dans la compréhension et l’exécution de la vocation du musulman « afin que vous cultiviez » : il nous est interdit de nous cultiver au sens propre et figuré. Notre ego, notre sol, notre argent, nos idées et notre foi doivent être incultes, stériles, sans devenir, sans projet, sans fruits. L’inconscience des uns est conjuguée à l’inefficience des autres. Le tout donne une inconséquence, une incohérence et parfois une entropie qui dépasse l’entendement de ceux là même qui nous manipulent.

A titre d’illustration voici un pays, l’Algérie dénommé la Mecque des révolutionnaires, qui sombre dans l’involution à cause de l’incurie de ses gouvernants. Ces derniers ont pourtant trouvé la compétence de faire voler en mille éclats de  plus en plus insignifiants de grands partis les uns prônant la solution islamique les autres la voie démocratique. Que dire alors des conséquences de l’œuvre des spécialistes occidentaux de la subversion et de la diversion idéologique et culturelle. Comme Satan ils connaissent nos faiblesses et ils savent devant notre inculture cultiver les moyens et les instruments de  la tentation, de la séduction et de la suggestion pour nous mener là où nous sommes vulnérables :

 {Je n’avais sur vous nul pouvoir que de vous inciter, et vous m’avez obéi ! Ne me blâmez donc pas et blâmez-vous vous-mêmes.} Ibrahim 24

 

La manipulation des concepts et le détournement des idées par le maniement de la langue : une voie de sape  parmi tant d’autres

L’action du musulman est  analysée sous des vocables scientifiques et idéologiques  de théo mercatique, de théo politique, d’économie de la dévotion, de tourisme religieux évacuant du champ lexical et sémantique les concepts et les réalités spirituelles, sociales, morales et  civilisationnelles de la  Zakat, de la monnaie sans  Riba, du pèlerinage et de la Omra…

Nous n’allons pas intervenir sur la problématique de l’islam français proclamé ouvertement  par le Président Sarkozy   mais déja  initié par Jacques Berques et ensuite par Chevènement. Nous allons  juste prendre le temps de souligner quelques aspects  pour mettre en exergue  les dérives,  les mécanismes  de manipulation et surtout l’ignorance qui est la source de tous les maux.  L’ignorance des gens du peuple ne portent pas loin mais celle des élites et des lettrés est catastrophique.  Elle est catastrophique car elle intervient sur trois niveaux fertiles pour sa propagation :

–  Une jeunesse en quête de vérité et de savoir et qui faute de méthodologie et d’imams compétents se trouve  attirée par les oripeaux intellectualistes parlant de l’islam.

–  Une prétention à l’Ijtihad dans un monde où la circulation des idées, de l’argent et des hommes est exponentialisée alors que le monde musulman est encore en léthargie incapable de produire sa pensée autonome ni de poser un diagnostic sans complaisance sur ses pathologies sociales, politiques, culturelles, économiques et spirituelles.

–  L’absence de production intellectuelle conséquente du monde musulman en langue française pour répondre aux attentes et aux défis que rencontre le francophone. Les rares productions se font en arabe ou en anglais. Le monde musulman est devenu un comptoir commercial sans projet de devenir, sans défi autre que vendre du pétrole et importer les produits de la modernité occidentale. Produire ses idées, son armement, ses élites, son argent, ses vêtements, sa nourriture, son indépendance ne  sont ni une priorité ni un objet de débat ou de réflexion. Produire des idées et les traduire c’est unh luxe au-delà de nos moyens sauf s’il s’agit d’encenser ou de brûler aussi bien nos gouvernants que notre histoire vecue comme une mythologie. Ce qui n’est pas occupé par les musulmans est occupé par les autres car la nature a horreur du vide et de l’immobilisme comme l’énonce le Qur’ân : « Tels sont les jours nous les alternons entre les gens ». Il n’ ya pas d’alternance ni de perspective pour ceux qui s’excluent de la bataille et du projet de civilisation. Les maisons d’édition et les librairies, à vocation « musulmane »  préfèrent publier et vendre les livres anciens. Elles sont sures ainsi de gagner de l’argent sans droit d’auteur à régler et surtout sans risque à prendre comme cela se fait pour la promotion d’idées nouvelles. Le livre est une chose à vendre ou un objet d’ornement dans une bibliothèque et non un stock d’idées, une proposition de projet, une expérience de vie, une déchirure de l’âme avide de vérité et de justice…

L’ignorance des lettrés a des conséquences sur l’imaginaire et le système de représentation tant du musulman que du non musulman.  Elle enferme le musulman dans une ignorance plus grande et le non musulman dans des préjugés plus négatifs et des stéréotypes plus caricaturaux. Au lieu de remplir sa mission de témoignage, l’intellectuel traitant de l’islam devient un instrument de la guerre idéologique contre sa communauté, sa religion en acceptant de travailler sur des mots et non sur des principes. Le jeu de mots devient un jeu de maux accablant le présent et l’avenir par la compétence de nuisance subversive et de désinformation que la servilité, la colonisabilité et la colonialité transportent. L’imaginaire, ce champ d’exploration de l’imagination devient dans ce contexte improductif, négatif, nuisible à  tout projet d’évocation, de cognition, de sens….

Malek Bennabi, intellectuel probe et sincère, a dénoncé ce qu’il appelle les intellectomanes ces intellectunnels  qui vendent des idées mortes, mortelles et mortifères, celles qui produisent l’idolâtrie car « Chaque fois que l’idée disparait, l’idole règne de nouveau et réciproquement ». Contre les fabricants d’idoles il développe une analyse courte et percutante : «  Le Qur’ân a nommé Djahiliya, c’est-à-dire « ignorance » le paganisme qui a régné, en Arabie, avant l’islam. Cependant la Djahiliya, n’était pas pauvre, en technique littéraire, les plus grands noms des lettres arabes sont de cette époque. Elle demeure quand même la Djahiliya, l’ignorance par excellence, parce que le verbe arabe ne contenait que des mots étincelants mais vides de tout germe créateur. Réciproquement, si le paganisme est une ignorance, l’ignorance est païenne : elle ne cultive pas des idées, mais des idoles, comme la Djahiliya. Ce n’est pas pur hasard que les peuples primitifs ont été fétichistes ».

Traiter de l’islam ou analyser un aspect de la civilisation ou de la communauté musulmane c’est nécessairement embrasser l’éthique et l’esthétique de l’islam qui sont dans le Thawhid, le monothéisme pur et parfait,  sinon c’est de la spéculation, de la rhétorique (bien dire au lieu de dire le bien ou le vrai), de la casuistique (utiliser la rhétorique pour convaincre à des fins religieuses ou idéologiques, pour évangéliser les esprits et les colonies) ou du Khobsisme ( faire de son gagne pain ou  de sa réussite sociale un système de pensée, de valeurs et de comportements… une finalité en soi et non un moyen).

A Médine  tous les renouveaux de l’homme musulman, de son environnement, de sa civilisation, de sa victoire sur les défis du temps, du sol et des ennemis  ont commencé  avec  quelques rudiments de syntaxe et de sémantique et quelques versets Qur’âniques  pour une finalité : être le Vicaire de Dieu sur terre pour exercer le talent des dons innés et acquis, être honoré et vivre dans la dignité en sa qualité de créature  créée par Dieu dans une étreinte d’amour  (malaxé dans les Mains divines et prendre vie et sens en recevant  le Souffle divin) et  accomplir sa vocation d’être soumis librement à Dieu et investit de la mission de témoigner par la parole et   par l’acte de la présence du Créateur, du Bienfaiteur, du Donateur à qui nous devons rendre compte.

A Paris, Alger, Le Caire ou ailleurs la langue Arabe est devenu un instrument de diversion idéologique pour saper l’islam et rompre l’unité de liens qui rassemblent les musulmans au Qur’an et au système de valeurs, de croyance et de représentations de la foi monothéiste.

La langue est témoignage… Elle est l’inscription de sens par des signes  relevant du mystère :

{Alif, Lam Mim – C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux.} al Baqara 1

Même en changeant la ponctuation (absente dans le texte Qur’ânique) par la pause dans la respiration du texte le sens reste magistralement le même dans la langue Qur’ânique :

{Alif, Lam Mim – C’est le Livre qui est  guide, sans aucun,  doute pour les pieux.} al Baqara 1

Après la signification de la foi et de la religion comme croyance, relation avec Dieu et invocation dans la Fatiha (le prologue, l’ouverture, l’Inaugurale,  la clé du Qur’ân, la réussite ici et là bas) le Qur’ân dans sa première Sourah pose le problème fondamental de la foi et de la raison : le doute. Le doute cartésien ou le doute nihiliste peuvent trouver raison et justification sauf dans le Qur’ân et la langue qui véhicule son sens. Il n’y a aucun doute sur Dieu, Son Message, Ses Prophètes, Ses Anges, Sa Promesse et Sa sanction. Tout ce qui est dans le Livre écrit (al Kitab al mastour) et dans le Livre de la création visible (al Kitab al mandhour)  témoigne de la certitude des croyants contre l’incertitude des sceptiques et la  négation des mécréants. Il n’y a aucun doute y compris sur l’homme et son devenir selon qu’il soit croyant, négateur avéré ou hypocrite sournois. Il n’y a aucun doute sur la foi et l’expression de la foi dans la vie intérieure comme dans la  vie extérieure sociale, politique, intellectuelle et cultuelle : trois modèles d’être, trois types de lecture, trois voies à suivre :

  • La lumière du savoir :

{Ceux qui croient à ce qui t’a été descendu (révélé) et à ce qui a été descendu avant toi et qui croient fermement à la vie future.  Ceux-là sont sur le bon chemin de leur Seigneur, et ce sont eux qui réussissent (dans cette vie et dans la vie future).} al Baqara 3

  • Les ténèbres de l’ingratitude qui rendent inopérant les instruments perceptifs, intellectuels, affectifs et ontologiques pour acquérir la connaissance ou se mettre en quête de la vérité :

{Les Mécréants  ne croient pas, cela leur est égal, que tu les avertisses ou non: ils ne croiront jamais.  Allah a scellé leurs cœurs et leurs oreilles; et un voile épais leur couvre la vue} al Baqara 6

  • La confusion, la sournoiserie, la lâcheté et la traîtrise des dissimulateurs :

{Il y a ceux qui disent: ‹Nous croyons en Allah et au Jour dernier!› tandis qu’en fait, ils n’y croient pas.  Ils cherchent à tromper Allah et les croyants; mais ils ne trompent qu’eux-mêmes, et ils ne s’en rendent pas compte.  Il y a dans leurs cœurs une maladie (de doute et d’hypocrisie), et Allah laisse croître leur maladie. Ils auront un châtiment douloureux, pour avoir menti.  Et quand on leur dit: ‹Ne semez pas la corruption sur la terre›, ils disent: ‹Au contraire nous ne sommes que des réformateurs!›  Certes, ce sont eux les véritables corrupteurs, mais ils ne s’en rendent pas compte. Et quand on leur dit: ‹Croyez comme les gens ont cru›, ils disent: ‹Croirons-nous comme ont cru les faibles d’esprit?› Certes, ce sont eux les véritables faibles d’esprit, mais ils ne le savent pas.} al Baqara 8

Chacun est responsable de ses convictions  et de ce qu’il fait de ses convictions  et de ce que ses convictions font de lui sur le plan spirituel et existentiel. La langue comme interprétation de sens ou traduction de signe est engagement sur un de ces trois chemins et à ce titre elle est responsabilité.

La langue arabe et la langue française se rejoignent magistralement sur cette notion de témoignage qui engage la responsabilité individuelle et collective. En effet  être responsable c’est avoir la capacité et la charge à donner réponse. En arabe être mess’oul c’est exactement avoir la capacité, la fonction et la charge de répondre aux questions et notamment à celle-ci : qu’as-tu fait de ton esprit, de ton savoir, de ta jeunesse, de ton argent, de ton temps, de tes dons… ? Hélas nous agissons comme des analphabètes bilingues c’est-à-dire des irresponsables dans toutes les conjugaisons,  des insouciants en tout lieu et en tout moment indépendamment des circonstances les nôtres ou celles de nos ennemis :

{Nous avons destiné à l’Enfer un grand nombre de djinns et d’hommes qui ont des cœurs pour ne pas comprendre, des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre. Comparés à des bestiaux, ils sont plus égarés encore. Tels sont ceux qui vivent dans l’insouciance !} Al-A’raf 179.

L’engagement n’était pas dans la quête de grands diplômes ni dans  la démagogie de spectacle mais dans les problèmes de fond  c’est-à-dire dans les questions relatives à l’exercice de ses devoirs de musulmans envers Dieu et envers les hommes. Pas de bavardage ni de discours stériles mais la quête de la vérité comme le veut  l’enseignement de Mohamed « saws) :

« Vous n’aurez point la foi tant que vous n’aurez pas inspiré aux autres l’amour de la vérité »

« La religion c’est le bon conseil et la loyauté… Pour Dieu, pour Son Livre, pour Son Prophète, pour les  gouvernants des musulmans et pour l’ensemble des gens du commun »

Tout le travail de sape est de vider les mots arabes de leur sens coranique et de les emprisonner d’une manière docte dans une historicité ou une linguistique pour leur enlever le cachet divin de Révélation, de vérité. L’expérience de l’Occident dans sa lutte contre l’Eglise est mise à profit : profanation de l’islam, désacralisation de ses valeurs, laïcisation de ses préceptes, nationalisation de sa dimension pour lui enlever l’universel de son message.

C’est dans ce cadre général que nous réagissons sur quelques  thèses de doctorat sur l’islam et sur  les musulmans dans leur approche moderniste  sur la théo politique, la théo économie, la théo mercatique, l’économie de dévotion,  l’économie islamique,  l’islam politique, le tourisme cultuel, le marketing  théo-politique à la Mecque…  Cette réaction est la même devant ce qu’on appelle l’islamologie qui croit que  la rupture épistémologique, la linguistique moderne générale de Saussure jusqu’à la grammaire générative de Chomsky ou l’analyse narrative de Greimas et des néo constructivistes permet de comprendre le Qur’ân, la voie islamique et le cœur des musulmans pour proposer une voie d’Ijtihad qui permet au musulman non pas de se réformer mais de réformer leur Qur’ân, leur Sunna non plus Révélation mais production littéraire, création  intellectuelle.

Nos responsabilités

Il est vrai que notre comportement festif et irresponsable travestit le culte et le rend aux yeux de l’étranger à l’islam  presque une forme de carnaval païen. Nous fabriquons notre propre échec en fabriquant par notre comportement ridicule l’argumentaire des détracteurs de l’islam. Ces derniers sans probité préfèrent confondre la faille des musulmans avec l’islam et refuse de voir l’islam dans sa globalité et qui ne se reconnait pas dans notre misère morale, sociale, politique et économique. Nous devenons des faussaires, des fabricants de fausses monnaies, et nous l’injectons dans le circuit de la culture mondiale et elle nous revient en pire par effet boule de neige entretenu par les islamophobes. Le microbe c’est nous-mêmes qui le produisons, les détracteurs ne font que le mettre en incubation puis le propager et l’inoculer à plus grande échelle. Le Qur’ân énonce cette vérité sans détours :

{Ce qui vous arrive de néfaste provient de vous-mêmes (de vos propres agissements et comportements)}

Nous demeurons pourtant au-delà de nos égarements et de notre irresponsabilité une latence de potentialité, une virtualité d’islam authentique qui peut se réaliser pour le bien de l’humanité et pour le malheur des idoles et des idolâtres, des tyrans et de leurs courtisans. Notre responsabilité est de continuer à témoigner et à chercher des arguments et des moyens de défense en attendant l’éveil islamique qui s’annonce déferlant sur le monde comme une marée spirituelle salvatrice.

Notre responsabilité nous devons la faire partager en priorité par les jeunes qui ont un potentiel de cognition car ils sont la relève capable de vivre son temps et de prendre en charge ses défis. Ces jeunes, en particulier ceux qui traitent de l’islam et des musulmans doivent se libérer du regard des orientalistes et des islamologues français pour former leur propre regard à la lumière du Qur’ân et de la Sunna tels qu’ils s’offrent à eux sans la falsification du détour par autrui.

Le Qur’ân met en relief l’importance du rôle de la jeunesse dans le projet de libération contre la Tyrannie et contre l’idolâtrie : Abraham, David, Salomon, Joseph, Saleh, Houd, Moise, Jésus, Mohamed, leurs disciples et compagnons sont dans leur majorité des jeunes remplis de foi et de vitalité.  Leur science et leur force sont au service d’une cause juste. Chaque jeudi ou vendredi matin soir nous sommes invités à lire et à méditer la Sourah al Kahf dont nous nous allons attirer l’attention sur trois points que chaque jeune impliqué dans un travail de recherche théorique ou pratique ne doit pas perdre en vue s’il se met en tête qu’il est au service d’une cause et qu’il est représentant d’une communauté de foi :

  • Le premier point est le modèle de foi des jeunes gens de la caverne qui ont fui matériellement et symboliquement la cité impie pour ne pas corrompre leur foi. Le récit Qur’ânique en réalité ne parle pas de fuite mais de résurrection dans une dialectique entre l’apparent et le caché, le passé et l’avenir, la forme et le fond :

{Nous avons placé ce qu’il y a sur la terre pour l’embellir, afin d’éprouver (les hommes et afin de savoir) qui d’entre eux sont les meilleurs dans leurs actions.  Puis, Nous allons sûrement transformer sa surface en sol aride.  Penses-tu que les gens de la Caverne et d’ar-Raquim ont constitué une chose extraordinaire d’entre Nos prodiges?  Quand les jeunes se furent réfugiés dans la caverne, ils dirent : ‹Ô notre Seigneur, donne nous de Ta part une miséricorde; et assure nous la droiture dans tout ce qui nous concerne›.  Alors, Nous avons assourdi leurs oreilles, dans la caverne pendant nombreuses années.  Ensuite, Nous les avons ressuscités, afin de savoir lequel des deux groupes saurait le mieux calculer la durée exacte de leur séjour.  Nous allons te raconter leur récit en toute vérité. Ce sont des jeunes gens qui croyaient en leur Seigneur; et Nous leurs avons accordé les plus grands moyens de se diriger [dans la bonne voie].  Nous avons fortifié leurs cœurs lorsqu’ils s’étaient levés pour dire: ‹Notre Seigneur est le Seigneur des cieux et de la terre: jamais nous n’invoquerons de divinité en dehors de Lui, sans quoi, nous transgresserions dans nos paroles.  Voilà que nos concitoyens ont adopté en dehors de Lui des divinités. Que n’apportent-ils sur elles une preuve évidente? Quel pire injuste, donc que celui qui invente un mensonge contre Allah? Et quand vous vous serez séparés d’eux et de ce qu’ils adorent en dehors d’Allah, réfugiez-vous donc dans la caverne: votre Seigneur répandra de Sa miséricorde sur vous et disposera pour vous un adoucissement à votre sort›. } al kahf 7 à 16

La quête de la vérité prime sur toute autre considération sociale, intellectuelle ou politique. La quête de la vérité ne peut emprunter qu’un chemin celui de la droiture et ne vouloir comme récompense que la miséricorde divine. Elle ne peut être animée que par un seul moteur : le monothéisme. Les mots étincelants empruntés à la rhétorique grecque, à la casuistique cléricale ou au monde du spectacle de la post modernité sont à bannir s’ils portent un risque de contradiction avec l’islam, ses valeurs et ses principes. Pour cela il faut s’armer d’islamité maitrisée avant de se confronter aux outils conceptuels, lexicaux ou sémantiques de la modernité et post modernité. Les mythes de Prométhée ou du péché originel ont été mis à mort par l’esprit scientifique de l’être Qur’ânique dès que l’idée du monothéisme a pénétré le cœur des bédouins arabes faisant d’eux des tombeurs d’idoles. Allah Akbar fait trembler les tyrans et prosterner les croyants. L’ordre nouveau est dans l’islam bien compris et bien appliqué avec les mots et la langue qui ont mis fin à l’ordre ancien et qui ont apporté à l’Europe sa Renaissance.

  • Le second point est le primat à donner sur le sens et ne pas se contenter de l’accessoire, de l’apparent ou de la forme. Les versets suivants montrent qu’il n’est pas important de savoir le nombre de reclus dans la caverne mais de savoir la finalité, le principe, les mobiles, l’issue finale de la réclusion et en tirer les enseignements pour construire sa vie dans tous les domaines de l’existence ontologique, sociale, affective et spirituelle :

{Ils diront: ‹ils étaient trois et le quatrième était leur chien›. Et ils diront en conjecturant sur leur mystère qu’ils étaient cinq, le sixième étant leur chien et ils diront: ‹sept, le huitième étant leur chien›. Dis: ‹Mon Seigneur connaît mieux leur nombre. Il n’en est que peu qui le savent›. Ne discute à leur sujet que d’une façon apparente et ne consulte personne en ce qui les concerne.  Et ne dis jamais, à propos d’une chose: ‹Je la ferai sûrement demain›.  sans ajouter: ‹Si Allah le veut›, et invoque ton Seigneur quand tu oublies et dis: ‹Je souhaite que mon Seigneur me guide et me mène plus près de ce qui est correct›.  Or, ils demeurèrent dans leur caverne trois cent ans et en ajoutèrent neuf (années). Dis: ‹Allah sait mieux combien de temps ils demeurèrent là. A Lui appartient l’Inconnaissable des cieux et de la terre. Comme Il est Voyant et Audient! Ils n’ont aucun allié en dehors de Lui et Il n’associe personne à Son commandement. } al Kahf  22 à 26

Le signe n’est qu’un indice dans la quête de sens. La quête du signe est avant tout une quête de signification. Au delà des conjectures et des conjonctures ce qui doit guider notre éthique, notre esthétique et notre cognition est le principe de sens : la cause ultime, la finalité ultime. Nos sens ne perçoivent qu’une infime partie du monde connu. Notre savoir est imparfait, limité. Dieu nous a donné à croire, à lire et à méditer sur une partie de l’Inconnaissable des Cieux et de la terre pour donner une autre perspective à notre regard trop distrait par l’apparat et l’ostensible de la richesse, des beaux discours, des belles théories, des tentations et des séductions de tout genre dont la pire est celle de l’ego qui se flatte au lieu de se blâmer. Ce signe pour qu’il soit un signifiant il ne peut être déboité de son référentiel moral, idéologique, culturel et social. Si en toute logique linguistique le signe, le rite, la praxis, le texte musulmans  ne peuvent être  signifiant dans un contexte, une démarche ou une langue non Qur’ânique comment peuvent-ils être signifiés dans un contexte, une démarche et une parole volontairement anti islamique ?

Le texte Qur’ânique dans toute sa splendeur révèle l’étendue de la bataille idéologique c’est-à-dire la bataille de signification et d’appropriation des idées et du principe du sens :

{Et récite ce qui t’a été révélé du Livre de ton Seigneur. Nul ne peut changer Ses paroles. Et tu ne trouveras, en dehors de Lui, aucun refuge.  Fais preuve de patience [en restant] avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa Face. Et que tes yeux ne se détachent point d’eux, en cherchant (le faux) brillant de la vie sur terre. Et n’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur inattentif à Notre Rappel, qui poursuit sa passion et dont le comportement est outrancier.  Et dis: ‹La vérité émane de votre Seigneur›. Quiconque le veut, qu’il croit, et quiconque le veut qu’il mécroie›.} al Kahf  27 à 29

{Ceux qui croient et font de bonnes œuvres, vraiment Nous ne laissons pas perdre la récompense de celui qui fait le bien.} al Kahf 30

  • Enfin le Qur’ân nous montre par la conjugaison du symbole, du signe, de la réalité au delà du seul apparent visible que du verset 7 au verset 46 il y a une seule loi qui gouverne le monde de l’inerte et du vivant, du visible et du caché, d’hier et de demain :

{Et propose-leur l’exemple de la vie ici-bas. Elle est semblable à une eau que Nous faisons descendre du ciel; la végétation de la terre se mélange à elle. Puis elle devient de l’herbe desséchée que les vents dispersent. Allah est certes Puissant en toutes choses!  Les biens et les enfants sont l’ornement de la vie de ce monde. Cependant, les bonnes œuvres qui persistent ont auprès de ton Seigneur une meilleure récompense et [suscitent] une belle espérance.} al Kahf  45 à 46

Cette loi, la dialectique universelle, gouverne les oppositions et les devenirs en perpétuel changement entre l’aridité d’une terre stérile ou asséchée, d’un cœur malade, d’un esprit vain, d’une génération corrompue ou d’une civilisation en décadence  et la fertilité d’une terre arrosée, d’un cœur purifié, d’un esprit dynamisé, d’une génération en conquête de son avenir, d’une civilisation en déploiement moral, spirituel, économique, social et intellectuel. Quand le Qur’ân énonce cette vérité qui semble évidente il y a sans doute matière à réflexion autre que le constat simpliste que nos sens aperçoivent chaque jour et chaque nuit :

{Dans l’alternance de la nuit et du jour il y a certainement un signe}

La même loi préside au sens du signe qui se cache derrière  l’alternance des signes : les indices pour découvrir la vérité dans le symbole  qui forme la représentation de la langue, de l’atome ou de la parole divine : l’unité dans la diversité, la variété dans l’unité comme les différences et la pluralité de la création obéissant à un seul principe fédérateur, signifiant, cohérent et immuable :

{Alif, Lam, Ra. Voici les versets du Livre plein de sagesse} Yunès 1

{Alif, Lam, Ra. C’est un Livre dont les versets sont parfaits en style et en sens, émanant d’un Sage, Parfaitement Connaisseur.} Houd 1

{ Alif, Lam, Ra. Tels sont les versets du Livre explicite.  Nous l’avons fait descendre, un Qur’ân en langue arabe, afin que vous raisonniez.} Yussef 1

{Alif, Lam, Mim, Ra. Voici les versets du Livre; et ce que t’a été révélé par ton Seigneur est la vérité} ar Ra’âd 1

{Alif, Lam, Ra. Voici le livre que nous avons fait descendre sur toi, afin que – par la permission de leur Seigneur – tu fasses sortir les gens des ténèbres vers la lumière, sur la voie du Tout Puissant, du Digne de louange (Al Hamid)} Ibrahim 1

{Alif, Lam, Ra. Voici les versets du Livre et d’une Lecture explicite.} al Hijr 1

{Ta, Sin. Voici les versets du Qur’ân, un Livre explicite} An Naml 1

{Sad. Par le Qur’ân, au renom glorieux (Zikr) !} Sad 1

{Noun. Par la plume et ce qu’ils écrivent!} al Qalam 1

Des centaines de milliers de milliards de combinaisons, d’alternances et de modèles d’harmonie dans la lettre de l’inerte et du vivant, du scriptural et du génétique, de la physique et de la chimie, de l’homme et du cosmos pour témoigner par un seul Livre d’une seule vérité, celle d’Allah Al Ahad Al Qahar l’Immuable sans associé ni rival :

{Quand bien même tous les arbres de la terre se transformeraient en plumes, et quand bien même la mer, grossie de sept autres mers, deviendrait un océan d’encre pour écrire la Parole divine, que Dieu aurait encore d’autres messages à transmettre ! Car Dieu est, en vérité, le Tout-Puissant, le Sage.} Luqman – 27.

C’est cette vérité sur la richesse prodigieuse de la multiplicité par l’Unicité qui est énoncé d’une autre manière

{Dis : «Si la mer se changeait en encre pour transcrire les paroles de mon Seigneur, la mer serait assurément tarie avant que ne soient épuisées les paroles divines, dussions-nous y ajouter une quantité d’encre égale à la première.»} Al-Kahf – 109.

Cette richesse met en défi la langue Arabe, la langue la plus riche et la plus complexe dans ses combinaisons, pour témoigner de la  richesse langagière du Qur’ân et de son défi littéraire aussi bien dans sa langue originelle que dans ses traductions :

{Si vous êtes dans le doute, de ce que Nous Avons Révélé à Notre Serviteur, apportez-donc une Sūrah qui lui soit semblable et convoquez vos témoins, à l’exclusion d’Allah, si vous êtes véridiques. Si vous ne le faites pas, et vous ne le ferez point, craignez-donc le Feu dont la proie est d’hommes et de pierres,  préparé pour les mécréants.} al Baqarah 24

{La plupart d’entre eux ne suivent que conjecture. La conjecture ne dispense en rien de la Vérité. Certes, Allah Est Tout-Scient de ce qu’ils font. Il n’est pas de mise que ce Qur’ān puisse être inventé de la part d’un autre qu’Allah. Mais c’est une corroboration de ce qui existe déjà et précision du Livre. Sans aucun doute, cela vient de la part du Seigneur des Univers. Ou bien disent-ils qu’il l’a controuvé ? Dis : « Apportez alors une Sūrah qui lui soit semblable et convoquez qui vous pourrez, à l’exclusion d’Allah, si vous êtes véridiques. » Bien plus, ils démentirent ce dont ils n’ont aucune notion de sa science, et dont ils n’ont encore reçu son interprétation. Ainsi ont démenti ceux qui étaient avant eux. Regarde alors quel ne fut le sort des injustes.} Younes 36

  • Le troisième point est la démarche initiatique sur le chemin de l’islam, de ses valeurs, de ses pratiques et de son engagement dans la vie politique, sociale, culturelle, intellectuelle comme d’ailleurs le met en exergue la Sourah al Kahf à travers le récit des jeunes gens cachés dans la caverne pour protéger leur foi des tyrans, de Moise en quête de savoir, de Zul-al-Qarnayn dans ses expéditions de l’Orient à l’Occident pour y faire régner la justice et le sens de la foi. Ce point, le troisième donc,   est résumé dans la phrase contractuelle entre Moise et Khadr le sage envoyé par Dieu pour enseigner à Moise qu’au dessus de tout savant il y a plus savant :

{Comment endurerais-tu sur des choses que tu n’embrasses pas par ta connaissance?} al Kahf  68

La relation entre l’apprenant et son maitre est une relation de respect et d’obéissance. Elle exige de l’apprenant de la patience et une stratégie d’apprentissage qui exige du temps pour se former et devenir efficace. Elle exige du maitre, du savoir, de la patience et une stratégie pédagogique pour mettre en place des environnements de situation de formation. La relation entre l’apprenant et le savoir est dynamique, elle n’est intéressante que si elle change le rapport de l’apprenant au savoir puis à la finalité du savoir et enfin à la responsabilité de ce savoir. Il ne s’agit pas de se gaver de mots, de concepts et de formalismes mais de s’imprégner du principe de sens. Cela exige des efforts pénibles, des moments de découragements, des abandons, de la reprise de confiance car le moteur n’est pas intellectuel mais spirituel.

La cognition est un instrument. Elle s’éduque et se développe par l’effort et la concentration qui s’appuient sur  l’endurance pour supporter cette éducation qui souvent va à contrario de l’appel de l’ego paresseux et vaniteux. Et c’est là ou intervient la connaissance qui se distingue du savoir. La connaissance porte sur les fins, l’éthique, l’esthétique et les mobiles tant du savoir que  de l’action. Elle est la substance qui donne au cœur une visée, à l’esprit une intention, à une génération un projet d’histoire. Le savoir porte sur  le contenu de l’information théorique ou pratique et les moyens de mise en œuvre pour trouver, stocker, diffuser, transférer et capitaliser l’information utile et efficace abstraction faite de ses fins. Le fameux «  science sans conscience n’est que ruine de l’âme » est une des formes d’expression de cette loi Qur’ânique qui met en corrélation le savoir, l’endurance et la connaissance.

Il n’est pas étonnant que vers la fin de cette Sourah un avertissement est donné  à tous ceux qui œuvrent sans principe de sens, sans finalité, sans connaissance :

{Dis: ‹Voulez-vous que Nous vous apprenions lesquels sont les plus grands perdants, en œuvres?  Ceux dont l’effort, dans la vie présente, s’est égaré, alors qu’ils s’imaginent faire le bien. } al Kahf 103

Il n’est pas étonnant aussi que la fin de la Sourah se termine par le verset merveilleux que nous avons cité plus haut et devant lequel toutes les intelligences nobles doivent se prosterner et les cœurs vivants se recueillir :

{Dis: ‹Si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur, quand même Nous lui apporterions son équivalent comme renfort›. } al Kahf  105

L’influence de la pensée cléricale et laïque dans les thèses sur l’Islam et dans la vision de l’homme dans le monde

Ceci dit nous allons revenir au thème central de notre analyse : l’influence de la pensée cléricale et laïque dans les thèses sur l’islam ( français). Dans notre analyse nous  n’allons pas jouer le jeu de la polémique et  faire le parallèle entre le voyage à Lourdes et le pèlerinage à la Mecque  et comparer les aspects festifs, conviviaux ou les   objets de souvenirs. La raison simple et objective est que les deux processus sont incomparables. Celui qui a fait le pèlerinage  à la Mecque constate qu’il n’ya aucune comparaison à faire entre le pèlerinage au Vatican ou à Lourdes. Chez les civilisés de l’Occident on ne trouve pas la même ferveur, le même émerveillement que manifestent les misérables musulmans, ces  petites gens illettrés qui viennent par exemple des arrières pays de l’Afghanistan et qui n’ont connu ni la civilisation ni  ses gadgets et qui n’éprouvent aucun besoin de porter leur regard autre que sur la Kaaba, la Mosquée sacrée ou la Mosquée du Prophète. Malgré leur rudesse et leur mélange de coutumes contraire à l’esprit de l’islam leur foi est sincère, leur vénération pour les lieux saints est sans défaut, leur amour pour Mohamed est sans commune mesure et leur ferveur religieuse est exemplaire. Chez les civilisés de l’Occident on trouve par contre de grands mots theo mercatique, marketing théocratique, économie de la dévotion, tourisme rituel, théosophie, théopolitique…Islamologie.

Nous allons plutôt  nous situer là où ça fait mal et là ou la dérive est  généralisée dans ce que nous avons pu lire sur ce sujet.

  • La première dérive est  l’influence de la culture française dont le juridisme excessif déforme  la lecture et l’interprétation du texte Qur’ânique et de la pratique rituelle du musulman.  Vidant le texte Qur’ânique de son essence on lui fait faire une lecture en opérant un transfert sémantique du sens spirituel subtil du Qur’ân vers  l’aspect formel transactionnel et contractuel du code de commerce de la  République française.  Nous restons étonnés par cette prolifération de lois pour régenter la vie et la conscience des citoyens comme fut le cas du foulard islamique. Notre étonnement n’est pas seulement dans la nature scélérate de certaines lois mais dans les sources d’inspiration idéique de cet esprit qui veut tout légiférer au mépris de l’amour supposé des chrétiens pour leurs semblables. Si Victor Hugo le révolutionnaire de la littérature et du théâtre français a bien énoncé cette règle libertaire «  le droit d’aimer est aussi sacré que le droit de penser ». Nous avons le devoir d’aimer notre religion, notre Prophète et les valeurs de l’Islam y compris la pudeur de nos femmes fières dans leur voile. Nous avons le devoir de vous rappeler que si l’Ancien Testament est favorable aux lois,  Jésus  est venu pour mettre fin aux lois iniques en proclamant contre les Pharisiens et les Légionnaires romains : «  le règne de la fin est fini, c’est le temps de l’amour ».

Nos  étudiants d’extraction musulmane sous la direction  d’islamologues et d’orientalistes laïcs  et religieux s’interrogent donc   sur l’échange inégal et inique entre le Dieu des musulmans et l’Homme  au regard des efforts financiers et physiques de ce dernier dans  l’accomplissement  de son  pèlerinage. Nous assistons à des débats byzantins du type «Comment croire en une égalité et en une équité dans une transaction  entre un divin supposé supérieur et absolu et un homme supposé inférieur et relatif ».

  • La seconde dérive dans  la quête de l’égalité entre Dieu et l’homme est née du  mythe de l’égalitarisme laïciste qui refuse la loi de la différence qui gouverne le monde et le principe général de la réalité tant de la foi que de la réalité du monde : l’Unicité du Créateur sans rival, sans intermédiaire, sans associé, sans oubli ni fatigue ni somnolence ni accident ni hasard. Tout est en harmonie selon le principe de l’unité gouvernant la diversité et de son corolaire la variété assemblée dans l’unité de sens, de finalité, de causalité.

L’esprit du musulman pris dans le piège de la rhétorique du verbe occidental devient sensible au principe de Saint Thomas «  je ne crois qu’en ce que je vois » et sensible à l’utopie (le non lieu) de l’égalitarisme  qui au nom du droit à l’égalité devient une négation du droit à  la différence et se laisse entraîner dans le plus grand matraquage moral, social et idéologique de la société : l’indifférenciation. C’est l’indifférenciation  qui  crée l’inégalité par l’indifférence, le nivellement démocratique par le bas, la société à deux collèges : d’un côté les égaux indifférenciés mis dans le même système impersonnel d’éducation, d’évaluation, de compétition, de travail, de promotion, de droit et de devoirs et d’un autre côté une élite  de privilégiés en compétition de passe droits, de bonne grâce, de facilité, de différenciation de traitement et de considération selon la fortune, la renommée et le pouvoir.

La mécanique montre pourtant à l’esprit cartésien que la répartition équitable et équilibré d’un mouvement pour la cohésion mécanique et la cohérence dynamique d’un système exige le recours à des sous systèmes qu’on appelle à juste titre des différentiels. Différentiel, répartiteur de vitesse, système de variation par rapport à un référentiel toute la science mathématique, physique et tout l’art technologique de l’esprit cartésien est dans la mise en équation ou la résolution de leurs paramètres. Toute les sciences physiques traitant de dynamique reposent dur les dérivées c’est-à-dire les différentielles par rapport au temps ou les changements de matière et d’énergie par rapport à des références elles-mêmes dynamiques. C’est la société savante qui veut faire de l’homme un clone, un être de plus en plus indifférenciée, asexué, homosexuel…homo…

Ecce Homo dans la confusion  de sa traduction est le drame de l’Occident : « Ceci est l’homme » (que nous recherchons) ou « Celui-ci est un Homme » de Ponce Pilate venant s’enquérir de Jésus pour l’emmener au supplice ou venant constater la mort supposé de Jésus ou encore venant constater de visu la découverte du traitre, qui a livré Jésus aux romains « celui-ci est l’homme » supplicié au lieu et place du  Rabbi (le maître)  sur une croix. De cette phrase, mal comprise, mal traduite, mal « contextée », mal  historicisée, est né le drame occidental et ses incidences sur les peuples d’Afrique et d’Asie.  Du terme Homo va venir comme de la boite de Pandore le déluge qui va engloutir une civilisation qui a fait de ses idoles démoniaques comme le sexe et l’argent des Dieux devant qui il faut lever tous les interdits de  la morale chrétienne. Les péchés capitaux, cupidité, luxure, fornication, gourmandise, convoitise, deviennent symboles de réussite sociale.

Du terme Homo est né la tragédie de l’indifférenciation et du mythe égalitariste qui refuse la différence d’autrui. Le terme qui signifie Homme est Homo en grec c’est à, dire semblable. Nous sommes tous pareils comme des triangles homothétiques : mêmes angles de vues, même rapport de grandeur. Nous sommes une figure « semblable à l’image de Dieu » mais dont la seule distinction est dans sa  différence avec le règne minéral, animal et végétal. Cette différence d’espèce  la modernité a finit par la nier avec le Darwinisme cette quête chrétienne sur l’origine de l’homme et le néo Darwinisme la même quête vidée de toute substance religieuse pour devenir un matérialisme négateur des progrès de la science et de l’anthropologie.

Dans la langue arabe du Qur’ân   Al Insane n’est pas l’Homo le semblable mais l’être distinctif et dont la distinction est une opposition  au Wahch ( le sauvage, l’asocial, le monstre, le rebelle à Dieu, le caché dans les ténèbres). Il est l’être social issue du verbe « Anassa » en arabe tenir compagnie, socialiser, apporter du réconfort, se rapprocher de la lumière. C’est toute la grandeur de l’homme qui s’exprime dans le sens d’Insane qui est véhiculé par l’énoncé arabe du Qur’ân et que le terme Homo escamote. C’est tout le sens, autre que légiférer des lois iniques que Moise accomplit dans sa quête de vérité : «  Anassa nâran : Il s’est approché d’un feu ». C’est toute la différence entre l’homme, al Ins et al Djin. Al Ins est cet être  crée d’argile puante puis honoré par le souffle divin qui lui a donné vie,  esprit et vocation alors que le Djin est cet être créé de feu et dont est issu Satan le maudit. Dans l’appel coranique ya ayouha al Insane c’est l’humanité dans sa vocation plurielle et libre qui est appelé à l’universel, à son statut d’être honoré par Dieu qui ne peut et ne doit se laisser conduire comme un mouton à l’abattoir ni se comporter comme un orgueilleux, rebelle et transgresseur comme Satan ;

C’est cette différence que les mille ans d’emprunts inavoués et latinisés à la civilisation islamique que l’Occident n’a pu comprendre ni importer : l’honorificat de cet Insane qui est imprescriptible, inviolable, sacré :

{Nous avons honoré les descendants d’Adam}

C’est cet honorificat qui fait de la langue et des idiomes un moyen de communication, un vecteur de connaissance, un lien de reconnaissance mutuelle et non une arme de négation identitaire, une politique d’hégémonie culturelle, un langage nihiliste et cynique :

{Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux. Dieu est Omniscient et bien Informé.} Hujurat – 13.

L’islam considérant l’être humain comme Ins fait de l’égalité un acte de foi par le don de soi et l’esprit de solidarité, une épreuve dans l’accomplissement de la justice sociale et de la piété et non une formalité juridique imposée par le jacobinisme étatique.

{Dieu a favorisé certains d’entre vous plus que d’autres, dans la répartition de Ses dons. Or, ceux qui ont été favorisés ne sont nullement disposés à se démettre du surplus de leurs richesses au profit de leurs esclaves, au point que maîtres et esclaves y deviendraient tous égaux. Renieraient-ils donc les bienfaits de Dieu?} An-Nahl 71.

Le partage égal entre hommes libres et esclaves prônés par le Qur’ân est inimaginable dans République  égalitariste qui est supposé être, étymologiquement, Res Publica, chose publique. Niant les mille ans d’apport islamique humaniste l’eurocentrisme n’a conservé que l’esprit colonisateur des grecs et des romains dont il se réclame : Homo. Tous ce qui n’est pas semblable à nous, à nos coutumes, à nos croyances et à nos valeurs est l’autre, ce barbare, ce sauvage que les romains et les grecs exterminaient car ils ont décidé de nier l’humanité qui est en lui et par conséquent de lui refuser tout droit à vivre ou à posséder autre que ce que lui accorde le privilège du  statut de sous humain, esclave,  colonisé,  païen ou gentil sans terre, sans patrie, sans religion qui n’a pour proposition de paix que celle des légionnaires : « épargnez ceux qui se soumettent et domptez les superbes ».

Aucune loi ne peut aller contre un cœur réticent au don, au partage, au respect d’autrui et à l’entraide. La foi et l’intérêt pour une récompense plus grande ou le châtiment sans fin s’il y a négation  de l’égalité des droits devant la justice, devant les besoins, devant les devoirs sans nier la différence des besoins, des devoirs de solidarité, des dons, des compétences, des mérites et des faveurs légitimes issues du travail licite et socialement utile.

La loi de la dialectique qui gouverne le monde exige par justice et par nécessité de créer la dynamique sociale qu’il y ait différence et compétition dans le bien ou opposition quand il y a divergences sur la notion de bien, de justice et de vérité et quand il y a nécessité de complémentarité tout en montrant la richesse, la sagesse et la générosité du Donateur bienfaiteur :

{Il y a deux variétés de mer : l’eau de l’une est douce, limpide et d’un goût agréable, celle de l’autre est salée et saumâtre. Et pourtant l’une et l’autre vous procurent une chair fraîche que vous mangez, et vous en retirez des perles dont vous vous parez. Et l’on y voit des vaisseaux fendre avec bruit les flots, pour vous permettre d’aller à la recherche des bienfaits de votre Seigneur. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants !} Fatir 12.

{Ne vois-tu pas que Dieu fait tomber du ciel une eau par laquelle Nous faisons sortir du sol des plantes qui donnent des fruits de couleurs différentes? Et dans les montagnes aussi, il y a des stries de diverses couleurs, blanches et rouges aux tons variés, ainsi que des roches d’un noir foncé.} Fatir 27.

{ Sont également de couleurs différentes les hommes, les animaux et les bestiaux. Et c’est ainsi que, de tous les serviteurs de Dieu, seuls les savants Le craignent véritablement. En vérité, Dieu est Puissant et Clément.} Fatir 28

Nous sommes différents et cette différence fait partie de notre credo de foi. Nier cette différence c’est nier la sagesse de Dieu et l’étendue de sa compétence à créer à l’infini ce qu’il veut.

{Considère comment Nous avantageons les uns par rapport aux autres. Mais les différences seront bien plus grandes et les privilèges bien plus marqués encore dans la vie future.} Al-Isra – 17.21.

{Et c’est bien pour être si différents qu’Il les a créés.} Hud – 119.

Le principe de sens veut que l’on se pose la question sans complexe ni mystification idéologique :

{Est-ce que sont semblables l’aveugle et le voyant ?}

{Est-ce que sont semblables ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ?}

Reconnaître cette différence c’est l’accepter avec toutes ses conséquences : engager la lutte si elle porte préjudice à l’islam ou à la communauté musulmane ou la tolérer si elle nous porte la contradiction sans nous agresser. D’ailleurs ici nous ne faisons pas couvrir d’opprobre ou d’anathèmes ou d’apostasie ceux qui pensent différemment nous ne faisons que montrer la faute ou l’erreur de jugement pour que les sensés fassent l’économie d’une mauvaise expérience et que les moins avertis s’éveillent et soient plus perspicaces car ils ont une mission et une vocation qui exigent de l’intelligence et du sens.

La différence est la règle et c’est pourquoi nous devons l’accepter et surtout ne pas fanfaronner pour mépriser les autres car elle nous montre la responsabilité vis-à-vis des autres pour les ramener vers la raison, vers la foi, vers le bien, vers le beau sans perdre patience sans désespérer et surtout en remerciant Dieu de ne pas être du nombre des égarés. C’est davantage la faute ou l’erreur ou la confusion qui nous intéressent pour lever les doutes, les équivoques et contribuer à indiquer tout ou partie du chemin à prendre sans se donner des titres de vertu et le droit de mépriser autrui ou de l’insulter. Le fautif comme l’égaré nous intéressent comme être à accompagner, à convaincre, à réveiller sans contrainte ni propagande ni manipulation. La différence est la règle même en matière linguistique :

{Ô Nass ( les hommes compris comme Insane) ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux. Dieu est Omniscient et bien Informé.} Al-Hujurat – 13.

{Et parmi Ses signes, il y a aussi la création des Cieux et de la Terre, la diversité de vos langues et de vos couleurs. En vérité, il y a en cela des signes pour des esprits éclairés.} Ar-Rum – 22.

Le devoir de connaissance, de reconnaissance et d’échange est un impératif religieux et humaniste qui exige le respect de la différence ethnique, linguistique, culturelle, sociale et religieuse.

Omar Mazri et  Zeinab Abdelaziz

Le Divin « piégé » ?! Partie 2/3

Le Divin « piégé » ?! Partie 3/3

La Guerre contre l’Arabe

Le Qur’ân et la pensée musulmane posent l’équation de la science conjuguée à la langue dans le cadre de la civilisation qui nait de la foi et des valeurs de liberté, de justice et d’édification que l’Islam exige comme prolongement et témoignage du Thawhid de l’âme humaine dans la société humaine. Le Qur’ân met en exergue l’articulation magistrale des actes civilisateurs : la foi, la science, la technologie, la bonne gouvernance et la maîtrise de la langue :

{Et quant il eut atteint un endroit situé entre les Deux Barrières (montagnes), il trouva derrière elles une peuplade qui ne comprenait presque aucun langage. Ils dirent: ‹Ô Zul-Qarnayn, les Yajuj et les Majuj commettent du désordre sur terre. Est-ce que nous pourrons t’accorder un tribut pour construire une barrière entre eux et nous?› Il dit: ‹Ce que Mon Seigneur m’a conféré vaut mieux (que vos dons). Aidez-moi donc avec force et je construirai un remblai entre vous et eux.} al Kahf 93

 Ou bien tu te civilises dans un projet global et dynamique impliquant la langue , l’éthique, les institutions, l’exercice de l’état de droit, la justice, la science et la maîtrise technologique qui libère de la colonisabilité et de la colonisation ou bien c’est l’extérieur qui va te coloniser et t’imposer sa langue et ton statut de colonisé comme « bienfaits de la civilisation » après avoir mené toutes les opérations pour te priver de ta liberté, de ta dignité, de ta mémoire, de ta langue et de ton devenir. Perdant ton identité, tu ne peux vivre qu’en opprimé en perspective de la grenouille ou de contre plongée : la tête en l’air admirant la grandeur de celui qui t’a soumis, qui te domine du haut de son arrogance et qui maîtrise sa langue et la tienne mieux que toi tu ne maitrises la sienne.

La langue arabe, la tienne, la notre, nous l’avons déjà perdue par abandon ou par confiscation de notre islamité.

La guerre contre l’islam depuis son avènement a pris des formes multiples, militaires, économiques, politiques, colonisation, impérialisme, fétichisme, modernisme, scientisme, progressisme et leur lot d’intégrisme et de corruption des mœurs et des idées. En réalité, ces formes ne se sont que l’expression de la lutte contre deux convictions, deux imaginaires, deux voies : le Monothéisme et le paganisme pluriel et protéiforme. En Méditerranée, dans sa forme de contradiction Nord-Sud, elle exprime la lutte d’influence, voire d’existence, entre la rive latine et la rive non latine, entre la rive judéo-chrétienne et la rive musulmane en passant par les Croisades du moyen-âge, l’éradication des musulmans d’Andalousie ou la colonisation des peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Dans cette guerre contre l’islam sans relâche, une place de choix est réservée à la lutte idéologique qui vise à empêcher le monde musulman de produire ses idées, ses élites et de se réapproprier l’éthique et l’esthétique de l’islam pour un développement autonome et libéré de l’impérialisme. Le Qur’ân a averti de cette lutte et de son caractère idéologique. L’idéologie pour nous ne signifie pas propagande mais discours sur les idées et leur sens dans les rapports de l’homme à Dieu, à l’homme, à la nature, à la technique, à l’art, à l’économique, au politique, au culturel, au savoir, à la conscience, à la société… Dès qu’il y a débat philosophique ou religieux, nous sommes fatalement impliqués dans une lutte idéologique d’appropriation ou de négation de sens selon nos convictions, nos intérêts et notre assise spirituelle et intellectuelle. C’est la lutte idéologique au sens Qur’ânique :

{Nous en avons fait un Qur’ân en langue arabe, afin que vous en saisissiez le sens.} Az-Zukhruf – 3.

La bataille de sens n’est pas seulement au niveau de la foi, de la philosophie ou de la politique, elle se cache souvent dans la lutte entre deux imaginaires, entre deux champs d’exploration du réel et de représentation de la vérité qui forment ce qu’on appelle l’imagination ou le potentiel d’avoir des images mentales ou encore celui d’évoquer le virtuel, ce projet qui est en devenir comme potentiel de vie, à qui ne lui manque que l’opportunité et la pertinence pour devenir non pas réel mais actuel comme un grain blé qui peut donner un épis de blé, une semence une génération de plants. Toute la compétence humaine d’imaginer est de produire du sens ou de la virtualité de sens est indissociable de sa compétence à entendre et à parler et à voir les signes, les indices.

Le Qur’ân met en exergue cette compétence que nos pédagogues et nos dialecticiens alignés sur l’Occident ne reconnaissent ni dans le Qur’ân ni dans sa langue l’Arabe, ni dans le sens universel que cette langue véhicule tant sur le plan de la science que sur celui du symbole cosmogonique:

{Allah vous a fait naître du sein de vos mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, la vue et l’intelligence. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants?} An-Nahl – 78.

Cette lutte idéologique contre l’islamité prend dimension de bataille culturelle au sens propre de bataille, avec son cortège funeste de ruines, de morts, de souffrances et ses proclamations sanglantes de victoire ou de défaite. Cette bataille est menée sur plusieurs fronts et plusieurs champs de batailles dont les plus importants sont celui de la langue Arabe.

La bataille contre l’arabe se fait parce qu’elle est langue du Qur’ân. Il faut bien comprendre cette vérité que nous allons expliciter un peu plus. La lutte est contre le Qur’ân. Si le Qur’ân avait été révélé en langue française ou anglaise la bataille aurait été menée contre la langue française ou anglaise. Allah a dévoilé le complot international bien avant sa manifestation historique :

{Si Nous avions révélé ce Qur’ân en langue étrangère, on aurait objecté : «Si au moins ses versets étaient clairs et intelligibles ! Comment? Un Qur’ân en langue étrangère pour un peuple arabe?» Réponds-leur : «Ce Qur’ân est un guide et un baume pour les croyants, seuls les négateurs, quand il s’agit de ce Livre, font la sourde oreille et simulent l’aveuglement. C’est comme si l’appel qu’on leur lance venait de trop loin pour être entendu.»} Fussilat – 44.

La bataille contre cette langue se fait contre elle en tant que langage et parfois en tant que signe. En Turquie les intégristes laïcistes n’ont proclamé victoire sur l’islam qu’une fois la Turquie Kémaliste expurgée de l’alphabet arabe ait pris pari sur son avenir en adoptant la lettre latine. Byzance reprend sa revanche contre Mohamed al Fatah comme les néo pharisiens reprennent leur revanche contre Babel en exterminant les Palestiniens, puis les Irakiens, dans la même logique des Croisades, dans la même coalition contre Al Madinah…

La bataille sur le signe, le symbole et l’avenir fait rage.

Elle fait rage dans les détours de la civilisation, de l’histoire, de la colonisation, de l’Evangélisation. En Algérie, le berbérisme et le colonialisme participent à la même logique : présenter le kabyle comme « conquérable » et assimilable, à opposer à l’Arabe considéré comme un non réceptif à la civilisation occidentale, non assimilable à la culture française par son fanatisme religieux. On va jusqu’à occulter le caractère sémitique et Abrahamique qui lie l’Arabe à l’hébreu pour trouver une histoire commune (sous entendu un destin commun) entre le Juif et le Berbère.

L’historien algérien Mahfoud Kaddache dans « L’utilisation du fait berbère comme facteur politique dans l’Algérie coloniale » écrit à juste titre : « Cette division Et de comparer le Kabyle et l’Arabe, le premier autochtone, montagnard sédentaire, sociable, professant des sentiments égalitaires, partisan de la propriété individuelle, âpre au travail comme le paysan français, alors que le second étranger au pays, homme des plaines, de steppes, nomade et barbare dans l’âme, un sauvage intelligent aux mains de qui la terre devient fatalement un désert…imbu de préjugés, aristocratique, partisan de la communauté des terres, s’abandonnant à l’indolence de la vie pastorale […] L’objectif, diviser pour régner, apparaissait avec les premières études ; il s’agissait de ne pas courir avec le Berbère colonisé du XIXème, le risque d’un échec comme ce fut le cas avec Rome et le christianisme. Il ne fallait pas laisser le Berbère cramponné à l’Islam, ni tourné vers l’Arabe, ni vers l’arabisation.»

Il poursuit, citant les sources coloniales pour montrer l’inanité de la politique de division ethnique et linguistique entre Arabes et Berbères par la colonisation : « Si les Kabyles étaient attachés à l’Islam, c’est à cause de la « croisade musulmane au nom de la France par l’administration militaire » ; elle a rendu les Kabyles « plus mahométans qu’avant la conquête» et leur a permis de se regrouper autour des chefs religieux, de se rapprocher des Arabes dans les différentes sectes religieuses. « L’Islamisme a donc poussé plus profond ses racines », et les vrais principes musulmans tendent à se substituer aux anciennes coutumes locales …

« Bref, l’assimilation avait échoué, le fossé qui séparait les Kabyles et les Arabes paraissait comblé pour ceux qui constataient cet échec. Est-ce à dire qu’on renonçait au mythe kabyle et à une politique berbère fondée sur la distinction entre Arabes et Kabyles ? Non car « le fossé reste assez large » pour qu’un habile politique parvienne à la maintenir, au grand avantage de la domination française […] Etablir une différence dans les signes même de la pensée, maintenir l’antagonisme à la base ; remplacer les caractères arabes par les caractères français, écrire la langue kabyle en caractères français … »

Mahfoud Kaddache a eu le mérite de montrer le caractère idéologique et religieux de la colonisation au delà du fait colonial lui-même : « Des essais de vulgarisation, des œuvres littéraires évoquèrent la romanisation de la Berbérie, parlèrent de la « résurrection de l’Algérie latine » et affirmèrent la vocation occidentale sinon latino-chrétienne du monde berbère ». Contre cette berbéro christiano occidentalisation, le peuple algérien dans toutes ses compositions ethniques et idiomatiques se dressa comme un seul homme derrière le savant de la Nahda algérienne le berbère constantinois Abdelhamid Ibn Badis et son slogan : « l’Islam est notre religion, l’arabe notre langue, et l’Algérie notre patrie »

La langue est le canevas sémantique, lexical, idéique et subjectif pour donner du sens aux signes et aux symboles, pour communiquer sur les désirs collectifs et faire de l’idée un projet argumenté par la parole et l’écrit sur lequel émerge l’acte de libération, l’acte d’édification nationale, l’acte de civilisation. La langue est l’expression de la mémoire d’un peuple, de son attention sur son projet de civilisation et de ses attentes sur son devenir et son espérance. Toute attaque contre une langue est une attaque contre la conscience du peuple pratiquant cette langue, de son histoire et de son avenir.

Pour détruire une civilisation on détruit ses fondements linguistiques, sa langue et ce qu’elle véhicule comme valeurs. Pour empêcher une civilisation de naitre on bloque, on corrompe sa langue et on la laisser dériver vers le futile, l’incohérence et l’éclatement entre des emprunts sans ligne ordinatrice. Sénèque l’Ancien disait « Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait où aller ». Il en est de même pour l’esprit et la langue. Les Pharisiens, les défenseurs du Temple et les rentiers de la foi ont présenté à Jésus des cœurs déchirés et des esprits volatils entre la langue de la rhétorique grecque, celle de la puissance coloniale romaine et celle du mythe de l’élection divine entretenu par les doctes et les scribes. Il avait compris la situation en disant cette parole : « le règne de la loi est fini c’est le règne de l’amour ». Il annonçait la fin des lois scélérates et falsifiées et le triomphe de la cohésion d’un seul cœur, d’une seule idée directrice.

Dans son sermon sur la Montagne, dans ce que les Chrétiens, appellent les Béatitudes, il proclamait « Bienheureux les faibles d’esprit » pour dénoncer la confiscation des consciences et la diversion des esprits engagés dans les débats fourvoyés par les bienfaits de la colonisation culturelle grecque et militaro administrative romaine. Trop dispersés dans leurs langues comme du temps de Babel, ils ne pouvaient ni se comprendre ni se fédérer autour du Verbe de Dieu. Telle est la destinée de ceux qui prennent leur religion comme jeu, divertissement et rhétorique : spiritus : tempête de l’esprit au lieu d’harmonie des cœurs et cohésion des langues. Dans ces conditions impossible de saisir le Signe divin qui appelle à l’unité et proclame l’Unicité.

La loi Toubon en France exprime le souhait des élites françaises de l’extrême gauche à l’extrême droite de défendre leur unité nationale à travers l’unité de leur culture, de leur passé, de leur place dans le monde et dans la défense de l’unité de leur langue contre l’hégémonie culturelle, technologique et scientifique anglo saxonne. Le colonialisme français cédant le pas devant la puissance de feu militaire, financière et économique américaine a fait de son socle culturel, la langue française, son bras idéologique et culturel dans le partage du monde en se dotant d’un outil diplomatique, conceptuel, symbolique et politique : la Francophonie. La Francité traditionnelle est mobilisée au service de l’existence de la souveraineté de la France dans le concert des nations impérialistes.

Le code de l’indigénat durant la colonisation française ne visait pas seulement à peupler l’Algérie de colons européens pour spolier ses richesses mais à éradiquer l’Islam et l’Arabe qui font l’identité de l’Algérien comme ils font l’identité de l’Égyptien, du Syrien, de l’Irakien, du Marocain et des autres peuples arabes. La « pax romana » du colonisateur a consisté comme dans les lois de César à « soumettre les superbes et à humilier les soumis ». Elle a cherché dans ses mémoires pour trouver la même loi qui raye les civilisations et les peuples : la division et la discorde en cultivant l’esprit tribal hérité de la décadence musulmane, les particularismes folkloriques et linguistiques locaux propre à chaque région : diviser pour régner. Si le monde judéo-chrétien se divise en 72 sectes opposées les unes aux autres, l’esprit moderne colonialiste trouve l’accord pour partager son influence linguistique, culturelle, politique, militaire et économique en partageant le monde arabe en 73 électrons libres sans centre, sans trajectoire, sans énergie autre que la négation et la division à l’infini jusqu’à épuisement.

Tout ce qui existe à sa langue inscrite dans une linguistique de l’universel donne harmonie et concorde. S’inscrire hors de soi, hors de sa langue, hors de ses valeurs c’est perdre le sens de cet universel qui paradoxalement donne à chaque différence une identité qui ne peut qu’exister qu’en contraste s’opposant à l’autre ou se conjuguant à lui selon les lois de l’harmonie et du rythme qui donne preuve de la vitalité sans laquelle il y a inertie conduisant à la mort. Se confondre avec l’autre exige un amour fusionnel partagé ou le renoncement à soi comme un sacrifice pour maintenir en vie l’extérieur. C’est la signification sacrificielle de l’Holocauste. La victime peut être consentante ou rebelle selon le sens qu’elle donne à son sacrifice. Elle peut être insouciante et ainsi perdre usage de la langue qui évoque le passé, qui exprime l’avenir, qui témoigne du présent, qui revendique ses droits et ses devoirs et qui invoque Celui qui a fait parler toute chose de la création dans sa langue spécifique.

Les élites arabes, y compris les arabophones, ont fait de l’arabité et de l’Arabe un signe de décadence, une honte publique, une tare dont il faut se débarrasser au nom de la modernité. Toujours en retard d’une guerre, ils oublient dans leur ignorance crasseuse et mimétique que la modernité prométhéenne mi Dieu mi homme mi Titan est déjà dépassée par la post modernité. La post modernité hermésienne qui revendique l’échange, la communication et les arts est elle aussi en faillite car elle a du mal à surmonter ses propres contradictions : affirmation de l’hégémonie occidentale et désir de fin des monopoles pour une socialité sans frontières, sans normes, sans arbitraire, sans centre, sans limites à la commutation des sens et des échanges libres. Elle a du mal à assumer un monde ancien achevé et la naissance d’un nouveau dont elle a perdu la compétence de « civiliser les barbares ».

La dialectique n’accepte pas les crises qui durent ni les contradictions non résolues le destin s’accomplira dans un sens ou dans un autre par l’harmonie fédératrice ou le chaos générateur de nouvelles énergies. Cette loi est valable tant pour le colonisé que le colonisateur car Dieu a voulu que chaque instant soit acte de renouvèlement de la création et dans cet acte l’homme est Fa’il (davantage actant ontologique et social que simple sujet d’un verbe d’action) ou Maf’oul bihi (davantage objet asservi qu’être subissant)

Entre le Modernisme et le post modernisme, l’Occident n’a pu nous léguer ni Trinité ni Prométhée ni Hermès, mais nos élites ont su importer Pandore et sa boite pour le malheur de nos peuples. Ce que le colonialisme n’a pu défaire, ils ont trouvé le moyen de le corrompre en s’attaquant à l’islamité et à l’arabité au nom de l’algérianité et de la berbérité ouvrant une bataille culturelle sur un fond idéologique alors que le débat politique avait perdu le sens de la mesure et de l’intérêt national. Dans cette bataille tronquée ils ont commis des crimes impardonnables :

Prendre le peuple en otage et lui faire oublier son droit à l’alphabétisation : le Alif ou le Alpha est le ferment de la liberté et de la civilisation. Le socle de la langue ayant perdu son sacré on peut se permettre toutes les dissonances. Se réclamant civilisés, instruits, ouverts aux arts et à la culture, ils oublient ce principe de vie d’un peuple que Maila Tavio a raconté avec brio « Lorsqu’une langue meurt avec ses couleurs, ses nuances, le peuple meurt aussi ». Notre drame n’est ni dans la langue arabe ni dans le Qur’ân ni dans l’Islam mais dans notre manière de voir le monde : libre agissant pour notre compte ou aliéné agissant pour le compte d’autrui. Ceux qui veulent latiniser le monde musulman et l’Algérie en particulier doivent méditer cette citation de Marc Aurèle : « Ta manière de penser s’orientera d’après la nature des objets que tu représentes le plus souvent, car c’est des représentations que l’âme prend sa couleur »

Notre âme est dans l’islam qui a détruit les idoles et tout paganisme politique, économique, culturel ou religieux qui aliène l’homme à la chose et en fait une idole qui lui dicte son regard mental par lequel les yeux voient le monde et la langue raconte le monde.

En faisant de la langue Arabe la visée principale de la diversion idéologique interne et du sabotage culturel extérieur le but est multiple :

  • Maintenir les peuples dans une confusion mnésique et sémantique sur leur histoire, leur patrimoine, leurs droits et leurs devoirs.
  • Laisser les populations se débattre dans leurs dialectes sans langue fédératrice comme socle culturel et sans instrument de production et d’acquisition des idées, des concepts autre que dans la langue du colonisateur et de ses vassaux. Tout dialecte, même s’il est langue maternel, porte les limites de son expression, les imperfections de sa syntaxe, la pauvreté de son lexique, l’incapacité de conjuguer les verbes et de manier la subtilité de cette conjugaison. Le dialecte avec sa carence sur le plan sémiotique et sa défaillance structurelle reste une phonétique pour les peuples primitifs, les bédouins et les populations enclavées dans leurs douars et dans leurs contes nostalgiques. Il ne peut avec l’alphabet latin, hébreu ou arabe exprimer plus que sa vocation : dire des choses ou des émotions primaires qui donnent à l’existence de l’indigène une dimension locale sans inscription dans l’universel. Toutes les civilisations qui ont résisté à l’épreuve du temps portaient la culture du signe à un rang de l’universel même si le sens de cet universel se corrompe par le pouvoir, le luxe et les plaisirs mondains et l’injustice qu’ils provoquent dans la création.
  • Priver les peuples arabo musulmans de la compétence de produire du sens islamique. Ce sens qui proclame la gratitude envers Dieu et la lutte contre l’ingratitude et l’injustice est le signe qui se répète sous plusieurs formes, plusieurs contextes et plusieurs déclinaisons que seule la langue arabe peut en saisir les subtilités alors que les autres langues non averti y voient redondance ou contradiction :

{Dieu vous a fait naître du sein de vos mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, la vue et l’intelligence. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants?} An-Nahl – 78.

Ce sens est un défi à l’arrogance du paganisme mondial dans sa version athée matérialiste ou dans sa version judéo-chrétienne totémiste.

  • Nier l’universel que porte la langue arabe en tant que langue Qur’ânique. En effet s’approprier la langue arabe c’est s’approprier la clé de lecture du Qur’ân, de récitation, de mémorisation et de compréhension du Qur’ân. Si le Taddabur et le Taffakur nous échappent, par notre vie insensée, dans l’énoncé Qur’ânique, leur sens et leur portée n’échappent pas aux spécialistes de la profanation de l’islam et de l’aliénation des musulmans. La monolâtrie et l’idolâtrie se conjuguent pour mettre fin au Monothéisme car ils savent qu’il est le ferment contre leur dictature et leur impérialisme. La lutte contre la langue arabe n’est en réalité qu’une tentative, répétée, pour ne plus entendre dans sa version originale, sans falsification, cet appel contre l’aliénation :

Proclame la Vérité émanant de ton Seigneur

Dis la Vérité est venue et le faux est appelé à disparaitre car le faux est inéluctablement condamné à disparaitre.

La modernité, la post modernité pour l’Arabe et le musulman est de redonner sens et vie à l’expression de cette vérité dans son cadre contemporain, dans sa langue initiale et dans un continuum spirituel et actantiel dans lequel il est urgent de se réinscrire pour que la langue Arabe, celle du Qur’ân, ne soit plus le Bouc émissaire et que la lutte s’opère sans intermédiaire, sans diversion, sans trahison : la vérité contre le mensonge, la justice contre l’arbitraire, la liberté contre l’oppression. Nous devons garder toute la lucidité pour voir comment à chaque revendication libertaire du monde arabe et à chaque déficit de crédibilité des gouvernants corrompus et des élites incompétentes l’impérialisme nous sort ce combat contre la langue du Qur’ân comme moyen de diversion mais aussi comme tentative de profiter de notre inattention et de notre focalisation sur le seul terrain des luttes politiques ou sociales alors que l’armada de l’impérialisme est sur tous les fronts mettant des fers sur tous les feux par sa culture du sens tant stratégique que tactique.

Il est vrai que les marabouts ont fait de la langue Arabe la langue du défaitisme, de la résignation et de la fatalité. Les Foqaha ont fait de cette langue une langue de bois versée dans le juridisme et une problématique culturelle rendue complexe pour anesthésier la pensée qui ne sait plus trouver son chemin dans un geste aussi simple que le Wudu (les ablutions). Les poètes ont en fait une langue pour magnifier la femme et l’éros sans prise sur le social et les conditions de la femme arabe ou celles de l’homme arabe. La langue arabe s’est figée dans un hymne à l’esprit nostalgique du passé des guerriers alors que l’islam préconisait l’argumentation, la science et le témoignage véridique pour convaincre de sa vérité et de sa justesse. Sur ce détournement de la religion et de son instrumentalisation par le bigot, le pharisiens, le despotes et le colonialisme, il est intéressant de se remémorer, face au combat mené contre l’Arabe, ce que Malek Bennabi a évoqué dans « la vocation de l’islam » :

«… c’est parce que celui-ci sait que la religion demeure l’unique, l’ultime moyen de refaire la santé morale d’un peuple qui a perdu, dans la crise de son histoire, tout ressort moral. Si aujourd’hui il y a quelque chose qui vibre encore dans l’âme musulmane, quelque chose qui la rend capable de se transformer et de se dépasser, c’est bien l’Islam.

Aussi le colonialisme s’attaque-t-il partout à cette puissance de résurrection. L’Islam devient donc l’objet de toutes les restrictions, de toutes les surveillances. Il est aujourd’hui infiniment plus facile d’ouvrir une maison de jeux ou un café qu’une école Qur’ânique. D’autre part, c’est l’administration elle-même qui désigne le personnel du Culte — le muphti et l’imam — non pas à la satisfaction de la communauté musulmane, mais au gré des colons. Et, par ce dispositif, elle tient en ses mains les suprêmes moyens de corruption. L’homme qui dirige les dévotions à la mosquée n’est pas choisi pour sa conscience morale ou pour sa science théologique, mais surtout pour son utilité administrative, comme simple adjudant des prières. Cette situation du culte n’est pas celle qui trouble le moins la conscience du croyant, en le plaçant devant des faits parfaitement perturbateurs: un imam qui moucharde, un muphti corrompu et corrupteur, un cadi prévaricateur. On veut faire de l’Islam lui-même un aspect pittoresque de la «vie indigène».

Et c’est ainsi que l’administration accumule les écueils et les entraves sur la voie de la renaissance musulmane.

Mais ici du moins, une confrontation directe devient possible entre la colonisabilité et la colonisation comme facteurs de paralysie. Cette confrontation nous permet de nous rendre compte, sur le vif, que le colonisé peut toujours se libérer de sa colonisabilité, dans la mesure où il applique son intelligence et son effort à surmonter les difficultés, à contourner les écueils, à rompre les entraves. Ici du moins, — parce que le musulman, même au stade post-almohadien, ne souffre pas d’atteinte à sa religion, — nous le voyons et nous l’avons vu, en Algérie notamment, édifier lui-même ses nouvelles mosquées où il va librement faire ses dévotions, et ses nouvelles écoles où son fils poursuit librement ses études. Ces initiatives nous prouvent à quel point il ne s’agit pas de discourir sur la liberté du culte, ni sur l’extension de l’enseignement, mais de faire des œuvres sociales et d’accomplir des devoirs impérieux. Il est évidemment excellent d’obtenir les «droits» que l’on a réclamés, mais il ne s’agit pas, comme on le fait malheureusement encore, de renverser l’ordre des valeurs en mettant les «droits» avant les «devoirs», — ce qui ne pourrait qu’augmenter la confusion, le désarroi et le chaos en multipliant les faux pas de la «boulitique».

Le colonialisme fait encore sonner minuit, mais dans le monde, musulman, l’heure du sommeil et des fantômes est passée, sans rémission. »

L’historien algérien Mahfoud Kaddache faisant référence tant aux faits historiques qu’aux discours des observateurs et des idéologues de la politique de peuplement colonialiste en Algérie insiste sur l’arabité et l’islamité de la résistance algérienne, Berbères et Arabes, contre la domination coloniale au nom de l’islam qui dérouta la sociologie et la guerre psychologique du colonisateur : « Les Chorfas qui furent très nombreux en Kabylie, les confréries en particulier celle des Rahmania avec le cheikh Al Haddad en 1871 donnèrent souvent au patriotisme algérien un caractère mystique. […] Le danger était encore plus grand avec la participation d’éléments kabyles au mouvement des Oulémas ; les Berbères voyaient dans la renaissance de la langue arabe, l’arabisme et le nationalisme musulman, la condition du réveil politique et l’émancipation de l’Algérie.»

Nul ne peut nier l’immobilisme persistant de la pensée musulmane qui n’arrive pas encore à surmonter sa contradiction logique dans sa confrontation à la colonisation. Dépasser cette contradiction c’est aller vers le débat ultime : la civilisation. Le colonialisme et ses vassaux ne sont que des accidents secondaires.

Malgré tout ce qu’on peut accepter comme critiques objectives et subjectives contre les musulmans, nul ne doit par contre nier que la dynamique de libération est passée par l’apprentissage de la langue arabe dans les écoles Qur’âniques mêmes si ces écoles sont accusées d’avoir davantage développé le réflexe de Pavlov par l’imitation et le parcoeurisme que l’Ijtihad. N’est-ce pas la critique lancée par les partisans de l’école française contre l’école Badissienne comme si cette dernière était prise en flagrant délit d’incompétence pédagogique et didactique. Bien entendu on opère à une « décontextualisation » historique et politique avant de lancer l’amalgame de venin.

Nous pouvons prendre toutes les critiques comme partiellement vraies car elles ne sont pas habitées par l’esprit de vérité et de justesse mais par l’esprit du dénigrement idéologique. En effet, par des demi-vérités hors de leur contexte on cherche à créer de la diversion idéologique car elle occulte le fait colonial et la résistance contre le colonialisme par les moyens propres à l’indigène qui a eu le génie de mettre en place sur les décombres de la décadence et de l’occupation un système précaire de formation des élites musulmanes. Ce système a conduit le mouvement de la renaissance musulmane et de la libération nationale en étant ouvert à la pensée musulmane revendiquant son existence, sa langue et sa parole pour devenir acte de libération comme fut la parole de Djamel Eddine Al Afghani rompant le silence sur le drame vécu par les musulmans en réveillant leur conscience par cet appel à se réformer par le Qur’ân : « Parmi les vertus du Qur’ân, il y a celle-ci qu’avant sa révélation, les Arabes vivaient dans un état de barbarie indescriptible. Mais un siècle et demi à peine après sa révélation, ces mêmes Arabes devinrent les maîtres de leur monde et dépassèrent toutes les nations de la terre, en politique, en science, en philosophie, en industrie et en commerce. ».

De l’Egypte comme base, il avait lancé son appel à la libération de la pensée musulmane des ‘‘carcans de l’immobilisme’’, à la promotion de la liberté de la presse. Il avait préconisé la révolution politique comme moyen d’action le plus sûr et le plus rapide pour se défaire des oligarchies qui soutiennent l’influence des puissances européennes. Il préconisa la constitution comme moyen permettant de limiter le pouvoir despotique. Et bien entendu il s’est dressé sans faillir contre le colonialisme britannique qu’il avait combattu déjà en Afghanistan en tant que gouvernant et soldat trahi par les élites embourgeoisés. Al ‘Ourwa al Wotqa (l’anse la plus solide) était son organe et sa devise qui signifiant dans la langue arabe tout un programme anti colonial :

{Point de contrainte en religion maintenant que la Vérité se distingue nettement de l’erreur. Désormais, celui qui renie les fausses divinités pour vouer sa foi au Seigneur aura saisi l’anse la plus solide, sans crainte de rupture. Dieu est Audient et Omniscient.} Al-Baqara – 256.

Le premier problème qu’on veut occulter est de renoncer à soi en refusant de retrouver sa langue et en entretenant volontairement la confusion qui règne dans le monde des idées et leur obsolescence dans le monde occidental et qu’on veut importer comme du prêt à porter et à manger. Le second problème qu’on veut occulter est la faillite du projet laïc nationaliste dans le monde arabe dans la gouvernance sensée des peuples et la gestion saine des richesses nationales. Fiasco total sur toutes les lignes. L’absence de probité morale et intellectuelle les conduit à nier leur peuple, à le mépriser et à collaborer avec le colonisateur au lieu de faire leur auto critique et leur mue idéologique.

Les peuples n’ont ni la conscience ni le temps ni le droit pour l’instant de leur demander des comptes sur la faillite morale, économique, politique et culturelle de leur gestion. L’histoire ne peut les épargner pour leur travail de sape contre l’Arabisation qu’ils ont conduite au suicide par orgueil culturel, par mépris de l’islam et par paresse d’apprendre l’Arabe. Vivant comme des rentiers de la langue du colonisateur et du peu de savoir qu’ils ont acquis grâce au sacrifice des libérateurs, martyrs, anciens Moudjahidines ou anciens détenus, ils ont laborieusement torpillé tout effort d’alphabétisation des peuples en prenant le peuple comme otage de leur diversion idéologique sur la langue arabe et l’arabisation bâclée qui a produit des ignorants ou au mieux de médiocres gagne pains par le potentiel de nuisance mis dans tous les engrenages politiques, administratifs, éducatifs, didactiques, pédagogiques et professionnels pour détruire la langue du Qur’ân ou pour rester attachés aux Lumières françaises qui ont conduit les Arabes vers les ténèbres de l’ignorance de la Lumière Qur’ânique.

Quand la pensée refuse de s’actualiser au contact des défis du temps ou quand les actions ne s’inspirent pas de l’effort de la pensée noble et généreuse, le délabrement idéologique ne peut que se traduire par une volonté affichée de s’amputer de sa langue et s’inscrire dans le silence exigé par le colonialisme et les despotes. Faute de langue supportée par une académie, des Lettres, des arts et de la science mais surtout par faute de vision claire sur l’avenir, soumis ou insoumis à l’ordre colonial, nos idées restent confuses voire mortifères pour le corps social qui ruralise sa langue et qui la pratique comme si elle était un intrus au meilleur des cas et un ennemi au pire des cas. C’est la ruralisation, au sens Khaldounien, de la conscience et du langage qui ne s’éveillent qu’au contact des choses et des besoins primaires et non pas l’Arabisation ou l’Islamisation qui sont les vecteurs de ce nomade sans racines, sans ancrage culturel et linguistique que nous appelons l’homme arabe moderne. Victor Hugo avait dit : « le lion imitant un lion devient un singe » qu’allons nous dire pour décrire notre aliénation ?

Dans le combat pour ou contre l’Arabe, l’arabité, l’arabisation, nous ne devons jamais perdre de vue que le choix ou le renoncement à ce combat est idéologique : renoncer totalement à soi ou confirmer son identité, se voir dans une aire civilisationnelle musulmane libérée du « chirk » ou se voir préposé aux affaires coloniales dans son pays maintenu par le colonisateur dans le statut de comptoir commercial. Le Qur’ân nous rappelle, en sa qualité de Dikr, de ne pas oublier les leçons du passé et de ne pas nous laisser leurrer par les discours démagogiques qui nous font confondre nos priorités, nos besoins, nos exigences, nos alliés, nos ennemis et notre devenir avec ceux de l’impérialisme :

{Comment admettre que, quand ils sont les plus forts, ils ne tiennent compte à votre égard ni des liens du sang ni de la foi jurée? Ils ne cherchent qu’à vous plaire par de belles paroles sans que leurs cœurs y adhèrent, car ils sont pour la plupart des scélérats qui troquent à vil prix les enseignements de Dieu et se dressent en obstacle sur Sa Voie, dans une attitude des plus exécrables, sans jamais respecter à l’égard d’un croyant ni les liens du sang ni la parole donnée. Ils agissent toujours en véritables transgresseurs.} At-Tauba – 8.

Si nous ne pouvons pas confondre celui qui agit sous la contrainte sociale ou économique ou qui se contente des rituels sans portée stratégique comment pouvons-nous nous tromper sur l’essentiel de notre foi, de nos valeurs et de nos engagements et nous laisser nous détourner par les promesses chimériques et les illusions à court terme :

{Comment pouvez-vous assimiler celui qui est chargé de distribuer l’eau aux pèlerins ou d’entretenir la Mosquée sacrée à celui qui croit en Dieu, au Jugement dernier et qui combat pour la Cause de Dieu? Non, ils ne sont pas égaux devant Dieu, et Dieu ne guide point les injustes.} At-Tauba – 19

Ce combat pour ou contre la langue arabe est un combat idéologique car la question qu’il soulève relève de notre système de représentation du monde et la vision que nous faisons de nous-mêmes dans ce monde : Fa’il (Sujet) ou Maf’oul bihi (Complément d’objet). Se voir Fa’il sujet d’un verbe d’action et non seulement comme sujet des auxiliaire être ou avoir c’est prendre le statut d’Actant. Prendre le statut d’Actant c’est nécessairement donner le primat à l’acte qui germe du monde de nos idées et de nos valeurs et non des idées d’autrui et de ses valeurs. Le statut d’actant signifie aussi que notre verbe prend appui de notre effort actantiel , l’acte qui se fait quête de son propre devenir et de sa propre vérité et non du schéma que le regard des autres veut nous y contraindre, privé des verbes d’action pour nous confiner à n’exister qu’en la seule qualité d’être végétatif contemplant son avoir dans les banques occidentales et subsistant de la rente des hydrocarbures.

Nos idées restent dans une large mesure dominées par notre langue car elle véhicule, en dehors de l’émotion, le trait d’union qui tisse des liens cognitifs à travers le livre, l’histoire, la religion et la sonorité des mots. Quand l’idée est fée du logis et que ce logis est entretenu par une belle langue alors la chose imaginée par l’idée est au service du projet de civilisation et des critères éthiques et esthétiques de cette civilisation et de cette langue comme l’enseignait Mohamed (saws) à sa belle aimée Aïcha notre mère :

« O ‘Âïcha ! Si la parole grossière prend forme, sa forme ne serait que mauvaise. Jamais les bonnes paroles ne sont mises sur une chose sans l’embellir et jamais elles ne sont enlevées d’une chose sans la rendre laide »

Dans notre cas cette langue est celle du Qur’ân qui énonce d’une manière claire et nette l’architecture entre l’acte, l’être, l’idéique et le linguistique :

{Vois-tu à quoi le Seigneur compare, à titre d’exemple, la bonne parole? C’est à un bel arbre dont les racines se fixent solidement dans le sol et dont la ramure s’élance vers le ciel, en produisant, par la grâce de son Seigneur, des fruits à chaque instant. Dieu propose ainsi des paraboles aux hommes pour les amener à réfléchir. Au contraire, une méchante parole est semblable à un arbre nuisible qui se développe à ras du sol, sans jamais y avoir une attache solide.} Ibrahim 24 à 26

Ce choix volontariste pour l’arabisation et l’arabité n’est pas obligatoirement manichéen ou autarcique. La possession de sa langue ne veut pas dire s’enfermer dans un isolat linguistique, mais la combinaison intelligente et harmonieuse entre soi et les autres. Sous n’importe quelle langue y compris celle du Qur’ân nous ne pouvons accepter l’idée d’être un entassement chaotique de choses sans style, sans esthétique, sans projet, sans humanité, sans devoir de témoignage aux autres.

La loi qui gouverne l’univers est une loi qui refuse la dissonance comme elle refuse l’indifférenciation. Comme la touche d’un peintre de génie comme Matisse qui a perçu la vibration des différences dans l’unité qui donne accord « Un ton seul n’est qu’une couleur, deux tons c’est un accord, c’est la vie » la présence des idiomes et des couleurs des hommes témoigne de la présence de l’Unicité du Créateur qui a choisi, par sagesse, de révéler son ultime Message dans l’Arabe :

{Et parmi Ses signes, il y a aussi la création des Cieux et de la Terre, la diversité de vos langues et de vos couleurs. En vérité, il y a en cela des signes pour des esprits éclairés.} Ar-Rum – 22.

{Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux.} Al-Hujurat – 13.

La loi de l’harmonie qui veut qu’il y ait une multitude dans l’unité et l’unité dans la diversité exige comme dans l’harmonie chromatique un rapport de grandeur, de valeur et d’intensité comme dit André Lhote : « Lorsque trois couleurs sont en présence. Une seule doit être poussée au maximum, la seconde diminuée et la troisième suggérée » ou dans un autre style L.B Alberti : « Et vraiment il y aura de la grâce alors que les couleurs sont juxtaposées avec une exacte habileté … Car un tel assemblage procure, grâce à la variété, un grand charme, et grâce au contraste, une plus grande beauté »

Une seule langue doit dominer sans que celle-ci ne soit tyrannique. Les musulmans, quand ils étaient porteurs du principe du sens du Monothéisme, ont conjugué les sciences et les arts avec la langue arabe comme ils avaient confronté leur langue avec les langues d’Asie et d’Europe, s’enrichissant mutuellement par la traduction et l’échange civilisationnel. Les musulmans, armés de l’Arabe, avaient le sens de l’harmonie et du beau car ils avaient acquis le sens de la vérité et de ce fait ils étaient un témoignage du Qur’ân et de l’Arabe, forgeant l’admiration des uns et inspirant la crainte aux autres :

{Muhammad est le Prophète de Dieu. Autant ses Compagnons sont durs envers les infidèles, autant ils sont pleins de compassion entre eux. On les voit s’incliner et se prosterner, aspirant à obtenir la grâce et l’assentiment du Seigneur. On les reconnaît à l’empreinte laissée sur leurs visages par leurs prosternations dans la prière. Telle est l’image qu’on donne d’eux dans la Thora, alors que dans l’Évangile ils sont comparés à une semence qui germe, se gonfle de sève et grandit pour se dresser sur sa tige, faisant l’admiration des laboureurs et soulevant le courroux des infidèles.} Al-Fat-h – 29.

Tous les musulmans ayant conscience de la lutte anti impérialisme menée par l’islam dans sa lutte plus globale, la lutte contre le mal et le mensonge, même s’ils sont francisés ou francophones, vivant en terres arabes ou latines doivent se hisser au niveau de la responsabilité historique, culturelle et religieuse de la défense, de la réhabilitation et de la promotion de la langue arabe. Il ne s’agit pas de se soumettre aux monarchies pétro dollaresques ni de nier nos dialectes et nos coutumes ancestrales mais de se hisser au modèle de l’homme parfait, l’archétype à suivre inscrit déjà dans Adam bien avant que nous soyons existenciés : Mohamed (saws). Ce Prophète illettré a inscrit la bataille culturelle et linguistique au cœur de la bataille pour l’islam et pour la libération des peuples convertis à l’islam en la posant en termes culturels mettant fin ainsi avant l’heure aux fausses querelles et ethniques et linguistiques :

« L’Arabe est celui qui parle la langue arabe. »

Mohamed (saws) visait naturellement la langue du Qur’ân et non celle des Quraychites idolâtres. Notre visée dans l’exercice de l’islamité ne peut faire l’impasse sur l’Arabité selon l’expression chère à Cheikh El Ghazali transposée au cadre algérien « je suis un Pharaon que l’islam a arabisé ». Avant lui Cheikh Ibn Badis a proclamé la même vérité : « Les fils de Ya’rub (les Arabes) et les fils de Mazigh (les Berbères) sont unis par l’Islam depuis plus de dix siècles. Et tout au tout au long de ces siècles, ils n’ont pas cessé d’être étroitement liés les uns aux autres, dans la mauvaise et la bonne fortune, dans les jours de joie et les jours d’épreuves, dans les temps heureux comme dans les temps difficiles de sorte qu’ils forment depuis les âges les plus reculés, un élément musulman algérien dont la mère est l’Algérie, et le père l’Islam. Les fils de Ya’rub et ceux de Mazigh ont inscrit les marques (ayat) de leur union sur les pages de l’histoire avec le sang qu’ils ont versé, sur les champs d’honneur pour assurer la suprématie de la Parole de Dieu et avec l’encre qu’ils ont coulée au service de la science. Après cela, quelle force est-elle capable de les séparer ? Ils ne se sont point divisés du temps qu’ils étaient les plus forts ; comment pourraient-ils alors que ce sont d’autres qu’eux qui détiennent le pouvoir ? Par Dieu, non. Et toute tentative pour les diviser ne fera que renforcer leur union et consolider leurs liens ».

Le linguiste et historien marocain, le docteur Abdelaziz Abdallah membre de l’académie marocaine, a démontré, documents historiques à l’appui que les Amazighes marocains dès leur islamisation ils ont appris la langue arabe et y ont excellé et l’ont rendue porteuse de leur culture et de leur histoire. Leur attachement à l’Arabe et à l’Islam était tel qu’ils avaient sans regret et sans contraintes délaisser leurs appartenances tribales et ethniques. Comme en Algérie les tribus berbères se sont mobilisés derrière Abdelkrim Al Khattabi, un descendant de Omar Ibn Al Kattab, pour libérer le Maroc de l’emprise coloniale française et espagnole au nom de la liberté, de l’arabité et de l’islamité du Maghreb.

Aussi bien en Algérie qu’au Maroc la langue berbère ne s’est conservée que par son enrichissement par l’adjonction de mots arabes. Sur cette question le docteur Abdelaziz Abdallah démontre scientifiquement que la conservation et l’amélioration des langues amazighes et du patrimoine culturel berbère ne se sont accomplis que grâce à la langue arabe. Il affirme que ni le caractère latin ni le chinois ni autre hiéroglyphe ni autre hiérographie ne pourrait protéger et développer mieux que l’Arabe et l’Islam le signe berbère.

Le mouvement islamiste algérien a permis à cette vérité de s’éclater au grand jour : les grands prédicateurs, les grands imams, les grands cadres des partis islamistes sont majoritairement d’origine berbère maniant l’Arabe avec toutes ses subtilités pour interpréter le Qur’ân ou déclamer la poésie arabe.

L’Islam et l’Arabe sont intimement liés au-delà de ce temps terrestre, ils sont inscrits dans l’universel et l’éternel. Toute ethnie qui embrasse l’Islam perd le sens de minorité ou de majorité dès lors qu’elle s’est fondue dans ce qui fédère au-delà du temps et de l’espace :

{Ainsi, Nous t’avons révélé en ce Qur’ân un code de sagesse en langue arabe. Si tu cèdes à leurs chimères, après la science que tu as reçue, tu ne trouveras plus ni soutien ni protecteur contre ton Seigneur.} Ar-Ra’d – 37.

C’est la langue que la Providence a choisi pour nous et nous ne pouvons ni ergoter ni aller contre la volonté divine car aussi bien le contenu que le support langagier du Qur’ân sont protégés, inviolables, infalsifiables en dépit de la rage et de la rancune des transgresseurs et des faussaires.

Signification coranique  de la langue arabe

{Telle est la parole de ton Seigneur, qui s’est accomplie en toute vérité et en toute justice, car Ses paroles sont immuables. Dieu entend tout et Sa science n’a point de limite.} Al-An’am – 115.

 {لِسَانُ الَّذِي يُلْحِدُونَ إِلَيْهِ أَعْجَمِيٌّ وَهَذَا لِسَانٌ عَرَبِيٌّ مُبِينٌ}.

{Et Nous Savons exactement qu’ils disent : « Ce n’est qu’un être humain qui lui enseigne ! » La langue de celui auquel ils font allusion est étrangère, et ceci est une langue arabe évidente.} An Nahl 103

{وَكَذَلِكَ أَنْزَلْنَاهُ قُرْآناً عَرَبِيّاً}.

{Ceux-ci sont les Versets du Livre évident. Nous le Révélâmes un Coran arabe, peut-être raisonneriez-vous !}  Youssef  2

{بِلِسَانٍ عَرَبِيٍّ مُبِينٍ}.

{…en langue arabe pure} As Chou’ara  195

 il nous dit que le Coran est en langue arabe  (بلسان عربي مبين  ) signifiant qu’il est révélé dans le parler des Arabes, mais signifiant  aussi qu’il est par lui-même une compétence d’éloquence et  de structuration de sens par sa construction syntaxique ainsi que par l’obligation du Taddabur (faire l’effort d’entrer dans le chemin de signification du Coran en s’appuyant sur la méditation intégrale du Coran et la sincérité du cœur en quête de vérité). Al i’rab (l’application des règles grammaticales et de la conjugaison) donne un texte mou’arab, éloquent, structuré, signifiant. Une langue dialectale sans syntaxe ne peut avoir l’éloquence et l’architecture  syntaxique pour véhiculer du sens, des concepts, des idées et devenir instrument de modernité c’est à dire véhicule de créativité et de conjugaison sémantique et symbolique si on se libère du sens européen de la modernité. Toute bataille livrée contre l’Arabe est une bataille insensée et cynique car elle sape les fondements de l’effort intellectuel et créatif qui passe nécessairement par la lecture et l’écriture d’une langue riche. L’arabe a plus d’alpahabet, de règles grammaticales, de mots  et de synonymes  le rendant apte à porter la parole divine et par conséquent à porter tout le génie humain, mais les arabes et les prétendus défenseurs de la modernité française et de l’archaisme berbère ont cru l’inverse par ignorance et mépris du beau.

Il faut absolument lire le texte de Zeinab Abdelaziz en arabe :

كبوة  » سيبويه » Sibaweyh (*)

Dans cette lutte idéologique, culturelle et spirituelle Zeinab Abdelaziz nous livre quelques clés et quelques jeux de mots pour comprendre les maux, les enjeux et les mécanismes qui se déroulent en silence et sous des formes multiples dans chaque pays arabe sans que les Arabes et les Musulmans ne tissent les liens pour voir que c’est le même combat contre l’islam et son socle culturel et linguistique qui se joue au Maghreb en particulier l’ Algérie eu égard à sa guerre de libération nationale contre le pacte de l’OTAN et au Machreq en particulier l’Egypte eu égard à son poids culturel et politique dans le monde musulman .

Ce texte riche en couleur, en jeu de mots, témoigne une fois de plus, de la consécration du sens, au féminin, dans la défense des causes justes sous un titre qui m’a interpellé pour en être l’écho alors que m’échappait toutes ses subtilités par ma connaissance sommaire de la langue arabe.

Il s’agit en réalité de la mise à nu des autres versants de la guerre contre l’Arabe et de sa mise à nu dans le processus historique de colonisation des esprits et d’Evangélisation des consciences par l’attaque sournoise des principales références de la langue arabe, son dictionnaire le plus représentatif et le plus prestigieux et dans l’attaque des références Boukhari et Muslim les transmetteurs par méthode scientifique de la Sunna du Prophète. Une œuvre diabolique qui oublie comme a oublié le colonialisme et avant eux les stratagèmes de Pharaons que contre la ruse visible des pervers il y a la planification invisible d’Allah à l’œuvre :

{L’œuvre des magiciens ne peut jamais prospérer?} Yunus 77

{Certes, les négateurs mettent en œuvre leurs stratagèmes, auxquels feront face les Miens. Accorde donc un délai à ces impies ! Accorde-leur encore un court répit !} at Tariq 15

(*) Sibaweyh – (140-180 h ou 760-/796 ap JC). De son vrai nom Abou Bachar ‘Amrou Ibn Othman Ibn Qanbar El Baçri il est l’un des plus grands – si ce n’est le plus grand – des grammairiens et linguistiques arabes. D’origine persane (né à Al Baydha près de Chiraz d’où il tire son surnom de Sibaweyh (odeur de pommiers) il a vécu à Bassora en Irak où il s’est consacré à enseigner l’Arabe et produire la première encyclopédie arabe dénommé Al Kitab, le Livre.

Le linguiste et historien maghrébin, Abdelaziz Abdallah, a mis en exergue une vérité historique et linguistique qui nous échappe hélas : « Durant trois siècles les Juifs se sont appuyés sur les écrits de Sibawayh, le savant linguiste arabisant, pour restaurer la grammaire de l’hébreux ». Les juifs et les Chrétiens, dans leur recherche historique reviennent aux manuscrits arabes qui sont en leur possession et qui témoignent du niveau inégalé de l’Arabe dans les sciences, la littérature et les arts.

Hommage à la langue de Sibaweyh

Diversion, subversion et scénario en marge ou en prolongement de la Révolution des cactus

Focalisé sur « la Révolution des cactus » qui a pris racine à Qasrine, Thala et Sidi Bouzid – semblables dans leur misère sociale et leur exclusion aux régions intérieures de l’Algérie qui ont mené le front contre le colonialisme – j’ai prêté attention aux discours éradicateurs algériens et tunisiens dans la seule perspective tunisienne et j’ai souligné quelques aspects limités et amalgamés du discours « progressiste »

« Soit les élites politiques et sociales encore saines prennent le leadership responsable d’une insurrection populaire qui gronde, comme tente de le faire avec lucidité et courage Saïd Sadi. Soit nous allons droit vers des actes d’agression, d’auto-défense et de chaos généralisé. »

La « lucidité et le courage » exemplaires de son excellence le seigneur de l’éradication et de l’exclusion m’interpellent une fois que la manifestation organisée à Alger sous le balcon du siège du RCD a percuté mon regard pour le détourner de l’actualité tunisienne et lui faire voir de nouveau ce qui se trame en Algérie.

Il s’agit juste d’un détour du regard mais les phénomènes sont idéologiquement, historiquement et géographiquement liés : la manipulation d’un peuple musulman, le déni de droit et de justice d’un peuple musulman que le colonialisme a séparé par des frontières pour le diviser et le soumettre à des prédateurs qui ne parlent ni sa langue ni ne pratiquent sa religion ni ne partagent ses souffrances et ses désirs.

C’est comme détour et division qu’il faut voir et analyser la manifestation du RCD algérien c’est-à-dire une diversion ou une subversion à la révolution tunisienne et non une continuité ou un prolongement.

Le scénario de la subversion

La première lecture est que la France tente de reprendre en main ce qu’elle a perdu en Tunisie en appliquant mal le principe américain de la guerre préventive. La seconde lecture est que la France est dans le désarroi le plus total. Kouchner un spécialiste du droit de l’ingérence humanitaire a quitté le gouvernement après avoir détruit tout ce qui restait de la politique étrangère arabe de la France. Dans la première ou seconde lecture les vassaux idéologiques de la France passent à l’offensive pensant ainsi l’obliger à réagir en leur faveur et leur donner le pouvoir qu’elle a donné aux militaires en 1991 comme elle l’a donné aux DAF en 1962. La France n’a pas les moyens de réaliser en Algérie une révolution des oliviers, des orangers ou de plantacées exotiques d’Afrique du Nord car elle ne sait pas le faire, car ce n’est pas sa culture coloniale et elle n’a pas d’autres réseaux que ceux de la répression policière et militaire et de l’indigénat intellectuel et idéologique sans proximité sociale et politique avec le peuple algérien. Quand Christophe Barbier défend Ben Ali, abandonné par les Américains, contre les Barbus son regard et son discours sont orientés vers l’Algérie dont les oreilles à l’écoute de la France captent et décodent le message comme dit le dicton algérien « c’est moi qui suis visé même si le discours s’adresse à mon voisin »

Le texte des « progressistes démocrates » convertis aux affaires, introduits dans le gouvernement algérien, son administration, son parlement, sa bureaucratie et sa rente économique sonne comme un avertissement, une intimidation à la France et un feu vert des relais franco berbéristes et franco éradicateurs au psychiatre algérien de jouer Néron brulant une seconde fois Rome.

Quand on lit attentivement les textes préparant la manifestation, l’accompagnant ou la concluant on est frappé par la capacité des intellectuels organiques, que le peuple a rejeté dans tout processus électoral, à s’autoproclamer élite et s’adjuver le qualificatif de saine. En réalité, au-delà du lapsus révélateur de leur inconscience, ils font comme si le peuple algérien est immature et ne sait pas qu’ils sont des marionnettes que l’impérialisme à utilisé et jeté comme du papier toilette pour stopper le processus électoral et faire payer à l’Algérie le prix de la décennie rouge , de la décennie noire et de la décennie des immolations publiques .

L’impérialisme a choisi le clan de l’armée car il représente le pouvoir réel et surtout la seule force capable de tenir tête aux islamistes en leur donnant le conseil, le renseignement et les armes. Les Français et les Américains n’ont pas voulu livrer le pays aux éradicateurs car l’armée fait le travail d’éradication mieux qu’eux et surtout l’analyse politique objective leur montre que les éradicateurs sans base populaire n’auront aucune légitimité pour gouverner un pays tel que l’Algérie. Le colonialisme sans état d’âme à confier l’exercice du pouvoir à une armée qui n’a pas de légitimité politique et qui va perdre la légitimité populaire de sa composition pourvu qu’elle se montre capable d’exercer le monopole de la violence des armes et de voler à son peuple toute légitimité. Mettre les éradicateurs au pouvoir et en première ligne c’était poussé l’Algérie à un embrasement généralisé. Le colonialisme connait l’Algérie et les Algériens et il a confiné les élites éradicatrices dans le rôle de seconds couteaux à travers les comités « patriotiques » et surtout à travers leurs relais de bureaucrate dans les postes clé de l’administration et de l’économie privatisée.

L’enfant gâté de la France a-t-il les moyens politiques et idéologiques de s’imposer comme alternative au régime militaire algérien ? Est-ce qu’il est dans son intérêt politique et médiatique de passer aux première lignes et de faire face à la révolution algérienne qui va venir inévitablement dans une semaine, un mois, une année ou une décade ?

La réponse est négative. Seule la panique devant la révolution tunisienne a fait sortir les pseudos démocrates algériens de leur mutisme et leur vacarme est une exigence médiatique pour leur survie politique.

Dans ce scénario subversif il y a sans doute l’idée de provoquer un embrasement de l’Algérie qui apportera selon leur analyse médiocre soit un déplacement médiatique vers l’Algérie laissant le soin à la répression et à l’impérialisme de reprendre le contrôle de la rue tunisienne soit une prise de pouvoir en Algérie rééquilibrant le rapport de force entre la CIA et les services français et les intérêts économiques de l’impérialisme et de la nouvelle bourgeoisie algérienne. Ce scénario pourrait être crédible quand on voit la déliquescence du paysage islamique en Algérie éclaté entre l’inertie des salafistes algériens, l’irresponsabilité morale et religieuse des soufis algériens, l’entrisme et l’embourgeoisement de certains cadres du HAMAS, de la NAHDA et du FIS. Il devient encore plus crédible quand on voit l’incapacité des partisans du changement à faire un diagnostic et à aller vers un rassemblement fédérateur sinon à un clivage fondamental sur la liberté et la souveraineté du peuple. Le RCD peut avoir des ambitions qui dépasse sa stature quand il voit le champ politique algérien éclaté et les revendications se focaliser en termes d’appareils sans travail de profondeur pour faire naitre de nouveau le débat d’idée qui est la plateforme révolutionnaire du changement sinon la couverture pour accompagner et formaliser les émeutes, les révoltes, les insurrections récurrentes. En réalité les éradicateurs savent que le peuple algérien est musulman et au moment propice Allah fera émerger de la société algérienne des élites musulmanes probes et sincères qui vont le conduire au changement radical et qui sauront cette fois ci construire les alliances stratégiques et tactiques avec les nationalistes, les laïcs sur le même dénominateur commun : achever l’indépendance de l’Algérie, accorder la liberté au peuple algérien et honorer l’être algérien dans sous ses droits inaliénables qui garantissent sa dignité humaine, intellectuelle, sociale, politique, économique et culturelle…

Le jour où le RCD prendrait le courage de venir s’excuser de ses dérapages catastrophiques et de ses trahisons contre le peuple algérien alors il sera peut-être devenu un parti crédible pour le peuple algérien.

{Si Allah Avait Trouvé en eux quelque bien, Il les Aurait Fait entendre. Et même s’Il les Fait entendre, ils s’écarteraient en se détournant.} Al Anfal 23

Le scénario de la diversion : scénario le plus probable

Quand on voit le lieu de la manifestation, sous le balcon du siège du RCD, on comprend le scénario joué maladroitement par un psychiatre et ses gardes fous qui font t de la politique comme s’ils manipulaient des névrosés sous tranquillisants.

Le RCD et ceux qui subventionnent ses donneurs d’ordres financiers, médiatiques et bureaucratiques ont joué une pièce de vaudeville : occuper le terrain social et politique selon la stratégie de la lutte idéologique qui consiste à tuer une idée dans l’œuf, à contaminer une image en la mettant à proximité d’une image négative ou à faire porter un message par celui qui n’est pas digne de le porter. Nous sommes dans un scénario préventif imaginé par les décideurs algériens pour inciter les jeunes à ne pas se rassembler sous aucune bannière car toute bannière de contestation politique est contaminée par celle du RCD poussé à prendre l’initiative pour empêcher toute initiative crédible et efficace.

Fakou ! Il y un dessein divin qui échappe à l’entendement du non croyant car ce dernier est privé de la lumière divine qui éclaire son œil spirituel et lui montre la vérité sous son aspect réelle et non telle qu’il veut qu’elle soit ou telle que ses maîtres veulent qu’elle soit. Le poète Abou Qacem Chebbi a laissé une belle poésie. Cette poésie ne sera efficace que si elle est actualisé dans sa signification spirituelle et métaphysique : ce n’est pas au destin de répondre aux peuples mais aux peuples de répondre à leur destin quand celui-ci les appelle à ce qui leur donne vie et dignité :

{O vous qui devîntes croyants, répondez à l’Appel d’Allah et au Messager lorsqu’il vous incite à ce qui vous fait vivre. Et sachez qu’Allah Intervient entre l’Homme et son propre cœur, et que c’est vers Lui que vous serez conduits.} Al Anfal 24

La fin brutale et rapide de Ben Ali annonce d’autres changements aussi brutaux et aussi rapides avec peut être une forme de violence que la nature historique, géographique et psychologique va imposer avec plus de force et d’expression. Il est temps de revenir à la raison et de mettre les intérêts des peuples et de la nation avant les intérêts partisans, sectaires et prédateurs :

{Répondez (favorablement) à votre Seigneur, avant que ne vienne un Jour qui ne sera point différé par Allah. Vous n’aurez point de refuge ce Jour-là, et vous n’aurez nul recours à quelque dénégation.} As Choura 47

Des grands noms de fils de martyrs et de déportés de la Révolution algérienne ont fait partie de cette manifestation et des instances dirigeantes de ce parti par parti pris idéologique ou par enthousiasme sans lucidité cela ne touche en rien à la gloire de leurs nom et à la grandeur de l’histoire de leur père dont les algériens sont redevables mais cela ne cache pas les millions anonymes de fils de martyrs et de déportés de la colonisation, de la guerre de libération et de la lutte contre l’oppression. Nos parents sont morts pour ce pays qu’Allah leur apporte sa miséricorde et qu’Il nous apporte la lucidité et le courage de défendre leur mémoire en étant du bon côté celui de la rectitude, de la bonne guidance et de la vérité. Le clivage n’est plus sur les harkis et les anciens combattants mais sur le devenir de l’Algérie : indépendante et honorée au service de tous ou vassale et déshonorée comme une prostituée travaillant pour une bande de proxénètes la démembrant comme chose à violer, à vendre et à mépriser. Le choix est clair si l’Algérie est vue comme une mère et ses enfants sont légitimes et vertueux et non des monstres ou des hypocrites qui sèment la corruption croyant que leurs stratagèmes sont infaillibles et invincibles :

{Il est parmi les Hommes celui dont les paroles dans la vie terrestre te plaisent, qui prend Allah en témoin sur ses bonnes intentions, alors qu’il est le pire des ennemis ; et s’il se détourne, il s’évertue de par la terre pour y corrompre, détruire la récolte et le bétail, mais Allah n’Aime pas la corruption. Et si on lui dit : « Crains Allah », il est pris d’orgueil par sa coulpe. Que la Géhenne lui suffise donc, et quelles piètres couches !}

{…les hypocrites ne comprennent pas. Ils disent : « Si nous retournons à al-Madinah, le plus puissant chassera sûrement le plus faible ». Et la Grandeur appartient à Allah, à Son Messager, et aux croyants, mais les hypocrites ne savent pas.}

Efin Said Sadi et ses comparses ont joué la partition qui leur a été imparti dans une Algérie qui ne trompe que les crédules et les rentiers : il a eu autour de son balcon et de quelques dizaines de manifestants le théatre médiatique pour jouer une scène qui comme dit Bertold Brecht «  on voit ceux qui sont sous la lumière mais on ne voit pas ceux qui sont dans l’ombre »

Le scénario subtil

Le scénario subtil que semble ne pas voir les élites arabes plongées dans les calculs d’appareils et les arrangements d’opportunisme je l’ai écrit dans mon livre « Gaza la Bataille du Forqane ».

en page 165 : … et il est entrain de se dérouler sous nos yeux un peu partout dans le monde arabe et musulman sous une forme porteuse d’espoir ou sous une forme funeste selon la direction prise par la dynamique populaire : La Main de Dieu agit dans le mystère et par des voies imprévisibles qui dévoilent les menteurs et séparent le vrai du faux :

{Ainsi complotaient-ils, mais Dieu déjoua tous leurs complots, car Dieu maîtrise tous les stratagèmes.} al anfal 30

La bataille du Forqane a montré le fossé qui existe entre les peuples arabes et musulmans et leurs gouvernants. Le soutien à Gaza apporté par les islamistes, les nationalistes, les laïcs de gauche est un front anti régime arabe et musulman. Par leur silence devant le massacre de Gaza les dirigeants arabes ont perdu toute boussole et ont rompu tous les liens avec leurs peuples qui les identifient à Israël. La victoire de HAMAS est perçue autant comme une défaite d’Israël que des régimes arabes.

Une autre grande victoire que Gaza a remporté contre le sionisme mondial est la mise en quarantaine d’Israël par l’opinion internationale. La rue occidentale et arabe a exprimé son rejet de la politique sioniste, son refus de continuer à reconnaitre un état fantoche, sa prise de conscience de la tragédie palestinienne et son désir de mettre fin à cette tragédie. Les peuples sont de plus en plus en contradiction avec les élites politiques et intellectuels dont ils ne comprennent ni le silence ni le soutien à Israël. Les élites vont se trouver sur cette question et tant d’autres mis discrètement en quarantaine ou totalement désavoués non seulement sur la politique étrangère mais intérieure.

Enfin il y a eu trop d’énergies contradictoires, déclarées ou refoulées, en si peu de temps qu’il est impossible que l’histoire continue à se dérouler « normalement ». Gaza est un moment historique plus fort que la chute du mur de Berlin ou l’effondrement de l’URSS et plus fort que la fin de la seconde guerre mondiale. Gaza annonce des changements majeurs dans les rapports entre opprimés et oppresseurs. Les contradictions vont s’aiguiser, les luttes vont durcir, les consciences vont s’affiner et la suite ne relève que de la loi de la dialectique qui gouverne le monde. Le Prophète dans des situations semblables disait : « O crise aggrave toi ! Tu vas aboutir à une issue bénéfique ». Les choses ne peuvent pas rester en l’état. Les régimes arabes qui vont s’accrocher au statut quo actuel doivent s’attendre à un Tsunami qui va les balayer de la surface de la terre. Les élites occidentales qui vont continuer d’occulter la réalité palestinienne ne font que conjuguer la crise financière et son corollaire la crise économique avec la crise morale réveillée par la guerre contre Gaza…

Quand l’opprimé ne trouve pas de tribune ni de soutien il ne faut pas lui reprocher la radicalisation de son discours et sa nature de plus en plus subversive du fait de son confinement à une clandestinité plus fermée et plus militante faisant fi des règles diplomatiques et de la rhétorique politique. Ceux qui reprochent au HAMAS et à d’autres mouvements islamiques leurs discours qui sont à l’opposé du « politiquement correct » doivent plaindre leur propre inertie et leur propre lâcheté qui n’ont pas permis à l’opprimé ou au colonisé d’avoir une tribune pour s’exprimer…

Dire, rompre le silence, est un devoir :

« Si tu vois ma communauté avoir peur de l’injuste, de lui dire tu es injuste, alors c’en est fini d’eux »

« Ordonnez le bien et interdisez le mal ou sinon, vous risquez que Allah fasse abattre sur vous un châtiment et vos invocations ne soient plus exaucées »

EN PAGE 365 :

Les choses ne peuvent pas rester en l’état. Les régimes arabes qui vont s’accrocher au statut quo actuel doivent s’attendre à un Tsunami qui va les balayer de la surface de la terre. Les élites occidentales qui vont continuer d’occulter la réalité palestinienne ne font que conjuguer la crise financière en sourdine et son corollaire la crise économique avec la crise morale réveillée par la guerre contre Gaza. Le châtiment divin les atteindra sans doute par des catastrophes écologiques et sociales sans précédent pour les pousser à s’interpeler sur le sens de la vie et sur le devoir d’assister l’opprimé…

En page 319

Nul ne peut enlever de la pensée arabe et musulmane la continuité de la guerre en Afghanistan, en Irak, au Liban et en Palestine. Nul ne peut nier le lien géostratégique entre la lutte pour le contrôle du poste frontalier Rafah en Palestine et celle du col de Khaybar en Afghanistan. C’est le même combat, les mêmes enjeux, la même stratégie que seuls les arabes et les musulmans frappés de paresse intellectuelle et de lâcheté ne veulent ni voir ni y trouver des liens :

{Ou bien est-ce que ceux dont le coeur est atteint d’un mal profond s’imaginent que Dieu ne dévoilera jamais leur haine ?} Muhammad 29.

conclusion

La haine des éradicateurs contre leur peuple est annoncée dans ce texte que nous avons présenté au début « Soit nous allons droit vers des actes d’agression, d’auto-défense et de chaos généralisé. » Ils ne proposent pas un état de droit mais un choix ou le chaox et le non droit ou on leur confie le droit à éradiquer les algériens. La partie de haine n’est pas finie en Algérie ou en Tunisie. Le renversement de la volonté des peuples est un projet inscit dans la culture coloniale et de ses indigènes

Omar MAZRI

Al Qaradaoui : la parution des groupes de violence

« Nous devons combattre pacifiquement pour le renversement des gouvernements en déroute »

« La plupart des gouvernements musulmans sont laïcs, mais la laïcité a des degrés »

Repris en arabe par islamonline par Mostafa Abdelméguide. Traduit et présenté en français par Dr Zeinab Abdelaziz et Omar Mazri

Le savant, docteur Youssef al Qaradaoui, président de l’Union Internationale des Savants Musulmans, assure que les groupes (jamaâtes) de la violence ont essayé la force, et ne sont pas arrivé à renverser un gouvernement ou à changer un système, considérant qu’il incombe aux musulmans d’apprendre des expériences du monde, pour changer les gouvernements qui échouent à leur mission, et qu’ils doivent combattre pacifiquement pour la réalisation de cet objectif.

Il fit l’éloge de l’expérience du parti turc « Justice et développement » dans son affrontement avec la laïcité, qui a sa mainmise sur le fonctionnement du parlement, en évitant l’affrontement, en ayant recours à la sagesse et à la graduation, jusqu’à la réalisation de résultats dont le monde en fit l’éloge.

Cela eu lieu durant le programme du lundi 7 septembre, « Le Fiqh et la vie », diffusé durant tout le mois de Ramadan, sur la chaîne « Ana » (12226 Hz Nile SAT), présenté par Akram Kassab, au cours duquel la discussion aborda les groupes de violence et ce à quoi ils aboutirent comme révisions, grâce auxquelles ils départirent de la violence et de l’expiation.

Al Qaradaoui considère que le Jihad ne s’arrête pas à l’épée, mettant en relief les innombrables autres aspects du Jihad, qui sont ouverts face à la jeunesse enthousiaste, parmi lesquels il dénombra, pour servir les gens : l’éducation, la culture et l’enseignement, l’annonce de l’Islam et la rectification des aspects trompeurs qui l’affectent de par le monde.

Q : – Quel est le moyen, à notre époque, à travers lequel la jeunesse, surtout l’enthousiaste, puisse faire quelque chose pour cette religion et sentir avoir accompli l’obligation du Jihad ?

R : – La jeunesse a le droit de s’enthousiasmer pour sa religion, et les ambitieux d’entre eux ont le droit d’aspirer à avoir part au Jihad pour l’amour d’Allah, d’être passionné pour le martyre, d’avoir une part de ce que les jeunes de parmi les Compagnons du Prophète (saws) avaient, tout cela c’est de l’enthousiasme légitime. Le problème se pose lorsque l’affaire est déplacée, alors ils s’engagent dans un combat qu’ils nomment Jihad mais qui n’a rien à voir avec le Jihad. Car toute chose a ses règles, ses normes et ses conditions. Des fois les conditions requises manquent, ou les normes nécessaires sont incomplètes. C’est pourquoi un Fiqh est indispensable. Ce programme télévisé d’ailleurs s’intitule « le Fiqh de la vie », car sans Fiqh tu ne peux rien présenter qui te soit agréé auprès d’Allah.

L’Imam Hassan al Bassary dit : recherchez la science de sorte à ne pas nuire au culte, et recherchez le culte de sorte à ne pas nuire à la science. Si des gens délaissent la science et prennent la route du culte, ils entrent avec leurs épées en dissidence avec la Oumma de Mohammad (saws), – il fait allusion aux Kharijites. Les Kharijites étaient de pieux adorateurs, qui jeûnent, qui sont constants, lisent le Qur’ân, se sacrifiant pour l’amour d’Allah. Leur défaut n’était point dans leur conscience ou leur cœur, mais dans leur tête, dans leur cerveau, puisqu’ils comprirent mal le Qur’ân et combattirent les musulmans, trouvèrent licite le sang d’autrui, au point de porter atteinte au Fils de l’Islam, le premier-né, Ali ebn abi Taleb (qu’Allah soit satisfait de lui). Une bonne compréhension du Fiqh est nécessaire, « Celui à qui Allah veut du bien Il le fait se pénétrer du Fiqh de la religion ».

Le Prophète a dit de ceux-là : « Ils lisent le Qur’ân mais il ne dépasse pas leur gorges ; l’un d’entre vous dédaigne sa prière par rapport à la leur, son Qiyâm (prière surérogatoire nocturne) au leur Qiyâm, son jeûne à leur jeûne, sa lecture (du Qur’ân) à leur lecture, et malgré cela ils dévient de la religion telle une flèche qui traverse la cible ». Ils font appel aux païens et tuent les gens de l’Islam. Il est donc important que le jeune homme comprenne bien le Fiqh de ce qu’il veut, pour l’amour d’Allah.

Q : – Vous êtes un des Cheikhs de l’éveil islamique des temps modernes, comment voyez-vous ces groupes qui portèrent les armes, versèrent du sang et chacun d’entre eux prenait comme prétexte des Versets du Qur’ân ou des Hadiths ?

R : – Les Kharijites faisaient de même aussi. Le problème de ceux-ci réside dans le fait de s’en tenir aux Verstes probables et de laisser les Versets précis. Tout le monde cite des Versets et prend comme argument des Hadiths, mais l’important est de mettre la citation dans son contexte, de ne pas altérer les mots de leur place. Ces jeunes ont une défectuosité dans leur Fiqh, ils ont leur propre Fiqh, qu’ils accumulèrent grâce à des lectures d’ici et de là, de certains cheikhs. Ce Fiqh a une défectuosité du côté de leur façon de voir les non-musulmans : ils considèrent le sang et les biens de tout non-musulman comme étant licite !

Partant de là ; certains d’entre eux trouvèrent licite de voler des magasins de bijoutiers appartenant à des coptes en Egypte, bien que ceux-là dépendent de Dar al Salam : il leur revient ce qui nous incombe et il leur incombe ce qui nous revient. Leur sang et leurs biens sont illicites. Bien plus, il nous est demandé de combattre pour la protection de leur sang, de leurs biens et de leur honneur. Le problème est qu’il existe une défectuosité dans ce Fiqh, dans le sens du Fiqh du changement du répréhensible, surtout quand il s’agit de changer ce répréhensible par force. Est-ce que toute personne qui voit quelque chose qu’elle considère comme répréhensible doit la changer par force, – bien que cette chose là ne jouisse point d’un consensus ?

Changement du répréhensible

Ces gens tirent leur argumentation d’un des Hadiths du Prophète (saws) : « Celui d’entre vous qui voit quelque chose de répréhensible qu’il le change avec la main, s’il ne peut le faire que ce soit avec la parole, et s’il ne le peut que ce soit avec le cœur, c’est le moindre de la foi ».

Mais cela a des conditions : 1e que ce soit du répréhensible, et pour qu’il le soit il faut qu’il y ait un consensus. S’il y a divergence, les savants disent : point de répréhension dans les questions à divergences. Prenons comme exemple, si je dis : le chant est licite, et toi tu dis illicite, tu n’as pas le droit de dire : c’est un concert de chant, et tu vas le détruire ! Pour les questions qui comportent une divergence on n’a pas le droit de lui imposer une répréhension, surtout par force.

Q : – Si c’était par exemple un théâtre où une danseuse performe sa danse presque nue, les jeunes doivent-ils changer cela ?

R : – Je n’ai pas terminé les conditions : 1e il faut qu’il y ait un consensus sur cette chose ; 2e il est indispensable que ce répréhensible soit devant toi, et non par supposition. Si ce théâtre est fermé, tu n’es pas censé y entrer. 3e tu dois être en mesure de changer ce répréhensible.

Ensuite, supposons qu’il y ait un répréhensible que l’Etat protège ou qui dépende de l’Etat, et que si toi tu le changes tu tombes en affrontement avec l’Etat. Qu’en serait le jugement en ce cas ? De parmi les conditions aussi : ne pas enrayer un répréhensible par un autre plus grand. Si par exemple tu vas dans un magasin de vidéos et tu provoques la mort de quelques personnes, l’emprisonnement de quelques autres, le dispersement de quelques familles, tout cela ne t’est point requis. Si le changement d’un répréhensif fait face à l’Etat, ce n’est pas chaque personne qui peut affronter l’Etat. Comme le dit justement Imam Ahmad : « Ne t’expose pas au pouvoir car son épée est tirée du fourreau ».

Q : – Ils disent mais nous avons recours à Allah ?

R : – Un répréhensif que l’état protège est éliminé par l’un des trois cas suivant les normes de notre époque : que tu aies un pouvoir sur l’armée, car l’armée est celle qui peut changer le système, – mais ce qui s’est passé de la part d’un groupe comme celui de l’école militaire en Egypte, il y a quelques décennies, n’est qu’un comportement enfantin, surtout dans un grand pays où il n’est pas facile de maitriser l’armée.

2e : Avoir mainmise sur le peuple, dans le sens où le peuple puisse te seconder, comme Khomeiny en Iran. Le Shah était autoritaire, oppresseur, encouragé par les américains, possédait une armée et un service de renseignement hautement équipé, le « Savak ». Mais Khomeiny a pu inciter le peuple à prendre son côté, poussa à une manifestation qui engloba des millions, le peuple se mit d’un côté et l’armée de l’autre. Ils s’entretuèrent durant des jours. Mais aucune armée au monde ne peut continuer à tuer ses familles et son peuple à l’infini. Elle s’est rendue. C’est ce qu’on appelle une révolution populaire.

3e : Le changement par l’intermédiaire de la démocratie, à travers les parlements, où tu te présentes aux élections, et si tu jouis d’une approbation populaire tu emportes la majorité. Grâce à cette majorité tu peux changer les règlements pour éliminer le répréhensible.

Révision de la violence

Q : – Certains jeunes enthousiastes, à un moment donné, surtout en Egypte, ont tué des touristes. Quel est le statut du meurtre de ces touristes ?

R : – Cela aussi revient à la défectuosité qui se trouve dans le Fiqh du jihad. Ils ont mal compris croyant que le sang du non-musulman est licite, et j’en ai prouvé la fausseté. La mécréance seule n’est pas une justification qui nécessite la mort des gens. Même les savants ont dits que le militaire, c’est-à-dire celui qui est attenant à des gens qui sont engagés dans une guerre contre les musulmans, s’il entre dans le pays des musulmans pour du commerce, il a droit à la sécurité, à être protégé. Si tu lui accorde l’aman, tu n’as pas le droit de lui nuire, – même si c’est une femme qui lui accorda cet aman, comme Om Hani, qui l’accordât aux parents de son mari, des voisins. Lorsque son frère Ali ebn abi Taleb voulu leur nuire elle porta plainte auprès du Prophète (saws). Il lui dit : « Nous protégeons ceux que tu as protégé, Om Hani ». Si telle était la protection du voisinage, de la part d’une femme, qu’en serait-il avec un visa livré par un Etat ?!

Q : – Cet Etat, ces jeunes le considèrent mécréant !

R : – Même s’il était mécréant, il gouverne des gens, et cette personne est entrée dans le pays en étant tranquille, croyant qu’elle est sauf dans un pays islamique et qu’il n’est point permis, en aucun cas, de lui porter atteinte. C’est pourquoi, lors du carnage de Louqsor, j’ai donné un sermon connu, où j’ai protesté foncièrement contre cet acte. Car cela porte atteinte à l’Islam et aux musulmans. Puis, quel est le tort d’un Suisse ou d’un Japonais que tu tues alors qu’il venait en touriste ? C’est une défectuosité dans leur compréhension du Fiqh du jihad, des relations entre humains, et une défectuosité dans la réaction contre les gouvernants, une défectuosité dans le Fiqh du changement du répréhensible, et une défectuosité dans le Fiqh de l’expiation. Ces cinq sortes de défectuosité poussèrent ces jeunes à tomber dans le crime. Je rends grâce à Allah que la plupart de ces jeunes, ou la tendance générale de parmi eux, prit connaissance de ces fautes.

Q : – Etes-vous d’accord sur cette révision ?

R : – Bien sûr. Personnellement, lors des révisions des groupes islamiques en Egypte, j’ai incité les autres groupes à faire de même. Ensuite, le groupe du jihad, en Egypte, les a rejoint, de même Dr Sayed Imam. J’ai aussi incité al Qaeda à se rétracter. L’être humain n’est pas infaillible. Chaque personne est tenue par sa parole et on lui réplique, sauf celui qui gît dans ce tombeau, comme dit Malik en pointant la tombe du Prophète.

Chaque être humain se doit de se réviser surtout s’il trouve que les gens autour de lui réprouvent ce qu’il fait. Est-ce que cela veut dire que tout le monde a tord et que lui seul a raison ? Ce groupe, le frère Nagueh Ibrahim et ses collègues, ils ont eu complètement raison de revoir leur Fiqh objectivement, et avouèrent qu’ils s’étaient trompés de route. C’est ce que nous devons encourager, faire l’éloge, car il n’y a rien de meilleur qu’une personne qui se rectifie elle-même.

L’hérésie de l’expiation

Q : – Ceux-là ont versé du sang, ont tué, est-ce que tout le monde a cette audace ?

R : – Tout le monde est capable de cela, et chaque personne est capable de réviser ses actes. Pourquoi alors Allah demande la repentance (Repentez-vous, revenez vers Allah). Que veut dire la repentance ? La rétraction d’un passé vers un présent nouveau. La rétraction peut se rapporter pour le comportement, et peut l’être pour un mode de pensées et de conceptions. C’est un courage moral qu’il faut reconnaître à ceux qui le peuvent.

Je saisi cette occasion pour exprimer mon admiration et mes éloges pour ces jeunes, et j’incite tous les autres groupes dans les différents pays, comme l’Algérie, le Maroc, l’Arabie Saoudite, le Yémen, le Pakistan et l’Iraq, à récapituler, à craindre Allah pour le sang versé des musulmans. Le Prophète (saws) a prohibé même si un homme fait signe à son frère avec son arme, rien qu’un signe, fut-il sérieux ou pour rire, qu’en est-il alors de celui qui l’égorge ? Il a aussi mis en garde de cela dans le discours d’adieu : « Ne redevenez pas mécréant après ma mort en vous entrecoupant la gorge », et dit « Blasphémer le musulman est une immoralité, le combattre est une mécréance », et aussi « Si deux musulmans se font face avec leurs épées, le tué et le tueur iront au feu ». Il dit ceci pour le tueur, mais le tué, Prophète ? Il dit : « Il veillait à tuer son copain ». As-tu pareille incitation à la Oumma pour se réviser et se réconcilier ?

Q : – Est-ce que vous trouvez que ces jeunes, lorsqu’ils ont commis ces actes, leur but était que la gouverne revienne à l’Islam ou bien avaient-ils d’autres intentions ?

R : – Nous ne pouvons pénétrer leur conscience, et supposons qu’elle était entièrement vouée à servir l’Islam. C’est ce qui est apparent dans leur affaire. Mais comme je l’ai dit, la bonne intention seule ne suffit pas. Allah n’Accepte l’œuvre à moins qu’elle ne soit pure et juste. L’intention seule ne suffit que si elle s’accorde avec le système de la Loi (Charia). Les exemples de défectuosité, l’expansion dans l’expiation qui eut lieu, de sorte que certains disaient : après le quatrième siècle de l’Hégire tous les musulmans étaient des mécréants. Cette affaire d’expiation est très grave : « Qui accuse son frère de mécréance, l’un des deux l’encoure ». Lorsqu’un musulman dit à un autre : tu es mécréant, c’est une coulpe religieuse, une coulpe scientifique, une coulpe de mouvement et une coulpe politique. C’est pourquoi il faut se dresser face à cette vague expiatrice.

Les gouvernements laïcs

Q : – Certains jeunes regardent les gouvernements d’une façon pessimiste, accusent certains d’entre eux de mécréance, accusent d’autres d’hypocrisie. Comment voyez-vous actuellement les gouvernements arabes ou musulmans ?

R : – Les gouvernements arabes ou les gouvernements musulmans sont des degrés et des niveaux. On ne peut généraliser ces choses. Il y a des gouvernements qui croient en l’Islam, en la Charia de l’Islam, mais ils appliquent une part et laissent le reste. Il y a un gouvernement qui ne croit pas en l’Islam comme référence et ne croit pas que la Charia islamique puisse être la base essentielle pour la vie des musulmans. Bien plus, il y en a qui haïssent l’Islam et les musulmans, il y en a des gouvernements laïcs. La plupart de ceux qui gouvernent les pays des musulmans et des arabes sont des laïcs. Mais il y a une laïcité apprivoisée, et une laïcité sauvage, tyrannique. Une laïcité qui coexiste avec la religion, et une autre qui la refuse catégoriquement. J’ai deux ouvrages sur la laïcité, l’un est intitulé : « L’Islam et la laïcité face à face », et l’autre « L’extrémisme laïc ». L’extrémisme laïc est très périlleux car il vise à expulser l’Islam de la vie.

C’était du point de vue purement religieux. Mais si tu regarde le côté humain, les gouvernements sont sensés protéger les droits de l’homme, veiller à trouver de l’emploi pour les chômeurs, à la formation professionnelle des ouvriers, à nourrir les affamés, à éduquer les ignorants, à soigner les malades, à veiller sur les gens. Mais ce genre de gouvernements n’assume pas ce droit. C’est pourquoi nos peuples sont égarés et nous sommes à la queue de la caravane, après avoir été à la tête. Nous faisons tous partie des pays sous développés, ou du tiers-monde, et s’il y avait un quarto-monde certains de nos pays s’y seraient affiliés ! Malheureusement la situation de nos gouvernants est insatisfaisante, mais comment faire face à cela ? C’est-à-dire n’avons-nous d’autre moyen que d’essayer de tuer ce souverain ou de l’assassiner ? Nous avons essayé ces moyens et ils n’aboutirent à rien.

Q : – Qui est celui qui a essayé ?

R : – Les groupes islamistes ont eut recours depuis longtemps, mais la violence n’a jamais pu changer un système, renverser un gouvernement ou éliminer un répréhensible. Tout au plus ils ont pu tuer un chef de gouvernement ou un ministre, mais la situation demeure la même. Des fois celui qui a été éloigné s’en va et celui qui le remplace est pire. Il faut que la Oumma se trouve d’autres moyens pour profiter des expériences de l’histoire, des expériences du monde, car le monde a pu se mettre d’accord sur des moyens précis pour destituer un gouvernement s’il échoue à assumer sa mission. Nous devons combattre pacifiquement pour arriver à ce point. Sans cela nous n’y pourrons rien.

L’expérience turque

Q : – Vous refusez de faire la guerre au monde, et maintenant vous refusez de vous insurger contre les gouvernants, quel serait donc le jihad que la jeunesse pourrait assumer en ces temps modernes ?

R : – Les portes ouvertes pour le jihad sont innombrables. Il y a le jihad à l’intérieur, coopérer avec les peuples pour l’éducation, la formation en Fiqh, l’enseignement, l’unification pour un dénominateur commun pour le bien et pour le vrai. Il faut distribuer des rôles variés à la jeunesse. Il y a le travail à l’extérieur pour inviter les non-musulmans à l’Islam. Il y a des milliards de gens qui vivent et meurent sans rien connaître de l’Islam. D’autres qui connaissent un Islam déformé, que c’est une religion de guerres et d’épées, que Mohammad n’a cessé de tuer les gens d’un côté et d’entasser les jolies femmes de l’autre ! Il nous est demandé de faire connaître la vraie face de l’Islam.

Cette jeunesse, si elle voulait servir sa religion, sa Oumma, faire triompher la Charia, les portes sont larges ouvertes. L’homme ne peut être incapable de trouver un moyen pour établir la justice, résister à l’injustice, inciter au bien et réfuter le mal. L’homme ne peut rester complètement incapable pour toujours. Cela ne serait que par peu de moyens.

Je cite en exemple une tentative réussie de nos confrères en Turquie. Face à la laïcité autoritaire qui put éliminer le Califat islamique et remporter la victoire sur le peuple turc pieux, par le feu et par le fer, par la violence et par le sang, et d’édifier un Etat laïc depuis 1924 jusqu’à nos jours, de sorte qu’à un moment donné il a empêché l’Appel à la prière, imposa l’exhibitionnisme par la loi, fit que toute la législation soit hors de la Charia, comme l’égalité en héritage entre homme et femme.

Puis vinrent nos confrères du Parti de Justice, et avant eux le Parti de la Concorde, et celui du Bonheur… Ce sont des musulmans dans l’essence, mais ils eurent recours à la raison, car l’affrontement direct ne mène à rien. Ils usèrent de sagesse et de graduation : « Dieu n’a pas créé le monde en un jour mais en six ». Ils ont pu réaliser d’immenses acquis au service de l’Islam et du peuple turc, et finirent par avoir une place dans le monde entier, même dans le monde occidental.

Q : – Vous trouvez qu’à l’intérieur le changement doit se faire graduellement et pacifiquement, mais en ce qui concerne l’extérieur, trouvez-vous que les médias assument actuellement le rôle nécessaire du jihad ?

R : – Ce que je viens de dire, nous n’avons plus besoin d’armées déchainées, de soldats enrégimentés, d’épées hors de leur fourreau, ou de porter des mitraillettes pour faire parvenir l’Islam au monde. Peut-être cela aurait été valable au temps de Kesra et de César qui séquestraient les gens.

Maintenant les portes sont ouvertes, c’est un monde ouvert, la radiodiffusion, les chaînes télévisées qui s’adressent au monde en toutes les langues, l’internet et son immense possibilité de renseignement, les découvertes scientifiques qui nous offrent la possibilité de nous adresser aux gens à leurs domiciles, dans leurs chambres à coucher, dans leur voitures et dans les rues. Mais, avons-nous eu recours à tout cela ? Malheureusement pas.

Q : – Lorsque vous avez formez le site « Islam on line », vous dites que c’est le jihad des temps modernes. Sur quoi vous êtes vous appuyé ?

R : – Comment faire parvenir le message ? Mais on ne va pas ouvrir leur bouche pour le leur ingurgiter ! L’invitation consiste à dire aux gens que l’Islam a apporté le monothéisme d’Allah, la fraternité humaine, les valeurs morales, le côté humanitaire. Faire connaître les qualités de cette religion. Les gens réfléchissent, peut-être au début ils vont refuser puisque c’est le contraire de ce avec quoi ils ont grandi, mais petit à petit les réactions changent.

Comment l’Islam s’est-il répandu dans le monde ? S’est-il répandu par l’épée comme ils disent ? Il y a des pays musulmans où l’armée n’a point pénétrée. L’Indonésie, le plus grand pays islamique actuellement est-ce qu’une armée a été en Indonésie ? En Malaisie, aux Philippines ? La plupart des pays de l’Afrique ?

L’Islam s’est répandu grâce au commerçants, aux soufis, car l’islam c’est le bien-savoir de l’invitation : « Appelle à la Cause de ton Seigneur par la sagesse et la bienveillante exhortation, et discute avec eux de la façon la meilleur ». Le dialogue avec bienveillance veut dire s’dresser aux gens avec leur langue.

Et l’expression « avec leur langue » Je la comprends d’une façon bien plus large que le sens d’inviter un Anglais en langue anglaise ou un Russe en langue russe. Elle veut dire : s’adresser aux spécialistes en langage de spécialistes, aux communs des gens en langage des communs. Aux gens de l’Est avec le langage de l’Est, aux gens de l’Occident avec le langage de l’Occident. Adresse-toi aux Chinois en un langage autre que celui que tu parles avec les Britanniques. Ceux-ci ont une façon pour que tu puisses atteindre leur pensée, et ceux-là en ont une autre.

Nous voulons entraîner des dizaines de milliers de partisans qui puissent bien présenter l’Islam, ce message céleste, humain, moral, international, à tous les gens à travers le monde, afin que la Miséricorde d’Allah puisse s’étendre à tous. Il est dit : « Et Nous ne t’Envoyâmes que Miséricorde pour les Univers ».

Commentaire de Omar Mazri sur cette interview :

Cette interview de Qaradhawi et son livre « l’Islam politique »  qui date de quelques années sont en porte à faux avec ses positions récentes sur la Libye et la Syrie où il devient un fanatique extrémiste terroriste incitant au meurtre, promulguant des Fatwas meurtrières et incendiaires et allant contre le bon sens géopolitique et transgressant les fondamentaux de l’Islam : la sacralité du sang musulman, le refus de prendre les armes contre le gouvernant musulman sauf s’il interdit la salat ou déclare son apostasie, le refus de s’allier avec les mécréants colonisateurs qui agressent un pays musulman. Qaradhawi et son institution qu’il préside comme un tyran et qui le suit comme un troupeau soumis n’ont produit aucun argument religieux pour justifier la violence armée en Libye et en Syrie ni répondre à la question qui sera posée : qui sera moralement responsable de ces morts, de ces handicapés, de ces veuves et de ces  orphelins.

Une autre question reste en suspens si on se dit que Cheikh Qaradhawi n’est pas atteint de sénélité ou d’isolement qui lui déforment la réalité : pour quel agenda est-il en train de parler et d’agir : pour Allah et les Musulmans ou pour l’OTAN et les monarchies arabes vassales des USA?

Une dernière question est adressée à cette grande dame Zeineb Abdelaziz : pourquoi rester dans cette association qui est passée de celle de savants oeuvrant pour Allah à celle d’incitateurs à la haine et à la Fitna. Votre devoir est de démissionner comme l’a fait avant vous le Dr ‘Arwa l’ancien secrétaire général qui accuse Qaradhawi de despotisme.